Pourquoi une telle hausse des prix des denrées alimentaires sur les

Transcription

Pourquoi une telle hausse des prix des denrées alimentaires sur les
Première partie
Pourquoi une telle hausse des prix
des denrées alimentaires
sur les marchés mondiaux?
La situation des marchés des produits agricoles 2009
8
Inflation des prix des denrées alimentaires
dans le monde en 2007-08
L’
inversion de tendance des prix des
denrées alimentaires dans le
monde a commencé en 2006 avant
de se transformer en une poussée inflationniste généralisée qui a aggravé l’insécurité
alimentaire, déclenché de violents mouvements de protestation et fait craindre l’insécurité sur la scène internationale. L’Afrique
a peut-être été la plus gravement touchée,
mais le problème était mondial. La publication de rapports sur l’impact de l’explosion
des prix des denrées alimentaires sur les
pauvres de nombreux pays en développement a incité la communauté internationale à prendre des mesures pour empêcher
l’aggravation de la pauvreté et de la sousalimentation. Les organismes d’aide alimentaire comme le Programme alimentaire
mondial (PAM) ont eu des difficultés à acheter, du fait de leurs coûts plus élevés, les
denrées alimentaires qu’ils prévoyaient de
distribuer et ont sollicité des ressources
financières supplémentaires.
L’indice FAO des prix des denrées alimentaires1 a augmenté de 7 pour cent en
2006 et de 27 pour cent en 2007, et cette
augmentation a persisté et s’est accélérée
pendant la première moitié de 2008. Depuis,
les prix ont reculé nettement tout en restant
supérieurs à leurs niveaux tendanciels à plus
long terme. En 2008, l’indice FAO des prix
des denrées alimentaires était, en moyenne,
encore supérieur de 24 pour cent à celui de
2007 et de 57 pour cent à celui de 2006.
Si l’on considère les prix en termes réels
(corrigés par l’indice de la valeur unitaire des
produits manufacturés de la Banque mondiale [MUV]), les augmentations sont encore
très importantes. Les prix réels sont depuis
longtemps caractérisés par une baisse tendancielle entrecoupée par quelques flambées
des prix généralement de courte durée. Une
certaine stabilisation est perceptible depuis
la fin des années 80, suivie d’un redressement
1
L’indice FAO des prix alimentaires est un indice
de Laspeyres, pondéré en fonction des échanges
internationaux, qui repose sur les cours mondiaux
de 55 produits alimentaires exprimés en USD (voir
www.fao.org/worldfoodsituation/FoodPricesIndex).
Évolution des indices FAO des prix des produits alimentaires
Indice (1998-2000 = 100)
250
Indice FAO élargi des prix réels des produits alimentaires
200
150
100
Indice FAO élargi des prix des produits alimentaires
50
0
1961
1965
1970
1975
1980
1985
1990
1995
2000
2005 2008
Source: FAO.
Indice FAO des prix des produits alimentaires ajusté pour tenir compte
des variations de taux de change
Indice FAO (1998-2000 = 100)
250
200
150
100
50
0
1961
1965
1970
1975
1980
1985
1990
1995
2000
2005 2008
Indice FAO des prix des produits alimentaires
Indice FAO des prix des produits alimentaires ajusté pour tenir compte des variations de taux de change
entre l'USD et les SDR
Indice FAO des prix des produits alimentaires ajusté pour tenir compte des variations de taux de change
entre l'USD et le franc CFA
Note: les Droits de tirage spécial (SDR), créés par le Fonds monétaire international (FMI),
se composent d’un panier des principales devises (euro, livre sterling, yen et USD);
14 économies africaines utilisent actuellement le franc CFA dont la valeur est liée à l’euro.
progressif à partir de 2000 et d’une augmentation brutale en 2006. Le taux de croissance annuel moyen, de 1,3 pour cent pendant la période 2000-05, s’est envolé depuis
2006, pour atteindre 15 pour cent.
Quelle est l’incidence
des taux de change?
Une part de ces hausses de prix peut être
attribuée à la dépréciation du dollar EU, dans
Sources: FAO et FMI.
lequel les prix internationaux sont généralement libellés. Exprimées dans d’autres devises, les hausses sont moins spectaculaires
et correspondent aux variations historiques.
Elles restent néanmoins importantes.
Le lien entre les devises et les prix des
produits de base est un facteur qui complique
l’évaluation des hausses de prix des produits
agricoles. Il a aussi une incidence sur la manière dont les différents pays sont concernés
par les variations des taux de change.
La situation des marchés des produits agricoles 2009
9
Pourquoi une telle hausse
des prix des denrées alimentaires
sur les marchés mondiaux?
Évolution des indices FAO des prix de groupes de denrées de base
Sucre
Viande
Indice (2002-04 = 100)
300
Céréales
Produits laitiers
Graisses végétales
250
200
150
100
50
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
Source: FAO.
Évolution des prix des produits tropicaux d’exportation
Riz
Prix
Blé
Café
Cacao
800
600
400
200
0
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
Note: Les prix du riz et du blé sont exprimés en USD/tonne; ceux du cacao et du café, en cents d’USD/livre.
Source: FAO.
L’ampleur de la répercussion de la hausse
des prix au niveau international sur la hausse des prix à la consommation et à la production dans certains pays a varié selon leur
taux de change avec le dollar EU et d’autres
facteurs comme les droits d’importation, les
infrastructures et les structures commerciales, qui déterminent le degré de transmission
des prix. La plupart des prix des produits de
base étant exprimés en dollars EU, la dépréciation de la devise des États-Unis réduit le
coût des produits de base pour les pays dont
les devises sont plus fortes que le dollar EU.
Il en résulte donc une atténuation de l’impact
des hausses des prix des denrées alimentaires, dans une mesure plus ou moins
grande. En ce qui concerne les pays dont
les devises locales sont rattachées au dollar
EU, la dépréciation de celui-ci renchérit le
coût d’achat des denrées alimentaires. Plus
de 30 pays en développement ont aligné leur
devise sur le dollar EU.
Les prix de tous les produits
agricoles ont-ils augmenté
de la même façon?
Bien que la plupart des prix des produits
agricoles aient augmenté, au moins en valeur nominale, les hausses ont nettement
varié d’un produit à l’autre. En particulier,
les prix internationaux des produits de première nécessité, comme les céréales, les
oléagineux et les produits laitiers, ont augmenté de manière beaucoup plus spectaculaire que les prix des produits tropicaux
comme le café et le cacao, et ceux des matières premières comme le coton ou le caoutchouc. Les pays en développement qui
dépendent des exportations de ces produits
ont donc constaté que leurs recettes d’exportations avaient certes augmenté mais
moins rapidement que le coût de leurs impor tations de denrées alimentaires.
Importateurs nets de produits alimentaires,
La situation des marchés des produits agricoles 2009
10
les pays en développement ont été confrontés à de graves déséquilibres de leurs balances des paiements.
Qu’est-ce qui distingue
les augmentations de prix
des denrées alimentaires
de la période 2007-08?
L’envol des prix des denrées alimentaires
constitue une rupture brutale avec la baisse
tendancielle et l’effondrement continu des
prix des produits de base de 1995 à 2002,
au point qu’une relance des accords internationaux sur les produits a été demandée.
Quelques analystes estiment que les hausses ont marqué la fin de la baisse à long
terme des prix des produits agricoles, la
revue The Economist (2007) annonçant
même «la fin des aliments bon marché».
D’autres ont vu les prémisses d’une crise
alimentaire mondiale. On peut se demander
si ces hausses brutales sont fondamentalement différentes des flambées des prix précédentes et si la baisse tendancielle des prix
réels aurait pu s’interrompre, signalant un
changement radical du comportement du
marché des produits agricoles. Les périodes
de prix élevés, comme les périodes de prix
bas, ne sont pas des phénomènes rares sur
les marchés agricoles, bien que les premières soient souvent beaucoup plus courtes
que les secondes, qui ont tendance à se
prolonger. Ce qui distingue cet épisode est
que la hausse des prix n’a pas concerné que
quelques produits destinés à l’alimentation
humaine ou animale mais la quasi-totalité
d’entre eux, et que les prix pourraient rester
à des niveaux élevés lorsque les effets des
chocs à court terme se seront dissipés.
L’explosion des prix a aussi été accompagnée par une volatilité des prix2 beaucoup
plus élevée que dans le passé, surtout dans
les secteurs des céréales et des oléagineux,
ce qui illustre la plus grande incertitude des
marchés. Pendant les quatre premiers mois
de 2008, la volatilité des prix du riz et du
blé a atteint des niveaux records (la volatilité des prix du blé était deux fois supérieure à celle de l’année précédente, celle
du prix du riz était cinq fois supérieure).
L’accroissement de la volatilité n’a pas
concerné que les céréales. En effet, les hui-
2 La volatilité mesure les fluctuations du prix d’un
produit pendant un intervalle de temps donné en
utilisant l’écart type des prix. D’amples fluctuations
des prix pendant une courte période sont le signe
d’une «forte volatilité».
La crise alimentaire mondiale des années 70
Lors des deux décennies précédant la crise des
abondantes pour reconstituer les stocks et dé-
années 70, la production de céréales dans les
samorcer la hausse croissante des prix.
pays en développement a augmenté de 80 pour
Malheureusement, le Canada, l’ex Union sovié-
cent. La «révolution verte» a entraîné des gains
tique, les États-Unis d’Amérique et une grande
de productivité considérables et l’extension des
partie de l’Asie n’engrangèrent que des récoltes
surfaces cultivées. Cependant, en 1972, de
médiocres à cause de mauvaises conditions
mauvaises conditions climatiques ont endom-
climatiques. À la fin de 1974, les réserves cé-
magé les cultures dans le monde entier et la
réalières mondiales étaient au plus bas depuis
production alimentaire mondiale a chuté pour la
22 ans et correspondaient à près de 26 jours de
première fois en 20 ans, reculant de 33 millions
consommation contre 95 jours en 1961. Fait
de tonnes à une période où 24 millions de ton-
aggravant, le Gouvernement des États-Unis
nes supplémentaires étaient nécessaires pour
d’Amérique mit son veto à l’exportation de 10
couvrir les besoins d’une population s’accrois-
millions de tonnes de grains (en grande partie
sant rapidement. L’année suivante, un nouveau
destinées à l’Union soviétique), craignant qu’une
choc lié à l’offre – le quadruplement du prix du
vente aussi massive déclenche une inflation des
pétrole – joua un rôle important dans la hausse
prix des denrées alimentaires au plan intérieur.
des prix agricoles, menaçant la révolution verte
Après la flambée de 1974, les prix de la plupart
dont le succès dépendait en grande partie de
des produits alimentaires sont restés élevés
l’application de pesticides, d’herbicides et d’en-
jusqu’au début des années 80. Les estimations
grais azotés, c’est-à-dire de produits dérivés du
officielles du nombre de décès directement im-
pétrole. Après avoir payé leurs factures pétro-
putables à la crise alimentaire mondiale des
lières, de nombreux pays en développement ont
années 70 n’ont pas été conduites, mais si l’on
été à court de ressources pour acheter des pro-
procède à une extrapolation tendancielle des
duits chimiques et des nutriments que le mode
taux de mortalité pendant la période de crise,
de culture intensif, à rendement élevé, exigeait.
on obtient un chiffre, non officiel, de près de cinq
En 1974, le monde attendait avec impatience
millions de personnes (The Oil Drum, 2009).
que les pays riches engrangent des récoltes
les végétales, les produits d’élevage et le
sucre ont aussi connu des variations de prix
nettement plus marquées que dans un passé récent. Une volatilité élevée est synonyme d’incertitude, qui gêne les acheteurs
et les vendeurs dans leurs prises de décisions.
