Faits et événements - Les rescapés tchèques du ghetto de Lodz se

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Faits et événements - Les rescapés tchèques du ghetto de Lodz se
Source: Czech Radio 7, Radio Prague. All rights reserved. © Copyright 1996, 2016 Radio Prague. Url: http://www.radio.cz/fr/article/62866
Faits et événements - Les rescapés tchèques du ghetto de Lodz se souviennent...
[ 2005-01-28 ] Par Magdalena Segertová
Retour, une fois de plus, aux célébrations du 60e anniversaire de la libération du camp de la mort
d'Auschwitz, mais cette fois-ci en passant par la ville polonaise de Lodz, ville où ont vécu, avant
l'éclatement de la Seconde Guerre mondiale, plus de 250 000 Juifs et 60 000 Allemands. En 1940, les nazis
y ont créé le deuxième plus grand ghetto juif après celui de Varsovie. Un ghetto meurtrier, un camp de
travail des plus durs, mais qui n'était, en réalité, qu'un point de passage. De Lodz, des convois partaient
régulièrement en direction d'Auschwitz-Birkenau... Le ghetto comptait, en pleine guerre, près de 150 000
Juifs, en grande majorité d'origine polonaise. Mais il y avait parmi eux aussi des déportés tchèques, des
familles avec enfants, tous expédiés depuis Prague à l'automne 1941.
suite, mais pour ne pas non plus rester en vie trop longtemps.
Moi, avec ma copine Maja, ici présente, nous cousions, à 13,
14 ans, des uniformes allemands. Sinon, nous, les Tchèques,
on ne se voyait pas trop, on était dispersés parmi les Polonais,
on a appris le polonais en un mois. Quand ils mourraient, on
recevait leurs vêtements, on habitait dans leurs maisons. Avec
mes parents, on vivait sur 10m², dans le froid, avec des poux et
punaises omniprésents. On souffrait, à part la famine, de la
jaunisse et de la typhoïde. Le plus redouté était quand même le
typhus. Nous avons survécu grâce à la discipline rigoureuse
qu'observait ma mère : pas question de manger tout le pain en
un jour! Elle faisait tout pour nous tenir le plus propre possible.
Pourtant, l'eau faisait défaut, il y avait un puits pour dix
immeubles. La vie était très difficile..."
Les rescapés tchèques sont unanimes : si, à Lodz, la vie a été
difficile, invivable presque, à Auschwitz-Birekenau, où ils ont
tous été déportés en août 1944 et ont perdu, pour la plupart,
leurs parents, ça été la vraie descente aux enfers, et surtout la
perte absolue de la dignité humaine...
Le ghetto de Lodz, photo: Henryk Ross
Ils étaient 5000. Des 300 rescapés, il n'en reste, en Tchéquie,
qu'une poignée. Cinq d'entre eux, trois femmes et deux
hommes, ont accepté de parler des terribles moments de leur
enfance et adolescence devant le public pragois. Cela c'est
passé jeudi soir, à la Galerie Langhans, à Prague, qui abrite,
jusqu'au 19 février, les photographies du ghetto de Lodz
signées Henryk Ross.
Vera Arnsteinova raconte...
Le ghetto de Lodz, photo: Henryk Ross
Le ghetto de Lodz, photo: Henryk Ross
« Avez-vous pu, un jour, pardonner aux Allemands? », a
demandé le public. Les femmes oui. Vera Pollakova s'est
souvenue des filles allemandes qu'elle avait vues, après la
guerre, en Grande-Bretagne, s'occuper d'aveugles d'origine
"A Lodsz, on vivait, certes, en famille, mais dans une famine
atroce. Les rations étaient très petites, on devait travailler dur
et, en plus, les riches nous volaient la nourriture. On nous
donnait des quantités suffisantes pour ne pas mourir tout de
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juive. Maja Randova a parlé de deux jeunes soldats allemands
qui les avaient surveillés, eux, les déportés juifs, dans le train,
lors d'un transport, et qui leur apportaient de l'eau et des fruits
volés. Et quant à Mario Petrovsky...
Le ghetto de Lodz, photo:
Henryk Ross
"Moi, je n'ai aucun souvenir 'humain' des Allemands. Pendant
un quart de siècle au moins, après la Libération, je n'ai rien
voulu avoir de commun avec eux. J'attendais l'arrivée d'une
nouvelle génération. Mais dans la mienne, je les condamne
tous, l'un comme l'autre, je ne fais pas de différence. Vous
savez, quand j'ai passé mon voyage de noces en Bulgarie,
quinze ans après la guerre, et que j'ai vu, sur la plage, des
Allemands se baigner, avec les tatouages en-dessous du bras
que portaient les nazis, ce sont des choses qui ne s'oublient
pas."
En fin d'année dernière, les survivants tchèques sont retournés
à Lodz, où l'on a célébré, pour la première fois, la liquidation
du ghetto. Ils ont découvert une ville nouvelle, ainsi que les
vestiges de l'ancienne, avec des maisons aussi vétustes, paraîtil, qu'à leur arrivée au ghetto en 1941. Ils ont également bien
remarqué les images et inscriptions antisémites (bien que la
ville ne compte à présent que quelque 300 Juifs) badigeonnées
à l'occasion des célébrations... Eh oui, les retours ne sont
jamais faciles. Le dernier mot appartient à Vera Arsteinova :
"Après la guerre, j'avais 17 ans. Je me souviens avoir eu des
réactions inverses que les autres gens : quand les autres
pleuraient, moi je riais. Et au contraire. Dans ma vie active, je
m'efforçais d'oublier. Mais depuis que je suis à la retraite, j'y
pense sans cesse. Ces quatre années resteront gravées en moi
pour toujours."
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