sophisme post- hoc-ergo- propter-hoc

Transcription

sophisme post- hoc-ergo- propter-hoc
Pratique quotidienne · formation complémentaire
Quant à
l’efficacité des
mesures
thérapeutiques:
sophisme posthoc-ergopropter-hocfausse conclusion
J. C. Türp1, 2, Guido Schwarzer3
Klinik für Prothetik und Kaufunktionslehre,
Zentrum für Zahnmedizin, Universität Basel, Schweiz
2 Abteilung Poliklinik für Zahnärztliche Prothetik,
Zahn-, Mund- und Kieferklinik, Universitätsklinikum
Freiburg, Freiburg im Breisgau, Deutschland
3 Abteilung Medizinische Biometrie und Statistik,
UniversitätsklinikumFreiburg, Freiburg im Breisgau,
Deutschland
Le sophisme post-hoc-ergopropter-hoc est une erreur
de raisonnement logique,
largement répandue, pour
laquelle on conclut une relation de cause à effet de
deux événements consécutifs. A partir d’un cas historique, dans lequel les
douleurs aux articulations
temporo-maxillaires d’une
patiente ont disparu après
un traitement par une solution arsenicale, quelques
raisons possibles du succès
d’un traitement observé
après l’intervention sont
présentées. La notion du
sophisme post-hoc-ergopropter-hoc est d’une grande importance clinique
pour que les risques d’erreur thérapeutique soient
réduits.
(Illustration et bibliographie voir texte allemand, page 37)
1
Mots clés:
Thérapie, succès de traitement, myoarthropathie,
études contrôlées, médecine fondée sur des faits prouvés
Adresse pour la correspondance:
Priv.-Doz. Dr Jens C. Türp
Klinik für Prothetik und Kaufunktionslehre
Zentrum für Zahnmedizin der Universität Basel
Hebelstrasse 3
CH-4056 Bâle
Tél. +41/61/267 26 36, fax +41/61/267 26 60
E-mail: [email protected]
«Man überlässt [...] die Bewertung der zeitlichen und räumlichen
Zusammenhänge als kausale oder zufällige dem gesunden Menschenverstand mit seiner gesunden Sorglosigkeit»
(On abandonne au bon sens, avec sa saine spontanéité, l’appréciation
de relations temporelles et spatiales [...] comme causales ou accidentelles)
EUGEN BLEULER (1857–1939)
Introduction
Dans son livre «Wie wirklich ist die Wirklichkeit?» (A quel point
la réalité est-elle réelle?), PAUL WATZLAWICK (2001a), chercheur
autrichien en communication, remarque «que notre expérience
du temps est étroitement liée à l’idée de causalité». La tendance
à établir une relation de cause à effet entre deux événements
consécutifs, est également marquée en médecine et en médecine dentaire. Un exemple historique tiré de la littérature médicale illustre le sophisme sous-jacent de post hoc ergo propter hoc.
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Pratique quotidienne · formation complémentaire
Les mécanismes éventuellement à l’origine de l’amélioration
des maux observés après une intervention médicale (dentaire)
sont également discutés.
Présentation du cas
En 1895, ALFRED BRUCK, médecin dentiste assistant à la polyclinique d’oto-rhino-laryngologie du docteur B. Baginsky à Berlin,
publiait dans une revue hebdomadaire allemande réputée, un article de trois pages sur la thérapie des arthralgies temporo-maxillaires – à l’époque appelées «névroses des articulations temporomaxillaires» – par la solution de FOWLER, une préparation
arsenicale. Dans une série de cas, il présentait l’état des malades
et l’évolution de la thérapie chez cinq patientes. Celles-ci avaient
indiqué qu’elles souffraient de douleurs dans l’oreille gauche.
Dans trois cas, les douleurs irradiaient jusque dans la tempe.
La description du cas 4 est reproduite ci-dessous à titre d’exemple:
Auguste J., femme de serrurier âgée de 29 ans, se plaint depuis quatre
semaines de douleurs perçantes dans l’oreille gauche, survenant généralement lorsqu’elle ouvre la bouche. Lors d’un examen approfondi, la patiente situe les douleurs dans la région de l’articulation mandibulaire gauche et indique que ces douleurs irradient dans l’oreille
correspondante. Aucun mal de dents.
