Où en est la génétique de l`infertilité masculine
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Où en est la génétique de l`infertilité masculine
Mini-revue mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie 2015 ; 17 (4) : 281-9 Où en est la génétique de l’infertilité masculine ? What’s new about the genetics of male infertility? Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. Jean-Pierre Siffroi Département de génétique médicale, hôpital d’Enfants Armand Trousseau 26 avenue du Dr Arnold Netter, 75012, Paris <[email protected]> Résumé. L’injection intracytoplasmique de spermatozoïdes (ICSI) a profondément modifié le pronostic de l’infertilité masculine, en permettant à des individus auparavant considérés comme stériles de concevoir, créant ainsi le paradoxe d’une éventuelle transmission à sa descendance de facteurs génétiques d’infertilité. Les hommes atteints de syndrome de Klinefelter, autrefois synonyme de stérilité absolue et de recours obligatoire au don de spermatozoïdes, bénéficient maintenant de la possibilité d’utiliser en ICSI des gamètes prélevés par biopsie testiculaire. Le pourcentage important de biopsies positives suggère que nombre d’entre eux sont en réalité en mosaïque avec une lignée cellulaire normale qui explique pourquoi les spermatozoïdes extraits ont le plus souvent un caryotype équilibré sur le plan chromosomique. Chez les hommes porteurs d’une anomalie chromosomique de structure comme une translocation, il est maintenant possible de repérer les spermatozoïdes dont le caryotype a toutes les chances d’être équilibré. Ces techniques, compatibles avec une utilisation des gamètes en fécondation in vitro, permettent d’améliorer considérablement le rendement des techniques d’ICSI avec ou sans diagnostic préimplantatoire chez les couples concernés. Bénéficiant des nouvelles techniques d’analyse du génome comme la puce d’hybridation génomique comparative (CGH-array), ou le séquençage de nouvelle génération, la recherche des causes géniques d’infertilité masculine progresse également, malgré le grand nombre de gènes impliqués. Mots clés : syndrome de Klinefelter, translocations chromosomiques, spermatogenèse Abstract. By allowing oligozoospermic and even azoospermic men to conceive, ICSI has completely changed the prognosis of male infertility, leading eventually to the paradoxical hereditary transmission of genetic infertility factors. Patients with Klinefelter’s syndrome, who were previously considered as sterile and eligible only for gamete donation, can now father by using sperm retrieved after testicular biopsy and ICSI. The high percentage of successful biopsies in these patients suggests a 47,XXY/46,XY mosaicism in many of them, thus explaining why most of their spermatozoa have a chromosomally balanced content. In men carrying a structural chromosome rearrangement like a translocation, it is now feasible to determine which sort of sperm cells have the highest probability to contain a balanced karyotype. Such a selection process is compatible with further assisted reproductive techniques and their use will certainly lead to a significant increase in successful ICSI attempts, with or without PGD, in affected couples. Despite the large number of genes involved in spermatogenesis, determination of the genic causes of male infertility is in progress thanks to the new techniques of genome analysis like array-CGH or NGS. Key words: Klinefelter’s syndrome, chromosomal translocations, spermatogenesis A doi:10.1684/mte.2015.0573 médecine thérapeutique Médecine de la Reproduction Gynécologie Endocrinologie Tirés à part : J.