Les moteurs à commande electronique

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Les moteurs à commande electronique
ENSEIGNEMENT MILITAIRE SUPERIEUR DU PREMIER DEGRE
DIPLOME TECHNIQUE
Cycle de formation 2012
LES MOTEURS A COMMANDE ELECTRONIQUE,
UNE REPONSE AUX ENJEUX ECONOMIQUES ET
ENVIRONNEMENTAUX,
MAIS UNE NECESSAIRE EVOLUTION DE LA FORMATION.
Mémoire présenté par
l'O2CTAAM Thibaut CHOLLET
Session 2012
2
SOMMAIRE
INTRODUCTION
PARTIE I. EVOLUTION DU CONTEXTE SOCIO-ECONOMIQUE
A) Mondialisation et commerce maritime
B) Progrès technologiques
C) Des enjeux financiers mais aussi écologiques
D) Une évolution timide de la convention STCW
E) Evolution nécessaire mais difficile du système de formation
PARTIE II. LA REPONSE AU DEVELOPPEMENT TECHNOLOGIQUE : DE NOUVELLES
STRATEGIES DE FORMATION
A) Organisation de la formation
B) Stratégies des constructeurs
C) Stratégies des armateurs
D) Des Etats impliqués dans ces nouvelles stratégies
TABLE DES ABREVIATIONS
CONCLUSION
SOMMAIRE
RESUME OPERATIONNEL
3
INTRODUCTION
Si la fin d'année 2010 et le début d'année 2011 laissaient envisager une reprise de l'activité dans
le transport maritime, après deux années de forte contraction, l'inquiétude est rapidement réapparue
du fait de la baisse des taux de fret non compensée par la légère hausse des volumes transportés.
Dans un contexte toujours frappé par la surcapacité des flottes, la hausse des cours du pétrole, une
stagnation voire une baisse des taux de fret moyens, l'instabilité politique des pays arabes et la
piraterie dont l'activité ne diminue pas au fil des ans, les entreprises de transport maritime se voient
confrontées à des hausses générales des coûts et à la nécessité d'adapter le nombre de navires sur les
lignes en permanence, afin de répondre au mieux à la demande. Parallèlement, elles continuent à
modifier les routes des navires pour faire face à la nouvelle donne des échanges internationaux et
éviter des zones géographiques, pourtant stratégiques, mais devenues trop dangereuses.
Jusqu'au milieu des années 1990, les préoccupations du monde maritime ont porté
essentiellement sur la recherche de plus de sécurité à bord des navires, et finalement très peu sur
leur système de propulsion. Puis, avec l'augmentation du volume des échanges à l'échelle mondiale,
les acteurs du monde maritime ont voulu intensifier le trafic et accroître la capacité des navires. Les
motoristes se sont alors lancés dans des recherches et ont fini par mettre au point des moteurs plus
efficaces et plus rentables. Ces nouvelles machines, dotées de systèmes modernes à commande
électronique, sont arrivées sur le marché. Si le cycle de fonctionnement de ces moteurs ne différait
que peu de ceux exploités jusqu'alors, la maîtrise de leur architecture était essentielle pour les
équipes de mécaniciens pour pouvoir en assurer une conduite et un suivi sérieux. Il a donc fallu
mettre les connaissances des marins à niveau pour leur permettre d'exercer avec le plus de sécurité
possible leurs fonctions. Avec l'arrivée de ces nouvelles technologies, sont donc apparues de
nouvelles stratégies de formation des marins.
Depuis le début des années 2000, le monde du transport maritime s'est considérablement
transformé. L'intensification des échanges commerciaux a entraîné une augmentation du trafic
mondial. Avec une hausse moyenne de 4% par an des exportations au cours de la décennie écoulée,
le secteur maritime a dû adapter sa capacité au volume de marchandises à acheminer tout autour de
la planète. La réponse logique a été l'augmentation conséquente de la taille des navires et la
recherche de diminution du temps de transit. Pour ce faire, les nouveaux navires devaient, d'une part
augmenter leur volume de chargement, mais d'autre part être capables de naviguer à des vitesses
élevées. Il peut être considéré que la période s'étendant de 2000 à 2008 a été consacrée à la
recherche de moteurs plus puissants pour répondre aux besoins de volume et de vitesse. La période
2008-2010 a plutôt fait l'objet de considérations environnementales. La prise de conscience du
réchauffement climatique, des effets néfastes des gaz à effet de serre ou de la destruction de la
couche d'ozone ont amené à faire mieux prendre compte les enjeux écologiques. Pour y répondre,
l'attention des acteurs s'est naturellement portée sur le fonctionnement du moteur. Cette fin de
décennie a donc amené à rechercher des moteurs plus propres. En parallèle de ces deux grands
mouvements, le contexte économique est venu amplifier la recherche de moteurs plus rentables.
L'évolution des prix du pétrole incite les exploitants de navires à utiliser des moteurs les plus
économes possibles. La hausse des prix du pétrole est donc naturellement venue appuyer la
politique environnementale du secteur. Les moteurs doivent aujourd'hui être plus performants de
manière à assurer les mêmes services mais en consommant moins. Et les efforts doivent porter sur
la consommation de combustible comme celle de lubrifiants. Un autre facteur est venu imposer aux
armateurs, les moteurs de nouvelle génération. La crise financière et économique survenue en 2008,
conjuguée au très grand nombre de commandes de navires a engendré un phénomène de
surcapacité. Les navires trop nombreux ne pouvaient faire l'objet d'un taux de remplissage
4
satisfaisant si la cadence de rotation était maintenue. L'envolée des prix du pétrole amenant les
armateurs à avoir des coûts de fonctionnement très élevés, la décision de réduire la vitesse des
navires a été prise. Cette solution consistant à rendre le voyage plus long, mais avec des rotations
plus fréquentes, a tout de même ses limites. Un moteur est prévu pour fonctionner à une certaine
charge. Les exigences portent donc également sur des moteurs au fonctionnement plus souple et
pouvant s'adapter à différents régimes. La réponse à ces différentes problématiques a été la mise au
point du moteur électronique. Il a permis d'obtenir une puissance plus élevée en émettant moins de
gaz polluants, a permis d'abaisser les consommations d'huile et de carburant, en autorisant un
fonctionnement efficace, malgré la modification de la vitesse des navires en cours de voyage. Mais
ce nouveau type de gestion du moteur nécessite naturellement une mise à jour du niveau de
connaissances des équipages.
Afin d'étudier l'impact du développement technologique sur les stratégies de formation, il sera
intéressant dans un premier temps de se pencher sur le contexte socio-économique, dans lequel sont
apparues ces machines. Les évolutions réglementaires ont peu suivi l'avancée technologique en
matière de propulsion, et n'avaient pas fait l'objet de mises à niveau pertinentes jusqu'à la dernière
conférence diplomatique des Etats, à Manille en 2010. L'observation du secteur du transport
maritime offre une bonne image de la situation mondiale. Le développement de registres
internationaux, l'accroissement des échanges devenus planétaires et l'internationalisation des
équipages, nous font prendre conscience que le secteur maritime est certainement le premier
impacté par les changements dans les relations mondiales. Comme les autres secteurs industriels, il
est dépendant du prix des énergies et directement impacté par les politiques environnementalistes.
L'évolution technologique est venue apporter des solutions à ces enjeux économiques et
écologiques. Il s'avère finalement, que le point le plus problématique avec l'arrivée de ces moteurs
de dernière génération est l'organisation du système de formation. La convention STCW aura tardé
à être révisée de par son fonctionnement complexe, quant aux centres de formation, tous n'avaient
pas nécessairement intérêt à voir s'élever les normes de compétence. Enfin les fabricants de moteurs
n'ont pas forcément cherché à apporter à un large public tous les moyens de formation dont ils
disposaient. Néanmoins, les progrès techniques réalisés dans la propulsion des navires n'auraient
pas connu de succès si les personnels chargés de leur conduite n'avaient pas eu les compétences
nécessaires. Il est donc important, après avoir analysé les facteurs qui ont amené à des problèmes
d'adéquation entre formation et exercice des fonctions, de se pencher sur les stratégies mises en
œuvre par les différents acteurs du monde maritime, pour répondre à cette difficulté. Le premier axe
d'approche consiste à analyser la façon dont est organisée la formation des marins. De plus les
fabricants conscients des lacunes de la formation ont apporté un certain nombre de moyens, allant
du soutien technique aux navires jusqu'au partenariat avec des centres de formation, en passant pas
une diffusion importante de leurs équipements, afin de familiariser la communauté des navigants
avec cette nouvelle technologie. De leur côté les armateurs se sont adaptés à ces contraintes en
adaptant le programme des navires au rythme d'entretien et en participant eux aussi à
l'investissement dans les centres de formation. Enfin les Etats cherchent à jouer un rôle actif dans la
formation de leurs marins, en participant au processus d'enseignement, et en exerçant leurs
pouvoirs de contrôle, au titre du pavillon du navire ou de l'Etat du port.
5
PARTIE I. EVOLUTION DU CONTEXTE SOCIO-ECONOMIQUE
A)
Mondialisation et commerce maritime
Si l'on fait une rétrospective du milieu maritime au cours des cinquante dernières années, il est
indéniable qu'il a été fortement impacté par le phénomène de mondialisation. Exposés à une
concurrence internationale toujours plus forte, les armateurs ont dû chercher à rester compétitifs soit
en réduisant leurs coûts de fonctionnement soit en réalisant des économies d'échelle.
1.
Développement de grandes lignes régulières
L'organisation mondiale du commerce a commencé depuis dix ans une métamorphose avec une
intensification des échanges avec les pays émergents d'Asie. Les principaux échanges de biens
manufacturés et de matières premières s'articulent autour de trois grandes zones de consommation
dans le monde : l'Europe, l'Amérique du nord et l'Asie. Les trois plus grands exportateurs dans le
monde en 2009 étaient l'Union européenne (16,2% des échanges mondiaux), la Chine (12,7%) et les
Etats unis (11,2%) avec 40% des exportations totales de marchandises. En termes d'importations,
les mêmes acteurs occupent les trois premières places avec cependant une inversion des rangs de la
Chine et des Etats unis pour un pourcentage cumulé de 44%1. Ces flux d'échanges mondiaux
dessinent les grandes routes maritimes. La nouvelle organisation économique mondiale a amené les
armateurs à développer des services réguliers entre pays producteurs et pays consommateurs. Entre
le début des années 1970 et la fin des années 2000, le commerce maritime mondial a doublé passant
de 15 000 milliards de tonnes par mille à plus de 30 000 milliards de tonnes par mille transportées
par voie maritime 2. Cette explosion du trafic maritime a engendré une demande de plus en plus
forte de capacité de la flotte mondiale et sur la même période, la capacité de chargement des plus
grands porte-conteneurs est passée de 2 000 EVP (équivalent vingt pieds) à plus de 14 000 EVP et
même 18 000 EVP à l'horizon 2013 pour les derniers navires commandés par la compagnie danoise
MAERSK Line.
Aujourd'hui plus de 70% du commerce international, soit 7,94 milliards de tonnes 3, transite par
navire. L'explosion de la demande de matières premières et de la production de biens dans les pays
asiatiques a amené les compagnies de transport maritime à mettre en place des lignes régulières
entre l'Europe, l'Asie et le continent américain. Un groupe comme CMA CGM gère aujourd'hui
170 grandes lignes à travers le monde et dessert plus de 400 ports d'escale. Il exploite 396 navires
d'une capacité allant de 133 EVP à 13 830 EVP. Le groupe MAERSK line exploite plus de 500
navires porte-conteneurs pour une capacité d'environ 1 900 000 EVP.
