La fusion MCI WORLDCOM: partie de monopoly ou modèle

Transcription

La fusion MCI WORLDCOM: partie de monopoly ou modèle
La fusion MCI WORLDCOM: partie de monopoly
ou modèle entrepreneurial1 ?
Thibault de SWARTE
Département Economie
ENST Bretagne
[email protected]
Tél. 02 99 12 70 17
Les fusions acquisitions s'avèrent être souvent des échecs sur le plan managérial et
opérationnel alors même qu'une analyse économique ex ante en avait montré les avantages,
notamment financiers2. La fragilité des alliances entre opérateurs de télécommunications,
pourtant moins contraignantes que les fusions, n'est plus à démontrer. Pourtant, le marché
américain des télécommunications a vu se succéder depuis le Telecom Act de 1996 des
fusions-acquisitions entre opérateurs d'un volume considérable. Une des dernières en date est
la fusion entre MCI, deuxième opérateur américain de télécommunications longue distance et
WORLDCOM, n°4 par ailleurs un des principaux fournisseurs de services Internet au monde.
L'objet de cet article est de tenter d'évaluer la pertinence de la fusion entre ces deux
opérateurs du point de vue de son management interne sur la base de trois éléments: sa
pertinence financière, sa logique industrielle, et sa cohérence organisationnelle. Mais quels
sont tout d'abord les acteurs en présence?
1° Les acteurs en présence et leurs stratégies
WORLDCOM : génie des acquisitions et croissance exponentielle
Au départ spécialisé dans la revente de capacités et de services téléphoniques longue
distance aux entreprises LDDS est crée en 1983 et devient WORLDCOM en 1994. Sa
croissance exceptionnelle repose au départ sur l’acquisition de petits opérateurs longue
distance payés au prix fort, acquisition pourtant rentabilisée dans des délais très courts. Rien
de surprenant à cela: c'est la règle en matière de fusions-acquisitions dans les technologies de
l'information aux USA, le prix d'achat atteignant parfois 13 fois le CA annuel comme dans le
cas de l'achat d'Ascend par Lucent début 1999.
Sur la période 1992-1997, la croissance annuelle moyenne de son chiffre d'affaires
avoisine les 150 %. De 1995 à 1997, porté par la bonne santé du marché financier américain,
WORLDCOM absorbe des entreprises de plus en plus importantes.
Article publié dans Communications & Stratégies n° 33, 1er trimestre 1999, pp. 183-195.
2 Nos remerciements vont à Patrice Arnaudin, Christophe Conche et Gabriel Youssef dont le projet
réalisé dans le cadre du mastère ingénieur d’affaires européen a fourni le matériel empirique de ce travail. G.
Youssef et B. Vinit ont eu la gentillesse de discuter une première version de ce texte.
1
2
1995
Wiltel Network
2,5 milliards de $
1996
MFS et UUNET
14 milliards de $
1997
Compuserve
Brook Fiber Properties
MCI
1,2 milliards de $
2,4 milliards de $
37 milliards de $
Le teen-ager WORLDCOM a aujourd’hui 15 ans. Un sémiologue pourrait affirmer
que son nom est à la mesure de ses ambitions : la “ Com ” et pas seulement les télécoms pour
“ le monde ”. On est bien loin du téléphone et du télégraphe pour les américains incarnés par
le patronyme d'AT&T. Chacun de ses employés génère un chiffre d’affaires 3 fois supérieur à
celui d’un salarié de France Télécom. Il a su rentabiliser l’acquisition de MFS en un an. Son
succès ne se réduisant pas à une somme de facteurs aisément identifiables, on est parfois tenté
de recourir à des explications contenant une part d'irrationnel et de parler du “ génie ” des
acquisitions de WORLDCOM.
MCI: une stratégie de challenger et une croissance forte
Tout comme WORLDCOM, MCI se développe dans le contexte de la
déréglementation nord américaine. Au départ, c’est un industriel qui se spécialise dans les
communications de longue distance en profitant de la numérisation des technologies de la
téléphonie.