Cette incertitude, lorsqu’elle s’accroît, limite également l’accès des producteurs aux
marchés du crédit et conduit à l’adoption
de techniques de production peu risquées
au détriment de l’innovation et de l’esprit
d’entreprise. Par ailleurs, plus les variations
de prix d’un produit sont amples et imprévisibles, plus les gains résultant de la spéculation sur les cours anticipés de ce produit
peuvent être importants. La volatilité a donc
un attrait spéculatif qui, à son tour, crée un
cercle vicieux qui déstabilise les prix au
comptant. Au niveau national, de nombreux
pays en développement sont encore extrêmement dépendants des produits de première nécessité, à l’importation et à l’exportation. Si les brusques envolées des prix
peuvent gonfler temporairement la balance
des paiements d’un exportateur, elles peuvent aussi renchérir les coûts d’importation
de produits alimentaires et d’intrants agri-
Sources: FAO et Time, 1974.
coles. Parallèlement, d’amples variations de
prix peuvent avoir un effet déstabilisateur
sur les taux de change des pays, qui voient
leurs économies mises à rude épreuve et
leurs efforts pour réduire la pauvreté quasiment réduits à néant.
Qu’est-ce qui distingue
la flambée des prix de 2007-08
des crises précédentes?
L’examen du comportement des prix dans
le passé permet de mettre en évidence le
caractère unique de la récente flambée des
prix. Les graphiques (voir page 9) montrent
qu’une flambée des prix ressort en particulier, celle correspondant à la crise alimentaire
mondiale des années 70. Quelques analogies
existent entre les deux situations. Le double
choc pétrolier et climatique d’alors a entraîné une contraction de la production alimentaire alors que la demande de denrées
alimentaires commençait à croître sous l’effet de l’emballement démographique des
pays en développement. Des restrictions
aux impor tations, identiques à celles
d’aujourd’hui, ont été imposées pour maî-
La situation des marchés des produits agricoles 2009
11
Pourquoi une telle hausse
des prix des denrées alimentaires
sur les marchés mondiaux?
Flambées des prix des produits
agricoles
Une flambée des prix est une augmentation
brutale et prononcée des prix au-dessus de
la valeur tendancielle. Pour des raisons pra-
termes réels montre donc une situation sans
rapport commun. Si l’on se fonde par exemple sur les prix et les taux de change de
2000, le coût d’une tonne de riz en 1974
était quatre fois supérieur à la moyenne
observée pendant les quatre premiers mois
de 2008.
tiques, une flambée des prix peut être considérée comme une variation annuelle en
La fin des «aliments bon marché»?
pourcentage supérieure à deux écarts types
des cinq années précédant l’année à partir
de laquelle la variation en pourcentage est
calculée. En utilisant cette définition, il est
possible d’identifier les années durant lesquelles de fortes variations de prix des produits alimentaires de base (en utilisant l’indice FAO des prix alimentaires) sont intervenues au cours de la période 1961-2008.
En rapportant les variations en pourcentage
de chaque année à deux fois l’écart type
calculé selon la formule:
il est possible d’identifier quatre périodes
distinctes au cours desquelles les prix ont
accusé de fortes hausses: 1972-74, 1988,
1995 et la période actuelle. Seules la première et la période actuelle ont connu des
variations sur plusieurs années consécutives,
trois années de suite (1972, 1973 et 1974)
pour la première période et deux années
pour la dernière période (2007 et 2008).
Toutefois, en appliquant la même méthodologie aux prix exprimés en termes réels,
quatre années seulement apparaissent
comme significatives en termes de variations
de prix: 1973 et 1974, 2007 et 2008.
triser l’inflation au plan intérieur. Mais contrairement à la crise actuelle, celle des années
70 a été causée par des chocs liés à l’offre,
alors que les facteurs liés à la demande
(notamment la demande de biocarburants)
ont joué un rôle considérable dans la crise
de 2007-08 et leurs effets pourraient être
durables.
Au moment le plus critique de la crise
des années 70, les cours internationaux du
riz et du blé s’élevaient respectivement à
542 USD et 180 USD par tonne. Les prix
atteints au début de 2008 étant nettement
supérieurs à ceux observés dans les années
70, on pourrait en conclure que le monde
traverse une crise analogue. Mais le pouvoir
d’achat actuel du dollar EU est très différent
de ce qu’il était alors. L’examen des prix en
L’explosion des prix des denrées alimentaires
a été un choc notamment parce que les
consommateurs s’étaient habitués aux «aliments bon marché». Jusqu’en 2006, le coût
réel du panier alimentaire mondial avait
quasiment diminué de moitié au cours des
30 années précédentes, les prix de nombreux
produits alimentaires baissant en moyenne
de 2 à 3 pour cent par an en termes réels.
Cette baisse tendancielle s’explique par les
progrès techniques, qui ont nettement réduit
le coût de production des produits alimentaires, et par les larges subventions versées
dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques
(OCDE), qui ont permis à leur production
d’être plus rentable et plus efficace qu’ailleurs.
Ces deux facteurs ont cantonné quelques
pays dans le rôle de fournisseur d’aliments
pour la planète. Le modèle agricole fondé
sur l’offre a donc provoqué une baisse tendancielle des prix qui a duré pendant des
décennies. Par ailleurs, les changements
opérés sur les marchés et les politiques
adoptées ont joué un rôle déterminant dans
la réduction des niveaux des stocks et ont
conduit les pays à s’appuyer davantage, de
manière planifiée, sur les importations pour
couvrir leurs besoins alimentaires. Profitant
de ces évolutions, les principaux pays exportateurs ont endossé l’habit de premiers
fournisseurs des marchés internationaux. Il
n’est donc pas étonnant que lorsque des
baisses de production se succèdent plusieurs
années de suite dans ces pays, la tension
sur les marchés internationaux tend à s’accentuer et la volatilité ainsi que les variations
de prix s’amplifient lors d’événements imprévus. Ce fut précisément le cas dans la
période précédant l’envolée récente des prix.
Dans ce contexte, la demande mondiale
croissante de produits agricoles, tirés par la
hausse des revenus et la poussée démographique au niveau mondial, et par l’accroissement de la production de biocarburants,
n’a pas permis aux principaux exportateurs
de reconstituer les stocks.
La volatilité extrême des prix de plusieurs
produits a été un autre facteur suscitant
La situation des marchés des produits agricoles 2009
12
Prix annuels des denrées alimentaires, en termes nominaux et réels exprimés en USD, 1957-2008
Produits en vrac
PRIX RÉELS
PRIX NOMINAUX
USD
USD
600
1 500
400
1 000
200
500
0
0
57
70
80
90
00
Blé
57
08
Maïs
Riz
70
80
90
00
08
70
80
90
00
08
80
90
00
08
80
90
00
08
Soja
Graisses végétales
USD
USD
2 500
1 500
2 000
1 000
1 500
1 000
500
500
0
0
57
70
80
90
00
57
08
Huile de soja
Huile de palme
Huile de colza
Produits de l’élevage
USD
USD
300
200
150
200
100
100
50
0
0
57
70
80
90
00
Volaille
08
57
Porc
Bœuf
70
Beurre
Sucre et boissons
USD
USD
800
2 000
600
1 500
400
1 000
200
500
0
0
57
70
80
90
00
Cacao
08
Café
57
Thé
70
Sucre
Note: Les prix réels font référence aux prix nominaux ajustés pour tenir compte des variations de l’Indice des États-Unis des prix à la production (2000 = 100).
Sources: Cacao (ICCO); café (ICO); coton (COTLOOK A Indice 1-3/32”); maïs (États-Unis, n° 2, jaune, golfe du Mexique); riz (blanc, thaï 100% second grade B, f.o.b.
Bangkok); soja (États-Unis, n° 1, jaune, golfe du Mexique); sucre (ISA); thé (volume total vendu aux enchères de Mombasa); blé (États-Unis, n° 2, blé rouge doux d’hiver,
golfe du Mexique); bœuf (Argentine, découpes de bœuf congelées, valeur unitaire à l’exportation); beurre (Océanie, prix indicatifs d’exportation, f.o.b.);
viande porcine (États-Unis, porc, produit congelé, valeur unitaire à l’exportation); viande de volaille (États-Unis, volaille en morceaux, valeur unitaire à l’exportation);
huile de colza (Pays-Bas, f.o.b. à l’usine); huile de soja (f.o.b.à l’usine).
La situation des marchés des produits agricoles 2009
13
Pourquoi une telle hausse
des prix des denrées alimentaires
sur les marchés mondiaux?
Indice FAO des prix des produits
alimentaires
Indice des prix des denrées
alimentaires, 2007-2008
Indice (2002-04 = 100)
230
Indice (2002-04 = 100)
350
300
2008
200
Produits
laitiers
Matières grasses
250
170
Céréales
200
2007
Sucre
140
150
2006
Viande
2005
110
100
J
F M A M J
J
A S O N D
Source: FAO.
l’inquiétude quant à l’éventualité d’une
crise généralisée. Lorsque la volatilité des
prix augmente et se prolonge, il est difficile
de savoir si c’est le marché qui est instable
ou si ce sont les niveaux de prix qui sont
fondamentalement élevés. De nouveau, l’incertitude concernant la situation réelle des
marchés internationaux de denrées alimentaires a fait craindre l’imminence d’une
crise.
La flambée récente des prix traduit-elle
une inversion de la baisse tendancielle des
prix réels ou n’est-elle qu’une flambée de
plus, un peu plus importante que d’habitude? Les périodes de turbulences excessives des marchés n’entraînent pas nécessairement un changement permanent, fondamental, de la trajectoire des prix. Lorsque
ce changement se produit, il s’agit, pour les
économistes, d’une «rupture structurelle».
Des techniques économétriques peuvent
être utilisées pour détecter ces ruptures
structurelles dans les prix des produits agricoles. L’application de ces techniques montre que même les hausses considérables des
prix des produits alimentaires observées
pendant la crise des années 70 n’ont pas
causé de ruptures structurelles. Lorsque le
pire de la crise est passé, les prix ont simplement repris leur tendance précédente.
Il est difficile de tirer des conclusions définitives concernant la récente flambée des
prix en se fondant sur les preuves disponibles
à ce jour, et les tests économétriques n’ont
pas détecté jusqu’ici de rupture structurelle.
Peut-on assimiler l’explosion des prix qui
vient de se produire aux envolées des prix
précédentes, brusques mais brèves? Ou s’il
s’agit d’une rupture avec les modèles de
comportement antérieurs? Seul l’examen
D J F M A M J
J A S O N D
Source: FAO.
de la nature des causes apparentes permet
de répondre à cette interrogation. De nombreux facteurs ont été cités comme responsables: productions déficitaires, bas niveau
des stocks, prix du pétrole, demande de
biocarburants, croissance des revenus dans
les économies émergentes, dépréciation du
dollar EU et spéculation. Bien qu’il soit difficile de déterminer quantitativement la part
de chacun, certains de ces facteurs pourraient avoir une incidence persistante sur le
niveau moyen des prix. La situation actuelle présente en effet plusieurs caractéristiques qui indiquent que les prix élevés atteints récemment pourraient se maintenir
encore quelques années, malgré l’ajustement
à la baisse observée depuis les sommets du
début de 2008.
