Détection et dosage de composés allergènes

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Détection et dosage de composés allergènes
TECHNOLOGIE APPLIQUÉE
Saïd Kinani1, Stéphane Bouchonnet1, Axelle Magne2
Détection et dosage de composés
allergènes dans des compositions
de parfumerie par couplage
chromatographie en phase gazeuse
- spectrométrie de masse
RÉSUMÉ
Couplage
p g
L’analyse des allergènes dans les parfums constitue depuis plusieurs années un défi majeur
pour l’industrie de la parfumerie et des cosmétiques. Le couplage entre la chromatographie en
phase gazeuse et la spectrométrie de masse (GC-MS) apparaît comme la technique de choix
pour l’analyse de ces composés. Cependant, la présence d’interférents nombreux et abondants
rend l’analyse particulièrement difficile, à tel point que, malgré les enjeux économiques et
légaux, il n’existe pas aujourd’hui de méthode validée pour la quantification des allergènes dans
les parfums. Nous avons développés et comparés trois méthodes de GC-MS : une méthode de
SIM (« Selected Ion Monitoring ») sur quadripôle et deux méthode de spectrométrie de masse
en tandem, l’une sur trappe ionique, l’autre sur triple quadripôle. Les méthodes de SIM et de
MRM (« Multiple Reaction Monitoring ») ont été appliquées à l’analyse d’une cinquantaine de
compositions de parfumerie. Aucune des deux méthodes n’est totalement satisfaisante mais
la MRM est globalement la plus performante : elle est plus précise en quantification et fournit
statistiquement moins de faux positifs (allergène détecté alors que celui-ci n’est pas présent
dans le parfum) et de faux négatifs (allergène présent mais non détecté) que le SIM.
MOTS CLEFS
Allergènes, parfums, chromatographie en phase gazeuse, spectrométrie de masse
Analysis of allergen compounds in fragrances by gas chromatography
- mass spectrometry
SUMMARY
Analysis of allergens in fragrances remains a very challenging task for perfume and cosmetic manufacturers. The
coupling between gas chromatography and mass spectrometry (GC-MS) constitutes a technique of choice for the
analysis of these compounds. Numerous and abundant interfering compounds make the analysis such difficult
that there is no validated method to quantify allergen in fragrances nowadays, in spite of legal and economical
stakes. We developed and compared three GC-MS methods. One uses a quadrupole in the selected ion
monitoring (SIM) mode. Other methods use tandem mass spectrometry; one is performed on an ion trap and one
uses a triple quadrupole in the multiple reaction monitoring (MRM) mode. Both the SIM and MRM methods were
applied to the analysis of fifty fragrance compositions. None of both methods provides fully satisfactory results
but MRM appears as the most efficient one: it is more precise in quantitation and provides less false negatives (a
present allergen is non detected) and false positives (an allergen is detected whereas it is not present) than SIM.
KEYWORDS
Allergens, fragrances, gas chromatography, mass spectrometry
1
Département de Chimie, Laboratoire des Mécanismes Réactionnels - Ecole Polytechnique - 91128 Palaiseau cedex – Tél. : 01 69 33 34 01 - E-Mail :
[email protected]
2
Yves Rocher - Laboratoire central d’analyses DQ DIAD - Les Gâtinais - 56201 La Gacilly cedex
28
SPECTRA ANALYSE n° 248 • Janvier-février-mars 2006
Technologie appliquée
Détection et dosage de composés allergènes dans les compositions de parfumerie
par couplage chromatographie en phase gazeuse - spectrométrie de masse
I - Introduction
L’analyse des allergènes dans les parfums constitue depuis plusieurs années un défi majeur pour l’industrie
de la parfumerie et des cosmétiques. Les parfums sont
de plus en plus l’objet de l’attention des allergologues
et des dermatologues en raison de l’augmentation des
réactions positives observées lors des tests épicutanés d’un bilan allergologique de contact (1, 2). L’IFRA
(«International Fragrance Association») fournit des
recommandations quant aux composés allergènes à
analyser ; une liste de 24 constituants fait aujourd’hui
référence (3). Depuis le 11 septembre 2004, le 7ème
amendement de la directive Cosmétique de la législation européenne impose l’étiquetage des allergènes
présents à plus de 10 ppm dans les produits rincés (savons, shampooings, etc.) et à plus 100 ppm dans les
produits non rincés (parfums, déodorants, etc.) (4).
Etant donnée la volatilité des constituants de parfums,
le couplage entre la chromatographie en phase gazeuse et la spectrométrie de masse (GC-MS) est sans
conteste une technique de choix pour la détection et
la quantification des allergènes dans les compositions
de parfumerie (5). Il n’existe pas aujourd’hui de norme
pour l’analyse de ces molécules dans les parfums car
aucune des méthodes développées à ce jour n’est parfaitement satisfaisante. La difficulté tient à deux facteurs principaux :
1) les compositions de parfumerie sont extrêmement complexes ; elles comportent des dizaines
voire des centaines de molécules. Une extraction
sélective des allergènes est inenvisageable car les
propriétés physico-chimiques de ces derniers sont
à la fois très diverses et souvent voisines de celles
de certains interférents ;
2) certaines molécules allergènes sont susceptibles
d’être présentes dans des parfums ou des bases de
parfumerie à des concentrations allant de l’infinitésimal à 90% de la composition ; aucun spectromètre de masse ne peut assurer une quantification
précise sur une telle gamme dynamique, à moins
d’injecter le parfum à différentes concentrations.
Etant donnés les enjeux économiques impliqués,
les sociétés communiquent peu sur leurs méthodes analytiques et les publications relatives à l’analyse des allergènes sont très peu nombreuses. La
validation des méthodes dans le domaine de l’analyse des allergènes fait toutefois l’objet d’un groupe
de travail associant l’Agence française de normalisation (AFNOR) et le Comité européen de normalisation (CEN). Une démarche similaire a été
engagée dans le domaine des cosmétiques et de
la parfumerie par le COLIPA (european cosmetic
toiletry and perfumery association), ces travaux
visent l’élaboration de directives techniques dans
des domaines comme, par exemple, la préparation
des échantillons.
