Actes du colloque transports et handicap

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Actes du colloque transports et handicap
Transports et handicap
CRAMIF
« Etre conducteur »
Modérateur : Docteur Paul LE NOUVEL,
SCAPH 95
Démarches, évaluations, permis de conduire, aménagements
du poste de conduite
Témoignage
Nicolas VU
Bonjour. Lors d’un séjour dans le centre de rééducation de Kerpape en 2001, afin de réaliser un
bilan d’autonomie, l’équipe rééducative m’a proposé de conduire. A ce moment-là, j’avais vingt ans
et je ne m’étais jamais demandé si je pouvais conduire ou non. J’étais très heureux, mais quelque
peu anxieux. Nous avons effectué deux essais de conduite, l’un dans un monospace avec un
joystick au niveau de la boîte de vitesse. L’essai s’est avéré très positif, à tel point que l’équipe
rééducative m’a demandé de faire quelques kilomètres hors du centre. Après réflexion, nous nous
sommes néanmoins dit que cet aménagement était trop couteux. Le deuxième essai a été effectué
sur une berline, aménagée avec une boule au volant et des pédales rehaussées, étant donné que je
peux utiliser mes pieds. Cet essai s’est également avéré très concluant.
Nous devions ensuite prendre en compte le fait que j’étais en fauteuil et nous interroger sur les
aménagements nécessaires, ainsi que nous poser la question du financement. A ce moment-là, mes
parents étaient aussi très inquiets, parce qu’ils ne pensaient pas que je pouvais conduire. J’ai donc
mis pour un temps de côté cette possibilité d’être autonome au niveau des transports.
De 2001 à 2003, je suivais une formation en BTS et ma mère m’accompagnait chaque jour en
monospace, aménagé de rails manuels, afin que je puisse monter avec mon fauteuil électrique dans
le véhicule. Après avoir obtenu mon BTS, je souhaitais entrer dans la vie active et l’alternance s’est
avérée la meilleure des solutions. Je me suis adressé à la mission locale de Taverny, afin qu’elle
m’aide à trouver une entreprise. La première question qu’ils m’ont posée était : « avez-vous le
permis ? ». J’ai répondu que je ne pouvais pas conduire et la mission m’a indiqué que les
entreprises recherchaient avant tout des personnes autonomes.
En 2004, je me suis adressé à un ami paraplégique qui conduit de façon autonome et celui-ci m’a
dirigé vers l’auto-école de Taverny. On m’a alors recommandé de m’adresser au SCAPH 95 afin de
pouvoir monter un dossier ainsi que le projet de financement. Anne WAUQUIER m’a alors mis en
relation l’assistante sociale de l'APF. En parallèle, j’étais parvenu à trouver une entreprise en
alternance, grâce à l’association Tremplin, qui aide les étudiants en situation de handicap dans leurs
démarches. Je suis donc devenu apprenti chez IBM, pour un stage d’un an. Je prenais les transports
en commun, heureux que les stations de Cergy et de la Défense sur la ligne A du RER soient
accessibles.
Paris, le 12 février 2008
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Anne WAUQUIER du SCAPH 95 a joué un rôle fondamental de coordinatrice de centralisation
entre les différents interlocuteurs, les financeurs, l’aménageur et l’auto-école. Un des principaux
financeurs, l’AGEFIPH, était disposée à financer une grande partie de mon projet. IBM m’a
également proposé un financement à hauteur de 3 000 euros, tant que j’étais apprenti chez eux.
Nous étions alors en mars 2005 et mon contrat prenait fin en septembre 2005. Nous avons ensuite
rencontré l’aménageur afin de déterminer comment j’allais pouvoir monter dans le véhicule. Nous
avons finalement opté pour un monospace Citroën.
Le coût total de l’aménagement s’est élevé à 17 800 euros. Les financeurs étaient IBM, la Caisse
générale, le Conseil général, le Conseil régional, les fonds de compensation, la CPAM, la MGEN et
l’AGEFIPH. Cependant, le financement ne pouvait pas être mis en œuvre tant que je ne disposais
pas du permis de conduire ni de véhicule, qui était à la charge de ma famille.
A partir d’avril 2005, j’ai commencé à prendre des cours de code et de conduite. Une commission
devait passer avant le mois d’août pour recueillir l’accord de tous les financeurs. Je devais donc
obtenir mon code et mon permis dans un temps très restreint. J’ai finalement réussi à avoir mon
permis de conduire et à acheter ma voiture de façon un peu précipitée. A partir de ce moment-là, il
ne fallait plus qu’attendre les différents versements des financeurs, afin d’aménager mon véhicule.
Cet aménagement s’est poursuivi jusqu’en décembre 2005. Depuis cette date, je conduis de manière
autonome.