De façon générale, MCI prend le contre-pied des théoriciens du management
stratégique, notamment MINTZBERG, qui dès la fin des années 80 critiquent sévèrement la
planification stratégique centralisée. MCI semble cependant prisonnier de sa position de
challenger d’AT&T et du mimétisme qui l'accompagne, ce qui n'est naturellement pas le cas
de WORLDCOM. MCI semble manquer d'autonomie tant sur le plan stratégique que sur celui
du management interne, se sentant peut-être contraint de "rattraper" AT&T, son principal
compétiteur mais oubliant les dissymétries de structure qui les séparent. Une étude de
Harvard de 1992 souligne que les années 80 sont marquées par la décentralisation de 1984,
consécutive à la déréglementation, puis par une crise profonde en 1986. En 1987, un
processus stratégique formel se met en place. A la fin des années 80, le vice-président Orville
Wright affirme : “ aucune des compagnies que je connais n’a réussi à mettre en place de
stratégies bottom up ; chez MCI, nous procédons de manière strictement hiérarchisée et
descendante ”. Pour les années 90, MCI affiche une stratégie rigoureusement comparable à
celle d’AT &T : compétition sur tous les marchés, présence globale, gamme de produits
complète. Tout se passe comme si l'accroissement de la pression concurrentielle renforçait le
caractère grégaire et mimétique des comportements des acteurs principaux, piégés dans une
quête sans fin de l'homogénéisation des pratiques concurrentielles. Dans les années 90, la
stratégie d’acquisition de MCI parait précautionneuse et limitée à des activités périphériques
par rapport au coeur de métier. La rentabilité n’est pas au rendez-vous. Ainsi l’acquisition de
SHL Systemhouse en 1995 se traduit par une dégradation du résultat liée à une augmentation
des coûts opérationnels.
Le choix de la structure organisationnelle est aussi important. Au début des années
90, MCI avait mis en place une structure où les intérêts du marketing et ceux des ventes
étaient contradictoires. Un cadre pouvait ainsi faire remarquer en interne que "le marketing
3
remplissait l'entonnoir avec des nouveaux clients moins vite que celui-ci ne se vidait du fait
des objectifs assignés au département des ventes"(PEPPERS, 1998).
Entre 1992 et 1996, la croissance annuelle moyenne du chiffre d'affaires de MCI est
de 15%. Sur la période 1995-96, MCI est l'opérateur dont le CA croît le plus vite: 21,2%, à
comparer avec les 3% d'AT&T ou même les 10% de Sprint. La mariée est fort belle et on
comprend ainsi bien la stratégie de BT. Las, en 1996, le Telecom Act prend MCI à contrepied du fait de l’insuffisance de son réseau local. Le ratio coûts d’interconnexion/C.A., qui
était en amélioration constante de 1993 à 1996 se dégrade brutalement en 1997. La dot
devient un dol. Cette fragilisation soudaine va peser sur le cours de bourse, entraîner la
demande de renégociation du prix des actifs par BT et finalement fournir à WORLDCOM une
opportunité d'offre publique d'échange d'actions.
2° Pertinence financière: financer une croissance industrielle ou
industrialiser une performance financière ?
MCI est un industriel qui a une gestion financière. WORLDCOM est un financier
ayant des activités industrielles. Ainsi, la trésorerie de MCI est stable sur la période 95-96.
Elle est essentiellement utilisée à financer les opérations courantes. L’endettement à long
terme passe de 36 % en 95 à 45 % en 96, sous l’effet d’une croissance lente mais régulière de
la dette. A l’inverse, ce dernier ratio passe de 104 % pour WORLDCOM à 37 % en 96. Le
paradoxe est saisissant : la stratégie de croissance la plus financière génère l’endettement à
long terme le plus faible.
Par ailleurs, l'évolution des chiffres d'affaires de WORLDCOM et MCI est marquée
par des différentiels importants. Durant les deux années qui précèdent l’acquisition de MCI
par WORLDCOM, les taux de croissance du C.A. sont contrastés : près de 100 % pour
WORLDCOM, près de 30 % pour MCI et seulement 6 % pour AT&T. Ainsi, alors qu’en
1995 le C.A. de WORLDCOM était 4 fois inférieur à celui de MCI, en 1997, le rapport n’est
plus que de 2,6. Vis à vis d'AT&T, le même rapport passe de 13 à 7.