Les méthodes de GC-MS « classiques » utilisant la
détection en SIM (« Single Ion Monitoring »), ont
montré leurs limites : elles imposent le recours à
des chromatogrammes réalisés en balayage sur
une large gamme d’ions (pour confirmer l’identifi-
cation de certains allergènes) (6) et/ou à des analyses menées en parallèle avec des colonnes capillaires de polarités différentes. Dans les deux cas, la
composition de parfumerie doit être injectée deux
fois ou plus si la gamme des teneurs en allergènes
impose de procéder à l’analyse à deux niveaux de
dilution (7). Les résultats présentés sont satisfaisants mais portent sur un petit nombre de cas.
La principale limite de ces méthodes tient à leur
durée ; non pas à la durée de l’analyse elle-même,
analyse aisément automatisable, mais plutôt au
temps que doit consacrer l’analyste à l’exploitation
des chromatogrammes obtenus : le traitement
automatique des données n’est pas suffisamment
fiable et chacun des pics chromatographiques doit
être observé, tour à tour, pour vérifier qu’il n’est
pas sujet à coélution.
La technique de chromatographie en phase gazeuse bidimensionnelle couplée à la spectrométrie de
masse a été récemment testée pour l’analyse des
allergènes dans des bases de parfums ; les auteurs
s’accordent sur le caractère prometteur des résultats obtenus mais les tests ont été trop peu nombreux (seuls quelques cas d’analyse ont été présentés) pour conclure à une méthode infaillible (8, 9).
La versatilité et la robustesse du système sur des
analyses de routine restent à démontrer.
A notre connaissance, aucune méthode utilisant la
spectrométrie de masse en tandem n’a été publiée
alors que cette technique est, par théorie, la plus
performante qui soit, en termes de sélectivité et de
spécificité (10).
Nous avons développé trois méthodes pour l’analyse par GC-MS des allergènes dans les parfums,
elle se fondent sur :
1) l’utilisation d’un simple quadripôle en SIM à 3
ions ;
2) l’utilisation d’un triple quadripôle en MRM
(« Multiple Reaction Monitoring ») à 2 transitions ;
3) l’utilisation d’une trappe ionique en mode MS/MS.
Ces trois méthodes comportent rigoureusement
le même protocole de séparation chromatographique. Elles ont été comparées en termes de seuil
de détection, linéarité de la réponse et répétabilité. Les méthodes SIM et MRM ont permis de
déterminer les concentrations en allergènes d’une
cinquantaine de compositions de parfumerie
fournies par trois grandes entreprises françaises
de parfums et cosmétiques. Pour chacun de ces
parfums, les concentrations en allergènes ont pu
être estimées à partir des fiches techniques des
matières premières et comparées à nos résultats.
Cette étude fournit des données statistiques sur la
fiabilité des méthodes SIM et MRM comparées.
REMERCIEMENTS
Les auteurs
tiennent à
remercier les
sociétés Yves
Rocher, Guerlain
et L’Oréal pour leur
précieux concours.
II - Appareillage et méthodes
1. Produits et solvants
Les allergènes de référence ainsi que le 1,4-dibromobenzène et le 4,4’-dibromobiphényl ont été
SPECTRA ANALYSE n° 248 • Janvier-février-mars 2006
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TECHNOLOGIE APPLIQUÉE
fournis par les Sociétés Yves Rocher et Guerlain.
La liste des molécules est donnée dans le tableau I.
Toutes les dilutions ont été réalisées dans l’éthanol
(pureté 99,9 % - Sigma-Aldrich – Saint Quentin
Fallavier - France). Les bases de parfums, évidemment gardées anonymes, ont été gracieusement
fournies par les Sociétés Yves Rocher, Guerlain et
L’Oréal.
Figure 1
Chromatogramme
d’une solution standard
d’allergènes à 50 ppm.
Se reporter au tableau I
pour l’identification des
allergènes et étalons
internes.
2. Chromatographie en phase gazeuse
Le chromatographe en phase gazeuse VARIAN
CP-3800 équipé d’un passeur automatique
d’échantillons VARIAN CP-8400 est commun aux
deux appareils de couplage GC-MS utilisés pour
cette étude. La séparation chromatographique est
réalisée sur une colonne capillaire VARIAN de
phase stationnaire peu polaire (10% diphényl / 90%
diméthyl polysiloxane) «Factor Four VF-XMS»
(60 m, 0,25 mm, 0,25 μm). L’utilisation d’une colonne capillaire plus courte complique considérablement l’exploitation des chromatogramme car
elle augmente les coélutions entre allergènes et
les coélutions entre allergènes et interférents. Elle
oblige par ailleurs à augmenter le nombre d’ions
(SIM) ou de transitions (MRM) à détecter dans le
même segment chromatographique, ce qui implique une baisse significative de la précision de la
méthode en quantification ainsi que des seuils de
détection supérieurs. La phase stationnaire la plus
couramment utilisée pour l’analyse des allergènes
en parfumerie est moins polaire (5% diphényl /
95% diméthyl polysiloxane) que celle retenue pour
cette étude. Après tests comparatifs, nous avons
constaté que la «Factor Four VF-XMS» procure
des pics chromatographiques légèrement plus fins
pour les allergènes les plus tardivement élués. Les
injections sont effectuées en mode «splitless» avec
30
SPECTRA ANALYSE n° 248 • Janvier-février-mars 2006
un temps de fermeture de la vanne de «split» de 0,8
minutes ; 1 μl d’échantillon est injecté pour chaque
analyse. La température de l’injecteur est de 280
°C. Le débit d’hélium est électroniquement régulé
à 1,4 cc/min. La programmation en température
du four est la suivante : 1 min. à 50 °C, montée à
250 °C à 3,5 °C/min. puis à 280°C à 20°C/min., palier de 0,36 min. à 280 °C pour une durée totale de
1 heure. Les conditions chromatographiques sont
rigoureusement identiques pour les trois méthodes de GC-MS développées. La figure 1 montre le
chromatogramme (courant ionique total), obtenu
dans les conditions décrites ci-dessus, d’une solution standard d’allergènes à 50 ppm.
