1460 Réforme des stages : entre lutte contre les abus

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1460 Réforme des stages : entre lutte contre les abus
Étude DOCTRINE
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Réforme des stages : entre lutte
contre les abus et émergence d’un
statut particulier
Lucien Flament,
avocat
La dernière réforme des stages constitue la codification, la synthèse et l’approfondissement d’une
législation visant à lutter contre le recours abusif au stage et dessine les contours d’un statut
particulier. Néanmoins, les nombreuses questions laissées dans l’ombre et le manque de
coordination avec les établissements d’enseignement semblent appeler de prochaines évolutions.
« (...) les abus existent. »
« Oui, mais comment légiférer ? » 1
Débats parlementaires
1 - M. Delvigne le soulignait déjà en 1994 : « l’image du stage est
(...) marquée négativement du sceau de la précarité » 2. Par la loi
n° 2011-893 du 28 juillet 2011 pour le développement de l’alternance
et la sécurisation des parcours professionnels, le législateur a entendu
y remédier, sans pour autant mettre fin à un statut très particulier, à
mi-chemin entre formation et travail, école et entreprise, adolescence
et âge adulte. Les nouveaux textes portent à maints égards la trace de
cette ambivalence. Jusqu’à leur insertion dans le corpus législatif :
certaines dispositions comportant des mécanismes de lutte contre
l’emploi précaire directement issus du Code du travail, comme le
délai de carence, sont néanmoins codifiées au sein du Code de l’éducation alors que d’autres sont insérées dans le Code du travail.
2 - Le développement de la législation applicable aux stages étudiants répond à l’évolution de la réalité. La multiplication des stages
obligatoires, les difficultés de l’insertion professionnelle des jeunes et
les fortes contraintes financières portant sur la masse salariale des
entreprises ont conduit à un accroissement du recours aux stages.
Ceux-ci s’avèrent abusifs lorsqu’ils viennent remplacer des emplois
salariés. Se sont révélées parfois coutumières du fait les entreprises de
certains secteurs d’activité, notamment ceux plébiscités par les étudiants mais offrant peu de débouchés et ayant souvent déjà massivement recours au travail précaire. Certaines affaires ont également pu
défrayer la chronique, ainsi ces grandes enseignes commerciales recourant à des stagiaires en remplacement de leurs vendeurs salariés.
Dans le même temps,la durée des stages obligatoires et celle des stages
effectués ont considérablement augmenté, contribuant ainsi à rapprocher un peu le stagiaire d’un salarié. D’après une enquête menée
1. AN, débats, 2e séance, 16 juin 2011, p. 4328.
2. P. Delavigne, Du meilleur usage du stage en entreprise : Semaine sociale Lamy,
n° 720, p. 3.
par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, entre
2005 et 2008 le nombre de stagiaire a augmenté de 50 % pour atteindre 1,2 million 3.La « mastérisation »,dans le cadre de l’harmonisation européenne, n’y a sans doute pas été étrangère, incitant de
nombreux établissements à passer d’un diplôme de niveau bac + 4 à
bac + 5 en ajoutant simplement neuf mois de stage...
3 - Dès lors, ce nouveau régime juridique des stages étudiants est
loin d’être créé de toutes pièces.Il constitue surtout la synthèse et dans
une certaine mesure l’approfondissement d’une législation qui bien
que très récente, puisqu’inaugurée en 2006, s’est construite par multiples touches successives. Législateur et pouvoir réglementaire sont
en effet intervenus près d’une dizaine de fois en l’espace de cinq ans
seulement. La fin de l’été tend ainsi à devenir synonyme de parution
d’un nouveau « décret stagiaire » applicable directement à la rentrée,
voire rétroactivement pour les stages entamés au début de l’été.
4 - Cette réglementation a été commentée à plusieurs reprises par
l’Administration, répondant ainsi à certaines questions pratiques des
étudiants et des entreprises. Les précisions les plus détaillées ont en
particulier été apportées par la circulaire DSS/5B n° 2007-236 du
14 juin 2007 relative à la protection sociale du stagiaire ainsi que par le
« questions/réponses » diffusé par la lettre circulaire de l’ACOSS
n° 2008-91 du 29 décembre 2008.
Les dispositions de la loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 pour le
développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels procèdent de deux intentions distinctes. La première vise à
lutter contre le recours abusif aux stages dissimulant des emplois
permanents ; elle est codifiée dans le Code de l’éducation (1). La deuxième concourt à dessiner les contours d’un statut de l’étudiant stagiaire en entreprise ; elle est insérée dans le Code du travail (2).
3. AN, débats, 1re séance, 16 juin 2011, p. 4287.
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1. La lutte contre le recours
abusif aux stages
5 - S’il marque certains progrès en reprenant et renouvelant les
instruments de la lutte contre le recours abusif aux stages (A), le
dispositif en vigueur révèle d’importantes lacunes en se montrant à la
fois partiel, excessif et imprécis (B).
A. - Les outils de la lutte
6 - Le stage étudiant doit remplir des conditions de fond (1°) mais
aussi répondre à des exigences de forme (2°).
