4 Le basket-ball : de la rue au milieu scolaire.

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4 Le basket-ball : de la rue au milieu scolaire.
Productions Méthodologiques et Thématiques en Education – N° 1 – Juin 2008
4 Le basket-ball : de la rue au milieu scolaire.
Département STAPS de Tarbes
Université de Pau et des Pays de l’Adour
Mots clefs :
Calcul d’engagement –
Transposition didactique
Adaptation - Street-ball - Motivation
Vers la fin du XIXème et début XXème, les loisirs se développent et se diversifient
avec notamment l'apparition de nouvelles pratiques comme celles de plein air ou les pratiques
de rue. Parmi ces dernières, le street-ball est significatif du changement des attentes de ce
genre de pratiques. En effet, le street-ball ou basket de rue est une variante du basket-ball se
pratiquant en extérieur bien souvent sur du goudron (des terrains dénommés playground…). Il
se caractérise par la négligence de nombreuses règles du basket traditionnel privilégiant les
actions spectaculaires. Dans ces pratiques, l’enjeu est immédiat : il s’agit par exemple
d’obtenir le gain d’un terrain. Le fait d’obtenir un terrain ou d’assurer le spectacle représente
les motivations principales des pratiquants de ce sport de rue.Avant de participer au match, le
pratiquant estime ou non si ça vaut le coup de s’engager et se demande si cela en vaut la
peine. On dit qu’il fait un calcul d’engagement.90 Quant au basket dans le milieu scolaire, les
enjeux sont différés et pas forcément très clairs.
Nous pouvons alors nous demander si l’enseignant d’EPS doit respecter les éléments du
street-ball pour enseigner le basket au collège sachant qu’il a pour mission de faire acquérir
des compétences présentes dans les programmes. Si oui, lesquels serait-il intéressant de
garder pour maintenir la motivation de chaque élève qu’il soit pratiquant ou non ? Le calcul
d’engagement joue-t-il un rôle dans la mise en action des élèves ?
Fort de ce questionnement, nos propos viseront à démontrer que pour satisfaire le calcul
d’engagement des pratiquants ou non pratiquants, l’enseignant devra trouver une voie
d’entrée dans l’APS, manière dont l’enseignant entre dans l’activité, tout en respectant les
exigences des programmes.
Nous expliquerons tout d’abord comment l’enseignant traite l’activité grâce à la transposition
didactique91. Puis nous aborderons ensuite le concept de calcul d’engagement et le versant de
l’élève en tenant compte de son vécu, ses affects.
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Famose J-P. La motivation en éducation physique et en sport. 2001
Verret M. Le temps des études. 1975
Productions Méthodologiques et Thématiques en Education – N° 1 – Juin 2008
Dans cette première partie nous nous intéresserons à la transposition didactique, soit le
versant de l’enseignant pour expliquer comment ce dernier traitera l’activité pour satisfaire les
deux profils, à savoir les pratiquants et les non pratiquants du street-ball. Le terme
« transposition didactique » désigne l’ensemble des transformations que subit un savoir dit
savant afin d’être enseigné. Il ne suffit pas d’avoir des connaissances sur un sujet pour
pouvoir l’enseigner correctement, sauf à vouloir l’enseigner par imitation d’un modèle donné
comme dans l’enseignement traditionnel. Tout d’abord, lors de sa pratique, l’élève jouant au
street-ball ne recherche pas les mêmes buts que ceux recherchés dans le milieu scolaire. En
effet, dans la pratique de rue le spectacle est privilégié. En ce sens de nombreuses règles sont
négligées comme par exemple les portés de balle ou certains marchés. Or, dans les
programmes des sports collectifs du 10 Janvier 1997, les compétences propres indiquent qu’il
est nécessaire que les élèves appliquent et fassent respecter dans le jeu un règlement adapté.
Le règlement fédéral (interdiction de marcher avec le ballon sans dribbler, de porter la balle,
de reprendre le dribble après l’avoir arrêté, sanction des contacts…) représente ainsi une
contrainte non sans conséquences pour l’élève pratiquant le street-ball car ceci peut entraîner
un frein à son engagement en diminuant sa motivation. Pour maintenir cette dernière et écarter
toutes difficultés il sera préférable que l’enseignant établisse un juste milieu entre le streetball et le basket-ball en milieu scolaire pour réussir à captiver tout style de public bien qu’en
restant dans le respect des programmes. En ce sens l’enseignant, pour répondre au règlement,
peut se servir du principe d’auto arbitrage qui est caractéristique de la pratique de rue afin
d’inciter tous les élèves à adopter des rôles sociaux participatifs: arbitres, juges,
chronométreurs…Cette logique participative nous amène à considérer la motivation de l’élève
comme partie intégrante de l’enseignement. En effet, le simple fait d'abaisser la hauteur des
paniers peut permettre de maintenir la motivation en ce sens que l'élève réalisera la tâche
demandée tout en gardant à l'idée l'aspect spectaculaire présent dans cette activité. Par
exemple, on pourra leur demander de réaliser un un contre un finalisé par un dunk. Ces
adaptations vont satisfaire le calcul d’engagement des pratiquants du street-ball et faciliter
leur investissement dans la réalisation de la tâche.
En agissant de la sorte, l'enseignant répond bien au concept de transposition didactique
nécessaire au passage du street-ball à la pratique scolaire. Bien que la motivation soit
indispensable, soutend-elle l’engagement des élèves et peut-elle conditionner la réussite de la
tâche ?