Enfin, WORLDCOM tire un parti remarquable de ses acquisitions. Au coeur de sa
stratégie, se trouvent de puissants effets de levier financier. Après la fusion avec MFS
Communications en 1995, les fonds propres de WORLDCOM passent de 2,2 milliards de $ à
13 milliards de $ l’année suivante. La trésorerie, qui était négative en 95, approche les 4,5
milliards de $ en 96.
3° La fusion: synergies industrielles et risques possibles
La fusion doit être replacée dans le contexte des spécificités de la culture d'entreprise
américaine. Dans ce cadre, le succès économique est psychologiquement interprété comme un
"générateur de bien-être", ce qui implique que l'accroissement de la taille de l'entreprise est
positivement valorisé. Pour paraphraser Max WEBER, c'est un signe électif et de réussite
individuelle plutôt qu'une menace collective. Les lignes d'autorité (mais pas la hiérarchie)
sont clairement définies dés le départ et la prise en compte de la performance individuelle est
constante. Se dessine ainsi en creux une cause profonde de l'échec de la fusion BT-MCI, les
britanniques étant plus européens qu'ils ne le pensent eux-mêmes.
On peut identifier quatre synergies industrielles reposant sur les économies d'échelle,
la position obtenue sur le marché de la téléphonie, le poids prépondérant sur le marché de
l'Internet et l'existence d'une forte compétence en intégration de systèmes. Mais cinq risques
4
possibles apparaissent, liés aux contraintes juridiques, aux éléments culturels et humains, aux
aspects financiers, aux technologies et au développement international.
3.1. Les synergies industrielles
3.1.1. D’importantes économies d’échelle
De fortes complémentarités existent entre l’infrastructure de réseau de
WORLDCOM et le portefeuille de clients de MCI. En appliquant les méthodes d'optimisation
de la gestion de réseau de MCI à WORLDCOM et en utilisant les techniques de gestion des
portefeuilles clients de WORLDCOM, le nouvel ensemble devrait dégager de fortes
économies d'échelle. Fin 1998, MCI WORLDCOM a dû supprimer environ 2000 emplois
(2,7% du total) correspondant à des "doublons" consécutifs à la fusion afin d'économiser 2,5
milliards de $ sur ses coûts d'exploitation de 1999. Ainsi, l'impact des économies d'échelle sur
le compte d'exploitation est quasi immédiat, ce qui n'est ni concevable ni d'ailleurs
souhaitable dans le contexte des opérateurs européens.
3.1.2. Une position solide dans la téléphonie
MCI WORLDCOM devrait devenir le n° 2 du trafic voix au niveau mondial, pour les
raisons ci-dessous.
MCI
WORLDCOM
Nombreux accords internationaux
Baisse du coût de l’internationalisation
Trafic international important
Baisse des coûts du trafic européen
Réseau européen de clients d’affaires
3.1.3 Le N° 1 mondial de l’Internet
La fusion MCI WORLDCOM devrait permettre d’associer l’expertise Internet de
UUNET (le plus grand fournisseur d’Internet au plan mondial, qui possède Compuserve et
AOL) et celle de MCI ; ce dernier est opérateur de la principale ossature (backbone) Internet
mais surtout de l’ossature pilote du futur Internet 2 (VBSN). Le portefeuille de services
données/Internet inclurait ainsi l’accès, l’hébergement, le développement de sites WEB, des
applications Intranet et des services virtuels de données à haut débit.
3.1.4. De fortes compétences en intégration de systèmes
Personne n’étant en mesure de prédire les types d’architecture réseau qui seront
utilisés à moyen terme, la compétence en intégration de systèmes de technologies de
l’information hétérogènes représente un actif clé. Or MCI WORLDCOM pourra s’appuyer
sur SHL Systemhouse, acquis par MCI en 95 pour bénéficier des 20 ans d’expérience de cet
5
intégrateur. De plus, l'utilisation d'Intranet, adossé au réseau IP de MCI WORLDCOM,
contribuera grandement à faciliter les restructurations internes au sein de la nouvelle entité.