Afin d'intensifier le trafic mondial et de réaliser des économies d'échelle, très tôt les grandes
compagnies d'armement ont augmenté leur capacité de transport. Cela s'est fait par des croissances
internes en achetant de nouveaux navires ou en remplaçant une partie de la flotte par des navires de
plus grande capacité. Dans certains cas des opérations de fusion ou d'acquisition d'autres
compagnies ont été menées comme celle du rachat de la société de transport maritime Delmas par
CMA CGM en 2005. Se sont également conclus des contrats technico-commerciaux entre
différentes sociétés d'armement engagées dans la filière du transport conteneurisé. Certaines
entreprises ont recours aux trois types de méthodes à la fois. Les flux ont pu être organisés et
planifiés et l'activité a ainsi pu être rationalisée. Il faut bien voir que cette organisation a permis
d'optimiser le trafic conteneurisé qui entre 1985 et 2000 a été multiplié par trois, passant de 19
millions d'EVP à 60 millions d'EVP4. Les armements gérant des navires sur les grandes lignes est1
Source : Organisation mondiale du commerce, Statistiques du commerce international, édition 2010.
Source Isemar «2020, comment les nouvelles zones logistiques mondiales vont-elles modifier les flux ?» P. Touret
3
Source CNUCED sur le trafic maritime mondial en 2010. Conférence des nations unies sur le commerce et le
développement.
4
Source UNCTAD review, containerisation international.
2
6
ouest ou nord-sud ont dû travailler ensemble pour permettre de ne pas affaiblir les taux
d'affrètement. En effet, l'arrivée sur une ligne d'un nouvel opérateur entraîne généralement une
baisse des taux du fait de l'augmentation de la concurrence et de la volonté de proposer des tarifs
attractifs pour capter des parts de marché. Afin de ne pas déstabiliser le marché, certains armateurs
ont préféré créer des alliances entre eux. Ce système, adopté par HapagLloyd et NYK fin 2000 pour
le lancement de services communs, permet le partage de l'activité sur la ligne sans créer une
concurrence déstabilisatrice.
2.
Nouvelle gestion des ressources humaines
La plus grande souplesse dans le recrutement des équipages, permise par l'enregistrement des
navires sous registre international français, a modifié les méthodes de gestion des ressources
humaines des sociétés d'armement. La loi du 3 mai 2005 portant création du RIF permet désormais
aux sociétés d'armement de faire appel à des sociétés de travail maritime, dites sociétés de manning,
pour recruter le personnel non compris dans les 25 ou 35% de travailleurs de l'Union européenne ou
des Etats parties à l'espace économique européen. Ce recours jusqu'alors interdit offre aux
armements une grande souplesse dans la gestion des ressources humaines. En effet, les sociétés de
travail maritime assurent l'intégralité de la gestion des marins qu'elles recrutent, jusqu'au paiement
de leurs salaires. Le recours aux services d'une société de travail maritime, n'expose l'armateur qu'à
peu de contraintes. Les sociétés auxquelles il fait appel doivent être agréées par les autorités de
l'Etat où elles sont établies. A défaut d'agrément par l'Etat ou si la convention 1795 de l'organisation
internationale du travail (OIT) ne s'applique pas dans cet Etat, l'armateur doit s'assurer que
l'entreprise de travail maritime respecte les mesures de cette convention. Cette convention de l'OIT
relative au recrutement et au placement des gens de mer prévoit entre autres que ces entreprises
doivent s'assurer que les marins recrutés «possèdent les qualifications requises et détiennent les
documents nécessaires pour l'exercice des emplois considérés». Par ailleurs l'armateur qui utilise les
services d'une société de travail maritime doit en cas de défaillance de cette dernière, prendre son
relais pour ce qui touche à la rémunération et à certains droits sociaux du marin. Or l'un des enjeux
principaux de la création du registre international français résidait dans la possibilité d'accès à des
sources de main d'œuvre moins coûteuses que les marins nationaux. Il s'agit bien là d'une variable
d'ajustement des coûts salariaux liés à l'exploitation du navire.
B)
Progrès technologiques
La diminution de la consommation des navires est un facteur essentiel à la rentabilité du secteur
du transport maritime. Cette préoccupation a bien été prise en compte par les manufacturiers de
moteurs marins et a débouché sur des évolutions technologiques importantes.
1.
Des moteurs adaptés à l'exploitation
La technologie la plus couramment utilisée pour la propulsion des navires est le moteur diesel.
Inventé à la fin du XIXème siècle par Rudolphe Diesel, le moteur diesel offre l'avantage de
proposer un rendement thermique supérieur aux machines existantes. Grâce à l'invention de la
pompe à injection en 1924 par Lucien Eugène Inchaupsé, il devient un moteur performant. Mais si
la technologie diesel est prédominante dans la propulsion des navires, ses déclinaisons varient en
fonction des besoins du navire. Les moteurs diesels se présentent sous divers types selon les
navigations que le navire devra effectuer, la fréquence des manœuvres à laquelle il sera exposé ou
les vitesses nécessaires à son exploitation. Ces moteurs peuvent être utilisés dans diverses
conditions. Dans le monde maritime, ils ont deux utilisations principales. Ils peuvent être assignés
soit à la propulsion du navire, soit à la production d'énergie électrique quand ils sont couplés à un
alternateur. Trois types de moteurs sont distingués. Les moteurs rapides, ayant une vitesse de
5
Convention 179 adoptée en 1996 par l'Organisation internationale du travail (OIT) sur le recrutement et le placement
des gens de mer. Entrée en vigueur en 2000 et révisée en 2006 par la convention MLC (maritime labour convention)
7
rotation supérieure à 1 000 tours par minute, les moteurs semi rapides, ayant une vitesse de rotation
comprise entre 400 et 1000 tours par minute et les moteurs lents dont la vitesse de rotation est
inférieure à 200 tours par minute. Les deux premières catégories sont constituées de moteurs 4
temps et la dernière catégorie de moteurs 2 temps. Ces derniers, ceux qui nous intéressent dans ce
sujet, sont des moteurs affectés à la propulsion de navires de fort tonnage. Leur architecture et leurs
dimensions nécessitent de vastes compartiments machines pour leur installation. Ainsi pour un
moteur composé de 6 cylindres, les dimensions du moteur atteignent 11,5 mètres de longueur, 7,6
mètres de largeur et 13,6 mètres de hauteur pour une masse de 1 160 tonnes et une puissance de
36180 KW (à 102tpm). Dans la version quatorze cylindres, la plus puissante du catalogue Wärtsilä,
le moteur atteint 26 mètres de longueur, 7,6 mètres de largeur et 13,6 mètres de hauteur pour une
masse de 2300 tonnes et une puissance de 84420Kw (à 102tpm)6. Les dimensions citées ne varient
que très peu chez le concurrent de Wärtsilä, Man B&W.
Ces moteurs dont la vitesse de rotation est très lente sont parfaitement adaptés à des navires
affectés à des lignes longues et n'ayant que peu de manœuvres à effectuer. Leur propulsion est
organisée autour d'un moteur unique, de forte puissance, attaquant la ligne d'arbre sans avoir
recours à un réducteur et tournant à vitesse constante. Leur puissance importante permet
généralement au navire d'atteindre des vitesses de l'ordre de 23 à 25 nœuds. Leur manque de
manœuvrabilité est compensé lors des accostages et appareillages par le soutien de remorqueurs
portuaires. De par leurs performances, ce sont des moteurs destinés aux navires affectés aux lignes
régulières précédemment abordées.
2.
Evolutions technologiques
Le secteur de la construction navale et de la motorisation n'ont pas échappé à la constante
recherche de progrès technologiques. A l'image de l'industrie automobile, l'électronique a pris une
place considérable dans la gestion du fonctionnement des moteurs. Afin de répondre aux besoins du
transport maritime, les motoristes ont adapté leurs produits. Les grandes tendances que sont
l'augmentation de capacité des navires, la recherche de réduction des coûts de fonctionnement et le
respect des normes de pollution ont trouvé une partie de leurs réponses avec des moteurs mieux
adaptés aux besoins, plus flexibles dans leur fonctionnement et au rendement accru. Afin de faire
face au développement technologique, lourd en investissement, les entreprises ont dû, par le biais de
rapprochements ou d'absorption, se développer, donnant naissance à de grands groupes peu
nombreux dans le secteur. Si plusieurs fabricants proposent encore des produits dans les gammes
des moteurs rapides ou semi rapides, le nombre de fabricants de moteurs lents est aujourd'hui
restreint. Les deux principaux groupes à proposer ce type de produits sont Man B&W, groupe
allemand et Wärtsilä, groupe finlandais.
Maîtrisant déjà la production de moteurs de forte puissance dans différentes tailles (6 à 14
cylindres), le plus grand axe de recherche a porté sur l'optimisation de la combustion et le
rendement des machines. Traditionnellement, les moteurs fonctionnent avec un système d'injection
du carburant et d'évacuation des gaz d'échappement contrôlés par un arbre à cames qui actionne les
différents mécanismes des soupapes et pompes en fonction de la position des pistons au cours des
cycles de fonctionnement. Avant l'emploi de l'électronique, l'ordre d'injection et d'échappement
étaient donnés par l'arbre à cames. Son raccordement à l'arbre manivelle l'entraînait en rotation en
fonction de la position des pistons. Le dessin de ces différentes pièces et leur assemblage
coordonnait les différentes phases de fonctionnement du moteur. Les nouvelles générations
apparues depuis le début des années 2000 font appel à la commande électronique en remplacement
de ce système d'engrenages mécaniques. Cette nouvelle approche de la gestion du fonctionnement
du moteur a considérablement modifié son architecture. La recherche d'optimisation de la
combustion a amené les bureaux d'étude à agir plus finement sur l'injection et sur l'ouverture des
soupapes d'échappement. Ces modifications ont été rendues possibles par l'emploi d'électronique
6
Source : Wärtsilä RT-flex96C & RTA96C technology review. Principal engine dimensions and weights p23.
8
pour la gestion de ces paramètres. Les moteurs ne commandent donc plus automatiquement ces
processus mais utilisent le calcul pour les optimiser. La nouvelle architecture des moteurs fait donc
appel à un grand nombre de senseurs qui acheminent les informations à un calculateur. Ce dernier
commande alors les différentes manœuvres de façon optimisée en fonction de la charge du moteur.
La suppression de la transmission mécanique de commande des soupapes et pompes a nécessité
l'utilisation d'une énergie de remplacement. Le moteur est désormais complété de pompes procurant
une pression hydraulique utilisée pour la mise en action des soupapes et injecteurs. La tringlerie de
commande est ainsi remplacée par des circuits hydrauliques autorisant une gestion beaucoup plus
fine de l'injection de carburant et de l'échappement. Ces évolutions techniques auraient permis, au
dire des fabricants, de réduire les consommations de carburant de 3% par rapport à un moteur de
même puissance, mais équipé d'une commande classique par arbre à cames.