Après la hausse, la baisse:
situation actuelle des prix des
denrées alimentaires
Les prix de la plupart des produits agricoles
ont fortement reculé depuis les sommets
atteints pendant la première moitié de 2008.
Les prix mondiaux des grains ont baissé de
50 pour cent et ceux d’autres produits de
base ont suivi. Cependant, les prix restent
historiquement élevés et sont encore supérieurs à leurs niveaux de 2007. Dans de
nombreux pays, notamment en Afrique, les
prix restent nettement supérieurs aux niveaux
de 2007. Dans certains cas, les prix internationaux observés pendant la première
moitié de 2008 ont encore cours sur des
marchés nationaux.
La situation des marchés des produits agricoles 2009
14
Pourquoi les prix des denrées
alimentaires augmentent-ils autant?
L
es analystes et les commentateurs ont
avancé plusieurs raisons expliquant
la hausse brutale des prix des denrées
alimentaires. La plus courante est de l’imputer à l’accroissement de la demande de certains produits agricoles utilisés comme biocombustibles pour la production de
biocarburants, notamment le maïs pour l’éthanol. La hausse vertigineuse du prix du pétrole et les préoccupations environnementales
ont conduit à la recherche d’autres sources
d’énergie et les politiques adoptées par les
États-Unis d’Amérique et l’Union européenne (UE) ont contribué à augmenter la production de biocarburants. Le prix élevé du
pétrole a eu aussi une incidence directe sur
les coûts de la production agricole et les prix.
Une autre explication met l’accent sur la
croissance économique rapide de certaines
économies émergentes, en particulier la Chine
Évolution des stocks de clôture de blé et rapports stocks/utilisation
Millions de tonnes
400
Pourcentage
45
300
35
200
25
100
15
0
5
79/80 81/82 83/84 85/86 87/88 89/90 91/92 93/94 95/96 97/98 99/00 01/02 03/04 05/06 07/08
Stocks de clôture
Rapport stock/utilisation
Source: FAO.
Évolution des stocks de clôture de céréales secondaires et rapports
stocks/utilisation
Millions de tonnes
400
Pourcentage
36
300
27
200
18
100
9
0
0
79/80 81/82 83/84 85/86 87/88 89/90 91/92 93/94 95/96 97/98 99/00 01/02 03/04 05/06 07/08
Stocks de clôture
Rapport stock/utilisation
Source: FAO.
et l’Inde, qui augmente la demande de produits alimentaires, notamment de produits
de l’élevage, et donc de céréales et d’oléagineux destinés à l’alimentation du bétail.
Toutes ces explications s’efforcent de faire
la part belle à de «nouveaux» facteurs qui
seraient déterminants sur les marchés internationaux et laissent penser qu’un changement fondamental s’est produit concernant
le comportement des prix des produits agricoles et la persistance de prix élevés. Les
explications «traditionnelles» (voir encadré
page 16) de la hausse des prix sont aussi
pertinentes, comme les réductions de l’offre
dues à la sécheresse ayant sévi chez les principaux exportateurs et le niveau des stocks
de céréales, le plus bas depuis plus de 30 ans.
D’autres facteurs aggravants ont aussi été
cités qui expliquent au moins partiellement
les prix élevés des denrées alimentaires, par
exemple l’irruption de fonds spéculatifs dans
les marchés à terme des produits agricoles,
les marchés des actions et des obligations
devenant moins intéressants à cause de la
récession financière mondiale. Lorsque les
prix mondiaux ont commencé à augmenter
de manière importante, les réponses apportées par le marché et les politiques à ce problème n’ont fait qu’aggraver la pression
inflationniste, par exemple le stockage de
produits pour se prémunir des hausses de
prix anticipées, et les restrictions appliquées
aux exportations.
Si tous ces facteurs ont contribué à faire
augmenter les prix, c’est leur combinaison
qui a joué un rôle déterminant. Déclencheurs
immédiats de la hausse des prix des denrées
alimentaires, ils ont de surcroît opéré dans
un contexte défavorable au développement
d’agricultures nationales pénalisées par des
problèmes à long terme comme la décroissance des rendements, le manque d’investissement, la part déclinante de l’agriculture dans l’aide au développement et la
diminution des crédits consacrés à la recherche et au développement. Ces problèmes ont non seulement aggravé l’insécurité alimentaire mais ils ont aussi compliqué
la tâche des pays en développement s’efforçant d’y apporter une solution.
La situation des marchés des produits agricoles 2009
15
Pourquoi une telle hausse
des prix des denrées alimentaires
sur les marchés mondiaux?
Comment les prix des produits agricoles sont-ils déterminés?
Les prix des produits agricoles sont déterminés
dépend des conditions climatiques, mais
chocs de l’offre, dus notamment à de mau-
par une combinaison de facteurs fondamentaux
les chocs de la demande ont aussi leur
vaises conditions climatiques. Ils persistent
de l’offre et de la demande et de chocs exogè-
importance, notamment pour certaines
davantage dans le cas de chocs de la de-
nes liés à des facteurs comme le temps. Malgré
matières premières. L’impact des chocs de
mande.
des recherches approfondies, les opinions di-
l’offre et de la demande sur les prix peut
Les prix des différents produits sont liés
vergent encore quant à la nature des tendances
être atténué par la possibilité d’épuiser les
à une substitution ou une complémenta-
et de la variabilité des prix, et il n’est pas simple,
stocks ou de les reconstituer. Le rapport
rité possible de la consommation ou de la
sauf rétrospectivement, de faire la part entre une
entre le niveau des stocks et la demande
production, d’où les effets de «transfert»
variabilité normale et un changement de ten-
est donc un facteur important du prix des
des variations de prix d’un produit à un
dance.
produits. Si le ratio «stock-utilisation» est
autre. Les prix élevés du maïs par exemple
Il est important d’établir une distinction
faible parce que le niveau des stocks est
pousseront les producteurs à produire da-
entre les facteurs de l’offre et de la de-
bas ou parce que la demande est forte ou
vantage de maïs, au détriment d’autres
mande qui sont à la base de l’évolution
les deux à la fois, la pression poussera les
productions, ce qui réduit leur offre et aug-
tendancielle des prix et ceux qui sont res-
prix à la hausse. Les marchés et les prix
mente les prix. L’accroissement de la de-
ponsables de la variabilité autour de ces
des produits agricoles ne s’ajustent pas
mande de produits d’élevage entraîne une
tendances. Les changements à long terme
immédiatement aux chocs de l’offre et de
augmentation de la demande d’aliments
de la demande alimentaire découlent es-
la demande. Les effets des chocs sont en
pour animaux et donc des prix des céréa-
sentiellement de la croissance des revenus
général moins durables lorsqu’il s’agit de
les et des oléagineux.
et de la population, mais ils sont aussi influencés par les changements de prix re-
Facteurs influant sur les prix des produits agricoles
latifs et l’évolution des modes de consommation. La demande de matières premières
comme le caoutchouc est plus générale-
Stocks initiaux
Production intérieure
ment liée à la croissance économique.
L’accroissement à long terme de l’offre est
dû notamment au progrès technique, qui
Formation des prix
dans le pays exportateur
Coûts des intrants
Politiques intérieures
Conditions météorologiques
Prix
Utilisation l’année précédente
... etc.
P
réduit les coûts. Dans le passé, le progrès
technique a réduit les coûts et accru l’offre
Q
Taxes
Taux de change
plus rapidement que n’a pu le faire la croissance des revenus et de la population pour
la demande, ce qui a entraîné une baisse
tendancielle relative des prix des produits
agricoles. Le contexte actuel est peut-être
à cet égard différent. En effet, la croissance de la demande, due à l’augmentation
des revenus dans les économies émergen-
Exportations
+
Demande intérieure
pays exportateur
Consommation
humaine
Aliments pour animaux
Usage industriel
Stocks de clôture
qui entraîne une hausse des prix. La croissance de l’offre peut être limitée à court
terme par le coût et la disponibilité d’intrants
essentiels et par d’autres problèmes liés à
l’offre, et à long terme par la disponibilité
des ressources en eau et en terres, la maind’œuvre et le changement climatique. La
Population
Revenus
Préférences alimentaires
Prix de produits
complémentaires
Prix de produits
concurrentiels
Demande de viande
Prix d’autres aliments
pour animaux
Prix du pétrole
Politiques intérieures
... etc.
P
Q
Taxes
Taux de change
SPS/BNT*
demande et de l’offre. À court terme, l’offre
pas élastiques et réagissent peu aux changements de prix. Les chocs de l’offre et de
la demande peuvent donc produire des
variations de prix de grande amplitude. Les
chocs de l’offre sont peut-être les plus importants parce que la production agricole
Stocks d’ouverture
Production intérieure
+
Demande mondiale
d’importations
volatilité des prix résulte des chocs de la
et la demande de produits agricoles ne sont
Prix des produits
agricoles
Utilisation l’année
précédente
Formation mondiale
des prix
tes et à la demande de biocarburants,
semble plus rapide que celle de l’offre, ce
Coûts des intrants
Politiques
Conditions
météorologiques
Technologies
Disponibilités mondiales
à des fins d’exportation
Demande de viande
Prix d’autres aliments pour animaux
… etc.
Importations
Formation des prix
dans le pays importateur
Population
Revenus
Préférences
alimentaires
Prix de produits
complémentaires
Prix de produits
concurrentiels
… etc.
Prix du pétrole
Politiques
Technologies
… etc.
* SPS/BNT: Accords sur l’application des mesures
sanitaires et phytosanitaires et sur les barrières non tarifaires.
P
Q
Demande intérieure
pays importateur
Consommation
humaine
Aliments pour animaux
Usage industriel
Stocks de clôture
Source: FAO.
La situation des marchés des produits agricoles 2009
16
Production déficitaire
et bas niveau des stocks
Les explications traditionnelles de la variabilité des prix des denrées alimentaires soulignent l’importance des chocs exogènes sur
l’offre de produits agricoles, notamment les
chocs climatiques. L’un des premiers facteurs
fondamentaux des hausses de prix récentes
a été la baisse de la production de céréales
dans les principaux pays exportateurs au
début de 2005 et en 2006. La production de
céréales a reculé de 4 et de 7 pour cent
respectivement au cours de ces deux années.
Elle a en revanche beaucoup augmenté en
2007, notamment le maïs aux États-Unis
d’Amérique, en réaction à la hausse des prix.
La réaction rapide de l’offre en 2007 a entraîné une baisse de l’allocation de ressources productives aux oléagineux, notamment
le soja, qui s’est traduite par un recul de la
production d’oléagineux.
Les stocks jouent un rôle essentiel dans
l’équilibrage des marchés et l’atténuation
des variations de prix. Lorsque le ratio «stockutilisation» est peu élevé, les marchés sont
moins en mesure de faire face aux chocs de
l’offre et de la demande, et l’offre déficitaire
ou les hausses de prix conduisent à de plus
fortes augmentations de prix. Ce ratio a
chuté de manière vertigineuse à partir de
2006, atteignant un point bas historique en
2008.