-P. Siffroi vec le progrès considérable que l’injection intracytoplasmique de spermatozoïdes (ICSI) a permis dans le domaine de la prise en charge de l’infertilité masculine, il est rapidement apparu que certains patients infertiles pour une raison génétique, connue ou fortement supposée, pouvaient concevoir. Se posait dès lors la question de la transmission d’une anomalie génétique responsable de l’infertilité chez un homme à sa descendance. Le fait de rendre héréditaires des facteurs d’infertilité apparaît comme une « hérésie » pour un généticien, puisque, dans sa logique, ces facteurs devraient normalement disparaître de la population en raison justement de leur impossibilité à être transmis à la descendance. Permettre artificiellement la transmission de ces facteurs pose à la fois le problème de leur diffusion dans la population, accroissant ainsi leur fréquence et ce qu’on appelle le fardeau génétique, et celui du risque potentiellement encourus par les enfants qui naîtront grâce aux techniques utilisées. Pour citer cet article : Siffroi JP. Où en est la génétique de l’infertilité masculine ? mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie 2015 ; 17 (4) : 281-9 doi:10.1684/mte.2015.0573 281 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. Mini-revue Quoi qu’il en soit, la découverte d’une anomalie génétique, qu’elle soit chromosomique ou génique, présente un double intérêt pour un patient infertile. D’une part, elle apporte un élément diagnostique qui permet d’éviter tout retard dans la prise en charge du couple, notamment en ce qui concerne l’accès au diagnostic préimplantatoire. D’autre part, elle représente un facteur pronostique important, puisque, grâce à cette découverte, le risque de voir naître un enfant malade pourra être mesuré. Indirectement, elle peut aussi avoir un intérêt pour les apparentés car, depuis 2014, une circulaire impose un devoir d’information de la parentèle en cas d’anomalie génétique susceptible de faire courir un risque à la descendance [1]. La formation du gamète mâle chez les mammifères peut être considérée à juste titre comme un modèle de multiplication et de différenciation cellulaires : partant d’une cellule souche sans caractéristique cytologique notable, la spermatogonie, la spermatogenèse aboutit, au bout de soixante-quatorze jours chez l’homme, à une cellule hautement différenciée, mobile, et dont le stock de chromosome a été divisé par deux : le spermatozoïde. La complexité de la spermatogenèse humaine suppose l’implication d’un grand nombre de gènes. En comparant les tailles respectives des génomes chez l’homme et chez la drosophile, et en observant les mutations qui conduisent à une infertilité chez les mâles de cette espèce, il est possible d’estimer à plusieurs milliers le nombre des gènes dont le dysfonctionnement peut entraîner une atteinte de la spermatogenèse chez l’homme [2]. S’agissant d’un phénomène séquentiel, toute anomalie d’un de ces gènes peut potentiellement conduire à un phénotype d’infertilité par diminution importante ou arrêt de la production des spermatozoïdes. Il y a donc une discordance entre le caractère peu spécifique de l’anomalie phénotypique, comme une simple oligozoospermie, même sévère, et la multiplicité des causes génétiques possibles. Cette discordance fait toute la difficulté du diagnostic génétique dans l’infertilité masculine et nécessite un phénotypage aussi précis que possible des patients, phénotypage dont l’élément le plus important sera certainement l’analyse de leur spermatogenèse sur coupes histologiques en cas de biopsie testiculaire. L’objectif du présent article n’est certainement pas de dresser une liste actualisée des gènes impliqués dans l’infertilité chez l’homme, liste qui serait de toute façon incomplète, mais plutôt de dégager un certain nombre de situations « à risque » pour la descendance en détaillant des données récentes les concernant. Les hommes Klinefelter ne sont plus forcément stériles Le syndrome de Klinefelter fut décrit cliniquement en 1942 [3], mais ne fut attribué à la présence d’un chro- 282 mosome X surnuméraire qu’en 1959 [4]. Ce syndrome, et ses variants liés à l’existence de mosaïques diverses, représente la cause génétique d’infertilité la plus fréquente puisqu’il touche jusqu’à 10 % des patients présentant une azoospermie alors que sa fréquence dans la population à la naissance est d’environ 1/600 [5]. Jusqu’à une période très récente, les hommes XXY étaient considérés comme stériles et les couples étaient