3. Spectrométrie de masse
Les trois méthodes développées lors de cette étude utilisent l’ionisation électronique à 70 eV. Nous
avons réalisé des essais préliminaires en ionisation
chimique (IC) au méthanol avec la trappe ionique.
Les résultats sur les allergènes sont prometteurs
en termes de seuil de détection et de répétabilité
mais les étalons internes recommandés par l’IFRA
ont de très faibles affinités protoniques et leur facteur réponse est très faible en IC. Valider une méthode d’IC pour l’analyse des allergènes imposerait
de remplacer les étalons préconisés par l’IFRA.
3.1 – Développement des méthodes de SIM
et de MRM
Les méthodes de SIM et de MRM ont été développées avec un analyseur triple quadripôle VARIAN
1200 et présentent les caractéristiques suivantes.
La « fenêtre d’ouverture » du quadripôle est de 0,7
m/z en SIM ; elle est de 1,5 m/z pour chacun des
quadripôles en MRM. La fréquence d’acquisition
Technologie appliquée
Détection et dosage de composés allergènes dans les compositions de parfumerie
par couplage chromatographie en phase gazeuse - spectrométrie de masse
Tableau I.
Principaux paramètres d’acquisition des méthodes SIM, MRM et MS/MS optimisées.
Les ions en gras sont ceux retenus pour la qualification.
Analytes
MS/MS en trappe ionique
SIM
MRM en TQ
Ions (m/z)
Transitions (Vcoll en Volt)
Tret.
(min)
Parent (m/z) Vcoll (V)
Fils (m/z)
Limonène
17,35
93 + 121 +136
121¤ 93 (15)
136 ¤ 121 (15)
93
1,2
91 + 65
Alcool benzylique
18,33
79 + 107 + 108
108 ¤ 79 (15)
108 ¤ 107 (15)
108
0,5
91 + 79
Linalol
20,23
93 + 121 +136
121 ¤77 (20)
121 ¤ 91 (20)
121
0,8
81 + 93
Méthylheptine carbonate
24,70
95 + 123 + 139
123 ¤ 77 (20)
123 ¤ 123 (10)
155
0,8
95 + 123
EI-1
25,37
234 + 236 + 238
236 ¤ 155 (40)
236 ¤ 157 (40)
236
1,0
157 + 155
Citronnellol
25,55
123 + 138 + 156
138 ¤ 95 (15)
138 ¤ 123 (15)
123
0,6
81 + 95
Néral
26,34
109 + 119 + 137
109 ¤ 108 (15)
109¤ 109 (10)
135
1,0
119 + 105
Géraniol
26,56
69 + 123 + 139
123 ¤ 81 (18)
123 ¤ 123 (15)
137
0,9
121 + 95
Géranial
27,54
109 + 137 +152
137 ¤ 95 (20)
137 ¤ 137 (10)
135
1,0
119 + 105
Hydroxycitronellal
28,42
59 +121 + 139
139 ¤ 91 (15)
139 ¤ 139 (10)
137
1,0
95 + 81
Aldéhyde cinnamique
28,62
103+ 131 + 132
131 ¤ 77 (10)
131 ¤ 131 (20)
131
1,0
103 + 77
Alcool anisique
28,92
109 + 137 + 138
138 ¤ 109 (15)
138 ¤ 137 (15)
138
0,6
121 + 109
Alcool cinnamique
29,78
105 + 115 + 134
134 ¤ 91 (15)
134 ¤ 105 (15)
134
0,3
133 + 117
Eugénol
31,09
103 + 131 + 164
164 ¤ 91 (25)
164 ¤ 103 (25)
164
1,0
149 + 131
Isoeugénol
34,83
103 +131 + 164
164 ¤ 91 (25)
164 ¤ 103 (25)
164
1,0
149 + 131
Méthyl ionone gamma
35,14
135 +150 + 206
135 ¤ 79 (25)
150 ¤ 91 (25)
135
0,7
107 + 91
Coumarine
35,49
90 + 118 +146
146 ¤ 90 (20)
146 ¤ 118 (20)
146
0,4
146 + 118
Lilial
37,39
131+ 189 + 204
189 ¤ 91 (25)
204 ¤ 189 (15)
189
0,7
131 + 119
Aldéhyde amylcinnamique
41,41
115 +129 + 202
202 ¤ 129 (15)
202 ¤ 145 (15)
203
1,0
145 + 173
Lyral
42,26
93 + 177 + 192
192 ¤ 159 (20)
192 ¤ 177 (20)
175
1,5
159 + 131
Alcool amylcinnamique
42,41
133 + 115 + 204
204 ¤ 130 (20)
204 ¤ 148 (20)
187
1,2
117 + 131
Farnésol
42,97
69 + 81 + 121
136 ¤ 93 (20)
136 ¤ 121 (20)
121
1,0
81 + 95
Aldéhyde hexylcinnamique
44,49
216 + 215 + 129
216 ¤ 129 (15)
216 ¤ 215 (15)
216
1,1
145 + 129
Benzoate de benzyle
45,82
167 + 194 + 212
212 ¤ 152 (25)
212 ¤ 165 (25)
91
1,0
77 + 91
Salicylate de benzyle
48,86
91 + 121 + 228
228 ¤ 91 (20)
228 ¤ 228 (15)
91
1,2
65 + 91
EI-2
53,12
151 +150 + 152
152 ¤ 126 (30)
152 ¤ 150 (30)
152
1,3
150 + 124
Cinnamate de benzyle
55,21
192 + 193 +238
192 ¤ 115 (35)
192 ¤ 165 (35)
193
1,0
178 + 165
SPECTRA ANALYSE n° 248 • Janvier-février-mars 2006
31
TECHNOLOGIE APPLIQUÉE
est de 2,5 spectres/seconde. Le courant d’ionisation est fixé à 150 μA. Le multiplicateur d’électrons
est en mode «standard» (valeur automatiquement
ajustée par le logiciel ; 1140 V dans notre cas) pour
les segments d’acquisition comportant un seul allergène, en mode «high gain» (1340 V dans notre
cas) pour les segments comportant plusieurs allergènes (ou un allergène et un étalon interne). Les
analytes groupés dans un même segment en raison
de temps de rétention très proches apparaissent sur
fond vert dans le tableau I. Les températures de la
ligne de transfert, de la source et de l’enceinte contenant les quadripôles sont respectivement de 280,
220 et 40°C. En MRM, l’activation par collisions
est réalisée avec de l’argon à une pression partielle
dans la cellule de 1,0 mBar. Le tableau I récapitule
les principaux paramètres associés à la détection
des allergènes pour ces deux méthodes : les 3 ions
retenus pour le SIM, les 2 transitions choisies pour
la MRM en triple quadripôle et les tensions d’accélération associées (proportionnelles à l’énergie
de collision). L’ion représenté en caractère gras est
celui retenu pour la quantification.