Le niveau des stocks, notamment des
céréales, baisse depuis le milieu des années 90. En fait, depuis la période précédente de hausse des prix (1995), les niveaux
des stocks mondiaux ont en moyenne reculé de 3,4 pour cent par an. Les Accords
du Cycle d’Uruguay ont entraîné l’adoption
de nouvelles politiques qui ont joué un rôle
déterminant dans la réduction des niveaux
des stocks dans les principaux pays exportateurs: volume des réserves détenues par
des institutions publiques; coût élevé du
stockage des denrées périssables; développement d’autres instruments moins coûteux
de gestion des risques; augmentation du
nombre de pays capables d’exporter; et
amélioration des technologies de transport
et de l’information. Lorsque les déficits de
production se produisent pendant plusieurs
années consécutives dans les principaux
pays exportateurs, les marchés internationaux sont plus étroits et la volatilité des prix
et l’amplitude des variations de prix sont
décuplées en cas d’événements imprévus.
Il existe en fait un rapport négatif important
du point de vue statistique entre les stocks
Indice des prix de l’énergie et des denrées alimentaires
Indice (2002-04 = 100)
550
Indice Reuters-CRB des prix de l’énergie
Indice FAO des prix des denrées alimentaires
450
350
250
150
50
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
Source: FAO et Reuters-CRB.
Relations entre les ratios stocks/prix des céréales
Indice (1989-1990 = 100)
300
Index FAO des prix des céréales
Ratio stocks mondiaux/utilisation
Ratio stocks mondiaux/utilisation, Chine exclue
Ratio stocks des principaux exportateurs/consommation
200
100
0
89/90
91/92
93/94
95/96
97/98
99/00
01/02
03/04
05/06
07/08
Notes:
Coefficients de corrélation: prix liés au ratio stocks mondiaux/utilisation: r = –0,65; prix liés au ratio stocks
mondiaux/utilisation, à l’exclusion de la Chine: r = –0,49; prix liés aux stocks des principaux exportateurs
et la consommation: r = –0,47.
Source: FAO.
Les données sur la Chine concernent la Chine continentale.
commercialisés en début de saison (exprimé
en pourcentage de l’utilisation escomptée
dans la saison qui a suivi) et les prix des
céréales établis pendant cette même saison.
Cela signifie que l’étroitesse des marchés
au niveau mondial au début de la saison de
commercialisation a tendance à pousser les
prix à la hausse. C’est l’une des principales
raisons pour laquelle les prix des céréales
ont flambé si brutalement sur les marchés
internationaux en 2006. La faiblesse persistante des niveaux de stocks explique pourquoi les prix pourraient continuer à être
élevés pendant un certain temps. À la fin
des saisons se terminant en 2008, les stocks
mondiaux de céréales n’avaient augmenté
que de 1,5 pour cent par rapport au niveau
réduit qui était le leur au début de la saison,
et leurs niveaux étaient les plus bas jamais
atteints en 25 ans. En 2007/08, le ratio
Taux du transport maritime des
grains à partir du golfe du Mexique
vers quelques pays
USD/tonne
100
Bangladesh
Égypte
Union européenne
CEI*
80
60
40
20
O N D J F M A M J J A S O
2006
2007
* CEI: Communauté des États indépendants.
Source: Conseil international des céréales.
La situation des marchés des produits agricoles 2009
17
Utilisation des céréales en Chine,
en Inde et dans le reste du monde
Millions de tonnes
2 000
Millions de tonnes
1 050
1 500
Reste du monde
950
1 000
Alimentation humaine
500
850
Chine plus Inde
0
Alimentation animale
80
750
650
97/98 99/00 01/02 03/04 05/06 07/08
85
90
95
Volume des céréales utilisées pour
l’alimentation humaine en Chine +
Inde et dans le reste du monde
00
05 07
Notes: Les données pour la Chine concernent
la Chine continentale. L’utilisation céréalière
comprend la consommation humaine, les produits
d’alimentation pour animaux, les semences, les
usages industriels et les pertes après récolte.
Source: FAO.
Source: FAO.
Volume des importations nettes
de céréales en Chine et en Inde
Millions de tonnes
20
Millions de tonnes
700
Chine
Reste du monde
10
600
500
0
Inde
400
Chine plus Inde
-10
300
-20
200
80
85
90
95
Note: Les données pour la Chine
concernent la Chine continentale.
00
Source: FAO.
85
90
95
Note: Les données pour la Chine
concernent la Chine continentale.
00
05 07
Source: FAO.
Utilisation et commerce net
de céréales en Inde
Millions de tonnes
400
Millions de tonnes
15
15
300
12
200
10
200
9
150
5
100
6
100
3
50
0
0
0
0
-5
97/98 99/00 01/02 03/04 05/06 07/08
Commerce net
(axe gauche)
Utilisation
(axe droit)
Note: Les données pour la Chine
concernent la Chine continentale.
Source: FAO.
Exportations
nettes
20
Importations
nettes
Exportations
nettes
Millions de tonnes
80
05 07
Utilisation et commerce net
de céréales en Chine
Importations
nettes
Pourquoi une telle hausse
des prix des denrées alimentaires
sur les marchés mondiaux?
Utilisation mondiale des céréales
pour l’alimentation humaine
et animale
Millions de tonnes
250
-3
97/98 99/00 01/02 03/04 05/06 07/08
Commerce net
(axe gauche)
Utilisation
(axe droit)
Source: FAO.
La situation des marchés des produits agricoles 2009
18
«stock-utilisation» des céréales mondiales
était de 19,6 pour cent, très inférieur à la
moyenne de 24 pour cent établie sur cinq
ans, voire au point bas précédent de 20 pour
cent en 2006/07.
La situation des stocks de matières grasses et de tourteaux d’oléagineux destinés à
l’alimentation animale a commencé à se
dégrader vers le milieu de 2007 sous l’effet
de l’évolution des marchés des céréales,
notamment le blé et les céréales secondaires, le ratio « stock-utilisation » passant de
13 à 11 pour cent pour les matières grasses
et de 17 à 11 pour cent pour les tourteaux
d’oléagineux destinés à l’alimentation animale à la fin de la saison 2007/08.
Placer l’alimentation humaine
et animale en perspective:
la Chine et l’Inde
L’augmentation de la population mondiale
exige un accroissement de la production de
denrées alimentaires pour couvrir les besoins
de consommation. La hausse des revenus
entraîne par ailleurs un changement des
habitudes alimentaires et souvent une demande accrue d’aliments à plus forte valeur
ajoutée (comme les produits de l’élevage)
au détriment des produits de base (comme
le blé). Ces changements étant progressifs,
il ne serait pas correct de les tenir pour responsables d’une hausse soudaine des prix
comme celle qui s’est produite récemment.
L’idée répandue selon laquelle la demande
croissante de pays comme la Chine et l’Inde, les deux pays les plus peuplés, caractérisés par une croissance rapide des revenus et des populations, explique l’explosion
des prix des denrées alimentaires mérite
d’être réexaminée.
L’importance de la croissance de la demande en Chine et en Inde comme facteur
décisif de l’évolution des prix et des marchés
alimentaires mondiaux a été soulignée dans
une étude récente de l’Institut international
de recherche sur les politiques alimentaires
(IFPRI, 2008), qui considère que la croissance économique rapide observée dans
certaines économies en développement a
dopé le pouvoir d’achat des consommateurs
des classes moyennes et provoqué une
hausse de la demande de produits de l’élevage comme la viande et le lait, et donc de
la demande de céréales pour la consommation animale.
Les économies émergentes, notamment
la Chine et l’Inde, jouent certainement un
rôle important dans la demande et l’offre de
produits agricoles au niveau mondial.
Cependant, ces marchés émergents ne semblent pas être responsables de la forte
hausse des prix observée en 2007 et 2008.
L’utilisation des céréales en Chine et en Inde
a en fait augmenté moins rapidement que
dans le reste du monde.
Les importations de céréales en Chine et
en Inde connaissent une baisse tendancielle depuis 1980 de près de 4 pour cent par
an, passant d’une moyenne annuelle d’environ 14 millions de tonnes au début des
années 80 à environ 6 millions de tonnes
au cours des trois dernières années.
Cela signifie que la croissance de la demande de céréales destinées à l’alimentation
animale dans ces deux pays est principalement due à des sources intérieures, au moins
jusqu’à une période récente. En outre, bien
que la Chine soit un gros importateur d’oléagineux, d’huiles végétales et de produits de
l’élevage, sa balance commerciale agricole
est largement positive depuis le milieu des
années 90, presque chaque année. L’évolution
à long terme de la situation commerciale
de l’Inde montre également que la demande indienne n’est pas l’un des facteurs responsables de la hausse des prix des denrées
alimentaires sur les marchés mondiaux.
L’Inde est un grand exportateur de produits
alimentaires. Entre 1995 et 2007, elle a
exporté quasiment chaque année plus de
blé, de riz et de viande qu’elle n’en a importés. Même les importations indiennes relativement importantes d’huiles végétales
doivent être placées dans le contexte d’exportations tout aussi importantes de tourteaux d’oléagineux. En fait, dans le cas de
la Chine et de l’Inde, il n’existe aucune
Utilisation du maïs et exportations
aux États-Unis d’Amérique
Millions de tonnes
400
300
200
100
0
03/04
04/05
05/06
06/07
07/08
Alimentation animale
Production d’éthanol
Autres utilisations
Exportations
Source: FAO.
preuve d’un accroissement soudain des importations d’oléagineux, de viande et d’huiles indiquant qu’elles ont contribué à l’augmentation de leurs prix, qui a commencé
au milieu de 2007 après la flambée des prix
des grains (et du maïs en particulier) ayant
eu lieu un an auparavant. Si la Chine et
l’Inde n’ont pas été la cause de la brutale
envolée des prix des carburants, il convient
de ne pas sous-estimer leur rôle, ni celui des
changements concernant les modes de
consommation sur l’évolution des marchés
des denrées alimentaires, que ce soit dans
le passé ou dans l’avenir.
Quid des biocarburants?
La demande de certains produits agricoles
utilisés comme biocombustibles pour la
production de carburants peut entraîner une
réduction des ressources productives allouées aux cultures vivrières. La production
de biocarburants peut réduire la disponibilité de produits alimentaires sur le marché
parce que la demande «effective» de grains,
de sucre ou d’huiles, voire d’autres produits
de base, pour produire des carburants pourrait supplanter celle destinée à la production
alimentaire lorsque les prix du pétrole et des
produits de base favorisent la production de
biocarburants. Cette nouvelle source de
demande a joué un rôle important dans la
fluctuation des prix. Parmi tous les produits
principaux destinés à l’alimentation humaine et animale, la demande supplémentaire
de maïs (biocombustible pour la production
de l’éthanol) et de colza (biocombustible
pour la production de biodiesel) a eu l’incidence la plus forte sur les prix. Par exemple,
l’utilisation du maïs dans le monde a augmenté de près de 40 millions de tonnes en
2007, dont près de 30 millions de tonnes
ont été absorbées par les seules usines
d’éthanol. La plus forte progression a été
enregistrée aux États-Unis d’Amérique, qui
est le plus grand producteur et exportateur
de maïs. Dans ce pays, le maïs utilisé pour
produire de l’éthanol a représenté environ
30 pour cent de son utilisation totale au plan
national, ce qui a contribué à la forte augmentation des prix internationaux du maïs
observée depuis le début de 2007. L’intensité
de la réaction des prix a aussi été liée à la
rapidité (principalement de deux à trois ans)
avec laquelle cette nouvelle demande s’est
concrétisée et à sa concentration aux ÉtatsUnis d’Amérique (plus de 90 pour cent),
grand exportateur de maïs. Au plan mondial,
près de 12 pour cent de l’utilisation totale
La situation des marchés des produits agricoles 2009
19
Pourquoi une telle hausse
des prix des denrées alimentaires
sur les marchés mondiaux?
du maïs a servi à fabriquer de l’éthanol en
2007, contre 60 pour cent pour l’alimentation animale. Dans l’UE, le secteur du biodiesel aurait absorbé environ 60 pour cent
de la production d’huile de colza en 2007,
soit près de 25 pour cent de la production
mondiale et 70 pour cent du commerce
mondial de ce produit cette année-là.