L'emploi de l'électronique sur ce type de moteurs offre également la possibilité de régler de façon
optimale le fonctionnement du moteur selon la vitesse requise au cours du voyage. La transmission
mécanique au moyen d'un arbre à came n'autorise que peu de réglages sur le fonctionnement du
moteur et est sujette à variations à cause des vibrations très importantes générées par le moteur.
L'électronique permet par sa précision et sa capacité à recalculer en permanence les paramètres du
moteur, une grande finesse et une grande fiabilité des réglages. Le fait de pouvoir régler le plus
précisément possible le fonctionnement du moteur permet de réduire les émissions de gaz
d'échappement en assurant une combustion maximum du mélange air/carburant dans les cylindres.
Les moteurs sont désormais dotés de rampes communes d'injection du carburant en
remplacement des pompes d'injection dédiées chacune à un piston. Le carburant y est maintenu à
une pression d'environ 1000 Bars, prêt pour l'injection. L'ordre de procéder à l'injection est
maintenant donné par des unités de contrôle de l'injection. Les injecteurs, au nombre de trois par
cylindre, peuvent être réglés individuellement. Le nombre de trois injecteurs permet d'obtenir une
meilleure diffusion du carburant et un mélange plus intime entre l'air et le carburant donc une
combustion plus homogène et plus complète. L'ensemble est actionné par un circuit hydraulique. La
quantité de combustible injectée est calculée précisément afin d'en obtenir une énergie thermique
optimale. Le fonctionnement des soupapes d'échappement est également commandé par une force
hydraulique. Leur ouverture est ainsi parfaitement contrôlée ce qui permet d'assurer une évacuation
de l'air vicié et un renouvellement de l'air frais optimum en fonction du régime du moteur, de la
quantité de carburant à injecter et de la vitesse demandée au navire. Afin que ces divers éléments
entrent en action au moment le plus adéquat, l'arbre manivelle du moteur est doté à son extrémité
d'un capteur d'angle (crank angle sensor). Ce capteur transmet à l'unité de contrôle du moteur
(ECU : engine control unit) la position exacte de l'arbre, donc la position exacte de chaque piston
dans son cylindre. C'est cette donnée qui permettra de manœuvrer au meilleur moment les injecteurs
et les soupapes d'échappement. Une fois calculé le moment précis auquel les organes doivent entrer
en action, le système de contrôle électronique (ECS : electronic control system) transmet les
instructions à une rampe hydraulique d'asservissement maintenue à 200 Bars de pression. C'est cette
huile sous pression qui servira de levier aux différents organes à mettre en mouvement. Là encore,
la gestion électronique du moteur aurait permis de réaliser des économies importantes, puisque la
consommation d'huile du moteur aurait diminué de 25%.
La modernisation du fonctionnement des moteurs a nécessité de mettre en place une architecture
particulière pour assurer une fiabilité maximum. En effet, la commande d'action des différents
organes du moteur n'étant plus liée à une transmission d'ordre mécanique, il a fallu s'assurer que les
différentes machines auxiliaires ne puissent engendrer une panne générale du fait du
dysfonctionnement de l'une d'entre elles. La solution retenue par les fabricants a naturellement été la
redondance des équipements. L'objectif à atteindre est donc la capacité du moteur à fonctionner
même en cas de panne d'un certain nombre d'auxiliaires. Ainsi tous les organes essentiels au
fonctionnement du moteur sont dupliqués, de telle façon que même si l'un d'entre eux vient à ne
plus opérer, d'autres peuvent prendre le relais. Ils sont également disposés et connectés aux unités
de contrôle, afin que chaque unité de contrôle puisse gérer chacune des pompes hydrauliques. En
9
théorie, la perte d'une pompe doit être compensée par le fonctionnement d'une autre, et chaque unité
de contrôle doit être suppléée par une autre unité. Ce principe de redondance des équipements est
devenu nécessaire du fait de la grande complexité des architectures des circuits. Les équipes de
mécaniciens à bord des navires devraient avoir une parfaite connaissance des différents appareils
nécessaires à la conduite du navire et en particulier les interactions entre ces appareils.
C)
Des enjeux financiers mais aussi écologiques
Le prix des soutes, composé des combustibles nécessaires à la propulsion du navire, qui est une
composante majeure du prix du fret, a véritablement explosé depuis ces dernières années. Afin de
contrer ce phénomène, les sociétés d'armement ont cherché à diminuer les dépenses dans les postes
combustibles et huiles très onéreux dans la gestion du navire. De plus, la recherche actuelle de
diminution de l'impact sur l'environnement amène les armements à tenter de diminuer les émissions
de polluants des navires, et les motoristes à avoir toujours une longueur d'avance pour maintenir
leur avance et respecter les normes internationales, voire les anticiper.
1.
Recherche de réduction des coûts
Si on se penche sur le prix du baril, véritable indicateur de la variation des prix des carburants, il
est à noter que ses fluctuations sont restées relativement modérées au cours des années quatre-vingtdix. Sur la décennie, il s'est maintenu aux alentours des 20$ le baril. En revanche, depuis le début
des années 2000, une hausse des prix s'est amorcée avec une accélération à compter de 2005. La
plus forte hausse aura lieu entre janvier 2007 et juillet 2008 avec un prix du baril qui passera de
51,85 à 144,1 dollars7. L'industrie du transport maritime, grande consommatrice de carburant, a axé
ses recherches d'économie sur la réduction de la consommation des navires. Avec l'envolée des prix
des combustibles, les armateurs ont dû s'engager dans la réduction des coûts d'exploitation pour
maintenir la rentabilité des lignes. La réduction de la consommation des navires est passée par
différentes modifications dans la gestion des navires. Le transport de la plupart de ces grandes
lignes concerne des produits manufacturés et des matières premières pour l'essentiel. Un des axes
retenus pour limiter la consommation de combustible a été la réduction de vitesse des navires. Les
produits transportés n'étant souvent pas périssables, cette augmentation du temps de transit ne posait
pas de problème. L'économie ainsi réalisée n'est pas négligeable. En effet, Selon une étude de
l'International association of maritime economists publiée en 2009, la consommation moyenne d'un
porte-conteneurs de plus de 10 000 EVP passe de 362 tonnes de fioul par jour pour une vitesse de
25 nœuds à 124,1 tonnes pour une vitesse réduite à 18 nœuds8. Il est ainsi obtenu une
consommation divisée par presque trois avec malgré tout un allongement considérable de la durée
du voyage. Mais lorsque l'on rapproche l'augmentation du temps de transit de la réduction de la
consommation journalière, il apparaît très nettement que cette stratégie porte ses fruits. En effet,
considérant une route maritime reliant l'Europe du nord à l'Asie, ce qui représente en moyenne une
distance de 11 200 milles nautiques, l'économie réalisée en tonnes de combustible s'élève à environ
3 650 tonnes de fioul par voyage malgré l'allongement du nombre de jours de mer. Si la réduction
de la vitesse des navires peut sembler le remède idéal pour faire face à la hausse du prix des
combustibles, il ne s'agit là que d'une solution temporaire. Si les navires ont été conçus pour
atteindre des niveaux de performance en termes de vitesse, c'est pour une bonne raison. Elles offrent
au client les avantages d'un service de transport rapide permettant la diffusion des biens dans la
zone de destination dans un délai le plus réduit possible. Afin de pouvoir maintenir des vitesses
7
Source : prixdubaril.com - le cours officiel du baril - site tenant à jour l'évolution des cours du
baril.
8
Notteboom, T. and Carriou, P., (2009). “Fuel surcharge practices of container shipping lines: Is it about cost recovery
or revenue making?”. Proceedings of the 2009 International Association of Maritime Economists (IAME)
Conference, June, Copenhagen, Denmark.
10
élevées sur les navires en continuant à réduire les coûts d'exploitation, les motoristes conduisent des
politiques de recherche et de développement pour l'optimisation des performances des moteurs.
2.
Réduction des émissions de gaz polluants dans l'atmosphère
La volonté de réduire les coûts d'exploitation des navires a entraîné une modernisation des
machines de propulsion des navires. Mais ce n'est pas le seul facteur à avoir été pris en compte pour
cette modernisation. L'évolution des mentalités en termes d'impact sur l'environnement, cumulée à
la réglementation par le biais de la convention MARPOL a amené les différents acteurs du monde
du transport maritime à prendre en compte cette composante. L'annexe VI de la convention
MARPOL (marine pollution) sur la pollution par les navires, adoptée en 1997 et entrée en vigueur
en 2005 traite de la «règlementation pour la prévention de la pollution de l'air par les navires». Elle
vise à limiter les émissions de gaz des navires. Les oxydes d'azote (NOx) et oxydes de soufre (SOx)
font partie des gaz ciblés par ce texte. Cette annexe VI fixe certains taux à ne pas dépasser. C'est le
cas pour la teneur en soufre des combustibles qui ne doit pas excéder 4,5%. Mais les niveaux requis
par le texte ont vocation à évoluer. Les taux fixés sont amenés à diminuer et les Etats parties sont
invités à faire tendre les émissions de gaz polluants vers le niveau le plus bas possible. Des groupes
de travail sont amenés à étudier les niveaux raisonnablement admissibles dans les années à venir
afin de faire évoluer la Convention.
Les fabricants des moteurs destinés aux navires de charge ont dû proposer des produits
respectant les nouvelles normes d'émissions de gaz tels que les NOx et SOx. Mais en plus de
proposer des produits respectant les normes en vigueur, ils ont su profiter de ces enjeux pour se
lancer dans une course à la modernisation visant à réduire à des niveaux encore plus bas ces
émissions. En effet, s'ils sont en mesure d'atteindre les objectifs envisagés dans les groupes de
travail qui préparent les prochaines révisions de l'annexe VI, ils s'assurent la conquête du marché.
Ainsi les contraintes environnementales de MARPOL ont été considérées comme un moteur de
développement et amènent aujourd'hui les fabricants, non plus simplement à proposer des produits
conformes la réglementation, mais à développer et proposer des produits anticipant les futures
normes de pollution.
Pour ce qui est des sociétés d'armement, le respect des taux d'émissions de gaz polluants est un
passage obligé. L'accès des navires à une zone où s'applique la convention MARPOL impose
désormais la possession d'un certificat de prévention de la pollution de l'air (IAPPC : international
air pollution prevention certificate) délivré par l'autorité du pavillon ou par une société reconnue par
lui. Or les armements ont bien compris que les normes n'iraient pas vers un allègement. De plus, ils
ont intégré la question environnementale dans la politique compagnie. Cette préoccupation de la
protection de l'environnement est devenue un véritable phénomène de société. Les entreprises de
transport, conscientes de l'image polluante de leur activité se lancent dans le développement
d'actions écologiques et de communication, et cherchent à réduire leur empreinte sur
l'environnement. Si l'on prend le cas d'un groupe comme CMA-CGM, la politique
environnementale s'est construite autour de trois grands axes. Les deux premiers se concentrent sur
le milieu d'évolution du navire que sont l'air et la mer, et le troisième apporte des solutions
écologiques. C’est une véritable culture environnementale qui s'est développée au sein de
l'entreprise. En nous intéressant à l'objectif de préservation de l'air, il apparaît que les solutions
adoptées sont d'ordre technologique. La réduction de vitesse des navires et leur optimisation est
additionnée à la réduction de consommation lors des escales quand cela est possible en se
fournissant en énergie électrique depuis la terre. Les formes de carène et de safran font l'objet
d'études afin d'être optimisées. L'installation d'équipements optimisant le rendement de l'hélice et
de moteurs réduisent les consommations de carburant et d'huile.