L’érosion des revenus provenant du marché traditionnel de la téléphonie pousse les
acteurs à développer des services à valeur ajoutée tout en dégageant des économies d’échelle.
En effet, la « position solide dans la téléphonie » (le marché traditionnel) est intéressante
puisqu’elle articule une stratégie de rétention des anciens clients et l’accès à une nouvelle
clientèle. Cette clientèle se verra ainsi offrir des services à valeur ajoutée provenant d’un
réseau IP sur lequel les services traditionnels migreront (voix, fax, accès Internet). Les
« compétences en intégration de systèmes » constituent donc la pierre angulaire qui devrait
permettre à MCI WORLDCOM de faire migrer des clients d’une plate-forme devenue
obsolète à une plate-forme aux applications nombreuses et sans doute plus rentables.
3.2. Des risques d'intensité variable
3.2.1. Un risque juridique correctement anticipé
La fusion MCI WORLDCOM a été soumise à un double contrôle juridique des
autorités américaines et de la Commission Européenne. Du côté européen, il s’agissait de
savoir si le Droit de la concurrence n’était pas mis en cause du fait d’un abus de position
dominante possible. Finalement, le 9 juillet 98, Bruxelles a donné son accord à condition que
MCI vende la totalité de ses activités sur Internet. Cable & Wireless s’en est porté acquéreur.
Du côté américain, GTE, candidat malheureux au rachat de MCI estimait que la fusion
réduirait la concurrence sur le transport des données. La FCC n’est pas compétente pour ce
qui relève de l’installation et de l’exploitation des services domestiques, à l’exception de ceux
requérant un spectre de fréquences radio. En revanche, son approbation est nécessaire pour
les services internationaux. L’objection américaine était de même nature que celle des
européens : la fusion des actifs de MCI et ceux de UUNET (filiale de WORLDCOM) avait
donné naissance à un acteur contrôlant plus de 70 % du marché américain de l’Internet.
Finalement la FCC a donné son accord le 15 septembre. WORLDCOM avait-il
convenablement anticipé cette issue ? On peut penser que oui. En effet, la cession des
activités Internet de MCI à Cable & Wireless a été annoncée immédiatement après l’accord
de principe de la Justice américaine, sur la base d’un prix inférieur de moitié au prix habituel.
Si WORLDCOM a accepté un tel sacrifice, de l’ordre de 650 millions de Dollars, c’est que le
prix à payer pour l’obtention de l’accord des autorités juridiques a été considéré comme
raisonnable compte tenu des scénarios envisagés à l’automne 1997. Le risque juridique
semble donc avoir été correctement anticipé et a aujourd’hui disparu.
3.2.2. Risques culturels et humains
Le risque culturel est souvent décrit comme étant le plus important dans les
opérations de fusion. C'est aussi le plus difficile à évaluer, a fortiori à mesurer. On ne peut
ignorer le fait que la fusion BT-MCI a en partie échoué parce qu’elle représentait une
“ Boston Tea Party ” à l'envers : il était psychologiquement pénible à MCI d’être racheté par
un opérateur britannique. Assurément, la distance culturelle est plus faible dans le cas de la
fusion MCI WORLDCOM. Cependant, comme le soulignent AMADO et AMATO (1998),
les fusions acquisitions doivent franchir quatre étapes successives : un choc psychologique, la
nécessité de fusionner un ensemble hétérogène de logiques d’acteurs, la mise en place d’un
processus d’acculturation à la nouvelle culture d’entreprise et enfin une fusion des groupes au
sein d’une culture d’entreprise unique. En l’occurrence, le choc psychologique bénéficie
6
plutôt à l’opération dans la mesure ou du point de vue de MCI, WORLDCOM est préférable à
BT. Si WORLDCOM continue à témoigner d’un certain “ génie ” des acquisitions, la
deuxième étape ne devrait pas poser de difficulté majeure. En revanche, l’acculturation et la
création d’une base culturelle unique nécessitent du temps. Ce dernier ne sera accordé à la
nouvelle société que si les résultats financiers à court terme sont favorables, compte tenu de
l'importance du "short termism" dans la culture financière américaine.
