Discours grand Orient de France Du courage et des rêves A Reims

Transcription

Discours grand Orient de France Du courage et des rêves A Reims
Discours grand Orient de France
Du courage et des rêves
A Reims, le 26 août 2015
Seul le prononcé fait foi
Mesdames, Messieurs,
Le Grand Orient de France nous invite à avoir du courage et des rêves.
Du courage, il en a fallu aux Français, devant l’effroi des attentats de janvier.
Il leur a fallu du courage pour ne pas céder à la panique.
Il leur a fallu du courage pour ne pas céder à la haine.
Il leur a fallu du courage pour se rassembler et faire cette exceptionnelle démonstration de
fraternité sous le très beau slogan « Je suis Charlie ».
Ces jours tragiques de janvier, la République a été attaquée dans ses principes et dans sa chair.
Ont été brutalisées la liberté d’expression, l’ordre républicain, la laïcité, la fraternité humaine.
Ont été assassinés des visages qui nous étaient chers : nous avons perdu Cabu, le grand
Duduche, cet homme fondamentalement gentil.
Nous avons perdu Wolinski. Comment peut-on tirer sur Wolinski ? Comment avoir l’idée
d’ôter la vie à un homme qui ne faisait que la célébrer ?
On a perdu Bernard Maris, l’économiste iconoclaste, l’écrivain, l’intellectuel.
On a perdu Charb, le libre-penseur, le pourfendeur des extrémismes religieux.
Celui qui disait en 2012 avec cette lucidité acide qui le caractérisait : « j'ai moins peur des
extrémistes religieux que des laïcs qui se taisent. »
1
Je sais que vous qui êtes réunis ici, aujourd’hui, n’êtes pas du genre à vous taire. Et vous avez
raison.
Nous avons un devoir impérieux de parler, de parler de la France et de ce qui en fonde
l’identité depuis plus de deux siècles : la République.
Nous avons le devoir de dire que les morts de Charlie Hebdo nous manquent.
Nous en partagions les idées ou non, ils nous faisaient rire ou non.
Mais leur présence-même nous rassurait sur le fait que notre pays, malgré ses tourments et ses
doutes, n’allait pas si mal. Qu’il restait un génie français.
Nous avons le devoir de dénoncer, avec discernement mais sans retenue, l’idéologie qui soustend ces gestes d’horreur.
Cette idéologie qui conduit à assassiner des journalistes parce qu’ils sont journalistes, des
policiers parce qu’ils sont policiers, des juifs parce qu’ils sont juifs.
Cette idéologie morbide qui méprise la vie humaine.
Le peuple français a souffert, mais il lui faut résister.
La menace n’est pas écartée, chacun le sait.
Les événements récents, bien que d’issue heureuse, nous le rappellent encore une fois.
La question de la sécurité est fondamentale et le Gouvernement s’en est saisi avec
détermination.
Mais cette réponse régalienne, aussi nécessaire soit-elle, ne peut être suffisante.
Il faut parallèlement apaiser l’inquiétude sociale de nos concitoyens.
Le chômage est un fléau qui agit à tous les niveaux : il accule les foyers, mine les esprits,
délite le lien social.
Tout le Gouvernement est mobilisé autour de la lutte contre le chômage, mon ministère
comme les autres.
2
La multiplication des emplois aidés pour aider les jeunes à mettre le pied à l’étrier,
l’investissement massif dans la rénovation urbaine, la diplomatie sportive avec l’accueil de
grands événements internationaux sur notre sol mais aussi l’exportation de nos savoir-faire
dans ce domaine à l’étranger, le soutien aux associations, entre autres de l’économie sociale et
solidaire : tout cela contribue à la croissance et à l’emploi sans lesquels il sera difficile de
réconcilier les Français.
Car l’enjeu fondamental est bien celui-ci : retrouver une unité nationale autour de valeurs
communes et d’un projet partagé.
Les manifestations qui ont suivi les attentats de janvier ne doivent pas entamer notre lucidité :
certains Français sont restés hors champ, soit qu’ils n’adhéraient pas au mot d’ordre, soit
qu’ils s’en désintéressaient.
Il est clairement apparu deux France, une qui était Charlie et l’autre qui ne l’était pas.
Je travaille quotidiennement à leur réconciliation en allant directement auprès de mes
concitoyens :
- dans les quartiers de la politique de la ville, là où les habitants ont parfois le sentiment
légitime d’avoir été oubliés par la République ;
- auprès des jeunes, qui ne se détournent peut-être pas de la politique mais sans doute des
institutions, et qui pour une partie d’entre eux sont dans une forme de désarroi existentiel.
Je travaille donc à la cohésion de mon pays en luttant contre les phénomènes de ghettoïsation.
Nous prenons des mesures inédites pour que l’égoïsme territorial ne l’emporte pas sur
l’impératif de mixité. L’Etat est prêt à intervenir avec force là où la loi sur la construction de
logements sociaux n’est pas respectée. Au contraire, là où la concentration y est très grande,
nous y portons un coup d’arrêt.
Nous ciblons nos moyens pour l’emploi, en particulier l’emploi des jeunes, en priorité dans
ces quartiers.
3
Si on donne leur chance à ces jeunes, je suis certain qu’ils feront leurs preuves, mais
aujourd’hui ils subissent à la fois la conjoncture et les préjugés.
C’est trop.
Je travaille à la cohésion entre les générations, en tachant de donner davantage de perspectives
à la jeunesse. Des perspectives d’emploi, je l’évoquais à l’instant.
Mais aussi des perspectives d’engagement avec le service civique que nous déployons à
grande échelle, et à grande vitesse.
Il était un dispositif confidentiel, il a désormais vocation à être un dispositif universel.
Des perspectives de mobilité, grâce à l’augmentation substantielle des crédits d’Erasmus
notamment. Découvrir le monde, apprendre de nouvelles langues, découvrir de nouvelles
cultures, c’est une expérience indispensable pour la jeunesse d’aujourd’hui qui doit
s’approprier de nouvelles ambitions.
La réconciliation est donc au cœur de mon action politique. Je l’ai nommée pour ma part
cohésion, mais nous parlons bien de la même exigence de fraternité.
Je le disais au début de mon intervention, la France a fait preuve de courage. La France a
aussi besoin de rêver.
Nous avons besoin de reprendre confiance en nous et de reprendre confiance en l’avenir. Ne
pas céder à l’auto-dénigrement, au « French bashing » comme on dit aujourd’hui. Au
contraire avoir la force de se projeter, d’accueillir le futur avec enthousiasme.
De ce point de vue, la conférence climat qui se tiendra en décembre à Paris, sera j’en suis sûr
un grand rendez-vous. Quoi de plus exaltant que de penser le destin de notre premier bien
commun : la planète.
Je souhaiterais que nous ayons d’autres occasions de regarder ensemble ce monde. Celui qui
va de l’occident à l’orient. Celui qui bâtit des ponts et non des murs. Ce monde, comme
4
l’écrivait Einstein, « qui ne sera pas détruit par ceux qui font le mal mais par ceux qui les
regardent sans rien faire. »
Liberté, Egalité, Fraternité.
Vive la République, et vive la France.
5