La question n’est pas uniquement de savoir dans quelle proportion chaque culture
peut être utilisée pour les biocarburants ou
l’alimentation humaine et animale, elle est
aussi de déterminer quelles surfaces cultivées
pour d’autres plantes vivrières pourraient
être transférées à la production de biocombustibles pour la production de biocarburants. Il est important de se rappeler que les
prix élevés atteints par le maïs à partir de
la moitié de 2006 avaient encouragé les
producteurs nord-américains à planter davantage de maïs en 2007. Les plantations
de maïs ont alors augmenté de près de
18 pour cent. Cet accroissement s’est produit au détriment des surfaces de blé et de
soja. L’extension des plantations de maïs
ainsi que les bonnes conditions climatiques
ont été à l’origine d’une récolte de maïs
record en 2007, qui a permis aux États-Unis
d’Amérique non seulement de répondre à
la demande intérieure, y compris celle de
son secteur de production d’éthanol, en
pleine croissance, mais aussi d’exporter. Ce
succès apparent a cependant masqué un
autre phénomène important: la réduction
des plantations de soja et de blé et donc de
leur production. Ce fut l’une des raisons de
la forte hausse de leurs prix. Cependant, si
la production en Australie n’avait pas souffert d’une autre année de sécheresse, et si
les récoltes de l’Union européenne et de
Part des négociants des secteurs
privé et public sur les marchés
à terme
Pourcentage
100
80
60
40
20
0
05
08
Maïs
05
08
05
Blé
08
Soja
05
08
Sucre
Négociants du secteur privé
Négociants du secteur public
Source: OCDE.
l’Ukraine n’avaient pas été endommagées
par de mauvaises conditions climatiques,
on peut supposer que les prix des céréales
n’auraient pas autant augmenté.
Cette réaction en chaîne était en quelque
sorte une répétition de celle de 2008, mais
cette fois-ci en sens inverse. Les agriculteurs
des États-Unis d’Amérique réduisirent la
surface de leurs plantations de maïs au profit des plantations de soja à cause de son
prix plus élevé. Les prix élevés du soja ont
entraîné un accroissement des surfaces
plantées en soja aux États-Unis d’Amérique
pendant la saison de commercialisation de
2008/09. Cette tendance a été confirmée
par le rapport entre le prix du maïs et celui
du soja sur le marché à terme. D’un point
de vue historique, à chaque fois que le rapport se rapproche de deux, le soja est préféré au maïs, ce qui entraîne un transfert du
maïs vers le soja en ce qui concerne les
surfaces plantées. Lorsque ce rapport a
diminué en 2006/07, les agriculteurs ont
considérablement accru les surfaces de leurs
plantations de maïs. Mais lorsque ce rapport
a été nettement supérieur à deux pendant
la saison 2007/08, les agriculteurs ont accru
les surfaces de leurs plantations de soja.
Cette augmentation des surfaces plantées
en soja a constitué une évolution positive
pour le marché du soja, mais elle a laissé le
marché du maïs dans un équilibre précaire.
Compte tenu de la nouvelle loi sur l’énergie
appliquée aux États-Unis, la demande de
maïs pour la production d’éthanol devrait
s’accroître. Si la production de maïs devait
diminuer en 2009, il est difficile d’imaginer
comment les États-Unis d’Amérique pourraient répondre à toutes les demandes (alimentation humaine et animale, carburants
et exportations) sans puiser dans ses stocks
de maïs pendant la saison 2009/10. Il faudra
étudier de près le marché pour voir si cette
éventualité se produit. Dans ces périodes
d’étroitesse du marché, les prix du maïs
pourraient rester fermes et déteindre sur
d’autres produits de base pour l’alimentation
humaine et animale.
À l’exception de la production d’éthanol
fondée sur la canne à sucre au Brésil, la
production de biocarburants n’est pas à
l’heure actuelle économiquement viable sans
des subventions ou d’autres formes de mesures de soutien. Les coûts de production
par litre de biocarburant sont de loin les moins
élevés pour l’éthanol brésilien produit avec
de la canne à sucre. Il s’agit du seul biocarburant dont le prix soit constamment inférieur
au carburant fossile. Le biodiesel brésilien à
La situation des marchés des produits agricoles 2009
20
base de soja et l’éthanol des États-Unis à
base de maïs sont ceux qui présentent ensuite les coûts de production nets les moins
élevés, mais dans les deux cas, leurs coûts
dépassent le prix de commercialisation des
carburants fossiles. Les coûts de production
du biodiesel européen sont deux fois supérieurs à ceux de l’éthanol brésilien, notamment parce que les coûts de transformation
et des biocombustibles sont plus élevés.
Selon l’Initiative mondiale sur les subventions,
les États-Unis d’Amérique ont versé 5,8 milliards d’USD de subventions aux biocarburants en 2006. L’Union européenne, quant
à elle, a versé 4,7 milliards d’USD. Ces mesures de soutien ont encouragé la ruée vers
les biocarburants liquides et accru en conséquence la demande de certains produits
agricoles utilisés comme biocombustibles.
La cause première de ce soutien – l’intérêt
écologique proclamé des biocarburants par
rapport aux carburants fossiles – est désormais remise en question car il semblerait,
preuves à l’appui, que la réduction des émissions de gaz à effet de serre due à l’utilisation
de certains types de biocarburants soit inférieure à ce qui était escompté à l’origine.
Cependant, bien que les soutiens accordés
aux biocarburants se poursuivent, la demande supplémentaire des produits agricoles concernés continuera de doper leurs prix
ainsi que ceux, par effet de ricochet, fixés
sur d’autres marchés agricoles.
Beaucoup de choses dépendent du prix
du pétrole. Plus il est élevé, plus la production de biocarburants devient rentable et
plus la demande de produits agricoles en
tant que biocombustibles est forte. Lorsque
le prix du pétrole atteint un niveau qui rend
compétitifs les biocarburants, la demande
de biocombustibles pour le marché de l’énergie augmente et cette nouvelle demande
pousse les prix agricoles à la hausse. Marché
agricole et marché énergétique deviennent
donc liés d’une nouvelle façon. Le marché
énergétique étant beaucoup plus grand que
le marché agricole, la demande émanant
du secteur des biocarburants pourrait, en
principe, absorber toutes les productions
supplémentaires de végétaux utilisables
comme biocarburants. Le marché énergétique pourrait ainsi fixer un prix plancher
des produits agricoles. Il pourrait également
fixer un prix plafond de ces produits lorsqu’ils
atteignent des prix si élevés que la production de biocarburants n’est plus compétitive.
Ce serait donc les demandes d’énergie et
non les demandes alimentaires qui fixeraient
les prix des produits agricoles, et ces prix
La spéculation sur les marchés des produits agricoles
En général, les marchés d’échanges de pro-
part croissante des positions ouvertes (nom-
duits de base fournissent des outils de gestion
bre de contrats à terme futurs) est détenue
des risques comme les contrats à terme et
par des investisseurs uniquement intéressés
les options pour que les agriculteurs, les trans-
par les gains procurés par les variations fu-
formateurs, les producteurs ou les négociants
tures des prix sans considération pour les
– les «investisseurs commerciaux» – puissent
facteurs fondamentaux de l’offre et de la de-
se protéger contre le risque de fluctuation des
mande de produits. L’impact de la spéculation
prix dans l’avenir. Ces marchés aident éga-
excessive est donc contre-productif pour les
lement les investisseurs à prévoir l’évolution
marchés à terme parce que le risque de la
des prix en fixant des prix à terme. Une autre
volatilité des prix est une condition fonda-
de leur activité est la spéculation, exercée
mentale que ces marchés s’efforcent de pren-
principalement par des spéculateurs ou des
dre en compte. La spéculation excessive sur
investisseurs – les «investisseurs non-com-
les marchés des produits agricoles peut par
merciaux». Elle consiste à faire des profits en
ailleurs envoyer des signaux inappropriés aux
spéculant sur les variations futures du prix
producteurs agricoles conduisant à une allo-
d’une valeur ou d’un produit.
cation inefficace de ressources.
La spéculation contribue au fonctionnement
Le niveau d’activité spéculative pourrait
efficace des marchés parce qu’elle y injecte
être contrôlé en réglementant les marchés
des liquidités et aide les producteurs agrico-
des produits, notamment en limitant le nom-
les et d’autres participants à couvrir leur ex-
bre de contrats à terme qu’un participant,
position au risque des fluctuations de prix sur
autre qu’un participant disposant d’une auto-
les marchés physiques des produits de base.
risation de vente à découvert, peut détenir,
Elle joue parfois un rôle pervers sur les mar-
ce qui réduirait son influence sur le marché.
chés. Par exemple, des niveaux excessifs de
Cette mesure serait cependant risquée, car
spéculation peuvent être à l’origine de fluc-
une réglementation excessive peut pousser
tuations déraisonnables ou de variations abu-
les spéculateurs à quitter le marché, privant
sives (dans une direction particulière) des prix
celui-ci de liquidités dont il a besoin.
des produits. Cela peut se produire lorsqu’une
seraient liés aux prix de l’énergie. Il s’agirait
à l’évidence d’une rupture radicale par rapport à la manière dont les prix des produits
agricoles étaient fixés dans le passé.
Quel est le rôle
de la spéculation?
Des débats récents sur des prix élevés des
denrées alimentaires ont montré un intérêt
croissant pour le rôle joué par les spéculateurs et les investisseurs institutionnels,
c’est-à-dire des «investisseurs non commerciaux». Ces intervenants d’un nouveau
genre achètent des produits agricoles sur
les marchés à terme pour spéculer parce
que les autres valeurs sont devenues moins
intéressantes. La spéculation aurait donc
contribué, selon certains, à faire grimper les
prix des denrées alimentaires. La baisse des
marchés mondiaux d’actions et d’obligations
a en effet déclenché une irruption massive
de capitaux dans les marchés à terme des
produits agricoles, capitaux injectés par des
institutions traditionnelles comme les fonds
spéculatifs et les fonds de pension, et
d’autres, plus récentes comme les fonds
indiciels et les fonds liés à des matières
premières. Au niveau mondial, le volume
des échanges de contrats à terme et d’options a plus que doublé au cours des cinq
dernières années. Au cours des neuf premiers
mois de 2007, cette activité a augmenté de
30 pour cent par rapport à l’année précédente. À noter que la part des investisseurs
non commerciaux prenant des positions
longues sur les marchés à terme a augmenté, ce qui montre leur intérêt accru pour
l’achat de contrats à terme. Entre 2005 et
2008, ces nouveaux types d’investisseurs
ont doublé leurs investissements sur les
marchés à terme du soja, du blé et du maïs,
bien que leur part n’ait pas sensiblement
varié sur les marchés à terme du sucre. Les
investisseurs institutionnels peuvent investir des capitaux énormes. Cependant, le
volume de ces investissements dans les
produits agricoles n’a pas été aussi important que celui observé pour d’autres produits
comme les métaux.