3.2.3. Risques financiers
Les USA sont d'après de nombreux observateurs à la fin d’un cycle de
croissance macro-économique et financière exceptionnel dont WORLDCOM a su tirer
le plus grand profit. La difficulté majeure vient aujourd’hui du fait que les effets de
levier financiers sont aussi puissants à la baisse qu’à la hausse. Certes, la baisse des
taux d’intérêts américains observée fin 98 profite à WORLDCOM en réduisant le coût
de l’acquisition de MCI. En revanche, l’entrée de l’économie américaine dans une
phase descendante du cycle conjoncturel pénaliserait lourdement la nouvelle société
dans la mesure ou elle affecterait sa marge opérationnelle et sa marge brute
d’autofinancement. Déjà, les résultats trimestriels de MCI avaient chuté de 40% au 2°
trimestre 98; ceux de la nouvelle entité ont été négatifs au 3° trimestre. Or, on l’a vu,
l’importance de ceux-ci est au coeur du succès du modèle entrepreneurial de
WORLDCOM. Enfin, la dilution du pouvoir des anciens actionnaires consécutive à
l’émission de nouvelles actions serait d’autant plus mal perçue que des moins-values
latentes se développeraient. En effet, ladite dilution n'est acceptable à leurs yeux que
tant qu'elle a pour contrepartie de substantielles plus-values.
3.2.4. Risques technologiques
Les risques financiers sont tolérables dans le secteur des télécoms si les analystes
financiers demeurent persuadés de la pertinence des choix technologiques de moyen/long
terme. Or, le talon d’Achille de la nouvelle entité se trouve être les Mobiles, pour lesquels il a
trois solutions.
La première solution consiste à acquérir un opérateur de mobiles. C'est exclu à court
terme car le coût en serait trop élevé. Ainsi, début 1999, Après des rumeurs concernant son
projet d'acquisition d'Air Touch, deuxième opérateur de mobiles américain, WORLDCOM a
décidé "de ne pas faire d'offre pour l'instant".
La deuxième solution, celle de l’alliance est envisageable mais présente deux
inconvénients. Elle est tout d’abord contradictoire avec la nature du modèle de croissance
financière suivi antérieurement par WORLDCOM. Elle est ensuite risquée du fait des
ambiguïtés inhérentes à toute forme d’alliance. Peu contraignantes, elles ne permettent pas
d’élaborer des stratégies technologiques durables. Or, l’intégration des mobiles à l’offre
technologique de MCI WORLDCOM, si elle se fait, est un processus de moyen long terme.
Reste l'hypothèse IP. Selon celle-ci, l'essentiel des revenus à venir est lié à l'ossature
du réseau plutôt qu'à l'accès au client final. Dans ce cas, MCI WORLDCOM n'aurait guère
d'effort à fournir pour acquérir un opérateur de mobiles. Il lui suffirait d'attendre que les
opérateurs de mobiles désireux de se tourner vers la téléphonie sur IP le sollicitent pour
s'interconnecter à son réseau et d'encaisser les frais d'interconnexion que lesdits opérateurs
seraient contraints de lui verser.
3.2.5. Risques associés aux activités internationales
7
La nécessité de l’internationalisation revient comme un leitmotiv dans les
déclarations des opérateurs de télécoms anglo-saxons. AT&T l’annonce depuis près de 15 ans
et BT en avait fait le coeur de sa stratégie réseau dès 1992 en rebaptisant son entité réseau
domestique “ réseau mondial ” et en préparant son alliance avec MCI. Force est de constater
que l’échec est à ce jour cinglant. Aucune des alliances globales voulues par ces opérateurs
n’a résisté à l’épreuve des faits. Les liaisons entre opérateurs à l’international paraissent ainsi
fugitives voire “ dangereuses ”.
En revanche, la pression exercée par les grands clients et par le développement
d’Internet devraient inciter WORLDCOM et MCI à consolider leur stratégie à l’international.
Le volume d’affaires généré par le trafic international des 2 opérateurs n’a pas pu être
identifié à partir de l’analyse de leurs résultats financiers. Il est cependant assez probable que
le positionnement de MCI WORLDCOM sur ces deux segments est meilleur que celui de
leurs compétiteurs.