Je tenais à remercier toutes les personnes qui m’ont soutenues et encouragées. Mes parents, bien
que réticents au début, m’ont toujours soutenu. Sans les professionnels que j'ai rencontré, ce projet
n’aurait jamais pu être mené à bien.
Un film est diffusé sur grand écran.
Docteur Paul LE NOUVEL
J’ai particulièrement apprécié, dans votre exposé, la mention de l’inquiétude des parents, qui ne me
surprend pas, votre motivation très importante par rapport à l’exercice professionnel, c’est-à-dire
votre besoin impératif de disposer d’un moyen de locomotion autonome, les problèmes de
financement et votre souci compte tenu de la célérité avec laquelle vous deviez obtenir votre permis
de conduire.
De la salle
Avez-vous rencontré des difficultés au niveau de l’assurance ?
Nicolas VU
Oui, dans la mesure où il s’agissait d’un véhicule d’occasion et que j’étais jeune conducteur. J’ai
laissé à mon père le soin de gérer cette question.
Paris, le 12 février 2008
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De la salle
Comment avez-vous appris à conduire, dans la mesure où vous ne disposiez pas encore du véhicule
adapté ?
Nicolas VU
J’ai appris lors de mon séjour dans le centre de rééducation de Kerpape
De la salle
Je précise ma question : je m’interrogeais sur l’auto-école dans laquelle vous avez appris à
conduire.
Nicolas VU
J’ai appris à l’auto-école de Taverny, dans une berline avec pédales rehaussées et boule au volant.
De la salle
Comment faites-vous pour alimenter votre voiture en carburant ?
Nicolas VU
Je sollicite ma famille ou mes amis. Il m’est arrivé de demander de l’aide à la personne qui se
trouvait à la caisse de la station service, en lui faisant des appels de phare. Elle a alors accepté de
faire le plein sans aucune difficulté.
De la salle
Deux ans après, travaillez-vous ? Je trouve que vous illustrez bien le projet de vie et vous montrez
qu’un aménagement, même minime, peut conduire les personnes à être autonomes sur le plan des
ressources.
Nicolas VU
J’ai cherché un emploi de septembre 2005 à avril 2006. Je travaille actuellement chez PSA.
De la salle
Pouvez-vous nous détailler vos démarches auprès de la préfecture ?
Paris, le 12 février 2008
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Nicolas VU
J’ai subi une visite médicale à la Préfecture.
De la salle
Pouvez-vous nous dire ce qui est marqué sur votre permis de conduire ?
Nicolas VU
Il porte une date limite permettant l’organisation d’une prochaine visite médicale. Outre cette
indication, il s’agit d’un permis B.
De la salle
Cela signifie-t-il que vous devez repasser devant la commission médicale en 2008 ? Devrez-vous
effectuer cette démarche tous les trois ans ?
Nicolas VU
Je ne me suis pas posée cette question.
Docteur Paul LE NOUVEL
Il s’agit en effet d’une question difficile. Autant cette visite médicale peut être justifiée pour
certaines maladies évolutives, autant elle est contestable dans d’autres situations.
A quoi correspond exactement la somme que vous avez citée ?
Nicolas VU
Elle comprend l’aménagement et le permis de conduite, le véhicule n’étant pas compris.
De la salle
Je suis étonnée que Monsieur Vu dise disposer d’un permis B. Seul le permis F donne l’autorisation
de conduire un véhicule aménagé.
Michel CHAUVEAU
Le permis F n’existe plus depuis 30 ans, il s’agit désormais d’un permis B aménagé.
Paris, le 12 février 2008
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Régularisation ou obtention du permis de conduire : quels cadres juridique et
pratique ?
Isabelle REUCHERON et Hélène BALESDENS,
Ergothérapeutes
Claudine MARTIN,
Neuropsychologue – Institut National des Invalides
Claudine MARTIN
Je suis neuropsychologue, spécialisée en médecine physique et de réadaptation.
Pour débuter notre exposé, je vais vous parler des cadres pratiques et juridiques de la régularisation
et de l’obtention du permis de conduire. Hélène Balesdens, ergothérapeute, vous présentera ensuite
notre groupe de travail, le GERCAH Ile-de-France.
I.
Le cadre pratique
Il s’agit du cadre dans lequel évoluent les personnes déjà détentrices du permis de conduire et
devant le régulariser après la survenue d’un handicap et les personnes en situation de handicap
souhaitant obtenir le permis.
Ces personnes conductrices ou candidates au permis doivent se rendre à la Préfecture de leur
domicile pour passer devant la commission médicale primaire des permis de conduire, où siègent
des médecins désignés par arrêté préfectoral. Cette commission primaire n’est pas uniquement
sollicitée dans le cadre du handicap. Le Préfet doit y soumettre les conducteurs ayant commis une
infraction ou ayant perdu tous leurs points.
