Hugues PERINET-MARQUET

Transcription

Hugues PERINET-MARQUET
1ères ASSISES
DE LA NUE-PROPRIÉTÉ
Hugues PERINET-MARQUET,
Professeur à l'Université Paris II-Panthéon-Assas,
Président de l'Association Française de Droit de la Construction
Arnaud FLEURY
M. Perinet-Marquet, les articles 253-1 et suivants du Code de la Construction et de
l'Habitation, introduits dans la loi de 2006 institutionnalisent le rapport entre le nupropriétaire et l’usufruitier. Pouvez-vous résumer le contenu de ces dispositions ?
Hugues PERINET-MARQUET
L’usufruit est utilisé dans de nombreux montages immobiliers et patrimoniaux. Ici, la
particularité réside dans le montage d’opérations avec un bailleur social, qui
pratiquera l’usufruit pendant une durée minimale de quinze ans.
Il fallait résoudre des problèmes juridiques liés au bail social et à la copropriété.
Dans le droit classique de l’usufruit, les baux peuvent se poursuivre au-delà de la
période d’usufruit, dans la limite de neuf ans. Or on ne pouvait imaginer que le
locataire HLM reste dans les lieux au-delà de la durée de l’usufruit.
C’est la raison pour laquelle la loi a précisé que l’article ne s’appliquait pas à ces
montages.
Par ailleurs, le locataire HLM a, en principe, un droit au renouvellement dans les
lieux. Ici, un tel principe était contraire au montage. Il fallait donc prévoir la possibilité
de dérogations aux règles du logement social et seule la loi pouvait introduire de
telles clauses. A l’issue de l’usufruit, le locataire social est ainsi déchu de tout droit
au renouvellement. Le bailleur social doit alors proposer un autre logement au
locataire, afin de préserver ses droits.
Arnaud FLEURY
La dimension empirique de ces dispositifs est forte, car on ne devient propriétaire
que 15 ou 17 ans plus tard.
Hugues PERINET-MARQUET
C’est en effet un élément fondamental pour les acquéreurs. Il fallait donc que la loi
verrouille au maximum tous les éléments leur permettant de retrouver leur bien au
terme de la période d’usufruit. Des intervenants de la
précédente table ronde ont plaidé pour une stabilité de la loi mais il faudra
certainement vivre avec une loi mouvante.
Arnaud FLEURY
Les contours du dispositif vous semblent-ils bien tracés ?
Hugues PERINET-MARQUET
Le législateur a fait tout ce qui était en son pouvoir. Pour le reste, il existe une
différence entre le droit et le fait. Si le locataire refuse de quitter les lieux, par
exemple, il faudra faire appliquer la loi.
Frédéric GOULET
Une question légitime revient fréquemment, quant à l’expérience qu’ont les acteurs
du débouclage de nos opérations. Il est clair que nous n’avons pas cette expérience,
puisque la première opération sera débouclée aux alentours de 2021. Le problème
n’est pas là. Il faut plutôt s’interroger sur les raisons de la défiance à l’égard du
débouclage de ces opérations, alors que dans des centaines de milliers de cas, des
investisseurs ayant confié la gestion locative à des prestataires ne s’émeuvent pas
de savoir s’ils pourront, au bout de dix ou quinze ans, récupérer leur bien.
Rappelons que 84 % des foyers français sont éligibles au logement social. Il serait
aberrant d’affirmer que cette part de la population présente un niveau de risque
élevé.
En outre, les logements réalisés sous forme d’usufruit locatif social ne sont pas
destinés aux ménages les plus fragiles. Ils sont destinés à des ménages de
la classe moyenne, car ceux-ci peinent à se loger dans des conditions compatibles
avec leur niveau de ressources.
J’ajoute que la loi a défini le cadre dans lequel l’issue de l’opération doit se dérouler.
Le bailleur social souscrit l’engagement de relogement et le bail est échu. Le
propriétaire n’est donc pas seul, en cas de difficultés, contrairement à ce qui prévaut
en matière d’investissement locatif « classique ».
Arnaud FLEURY
Quelles sont les incertitudes qui demeurent, en ce qui concerne les assemblées
générales ? Quelle est la place dévolue aux nus-propriétaires dans ces instances ?
Hugues PERINET-MARQUET
La question n’est pas tranchée. Dans le cas d’opérations dans lesquelles le bailleur
social dispose de tous les lots, le bailleur bénéficiera de l’immeuble dans son entier,
pendant quinze ans.
En contrepartie, il en paye toutes les charges et doit en assurer l’entretien. En
principe, il demeure néanmoins nécessaire théoriquement de convoquer une
assemblée générale tous les ans, ce qui peut constituer une situation surréaliste.

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