1° Les conditions de fond
7 - Les conditions de fond de validité du stage relèvent, comme
auparavant, en bonne partie du stagiaire qui doit être un étudiant
effectuant de véritables études.Elles pèsent également désormais plus
fortement sur l’entreprise : l’interdiction d’utiliser un stage afin de
pourvoir un emploi permanent est maintenant contrôlée à l’aide
d’un délai de carence.
a) Un étudiant... qui étudie
8 - Le régime des stages en entreprise ne s’applique qu’aux stagiaires pouvant se prévaloir du statut d’étudiant. Encore faut-il que
ceux-ci suivent effectivement une formation prévoyant l’accomplissement de stages, peu important leur caractère obligatoire ou facultatif.
9 - Le statut d’étudiant. – Les dispositions sur les « stages en
entreprise » – selon le titre retenu au sein du Code de l’éducation – ne
peuvent concerner que des étudiants. Cette législation sur les stages
étudiants ne s’applique ni aux stagiaires de la formation professionnelle continue visés dans la sixième partie du Code du travail, ni aux
stages des jeunes de moins de seize ans, visés à l’article L. 4153-1 du
Code du travail.
Afin d’éviter toute confusion, l’ACOSS a établi une liste indicative
de formations pour lesquelles la dénomination de stagiaire résulte de
règles spécifiques à une profession mais ne permet pas l’application
des articles L. 621-8 et suivants du Code de l’éducation 4 : stagiaires
huissiers, notaires ou greffiers, stages d’internat des étudiants en médecine, animateurs stagiaires préparant un BAFA ou BAFD 5. Par
contre, sont notamment visés par le régime des « stages en
entreprise » les élèves infirmières.
10 - Le suivi d’une formation et l’intégration à un cursus. – Le
principe de l’intégration à un cursus pédagogique, posé par la loi du
24 novembre 2009,est réitéré (C. éduc., art. L. 612-8, 2e al.).En outre,
la durée du ou des stages effectués par un même stagiaire dans une
même entreprise ne peut excéder six mois par année d’enseignement
(C. éduc., art. L. 612-9). L’Administration a précisé que cette durée
s’entendait d’une durée calendaire, peu important le nombre
d’heures effectué dans le mois par le stagiaire.En d’autres termes,sont
concernés les étudiants qui réalisent un stage tout au long de l’année
universitaire à temps partiel, par exemple un jour par semaine 6.
Des exceptions sont néanmoins prévues afin de valider la pratique
des « années de césure » et autres stages longs obligatoires. La loi
réserve en effet le cas « des stages qui sont prévus dans le cadre d’un
cursus pluriannuel de l’enseignement supérieur » et celui des
« stagiaires qui interrompent momentanément leur formation afin
d’exercer des activités visant exclusivement l’acquisition de compétences
en liaison avec cette formation » (C. éduc., art. L. 612-9).
4. Lettre-circ. ACOSS n° 2007-69, 5 avr. 2007.
5. Lettre-circ. ACOSS, n° 2011-64, 8 juin 2011.
6. Lettre-circ. ACOSS, n° 2008-91, 29 déc. 2008.
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Le pouvoir réglementaire devrait préciser par décret tant la notion
d’année de césure que celle d’intégration à un cursus pédagogique,
toutes deux déjà abordées antérieurement par le décret n° 2010-956
du 25 août 2010.
b) Emploi permanent et délai de carence
11 - Le décret n° 2006-1093 du 29 août 2006 interdisait la conclusion d’une convention de stage pour remplacer un salarié absent ou
licencié, exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de
travail permanent,faire face à un accroissement temporaire d’activité
ou occuper un emploi saisonnier. Commentant ces dispositions,
Monsieur le professeur Petit avait appelé de ses vœux la formulation
d’une interdiction plus générale d’utiliser le stage en vue de pourvoir
un emploi permanent 7. Cet appel a été entendu : une telle interdiction figure désormais dans la loi et non plus uniquement dans un
décret. Le troisième alinéa du nouvel article L. 612-8 du Code de
l’éducation énonce que les stages « ne peuvent pas avoir pour objet
l’exécution d’une tâche régulière correspondant à un poste de travail
permanent de l’entreprise ». Le respect d’un délai de carence est même
imposé : « l’accueil successif de stagiaires, au titre de conventions de
stage différentes, pour effectuer des stages dans un même poste n’est
possible qu’à l’expiration d’un délai de carence égal au tiers de la durée
du stage précédent. Cette disposition n’est pas applicable lorsque ce stage
précédent a été interrompu avant son terme à l’initiative du stagiaire »
(C. éduc., art. L. 612-10). Cette disposition suffisamment claire et
précise est immédiatement applicable, la loi ne renvoyant en outre à
aucun décret d’application. Précisons que, contrairement à la durée
de six mois mentionnée plus haut, ce délai doit être respecté même en
cas de succession de plusieurs stagiaires différents dès lors qu’il s’agit
du même poste. En pratique, une entreprise pourrait ainsi pour un
même poste, accueillir un stagiaire de janvier à juin, puis
de septembre à novembre. La période estivale marquant le plus souvent un ralentissement de l’activité, le respect du délai de carence
devrait néanmoins permettre à la majorité des entreprises de continuer à accueillir un stagiaire de façon quasi continue pendant les
périodes de pleine activité. Les pratiques des entreprises devraient
être d’autant moins perturbées que la loi n’impose pas de limitation
du nombre de stagiaires, même si la proposition faite en ce sens pouvait apparaître comme un moyen efficace de lutte contre le recours
abusif aux stagiaires 8.