riations des abondances relatives des ions dépend
de l’abondance de ces derniers ; nous avons appliqué les critères préconisés par le JOCE (« Journal
Officiel de la Communauté Européenne ») (11). La
quantification est réalisée avec les étalons internes
recommandés par l’IFRA : le 1,4-dibromobenzène
et le 4,4’-dibromobiphényl, respectivement désignés par « EI-1 » et « EI-2 » dans les figures et
tableaux. Ces étalons sont ajoutés aux parfums de
manière à ce que chacun soit à 50 ppm. Chaque
allergène est quantifié relativement à l’étalon dont
il est le plus proche en temps de rétention. Lorsqu’un allergène comporte plusieurs constituants,
comme par exemple le farnésol qui fournit trois
pics chromatographiques majoritaires, étalonnage
et quantification sont réalisés à partir du constituant le plus abondant. Seuls les deux isomères du
citral, néral et géranial, sont quantifiés séparément
car ils sont disponibles purs ou presque.
3.2 – Développement de la méthode de
MS/MS
1. Comparaison des méthodes analytiques
Une méthode de MS/MS a également été développée sur une trappe ionique à ionisation interne
«Saturn 2000» VARIAN. Le courant d’émission
des électrons est de 50 μA et le temps d’ionisation
est automatiquement ajusté grâce à un protocole
«AGC» («Automatic Gain Controller»). La tension du multiplicateur d’électrons est fixée 200 V
au dessus de la valeur automatiquement ajustée
(1750 V dans notre cas). L’activation par collisions
est réalisée en mode résonant. Pour chaque allergène, l’ion précurseur est isolé en 5 ms à un qz de
0,3 avec une fenêtre de 3,0 m/z. L’excitation par
résonance dure 20 ms. Les ions précurseurs et ions
fils choisis sont donnés dans le tableau I, ainsi que
l’amplitude de la radiofréquence (notée «Vcoll.»)
appliquée pour la mise en résonance de l’ion parent. La répartition des allergènes en segments
analytiques est rigoureusement identique à celle
des méthodes développées en simple et triple quadripôle. Pour chaque segment, la gamme de balayage débute 5 Th sous l’ion fils de plus petit m/z
et termine 5 Th au dessus de l’ion fils de plus grand
m/z. La fréquence d’enregistrement des spectres
est de 4 spectres/seconde.
4. Quantification
La quantification est réalisée automatiquement,
par logiciel, pour les trois méthodes de GC-MS,
avec 1 ion pour la quantification plus 2 ions « qualifiants » en SIM et 1 ion pour la quantification plus
1 ion « qualifiant » pour chacune des méthodes de
MS/MS et MRM. Le terme «qualifiant» signifie que
l’ion a été jugé caractéristique de l’analyte et que
son abondance relative (par rapport à celle de l’ion
utilisé pour la quantification) est retenue comme
critère d’identification. La tolérance quant aux va32
SPECTRA ANALYSE n° 248 • Janvier-février-mars 2006
III - Résultats et interprétation
Le tableau II présente les performances des trois
méthodes de GC-MS en termes de limites de
quantification, linéarité des facteurs de réponse
et coefficients de variation à 10 et 100 ppm pour
chacun des allergènes. Les seuils de quantification
ont été estimés pour un rapport signal sur bruit
de 10 sur le profil chromatographique de l’ion retenu pour la quantification. Nous avons vérifié que
le rapport des abondances des deux ions fils est
conforme aux critères de la méthode à la concentration retenue pour limite de quantification. La linéarité du facteur de réponse (r2) a été calculée sur
une gamme de concentrations allant du seuil de
quantification à 100 ppm. Les coefficients de variation ont été calculés à partir des écarts-types de
résultats de quantification portant sur 8 injections
à 10 ppm (uniquement pour les allergènes dont
la limite de détection est inférieure ou égale à 10
ppm), et 8 injections à 100 ppm.
1.1- MS/MS en trappe ionique
Les seuils de quantification obtenus en MS/MS
avec la trappe ionique sont supérieurs à 10 ppm
pour 7 allergènes ; ils atteignent 40 ppm pour la
méthylheptine carbonate, le géraniol, le géranial,
l’hydroxycitronellal, l’alcool amylcinnamique et le
farnésol. Ces seuils élevés, comparés à ceux fournis par les autres méthodes, s’expliquent par le fait
que la trappe ionique ne permet pas de suivre des
ions sélectionnés comme en SIM ni des transitions
comme en MRM avec un triple quadripôle, elle
fonctionne nécessairement en balayage et le temps
imparti à la détection des ions d’intérêt est court ;
la sensibilité en MS/MS s’en trouve diminuée. Par
ailleurs, le facteur réponse de certains allergènes
n’est pas parfaitement linéaire (< 0,99) sur le domaine considéré et les coefficients de variation
des analyses réalisées en MS/MS avec la trappe
Technologie appliquée
Détection et dosage de composés allergènes dans les compositions de parfumerie
par couplage chromatographie en phase gazeuse - spectrométrie de masse
Tableau II
Limites de quantification (LOQ), linéarités des facteurs réponse (r2) et coefficients de
variation (CV) des méthodes de SIM, MRM et MS/MS optimisées.