Dans cette deuxième partie nous nous intéresserons au concept de calcul d’engagement et
nous montrerons que les affects, le vécu influencent le fait de s’investir ou non. En effet, en
entrant dans l’activité, l’élève se présente avec un soi social92 actuel en désirant atteindre un
soi social idéal. Cela signifie que l’élève arrive en cours avec des représentations sur lui qu’il
va tenter d’améliorer. Il s’agit pour l’élève, considéré comme moyen, d’améliorer son dribble
pour pouvoir progresser sans perdre le ballon ou pour l’élève plus confirmé de transformer un
simple panier en un dunk ou alley-hoop. Pour y parvenir celui-ci va étudier la tâche assignée
proposée par le professeur, analyser le but puis évaluer les expectations qu’il a envers cette
tâche par le biais de ses affects et de son vécu. Le professeur propose une tâche assignée93 à
l’élève et ce dernier la redéfinie avant le début de son action en fonction de ses
caractéristiques personnelles. Si l’élève pense qu’il a toutes les possibilités pour y accéder car
ses affects sont positifs, étant basketteur par exemple, alors il va réaliser la tâche sans en
changer le but donné par l’enseignant. Au contraire, si ses affects sont négatifs, du fait qu’il
n’ai jamais pratiqué le basket-ball ou en ayant un mauvais souvenir, il va transformer ce but
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Famose J-P. op. cit. 2001
Famose J-P. Pédagogie de situation, revue EPS n°1, 1982
Productions Méthodologiques et Thématiques en Education – N° 1 – Juin 2008
en anti-but94 c’est-à-dire en résultat qu’il ne souhaite pas et qu’il va chercher à éviter.
Concrètement il s’agit pour l’élève de ne pas paraître incompétent aux yeux des autres. Le
résultat obtenu suite à la réalisation de la tâche va influencer sur le soi social de l’élève. En
effet, si le résultat recherché est atteint alors le soi sera influencé positivement et ceci
développera notamment son estime, sa valorisation et sa croyance d’efficacité personnelle95.
Elle “représente la croyance du sportif sur la possession ou l’accès qu’il pense avoir à un
ensemble de causes requises pour réussir”. Ainsi, lors de l’exécution d’une prochaine tâche,
en ayant le sentiment d’être compétent, l’élève aura confiance en lui et s’engagera avec
motivation, sans craintes et sans soucis dans l’activité. Alors qu’à l’inverse, si le résultat qui
était prospecté n’a pas abouti, l’élève se justifiera par des stratégies d’évitement96 telles que la
théorie d’auto handicap97 ou encore celle de l’impuissance apprise98. Les stratégies d’autohandicap « consistent paradoxalement, dans le but de préserver l’estime de soi, à dresser soimême des obstacles sur la route de ses propres succès ou non de son propre progrès. Il peut se
traduire par une diminution de l’effort, par le choix de tâches trop faciles ou trop
difficiles… ». Ainsi, les effets néfastes pour son soi vont se développer à tous points de vue et
des affects négatifs s’installeront ce qui abaissera la motivation de l’élève tout comme son
engagement lors de la prochaine réalisation de la tâche. Cette analyse est alors une étape
préalable à la réalisation d’une tâche. En effet, lorsque l’élève arrive en cours de basket-ball,
il procède de telle sorte au calcul d’engagement qui influencera son implication dans
l’activité.
En définitive, nous avons tout d’abord montré que le professeur, par une transposition
didactique ajustée en fonction de son public, permet de répondre aux attentes des programmes
mais aussi à celles de ses élèves. Ensuite, nous avons montré qu’à partir de la tâche que donne
l’enseignant, c’est-à-dire la tâche assignée, l’élève fera lui-même son calcul d’engagement en
fonction de ses affects antérieurs, de son vécu pour se fixer un but, planifier ses actions et
ainsi atteindre un résultat.
Ainsi nous avons voulu démontrer que pour satisfaire le calcul d’engagement des pratiquants
ou non pratiquants, l’enseignant devra mélanger le street-ball et le basket-ball afin de
préserver chez eux l’intérêt et la motivation qu’ils ont pour cette APS. Pour cela, il pourra
garder les rôles sociaux participatifs, la notion de spectacle grâce à l’abaissement des paniers
permettant les dunks mais devra cependant insister sur quelques points du règlement officiel
sous peine de dénaturer l’activité comme l’absence de contact, la règle du marcher, de la
reprise de dribble et la structure de l’équipe (se rapprocher du cinq contre cinq).
D’après ce raisonnement, nous pouvons dire que pour maintenir le calcul d’engagement dans
toutes les APS, l’enseignant devrait effectuer une transposition didactique. Si nous prenons le
cas des APPN (Activités Physiques de Pleine Nature) et plus particulièrement l’activité course
d’orientation, l’enseignant peut profiter des capacités déjà présentes chez les élèves à se
repérer dans les lignes de transport en commun (métro, bus, tramway…). Nous sommes alors
en mesure de nous demander comment les autres enseignants des différentes disciplines
s’adaptent-ils en fonction de leur public pour favoriser les apprentissages.
Hergault Christelle – Lapeyre Laurie – Laplace Mathieu
Licence 3 Education & Motricité
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Famose J-P. op. cit. 2001
Ford M. Motivating humans : goals, emotions and personnal agency belief. Newbury Park, CA : Sage 1992
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Famose J-P, dossier EPS n°35, 1996
97
Famose J-P op. cit. 1996
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Peterson C. – Maier S. – Seligman M. Learned helplessness : a theory for the age of personal control. New
York : Oxford University Press 1993
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