12 - Lorsque le diplôme prévoit l’alternance de périodes au sein de
l’établissement d’enseignement et de l’entreprise, comment calculer
le délai de carence ? Les périodes de formation doivent-elles être
prises en compte ? Après le départ définitif du stagiaire, pour la détermination de la durée du contrat, seules les périodes de stage 9
semblent pouvoir être retenues,sur la base d’un décompte en mois,en
semaines ou même en jours ouvrés dès lors que des périodes d’alternance sont ainsi définies. Pour calculer le délai de carence, l’article
L. 612-10 du Code de l’éducation ne reprend pas les dispositions du
Code du travail imposant, en matière d’emploi précaire, de ne
prendre en considération que les jours d’ouverture de l’entreprise 10.
Ce délai devrait donc être calculé de façon strictement calendaire :
deux mois de carence pour six mois de stage, une semaine de carence
7. F. Petit, La convention de stage comme technique d’accompagnement vers
l’emploi : Dr. soc. 2007, p. 1130.
8. Encore faudrait-il éviter de retenir un pourcentage du nombre de salariés,
ce qui pénaliserait inutilement les professions libérales et les très petites
entreprises.
9. Sans doute indépendamment du temps passé dans l’entreprise en cas de
suspension imprévue du contrat : maladie, absence pour raisons familiales,
examens. Néanmoins les cas d’absentéisme du stagiaire, a fortiori précédant
la rupture de la convention de stage, ne devraient pas être pris en compte au
titre des périodes de stage.
10. C. trav., art. L. 1244-3 et L. 1251-36. – Circ. DRT n° 2002-08, 2 mai 2002.
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pour trois semaines de stage, etc. Afin d’éviter tout abus, les périodes
d’inactivité prolongée de l’entreprise, comme une fermeture annuelle dépassant plusieurs jours,ne semblent pas avoir vocation à être
prises en compte pour l’appréciation du délai. En pratique, une coïncidence trop large du délai de carence avec une période de fermeture
de l’entreprise est à éviter.
Afin de s’assurer du respect de cette obligation, le législateur a
prévu la tenue d’un registre des conventions de stage,indépendant du
registre unique du personnel (C. éduc., art. L. 612-13). Le décret
n° 2008-96 du 31 janvier 2008 imposait déjà aux entreprises d’établir
et de tenir à jour la liste des conventions de stage conclues.
13 - Si le délai de carence a vocation à constituer un instrument
efficace de lutte contre le recours abusif aux stages, il apparaît contradictoire avec les très nombreuses habilitations ministérielles de diplômes prévoyant « années de césure » et autres stages longs. Les
étudiants risquent d’en être les premières victimes, confrontés à la
difficulté accrue d’effectuer ces stages obligatoires dans des entreprises qui ne peuvent plus en pratique les accueillir sans violer le délai
de carence et risquer une requalification en contrat à durée indéterminée et ses conséquences.Cette aporie du dispositif législatif appelle
à coordonner devoirs des étudiants et obligation des entreprises.
Peuvent être dégagées des solutions pérennes qui pourraient consister en une réforme de l’apprentissage ou une généralisation de la
limitation de six mois de stage par année d’enseignement, au motif
que des stages d’une durée supérieure ne peuvent par nature que
correspondre à un poste de travail permanent dans l’entreprise.
2° Les conditions de forme
14 - Les stages doivent faire l’objet d’une convention écrite (C.
éduc., art. L. 612-8, al. 1er). Ses mentions obligatoires seront détaillées par un futur décret qui devrait sans doute reprendre la substance des dispositions antérieures, issues principalement du décret
n° 2006-1093 du 29 août 2006.
B. - Les lacunes de la législation
15 - La législation reste partielle quant aux entreprises visées (1°),
parfois excessive lorsqu’elle exclut les stages hors cursus (2°) et incomplète quant aux sanctions encourues (3°).
1° Un champ d’application limité aux « entreprises »
16 - Si la notion d’« entreprise » avait été élargie avec le décret
n° 2008-96 du 31 janvier 2008 aux associations,entreprises publiques
et établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC),
le nouveau texte maintient une dichotomie regrettable entre entreprises et État. Les stages au sein des administrations et des établissements publics de l’État (à l’exclusion des EPIC) restent régis par le
décret n° 2009-885 du 21 juillet 2009, entré en vigueur rétroactivement le 1er juillet 2009. De surcroît, l’Administration considère que
ce décret n’est pas applicable aux collectivités territoriales ni à leurs
établissements publics, ces derniers étant simplement « sensibilisés à
l’intérêt de mettre en œuvre de bonnes pratiques » 11. Les stagiaires de
ces derniers ne bénéficient donc d’aucune disposition spécifique.