11
D)
Une évolution timide de la convention STCW
Depuis sa création en 1959, l'organisation maritime internationale (OMI) n'a eu de cesse de faire
progresser la sécurité de la navigation maritime. Cette constante recherche a, dès ses débuts, mis en
valeur l'importance de la formation des équipages. Le but de la convention sur les normes de
formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (STCW) est d'améliorer la
sauvegarde de la vie humaine en mer et la protection du milieu marin, en établissant des normes
internationales de qualification des gens de mer. Ainsi la convention STCW permet de lutter contre
les navires sous normes et le dumping social, source de concurrence déloyale et de menace contre la
sécurité en mer.
1.
Une nécessaire évolution des référentiels
Les amendements de 1995 à la convention STCW ont permis de préciser les connaissances
requises et les méthodes d'évaluation des acquis. Pour lui permettre de s'adapter à un monde en
évolution, il est apparu nécessaire d'apporter à la convention de nouvelles adaptations. Elles
s'appliqueront à partir de janvier 2012 suite à la conférence de Manille qui s'est tenue en juin 2010.
La convention STCW exige une nouvelle approche dans la démonstration de l'aptitude à exercer
une fonction. L'industrie du transport maritime a connu, comme toutes les autres industries, de
nombreux progrès technologiques tant du point de vue des services pont, désignant le personnel
affecté à la navigation et au quart à la passerelle, que machine, dont le personnel est responsable de
la propulsion et de la conduite des machines. Les progrès technologiques tels que le développement
des stations SMDSM (système mondial de détresse et de sécurité en mer) ont bien été pris en
compte pour la formation des marins lors de la conférence STCW de 1995 dans sa résolution 4 par
exemple. Le facteur humain a également été pris en considération dans la résolution 5 de la même
conférence en insistant sur l'importance de la formation des gens de mer et leur capacité à utiliser
correctement les appareils à leur disposition. Il n'en va pas de même des progrès réalisés par les
fournisseurs de moteurs marins pour des navires dont la capacité est de plus en plus importante. Cet
accroissement de la taille des navires a nécessité l'installation de moteurs de propulsion dont la
puissance a dû être considérablement accrue et dépassant aujourd'hui les 84 000 KW (plus de
100 000 chevaux). Ces niveaux de puissance ont été rendus possibles grâce à la mise en place de
moyens très perfectionnés de gestion et d'optimisation des machines. Les mises à jour des
référentiels de formation du code STCW n'avaient pas pris en compte ces paramètres. En effet, il
apparaît à la lecture du code que les normes devant être atteintes restent très vagues. Ainsi pour la
fonction «mécanique navale au niveau de direction», c'est à dire un chef mécanicien ou second
mécanicien d'un navire dont l'appareil de propulsion principal a une puissance supérieure ou à égale
à 3 000KW, la partie A (dispositions obligatoires du code STCW) prévoit par exemple la
compétence suivante : «faire fonctionner les machines, surveiller et évaluer leur performance et
leur capacité». Cette formulation semble applicable à l'ensemble des installations propulsives sur
n'importe quel navire.
Si les moteurs marins conservent dans le principe le même fonctionnement, ils ont dû s'adapter
aux exigences nouvelles de consommation et de normes antipollution. L'architecture a évolué et
l'électronique a pris, à l'image de l'industrie automobile, une place prépondérante dans le
fonctionnement de l'installation. Le personnel du niveau de direction est donc toujours amené à
faire fonctionner les machines, les surveiller et évaluer leurs performances, mais les niveaux de
connaissance ont naturellement changé.
Les travaux préparatoires de la conférence de manille auront finalement débouché sur certaines
évolutions importantes en matière de formation en particulier pour le personnel destiné au service
machine des navires. La conférence de Manille 2010 reprend le principe des référentiels de
formation du code STCW parties A et B en y précisant certains domaines de compétence. Ainsi la
compétence précédemment citée pour la mécanique navale au niveau de direction devient «faire
fonctionner l'appareil propulsif et les machines auxiliaires, évaluer leur performance et assurer leur
12
sécurité». Apparaît dans ce nouvel intitulé la notion de machines auxiliaires, devenues de plus en
plus nombreuses et nécessaires au fonctionnement des moteurs de dernière génération. De plus, la
notion de «sécurité» est introduite.
A l'image de tous les autres secteurs industriels, le transport maritime et la construction navale
ont vu l'utilisation de l'électronique se généraliser à bord des navires. Pour répondre à ce
phénomène, il était devenu nécessaire de fournir aux équipages confrontés à la conduite des navires
récents les connaissances nécessaires pour faire face à la manipulation, à l'entretien et à la
réparation des circuits électroniques. La France, par ses représentants dans les groupes de travail et
auprès des instances internationales, a dès 2009 voulu que la problématique du développement de
l'électronique sur les navires soit prise en considération dans les amendements de Manille. Cette
volonté partagée par plusieurs autres Etats parties et appuyée par des experts, aboutira finalement à
l'idée de créer de nouvelles fonctions. Ce sera chose faite lorsque les amendements de la conférence
de Manille entreront en service. Ces amendements prévoient au chapitre III de la Convention, aux
règles III/6 et III/7 la création de deux nouveaux brevets d'officier et de matelot électrotechnicien.
La création de ces brevets s'accompagne des référentiels correspondants aux sections A-III/6 et AIII/7 du code STCW modifié dans les amendements de 2010. Jusqu'en 2012, les amendements en
vigueur à la convention STCW 1995 prévoient que le personnel au niveau de direction doit
maîtriser deux compétences relatives à la fonction «électrotechnique, électronique et systèmes de
commande». Ces deux compétences disparaissent en l'état et sont remplacées par deux nouvelles.
Les chefs mécaniciens et seconds-mécaniciens des navires dont l'appareil de propulsion a une
puissance égale ou supérieure à 3000 KW ne devront plus faire fonctionner et vérifier le matériel de
commande électrique et électronique, ni en détecter les pannes, les maintenir et les remettre en état.
Ils devront désormais en «gérer le fonctionnement» ainsi que le «dépannage et la remise en état de
marche». Ces compétences nouvelles comprennent une partie théorique et une partie pratique.
L'officier électrotechnicien viendra compléter les connaissances en matière de systèmes électriques,
électroniques et de commande.
La création de ce brevet vient clairement répondre au besoin de gestion des systèmes
électroniques du navire en particulier les circuits de gestion des nouveaux moteurs développés. Ces
machines font de plus en plus souvent appel à des commandes entièrement électroniques. Les
amendements de Manille prévoient donc qu'une des compétences de l'officier électrotechnicien sera
de «Surveiller le fonctionnement des systèmes de commande automatique de l'appareil de
propulsion et des machines auxiliaires».
E) Evolution nécessaire mais difficile du système de
formation
Il est aujourd’hui indispensable pour un Etat que ses brevets soient reconnus au niveau
international pour offrir des perspectives d’emploi à ses marins. Mais l’évolution de la formation se
heurte à la protection du savoir-faire technologique des grands groupes industriels.
1.
Volonté de valoriser les carrières professionnelles
Les grands centres de formation maritime proposant des cursus d'officiers certifiés STCW
doivent aujourd'hui proposer aux sociétés d'armement un personnel formé selon les normes en
vigueur et en offrant une plus-value de manière à assurer à leurs marins un recrutement rapide et
une carrière valorisante. Le Baltic & international maritime council (BIMCO) et l'International
shipping federation (ISF) proposent depuis 1990 une étude sur l'origine des marins, en fonction de
leur niveau d'emploi, officiers ou subalternes. Le BIMCO est une association indépendante
internationale composée de nombreux acteurs privés du secteur maritime et l'ISF la principale
organisation internationale des employeurs du milieu maritime. Cette étude, mise à jour tous les
cinq ans, montrait en 2005 l'importance des pays de l'organisation de la coopération et du
développement économiques (OCDE) dans la fourniture d'officiers pour la marine de commerce
13
mondiale. En 2005, sur 466 000 officiers recensés par l'étude, plus de 130 000 étaient originaires
d'un pays de l'OCDE soit environ 28% du nombre total d'officiers. Mais déjà, l'étude mettait en
avant le fait que les pays d'Europe de l'est, d'Asie et du sous-continent indien occupaient une place
de plus en plus importante9. Le potentiel d'emplois qualifiés, et même subalternes, qu'offre le
secteur du transport maritime est loin d'être négligeable pour des Etats souvent frappés par un taux
de chômage important. La dernière mise à jour de ces chiffres, en date de 2010, montre que le
nombre d'officiers s'est accru de façon importante passant à 624 000, soit une hausse de 34%, alors
que dans le même temps, la part des officiers provenant des pays de l'OCDE n’a pas changé10. Dans
un contexte économique difficile, les Etats ont intérêt à pourvoir le besoin de main d'œuvre de leur
pavillon, mais aussi des pavillons étrangers, en marins nationaux. Il en résulte que les centres
nationaux de formation maritime cherchent aujourd'hui à valoriser les officiers sortant de leurs
écoles.
C'est la raison pour laquelle la France a cherché à transposer les exigences de la convention
STCW au travers de brevets polyvalents, amenant ainsi ses marins, grâce à une formation complète,
à pouvoir exercer aussi bien au pont qu'à la machine. Ce choix de formation reste assez marginal au
niveau international puisque seules les Philippines ont recours, et occasionnellement seulement, à ce
type de brevet11. C'est également pour offrir du personnel qualifié, en nombre suffisant, et respecter
au plus près les directives de la convention STCW, que les formations monovalentes s'ajoutent aux
formations traditionnellement polyvalentes. Cette mixité permet à la France d'être répertoriée sur la
liste blanche de l'OMI en tant qu'Etat «ayant donné plein et entier effet aux dispositions de la
Convention» depuis décembre 2002. Enfin, dans le but de valoriser d'avantage les officiers formés
dans ses écoles, la France souhaite voir délivrer aux officiers ayant suivi les cinq années d'études et
ayant obtenu le diplôme d'études supérieures de la marine marchande (DESMM) le titre d'ingénieur.
Nous assistons donc à une recherche de performance des centres de formation visant à une
reconnaissance de la qualité des marins et à leur compétitivité au niveau international. Mais face à
cette volonté de proposer des marins qualifiés, la hausse des compétences requises pour la
certification STCW peut être perçue comme un obstacle par des Etats n'étant pas en mesure de
fournir l'outil technologique nécessaire.
2.
Volonté de protection des technologies développées
Enfin, les fabricants de moteurs n'ont pas intérêt à voir diffuser trop largement les technologies
qu'ils développent. Comme pour tous les domaines de l'industrie, la protection des évolutions
technologiques permet de préserver son implantation dans le marché. C'est la raison pour laquelle,
les fabricants proposent aujourd'hui leurs propres modules de formation. Ne cherchant pas à
remplacer les centres de formation des marins, ils proposent de mettre à la disposition des
exploitants de leurs machines, donc de leurs clients, des stages de formation pour le personnel
appelé à conduire ces types de moteurs. Ces stages permettent au personnel de mieux maitriser le
fonctionnement et l'architecture de l'appareil en les aidant à mieux diagnostiquer les
dysfonctionnements pouvant survenir. En diffusant faiblement les informations techniques sur le
fonctionnement de leurs moteurs, ils conservent leur savoir-faire et donc leur réseau de clientèle.