systématiquement adressés à un centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains (Cecos) pour un don de gamètes. Cependant, dès la fin des années quatre-vingt-dix, commencèrent à être publiées des séries de patients Klinefelter à caryotype XXY homogène dans le sang à qui étaient proposées des biopsies testiculaires (Tese : testicular sperm extraction) – lesquelles, très curieusement, se révélaient positives dans environ la moitié des cas [6-8]. Des enfants naissaient régulièrement lorsque les spermatozoïdes de ces hommes étaient utilisés en ICSI. De façon encore plus inattendue, le taux de succès de ces biopsies semblait dépendre beaucoup plus de l’âge des patients Klinefelter à qui elles étaient proposées que des résultats de leurs bilans cliniques ou biologiques ou encore de l’existence éventuelle d’un caryotype en mosaïque dans leur sang [9-11]. Ces résultats surprenants furent même améliorés grâce à la technique dite de micro-Tese, qui consiste à microdisséquer sous loupe les tubes séminifères de façon à repérer ceux dont certaines portions ont un diamètre plus large et qui sont censés contenir des foyers de spermatogenèse [12]. Les taux de biopsies positives chez les hommes Klinefelter atteignirent alors 60 %, voire plus [13-15], sans, là encore, que des données cliniques ou biologiques en dehors de l’âge permettent de discriminer les patients chez qui la micro-Tese sera positive et ceux chez qui elle ne ramènera aucun spermatozoïde [16, 17]. La prise en charge thérapeutique des hommes Klinefelter a bien sûr posé la question de l’éventuelle transmission du chromosome X surnuméraire et de la naissance de garçons eux-mêmes XXY ou de filles XXX. En réalité, il est maintenant acquis qu’il est très difficile, voire impossible pour les cellules XXY de passer la méiose, et que les spermatozoïdes des sujets Klinefelter sont très certainement produits à partir de spermatogonies à caryotype normal, XY. Ces derniers seraient donc des mosaïques, au moins au niveau testiculaire. Cette idée avait été déjà suggérée par l’observation des modèles murins XXY, dans lesquels les souris XXY homogènes ont une absence totale de cellules germinales dans leurs testicules [18, 19]. De nombreuses études en hybridation in situ fluorescente (FISH) chez l’Homme sont ensuite venues confirmer cette hypothèse [20] : par rapport au taux théorique de 50 % de spermatozoïdes normaux (X ou Y) et de 50 % de spermatozoïdes disomiques pour l’un ou l’autre des gonosomes (XY ou XX), les fréquences relatives observées sont très largement en faveur des gamètes normaux (tableau 1). De la même façon, les études en mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie, vol. 17, n◦ 4, octobre-novembre-décembre 2015 Tableau 1. Études en FISH sur le contenu chromosomique des spermatozoïdes des hommes Klinefelter (nombre de spermatozoïdes > 1 000). Dans la plupart des séries, le pourcentage de gamètes hyperhaploïdes est très faible, traduisant le fait qu’ils sont formés à partir de spermatogonies XY (d’après Maiburg 2012 [20]). Nombre de patients Nombre de spermatozoïdes Guttenbach 1997 1 Foresta 1998 2 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. Etude Spermatozoïdes normaux (%) Spermatozoïdes hyperhaploïdes (%) X Y XY XX YY 2 206 43,4 48,8 1,4 1,2 0,1 10 000 51,9 24,6 14,6 6,9 0,2 10 000 56 28,6 10 3,3 0,1 Morel 2003 1 5 097 49,9 45 1 0,6 0,4 Rives 2000 1 10 123 49,6 48,3 0,5 0,5 0,4 Yamamoto 2002 12 2 400 (Total) 52 41,6 2,8 1 0,4 FISH sur des cellules préméiotiques issues de la dilacération de biopsies testiculaires chez des sujets XXY ont montré que très souvent ces cellules avaient un caryotype XY [21, 22]. La spermatogenèse des hommes Klinefelter, quand elle existe, est donc initiée à partir de foyers de cellules XY en rapport avec les mosaïques tissulaires qui caractérisent ces patients [22]. Non seulement beaucoup de sujets XXY arrivent à produire des gamètes mais, en plus, ceux-ci sont souvent normaux d’un point de vue chromosomique. Le conseil génétique donné à ces hommes a donc radicalement changé en