Etat au 25 septembre 1894: tympans non translucides, légèrement
atrophiés et déviés unilatéralement. Audition normale bilatérale.
Pression sur l’articulation temporo-maxillaire gauche entraînant de
fortes douleurs; sinon rien de particulier.
Thérapie: Solutio arsenicalis Fowleri, compresse tiède. Ensuite, arrêt
des douleurs.
Dans les cinq cas, les douleurs ont disparu après l’administration de médicaments arsenicaux. La relation observée dans le
temps entre l’administration thérapeutique et l’état après la
thérapie (post hoc [lat.]: après cela) engagea BRUCK (1895) à
conclure que la disparition des douleurs résultait de la médication (propter hoc [lat.]: à cause de cela): en ce qui concerne le traitement, une rapide amélioration a été obtenue dans tous les cas grâce
à la prise per os de l’arsenic [...] en liaison avec du fer ou un nervinum; [...].
Sophisme Post-hoc-ergo-propter-hoc
BRUCK (1895) supposa une relation non seulement temporelle
mais aussi causale entre l’intervention et le résultat obtenu. Ceci correspond à la déclaration: «J’étais malade, je suis maintenant guéri, le traitement est donc la raison de ma guérison»
(SKRABANEK & MCCORMICK 1995). La conclusion de BRUCK est
un exemple d’erreur de raisonnement de cause à effet, appelée
post hoc ergo propter hoc («après cela, donc à cause de cela»). Ce
sophisme, largement répandu, non limité à la médecine (dentaire) (TRÖHLER 1991), se réfère à deux événements consécutifs
(«B se produit après A»), interprétés prématurément et à tort
comme étant de cause à effet («A est la cause et B l’effet»). En
réalité, A avant B seul ne prouve aucune causalité: post hoc non
est propter hoc («après cela ne signifie pas à cause de cela»).
Explications possibles d’un succès
thérapeutique
Différentes explications peuvent être citées comme raisons possibles d’une amélioration des maux après une intervention
thérapeutique (KIENLE 1995; BRUNETTE 1996; WINDELER 1998;
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FLETCHER et al. 1999; BEYERSTEIN 2000). Parmi ces explications, on
peut mentionner:
• Amélioration spontanée des maux
Certains maux douloureux ont tendance à présenter une
amélioration spontanée, même sans influence thérapeutique.
L’évolution naturelle de l’arthrose douloureuse (crise) de l’articulation temporo-maxillaire par exemple est ainsi caractérisée dans la plupart des cas par le fait que la douleur diminue
avec le temps ou disparaît. La courbe de l’intensité de la douleur en fonction du temps a généralement une forme de
cloche (ZARB & CARLSSON 1994).
• Retour à la valeur moyenne
Si un patient présente par exemple lors d’un examen initial
une valeur moyenne biologique extrêmement élevée ou basse, l’obtention d’une valeur plus proche de la valeur moyenne
ou normale du patient ou du groupe de patients est plus probable lors de l’examen suivant, même sans traitement intermédiaire, que l’observation d’une nouvelle valeur extrême.
Ce phénomène (statistique), décrit pour la première fois par
GALTON (1886), est appelé retour à la (valeur) moyenne. Il est
fondé sur la variabilité des grandeurs biologiques mesurées
ou sur la variabilité de la mesure elle-même (erreur de mesure) (DAVIS 1976; NEWELL & SIMPSON 1990; CHEN & COX 1992).