Les partenariats sont ainsi assez peu nombreux mais pas inexistants. Quelques simulateurs ont été
implantés, mais toujours en lien avec des stratégies d'ouverture géographique. Wärtsilä a même
confié au développeur de simulateurs Kongsberg la création d'un logiciel basé sur le
fonctionnement de son moteur RT-flex à douze cylindres. Kongsberg est aujourd'hui l'un des
principaux fournisseurs de simulateurs pour les centres de formation maritime.
9
Source : BIMCO/ISF Manpower update 2005 «The worldwide demand for and supply of seafarers»
Source : BIMCO/ISF Manpower update 2010 «The worldwide demand for and supply of seafarers»
11
Source : rapport du groupe de travail du conseil supérieur de la marine marchande (CSMM) sur la formation maritime.
Groupe de réflexion sur la formation maritime. 2007-2008
10
14
PARTIE II. LA REPONSE AU DEVELOPPEMENT TECHNOLOGIQUE : DE
NOUVELLES STRATEGIES DE FORMATION
A)
Organisation de la formation
Si autrefois la profession de marin pouvait être embrassée par n'importe quelle personne motivée
et montrant des aptitudes pour la vie embarquée, il n'en est plus de même aujourd'hui. Un candidat à
la profession de marin doit désormais réunir un certain nombre de conditions, telles qu'un âge
minimum, des normes d'aptitude physique, des qualifications professionnelles voire dans le cas de
la France certaines conditions de moralité.
1.
Des centres de formation certifiés
Les qualifications professionnelles des marins de commerce font l'objet d'une certification et
donnent lieu à la délivrance de brevets. Ces brevets sont encadrés au niveau international par la
convention STCW. Cette convention prévoit également la certification des centres de formation et
la reconnaissance internationale des brevets et certificats délivrés par un Etat partie. En effet, la
Convention fixe des règles pour la formation des marins, le contrôle de leurs connaissances, la
délivrance et la revalidation des brevets. Pour permettre à un marin de travailler sous quelque
pavillon que ce soit, il doit y avoir reconnaissance de son brevet au niveau international. Il
appartient à chaque Etat-partie à la convention de s'assurer que l'établissement qui dispense une
formation maritime débouchant sur un brevet, prescrit en vertu de la Convention, soit reconnu par
lui. Le paragraphe 7 de la partie A-I/6 sur la formation et l'évaluation dispose que chaque Partie doit
s'assurer que les qualifications et l'expérience des formateurs et des évaluateurs, ainsi que
l'application des normes de qualité «doivent satisfaire à toutes les prescriptions applicables». Ces
prescriptions sont un recueil des compétences qui sont attendues des formateurs et des évaluateurs.
Le code STCW, véritable recueil des normes de formation, établit la liste des compétences qu'un
marin doit maîtriser pour se voir délivrer un brevet STCW. Composé de deux parties, le code
énumère, par secteurs, par niveau d'emploi et par spécificité de certains navires, les compétences
obligatoires dans sa partie A, et propose des recommandations relatives à chacune des parties de la
Convention, de l'annexe et du code dans sa partie B. Ainsi un centre de formation des gens de mer
se doit de balayer dans son programme de formation l'ensemble des rubriques concernant la
délivrance d'un brevet. L'OMI propose également de fournir une aide à la formation au moyen de
cours types organisés par domaines de compétences. S'il est possible pour chaque Etat Partie
d'organiser les types de brevets délivrés par ses établissements de formation, ils doivent tout de
même répondre à certaines exigences de la Convention.
L'OMI liste sept fonctions regroupant les domaines de compétences nécessaires à acquérir :
 navigation;
 manutention et arrimage;
 contrôle de l'exploitation du navire et assistance aux personnes à bord;
 mécanique navale;
 électrotechnique, électronique et systèmes de commande;
 entretien et réparation;
 radiocommunications.
15
Sont également déterminés trois niveaux de responsabilité :
 niveau de direction (capitaine et second-capitaine, chef mécanicien et second mécanicien);
 niveau opérationnel (officiers);
 niveau d'appui (matelots).
L'association d'une ou plusieurs fonctions et d'un niveau de responsabilité détermine un rôle à bord.
Le détail des compétences requises pour chacun des rôles est ensuite recensé dans une série de
tableaux de la partie A du code. Chaque compétence est accompagnée du détail des connaissances,
de la compréhension et de l'aptitude qui lui sont liées ainsi que des méthodes pour démontrer leur
maîtrise et des critères d'évaluation. Ainsi pour être certifié STCW, un centre de formation doit
répondre aux normes contenues dans la Convention et dans le code. Il appartient à l'administration
de chaque Etat-partie de s'assurer du respect des normes de formation des établissements de son
ressort. Seul un établissement agréé par son Etat peut délivrer un brevet STCW. Un brevet délivré
par un centre de formation doit faire l'objet d'une reconnaissance par l'administration. Cette
reconnaissance est attestée par le visa de l'administration conformément au paragraphe 5 de la règle
I/2. De plus, la règle I/9 prévoit que chaque Partie s'engage à «tenir un registre de tous les brevets
et visas de capitaine et d'officier et, selon le cas, de matelot qui sont délivrés». Ce registre permet à
n'importe-quel Etat de s'assurer qu'un marin est bien titulaire du brevet pour la fonction qu'il
occupe.
Si les règles fixées par la convention STCW encadrent d'assez près la formation et les brevets
des marins employés au commerce, elles autorisent tout de même certaines libertés aux Etats-parties
sur l'organisation des brevets. Ainsi, si la plupart des pays ont opté pour un système de brevets
monovalents avec des filières «pont» et «machine», la France a pour sa part préféré un système de
brevets polyvalents. La plupart des officiers français suivent donc une formation couvrant les
référentiels STCW des deux filières durant leur formation. Cependant, pour faire face aux besoins
des armateurs en personnel opérationnel de navigation, une formation monovalente a été créée en
2008 par un arrêté du 11 mars 2008. Il apparaît ainsi assez bien que les Etats-parties peuvent manier
les brevets en fonction des besoins et des contraintes de formation dans la mesure où ils continuent
de respecter les standards STCW.
2.
L'application de référentiels
Tous les centres de formation certifiés doivent appliquer des référentiels normatifs destinés à
harmoniser, voire uniformiser la formation des gens de mer. Il doit être conservé à l'esprit que
l'objectif premier de la convention STCW était d'accroître la sécurité de la navigation. Dès 1960 il
était prévu dans les résolutions de la convention SOLAS (safety of life at sea) que les
gouvernements devaient prendre toutes les mesures pour s'assurer que la formation des marins était
tenue à jour en ce qui concerne l'utilisation des aides à la navigation, des équipements et des
systèmes12. Ce souci de voir le personnel embarqué, posséder les aptitudes à assurer la conduite du
navire dans la sécurité, a été renforcé avec l'adoption de la convention STCW. Dès sa première
rédaction, la Convention a cherché à établir des normes de formation des marins. Les amendements
de 1995 ont eu pour but, non pas d'élever ces normes mais de mieux faire appliquer celles définies
en 1978 en les détaillant. Au regard de la Convention et de ses amendements, un établissement de
formation possède un véritable guide de bonnes pratiques à mettre en œuvre, afin de délivrer un
brevet certifié STCW. En effet, non content de lister les compétences en fonction du niveau de
responsabilité de l'élève, le code STCW définit dans sa section A-I/6 l'ensemble du processus de
formation et d'évaluation. Y sont également détaillés les critères autorisant les intervenants à
procéder à la formation ou à l'évaluation des élèves, aussi bien dans le cadre d'une formation en
12
Annexe D à la convention SOLAS de 1960, Recommandations relatives aux dispositions de la Convention qui ont
trait à la sécurité de la navigation, §39, Entraînement des capitaines, officiers [...] dispositifs.
16
centre qu'à bord d'un navire, au cours d'une formation initiale ou continue. Afin d'aider les
enseignants à appliquer les référentiels de formation, aussi bien au pont qu'à la machine, l'OMI met
à disposition des cours-types. Ces manuels doivent permettre à l'instructeur de préparer ses cours en
accord avec les référentiels de formation. De plus, les tableaux de recensement des compétences
proposent pour chacune d'entre elles, une liste de connaissances et d'aptitudes que les élèves devront
maîtriser à la fin de la formation. Le code STCW décrit les «méthodes permettant de démontrer les
compétences» ainsi que les «critères d'évaluation des compétences» que l'évaluateur devra adopter.
Il est cependant à regretter que les dernières éditions des cours-types «machine» publiés par l'OMI
datent déjà de 1999. Ces supports auraient certainement gagné à être mis à jour, étant donné
l'évolution technologique qu'ont connu les systèmes de propulsion au cours de ces dix dernières
années. Il est à noter que des cours-types seront édités par l'OMI, afin d'accompagner les
enseignants dans la préparation du brevet d'électrotechnicien, qui verra le jour à l'entrée en vigueur
des amendements de 2010 à la convention STCW. Les travaux de rédaction de ces supports sont
actuellement menés par les experts ayant participé à la création de ce brevet.
Les recommandations de la partie B du code STCW sont destinées à la fois aux Etat-parties et
aux personnes chargées de «mettre en œuvre, d'appliquer ou de faire respecter ses dispositions». Si
ces mesures n'ont pas de caractère obligatoire, elles visent à illustrer la façon dont certaines
dispositions de la partie A peuvent être respectées. L'intérêt de ces recommandations est d'orienter la
formation délivrée aux gens de mer afin de «donner à la Convention son plein et entier effet de
manière uniforme». Le code STCW prévoit par exemple la possibilité d'utiliser des simulateurs pour
la formation des élèves. Dans sa partie obligatoire, il inventorie les normes de fonctionnement selon
l'emploi du simulateur. La partie 1 de la section A-I/12 différencie les simulateurs dont l'emploi est
destiné à la formation, de ceux destinés à l'évaluation. Les critères applicables à ces appareils n'étant
pas les mêmes, il peut apparaître nécessaire de disposer d'appareils distincts suivant leur utilisation
sans pour autant que cela soit obligatoire dans la mesure où tous les critères sont respectés par un
appareil unique. Dans cette section ne sont mentionnés que deux types de simulateurs qui, par
ailleurs, font l'objet de normes de fonctionnement supplémentaires. Il s'agit du simulateur de radar
et du simulateur d'aide de pointage radar automatique (APRA). Ces deux appareils font l'objet d'une
compétence du tableau A-II/1 avec comme méthode d'évaluation la «preuve donnée d'une formation
approuvée sur simulateur de radar et simulateur d'APRA, plus expérience en service». Si la
formation du personnel machine n'est pas mentionnée dans la section A-I/12 portant sur les normes
des simulateurs, les tableaux listant les compétences font tout de même apparaître la possibilité de
leur utilisation. Le tableau concernant la fonction «mécanique navale au niveau opérationnel» (AIII/1) prévoit parmi les méthodes permettant de démontrer trois des sept compétences requises, la
«formation approuvée sur simulateur, s'il y a lieu». Le tableau concernant la fonction «mécanique
navale au niveau de direction» (A-III/2) prévoit parmi les méthodes permettant de démontrer cinq
des six compétences requises, la «formation approuvée sur simulateur, s'il y a lieu». De plus, la
section B-I/12 du Code (partie recommandations) fournit des renseignements sur les capacités que
devrait offrir un simulateur de fonctionnement des machines principales et auxiliaires.