quelques années et se veut maintenant optimiste et rassurant, à l’image des nombreux enfants qui naissent maintenant de pères Klinefelter [23, 24]. Néanmoins, l’information doit être donnée que la spermatogenèse chez eux ne se déroule pas dans un environnement hormonal ou paracrine favorable et que cela peut favoriser des erreurs de ségrégation méiotique pouvant frapper tous les chromosomes [19, 25, 26]. Le recours à un éventuel diagnostic prénatal doit donc être décidé après concertation avec le couple, soucieux de ne pas mettre en danger une grossesse des plus difficiles à obtenir. Choisir le « bon » spermatozoïde chez les hommes porteurs d’une translocation chromosomique Avec une fréquence de 1/500 environ dans la population générale, mais surtout de 2 à 3 % chez les hommes infertiles, présentant plus souvent une oligozoospermie qu’une azoospermie, les translocations chromosomiques représentent un élément pronostique important du bilan réalisé chez ces derniers par le risque qu’elles font courir aux enfants qui naîtront des techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP) mises en œuvre. En effet, l’appariement particulier des chromosomes transloqués à la méiose, sous la forme d’un quadrivalent, suivi de leur ségrégation dans les gamètes, génèrent automatiquement un certain pourcentage de ceux-ci qui seront porteurs de la translocation parentale à l’état déséquilibré, c’est-à-dire porteurs des segments chromosomiques échangés en trisomie ou en monosomie selon les cas (figure 1). En général, la plus courante de ces ségrégations anormales est celle dite « adjacente 1 », qui conduit à la transmission d’un seul des deux chromosomes transloqués et de l’autre normal, conduisant ainsi à des trisomies et à des monosomies partielles, synonymes d’arrêt du développement embryonnaire et de fausses couches, le plus souvent, mais aussi de naissances possibles d’enfants porteurs d’un déséquilibre chromosomique si ces trisomies/monosomies sont viables. Le seul moyen existant à l’heure actuelle pour éviter ces naissances est de proposer un diagnostic prénatal ou, mieux encore, de réaliser un diagnostic préimplantatoire (DPI), même si celui-ci doit s’adresser à des couples qui ne sont pas forcément infertiles. Cependant, ces techniques aboutissent soit à la perte d’un certain nombre de grossesses, donc à des retards conséquents dans la possibilité pour les couples concernés d’avoir un enfant en bonne santé, soit au « gâchis » d’ovocytes qui seront fécondés par un spermatozoïde porteur d’un caryotype déséquilibré, gâchis qui peut même aller jusqu’à la possibilité qu’aucun embryon sain ne soit identifié en DPI. L’idéal serait de pouvoir utiliser en ICSI un spermatozoïde dont on sait que le génome est équilibré. Ce dernier point est facilement réalisable grâce à la technique de FISH, mais les spermatozoïdes étudiés ne sont alors bien sûr plus utilisables en fécondation in vitro. Trouver des critères morphologiques spermatiques compatibles avec une ICSI ultérieure représenterait donc un bénéfice majeur pour les couples où l’homme est porteur d’une translocation chromosomique. La technique d’observation des spermatozoïdes à très fort mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie, vol. 17, n◦ 4, octobre-novembre-décembre 2015 283 Mini-revue A C Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. Ségrégation alterne 284 Adjacent Adjacent Ségrégation adjacente 2 Ségrégation alterne Ségrégation alterne B Ségrégation 3:0 Ségrégation adjacente 2 D Ségrégation 3:1 Figure 1. Méthode de diagnostic en FISH de la ségrégation des translocations dans les spermatozoïdes. A) Translocation Robertsonienne ou fusion centrique entre deux chromosomes acrocentriques. Deux sondes situées aux extrémités de chaque paire chromosomique suffisent à différencier les ségrégations alterne (équilibrée), adjacente et 3:0 (B). Une sonde d’un autre autosome est rajoutée (bleu) pour distinguer une ségrégation 3:0 d’une cellule diploïde. C) Translocation réciproque. Trois sondes dont deux situées sur les segments transloqués suffisent