Dans les cas difficiles, les médecins de cette commission peuvent demander un test de conduite en
auto école et/ou l’avis médical spécialisé d’une autre commission.
Afin de faciliter le parcours des personnes en situation de handicap, notre groupe de travail a mis en
place une procédure permettant de formuler un avis en amont et donc de guider la décision des
médecins de cette commission.
S’il s’agit d’une régularisation, le patient est supposé contacter de sa propre initiative la
commission primaire. S’il n’est pas au courant, son médecin habituel aura dû lui recommander de
s’y présenter après lui avoir expliqué les conséquences de son handicap sur la conduite. Ce médecin
n’a cependant pas le droit de signaler son patient à la Préfecture, dans la mesure où il demeure
soumis au secret professionnel.
S’il s’agit d’un permis complet, pour pouvoir prendre des leçons en vue de son obtention, le patient
doit remplir à l’auto-école une déclaration sur l’honneur, mentionnant la et les affections
susceptibles d’être incompatibles avec la conduite automobile et devant faire l’objet d’une visite
médicale auprès de la commission primaire.
Paris, le 12 février 2008
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A l’issue de cette première étape, les médecins prononcent une décision d’aptitude ou d’inaptitude
du patient conducteur ou candidat au permis.
En cas de décision d’aptitude d’un patient conducteur, ces médecins peuvent accorder une
régularisation définitive ou provisoire. Cette régularisation provisoire est valable au minimum
6 mois et au maximum 5 ans. Parfois, les médecins peuvent également conseiller de reprendre des
leçons de conduite.
En cas d’aptitude d’un patient candidat au permis complet, ces médecins lui donnent l’autorisation
de prendre des leçons de code et de conduite. L’examen est ensuite lieu devant l’inspecteur des
permis de conduire. Cet inspecteur peut soit accorder le permis de conduire avec d’éventuelles
notifications d’aménagement, soit le refuser.
En cas de décision d’inaptitude prononcée par la commission médicale primaire, le patient peut
demander à comparaître devant la commission médicale d’appel. Il est ensuite parfois amené à
passer devant la commission nationale d’examen ou la commission permanente des incapacités
physiques. Il s’agit là de cas très spécifiques, peu rencontrés dans la pratique clinique courante.
Si les patients ne se soumettent pas à l’avis des commissions médicales des permis de conduire, ils
encourent une responsabilité civile et pénale en cas d’accident.
II. Le cadre juridique
Le passage devant la commission médicale primaire est prévu par un arrêté du 8 février 1999. Ce
texte définit en effet les catégories de conducteurs soumis à une ou des visites médicales, par
exemple, l’examen médical occasionnel pour les conducteurs frappés, après l’obtention de leur
permis, d’une affection incompatible avec la conduite automobile, ou alors l’examen médical
préalable, pour les candidats ayant déclaré une telle affection.
Pour savoir s’ils doivent demander un test de conduite et/ou un avis médical spécialisé, les
médecins de la commission primaire peuvent se référer à un arrêté du 21 décembre 2005. Ce texte
se présente sous forme d’une liste réactualisée des affections médicales incompatibles avec le
maintien ou l’obtention du permis de conduire. Ces affections sont répertoriées en six classes.
Ainsi, les patients souffrant de troubles neurologiques ou psychiatriques peuvent faire l’objet d’un
test de conduite, en plus de l’avis spécialisé.
Quant à la recommandation par le médecin habituel de consulter la commission médicale primaire
et l’explication des conséquences du handicap sur la conduite, elles sont sous-tendues par un article
du Code de déontologie médicale, l’article 35 du Titre II sur l’information aux malades. La mission
de prévention du médecin contribue en effet à la réduction des accidents de la route. Toutefois, si un
patient refuse de se présenter à la commission primaire, son médecin ne peut pas transmettre les
informations médicales le concernant au Préfet, dans la mesure où le Code de déontologie ne
prévoit pas de dérogation au secret professionnel. Les seules dérogations légales sont listées dans le
titre IV et aucune n’a trait à la conduite automobile.
A propos des aménagements indiqués sur le permis de conduire, l’arrêté du 8 février 1999 prévoit
une codification des mentions additionnelles ou restrictives. Le code 20 correspond ainsi à un
mécanisme de freinage adapté.
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Pour mieux comprendre le fonctionnement des commissions de recours, qui, en réalité, ne sont pas
uniquement saisies après décision d’inaptitude – en effet, il est possible de demander un avis
médical spécialisé à la commission d’appel avant la décision de la commission primaire – il faut se
référer à l’arrêté du 8 février 1999.