La situation des marchés des produits agricoles 2009
21
Pourquoi une telle hausse
des prix des denrées alimentaires
sur les marchés mondiaux?
L’accroissement des parts des investisseurs non commerciaux sur les marchés du
maïs, du soja et du blé a coïncidé avec la
hausse des prix de ces produits sur les marchés physiques. Ce niveau élevé de l’activité spéculative sur les marchés des produits
agricoles au cours de ces dernières années
a conduit des analystes à lier les hausses de
prix des denrées alimentaires au regain de
spéculation. Mais la spéculation a-t-elle
dopé les prix ou a-t-elle été attirée par des
prix qui augmentaient déjà de toute façon?
Une étude récente du Fonds monétaire international (FMI) conclut qu’en général ce
sont les prix élevés qui ont encouragé les
fonds d’investissement à investir massivement
dans les marchés à terme des produits agricoles. Cette question de causalité mérite une
étude plus approfondie. L’injection de masses
énormes de capitaux pourrait fournir une
explication complémentaire, au moins en ce
qui concerne la persistance des prix élevés
et l’accroissement apparent de leur volatilité.
Là encore, une autre étude s’impose. Entretemps, le rôle, s’il en est, des investisseurs
financiers dans la fluctuation des prix est un
objet de préoccupation, au point que certains
pays ont même envisagé d’adopter des réglementations complémentaires.
L’explosion des prix
des denrées alimentaires
n’a pas d’explication unique
La brusque envolée des prix des denrées
alimentaires en dollars EU, qui ont culminé
pendant la première partie de 2008, peut
être considérée comme la flambée la plus
importante depuis les années 70. Elle résulte des déséquilibres de l’offre et de la
demande sur les principaux marchés des
produits, notamment les céréales et les oléagineux. C’est essentiellement du côté de la
demande que des explications plausibles de
la hausse des prix peuvent être trouvées.
Les principaux facteurs de l’accroissement
des prix du côté de l’offre sont de courte
durée et liés à des déficits de production et
à des mesures comme les restrictions aux
exportations. Du côté de la demande, les
facteurs ayant contribué à la hausse récente des prix mondiaux des denrées alimentaires sont peu nombreux. Contrairement
à ce que l’on observe avec l’offre, les changements de la demande ne sont ni rapides
ni imprévus. En effet, mis à part le facteur
récent des biocarburants, les éléments déterminants de la demande sur les marchés
des denrées alimentaires sont la croissance
des revenus et de la population. Dans la
plupart des cas, ces deux variables fondamentales montrent une progression constante (et prévue) de la demande et permettent
ainsi à l’offre de s’ajuster. La situation observée pendant la période récente de flambée des prix ne s’écarte pas de cette tendance, car la demande de produits pour
l’alimentation humaine et animale n’a affiché
à aucun moment une hausse soudaine et
imprévue qui aurait justifié le type de hausse des prix auxquels les marchés ont assisté. La spéculation et les flux de capitaux
provenant des fonds d’investissement ont
probablement plus suivi la hausse des prix
qu’ils ne l’ont provoquée. Seule la croissance rapide de la demande de biocombustibles marque une rupture significative avec
les périodes de hausse des prix précédentes.
Cependant, la demande de biocarburants
n’explique pas seule l’ampleur des hausses
de prix en 2007 et du début de 2008. Les
prix records du pétrole ont accru l’intérêt
pour le développement de biocarburants,
mais ils ont aussi joué un rôle majeur en
renchérissant les coûts de transport et de
production. Par ailleurs, les craintes que les
prix puissent atteindre de nouveaux sommets
ont aussi alimenté la hausse des prix ainsi
que la pression accrue sur les stocks. La
brusque augmentation des prix des denrées
alimentaires sur les marchés mondiaux ne
peut pas être expliquée par un seul facteur.
Prises individuellement, aucune des causes
couramment citées ne peut expliquer les
mécanismes et l’ampleur des variations récentes des prix. La crise s’explique par la
combinaison de plusieurs facteurs qui ont
coïncidé. Dissocier leurs impacts respectifs
pose un problème, mais force est de constater que la demande de biocarburants et le
prix élevé du pétrole ont été des facteurs
déterminants.
Des simulations avec les modèles AglinkCosimo de l’OCDE-FAO3, qui représentent
3 Le modèle Aglink-Cosimo est un modèle d’équilibre
partiel, fruit d’un projet commun de la FAO et de
l’OCDE. Ces scénarios sont décrits plus en détail dans
le rapport intitulé Perspectives agricoles de l’OCDE et
de la FAO: 2008-2017 (OECD-FAO, 2008). Ce modèle
donne une représentation complète de la situation des
politiques et de la dynamique économique de
58 régions et pays produisant et commercialisant les
principaux produits des zones tempérées ainsi que le
riz, le sucre et l’huile de palme. L’éthanol et le biodiesel
sont aussi désormais compris. Comme la plupart des
modèles de ce type, le modèle en question réagit aux
élasticités, aux paramètres techniques et aux variables
résultant des politiques adoptées.
La situation des marchés des produits agricoles 2009
22
Sensibilité des estimations des prix mondiaux face aux changements
dans le cadre de cinq hypothèses clés, différence de pourcentage fondée
sur des valeurs de référence, 2017
Production céréalière
en 2007 et 2008
Pourcentage
1 400
Millions de tonnes
0
0,9%
1 200
-10
11,0%
-20
1 000
-30
-40
800
-50
Blé
Maïs
Huile végétale
600
-1,6%
Scénario 1: volume de production des agro-carburants similaire à 2007
Scénario 2: scénario 1 et volume de production de riz similaire à 2007 (72 USD)
400
Scénario 3: scénario 2 et fléchissement de la croissance des revenus dans les cinq principaux pays
en développement* (taux de croissance annuel réduit de moitié)
Pays
développés
Scénario 4: scénario 3 et taux de change par rapport à l’inflation similaire à 2005
Scénario 5: scénario 4 et hausse de 5% des rendements de blé, de graines oléagineuses et de céréales
secondaires par rapport à la période de projection
* Les cinq principaux pays en développement sont l’Afrique du Sud, le Brésil, la Chine, l’Inde et l’Indonésie.
Pays
Pays en
développement,
en
développement à l’exclusion
des BIC*
Estimations 2007
Estimations 2008
* BIC: Brésil, Inde et Chine (continentale).
Sources: FAO et OCDE.
les marchés agricoles mondiaux, permettent
d’obtenir des indications sur les impacts
relatifs des différents facteurs susmentionnés.
Ces modèles sont utilisés pour simuler le
comportement des marchés à moyen terme
en se fondant sur des hypothèses concernant
les valeurs futures de variables influant sur
les marchés et les prix. En faisant varier ces
hypothèses et en comparant les projections
qui en résultent, on obtient des indications
sur le poids de chaque influence. Les cinq
hypothèses suivantes ont été examinées:
i) l’utilisation de céréales et d’oléagineux
pour produire des biocarburants; ii) les prix
du pétrole; iii) la croissance des revenus
dans les principaux pays en développement:
Afrique du Sud, Brésil, Chine, Inde et
Indonésie (EE5); iv) le taux de change du
dollar EU par rapport aux devises de tous
les autres pays; et (v) les rendements des
cultures.
L’incidence sur les prix des céréales secondaires et de l’huile végétale serait la plus
forte si la production de biocarburants devait
rester constamment à son niveau de 2007.
Les variations de la demande de ces produits
en tant que biocombustibles pour la production de biocarburants sont une source
d’incertitude, que la cause en soit l’évolution
du prix du pétrole, un changement des politiques de soutien aux biocarburants ou une
innovation technique conduisant les transformateurs à acheter des biocombustibles
différents. Maintenir la production de biocarburants à son niveau de 2007 se traduit
par un recul de 12 pour cent des prix prévus
en 2017 des céréales secondaires et d’environ 15 pour cent du prix prévu de l’huile
végétale. Le deuxième scénario montre que
les prix prévus du blé, des céréales secondaires et de l’huile végétale sont tous extrêmement sensibles aux hypothèses concernant le prix du pétrole et seraient de 8 à
10 pour cent inférieurs si celui-ci atteignait
son point bas de 2007. Dans un scénario de
croissance réduite du produit intérieur brut
(PIB), les prix des céréales secondaires et
du blé seraient légèrement inférieurs (1 à
2 pour cent) au niveau de référence. Pour
les huiles végétales, la différence de prix
simulée est supérieure à 10 pour cent, ce
qui reflète probablement une élasticité nettement plus importante de la demande par
rapport au revenu et une influence plus importante des cinq pays précités dans les
échanges mondiaux. Un quatrième scénario
prévoyant un dollar plus fort fait monter les
prix libellés en monnaie nationale dans les
pays exportateurs, renforçant les incitations
à accroître l’offre. Dans le même temps, un
dollar plus fort diminue la demande dans
les pays importateurs. La combinaison d’une
offre d’exportations plus importante et d’une
plus faible demande d’importations ajoute
une pression à la baisse sur les prix mondiaux. D’ici à 2017, le prix du blé, des céréales secondaires et de l’huile végétale
seront inférieurs d’environ 5 pour cent par
rapport à ceux prévus dans l’hypothèse de
base. Le scénario selon lequel les rendements
de céréales et d’oléagineux seraient supérieurs de 5 pour cent conduit à des projec-
Source: FAO.
Production céréalière dans
les pays en développement
et dans les pays développés
Millions de tonnes
1 300
Pays en
développement
1 100
900
Pays
développés
700
500
300
65
70
* Estimations.
75
80
85
90
95
00
05 08*
Source: FAO.
tions de prix pour le blé et le maïs à l’horizon
2017 qui sont inférieurs, respectivement de
6 et de 8 pour cent, à la valeur de base
correspondante dans l’hypothèse de base,
mais ce scénario n’a que peu d’incidence
sur les prix projetés de l’huile végétale.
Pourquoi les prix ont-ils baissé?
La chute brutale des prix des denrées alimentaires sur les marchés internationaux
depuis juillet 2008 a compensé la hausse
antérieure toute aussi brutale et ramené les
prix à leurs niveaux de 2007. Les causes
profondes de ce renversement de tendance
sont dues à une combinaison de facteurs
liés à l’offre et à la demande. Les prix élevés
La situation des marchés des produits agricoles 2009
23
Pourquoi une telle hausse
des prix des denrées alimentaires
sur les marchés mondiaux?