L’effet du retour à la valeur moyenne est connu depuis longtemps dans la littérature médicale (par exemple: JAMES 1973;
DAVIS 1976; GIBBONS et al. 1987; GROSS & LÖFFLER 1997). Les
myoarthropathies du système temporo-maxillaire (MAP),
douloureuses, peuvent être mentionnées à titre d’exemple
dans le domaine de la médecine dentaire. Celles-ci sont surtout caractérisées par des douleurs au niveau des muscles
masticateurs (tendons inclus) et/ou des articulations temporo-maxillaires (TÜRP & HUGGER 2000). Des douleurs musculaires persistantes évoluent généralement par crises épisodiques ou périodiques; des phases avec des douleurs aiguës
alternent avec des périodes pendant lesquelles les symptômes sont faibles ou absents. En raison de cette évolution
classique dans le temps, ces douleurs sont donc liées à un
effet de retour à la valeur moyenne (WHITNEY & VON KORFF
1992). Ce retour à la valeur moyenne peut être à l’origine
d’une appréciation clinique erronée, considérant qu’au sein
d’un groupe de patients, des personnes avec des valeurs
moyennes extrêmes réagissent très bien à la thérapie engagée
(NEWELL & SIMPSON 1990). On attribue en outre à cet effet
la large propagation de formes thérapeutiques inefficaces
(SPECTOR & PARK 1985) de même que l’erreur de jugement
quant à l’efficacité des mesures thérapeutiques (STOREY 1995).
WHITNEY & VON KORFF (1992) ajoutent: «The phenomenon of
regression to the mean among patients self-selecting treatment during a flare-up may be important in shaping clinicians’ beliefs regarding treatment efficacy. The clinician who
routinely observes improvement in patients following initiation of pain treatment may attribute the improvement to the
treatment rather than to the natural history of the condition.
Such faulty reasoning may lead clinicians to regard expensive
or risky treatments of limited efficacy as being valuable in the
management of the patients they see.» (Le phénomène de retour à la moyenne parmi des patients traités pendant une crise peut avoir de l’importance dans les conclusions des cliniciens sur l’efficacité du traitement. Un clinicien qui observe
habituellement des améliorations chez les patients après le
début d’un traitement de la douleur peut attribuer ces amé-
Quant à l’efficacité des mesures thérapeutique: sophisme post-hoc-ergo-propter-hoc-fausse conclusion
liorations au traitement plutôt qu’à l’évolution naturelle des
symptômes. De telles erreurs de raisonnement peuvent conduire les cliniciens à considérer que des traitements chers ou
risqués, d’une efficacité limitée, sont efficaces dans le suivi
des patients qu’ils voient).
• Influences favorables attribuées à la personnalité du médecin traitant, au type de procédure employé ou à l’environnement.
On entend par là un phénomène appelé communément «effet placebo». Le terme «placebo» est controversé dans la littérature médicale (voir p. ex. KIENLE 1995; WINDELER 1998; KISS
2000). FLETCHER et al. (1999) entendent par placebo «une intervention thérapeutique qui ne se différencie pas de la thérapie active par son aspect, sa couleur, son goût et son odeur,
mais qui ne possède aucun mécanisme spécifique actif
connu.» D’après WINDELER (1998), l’emploi du terme «placebo» a tout au plus un sens dans des études cliniques comparables. L’effet placebo décrit «tous les facteurs d’influence qui
entraînent les changements (souhaités) de l’état du patient,
excepté les éléments thérapeutiques à contrôler dans cette
étude.» Au lieu de l’expression «effet placebo», WINDELER
(1998) préfère dans le cadre des études cliniques l’expression
«évolutions contextuelles», étant donné que celle-ci ne requiert aucune relation de cause à effet spécifique.
• Mesures thérapeutiques accompagnatrices
En raison de l’effet des mesures actives supplémentaires de
traitement, le succès peut être attribué à tort à la thérapie à
étudier, succès qui ne lui revient pas en réalité.
• Effet Hawthorne
La désignation «effet Hawthorne» se réfère à une étude psychologique concernant la recherche des conditions de travail
pratiquées dans les ateliers Hawthorne, à proximité de Chicago, à la fin des années 20 et au début des années 30 du siècle
dernier (WICKSTRÖM & BENDIX 2000). Cet effet psychologique
montre que les hommes se comportent de façon différente
lorsqu’ils sont conscients du fait que leur comportement est
observé. En conséquence, il faut prendre en compte un changement de comportement chez les personnes qui savent
qu’elles prennent part à une étude scientifique (réponses différentes lors d’une enquête écrite ou orale par exemple) (DE
AMICI et al. 2000).