Enfin, en termes de responsabilité en cas d’accident de la route, en particulier de responsabilité
pénale, plusieurs articles du code pénal y font référence, dans des sections relatives à des atteintes
involontaires à la vie, pour l’article 221 – 6 – 1, à des atteintes involontaires à l’intégrité de la
personne, pour les articles 222 – 19 – 1 et 222 – 20 – 1 et aux risques causés à autrui, pour l’article
223 – 18. Les peines encourues en cas de violation d’une obligation particulière de sécurité en tant
que conducteur associent durée d’emprisonnement et amende. Une peine supplémentaire peut se
décliner en suspension ou annulation du permis de conduire.
Le parcours d’une personne en situation de handicap désirant régulariser ou obtenir son permis de
conduire est long, fastidieux, très réglementé et souvent méconnu par les intéressés. Un des
objectifs de notre groupe de travail est d’alléger ce parcours.
Hélène BALESDENS
En 2004, le Gouvernement a mis en place une nouvelle politique industrielle en créant des pôles de
compétitivité. L’un d’entre eux porte sur l’automobile et le transport et se nomme MOV’EO. L’un
des domaines stratégiques d’activité de ce pôle concerne la mobilité et le service et l’une de ses
missions est de favoriser et d’améliorer le transport de toutes les personnes ainsi que de redonner la
mobilité aux personnes handicapées.
Dans ce contexte, en 2004, quelques professionnels de centres de rééducation se sont réunis et ont
créé un groupe de travail, composé de médecins, d’ergothérapeutes et de neuropsychologues. En
l’heure actuelle, le groupe est composé de dix centres et se nomme le GERCAH (Groupe d’Etude et
de Recherche pour la Conduite Automobile des personnes Handicapées en Ile-de-France). Ce
groupe réunit l’Institution Nationale des Invalides, le CMPR de Coubert, l’Hôpital Raymond
Poincaré de Garches, le CEM de Garches, l'UMPR de Paris Est, le centre hospitalier du Vexin,
l’hôpital national de Saint-Maurice, le CMP Jacques Arnaud à Bouffemont, l’hôpital Casanova de
Saint-Denis et le centre hospitalier de Meaux. Tous ces centres ont signé une convention de
partenariat.
A l’heure actuelle, les pratiques sont diverses selon les départements et nous nous rendons compte
que les usagers sont confrontés à un parcours long et fastidieux. Nos objectifs sont d’approfondir et
d’améliorer les évaluations pratiquées en centre et de faciliter les procédures liées à la régularisation
ou à l’obtention d’un permis de conduire adapté à des déficits moteurs et cognitifs. Pour ce faire,
nous avons commencé par établir un état des lieux de l’existant, en recensant les pratiques de tous
les centres partenaires. Nous avons également créé un ensemble de documents administratifs relatifs
à l’évaluation effectuée dans nos centres.
Nous travaillons actuellement à l’élaboration d’une grille d’évaluation commune en situation de
conduite avec un moniteur de conduite, en circulation urbaine, périurbaine ou de campagne, en
fonction de la localisation des centres. Nous œuvrons également à la mise en place d’une base de
données commune pour recenser des éléments qualitatifs et quantitatifs. Notre objectif est
d’instaurer également un partenariat avec le CEREMH, le Centre de ressources et d’innovation
mobilité et handicap, que Claude Dumas vous présentera tout à l’heure.
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Docteur Paul LE NOUVEL
Je tenais à apporter une précision sur le secret professionnel. J’ai eu l’occasion de travailler avec
certains collègues et nous nous rendons bien compte que si nous mettons en place un programme
d’évaluation de la conduite automobile qui débouche sur l’opinion que le patient ne peut pas
accéder à la conduite automobile, il est anormal que nous soyons liés par le secret professionnel. Il
faudrait que, dans le contrat passé avec la personne évaluée, cette dernière sache que les résultats de
cette évaluation devront être communiqués. Il est anormal que nous soyons persuadés qu’une
personne peut être dangereuse dans la conduite automobile et que nous n’en disions rien. Il importe
donc de travailler à améliorer les pratiques, à condition que la personne évaluée sache que les
médecins se délieront du secret professionnel pour des raisons qui paraissent naturelles sur le plan
de la communauté.
Par ailleurs, il me paraît très positif de voir que les équipes de rééducation s’associent dans le cadre
de groupes de travail pour essayer d’avancer par rapport à la question de la conduite automobile. Je
pense que de telles initiatives représentent des voies importantes d’enrichissement.
De la salle
Existe-t-il un cadre juridique pour les voitures sans permis ?
Hélène BALESDENS
Il n’en existe pas à notre connaissance.