Crise financière, récession et prix des produits agricoles
L’économie mondiale ne devrait croître que
dont beaucoup d’entre eux dépendent ne
de 2 pour cent en 2009 contre 3,8 pour cent
connaît pas une baisse aussi sensible, voire
en 2008. Les preuves d’une récession mon-
plus forte. L’incertitude prédominante et le
diale se sont accumulées, la croissance pré-
sentiment négatif des marchés devraient ra-
vue dans les principales économies étant
lentir la demande globale. L’idée selon la-
réduites à zéro, voire négatives. La crise fi-
quelle la demande et les prix des produits
nancière et surtout la récession mondiale ont
peuvent être appuyés par les taux de crois-
évidemment contribué à la chute spectacu-
sance élevés de la Chine, de l’Inde et d’autres
laire des prix des produits agricoles. Il est
économies connaissant une croissance ra-
cependant difficile d’établir une distinction
pide dans le monde en développement sem-
entre les impacts de la crise et de la récession
ble désormais d’autant plus illusoire que leurs
et les ajustements attendus des marchés à
projections de croissance ont été revues à la
l’apparente réaction excessive des prix en
baisse. La disponibilité du crédit et des liqui-
2007 et au premier semestre de 2008. Les
dités pèse sur le commerce agricole, contri-
marchés et les prix agricoles seront touchés
buant à la pression à la baisse sur les prix
du côté de la demande et du côté de l’offre,
internationaux des produits pouvant servir de
non seulement par la réduction des taux de
biocombustibles pour la production de bio-
croissance économique et de la demande,
carburants. Cependant, l’effet net dépendra
mais aussi par les variations des taux de
des fluctuations de leurs prix par rapport au
change, des évolutions de la disponibilité et
pétrole et de l’ampleur des mesures de sou-
du coût du crédit, ainsi que de la disponibi-
tien aux biocarburants.
lité d’autres sources de financement externe,
La baisse des prix est en général une
y compris l’aide. Cependant, la réduction de
bonne nouvelle pour les consommateurs, mais
la croissance économique mondiale sera le
elle n’incite pas les producteurs à investir
facteur principal qui pèsera sur les marchés
pour assurer une sécurité alimentaire plus
des produits agricoles et les perspectives
importante à moyen et long termes. L’intérêt
agricoles des pays en développement dans
des producteurs diminuant, on peut s’atten-
un avenir proche.
dre à une compression de la production qui
L’impact sur la demande de produits sera
réduira les possibilités de reconstitution des
négatif. L’expérience des récessions précé-
stocks de céréales. La question de savoir si
dentes montre que la demande, et les prix,
la baisse des prix est une bonne nouvelle pour
des matières premières comme le caoutchouc
les consommateurs dépend du comportement
et les fibres naturelles seront les plus durement
des salaires, qui baisseront avec le niveau
touchés, suivis par les produits de l’élevage
d’emploi dans le cas d’une récession mon-
pour lesquels les élasticités de revenus sont
diale. De nombreux pays en développement
relativement plus élevées. L’impact des pro-
sont aussi très dépendants des envois de
duits de base comme les céréales pourrait
fonds des travailleurs migrants. Toute réces-
être moindre, car les niveaux de consomma-
sion dans les pays développés pourrait donc
tion sont assurés et la demande est maintenue.
avoir une répercussion indirecte sur la de-
Les pays en développement dépendant des
mande intérieure dans les pays en dévelop-
exportations de matières premières et de pro-
pement, notamment si l’emploi et les revenus
duits tropicaux seront confrontés à des pro-
des travailleurs migrants diminuent. Ces en-
blèmes de balance des paiements si le coût
vois de fonds contribuent aussi à l’investis-
des importations des denrées alimentaires
sement, notamment dans l’agriculture.
ont favorisé le développement de la production mondiale de céréales. Cependant,
cette réponse par l’offre s’est concentrée
principalement dans les pays développés
et, parmi les pays en développement, au
Brésil, en Chine et en Inde. À l’exception de
ces trois pays, la production de céréales a
en fait diminué entre 2007 et 2008 dans les
pays en développement. Il est donc clair
que les producteurs pauvres des pays en
développement n’ont pas saisi l’opportunité représentée par les prix élevés. Leur
réponse par l’offre a été limitée en 2007 et
proche de zéro en 2008. La chute des prix
des denrées alimentaires n’est quasiment
pas due à l’accroissement des disponibilités
mondiales. Elle s’explique davantage par le
ralentissement de la demande sous l’effet
La situation des marchés des produits agricoles 2009
24
Projections de prix de certains produits agricoles à moyen terme
Blé
Maïs
Riz
USD/tonne
400
USD/tonne
200
USD/tonne
400
300
150
300
200
100
200
100
50
100
0
0
1997
Prix nominal
2007
2017
0
1997
2007
2017
2007
2017
Source: OCDE-FAO, 2008.
Prix réel
de la crise financière et de la récession mondiale naissante, qui ont réduit l’activité économique, et par la chute du prix du pétrole.
La baisse de la demande a eu le plus d’impact, au moins au début, sur les marchés
et les prix des matières premières agricoles
comme le caoutchouc, mais elle a aussi eu
une incidence sur les prix des denrées alimentaires.
Bien que la chute des prix des denrées
alimentaires soit une bonne nouvelle pour
les consommateurs, il ne faudrait pas en
déduire que les problèmes du système alimentaire mondial sont résolus. Pour la plupart, les facteurs qui sont à l’origine de la
flambée des prix et de la menace pesant sur
la sécurité alimentaire n’ont pas disparu.
L’accroissement de la production alimentaire
au plan national n’est pas significatif et la
baisse des prix n’encouragera pas le développement de la production par ailleurs. Les
stocks mondiaux de céréales sont encore
bas et les ratios stock-utilisation des céréales en 2008/09 sont inférieurs à leur moyenne sur cinq ans. Bien que le prix du pétrole
ait chuté de manière impressionnante, la
demande de biocarburants reste soutenue
car les prix des biocombustibles ont baissé
et les nouvelles capacités de production
d’éthanol ont démarré. L’impact de la chute du prix du pétrole sur les prix agricoles
n’est pas simple à évaluer. En effet, un pétrole moins coûteux réduit les dépenses liées
à l’énergie et aux engrais, mais il renforce
par ailleurs la tendance à la baisse des prix
de produits utilisables comme biocombustibles à mesure que les biocarburants deviennent moins compétitifs. L’effet net dépendra des variations relatives des prix
1997
entre le pétrole et les biocombustibles, notamment le maïs.
Quelles perspectives
à moyen terme?
La chute des prix des denrées alimentaires
sur les marchés internationaux a été spectaculaire mais les prix restent nettement
au-dessus de leur moyenne des cinq dernières années. La grande question est de
savoir si ces prix continueront de baisser ou
s’ils se maintiendront à des niveaux élevés.
Les prix ont autant chuté pendant la deuxième moitié de 2008 qu’ils avaient grimpé
pendant la première moitié. Dans les deux
cas de figure, la forte volatilité a sans doute
provoqué une réaction excessive. Il est donc
difficile de savoir s’il s’agit d’un ajustement
ou d’une nouvelle tendance. Cependant,
certains facteurs considérés comme responsables des prix élevés indiquent qu’ils pourraient persister, contrairement aux modèles
de comportement antérieurs, dans lesquels
les flambées des prix étaient de courte durée
et suivies de phases de dépression prolongées. Plus généralement, comme noté précédemment, à l’exception du prix du pétrole, les facteurs qui ont contribué aux prix
élevés des denrées alimentaires n’ont pas
changé. Les disponibilités n’ont pas augmenté de manière importante et le niveau
des stocks reste bas.
Le rapport Perspectives agricoles de
l’OCDE et de la FAO: 2008-2017 (OCDE-FAO,
2008) indique que les prix réels et nominaux
des produits agricoles baisseront par rapport
aux niveaux records atteints au début de
2008 mais qu’ils resteront plus élevés pen-
dant les 10 prochaines années que pendant
la décennie précédente. Cette baisse a
déjà commencé, mais plus rapidement que
prévu du fait de la crise financière et de la
récession économique mondiale. La durée
de cette baisse dépendra de la rapidité du
redressement économique. Cependant, ce
rapport estime que parmi les principaux
facteurs déterminants de la récente flambée
– la sécheresse dans des régions céréalières
importantes, la demande croissante de biocombustibles pour la production de biocarburants, le prix élevé du pétrole, la dépréciation du dollar EU et un changement de
structure de la demande de produits, dans
un contexte où le niveau des stocks est bas
–, certains présentent des éléments qui devraient maintenir les prix à un niveau élevé
au cours des 10 prochaines années. Le rapport fait notamment référence à la demande de biocarburants et au prix du pétrole.
Même si, à l’échelle mondiale et en termes
absolus, l’alimentation humaine et animale
demeure la source principale de croissance
de la demande de produits agricoles, la
demande de biocombustibles destinés aux
secteurs des biocarburants affiche désormais
une croissance plus rapide. La demande de
biocarburants, en forte croissance, est considérée comme un facteur déterminant dans
la hausse durable des prix des produits agricoles. Les biocarburants ont établi un nouveau lien entre les prix des produits agricoles et le prix du pétrole, qui a aussi la possibilité d’inverser la baisse tendancielle des
prix réels des produits agricoles, au moins
à moyen terme.
La situation des marchés des produits agricoles 2009
25
Pourquoi une telle hausse
des prix des denrées alimentaires
sur les marchés mondiaux?
L’impact des prix élevés
des denrées alimentaires
L’impact de la hausse des
prix sur les consommateurs4
L’
impact des prix élevés des denrées
alimentaires est évidemment beaucoup plus grave pour les pauvres
des pays en développement, pour lesquels
la nourriture représente au moins 50 pour
cent et jusqu’à 70-80 pour cent de leur budget. Des prix plus élevés influent non seulement sur leur consommation alimentaire
du point de vue de la quantité et de la qualité, mais aussi sur leurs dépenses en général. L’indicateur le plus visible de cet impact
négatif a été les troubles sociaux et les émeutes que l’explosion des prix a provoqués
dans le monde entier, et principalement dans
les zones urbaines. Il s’agit de zones où la
dépendance à l’égard des denrées alimentaires importées et l’exposition aux prix
internationaux de ces denrées sont probablement les plus fortes, et où les consommateurs ressentent le plus l’impact d’une
explosion des prix. Mais les pauvres des
zones rurales sont aussi touchés, même si
leurs liens avec les marchés des denrées
alimentaires peuvent être moins étroits.
L’impact des prix plus élevés des denrées
alimentaires dépend essentiellement de leur
situation sur les marchés des produits. S’ils
sont vendeurs nets de denrées alimentaires,
l’impact pourrait être en principe positif.
S’ils sont acheteurs nets de denrées alimentaires, l’impact est incontestablement négatif. Il est prouvé que la plupart des ménages
du monde en développement, et notamment
les ménages pauvres, sont des acheteurs
nets de denrées alimentaires, et ce constat
vaut également pour les ménages ruraux
qui sont pour la plupart engagés dans l’agriculture. Qu’ils soient urbains ou ruraux, ce
sont les plus pauvres parmi les pauvres qui
souffrent le plus, parce qu’ils dépensent la
plus grande partie de leurs revenus dans
l’alimentation et qu’ils n’ont pas accès à des
actifs comme la terre. Les ménages dirigés
par des femmes sont surreprésentés dans
4 Voir L’état de l’insécurité alimentaire dans le monde
2008 (FAO, 2008a), qui étudie ces impacts en détail.
les deux cas de figure. L’impact négatif des
prix élevés des denrées alimentaires a donc
aussi une dimension sexospécifique qui doit
être prise en compte dans les politiques
mises en œuvre.