4° Scénarios d’organisation pour MCI WORLDCOM
Les questions liées à la structuration et à l'organisation des marchés sont vitales du
point de vue de la régulation du secteur des télécommunications et reposent largement sur une
modélisation dont les principes sont ceux de l'économie industrielle. Du point de vue du
management interne qui nous préoccupe ici, les scénarios d'organisation sont tout aussi
essentiels et renvoient aux deux éléments qui sont envisagés ici. Quelle peut être la
segmentation stratégique possible ? Quelle peut être la structure organisationnelle possible ?
4.1. La segmentation stratégique possible
La fusion MCI WORLDCOM est une réponse financière au caractère trop lâche des
alliances dites stratégiques conclues par d'autres opérateurs. Elle vise à mettre en place une
structure capitalistique allant au delà d’une simple holding ou d’un conglomérat. Ainsi, le
nouvel opérateur va-t-il être contraint de s’interroger sérieusement sur sa segmentation
stratégique.
Deux axes paraissent devoir l’emporter : l’axe Réseau devrait inclure le local, les
longues distances et l'international. L’axe service-marché devait inclure les clients locaux, les
entreprises nationales et les entreprises transnationales. On aurait ainsi des couples produitsmarchés homogènes sur un plan géographique, restructurant les lignes de produit
préexistantes au sein de chaque opérateur. Compte tenu des informations concernant ses trois
principales divisions données par MCI WORLDCOM, la segmentation stratégique pourrait
alors s’articuler avec la structure organisationnelle de la façon suivante.
8
4.2. Une structure organisationnelle possible
Communications
US
International
Stratégie
Produits/services
pour
Opérations « Ventures»
Ventes &
Marketing
Services à
la clientèle
Dévelop.
Exploitation
des produits
du
et service
réseau
Internet & TI
Finances
Réseau
avancé
Architec.
Gestion des
design, plan.
relations
Internet
global
Clientèle
locale
Entreprises
Grands
clients
Opérateurs
Une structure matricielle présente, classiquement, un degré de complexité élevée et,
par conséquent, une “gouvernabilité” réduite. Mais elle présente de nombreux avantages :
Le reporting financier est verticalement intégré et conforme à la culture financière
de WORLDCOM ainsi qu’à l’approche top-down voulue par MCI. Sur un plan
horizontal, le contrôle de gestion permet de distinguer les marchés en fonction de
la nature des processus concurrentiels : émergents pour le local, mûrs pour les
entreprises et les grands clients, spécifiques pour les opérateurs.
Les trois divisions International, Communications US et Internet ont été présentées
par MCI et WORLDCOM lors de l’annonce de leur fusion. Si l’on admet qu’une
restructuration massive aurait des effets désorganisateurs trop importants sur un
plan opérationnel, on doit accepter l’idée que les entités préexistantes conservent au
moins pour un temps leur identité.
• Les synergies entre la division « Réseaux avancés » de WORLDCOM,
l’architecture du réseau global et la gestion des relations Internet sont peu
contestables. Elles relèvent de la recherche d’effet de dimension (économies
d’échelle, économie de gamme, amortissements des coûts de R&D,
internationalisation des activités).
• Sur le marché domestique, l’accent mis sur le Marketing, l’exploitation du
réseau et le développement des produits et services correspond bien au
degré de maturité atteint par le marché des télécoms nord-américains.
L’objectif de WORLDCOM semble être ici de renforcer son pouvoir de
9
marché (pouvoir de négociation, augmentation des parts de marché,
pénétration de nouveaux marchés).
• Enfin, à l’international, la stratégie et les joint ventures encadrent la
dimension opérationnelle, naturellement vitale pour un opérateur de
télécoms. Mais on voit mal comment WORLDCOM pourra développer
cette activité seul, même s’il a prévu de tripler la taille de son réseau
européen d’ici fin 1999. Une des hypothèses crédibles serait à terme le
rachat de Cable & Wireless dont le réseau européen est lui aussi sous
dimensionné mais qui a annoncé en Novembre 1998 le lancement de son
propre réseau à haut débit. Les stratégies réseaux de MCI WORLDCOM et
Cable & Wireless sont donc similaires alors que l'opérateur britannique est
opéable.