• Réponses complaisantes du patient
En font partie entre autres les effets de l’influence sociale (les
patients interrogés donnent des réponses qui correspondent
d’après eux à la norme) ou la propension à dire oui. La raison
en est la disposition du patient à se conformer à l’attente de
l’autorité médicale: «Le patient dit ce qu’il pense que l’on attend de lui, ses informations deviennent des renseignements
complaisants.» (KIENLE 1995).
• Effet spécifique de la mesure prise
Tous les points mentionnés ci-dessus doivent être observés
avant de pouvoir tirer des conclusions sur l’efficacité ou l’effet
spécifique d’une thérapie.
Un effet spécifique d’une mesure thérapeutique ne peut donc
être prouvé qu’à l’aide d’études contrôlées, aussi randomisées
que possibles (JADAD 1998). Une étude clinique randomisée
contrôlée est en fait possible même chez un seul patient, on
parle dans ce cas d’une étude avec N=1 (en anglais: N-of-1
trial) (SACKETT et al. 2000; GUYATT et al. 2002). Dans une étu-
de N=1, la durée de traitement d’un patient est divisée en périodes pendant lesquelles le patient reçoit alternativement
chacune des deux formes de thérapie. Dans le cas idéal d’une
étude N=1, ni le patient, ni le médecin traitant n’est informé,
c’est-à-dire que ni l’un ni l’autre ne sait quelle thérapie est
administrée, à quel moment. Le traitement du patient est
poursuivi jusqu’à ce que le patient et le médecin traitant
soient convaincus que l’un des deux traitements est supérieur
ou que les deux sont pareillement efficaces.
Solution de Fowler et sa valeur dans le cas du
traitement des douleurs temporo-maxillaires
BRUCK (1895) administra aux cinq patientes la solution de
FOWLER, réalisée pour la première fois en 1786 et appelée ainsi
d’après le nom du médecin anglais THOMAS FOWLER (1736–1801)
(Solutio arsenicalis FOWLERI). Il s’agit d’une solution aqueuse à
1% d’arsénite de potassium (Kalium arsenicosum , K3AsO2). La
solution arsenicale a été utilisée pendant 150 ans, jusque dans
les années 30 du XXe siècle, pour le traitement d’une série de différentes maladies, entre autres pour le traitement de l’eczéma,
du psoriasis, du pemphigus, de la syphilis, de l’asthme, des problèmes d’estomac, des nausées dues à la grossesse, de l’anémie
pernicieuse, de la leucémie, de la lymphogranulomatose (M.
Hodgkin), du Chorea Huntington et des douleurs arthritiques
(POTTER 1902; WAXMAN & ANDERSON 2001). L’arsénite de potassium est toujours employé de nos jours en homéopathie, surtout dans le domaine de la médecine vétérinaire, ainsi que dans
le cadre de la «biochimie selon le Dr Schüssler – dont les médicaments sont fabriqués selon des prescriptions homéopathiques (BORCHARDT 2001) – (KELLER et al. 1995; HAUSEN 2002).
L’arsénite de potassium (Kalium arsenicosum) est un des 12
«produits biochimiques de complément» en «biochimie selon le
Dr Schüssler». Il est proposé dans les dosages D 3 (dissolution
à 1:1000), D 6 (1:1 000 000) et D 12 et il est administré – parfois
comme «complément au traitement médical» – dans le cas de
maux au niveau de la peau (démangeaisons; eczéma; psoriasis
entre autres), au niveau du cœur (faiblesses cardiaques chroniques avec difficultés respiratoires), au niveau des reins (maladies chroniques et inflammation des reins) ainsi qu’au niveau
de l’appareil digestif (HAUSEN 2002). Dans le cas de l’emploi du
dosage D 3, les adeptes conseillent la posologie suivante: un
comprimé par jour dissout dans un verre d’eau , à boire par gorgée tout au long de la journée, faire une pause après quatre semaines de traitement; l’arsénite de potassium n’est pas indiqué
pour une thérapie de longue durée (HAUSEN 2002).