De la salle
Je suis hors-la-loi depuis quinze ans. Je suis suivie depuis 1981 pour une sclérose en plaque et
jamais aucun médecin ne m’a parlé du problème du permis de conduire. Depuis quinze ans, mon
véhicule dispose de commandes manuelles. Il me semblerait normal que, lors de la délivrance de la
carte d’invalidité, nous soyons tenus de passer une épreuve de conduite.
De la salle
La consultation de la commission des permis de conduire est-elle payante ?
Hélène BALESDENS
Il semblerait qu’un texte de loi stipule que, dans le cas où des aménagements sont nécessaires, la
consultation est gratuite. Bien souvent, la consultation est payante, et souvent en espèce.
De la salle
Les médecins de la Préfecture du Val de Marne m’ont indiqué que la consultation était gratuite pour
les personnes détentrices d’une carte d’invalidité à 80 %.
Paris, le 12 février 2008
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De la salle
Avez-vous des expériences de conduite accompagnée ?
Michel CHAUVEAU
La conduite accompagnée peut se faire au même titre que pour le permis B.
Charline GOICHON
Le véhicule doit seulement être aménagé. L’évaluation et la visite médicale doivent en outre être
effectuées avant l’inscription à l’auto-école.
De la salle
Qui détermine l’aménagement nécessaire ?
Isabelle REUCHERON
Nous pouvons conseiller des aménagements, mais il revient au médecin de la préfecture de rendre
un avis définitif à valeur légale.
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Evaluation et aménagement du poste de conduite
Docteur Jean-François DESERT,
Médecin MPR – CRF COUBERT
Laurence LEBOUCQ,
Ergothérapeute – CRF COUBERT
Docteur Jean-François DESERT
Nous avons créé à Coubert une consultation d’aptitude à la conduite automobile pour les personnes
présentant un handicap moteur et parfois, un handicap cognitif. C’est la raison pour laquelle cette
consultation comprend une ergothérapeute, une neuropsychologue et un médecin. Nous travaillons
également avec une secrétaire.
L’organisation de cette consultation comprend d’abord la réception des demandes. Celle-ci émane
le plus souvent de la personne ou de la préfecture ou de la sous-préfecture où habite la personne et
parfois également du médecin traitant. Une fois que nous avons reçu cette demande, nous envoyons
à la personne un dossier de pré consultation, dans lequel elle doit renseigner son statut par rapport
au permis de conduire, sa pathologie et le handicap qu’elle présente, avec un document permettant
d’inscrire les déficits qu’elle présente au niveau des membres supérieurs et inférieurs. Ce dossier
permet de connaître la situation de la personne et d’organiser le contenu de la consultation.
Ce dossier est examiné en présence des personnes qui travaillent pour la consultation. Cette
commission interne se réunit de façon hebdomadaire et aux vues du dossier, prévoit les dates de
rendez-vous. Pour les personnes présentant un déficit cognitif, nous commençons par un examen
neuropsychologique, si son dossier n’en présente pas un de moins de deux ans. Les éléments testés
sont les fonctions exécutives fonctionnelles, la vitesse de traitement de l’information, les capacités
visio-spatiales, les capacités d’exploration de l’espace, la mémoire visuelle ainsi que les problèmes
de double tâche.
La consultation a lieu en présence de l’ergothérapeute et du médecin, après qu’aient été
éventuellement réalisés des examens. Nous demandons à la personne de se présenter, d’exprimer sa
motivation et son avis personnel sur sa capacité à conduire. Il me semble qu’existe dans le code du
permis de conduire un article qui demande à toute personne qui se met au volant d’apprécier son
aptitude à conduire. Ainsi, lorsqu’une personne est atteinte d’une maladie évolutive et s’aperçoit
qu’elle ne peut pas freiner en cas d'urgence, elle adapte sa situation en cessant de conduire ou en
aménageant son véhicule. La consultation se poursuit par un examen physique et neurologique,
prenant en compte la motricité des membres, la sensibilité superficielle et profonde, la coordination,
le tonus et le champ visuel.
Une fois que ce bilan est établi, nous discutons des solutions préconisées. Parfois, les personnes
arrivent avec une idée très précise de ce qu’elles souhaitent ou ont déjà accompli des aménagements
dans leur véhicule, ce qui peut être problématique si nous ne sommes pas d’accord avec ces
derniers. Enfin, si nous avons un doute, nous pouvons décider d’une mise en situation à l’intérieur
du centre avec un véhicule aménagé ou avec un moniteur d’auto-école et l’ergothérapeute, afin
d’évaluer les difficultés de la personne.