à faire la différence entre tous les modes de ségrégation alterne (équilibrée), adjacente 1, adjacente 2 et 3:1 (D). grossissement, ou MSOME (pour motile sperm organelle morphology examination), ne permet malheureusement pas un tel tri [27]. En revanche, la constatation que les spermatozoïdes à contenu chromosomique déséquilibré ont plus souvent un ADN fragmenté a ouvert la possibilité d’utiliser la centrifugation en gradient de densité comme moyen efficace d’améliorer le taux de gamètes équilibrés chez des hommes porteurs d’une translocation robertsonienne ou d’une translocation réciproque (tableau 2) [28, 29]. Utilisé de façon systématique en fécondation in vitro, ce test présente surtout un intérêt pour les couples fertiles dont l’homme porte une translocation, couples qui ont donc intérêt à concevoir par insémination intra-utérine après préparation du sperme plutôt que naturellement avec tous les aléas que cela comporte. Basée sur la constatation que les noyaux des spermatozoïdes à contenu chromosomique déséquilibré sont légèrement plus volumineux que ceux à caryotype équilibré, la centrifugation en gradient de densité ne permet cependant qu’une sélection partielle [30]. Il en va autrement de la sélection effectuée grâce à un autre test utilisé couramment en AMP, le test hypo-osmotique ou HOST (hypo-osmotic swelling test). Mis au point pour différencier les spermatozoïdes morts des vivants en cas d’akinétozoospermie, ce test induit des modifications flagellaires qui font l’objet d’une classification précise par l’OMS [31]. Il est donc parfaitement compatible avec une utilisation des gamètes en ICSI. L’étude très récente de quatorze hommes porteurs d’un remaniement chromosomique (translocation robertsonienne, réciproque ou mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie, vol. 17, n◦ 4, octobre-novembre-décembre 2015 Tableau 2. Exemple d’amélioration du pourcentage de spermatozoïdes à contenu chromosomique équilibré en utilisant des tests compatibles avec les techniques d’AMP. La centrifugation en gradient de densité (DGC) a été la première méthode utilisée (Rouen et al. 2013) mais ne permet qu’une sélection partielle. L’utilisation du test hypo-osmotique ou swelling test augmente de façon considérable les possibilités de tri des spermatozoïdes (Données en cours de publication). Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. Patients Réarrangement chromosomique % de gamètes déséquilibrés avant DGC % de gamètes déséquilibrés après DGC p P1 trob(13;14) 16,6 % 8,8 % p = 0 001 47 % P2 trob(13;14) 42,2 % 21 % p<0,001 51 % P3 trob(13;14) 12 % 7,7 % p = 0,019 36 % P4 trob(13;14) 16 % 11 % p = 0,043 32 % P5 trob(13;14) 15,8 % 5,4 % p<0,001 66 % P6 trob(13;14) 27,9 % 26,4 % NS 6% P7 trob(13;14) 17,4 % 9% p = 0,001 52 % P8 trob(13;15) 18,2 % 11,6 % p = 0,012 36 % P9 trob(14;21) 10,9 % 8,5 % p = 0,02 22 % P10 t(6;17)(q21.3;q21) 66 % 51 % p = 0,027 23 % P11 t(5;12)(q13;q13) 69 % 52,6 % p = 0,043 24 % P12 t(2;10)(p10;q10) 65,5 % 52,7 % p = 0,037 20 % P13 t(8;16)(q11.2;q12) 75,8 % 48,6 % p = 0,02 36 % P14 t(17;22)(q25.1;q13.33) 57,1 % 48,2 % p = 0,033 8% P15 t(1;16)(q31.2;q23) 58,6 % 43,2 % p = 0,005 27 % P16 t(3;10)(q25;p13) 63,6 % 52,3 % p = 0,017 18 % P17 t(7;13)(q11.2;q12) 61,8 % 47 % p = 0,011 24 % P18 t(4;9)(q31;q22) 61,6 % 44,4 % p = 0,001 28 % P19 t(1;13)(q42;q22) 62,7 % 51,3 % p = 0,038 18 % P20 t(4;7;14)(q12;p15;q22) 88,6 % 70,4 % p = 0,016 21 % P21 inv(4)(p15.1q13.3) 2,1 % 1,3 % p = 0,003 38 % inversion) a révélé qu’une classe particulière de spermatozoïdes réagissant au milieu hypo-osmotique, dénommée B+ (figure 2), présentait un taux très important de gamètes à caryotype équilibré, taux qui, chez certains patients, atteignait 100 % (données en cours de publication). Bien que la physiologie exacte de cette sélection soit difficile à expliquer, le fait est que cette technique offre la possibilité de choisir le « bon » spermatozoïde à injecter en ICSI et qu’elle est appelée à améliorer considérablement la prise en charge, avec ou sans DPI, des couples où l’homme porte un remaniement