Les risques encourus lors d’une prise non contrôlée de la solution de Fowler ont été signalés il y a déjà plus de 100 ans (HUTCHINSON 1888; N.N. 1902; KANDEL & LEROY 1937). Dans la littérature médicale plus récente, différents auteurs font remarquer la cancérogénicité de l’arsénite de potassium ou de la solution de FOWLER lors de prises régulières (FIERZ 1965; REGELSON et al. 1968; LANDER et al. 1975; KASPER et al. 1984; TINWELL
et al. 1991).
Il n’existe aucune preuve d’un effet thérapeutique spécifique de
l’arsénite de potassium lors de douleurs articulaires. Les manuels de pharmacologie (MUTSCHLER 1996; LÜLLMANN & MOHR
2001; RUMMEL & STARKE 2001) sont très clairs quant à l’efficacité
des préparations homéopathiques (ERNST 2001). LÜLLMANN &
MOHR (2001) constatent: «Il est impossible de prouver un effet
direct sur les fonctions corporelles dans le cas des médicaments
homéopathiques. Les succès de guérison sont fondés sur la force suggestive de l’homéopathe et sur l’attente du malade.»
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Discussion
L’interprétation d’une succession de faits comme relation de
cause à effet est une conclusion (erronée) cognitive de l’observateur. De cette manière, des édifications de réalité se développent en «croyances dures comme fer», auxquelles la propriété
remarquable de s’autosatisfaire est inhérente» (WATZLAWICK
2001b). Même les médecins et les médecins dentistes ne sont
pas invulnérables devant de telles perceptions erronées; GROSS
& LÖFFLER (1997) citent la «déduction de relations de cause à effet à partir de relations temporelles» comme erreur typique dans
les avis médicaux. Dans de nombreux domaines de la médecine
et de la médecine dentaire, on peut observer que les représentants des procédures les plus diverses, parfois contradictoires,
sont convaincus de l’effet spécifique de «leur» traitement. ZIMMERMANN remarquait à la fin des années 20: «Rien que dans le
domaine du traitement radiculaire, il règne un pur chaos d’avis
antagonistes. Chaque auteur jure par «sa» méthode, la seule
juste.» Si le médecin (dentiste) traitant s’est fixé sur une certaine thérapie, il aura tendance à attribuer l’amélioration des
symptômes observée (par exemple diminution des douleurs) à
son traitement seul, qu’il s’agisse – pour rester dans l’exemple
des myoarthropathies – d’un médicament allopathique ou homéopathique, d’un type donné de contention occlusale intrabuccale, d’une technique physiothérapeutique particulière ou
d’une thérapie de polissage systématique des dents. SKRABANEK
& MCCORMICK (1995) donnent à penser: des saignées et des
purges, l’extraction de toutes les dents pour éliminer les «foyers
empoisonnés» et la polypragmasie insensée ont leurs correspondances modernes. En effet, ni les médecins, ni les patients
ne peuvent faire facilement la différence entre une relation toute simple et la cause. Si on néglige de faire cette différence, il est
possible que l’on apprenne par expérience mais que l’on apprenne en fait uniquement à faire les mêmes erreurs avec une
assurance toujours plus grande. KÖBBERLING (2000) mentionne:
«Une conviction ferme sur l’efficacité d’une thérapie fondée sur
une haute plausibilité peut facilement conduire à étouffer les
doutes sur l’efficacité et donc à empêcher l’acquisition de connaissances.»
De nombreuses études ont montré qu’un grand nombre de thérapies différentes est employé pour le traitement de patients
souffrant de myoarthropathies douloureuses du système temporo-maxillaire, même si les symptômes sont identiques
(GLASS et al. 1991; JUST et al. 1991; GLASS et al. 1993; LERESCHE
et al. 1993; GLAROS et al. 1994; ARBREE et al. 1995; TÜRP et al.