Paris, le 12 février 2008
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CRAMIF
En fin de consultation, nous devons prendre une décision. Nous pouvons soit prescrire des examens
complémentaires soit programmer une mise en situation sur route avec un moniteur soit donner une
conclusion de conduite avec aménagement, conduite sans aménagement ou d’inaptitude définitive
ou temporaire à la conduite. Dans tous les cas, nous rédigeons un compte-rendu de consultation.
Lorsque nous avons pu prendre une décision, je rédige également un certificat médical. Ce compterendu et ce certificat sont adressés au médecin demandeur, soit le médecin traitant, soit le médecin
de la commission préfectorale des permis de conduire, ainsi qu’à la personne elle-même.
Je passe la parole à Laurence Leboucq, qui va vous parler des aménagements du poste de conduite.
Laurence LEBOUCQ
La conduite automobile d’une personne présentant une déficience motrice est rendue possible grâce
aux aides techniques, qui permettent une compensation des incapacités fonctionnelles. Il importe
donc d’évaluer les capacités de la personne, d’identifier ses besoins en aide technique et de
s’assurer de ses capacités de maîtrise du véhicule. L’évaluation se fait chronologiquement en quatre
points principaux : l’accès au véhicule, les possibilités de chargement du fauteuil, l’installation au
poste de conduite et les capacités de conduite.
L’accès de la personne à son véhicule repose sur deux aspects, les capacités fonctionnelles de cette
dernière et la facilité d’accès du véhicule. La personne peut en effet être confrontée à des difficultés
de transfert, auquel cas pourra lui être proposée l’utilisation d’une planche de transfert, d’une sangle
suspendue de traction ou d’un siège pivotant. L’accès au véhicule peut également être facilité par
une ouverture centralisée.
Nous évaluons ensuite les possibilités de chargement du fauteuil roulant. Le fauteuil manuel à cadre
pliant peut être transféré derrière le siège avant, après démontage des roues et pliage du fauteuil. Le
placement sur le siège arrière nécessite une porte coulissante, ainsi qu’une aide technique, comme
un bras robotisé. Le fauteuil peut aussi être placé dans le coffre du véhicule par un bras robotisé.
Dans ce cas, la fermeture du coffre doit être télécommandée. Un chargement sur le toit est
également possible. L’usage d’un fauteuil roulant électrique nécessite généralement un véhicule de
type monospace, qui permet à la personne d’accéder au véhicule directement en fauteuil, par
l’installation d’une plateforme élévatrice. Elle peut ensuite accéder au siège conducteur ou bien,
lorsque le transfert n’est pas possible, conduire directement de son fauteuil en l’installant sur un
dispositif de fixation. Nous parlerons alors de conduite embarquée.
L’installation au poste de conduite pose la question de la stabilité du tronc de la personne. Un
manque de stabilité peut être compensé par l’installation d’un harnais sur le siège. Nous pouvons
également favoriser le confort de l’assise par la confection de coussins sur mesure ou d’un siège
orthopédique.
S’agissant des capacités de conduite, divers cas de figure peuvent se présenter, en fonction du
handicap de la personne.
Une personne à qui il manque l’usage d’un bras peut se voir proposer l’utilisation d’une boîte
automatique et d’un volant équipé d’une boule munie d’un satellite de commandes.
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Pour une personne privée de l’usage de ses deux bras, un système de cupules placées sur le volant
permettra à la personne de manœuvrer ce dernier par l’extrémité du moignon. Les fonctions
annexes peuvent être contrôlées par des contacteurs placés dans la portière. Si les membres
supérieurs ne sont pas fonctionnels, la conduite peut se faire aux pieds, par l’intermédiaire d’un
disque en plexi glace placé au pied gauche et remplaçant le volant. Le frein et l’accélérateur
resteront inchangés et les clignotants peuvent être actionnés par une commande occipitale.
Une personne atteinte d’une hémiplégie et ne pouvant se servir de tout son côté droit peut utiliser
une boîte automatique, une direction assistée, une boule au volant munie d’un boîtier satellite, et les
pédales seront inversées. Dans le cas d’une hémiplégie du côté gauche, les pédales n’ont pas besoin
d’être inversées.
Lorsqu’une personne n’a plus l’usage de ses jambes, la conduite se fait uniquement à la main et
différentes adaptations peuvent alors être proposées : une boîte avec embrayage automatique, un
cercle accélérateur placé sur le devant ou à l’arrière du volant, associé à un levier automatisé de
frein principal ou à un levier combiné tiré-poussé, une boîte automatique et une boule au volant
munie d’un satellite. Une autre proposition d’aménagement pourra consister en un levier de frein
principal avec un accélérateur à gâchette. Le choix du côté de l’installation des manettes est effectué
par la personne, en fonction de sa dominance, de son bien-être à l’usage et du type de véhicule. En
effet, dans certains cas, l’encombrement du tableau de bord nécessitera que les manettes soient
placées à gauche plutôt qu’à droite.