Conclusion
Comment peut-on, pour finir, caractériser la fusion acquisition de MCI par
WORLDCOM ? S’agit-il d’un type d’acquisition horizontale, verticale, concentrique ou
congloméral ? Les motivations sont-elles de renforcer le pouvoir de marché, de mettre en
oeuvre des effets de dimension ou seulement financières ? DERHY (1997) propose de
prendre en compte pour répondre à ces questions le cycle de vie de produit et le degré de
maturité du secteur. Dans cette logique, on peut écarter 2 hypothèses.
La première hypothèse supposerait que le secteur des télécoms américaines soit
encore en phase de croissance plutôt qu’au début du stade de maturité. Dans ce cas,
l’intégration horizontale voulue par WORLDCOM aurait pour but unique le renforcement du
pouvoir de marché. Dans la mesure où la croissance du secteur est fortement dépendante du
contexte macro-économique, l’hypothèse d’une poursuite de la croissance au même rythme
qu’antérieurement paraît peu réaliste. En effet, la croissance du PIB devrait passer d’un
rythme annuel de 3,7% en 1998 à 2,3% en 1999 et 2000, la croissance de l’investissement
ralentissant de 11,2% à 5,7% cette année. Enfin, la motivation de WORLDCOM ne se limite
pas au renforcement de son pouvoir de marché.
La seconde hypothèse supposerait que la motivation de WORLDCOM soit purement
financière et vise à constituer un conglomérat. Ce n’est pas en soi impossible: une entreprise
comme la General Electric se caractérise par un nombre élevé d’acquisitions et de reventes et
un degré élevé de diversification qui ne s'explique pas en termes d'économie industrielle.
Mais son secteur d’activité est sensiblement plus mûr voire en déclin relatif que celui de
WORLDCOM.
L’hypothèse la plus réaliste paraît être celle de l’acquisition concentrique, motivée
à la fois par des considérations de renforcement du pouvoir de marché, de mise en oeuvre des
effets de dimension et de déterminants financiers. Dans ce modèle, “ l’entreprise absorbante
tente de pénétrer des activités périphériques mais qui demeurent néanmoins proches de son
activité principale (DERHY, 1997) ”. La fusion des activités de R&D et de développement
international est alors une motivation forte car elle permet la création de mécanismes
d’intégration reliant les 2 entreprises fusionnées (CAPRON & MITCHELL, 1997). Dans ce
cas, le monopoly financier ne serait que la face la plus apparente de l'émergence d'un nouveau
modèle entrepreneurial pour les opérateurs de télécoms.
10
Bibliographie
AMADO G & AMADO R., (1998), "The Relative Importance of Human and Cultural Factors in the
Success or Failure of Mergers and Acquisitions", Hautes Etudes Commerciales, Jouy en Josas, working
paper n° 632.
ARNAUDIN P., CONCHE C., YOUSSEF G. (1998), Analyse financière, industrielle et
organisationnelle des acquisitions respectives de MCI et de WORLDCOM, rapport ENST Bretagne.
CAPRON L. & MITCHELL W. (1997) Outcomes of International Telecommunications Acquisitions,
European Management Journal, Vol. 15, N° 3, June.
DEHRY A. (1997), Fusions-acquisitions: la logique sectorielle, Revue Française de Gestion, JanvierFévrier.
MERRILL LYNCH, United States, Telecommunications/Services – Long Distance, « WorldCom Inc. »,
4 février 1998.
MINTZBERG H. (1994), Grandeur et décadence de la planification stratégique, Dunod, Paris.
PEPPERS & ROGERS (1998), Le One to One, Editions d'Organisation, Paris.
SECURITIES AND EXCHANGE COMMISSION, Form 8-K/A-1, filed January 27 1998
SECURITIES AND EXCHANGE COMMISSION, Form 8-K/A-2, filed January 28 1998
SIMONS R. & WESTON H. (1992), MCI Communications: Planning for the 1990s, Harvard Business
School case study n°9 190 136.

Documents pareils