B)
Les stratégies des constructeurs
Pour assurer la diffusion de leurs produits et la fidélisation de leurs clients, les fabricants de
moteurs ont développé des moyens de formation et de soutien, spécialement adaptés aux utilisateurs
de leurs moteurs. On estime aujourd'hui que Wärtsilä aurait vendu environ 700 moteurs à
commande électronique sous licence, et Man B&W en aurait mis 500 en service13. L'enjeu est donc
de taille pour les fabricants, qui doivent assurer le service après-vente pour leurs clients.
13
Aucun chiffre exact n'a pu être obtenu auprès des fabricants, lors de l'étude. Les chiffres avancés sont tirés d'articles de
presse ou de rapports émis par le constructeur. Chiffre Wärtsilä obtenu dans un article du dossier propulsion de
l'hebdomadaire le marin du 11 juin 2010 «le premier RT-Flex de CMA CGM», Guilheim Ricavy. Chiffre Man B&W
obtenu dans le «service experience 2010» édité par le constructeur.
17
1.
Déploiement de moyens techniques
Des réponses techniques passant par la duplication des systèmes de commande ou la diminution
des entretiens ont été apportées aux sociétés d'armement. La grande utilisation de l'électronique sur
les moteurs modernes a nécessité de modifier l'approche du personnel chargé de la conduite de ces
appareils. La part de mécanique pure dans l'entretien de ces machines a réduit significativement du
fait du remplacement de l'arbre à cames, de ses engrenages et de sa tringlerie par des commandes
hydrauliques commandées par des unités de contrôle électroniques. L'approche du métier de chef
mécanicien ou d'officier mécanicien a évolué également. La manutention et la réparation des pièces
constituant le moteur a diminué. L'objectif des fabricants, en proposant des machines fiables et
d'entretien réduit, est d'augmenter le temps entre deux révisions majeures. Un moteur de dernière
génération produit par Wärtsilä ne requiert de révision majeure que tous les trois ans. Ce temps
permet à l'exploitant du navire de pouvoir planifier cette opération en immobilisant le navire à une
période la moins gênante possible pour son exploitation. Le système fournissant de plus des outils
d'auto-diagnostique intégrés, limite la nécessité d'avoir à intervenir directement sur les composants
de la machine par l'équipe de mécaniciens. L'optimisation du système de propulsion transforme peu
à peu le rôle des mécaniciens du bord en un rôle de conducteur de la machine chargé d'assurer le
surveillance et le suivi du moteur.
Afin d'offrir un soutien logistique aux équipes machine et aux opérateurs, les fabricants ont
développé tout un ensemble de services. En premier lieu, ils fournissent pour le personnel en charge
de la conduite du moteur des formations spécialement adaptées aux machines installées. Au cours
d'un stage d'une semaine, les marins se familiarisent avec le fonctionnement du moteur et de ses
auxiliaires et avec les procédures d'entretien et de maintenance. Ces formations peuvent être
dispensées dans un centre mis à disposition par le fournisseur du moteur ou directement sur
l'installation à bord du navire équipé. En plus des formations, un certain nombre d'instructions sont
disponibles pour réaliser les opérations courantes d'entretien sur les moteurs. Des lignes
téléphoniques accessibles en permanence sont mises à la disposition des équipages pour permettre
d'apporter un éclairage ou une solution à tous types de problèmes rencontrés sur les installations.
Pour proposer une offre complète de services, les deux principaux fabricants s'appuient sur un
réseau d'agents implantés à travers le monde sur les grandes routes maritimes. Wärtsilä a implanté
plus de cent-soixante agents dans soixante-dix pays différents14 et Man B&W propose un réseau
réparti dans plus de cent-cinquante pays du monde15. Cette organisation mondiale permet de fournir
en tout lieu un support logistique et technique aux navires équipés de leurs moteurs, tant pour la
fourniture de pièces détachées que pour le soutien technique. Les deux fabricants proposent en effet
l'intervention de techniciens en cas de problèmes sur les machines, ne pouvant être résolus par les
équipes du bord et les services d'assistance téléphonique précédemment cités.
2.
L'équipement de grandes séries de navires
La production des navires se faisant de plus en plus souvent sur le principe des séries, le fait pour
un fabricant de moteurs de pouvoir saisir ce marché lui offre une force commerciale importante et la
possibilité de développer son réseau et donc son offre de service. Le développement des grandes
lignes régulières, dont les navires représentent le principal utilisateur des moteurs lents de forte
puissance à commande électronique, a amené les propriétaires de navires à commander des unités
produites sur le principe de la série. En effet la commande de plusieurs navires de même type à un
chantier permet de négocier le prix unitaire. Si, suite à la crise économique survenue en 2008, les
commandes passées ont fait l'objet de renégociations de la part des clients ou de report des dates de
livraison pour permettre de passer la période critique de la baisse des affrètements, la capacité
globale a tout de même connu un accroissement important. Ainsi en 2009, selon AXS-alphaliner, la
14
Source : Rapport annuel 2010 de Wätsilä.
Source : http://www.mandieselturbo.com/0000039/Company.html Présentation et composition de la compagnie du
groupe Man B&W
15
18
capacité mondiale a augmenté de 1 078 713 EVP soit une augmentation de 6,1% de la capacité
mondiale et avec 371 livraisons de nouveaux navires en 2010, dont 76 de plus de 7500 EVP, la
hausse devrait atteindre 1 840 646 EVP supplémentaires. Pour un groupe comme CMA CGM,
troisième transporteur mondial depuis le rachat de la compagnie Delmas, l'année 2006 a fait l'objet
d'une commande de huit unités de plus de 11 000 EVP équipées de moteurs dont la puissance
approche les 100 000 chevaux. Ces huit unités venaient s'additionner aux cinquante-quatre
commandes passées, dont huit concernaient déjà des navires de 9 700 EVP16. De son côté, le groupe
danois A.P. Møller-Mærsk annonce cette année la commande de dix porte-conteneurs pouvant
accueillir 18 000 EVP chacun.
Il apparaît clairement qu'aujourd'hui les gros navires sont de moins en moins construits à l'unité,
mais font l'objet comme la plupart des autres secteurs industriels de séries, certes représentant
chacune un nombre d'unités modéré, mais qui au regard du prix unitaire de vente est un marché
profitable pour tous les fournisseurs d'éléments. Dans le dernier exemple, celui des porte-conteneurs
de 18 000 EVP, le prix unitaire s'élèverait à 190 millions de dollars. Il est à noter que chacun de ces
navires sera équipé de deux moteurs fournis par Man B&W. Le fait de décrocher des marchés de
grande envergure procure aux fabricants de moteurs une certaine sérénité financière mais pas
uniquement. Elle leur permet également de développer leurs solutions de soutien technique et de
fidéliser leur clientèle.
3.
Partenariat avec des centres de formation
Les manufacturiers de moteurs ont compris que l'apport de solutions de soutien technique et de
formation permettait la fidélisation des clients et la spécialisation des équipages. Cette offre leur
permet en outre de conserver un rôle important dans le suivi de leurs installations. Le
développement technologique doit s'accompagner de moyens de formation pour les clients de ces
nouveaux produits. Man B&W a pris en compte ce paramètre en s'associant au centre de formation
Anglo-Eastern Maritime Training Centre (AEMTC) de Mumbaï devenu le Asian Maritime Training
and Research Centre (AMTC). Le choix de ce partenaire par le constructeur n'est pas anodin et
résulte d'une volonté stratégique. Il s'agissait là de s'implanter dans une région du monde où le
motoriste ne détenait pas de lieu de formation. De la part du centre de formation, l'intérêt réside
dans la fréquentation de l'établissement et la renommée auprès des armateurs. En partenariat avec
l'AMTC, Man B&W a développé des sessions de formation destinées aux mécaniciens et
électriciens, se déroulant sur cinq jours17. Ces formations utilisent comme support un simulateur de
moteur à gestion électronique de l'injection et de l'échappement conçu sur la base de
fonctionnement des moteurs ME-type. Il ne s'agit pas là de la seule implantation de Man B&W dans
les centres de formation puisqu'un autre simulateur a été installé à Singapour en partenariat avec
Singapore Polytechnic. Le constructeur est de ce fait implanté dans les grandes places du commerce
maritime grâce à son centre de Copenhague au Danemark pour l'Europe et ses partenariats avec
l'Inde et l'Asie du sud-est.
C)
Les stratégies des armateurs
Les armateurs ont quant à eux développé leurs propres stratégies, en lien avec les motoristes,
pour assurer la maintenance de leurs installations. Pour cette partie, il peut être intéressant de ne pas
limiter le discours aux navires équipés de moteurs lents à commande électronique développant de
fortes puissances. En effet, si ceux-ci ont connu une forte évolution technologique, les moteurs
rapides et semi rapides installés sur des navires de moindre capacité ou dont l'exploitation est très
différente, comme c'est le cas des transporteurs de passagers, ont bénéficié des mêmes progrès.
16
Source : Mer et marine 18/09/2006 - CMA CGM commande 8 porte-conteneurs géants de 11.400 EVP
Sources : AMTC website et Man B&W website, article dans le water link de février 2008 «Man diesel engine, AngloEastern startIndia's first electronically controlled engine training course»
17
19
1.
Des lignes régulières permettant un entretien par la terre
Le développement de lignes régulières permet de faire assurer l'entretien des moteurs par des
services à terre non compris dans les effectifs du bord. Il s'agit là d'une stratégie que l'on peut
rencontrer pour des navires amenés à toucher très régulièrement leur port base et affectés en général
sur des lignes courtes. Ainsi, si l'on prend le cas des navires de la Compagnie méridionale de
navigation, le choix a été fait d'effectuer l'entretien de la machine par des équipes à terre. Les
navires de cette compagnie effectuent des voyages de courte durée entre le port de Marseille et la
Corse. La régularité de leurs transits les amène à toucher le port de Marseille très régulièrement.
Dans le cadre de ce type d'exploitation, il a été aisé de mettre en place un entretien par des équipes à
terre qui interviennent dès que le navire se trouve en escale à son port base. Ce choix n'a
évidemment pas dispensé d'affecter des marins à la conduite du moteur. Elle offre cependant
l'avantage pour la compagnie de limiter l'activité des personnels embarqués à la conduite du navire,
et de simplifier la gestion du personnel. Il semble que les supports techniques proposés par les
fabricants de moteurs aient été bien accueillis par les armateurs sur les navires affectés au long
cours international. Le cabotage national ou international se serait plutôt tourné vers des stratégies
d'entretien par des équipes de terre salariées des sociétés d'armement.
2.