de structure chromosomique. Anomalies géniques et spermatogenèse Les causes géniques responsables d’une diminution ou d’un arrêt de la production de spermatozoïdes sont difficiles à mettre en évidence du fait de la pauvreté Amélioration du phénotype observé, oligozoospermie ou azoospermie sans autre indication, de la rareté des familles dans lesquelles des mutations peuvent être détectées en raison de l’infertilité même qu’elles entraînent et enfin des problèmes techniques et éthiques pour obtenir du matériel testiculaire nécessaire à la validation du caractère pathogène de ces mutations. Les délétions du bras long du chromosome Y ne font pas partie des « nouveautés » en matière de génétique de l’infertilité masculine, tant leur recherche fait maintenant partie du bilan habituel des azoospermies non obstructives et des oligozoospermies sévères. De plus, elles sont à classer dans la catégorie des anomalies chromosomiques responsables d’infertilité plutôt que dans celle des anomalies géniques. Il s’agit en effet de pathologies délétionnelles, et non mutationnelles, avec une exception pour le gène USP9Y situé dans la région AZFa [32]. Néanmoins, les mutations ou les délétions intragéniques d’USP9Y sont mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie, vol. 17, n◦ 4, octobre-novembre-décembre 2015 285 Mini-revue Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. a 286 b b+ c d e f g Figure 2. Conformation des spermatozoïdes lorsqu’ils sont plongés dans une solution hypo-osmotique (Classification OMS). Une classe de spermatozoïdes, dénommée B+, a été rajoutée à cette classification et contient ceux qui ont les plus grandes chances d’avoir un caryotype équilibré, jusqu’à 100 % pour 3/14 patients avec une moyenne aux alentours de 70 % dans une étude en cours de publication. très rares et il a été montré qu’elles pouvaient même être transmises naturellement par des hommes oligozoospermiques [33]. Les gènes situés dans les autres régions AZF sont donc délétés et non mutés chez les hommes infertiles, avec toute l’incertitude que cela implique quant à la responsabilité de tel ou tel gène, quand plusieurs sont délétés en même temps. La relative pauvreté en gènes de ces régions fait cependant que ceux qui sont impliqués dans le phénotype d’infertilité sont bien connus – RBMY pour AZFb et DAZ pour AZFc – et que leur délétion représente la cause génique d’azoospermie ou d’oligozoospermie la plus fréquente dans l’espèce humaine. Les gènes de spermatogenèse situés sur les autres chromosomes sont beaucoup moins bien définis, pour les raisons décrites précédemment, mais le fait que ces gènes ne soient pas distribués de façon aléatoire dans le génome peut aider à leur identification, en particulier pour ceux particulièrement nombreux qui sont portés par le chromosome X [34]. En utilisant une technique particulièrement puissante d’analyse du génome, l’hybridation génomique comparative sur puce ADN, ou CGH-Array (pour comparative genomic hybridization), qui permet de détecter des gains et des pertes de matériel chromosomique de quelques dizaines de milliers de paires de bases (contre 5 millions pour le caryotype classique), Yatsenko et al. ont mis en évidence une délétion de 99 kb sur le bras long du chromosome X chez deux patients azoospermiques non apparentés [35]. Ces délétions, quasiment identiques, emportaient trois exons du gène TEX11 (pour testis expressed 11), gène dont l’expression testiculaire est limitée aux spermatocytes tardifs et aux spermatides. Pour conforter l’association entre la délétion de ce gène et l’azoospermie, les auteurs ont criblé le gène TEX11 par séquençage dans une cohorte de 289 hommes azoo- spermiques et identifié sept mutations (2,4 %), toutes absentes d’une population contrôle de 384 hommes normospermiques. Fait intéressant, cinq de ces patients mutés présentaient une azoospermie par arrêt en méiose, ce qui faisait parfaitement correspondre leur phénotype testiculaire à celui des souris déficientes Tex11- [36]. Très peu de temps après cette publication, une autre équipe