2° L’impossibilité d’effectuer des stages facultatifs
17 - Au cours des premières années de l’enseignement supérieur,
les étudiants sont nombreux à mettre à profit les vacances universitaires pour effectuer des stages afin de découvrir le quotidien d’une
profession qu’ils envisagent d’embrasser. La durée de ces stages est la
plupart du temps assez limitée : quelques semaines, environ un mois
le plus souvent. En effet, il s’agit de stages d’observation et non de
11. Circ. NOR : BCFF0917352C, 23 juill. 2009. – Circ. NOR : IOCB0923128C,
4 nov. 2009.
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périodes de professionnalisation s’inscrivant sur une longue durée.
Or, le décret n° 2010-956 du 25 août 2010, en interdisant tout stage
hors cursus, a incité un certain nombre d’établissements d’enseignement à refuser aux étudiants la possibilité d’effectuer ces courts stages
d’été. Initialement destiné à protéger les étudiants contre le recours
abusif aux stages, ce décret a finalement entraîné contre lui pétitions
et autres mouvements de protestation étudiants. Sans doute les universités et les écoles pouvaient-elles modifier la maquette de leurs
diplômes afin d’y inscrire la possibilité d’un stage en entreprise. Mais
rappelons qu’une telle modification,surtout dans le cas d’un diplôme
national d’État, exige le respect d’une longue procédure. En outre, le
décret paru le 26 août 2010 était applicable dès le 1er septembre de la
même année. Toute modification s’est donc révélée matériellement
impossible en raison de l’absence de différé d’application. De plus, en
opportunité, on peut douter que ce soit aux enseignants qu’il appartienne de modifier leurs diplômes au seul motif de remédier aux
oublis législatifs ou réglementaires, plus encore lorsque des textes
modificatifs sont publiés tous les ans juste avant la rentrée... (décrets
en 2006, 2008, 2009, 2010, 2011, etc. ?). Ce problème semble malheureusement avoir été à nouveau totalement ignoré tant des partenaires
sociaux que des parlementaires.Certes,le ministre de l’Enseignement
supérieur a envoyé aux présidents d’université une lettre indiquant
que « l’application du texte ne doit toutefois en aucun cas avoir pour
conséquence de restreindre l’accès des étudiants aux stages volontaires que ceux-ci sollicitent auprès des entreprises, afin d’acquérir
une expérience professionnelle, alors qu’ils sont inscrits dans un cursus universitaire ». Cependant, cette simple interprétation ministérielle n’est pourvue d’aucune portée normative et surtout est
contraire à la lettre du texte !
Afin de remédier à cette situation, il serait particulièrement pertinent de prévoir une exception au principe d’interdiction des stages
hors cursus au bénéfice des stages d’initiation estivaux. Une telle exception n’apparaît aucunement contraire à l’intention des partenaires sociaux ni à la volonté du législateur, ces derniers visant
principalement à mettre fin aux stages masquant des emplois permanents et à la précarisation des jeunes résultant du recours par les
entreprises à de stagiaires diplômés. En conséquence, pourraient par
exemple être autorisés les stages n’excédant pas une certaine durée
cumulée (deux mois ce qui correspondrait à la durée des stages pour
lesquels la gratification n’est pas obligatoire), se déroulant pendant la
période estivale et effectués par des étudiants justifiant de leur inscription dans l’année supérieure. Contrairement à ceux intégrés à un
cursus pédagogique, ces courts stages de découverte n’ont pas vocation à faire l’objet d’une restitution de la part de l’étudiant, ni d’une
évaluation de la part de l’établissement – ce qui constituait une exigence du décret de 2010.
3° Des sanctions incertaines et inadaptées
18 - Une nouvelle fois, le chapitre des sanctions a été négligé.
Quelle sanction lorsque le stagiaire reste dans l’entreprise à l’issue du
stage, sans pour autant bénéficier d’un contrat de travail ? Par une
décision surprenante du 14 novembre 2000, la Cour de cassation a
jugé que « le dépassement du terme décidé d’un commun accord
entre les parties à une convention de stage ne modifie pas le rapport
fondamental de maître à élève » 12. Cette décision, prise à une époque
où la législation ne prévoyait aucune condition de forme quant à la
convention de stage,semble aujourd’hui dépassée.La cour a d’ailleurs
elle-même envisagé l’évolution de sa jurisprudence sur ce point,
« compte tenu du formalisme désormais prévu par les nouveaux
textes » 13. Les sanctions en cas de non-respect des mentions obliga12. Cass. soc., 14 nov. 2000, n° 98-42.551.
13. C. Cass., rapport annuel 2009 : Brève réflexion sur les contours de la
vulnérabilité du stagiaire en entreprise, p. 287.