SIM à 3 ions en quadripôle
MRM en triple quadripôle
CV (%)
Analytes
CV (%)
2
LOQ
r
Limonène
1
Alcool benzylique
MS/MS en trappe ionique
CV (%)
2
LOQ
r
LOQ
r
4,3
1
2,7
1
1,3
1,0
1,3
1,1
0,999
3,0
0,999
3,6
1
0,995
1
0,996
EI-1
-
-
-
Citronellol
2,7
2,2
0,995
1,8
2
0,996
Géranial
1
Hydroxycitronellal
10
ppm
100
ppm
10
ppm
100
ppm
0,998
5,3
0,996
3,3
1
0,998
1
0,999
Linalol
1
2,2
1
Méthylheptine carbonate
1,7
2,5
-
-
2
0,996
Néral
1
Géraniol
2
10
ppm
100
ppm
0,994
13,9
9,4
2
0,996
11,3
4,6
2,4
6
0,996
2,3
0,2
5,0
3,4
40
0,999
-
2,7
-
-
-
-
-
-
-
2
0,999
3,6
2,4
6
0,998
6,0
0,9
4,0
2
0,999
1,6
2,2
20
0,993
-
1,8
4,2
3,5
6
0,993
2,6
4,6
40
0,998
-
9,0
0,994
1,8
3,7
1
0,997
0,9
1,4
40
0,999
-
8,1
1
0,994
2,3
4,8
6
0,993
3,0
2,6
40
0,970
-
20,3
Aldéhyde cinnamique
1
0,993
2,0
3,4
1
0,998
3,6
3,0
2
0,978
12,9
2,0
Alcool anisique
2
0,994
2,3
2,9
2
0,997
2,1
1,3
6
0,998
1,2
0,8
Alcool cinnamique
2
0,996
1,5
2,3
2
0,996
2,9
3,4
6
0,986
6,2
2,2
Eugénol
1
0,997
4,3
1,0
1
0,998
0,4
1,7
1
0,998
4,0
1,0
Isoeugénol
1
0,998
2,5
1,0
1
0,998
1,3
1,6
1
0,997
23,6
4,9
Méthyl ionone gamma
1
0,997
1,5
1,9
1
0,999
0,7
1,2
1
0,997
31,9
6,7
Coumarine
1
0,997
1,3
1,8
1
0,999
0,9
0,8
1
0,997
25,8
7,6
Lilial
1
0,995
0,6
2,6
1
0,997
2,7
3,1
1
0,997
20,9
5,7
Aldéhyde amylcinnamique
1
0,995
0,7
0,8
1
0,999
2,3
3,9
1
0,999
20,8
5,6
Lyral
2
0,998
2,0
1,5
6
0,998
3,2
2,2
10
0,993
13,6
8,2
Alcool amylcinnamique
2
0,994
4,5
0,4
2
0,997
4,0
0,9
40
0,999
-
18,2
Farnésol
6
0,991
21,1
4,8
8
0,993
6,2
2,2
40
0,982
-
4,7
Aldéhyde hexylcinnamique
1
0,999
2,2
0,9
1
0,993
2,5
3,0
1
0,999
19,1
6,7
Benzoate de benzyle
1
0,998
1,4
1,1
1
0,999
2,9
2,2
2
0,995
8,0
5,9
Salicylate de benzyle
2
0,997
1,1
1,0
6
0,997
2,0
0,4
2
0,995
24,5
8,2
EI-2
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
Cinnamate de benzyle
1
0,999
1,3
1,2
1
0,999
0,3
0,5
2
0,997
19,1
2,5
SPECTRA ANALYSE n° 248 • Janvier-février-mars 2006
33
TECHNOLOGIE APPLIQUÉE
ionique à partir d’une solution standard à 10 ppm
ne sont pas satisfaisants puisqu’ils atteignent des
valeurs de l’ordre de 25 % pour bon nombre d’analytes. Ces variations importantes sont imputables
au manque de sensibilité évoqué plus haut mais
également aux problèmes d’autoprotonation, fréquemment rapportés par les utilisateurs de ce
type de spectromètre de masse, que nous avons
constatés lors de ces analyses. Cela signifie que
la méthode MS/MS en trappe ionique n’est pas
performante aux concentrations les plus basses et
qu’elle ne peut convenir à l’analyse des allergènes
dans des produits non rincés (sauf à envisager une
reconcentration de l’échantillon, ce qui est délicat
et peut considérablement augmenter l’incertitude
de mesure).
1.2- Perspectives avec la trappe ionique
La trappe ionique pourrait néanmoins être particulièrement efficace avec une méthode «hybride»
utilisant, tour à tour, au cours d’une même séparation chromatographique, l’ionisation électronique
et l’ionisation chimique. La trappe ionique à ionisation interne est le seul spectromètre de masse à
permettre le recours à des méthodes de ce type ;
l’efficacité de ces dernières a déjà été démontrée
(12). Le recours à l’ionisation chimique impose de
s’éloigner des recommandations de l’IFRA mais
nos premiers résultats dans ce domaine sont très
prometteurs.