Pour une personne tétraplégique, ses capacités fonctionnelles résiduelles sont très variables en
fonction du niveau d’atteinte médullaire. Plus le niveau d’atteinte sera haut, plus les aménagements
du poste de conduite seront complexes. En fonction de ces capacités, il sera peut-être nécessaire
d’apporter des modifications au niveau de la clé du démarreur ou d’installer un contacteur pour le
démarrage. Une fourche au volant peut être nécessaire, ainsi que des adaptations du levier. Des
systèmes plus lourds peuvent être nécessaires, comme le système mini-manche ou un mini-volant.
Pour une personne de petite taille, si le problème se situe au niveau des membres inférieurs, l’accès
au poste de conduite sera facilité par un marchepied électrique et l’installation d’un rehausse pédale.
Si la taille des membres supérieurs n’est pas compatible avec l’usage d’un poste de conduite
classique, le réglage de l’assise devra être adapté et des coussins pourront être proposés. La boule
au volant et une boîte automatique peuvent également constituer une solution.
Dans la conduite, à presque toute problématique motrice existe une solution. Néanmoins, à
certaines pathologies neurologiques peut être associé un déficit des fonctions supérieures qu’aucune
adaptation ne peut entièrement compenser. Malheureusement, les aides techniques ont leur limite.
En outre, nous pouvons nous demander quand des aides techniques pourront venir pallier aux
déficiences sensorielles, voire cognitives.
Merci de votre attention.
Docteur Paul LE NOUVEL
Le questionnement de la personne quant à son aptitude à la conduite automobile me semble très
important. Par ailleurs, je constate que le certificat envoyé au médecin peut contenir une mention
d’inaptitude à la conduite automobile.
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Transports et handicap
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De la salle
Une auto-école est-elle équipée d’un volant au pied dans votre secteur ?
Laurence LEBOUCQ
Il n’existe pas d’auto-école équipée de ce système, mais il existe un équipementier fournissant ce
type d’aménagement. La personne a donc la possibilité de faire des essais avec l’équipementier et
un ergothérapeute. Il s’agit de Charbonnier.
De la salle
J’avais une autre question sur la cupule. Par qui est fait ce type de matériel et bénéficie-t-il d’une
homologation particulière ? La personne doit-elle pouvoir lâcher ce système ou doit-elle au
contraire être totalement solidaire du système ?
Laurence LEBOUCQ
Cette cupule a été réalisée au service appareillage du Centre des Invalides. Par ailleurs, la personne
doit pouvoir lâcher le volant à tout moment.
Docteur Jean-François DESERT
L’inspecteur du permis de conduire demande à la personne de se présenter avec son véhicule
aménagé et juge de la sécurité du système.
De la salle
Je voulais préciser que le compte-rendu rédigé à l’issue de la consultation est remis au patient, qui
est ensuite libre de le transmettre à la Préfecture ou non.
De la salle
S’agissant des capacités cognitives, existe-t-il des seuils auxquels vous pouvez vous référer ?
Claudine MARTIN
Il n’existe malheureusement pas de seuil, et ce, pour aucun test. Les tests cognitifs dont nous
disposons nous offrent simplement des normes en fonction de l’âge. Ce système peut conduire à des
situations paradoxales, dans la mesure où nous pouvons autoriser une personne de 65 ans à conduire
et l’interdire à une personne de 40 ans, qui aura pourtant obtenu les mêmes résultats à un test de
négligence. L’impression clinique nous aide beaucoup dans l’appréciation. Il importe également
d’avoir à l’esprit que les capacités d’attention sollicitées dans la conduite sont en théorie optimales
vers 45 ans. Cette norme me semble la plus acceptable. Par ailleurs, la mise en situation demeure
essentielle.
Paris, le 12 février 2008
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Transports et handicap
CRAMIF
De la salle
S’agissant des adaptations, comment sont qualifiés les équipementiers et comment est contrôlée la
réalisation ?
Claude DUMAS
Les adaptations ne répondent à aucune règle et ne subissent aucun contrôle. Elles relèvent
uniquement de la responsabilité de l’installateur.
Docteur Paul LE NOUVEL
Il importerait de trouver des évaluations neuropsychologiques adéquates pour les personnes âgées,
afin de les mettre en garde objectivement.
Paris, le 12 février 2008
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Transports et handicap
CRAMIF
L’apprentissage de la conduite avec adaptations
Charline GOICHON et Michel CHAUVEAU,
Moniteurs – Auto-école CERCM 15
Charline GOICHON
Depuis deux ans, je forme des personnes à mobilité réduite à la conduite. Je souhaitais donc vous
parler de l’apprentissage de la conduite pour les personnes à mobilité réduite. Avant cela, je voulais
revenir sur les démarches nécessaires à la régularisation ou à l’obtention du permis de conduire.