Des stratégies comparables à celles d'autres secteurs du transport
Le secteur maritime, de par certaines spécificités, adopte des techniques d'entretien déjà
répandues dans d'autres secteurs du transport, tel que l'aviation. La comparaison entre le navire et
l'avion est intéressante. En effet, ces deux vecteurs de déplacement ont plusieurs points communs
dont certains ne se retrouvent que chez eux. Tous deux sont affectés à du transport qui peut être
national ou international, de fret ou de passagers. Mais le point qui rapproche le plus ces deux types
de transport est l'évolution de chacun d'eux dans un milieu inhabituel et dangereux pour l'homme. Si
dans le cas du transport aérien il n'a jamais été possible d'embarquer du personnel dédié à l'entretien
et à la conduite des moteurs, en raison de la configuration des installations à bord d'un avion, il n'est
pas de même à bord d'un navire. Et pourtant, au vu des éléments étudiés ci-dessus, on peut se rendre
compte que la technique d'entretien des navires tend à se rapprocher de celle des avions. L'industrie
aéronautique prévoit pour les aéronefs des séquences d'entretien bien planifiées. Basées sur un
nombre d'heures de fonctionnement de l'appareil, de cycles (un décollage-un atterrissage) et une
périodicité évolutive au cours de la vie de l'appareil, elles déterminent des niveaux de
d'approfondissement de la maintenance. L'ensemble du programme de maintenance d'un avion est
appelé MRO pour maintenance, repair and overhaul. Il spécifie les quatre niveaux de maintenance
A, B, C et D qui doivent être opérés sur un appareil. Les compagnies aériennes sont responsables du
respect de ces niveaux de contrôle. Les opérations d'entretien doivent être effectuées dans le respect
des consignes du fabricant.
Il en va de même pour les moteurs modernes installés sur les navires bien que ces opérations ne
soient pas soumises à une obligation réglementaire comparable. Un certain nombre d'opérations
nécessitant l'intervention de spécialistes de l'appareil, doivent être effectuées conformément aux
données et périodicités prescrites par le constructeur. Tout comme dans le cas des aéronefs, les
grandes révisions, overhaulings en anglais, donnent lieu à une visite approfondie de la machine. Les
fabricants de moteur se sont donc attachés à les espacer au maximum afin de ne pas les rendre trop
contraignantes pour l'exploitation du navire. Elles ont lieu désormais tous les trois ans pour les
moteurs lents à commande électronique quand la périodicité tombe à un an voire un an et demi dans
le cas des avions pour une maintenance de niveau C. Il est compréhensible au regard des
sollicitations différentes des deux types de machines que les fréquences soient différentes.
20
3.
Un investissement dans les moyens de formation
Afin de répondre à leurs besoins, certains armateurs font le choix de s'investir dans la formation
des officiers en participant financièrement à l'équipement des centres de formation. Ainsi certains
armements ont décidé de collaborer à la formation des équipages en investissant dans du matériel
dédié à la formation sur simulateurs des élèves. L'enjeu pour ces investisseurs est la formation
adéquate de personnel pour leurs navires et le maintien sous pavillon national de ces navires. En
effet, la situation en France, par exemple, pose problème. Le nombre de navigants français est
aujourd'hui devenu insuffisant. Si le nombre d'élèves formés dans les écoles de la marine
marchande reste constant, le nombre de navires entrants en flotte est en augmentation. Il en résulte
une pénurie d'officiers français pour armer les navires sous pavillon national. La création de filières
d'officiers monovalents, la mise en place d'un titre d'ingénieur à l'obtention du diplôme d'études
supérieures de la marine marchande et le financement d'instruments modernes pour les centres de
formation sont autant de moyens mis en œuvre pour susciter un regain d'intérêt pour des métiers
peu à peu délaissés du fait des contraintes qu'ils engendrent. En termes de financement d'outils par
les sociétés d'armement en France, plusieurs exemples peuvent être cités. Bourbon, société de
service maritime fortement implantée dans le milieu de l'exploitation pétrolière, a investi dans deux
simulateurs pour l'école de la marine marchande de Marseille. En 2004 elle participe au premier
centre de positionnement dynamique et en 2007 fournit un simulateur de relevage d'ancres. De leur
côté la compagnie CMA CGM et la société nationale Corse-Méditerranée (SNCM) ont financé un
simulateur de manœuvre, toujours pour le site de Marseille où sont implantées les deux entreprises.
La compagnie Fouquet-Sacop de sea tankers, spécialisée dans le commerce de produits pétroliers en
Méditerranée, a financé un simulateur d'opérations de chargement de vracs liquides et développé
avec le site marseillais des formations spécialement adaptées. Mais finalement pour la formation
machine des futurs officiers, aucun partenariat n'a vu le jour. Si des simulateurs existent et
fonctionnent, ils ne visent pas à faire appréhender le fonctionnement des moteurs commandés
électroniquement. Pourtant, dans son rapport de juillet 2008 sur la simulation électronique18, le
cluster maritime français estime que le «partenariat public-privé semble être une solution à
privilégier afin que les moyens mis en place soient à la hauteur de la réponse qu’attendent de
nombreux armements». Si ces investissements conjoints ont pu être menés dans certains domaines,
il semble que ce ne soit pas le cas pour les moteurs à commande électronique.
Pour répondre à leurs besoins en personnel qualifié dans ce domaine, certaines sociétés
d'armement proposent directement à leurs navigants des stages de formation à cette technologie.
C'est le cas de CMA CGM qui, vu l'importance prise par les moteurs à gestion électronique dans sa
flotte, organise en interne la formation de son personnel. Le groupe Hapag Lloyd, 6ème au
classement des entreprises de transport de conteneurs dans le monde, a mis à la disposition de son
personnel un navire porte-conteneurs de 336 mètres de long et capable de transporter 8 750 EVP. Ce
navire en exploitation commerciale permet de former aux différents services du bord, y compris à la
machine, quinze stagiaires accompagnés de deux formateurs à l'exploitation de ce type de navire.
Ce navire est équipé d'un moteur à commande électronique de 68 640KW. La compagnie Evergreen
marine corporation qui exploite cent quarante-neuf navires et se situe au cinquième rang mondial du
transport de conteneurs a elle aussi créé en 1999 son propre centre de formation à Taiwan, dans
lequel elle dispense des formations complémentaires à ses marins sur des simulateurs intégrant des
fonctions passerelle, machine et système mondial de détresse et de sécurité en mer (SMDSM).On
voit bien au travers de ces quelques exemples que les sociétés d'armement ont choisi de prendre une
place active dans la formation des marins qu'elles emploient. Désireuses que leur personnel possède
les compétences adaptées à leur environnement de travail, elles assurent de plus en plus ellesmêmes les formations spécifiques qui leur sont nécessaires.
18
Source : Cluster maritime français. Vers une académie universitaire maritime ? (suite) - Addendum «les simulateurs»
la simulation électronique, un outil indispensable pour le maritime. juillet 2008.
21
D)
Des Etats impliqués dans ces nouvelles stratégies
1.
Implication dans la formation
Si les méthodes de formation ont peu à peu évolué au cours des dix dernières années, les Etats
n'en restent pas moins les garants. Leur rôle est important à plusieurs niveaux. D'une part comme le
prévoit la convention STCW, ils doivent s'assurer que les formations dispensées donnent plein et
entier effet aux normes fixées par celle-ci. A ce titre, les Etats ont un rôle important à jouer dans la
formation des marins nationaux. Le respect des normes de formation leur assure le fait d'être
enregistrés sur la liste blanche tenue à jour par l'OMI et permet aux ressortissants de l'Etat d'avoir
une carrière valorisée. De plus il est important de rappeler que la qualité et le nombre des marins
nationaux favorisent le maintien sous pavillon de l'Etat d'une flotte de navires de commerce, et par
là même une importance et une reconnaissance internationales dans les institutions maritimes.
L'implication des Etats dans ces instances internationales leur confère également la possibilité de
promouvoir une meilleure formation des gens de mer. Les groupes de travail du sous-comité STW
de l'OMI représentent une opportunité incontestable de participer à l'élévation des normes de
formation et donc à la sécurité en mer. Si les moyens techniques ont permis de mettre à la
disposition des marins des outils pour assurer la sécurité de la navigation, et la prévention de la
pollution des mers et océans, ils ne sont que d'une faible utilité s'ils ne sont pas accompagnés de la
formation adéquate. Les Etats ont donc un rôle important à jouer dans ces groupes. Ainsi, la
conférence de manille, qui s'est déroulée en 2010 et entrera en vigueur en 2012, doit apporter des
évolutions à la conférence STCW de 1978 amendée en 1995 qui n'ont pu voir le jour que grâce à la
coopération des quatre-vingt-cinq Etats qui ont pris part aux travaux.
L'autre rôle que les Etats ont pu jouer, et qui participe à la promotion de la sécurité en mer, est la
création des bureaux d'analyse des accidents et incidents en mer. Un grand nombre de nations
maritimes s'est doté de cet instrument pertinent pour l'analyse des évènements de mer et l'étude de
leurs causes. La France a créé son bureau d'enquêtes sur les évènements de mer (BEAmer) en 1997.
Son rôle est de réaliser les enquêtes techniques concernant les évènements de mer survenus en
France ou sur des navires français à l'étranger. Fort d'environ cent-trente rapports d'analyse, le
BEAmer est devenu un outil incontournable à la compréhension des causes des accidents et
incidents de mer. Cette masse de connaissance lui donne comme à ses homologues de par le monde,
une capacité évidente à émettre des recommandations pour améliorer la sécurité en mer. De plus,
ces organismes sont amenés à réaliser ou faire réaliser des études sur des domaines particuliers afin
de promouvoir une navigation plus sûre. Le BEAmer a ainsi mené en 2010 une étude sur les
abordages entre navires de pêche et de commerce faisant suite à plusieurs accidents survenus au
cours des années précédentes. L'exemple français n'est pas le seul. D'autres Etats sont dotés de
moyens analogues comme l'Australie avec son Australian Transport Safety Bureau (ATSB), le
Royaume-Uni avec le Marine Accident Investigation Branch (MAIB) ou encore les Etats-Unis avec
le National Transportation Safety Board (NTSB). Chacun de ces organismes, et ils ne sont pas tous
cités dans ce document, participe par ses investigations et ses études à mieux comprendre et
prévenir les évènements de mer. Il est facilement compréhensible que très peu de rapports
d'enquêtes ne mettent en cause d'incidents survenus sur des moteurs à commande électronique. En
effet, les enquêtes ne portent que sur des évènements ayant entraîné des dommages, soit humains,
soit matériels. En étudiant les différents travaux réalisés par les principaux bureaux d'enquête, il a
tout de même été possible de trouver un cas concret. Il s'agit du navire porte-conteneurs Savannah
express de la compagnie Hapag Lloyd. L'incident survenu le 19 juillet 2005 lors d'une manœuvre
dans le port de Southampton a donné lieu au rapport 08/2006 du MAIB. L'enquête fait apparaître
plusieurs dysfonctionnements sur le moteur à commande électronique ainsi qu'un manque de
formation du personnel en charge de l'entretien et de la conduite. Mais, et c'est sans doute le plus
intéressant dans ce cas, il a surtout donné lieu à la rédaction par les enquêteurs du MAIB d'une note
d'information et de mise en garde aux compagnies maritimes exploitant des navires équipés de ce
type de moteurs.
22
2.
Implication par le biais du contrôle des compétences
Si les Etats sont amenés à prendre activement part à la formation des gens de mer, ils ont
également le devoir de s'assurer des compétences des marins. Les contrôles concernant la formation
des marins peuvent se faire à plusieurs niveaux.