1.3- SIM et MRM en simple et triple
quadripôle
Les tests sur compositions de parfumerie présentés
ci-dessous ont été réalisés en ionisation électronique avec les méthodes de SIM en simple quadripôle et de MRM en triple quadripôle. La comparaison de ces dernières en termes de performances
montre que, sur les solutions de standards, le SIM
procure des limites de détection plus basses que la
MRM. Il est clair qu’en MRM, l’étape d’activation
par collisions entraîne inévitablement une perte
d’ions d’intérêt, expliquant l’obtention de limites
de quantification globalement supérieures à celles fournies par le SIM. Avec des seuils inférieurs
à 10 ppm pour tous les allergènes, la méthode
MRM est néanmoins compatible avec les normes
analytiques en cours. Il est à noter que, dans ses
recommandations portant sur les méthodes analytiques, le JOCE attribue 5 points d’identification
aux méthodes de MRM impliquant 2 transitions
à partir de 2 ions précurseurs et 4 points à celles
impliquant 2 transitions à partir d’un unique parent (13). Nous avions donc tenté, dans un premier
temps, de développer la méthode de MRM avec
2 ions précurseurs pour chaque allergène mais la
méthode résultante fournissait des seuils de détection trop élevés pour certains analytes. Nous avons
donc optimisé une méthode « hybride » avec 2
ions précurseurs chaque fois que c’est possible et
un seul quand nécessaire. Les valeurs des coefficients de variation (CV) calculés sur les mesures
à 10 et 100 ppm sont du même ordre de grandeur
34
SPECTRA ANALYSE n° 248 • Janvier-février-mars 2006
en SIM et en MRM. Etant données les incertitudes
inhérentes à la quantification des allergènes dans
les parfums, ils sont très satisfaisants (inférieurs à
5%) dans la majorité des cas. Il est à noter néanmoins que le SIM fournit un CV particulièrement
élevé pour le farnésol à 10 ppm : 21,1 %.
2. Application à l’analyse de compositions de
parfumerie
En partenariat avec les laboratoires de trois grandes industries de parfumerie et de cosmétiques,
nous avons testé les méthodes de SIM en quadripôle et de MRM en triple quadripôle sur des matières premières naturelles et des compositions de
parfumerie (bases qui seront diluées dans l’éthanol
pour réaliser un parfum). Chaque échantillon a
été analysé dilué à 1,0 % et à 0,1 % ; la valeur de
concentration retenue pour chaque allergène est
celle dont la détermination s’est faite la plus « au
centre » de la droite de calibration (là où les déviations des points de gamme par rapport à la
droite de calibration sont les moins importantes).
Les résultats des analyses effectuées avec chacune
des méthodes sont comparés aux concentrations
théoriques, concentrations estimées à partir des
fiches de sécurité des fournisseurs de matières
premières. Quelques compositions ont été réalisées spécialement pour cette étude, exclusivement
à partir de matières premières dont les teneurs en
allergènes étaient précisément connues. La principale difficulté de la comparaison réside en effet
dans le fait que les estimations des fournisseurs
peuvent se révéler approximatives : selon les cas,
les concentrations en allergènes sont estimées à
partir de données bibliographiques, de fiches de
sécurités d’un fournisseur en amont, de dosage par
GC-FID (détecteur à ionisation de flamme), par
GC-MS, etc. Par précaution, les concentrations en
allergènes indiquées sur les fiches de sécurité des
fournisseurs sont généralement surestimées. Dans
la confrontation des résultats aux données des
fournisseurs, nous avons donc appliquée une «tolérance» de 20 %. A titre d’exemple, le tableau III
montre une comparaison des résultats obtenus en
SIM et en MRM. Lorsque la valeur déterminée ne
s’écarte pas de plus de 20 % de la valeur attendue,
le résultat est considéré comme correct. Lorsque
le résultat s’écarte de plus de 20 % de la valeur
attendue, on considère qu’il y a surestimation ou
sous-estimation. Il y a «faux positif» lorsque la
présence d’un allergène est détectée alors que celui-ci n’est pas présent dans le parfum, «faux négatif» lorsqu’un allergène présent n’est pas détecté.
Le tableau 3 donne un exemple de comparaison
SIM / MRM sur une composition de parfumerie.
Le tableau IV (voir page 36) fournit la compilation
des analyses réalisées par SIM et par MRM sur
une cinquantaine de compositions de parfumerie.
Pour chacun des allergènes, nous avons rapporté,
en pourcentage, la proportion de surestimations,
sous-estimations, faux positifs, faux négatifs et résultats satisfaisants obtenus en SIM et en MS/MS.
Technologie appliquée
Détection et dosage de composés allergènes dans les compositions de parfumerie
par couplage chromatographie en phase gazeuse - spectrométrie de masse
Analytes
Quantité estimée (ppm)
Quantité mesurée par la
méthode SIM (ppm)
Quantité mesurée par la
méthode MRM (ppm)
Limonène
59,4
51,7
57,0
Alcool benzylique
2,0
1,7
1,5
Linalool
32,9
32,1
35,5
Méthylheptine carbonate
0,0
0,5
0,0
faux positif
Citronellol
102,7
74,6
102,0
sous-estimation
Néral
1,30
0,00
1,25
faux négatif
Géraniol
57,8
65,6
55,8
Géranial
1,5
1,4
1,1
Hydroxycitronellal
20,6
22,6
19,6
Aldéhyde cinnamique
-
0,23
0,06
Alcool anisique
-
-
-
Alcool cinnamique
-
-
-
Eugénol
4,3
4,4
4,2
Isoeugénol
0,5
0,5
0,5
Méthyl ionone gamma
5,1
4,1
4,6
Coumarine
52,7
49,3
56,9
Lilial
-
-
-
Aldéhyde amylcinnamique
3,8
4,2
4,1
Lyral
0,0
4,7
0,0
faux positif
Alcool amylcinnamique
0,0
5,3
0,0
faux positif
Farnésol
-
-
-
Aldéhyde hexylcinnamique
-
-
-
Benzoate de benzyle
12,9
11,1
13,3
Salicylate de benzyle
1,9
2,1
2,2
Cinnamate de benzyle
-
-
-
Commentaires
sous-estimation
sous-estimation
faux positif
Tableau 3
Comparaison des résultats
obtenus par les méthodes
de SIM et de MRM sur
une composition de
parfumerie. Les résultats
présentés sur fond vert
sont ceux qui posent
problème.