confirmait l’importance du gène TEX11 en retrouvant des mutations dans une cohorte de 246 patients azoospermiques, mutations dont au moins deux (1 %) étaient pathogènes [37]. Une de ces mutations était aussi associée à un blocage en méiose, confirmant ainsi le rôle important de la protéine TEX11 dans cette phase cruciale de la gamétogenèse. Par la fréquence des mutations, comprise entre 1 et 2,5 % en cas d’azoospermie mais qui devra être affinée dans des études ultérieures, les anomalies touchant le gène TEX11 apparaissent comme une cause particulièrement fréquente d’infertilité masculine si on se rappelle que le nombre de gènes intervenant dans la spermatogenèse se compte par centaines, si ce n’est par milliers. De plus, ces mutations affectant TEX11, et par extension toutes les mutations touchant des gènes liés à l’X, ont la particularité d’être transmissibles et donc potentiellement familiales. En effet, contrairement aux mutations touchant des gènes autosomiques qui ne concernent que certains individus issus d’un couple hétérozygote et qui ont la particularité de se « dissoudre » rapidement dans la population générale quant à leur effet phénotypique, les mutations liées à l’X peuvent être portées par des femmes dites conductrices généralement asymptomatiques. Ainsi, pour le gène TEX11, les mères des sujets mutés sont conductrices ce qui veut dire que la moitié de leurs filles le sont également et que celles-ci ont donc un risque sur deux, à chaque naissance d’un garçon, que ce dernier soit infertile à l’âge adulte. La prise en charge des hommes infertiles par mutation de TEX11 ne comprend donc pas que l’AMP mais nécessite aussi un conseil génétique adapté. D’autres études sur des séries d’hommes infertiles ont permis de diagnostiquer des mutations dans des gènes incriminés dans l’azoospermie et l’oligozoospermie avec une fréquence à peu près équivalente à celle de TEX11. Par exemple, le gène NR5A1, codant le facteur de stéroïdogenèse SF1, déjà connu pour être impliqué dans l’insuffisance surrénalienne, l’insuffisance ovarienne prématurée ou encore les anomalies du développement sexuel, est trouvé muté chez 1 à 4 % des hommes présentant une azoospermie ou une oligozoospermie sévère [38, 39]. Le gène SOHLH1, codant un facteur de transcription essentiel à la différenciation des spermatogonies, ou encore le gène WT1, exprimé dans les cellules de Sertoli, semblent eux aussi mutés dans un nombre non négligeable de cas, autour de 1 % [40, 41]. Avec quelques pour cent, tous ces gènes représentent la partie émergée de l’iceberg des causes géniques d’infertilité masculine : les très nombreux autres gènes impliqués dans la spermatogenèse sont mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie, vol. 17, n◦ 4, octobre-novembre-décembre 2015 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. sans doute également mutés chez certains patients mais ces mutations n’ont pour le moment été décrites que de façon sporadique, dans quelques familles consanguines [42-44]. Autant les anomalies géniques responsables d’un défaut de production de spermatozoïdes sont difficiles à détecter, principalement en raison du manque de phénotype caractéristique associé, autant il a été possible de mettre en relation des mutations dans des gènes particuliers avec certaines tératozoospermies, lorsque celles-ci étaient homogènes. Ainsi, l’absence d’acrosome entraînant la formation de spermatozoïdes globocéphales a pu être assignée à des délétions ou à des mutations du gène DPY19L2 qui expliquent près de 85 % des cas [4547]. Des mutations dans d’autres gènes, comme SPATA16 ou PICK1, ont été décrites chez des patients avec globozoocéphalie, mais à un moindre degré en termes de fréquence [48, 49]. Un autre exemple frappant de relation directe entre une anomalie génétique et une forme de tératozoospermie bien particulière est donné par la macrozoospermie. Ce type de malformation spermatique est lié à une quantité anormale de matériel chromosomique dans le noyau des spermatozoïdes en rapport avec des anomalies de la ségrégation