Le contrôle en tant qu'Etat du pavillon
Le premier niveau de contrôle concerne la décision d'effectif qui détermine le nombre de marins
embarqués au service du navire. Le décret 67-690 du 7 août 1967 précise la notion du marin comme
toute «personne engagée par un armateur ou embarquée pour son propre compte en vue d’occuper à
bord d’un navire français un emploi permanent relatif à la marche, à la conduite, à l’entretien et à
l’exploitation du navire». A ce titre l'Etat français est amené par le biais de son administration, à
viser la décision d'effectif de tout navire battant son pavillon ainsi que le rôle d'équipage. Il a ainsi
le pouvoir, si le nombre de marins semble insuffisant pour assurer une conduite du navire en toute
sécurité, de contraindre l'armateur à embarquer plus de personnel. Son regard sur le rôle d'équipage
doit lui permettre de s'assurer que le personnel recruté pour travailler à bord du navire est titulaire
des brevets adéquats et est apte à exercer la profession de marin.
Le 4 novembre 1993, est adoptée par l'OMI, la résolution A 741(18) créant l'International Safety
Management Code (code ISM), code international de gestion de la sécurité. Cette résolution entrera
en vigueur cinq ans plus tard, le 1er juillet 1998 et sera transposée en droit français par le décret 981132 du 9 décembre 1998. Il a pour objectif de «garantir la sécurité en mer et la prévention des
lésions corporelles ou des pertes en vies humaines et d'empêcher les atteintes à l'environnement, en
particulier l'environnement marin, ainsi que les dommages matériels». Pour ce faire, il prévoit la
mise en place d'une politique de gestion de la sécurité et de prévention de la pollution au sein des
compagnies exploitant des navires ainsi qu'à bord des navires qu'elles exploitent. Afin d'obtenir de
la part de l'administration le certificat de conformité au code ISM, les compagnies doivent mener
des audits internes, et subir un audit par l'administration au cours duquel les auditeurs s'attachent à
vérifier que la politique de gestion de la sécurité est correctement mise en œuvre et donne lieu à un
suivi de son efficacité. Ce certificat fait l'objet d'un renouvellement périodique après contrôle de
l'administration. Ces contrôles doivent mettre en avant le fait qu'à bord du navire le personnel
connaît et met en œuvre les procédures pour assurer la conduite de manière sûre du navire. L'Etat
qui octroie son pavillon à un navire a, au moyen de la vérification de conformité au code ISM d'un
navire ou de la compagnie qui l'exploite, la possibilité de s'assurer que le personnel des différents
services possède la compétence requise pour les tâches qu'il doit effectuer. Il lui est donc possible
de vérifier le niveau de maîtrise du personnel machine. Si la parfaite maîtrise de l'outil devrait
conditionner la délivrance du certificat, il reste cependant difficile au cours d'un audit de déceler
toutes les lacunes, étant donné l'ampleur des procédures à passer en revue.
Le contrôle en tant qu'Etat du port
Pour son troisième niveau de contrôle, l'Etat n'est plus concerné au titre de son pavillon, mais en
ce qui concerne la sécurité dans ses eaux et dans ses ports. En effet, lorsqu'en 1982 la convention
sur le droit de la mer signée à Montego bay, Jamaïque, définit les différents espaces maritimes, elle
leur attribue également un statut juridique. Plaçant les eaux intérieures et les eaux territoriales sous
souveraineté de l'Etat côtier, elle permet à l'Etat d'y faire respecter son droit national. A ce titre
l'administration peut procéder à la visite d'un navire en escale dans un de ses ports pour s'assurer
qu'il respecte les principales conventions internationales. L'administration a donc le pouvoir lors de
ces contrôles de vérifier que le personnel embarqué sur un navire est bien détenteur des brevets
certifiés STCW nécessaires à l'exercice de ses fonctions. En plus de la vérification des brevets, le
contrôle porte sur la détention du certificat de gestion de la sécurité. L'officier du contrôle par l'Etat
du port peut également faire procéder à un certain nombre d'essais pour vérifier l'aptitude du
personnel pour les tâches auxquelles il est affecté. Enfin, si un écart est constaté, l'administration
dispose de moyens pour contraindre l'armateur à remédier aux défaillances. Là encore, le contrôle
23
du navire requiert beaucoup de temps, or les officiers de contrôle par l'Etat du port n'en disposent
généralement pas, du fait de la réduction de la durée des escales, et les marins du bord sont souvent
peu disponibles car occupés aux opérations commerciales et à l'entretien du navire.
Conclusion
Il apparaît, au vu de ces développements, que l'arrivée de nouvelles technologies dans le secteur
du transport maritime, peut poser des problèmes notamment d'ordre humain. Ne réduisant pas
l'importance du marin dans le fonctionnement du navire, la technologie peut cependant modifier son
rôle. Les stratégies mises en place, aussi bien par les constructeurs, que par les armateurs, semblent
mener à une transformation des fonctions des officiers mécaniciens. Ceux-ci deviennent d'avantage
des conducteurs de l'appareil de propulsion, que de véritables techniciens de la mécanique, capables
de résoudre n'importe quel dysfonctionnement de l'appareil dont ils ont la charge. Si l'on observe les
tendances actuelles dans le développement des nouveaux systèmes de propulsion, il est possible de
se demander si ces marins ne seront pas un jour, amenés à se spécialiser dans un type de
technologie, tant les solutions alternatives au moteur conventionnel s'installent dans le paysage.
Dans ce cas, le développement de stratégies parallèles au système de formation classique, trouvera
une place grandissante dans la carrière des marins, mais ne permettra pas un contrôle approprié de
leur qualification. Il appartiendra aux Etats, de faire évoluer la convention STCW autant que de
besoin, comme cela est le cas avec la révision adoptée par la conférence de Manille, de manière à
lui permettre de conserver sa force réglementaire, tout en s'adaptant aux nouveaux enjeux de la
profession. L'enjeu étant le maintien du marin, au centre du monde maritime.
24
TABLE DES ABRÉVIATIONS
AEMTC : Anglo-eastern maritime training centre, Centre de formation maritime implanté en Inde.
AMTC : Asian maritime training and research center, centre de formation et de recherche maritimes
d'Asie
BIMCO : Baltic and international maritime council
BIT : Bureau international du travail
CMA CGM : Compagnie générale d'affrètement-compagnie générale maritime, groupe français
placé au troisième rang mondial pour le transport de conteneurs
DESMM : Diplôme d'études supérieures de la marine marchande
ECS : Electronic control system, système de contrôle électronique
ECU : Engine control unit, unité de contrôle du moteur
EVP : Équivalent vingt pieds, longueur de référence d'un conteneur
IAPPC : International air pollution prevention certificate, certificat international de prévention de la
pollution de l'air
ISF : International shipping federation
ISM code : International safety management code, code international de gestion de la sécurité
KW : Kilowatts
MARPOL : Marine pollution convention, convention internationale sur la prévention de la pollution
marine
NYK line : Nippon Yusen Kaisha, groupe japonais de transport maritime
OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques
OIT : Organisation internationale du travail
OMI : Organisation maritime internationale
RIF : Registre international français, pavillon français bis
SOLAS convention : Safety of life at sea convention, convention internationale pour la sauvegarde
de la vie humaine en mer
SMDSM : Système mondial de détresse et de sécurité en mer
STCW : Standards of training, certification and watchkeeping for seafarers, normes de formation
des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille
STW subcommittee : Standards of training and watching subcommittee, sous-comité formation et
veille
TPL : Tonnes de port en lourd, chargement maximum que peut transporter un navire
UMS : Universal measurement system, système universel de mesure, unité de jaugeage des navires
de plus de 24 mètres
UNCTAD : United Nations Conference on Trade and Development, conférence des nations unies
sur le commerce et le développement
25
SOMMAIRE ........................................................................................................................................ 2
INTRODUCTION ............................................................................................................................... 3
PARTIE I.
EVOLUTION DU CONTEXTE SOCIO-ECONOMIQUE .......................................... 5
A) Mondialisation et commerce maritime .................................................................................... 5
1.
Développement de grandes lignes régulières .................................................................... 5
2.
Nouvelle gestion des ressources humaines ........................................................................ 6
B)
Progrès technologiques ............................................................................................................ 6
1.
Des moteurs adaptés à l'exploitation.................................................................................. 6
2.
Evolutions technologiques ................................................................................................. 7
C) Des enjeux financiers mais aussi écologiques ......................................................................... 9
1.
Recherche de réduction des coûts ...................................................................................... 9
2.
Réduction des émissions de gaz polluants dans l'atmosphère ......................................... 10
D) Une évolution timide de la convention STCW ...................................................................... 11
1.
E)
Une nécessaire évolution des référentiels ........................................................................ 11
Evolution nécessaire mais difficile du système de formation ................................................ 12
1.
Volonté de valoriser les carrières professionnelles .......................................................... 12
2.
Volonté de protection des technologies développées ....................................................... 13
PARTIE II. LA REPONSE AU DEVELOPPEMENT TECHNOLOGIQUE : DE NOUVELLES
STRATEGIES DE FORMATION ..................................................................................................... 14
A) Organisation de la formation.................................................................................................. 14
1.
Des centres de formation certifiés ................................................................................... 14
2.
L'application de référentiels ............................................................................................. 15
B)
Les stratégies des constructeurs ............................................................................................. 16
1.
Déploiement de moyens techniques ................................................................................ 17
2.
L'équipement de grandes séries de navires ...................................................................... 17
3.
Partenariat avec des centres de formation ....................................................................... 18
C) Les stratégies des armateurs ................................................................................................... 18
1.
Des lignes régulières permettant un entretien par la terre ............................................... 19
2.
Des stratégies comparables à celles d'autres secteurs du transport.................................. 19
3.
Un investissement dans les moyens de formation ........................................................... 20
D) Des Etats impliqués dans ces nouvelles stratégies ................................................................. 21
1.
Implication dans la formation .......................................................................................... 21
2.
Implication par le biais du contrôle des compétences ..................................................... 22
Le contrôle en tant qu'Etat du pavillon .................................................................................. 22
Le contrôle en tant qu'Etat du port ......................................................................................... 22
Conclusion ......................................................................................................................................... 23
26
2012
LES MOTEURS A COMMANDE ELECTRONIQUE,
UNE REPONSE AUX ENJEUX ECONOMIQUES ET ENVIRONNEMENTAUX,
MAIS UNE NECESSAIRE EVOLUTION DE LA FORMATION.
O2CTAAM Thibaut CHOLLET
MOTS CLES :
 OMI
 Moteur à commande électronique
 Sociétés d’armement, armateurs
 STCW
 Affrètement, taux de fret
 Commerce international, Conteneurisation
 Société de travail maritime, société de manning
 MARPOL, pollution de l’atmosphère
 Wärtsilä, Man B&W
Bien que peu de statistiques ne soient disponibles sur le sujet, l’entrée en service des moteurs à
commande électronique ne s’est pas faite sans incidents. Un exemple de défaut de maîtrise de
l’architecture de ces systèmes a tout de même donné lieu à une analyse par le MAIB (Marine
Accident Investigation Branch), le bureau d’analyse des accidents du transport maritime anglais, cet
incident ayant eu lieu à l’entrée au port de Southampton, provocant des dégâts aux infrastructures
portuaires et au navire (porte-conteneurs « SAVANNAH EXPRESS » 19 juillet 2005).
Aujourd’hui, le nombre croissant de navires récents équipés de ce type de technologie doit nous
amener à la prendre en compte dans notre système formation des marins. Mais au-delà des moteurs
à commande électronique, c’est l’ensemble des évolutions technologiques dont le développement
accélère à mesure que la réglementation sur la prévention de la pollution est renforcée, et qui
devront faire l’objet d’une prise en compte par le système de formation, pour que les marins de
commerce soient préparés à leur milieu professionnel.