En tant qu’auto-école, nous avons du mal à nous faire connaître. Nous travaillons avec l’Institut
National des Invalides et Coubert. Grâce à Internet, nous avons également réussi à nous faire un peu
mieux connaître. S’agissant de la visite médicale, l’attribution du permis est généralement
temporaire pour les maladies évolutives. Dans ce cas, seule la visite médicale devra être repassée.
La personne souhaitant présenter le permis de conduire peut passer par un centre de rééducation ou
se diriger directement vers une auto-école. Nous l’envoyons alors passer une visite médicale, lors de
laquelle il sera évalué par un médecin. Ce médecin donnera un avis positif ou négatif. Néanmoins,
le médecin n’est pas forcément spécialiste et les aménagements proposés sont généralement revus
par un moniteur et un ergothérapeute.
Une fois l’évaluation médicale réalisée, nous créons un dossier contenant un certificat sur l’honneur
et la mention d’une infirmité, si c’est le cas. Il permettra de passer un permis B aménagé.
S’agissant de l’apprentissage, je tenais à préciser qu’il est possible d’être financé pour le permis
mais également pour le véhicule et ses aménagements. Les élèves ont la possibilité de se former au
code de la route dans une auto-école proche de leur domicile. Peu d’auto-écoles proposent des
formations pour les personnes handicapées, dans la mesure où cette formation représente un lourd
investissement. Elle implique l’achat d’un véhicule automatique, alors que nous louons
habituellement les voitures que nous utilisons, et la réalisation des aménagements, étant cependant
pris en compte le fait que nous ne savons pas à quel genre de handicap nous aurons affaire. En
outre, cette entreprise comprend également un aspect pédagogique. A l’heure actuelle, il n’existe
aucune formation spécifique pour les moniteurs et nous sommes obligés de nous former sur le tas.
En outre, il est important de préciser que certaines auto-écoles refusent d’accueillir les élèves
uniquement pour passer le code. Nous appartenons pour notre part à l’association CER, ce qui
permet à nos élèves de préparer leur code dans toute auto-école appartenant à ce réseau.
L’élève passe ensuite son examen de code, ce qui, là encore, peut présenter des difficultés. Nous
avons ainsi dû batailler pour que les élèves handicapés aient accès à notre centre d’examen, dont
l’entrée se faisait par une marche.
S’agissant de la formation pratique, nous nous référons à un livret d’apprentissage, qui n’est pas
forcément adapté aux personnes se formant sur une boîte automatique aménagée. Nous devons
apprendre à l’élève à gérer ses aménagements et l’environnement avec l’aménagement.
L’enseignement doit être adapté à certaines difficultés, comme l’impossibilité de contrôler l’angle
mort parce que l’élève ne peut pas tourner la tête.
Paris, le 12 février 2008
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Transports et handicap
CRAMIF
Les élèves à mobilité réduite font preuve d’une très grande motivation. Ils compensent donc leurs
difficultés à l’apprentissage par cette motivation.
L’examen du permis de conduire peut consister en une régularisation ou en un passage complet. Le
jour du permis, l’élève doit pouvoir faire son transfert seul, ce qui peut poser problème. En outre,
l’examen du permis peut impliquer des vérifications extérieures sur le véhicule, que l’élève
handicapé ne peut pas réaliser. Les inspecteurs ne bénéficient pas d’une formation spécifique ni
pour évaluer des élèves handicapés, ni pour juger si les aménagements sont adaptés.
Docteur Paul LE NOUVEL
Vous avez insisté sur la motivation des personnes handicapées, mais nous avons aussi besoin
d’auto-écoles motivées pour travailler avec nous. Vous êtes indispensables et il est important que
vous puissiez présenter votre expérience.
De la salle
De combien de places disposez-vous pour pouvoir faire passer le permis de conduire aux élèves ?
Nous rencontrons d’importants problèmes de délais, pouvant aller jusqu’à un an, avant qu’une autoécole ne puisse obtenir des places.
Charline GOICHON
A une époque, un élève passant un permis B aménagé prenait deux places d’examen. Aujourd’hui,
un élève handicapé n’occupe qu’une place. Néanmoins, la question des délais se pose
malheureusement pour tous les élèves.
De la salle
Disposez-vous de modules d’apprentissage du code adaptés pour les personnes qui auraient besoin
d’aide ?
Charline GOICHON
Ces personnes pourront prendre des cours particuliers avec un moniteur afin de leur faciliter
l’apprentissage du code.
Paris, le 12 février 2008
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