des chromosomes à la méiose. Comme pour la globozoospermie, l’origine génétique de la macrozoospermie est très homogène, consistant en des mutations dans le gène AURKC (aurora kinase C) [50, 51]. L’apport des nouvelles techniques moléculaires : puces SNP et séquençage à haut débit Comme pour les autres domaines de la génétique, la génétique de l’infertilité bénéficie d’avancées techniques considérables depuis quelques années. Leur intérêt réside principalement dans leur caractère pangénomique, c’està-dire dans le fait qu’elles sont capables de détecter une anomalie génétique située à peu près n’importe où dans le génome et ce avec une très grande précision. La technique de CGH-Array permet de diagnostiquer des déséquilibres chromosomiques de quelques milliers de paires de bases et donc de mettre en évidence des gènes dont la présence en trois exemplaires ou au contraire en un seul exemplaire, peut être responsable du phénotype observé. Une variante de cette technique consiste à utiliser des puces qui correspondent à des SNP (pour single nucleotide polymorphisms) connus qui, chez un individu donné, sont soit homozygotes, AA ou BB, soit hétérozygotes AB. Une délétion chromosomique se manifestera ainsi par une perte d’hétérozygotie, puisqu’il n’y a plus qu’un seul jeu chromosomique à cet endroit. Chaque SNP sera homozygote AA ou BB. De la même manière, dans une famille consanguine, les indi- vidus apparentés présenteront de nombreuses régions de perte d’hétérozygotie, régions d’autant plus nombreuses et larges qu’ils sont génétiquement proches. En considérant les régions d’homozygotie communes à tous les individus atteints dans une famille, patients azoospermiques par exemple, et en excluant celles partagées avec des individus normospermiques, il est possible de déterminer quelques régions du génome dans lesquelles on peut espérer repérer un gène impliqué dans la spermatogenèse, gène qui sera ensuite séquencé pour trouver une mutation à l’état homozygote. Secondairement, ce gène pourra être séquencé dans des cohortes de patients non consanguins et son implication dans le phénotype être ainsi validée. L’utilisation des puces SNP peut aussi être couplée d’emblée à des techniques de séquençage de l’ADN à haut débit, ou NGS (pour next generation sequencing), comme celle consistant à séquencer tous les exomes (WES, pour whole exome sequencing). Le problème de ces techniques moléculaires extrêmement sensibles est qu’elles mettent souvent en évidence des mutations faux-sens (remplacement d’une paire de bases par une autre avec changement éventuel de l’acide aminé dans la protéine), dont il importe ensuite de déterminer le caractère pathogène. Certains critères existent, comme le fait de ne jamais retrouver la mutation chez des individus sains dans les bases de données, ou d’utiliser des logiciels conçus pour prédire le caractère fonctionnel ou non d’une protéine mutée, mais le seul test vraiment valable consiste à réaliser un modèle in vivo, cellulaire ou animal (souris, poisson zèbre, etc.). Ce type de modèle est particulièrement difficile à créer pour la spermatogenèse, mais nul doute que des techniques nouvelles, comme celles utilisant le système CRISPR-Cas9 détaillé ailleurs dans ce numéro, viendront les remplacer et permettront des avancées significatives dans la recherche des causes génétiques d’infertilité chez l’homme. Conflits d’intérêt : Aucun. Références 1. Arrêté du 8 décembre 2014 définissant les règles de bonnes pratiques relatives à la mise en œuvre de l’information de la parentèle dans le cadre d’un examen des caractéristiques génétiques à finalité médicale. Journal Officiel 19 décembre 2014. 2. Hackstein JHP, Hochstenbach R, Pearson PL. Towards an understanding of the genetics of human male infertility: lessons from flies. Trends Genet 2000 ; 16 : 565-72. 3. Klinefelter HF, Reifenstein RC. Syndrome characterised by gynecomastia, aspermatogenesis, without a-leydigism, and increased excretion of FSH. J Clin Endocrinol 1942 ; 2 : 615-27. 4. 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