Les résultats présentés sont à nuancer en fonction
du pourcentage d’occurrence dans les parfums testés. Certains allergènes sont statistiquement peu
présents dans les parfums. Par exemple, l’alcool
anisique et l’alcool cinnamique ont des occurrences de 8 % (soit 4 parfums sur les 50 analysés). Le
nombre de cas est alors trop faible pour que les
statistiques associées soient recevables en tant que
telles, elles constituent seulement une indication
de tendance. La majorité des allergènes présente
un pourcentage de résultats satisfaisants supérieur
à 75 % (17/25 en SIM, 21/25 en MRM) mais les
problèmes demeurent nombreux. Les faux positifs
sont fréquents, particulièrement en SIM. Ils sont
dus à des interférents présentant à la fois des temps
de rétention voisins de ceux des allergènes concernés et des ions communs avec ces allergènes dans
les mêmes proportions relatives. Pour quelques allergènes (méthylheptine carbonate, géranial, aldéhyde cinnamique, cinnamate de benzyle), les faux
SPECTRA ANALYSE n° 248 • Janvier-février-mars 2006
35
TECHNOLOGIE APPLIQUÉE
Tableau 4
Présentation statistique
des résultats obtenus
sur une cinquantaine
de parfums en SIM et
MRM. Occurrences et
résultats sont donnés en
pourcentage.
positifs concernent 16 % des analyses réalisées en
MRM alors que ce mode d’acquisition est réputé
particulièrement spécifique. Ce résultat décevant
illustre la principale difficulté de l’analyse des allergènes : certains interférents sont de structures
très voisines, parfois même isomères de l’allergène
à quantifier. C’est ainsi que de nombreux terpènes
Résultats en SIM
Analytes et
occurrence (%) dans les tests
36
ont des propriétés physico-chimiques très voisines
de celles du limonène et des spectres de masse
quasiment identiques : les risques d’interférence
sont très grands. L’exemple du lyral est éloquent
: nos analyses montrent 20 % de faux positifs en
SIM, 12% de faux positifs en MRM. En partenariat
avec les parfumeurs, nous avons pu récemment
Résultats en MRM
Surestimations
Sousestimations
Faux
positifs
Faux
Résul-tats Surestinégatifs satisfaisants mations
Sousestimations
Faux
positifs
Faux
Résultats
négatifs satisfaisants
Limonène
100
24
8
8
0
60
32
0
8
0
60
Alcool benzylique
84
18
6
0
0
76
8
8
0
0
84
Linalool
94
0
8
0
0
92
0
0
8
0
92
Méthylheptine carbonate
16
2
0
8
0
90
0
0
16
0
84
Citronellol
90
0
0
8
8
84
0
0
0
8
92
Néral
76
8
0
0
34
58
8
0
0
24
68
Géraniol
80
24
0
0
16
60
8
0
0
8
74
Géranial
76
18
0
10
0
72
8
8
16
0
68
Hydroxycitronellal
42
0
8
16
0
76
0
2
6
0
92
Aldéhyde cinnamique
74
42
0
16
8
34
24
0
16
0
60
Alcool anisique
6
0
0
0
0
100
0
0
0
0
100
Alcool cinnamique
58
0
8
0
0
92
0
6
6
0
88
Eugénol
82
24
0
8
0
68
8
0
0
0
92
Isoeugénol
50
0
0
20
0
80
0
0
0
0
100
Méthyl ionone gamma
74
6
0
0
6
88
6
0
0
0
94
Coumarine
68
18
0
8
0
74
16
0
8
0
76
Lilial
76
0
0
8
0
92
0
0
8
0
92
Aldéhyde amylcinnamique
36
0
18
0
0
82
0
10
0
0
90
Lyral
24
0
0
20
0
80
0
0
12
0
88
Alcool amylcinnamique
10
0
0
16
8
76
0
0
8
8
84
Farnésol
22
0
8
0
8
84
0
8
0
0
92
Aldéhyde hexylcinnamique
26
0
0
0
0
100
0
8
0
0
92
Benzoate de benzyle
90
10
18
0
0
72
4
8
0
0
88
Salicylate de benzyle
76
16
8
8
0
68
8
8
8
0
76
Cinnamate de benzyle
66
0
0
24
0
76
0
0
16
0
84
SPECTRA ANALYSE n° 248 • Janvier-février-mars 2006
Technologie appliquée
Détection et dosage de composés allergènes dans les compositions de parfumerie
par couplage chromatographie en phase gazeuse - spectrométrie de masse
Figure 2
établir que l’un des constituants d’un produit largement utilisé en parfumerie, l’ «iso E super», fournit, dans nos conditions chromatographiques, un pic très voisin de celui de l’isomère de lyral choisi pour la quantification de cet allergène.
Les ions retenus pour l’identification et/ou la quantification
du lyral (m/z 93, m/z 177 et m/z 192) sont communs au spectre de ce constituant de l’iso E super, constituant dont on sait
aujourd’hui qu’il est responsable des faux positifs répertoriés
pour le lyral. Cet exemple illustre les difficultés inhérentes à
l’analyse des allergènes dans les parfums. Lorsque l’interférent est identifié, il est possible de résoudre le problème soit
en choisissant d’autres ions du spectre du lyral (ou d’autres
transitions en MRM), soit en modifiant les conditions chromatographiques (nature de la phase stationnaire de la colonne capillaire, ou programmation de température du four)
de manière à bien séparer l’allergène de l’interférent. Le très
grand nombre de matières premières utilisées en parfumerie
multiplie les risques d’interférences. Les méthodes développées dans ce travail sur la seule base des allergènes peuvent
être considérablement améliorées en prenant en compte les
autres matières premières de la parfumerie. Une approche
visant à recenser toutes les interférences possibles, dans des
conditions chromatographiques données, et à établir en
conséquence le choix des ions en SIM ou des transitions en
MRM serait incontestablement fastidieuse à optimiser mais
extrêmement efficace. A notre connaissance, il n’existe pas à
ce jour de méthode de ce type présentée dans la littérature.