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toires de la convention de stage restent également incertaines : certaines mentions n’auraient-elles pas une simple portée informative,
insusceptible de donner lieu à requalification ? 14
N’a pas été reprise la proposition doctrinale d’une indemnité spécifique de rupture – calquée sur celle de la requalification d’un contrat
précaire – visant à compenser l’insuffisance du montant de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de la faible
ancienneté du stagiaire, pas plus que la suggestion de sanctions pénales – similaires à celles du travail précaire – peut être susceptibles de
favoriser l’effectivité des nouveaux textes 15.
Dans le silence de la loi, seule semble se dessiner la sanction de la
requalification. Son champ d’application restant néanmoins incertain. Les travaux parlementaires indiquent que cette sanction est celle
voulue par le législateur, au moins en cas de non-respect du délai de
carence 16.
2. Le statut de l’étudiant stagiaire :
une plus grande assimilation
dans l’entreprise
19 - L’allongement considérable de la durée des stages, qu’il
s’agisse des stages obligatoires ou de ceux effectivement accomplis, a
engendré des revendications nouvelles de la part des étudiants stagiaires et posé des questions inédites aux entreprises. Si la loi n° 2011893 du 28 juillet 2011 pour le développement de l’alternance et la
sécurisation des parcours professionnels donne en partie satisfaction
aux premiers (A),elle laisse sans réponse la majorité des questions des
secondes (B).
A. - Un statut plus complet et une meilleure
intégration
20 - L’étudiant stagiaire bénéficie de droits individuels dont le bénéfice est soumis à des conditions en partie moins restrictives qu’auparavant (1°). Cet embryon d’un statut de l’étudiant stagiaire revêt
également une dimension collective qui marque peut-être encore
plus son intégration à la communauté de travail (2°).
1° Des droits individuels : l’embryon d’un statut
21 - Les droits individuels reconnus au stagiaire s’exercent parfois
pendant le stage ou prennent effet seulement à son issue, à l’instar de
la prise en compte du temps passé en stage en cas d’embauche ultérieure.
a) La gratification
22 - Posée en 2006 et accentuée en 2009, l’obligation de verser une
somme d’argent – qui n’a cependant pas la nature d’un salaire (CSS,
art. L. 242-4-1. – C. éduc., art. L. 612-11) – à partir d’une certaine
durée de stage est maintenue et même légèrement étendue.Ces dispositions constituent l’essentiel du régime applicable au vu de la faiblesse de la négociation collective.
23 - Le régime légal. – Une gratification est due au stagiaire dès
lors que la durée de stage au sein d’une même entreprise est supérieure à deux mois consécutifs ou, au cours d’une même année scolaire ou universitaire, à deux mois consécutifs ou non (C. éduc.,
art. L. 612-11). Cette durée semble devoir s’apprécier de manière calendaire, comme celle de six mois évoquée plus haut. Par contre, en
cas de temps partiel, le montant de la gratification est calculé à raison
14. F. Petit, La convention de stage comme technique d’accompagnement vers
l’emploi : Dr. soc. 2007, p. 1130.
15. Ibid.
16. AN, débats, 2e séance, 16 juin 2011, p. 4327.
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de la durée de présence, pour les entreprises comme pour l’État 17. Le
montant horaire de la gratification est actuellement fixé à 12,5 % du
plafond horaire de la sécurité sociale, soit environ 417 € pour l’année
2011 18.
Par ailleurs,dans le cadre des décrets de 2006 et de 2008,l’Administration ainsi que l’ACOSS, via un « questions/réponses », avaient apporté un certain nombre de précisions quant aux modalités de calcul
de la gratification : proratisation, abonnement transports, cantine et
titres restaurants, etc. 19 Ces solutions devraient pouvoir être reprises
dès lors qu’elles s’avéreront conformes au texte des nouveaux décrets.
24 - En outre, les stagiaires des administrations et établissements
publics de l’État peuvent notamment bénéficier,comme les fonctionnaires, d’une participation aux frais de transport : la prise en charge
partielle du prix des titres d’abonnement correspondant aux déplacements effectués entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail
situé hors Ile-de-France.Cette participation reste facultative et donc à
la discrétion des administrations concernées. Par contre, afin de percevoir une gratification, non seulement le stage doit être d’une durée
supérieure à deux mois mais les stagiaires doivent de plus justifier de
quarante jours de présence effective. Peut-être préoccupé par des difficultés de contrôle du temps de travail dans l’Administration,le pouvoir réglementaire a-t-il voulu éviter tout risque de stages fictifs ?