Confrontés à une explosion des prix des
denrées alimentaires, les ménages pauvres
doivent ajuster leurs modes de consommation. Ils auraient d’ailleurs réduit leur consommation alimentaire ou essayé de la maintenir en achetant moins de denrées coûteuses
et d’autres articles non alimentaires. Parmi
les groupes de population les plus pauvres,
la consommation de céréales par habitant
peut même croître malgré l’augmentation
des prix, car les consommateurs changent
de régime alimentaire et consomment davantage de céréales au détriment d’aliments
plus coûteux et de meilleure qualité comme
la viande, les produits laitiers et les légumes.
Malgré la flambée des prix sur les marchés
mondiaux des produits (en particulier des
produits de base commercialisables comme
le blé, le riz et le maïs), les données les plus
récentes sur l’utilisation alimentaire de ces
produits essentiels montrent la résilience de
la consommation par habitant. Cette tendance est la même pour la plupart des pays
à faible revenu, y compris ceux présentant
des niveaux élevés de sous-alimentation.
Dans certains cas également, les consommateurs privilégient de nouveau des aliments
plus traditionnels car le coût des céréales
qu’ils préfèrent, mais qui sont importées, a
augmenté.
La hausse des prix des denrées
alimentaires alimente l’inflation
L’augmentation des prix des denrées alimentaires contribue au taux d’inflation
global dans la plupart des pays, y compris
développés. Les variations de ces prix sont
un élément important du taux d’inflation
global tel qu’il est mesuré par l’indice des
prix à la consommation (IPC). Il s’agit d’une
moyenne pondérée des variations des prix
d’un panier fixe de biens, notamment les
denrées alimentaires, et dont les pondérations reflètent l’importance de chaque bien
La situation des marchés des produits agricoles 2009
26
dans le budget global d’un ménage. Plus
la part de l’alimentation est importante
dans le budget d’un ménage, plus la hausse des prix des denrées alimentaires alimente l’inflation générale. Dans la plupart
des pays développés, la part des dépenses
alimentaires est de 10 à 20 pour cent. Dans
les pays en développement, elle est beaucoup plus élevée, absorbant plus de la
moitié du revenu familial dans des pays
comme le Bangladesh, Haïti, le Kenya et
le Malawi.
L’explosion des prix renchérit énormément le coût de la vie, mais elle a aussi
d’autres effets, indirects, sur l’inflation, notamment si elle entraîne des augmentations
salariales. Les revendications salariales ont
été au cœur de plusieurs mouvements de
protestation. Une banque centrale qui vise
à maîtriser l’inflation pourrait être contrainte d’augmenter les taux d’intérêt pour diminuer la pression inflationniste lorsque l’impact sur les prix des produits non alimentaires
est important. Cette tendance est croissante dans les pays en développement, mais
des taux d’intérêt plus élevés ralentissent
les investissements, qui sont cruciaux dans
des secteurs permettant d’éliminer la pauvreté dans les pays vulnérables, notamment
le secteur agricole.
Quelques indices annuels des prix à la consommation
en date de septembre 2008
Sénégal
Togo
Équateur
Mauritanie
Philippines
Niger
Rép.-Unie de Tanzanie
Rép. dém. du Congo
Bangladesh
Honduras
Lesotho
Zambie
Yémen
Mozambique
Angola
Ghana
Sierra Leone
Haïti
Égypte
Pakistan
Soudan
Nicaragua
Azerbaïdjan
Sri Lanka
Hausse des prix des denrées
alimentaires égal hausse
des factures d’importation
de ces denrées
Éthiopie
Kenya
Mongolie
0
10
20
30
Pourcentage
Malgré les baisses récentes des prix des
denrées alimentaires sur les marchés inter-
Source: FAO.
Factures des importations alimentaires
en 2007 et 2008
Millions d’USD
300
Factures des importations alimentaires des pays
développés et des pays en développement
2007
2008
Indice (1998-2000 = 100)
350
300
250
200
200
150
100
100
50
98
99
Monde
NFIDC
0
Sucre
Produits
laitiers
Viande
Matières
grassses
Céréales
Source: FAO.
00
01
PFRDV
PMA
02
03
04
05
06
07
08
Pays en développement
Pays développés
Note: NFIDC, pays en développement importateurs nets de produits alimentaires;
PFRDV, pays à faible revenu et à déficit vivrier; PMA, pays les moins avancés.
Source: FAO.
La situation des marchés des produits agricoles 2009
27
Pourquoi une telle hausse
des prix des denrées alimentaires
sur les marchés mondiaux?
Prévisions des variations des factures d’importations alimentaires
mondiales par type, 2008 par rapport à 2007
Riz
Huiles végétales
Sucre
Céréales secondaires
Viande
Blé
Produits laitiers
0
20
40
60
Pourcentage
80
100
Source: FAO.
Prévisions des variations des factures d’importations alimentaires
de certains PFRDV, 2008 par rapport à 2007
Rép.-Unie de Tanzanie
Lesotho
Érythrée
Nicaragua
Swaziland
Togo
Rép. dém. du Congo
Honduras
Angola
Bangladesh
Yémen
Guinée
Mauritanie
Somalie
Haïti
Zambie
Cameroun
Gambie
Mozambique
Côte d’Ivoire
Sénégal
Bénin
Pakistan
Libéria
Kenya
Zimbabwe
Guinée-Bissau
Niger
0
20
40
60
80
Pourcentage
Source: FAO.
La situation des marchés des produits agricoles 2009
28
nationaux, le coût mondial des produits de
base importés en 2008 devrait dépasser
1 billion d’USD, soit près de 25 pour cent
de plus qu’en 2007. Cette augmentation est
due notamment à la hausse des prix du riz,
du blé, des céréales secondaires et des huiles végétales, ainsi que celle des coûts du
transport, qui a presque doublé pour de
nombreux itinéraires. La plupart des pays
les plus pauvres sont des importateurs de
denrées alimentaires et donc très dépendants
des importations de céréales. Une hausse
des prix des denrées alimentaires sur les
marchés mondiaux est synonyme d’une
hausse des factures d’importations de ces
denrées et de problèmes pour les balances
des paiements. Le coût total des importations
de denrées alimentaires dans les pays en
développement en 2007 était déjà en hausse de 33 pour cent par rapport à 2006, et
les factures annuelles d’importations de
denrées alimentaires des pays à faible revenu et à déficit vivrier ont désormais doublé par rapport à leur niveau de 2000.
Au niveau national, l’impact des prix élevés des produits dépend notamment de la
question de savoir si un pays est importateur
ou exportateur, de ce qu’il importe ou exporte, de ses politiques commerciales et de
sa politique des changes. Les PFRDV qui
dépendent d’importations de plus en plus
coûteuses de céréales (qui représentent dans
certains cas jusqu’à 80 pour cent de la disponibilité énergétique alimentaire) et d’exportations de produits tropicaux ou de matières premières agricoles, dont les prix ont
moins augmenté, sont les plus vulnérables,
d’autant que leurs devises sont souvent liées
au dollar EU ou se déprécient par rapport à
lui. La situation des pays qui sont par ailleurs
concernés par l’insécurité alimentaire (c’està-dire dans lesquels plus de 30 pour cent
de la population est sous-alimentée) tout
étant en importateurs nets de carburants est
à l’évidence extrêmement précaire. On
compte plus de 20 pays en développement
ayant ces caractéristiques, dont au moins
16 en Afrique.
Ce sont apparemment les pays les plus
vulnérables qui ont supporté le fardeau le
plus écrasant de la hausse des coûts des
denrées alimentaires importées. En effet,
les dépenses totales des PFRDV en 2008
ont été supérieures de 35 pour cent à celles
de 2007, ce qui représente la hausse annuelle la plus forte jamais enregistrée. Par
rapport à d’autres pays en développement,
ces pays présentent un déficit du compte
courant beaucoup plus marqué (en pourcentage du PIB). Ils ont dépensé par ailleurs
une part beaucoup plus importante de la
valeur de leurs exportations de marchandises pour acquérir des denrées alimentaires,
et leur revenu par habitant est inférieur5. La
plupart des PFRDV ont enregistré un recul
de leurs devises par rapport au dollar EU,
ce qui a renchéri le coût de leurs importations
de denrées alimentaires. Ces pays se retrouvent donc soumis à des pressions économiques multiples.
5 En moyenne, les pays à faible revenu et à déficit
vivrier ont présenté un PIB annuel par habitant
nettement inférieur (2 213 USD) à celui d’autres pays
en développement (7 453 USD) pendant la période
2000-04.
Vulnérabilité des PFRDV en fonction des facteurs de risque
Solde actuel de la balance
commerciale/PIB*
Facture des importations
commerciales de denrées
alimentaires/PIB**
Facture des importations
commerciales de denrées
alimentaires/exportations
des marchandises
Dépendance à l’égard des
importations (en fonction
des besoins caloriques)*
-10
Autres pays en développement
0
10
20
Pourcentage
30
40
50
PFRDV
Note: Signification des écarts entre groupes: * = chiffre significatif à un niveau de 5%;
** = chiffre non significatif d’un point de vue statistique; *** = chiffre significatif à un niveau de 10%.
Source: FAO.
De surcroît, la crise financière pourrait
avoir de graves conséquences pour la sécurité alimentaire de nombreux pays en
développement. Le resserrement du crédit
peut empêcher les pays pauvres d’emprunter et limiter leurs capacités d’importer des
denrées alimentaires. Les PFRDV peuvent
en particulier éprouver des difficultés à financer leurs besoins d’importation de céréales par la dette, et se trouver confrontés
à une pression fiscale accrue.
Si les consommateurs
sont gagnants, les producteurs
sont-ils perdants?
Il est clair que l’impact des prix élevés des
denrées alimentaires sur les consommateurs
est incontestablement négatif. En revanche,
des prix élevés devraient constituer une
bonne nouvelle pour les producteurs du
monde entier et un stimulant pour ceux qui
produisent les produits concernés. En principe, une telle hausse des prix augmente
les capacités d’investissement des producteurs, dope la croissance de l’agriculture et
réduit la pauvreté. En ce sens, des prix
élevés pourraient être considérés comme
une opportunité, en particulier pour certains,
qui engrangent des bénéfices exceptionnels.
L’accès à des moyens et des biens de production comme la terre est un facteur critique permettant de savoir à qui profite la
hausse des prix des denrées alimentaires.
Ce sont les grands propriétaires terriens qui
en bénéficieront le plus. Les ménages très
spécialisés dans l’agriculture seront aussi
vraisemblablement gagnants, bien qu’ils ne
représentent qu’une petite fraction de la
population. Cela étant, les producteurs répondront-ils en accroissant leur offre?
Apparemment, la hausse des prix ne semble pas avoir été une opportunité pour la
plupart des agriculteurs des pays en développement, et la réponse par l’offre ne s’est
pas concrétisée. Comme susmentionné,
malgré la hausse spectaculaire des prix, la
production céréalière des pays en développement a été inférieure à un pour cent en
2008, et elle a même reculé dans la plupart
d’entre eux. La réponse par l’offre, tant attendue, ne s’est tout simplement pas concrétisée. Pour comprendre les raisons de cette
inertie et ce qui doit être fait pour stimuler
la réponse par l’offre, il convient de s’appuyer sur des politiques et des stratégies
fondamentales. Elles sont abordées en détail dans la Deuxième partie du présent
rapport.
La situation des marchés des produits agricoles 2009
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