1997). Ces thérapies se différencient parfois énormément dans
leur degré d’invasivité et dans les risques et les coûts liés à leur
emploi. De nombreuses remarques indiquent que ces différentes pratiques dépendent fortement des capacités, de l’expérience, de l’intuition et des préférences personnelles du médecin traitant. STOHLER (1999) explique: «There is [...] the
impression that individual practice styles contribute more to the
choice of therapy than do the patient’s particular features. Each
health profession seems to have its own favorite approach that
is specific to the discipline but not necessarily appropriate for
the condition for which treatment is sought.» (On a l’impression que ce sont les méthodes personnelles des cliniciens qui
prédominent dans le choix de la thérapie et non les spécificités
du patient. Chaque profession de la santé semble avoir sa
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propre approche favorite, spécifique à la discipline mais non nécessairement appropriée aux situations pour lesquelles le traitement est recherché). Sans tenir compte de cela, les représentants des différentes philosophies de traitement trouvent toutes
sortes d’affirmations sur les succès du traitement, c’est-à-dire
sur l’amélioration des maux après la thérapie. Indépendamment
de la mesure entreprise, les quotas de succès cités varient en
général entre 75% et 90% (GREENE 2001). ZARB et al. (1994) soulignent: «While this is noteworthy, it is not scientific proof of
cause and effect.» (Bien que ceci soit remarquable, ce n’est pas
une preuve de cause à effet). Cela provient du fait que la majeure partie des rapports est fondée sur des observations faites sans
groupes témoins. TRAMPISCH & WINDELER (2001) posent les
questions essentielles sur l’efficacité d’un traitement:
– L’intervention – dans le cas présenté ci-dessus, l’administration d’arsenic associée à des compresses chaudes – est-elle
effectivement un facteur d’influence important et décisif dans
l’observation de la disparition des douleurs?
– Que se serait-il passé sans intervention? N’y aurait-il eu aucune évolution ou l’évolution, aurait-elle été analogue à celle
observée maintenant ou auparavant?
Il n’est pas possible de répondre à ces questions par des casuistiques isolées. En principe, des interprétations non contrôlées
sur les interventions thérapeutiques ne constituent pas un échelonnement fiable des informations sur l’efficacité thérapeutique
(STOHLER & ZARB 1999). Non sans raison, on attribue dans la
hiérarchie des études fondées sur des faits prouvés, un niveau
de qualité plus élevé aux études contrôlées qu’aux études non
contrôlées ou qu’aux séries de cas (SACKETT et al. 2000). Etant
donné le nombre relativement petit d’articles sur les études
contrôlées (ANTCZAK-BOUCKOMS 1995), ZARB et al. (1994) parlent
d’une «tradition anecdotique» dans le cas du traitement des
myoarthropathies douloureuses du système temporo-maxillaire
(MAP).
LANG (1982) a déjà montré dans cette revue, il y a deux décennies, que des mesures thérapeutiques fondées uniquement sur
des «preuves anecdotiques» pouvaient être créées également
dans d’autres domaines de la médecine dentaire. A partir de
cinq croyances populaires – parfois encore répandues aujourd’hui – («dogme du traumatisme occlusal», «dogme de la nécessité de la coïncidence de l’intercuspidation maximale avec le
contact en rétrusion», «dogme de la sollicitation axiale des
dents», «loi selon ANTE (1926)», «dogme de l’organe de mastication sain, avec dentition totale»), il a montré comment des philosophies «bien ancrées», devenues au cours des années des
dogmes incontestables [...], ont été ébranlées par les résultats
d’études contrôlées et remplacées par de nouvelles stratégies
thérapeutiques pour le traitement de patients ayant une dentition avec affection parodontale.
Conclusion
Sans preuve sous la forme d’une étude clinique contrôlée (aussi randomisée que possible), il existe le risque de succomber au
sophisme Post-hoc-ergo-propter-hoc, dont la naissance – comme mentionné ci-dessus – peut provenir de différents facteurs.
Avoir conscience de ce sophisme est donc d’une importance clinique considérable. En effet, en tenir compte permet de réduire
le risque d’une thérapie erronée.