25 - Des améliorations conventionnelles limitées. – Les avancées de la négociation professionnelle se sont révélées infimes. Non
seulement très peu de branches ont conclu des accords en la matière,
mais ceux-ci ne prévoient qu’une majoration presque symbolique : le
plus souvent une majoration du minimum légal de quelques dizaines
d’euros par mois 20.Si les quelques accords ont pu contribuer à l’amélioration des conditions de travail des étudiants stagiaires, un éventuel renvoi aux partenaires sociaux par le législateur semble
particulièrement inopportun. La considérable inégalité du rapport
de force entre entreprises et étudiants stagiaires indique que ce domaine a vocation à relever en premier lieu du champ d’action de
l’État, ce que confirme la quasi-absence d’accords de branche au bénéfice d’étudiants non encore diplômés 21. De plus, il semble que les
signataires d’accords, représentants syndicaux ou simples élus, n’ont
pas vocation en droit et ne trouvent parfois pas d’intérêt en fait à
représenter et défendre les étudiants stagiaires. Ces derniers n’ont
d’ailleurs pas la possibilité de contribuer à leur représentativité ou de
les désigner, ne pouvant être électeurs, contrairement aux salariés mis
à disposition.
b) La prise en compte du temps passé
26 - Élément manifeste d’une identification au salarié, en cas
d’embauche, le temps passé dans l’entreprise par l’étudiant en tant
que stagiaire est pris en compte comme si celui-ci avait été salarié dès
l’origine. Par contre, son accès à la protection sociale reste limité et
toujours subordonné au niveau de sa rémunération.
27 - Période d’essai. – La loi de modernisation du marché du travail du 25 juin 2008 avait prévu la prise en compte de la durée de stage
17. D. n° 2009-885, 21 juill. 2009, art. 5, IV.
18. D. n° 2006-757, 29 juin 2009.
19. Circ. DSS/5B/2007/236, 14 juin 2007 relative à la protection sociale du
stagiaire. – Lettre-circ. ACOSS n° 2008-91, 29 déc. 2008 et n° 2007-69, 5 avr.
2007.
20. Accord relatif aux stagiaires dans les entreprises de télécommunications, 3 oct.
2008 : Liaisons soc. 2008, Bref 15252. – Accord relatif à la promotion de la
diversité et de l’égalité des chances des institutions de retraite et de prévoyance
du 27 mars 2009 : Liaisons soc. 2009, Bref 15338.
21. Les accords conclus aux bénéfices des pharmaciens stagiaires (Liaisons soc.
2007, Bref 14862) et des élèves avocats (Liaisons soc. 2007, Bref 14807)
doivent être distingués dans la mesure où il s’agit « d’étudiants » ayant déjà
obtenu un diplôme de fin de cycle et ayant l’obligation d’effectuer une
période de stage de plus d’une année pour pouvoir exercer une profession
réglementée.
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dans la période d’essai en cas d’embauche ultérieure, sans pouvoir
cependant excéder la moitié de la durée de la période d’essai (C. trav.,
art. L. 1221-24). Cette limitation est désormais levée dès lors que
l’embauche est effectuée « dans un emploi en correspondance avec les
activités qui avaient été confiées au stagiaire ». En outre, l’embauche
peut intervenir dans les trois mois suivant l’issue du stage.
28 - Ancienneté. – En cas d’embauche à l’issue d’un stage de plus
de deux mois, la durée de ce dernier est prise en compte pour l’ouverture et le calcul des droits liés à l’ancienneté. Cette référence à la durée
de deux mois semble pouvoir présager l’apparition de deux régimes
s’éloignant peu à peu : d’une part celui des stages traditionnels, de
courte durée, visant à la découverte d’un milieu professionnel par des
étudiants en début de cycle et n’impliquant qu’un lien de subordination très faible, d’autre part celui des stages modernes, de longue
durée, ayant pour but la professionnalisation d’étudiants en fin de
cycle et entraînant un rapport hiérarchique plus fort. De fait, la distinction existant de facto, antérieurement à la législation de 2006,
entre stages obligatoires et facultatifs n’est plus reprise.
29 - Protection sociale. – Les stagiaires sont tous couverts contre
le risque lié aux accidents de travail, de trajet ou aux maladies professionnelles, protection dont bénéficiaient auparavant uniquement
les étudiants effectuant un stage obligatoire 22.En revanche,les dispositions prévoyant le versement d’une indemnité en capital en cas d’incapacité inférieure à 10 % ne leur sont pas applicables (CSS,
art. L. 434-1).
Le stagiaire ne se constitue des droits à l’assurance vieillesse qu’à
partir d’un certain niveau de rémunération, fixé à 1017,09 € pour
l’année 2011. En effet, la rémunération minimale permettant la validation d’un trimestre d’assurance correspond à deux cents heures du
salaire minimum de croissance en vigueur au 1er janvier de l’année
considéré, soit 1 800 € en 2011 23 et les stagiaires ne s’ouvrent de
droits sociaux qu’au titre des sommes qu’ils perçoivent au-delà de
12,5 % du plafond horaire de la sécurité sociale 24 : 1800/3 + 417,09 =
1017,09.Bien que souvent méconnu,ce seuil n’en demeure pas moins
un couperet sur lequel l’attention des stagiaires n’est que trop rarement attirée. S’agissant des régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires (AGIRC-ARRCO), le stagiaire n’a pas vocation à
y cotiser 25.