Extraits de chromatogrammes réalisés en SIM et en MRM à partir d’un même parfum.
SIM (quadripôle)
MRM (triple quadripôle)
Surestimations
8,4
5,2
Sous estimations
3,6
2,6
Faux positifs
5,9
4,4
Faux négatifs
3,5
1,9
Tableau 5
Bilan comparatif des risques d’erreurs (en %) associés aux méthodes SIM et MRM.
Les surestimations, fréquentes en SIM comme en MRM, relèvent pour la plupart du même problème : un interférent
remplissant les critères de sélection de la méthode est intégré
avec l’allergène. La quantité d’interférent s’ajoute à celle de
l’allergène et entraîne la surévaluation de ce dernier. Nous
avons vérifié que, dans la majorité des cas, les sous-évaluations concernent des cas où les allergènes concernés se trouvent à de faibles concentrations dans le parfum (< 10 ppm).
Aux concentrations les plus faibles, l’écart des points de référence à la droite de calibration entraîne une incertitude importante sur la quantification, incertitude à l’origine de bon
nombre de faux négatifs et faux positifs. Les faux négatifs
SPECTRA ANALYSE n° 248 • Janvier-février-mars 2006
37
TECHNOLOGIE APPLIQUÉE
concernent 7 allergènes en SIM, 4 en MRM. Un
faux négatif résulte de la présence d’un interférent
présentant un ou plusieurs ions communs avec l’allergène analysé : les ions du spectre de SIM ou de
MRM de l’interférent ont des proportions relatives différentes de celle du spectre de l’allergène. En
cas de co-élution, les abondances relatives des ions
de l’allergène et de l’interférent s’additionnent : le
spectre résultant n’est pas conforme à celui de référence et le pic chromatographique correspondant
à l’allergène n’est pas intégré, ce dernier n’ayant pas
été identifié malgré sa présence. La MRM fournit
globalement moins de faux négatifs que le SIM. En
SIM à 3 ions, la présence d’un seul ion commun
à l’interférent et à l’allergène suffit à provoquer
un faux négatif alors qu’en MRM, un faux négatif
résulte de la présence d’une transition commune
(même fragmentation à partir du même ion parent). La figure 2 compare des extraits de chromatogrammes obtenus en SIM et en MRM à partir
d’un même parfum ; elle illustre la meilleure sélectivité de la MRM. Globalement, aucune des deux
méthodes n’apparaît parfaitement satisfaisante :
les risques d’erreur demeurent non négligeables.
Il apparaît clairement que les résultats obtenus en
MRM sont significativement meilleurs à ceux du
SIM dans tous les domaines de la comparaison. Le
Tableau 5 dresse un bilan comparatif des risques
d’erreurs associés aux méthodes SIM et MRM. Il
apparaît que la méthode de MRM se révèle fournir
des résultats statistiquement meilleurs tant pour
les sur- et sous-estimations que pour les faux positifs et faux négatifs.
Nous avons procédé à une exploitation non automatisée des données sur une dizaine de parfums
en considérant les pics chromatographiques des
allergènes un par un en en intégrant les pics «manuellement». Cette façon de procéder permet
d’améliorer considérablement les résultats, en
SIM comme en MRM, mais nécessite un temps
d’interprétation incompatible avec des analyses à
haut débit. Nous avons estimé qu’une intégration
«manuelle» des pics chromatographiques réduit le
risque d’erreur d’environ 60 %.
IV - Conclusion
Trois méthodes de GC-MS utilisant l’ionisation
électronique et les étalons internes préconisés
par l’IFRA ont été optimisées : une méthode de
SIM sur quadripôle et deux méthode de spectrométrie de masse en tandem, l’une sur trappe ionique, l’autre sur triple quadripôle. La séparation
chromatographique est satisfaisante ; elle implique
une colonne capillaire légèrement plus polaire que
celle généralement utilisée pour l’analyse des allergènes. Les seuils de quantification obtenus en MS/
MS avec la trappe ionique sont supérieurs à 10
ppm pour certains allergènes. Cette méthode ne
peut donc convenir à l’analyse des allergènes dans
des produits non rincés mais la trappe ionique à
ionisation interne pourrait néanmoins s’avérer
38
SPECTRA ANALYSE n° 248 • Janvier-février-mars 2006
particulièrement efficace avec une méthode «hybride» utilisant à la fois l’ionisation électronique et
l’ionisation chimique.
Les méthodes de SIM sur quadripôle et de MRM
sur triple quadripôle ont été appliquées à l’analyse
d’une cinquantaine de parfums de différentes origines. La quantification a été automatiquement
réalisée par logiciel. Aucune des deux méthodes
n’apparaît parfaitement satisfaisante : le nombre
de surévaluations, sous évaluations, faux positifs
et faux négatifs est significatif quelque soit la méthode considérée. Il apparaît néanmoins clairement que, la méthode de MRM étant plus sélective que le SIM, elle se révèle fournir des résultats
statistiquement meilleurs dans tous les domaines.
Il est à noter qu’une exploitation «manuelle» des
données permet d’améliorer considérablement les
résultats (nous avons estimé la réduction des risques d’erreur à 60 % environ), en SIM comme en
MRM, mais nécessite un temps d’interprétation
incompatible avec des analyses à haut débit.
BIBLIOGRAPHIE
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composants de parfums : aspects cliniques, chimiques et diagnostiques nouveaux.
Revue française d’allergologie et d’immunologie clinique, 2003, 43, 294-300
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parfums. Revue française d’allergologie et d’immunologie clinique, 1997, 37, 641-650
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des allergènes «parfumés». La lettre du G.E.R.D.A., 2005, 19, 5-8
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L66, 26-35
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(11) Décision de la Commission du 12 août 2002 – modalités d’application de la
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(13) Décision de la Commission du 12 août 2002 portant sur les modalités d’application de la directive 96/23/CE du Conseil en ce qui concerne les performances
des méthodes d’analyse et l’interprétation des résultats. Journal officiel des Communautés européennes, 2003, L221, 8-36