2° Des droits collectifs : l’intégration à la communauté de
travail
30 - L’intégration à la communauté de travail s’opère de deux manières, par le bénéfice d’avantages collectifs et un début de prise en
compte dans une dimension collective. Ainsi, désormais « les stagiaires accèdent aux activités sociales et culturelles du comité d’entreprise dans les mêmes conditions que les salariés » (C. éduc., art. L. 61212). Pour autant, les gratifications des stagiaires ne semblent pas avoir
vocation à entrer dans l’assiette de calcul de la contribution de l’entreprise au comité d’entreprise 26. Ce bénéfice des activités sociales et
culturelles du comité d’entreprise reste également sans conséquence
sur le décompte des effectifs dont les stagiaires restent exclus. Par
contre, les stagiaires handicapés sont pris en compte au titre de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, sauf si la durée de leur
stage n’atteint pas au moins quarante heures (C. trav., art. L. 5212-7 et
D. 5212-10).
22. CSS, art. L. 412-4. – Adde, Lettre-circ. ACOSS, n° 2007-69, 5 avr. 2007.
23. CSS, art. R. 351-9, al. 6. – D. n° 2010-154, 17 déc. 2010, art. 1er.
24. Circ. DSS/5B/2007/236, 14 juin 2007 relative à la protection sociale du
stagiaire.
25. Ibid.
26. En particulier dans la mesure où la pratique comptable conduit à enregistrer ces gratifications sous le compte 648 du plan comptable général, visant
les « autres charges de personnel » (Cass. soc., 30 mars 2011, n° 10-30.080).
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Le comité d’entreprise doit être informé du nombre de stagiaires
accueillis dans l’entreprise et des conditions de leur accueil, dans le
cadre du rapport sur la situation économique, dans les entreprises de
moins de trois cents salariés (C. trav., art. L. 2323-47). Dans les entreprises de trois cents salariés et plus, cette information est trimestrielle
et porte également sur les tâches qui leur sont confiées (C. trav.,
art. L. 2323-51). En outre, afin de faciliter le contrôle des éventuels
abus, l’obligation d’établir et de tenir à jour la liste des conventions de
stage,introduite en 2008,prend maintenant la forme d’un registre des
conventions de stage (C. éduc., art. L. 612-13).Un décret déterminera
les modalités d’application de cette disposition, notamment les mentions qui figurent sur le registre.
B. - Un statut encore incomplet et limité
31 - Quelques règles applicables.– Doctrine et jurisprudence admettent volontiers que si les conventions et accords collectifs ne leur
sont pas applicables, les étudiants stagiaires ont vocation à respecter
un certain nombre de règles collectives s’appliquant nécessairement à
l’intégralité de la communauté de travail 27. Au premier rang de
celles-ci figurent les règles d’hygiène et de sécurité 28. Les horaires de
travail,voire le règlement intérieur,semblent également concernés 29.
Pour la cour d’appel de Paris, « le stagiaire (...) doit se plier aux horaires de travail et règles de discipline générale en vigueur dans
l’entreprise » 30.Certaines dispositions du Code du travail sont également suffisamment générales pour s’appliquer à l’étudiant stagiaire :
harcèlement et discrimination au recrutement en particulier 31.
32 - Temps de travail et durée maximale. – À cet égard, la documentation juridique assimile parfois les étudiants stagiaires aux stagiaires de la formation professionnelle, visés par la sixième partie du
Code du travail 32. Cette interprétation permet d’appliquer aux stagiaires les articles L. 6343-1 à L. 6343-4 du Code du travail les soumettant ainsi notamment à la durée légale du travail, aux durées
légales quotidiennes et hebdomadaires ainsi qu’aux repos hebdomadaire et dominical. Une telle lecture des textes doit être suivie en
opportunité en ce qu’elle fournit des règles applicables aux étudiants
stagiaires en matière de durée du travail et les soumet à un régime
protecteur 33. Cependant, elle n’est pas possible au regard des textes
actuels stricto sensu. Le chapitre III « conditions de travail du
stagiaire » relève d’un titre IV « stagiaire de la formation
professionnelle » et d’un livre III « la formation professionnelle
continue » : les dispositions des articles L. 6343-1 à L. 6343-4 du Code
du travail sont applicables aux seuls stagiaires de la formation professionnelle continue. Les nouvelles dispositions de la loi n° 2011-893
du 28 juillet 2011 pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels ne peuvent qu’abonder en ce sens :
les règles applicables aux étudiants stagiaires sont insérées dans le
Code de l’éducation et non dans le Code du travail et l’article
L. 6343-1 n’a pas été modifié pour inclure les étudiants stagiaires.
33 - L’absence de dispositions législatives laisse planer des interrogations sur les règles applicables en matière de temps de travail des
stagiaires. Certes, l’ordre public social semble imposer le respect des
durées légales quotidiennes et hebdomadaires et du repos hebdomadaire. Pour les mêmes raisons, il semble difficile de contraindre le
27. V. JCl. Travail Traité, Fasc. 3-60, § 96 et s. et 115 et s., par Y. Aubrée. – P. Le
Cohu, Accueillir un stagiaire : Les Cahiers du DRH, n° 154, mai 2009, p. 17.
28. C. trav., art. L. 4111-5, visant sans doute les stagiaires de la formation
professionnelle.
29. V. JCl. Travail Traité, Fasc. 3-60, préc. note 27, § 103.
30. CA Paris, ch. 6-8, 7 oct. 2010, n° 07-3258 : RJS 2011, n° 204.
31. V. JCl. Travail Traité, Fasc. 3-60, préc. note 27, § 107.
32. Éditions législatives, Dictionnaire permanent social, Stage en entreprise, § 31.
33. V. JCl. Travail Traité, Fasc. 3-60, préc. note 27, § 115. – L. Flament, L’étudiant
stagiaire : JCP S 2007, 1371.
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stagiaire à effectuer des heures supplémentaires ou à être présent le
dimanche, la nuit ou les jours fériés. Pour autant, peut-on obliger un
stagiaire à être présent un samedi ? Le temps de travail peut-il dépasser la durée légale ? Si la durée du travail dans l’entreprise est supérieure à la durée légale, le stagiaire ne doit-il pas bénéficier de jours de
réduction du temps de travail ? Les questions restent donc nombreuses.
34 - Journée de solidarité. – Les étudiants stagiaires doivent-ils
venir travailler le lundi de Pentecôte ? La question se pose tous les ans
et les pratiques, comme les raisonnements, restent partagés. Les uns,
constatant l’absence de toute disposition législative applicable à la
durée du travail ou aux congés, considèrent que les stagiaires doivent
suivre le rythme collectif : dès lors que les salariés viennent travailler
ce jour-là, les étudiants stagiaires n’ont pas vocation à rester chez eux.
Les autres relèvent que les stagiaires ne sont pas des salariés et que la
journée de solidarité ne saurait leur être imposée, sauf éventuellement en les assimilant totalement à des salariés, en leur octroyant
notamment le bénéfice de congés payés. Par un courrier daté du
26 décembre 2006, le ministère du Travail aurait précisé que les stagiaires « ne sont pas soumis au droit commun du Code du travail et
notamment à la législation sur la journée de solidarité », que le lundi
de Pentecôte « conserve sa qualification de jour férié » et que la présence des stagiaires en formation le lundi de Pentecôte doit être
« expressément » prévue dans la convention de stage 34.
35 - Congés et protection sociale. – La considérable augmentation des durées de stage a fait émerger des revendications incongrues
pour un stage de quelques semaines mais inévitables dans le cadre de
stages longs : congés pour examens, droit de s’absenter pour événements familiaux, congés payés, prise en charge des frais de transport,
voire cotisation aux assurances chômage et vieillesse, notamment.
Une chose est sûre : le choix du législateur de maintenir la possibilité
d’imposer aux étudiants l’accomplissement de stages longs et autres
années de césure ne risque pas de mettre fin à ces revendications...
34. F. Schuum, Les stagiaires pas solidaires : Come on ! : http://www.villagejustice.com.
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JCP / LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION SOCIALE N° 42. 18 OCTOBRE 2011
Étude DOCTRINE
36 - Représentation collective et syndicale.– Des avancées pourraient être accomplies Ainsi, le professeur Yann Aubrée soutient
qu’« il semblerait logique de les considérer comme étant intégrés à la
collectivité de travail formée par les salariés (...), et pour cette raison,
de reconnaître aux institutions représentatives et syndicales de ces
salariés la capacité juridique de les représenter et, le cas échéant, de
défendre les intérêts propres de ces stagiaires » et que « dans la mesure
où ils feraient partie de la même collectivité de travail, on ne voit pas
pourquoi les stagiaires,qui effectuent un réel travail au sein de l’entreprise d’accueil, ne pourraient pas bénéficier à cet égard, de ces droits
collectifs, qui sont reconnus aux travailleurs intérimaires et aux
autres salariés mis à la disposition de cette dernière par leurs employeurs respectifs » 35. De fait, pourraient constituer les prémices
d’une représentation collective, le bénéfice des activités sociales et
culturelles du comité d’entreprise, le renforcement des obligations
d’information de ce dernier relativement aux stagiaires ainsi que la
tenue d’un registre des stagiaires.
37 - Bilan et perspectives. – Le fort développement du recours
aux stages a conduit ce terme à désigner des réalités différentes. La
législation les distingue désormais. Leurs régimes juridiques pourraient encore se différencier à l’avenir :
- « stage-découverte », à compensation financière facultative, de
deux mois maximum, sans reprise d’ancienneté en cas d’embauche ;
- « stage-formation », de six mois maximum, avec gratification
obligatoire ;
- « stage-long », sans limitation de durée.
Gageons que cette dernière catégorie attirera à nouveau l’attention du législateur. Dans tous les cas, elle devrait inciter l’Administration à mettre fin à l’habilitation ministérielle de diplômes
comportant des obligations de stage d’une durée déraisonnable.
Mots-Clés : Stages - Réforme
Textes : L. n° 2011-893, 28 juill. 2011, art. 27 à 29
JurisClasseur : Travail Traité, Fasc. 3-60, par Yann Aubrée
35. V. JCl. Travail Traité, Fasc. 3-60, préc. note 27, § 107.