Égypte ancienne

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Égypte ancienne
Introduction à la religion de l’Egypte ancienne / printemps 2008/ Y.Volokhine
Textes sur la création de l’homme. Egypte ancienne
1. Extrait des Textes des Sarcophages ( env. 2000-1780 av.J.-C .)
a. «!(...) J’ai accompli quatre bonne actions à l’intérieur du porche de l’horizon. J’ai créé les quatre
vents afin que chacun puisse respirer dans son environnement; ce fut une des actions. J’ai créé le grand
flot (= la crue) afin que le petit comme le grand s’en emparent; ce fut une des actions. J’ai créé tout
homme égal à son semblable, je ne les ai pas autorisé à commettre le mal!; mais leurs coeurs ont
contrevenus à ce que j’avais dit; ce fut une des actions. J’ai fait que leurs coeurs n’oublient pas
l’Occident, afin de faire des offrandes divines aux dieux des nomes; ce fut une des actions. J’ai créé
les dieux de ma sueur et les hommes des larmes de yeux (...)!»1.
b. «!Les hommes sont les larmes de mon oeil!» (jw rmt m rmwt jrtj.j) 2.
c. «!Les larmes, c’est ce que j’ai produit à cause la colère (suscitée) contre moi!; les hommes
appartiennent à la cécité qui est derrière moi!»3.
d. «!Il (= le dieu Chou) sait faire vivre «!celui qui est dans l’œuf!» dans chaque ventre, à savoir les
hommes qui sont issus de mon œil, que j’ai envoyé (contre eux)!»4.
2. Extrait de L’enseignement pour Mérikarê ( env. 2310 av. J.-C. ?)
«!Les hommes, le troupeau du dieu, sont bien pourvus. C’est à leur intention qu’il a créé le ciel et la
terre après avoir repousser «!l’avidité!» de l’eau. C’est pour que vivent leurs narines qu’il a fait le
souffle, (car) ce (= les hommes) sont ses répliques, issues de ses chairs. C’est à leur intention qu’il se
lève dans le ciel. S’il a fait pour eux les végétaux, le bétail, les oiseaux et les poissons, c’est pour les
nourrir. De même qu’il a tué ses ennemis, de même a-t-il anéanti ses enfants à cause de leur projet de
faire rébellion. De même qu’il a fait la lumière à leur intention, de même il fait son périple pour les
voir, s’étant ménagé une cabine (dans sa barque céleste) en retrait d’eux. Quand ils pleurent, il ne
cesse d’être à l’écoute (...)!»5.
3. Ostracon Caire 25207 (tombeau de Ramsès IX) (env. 1126-1108 av. J.-C.)
«!Alors que la terre était dans des nuées obscures, il (= Amon-Rê) donna à voir à tout oeil, repoussant
les visages «!anéantis!» (c’est-à-dire!: «!aveugles!»), faisant apparaître «!les visages!» (= les hommes)
hors de l’oeuf mystérieux, en qualité de Nourisson-de-l’Ogdoade6. Il a construit les hommes (à partir)
des larmes de son oeil, (et) il a préparé ce dont avait besoin les dieux (...!)»7.
1 Paul
BARGUET, Les textes des sarcophages égyptiens du Moyen Empire, Les éditions du Cerf, Paris 1986, p.
662 (CT 1130); Susanne BICKEL, La cosmogonie égyptienne, OBO 134, 1994, p. 211-214; Bernard MATHIEU,
«Les hommes de larmes», dans Hommages à Fr. Daumas, Montpellier 1986, p. 499-509.
2 BICKEL, La Cosmogonie, p. 93.
3 BICKEL, La Cosmogonie, p. 94; CT 714 VI 344, fg.
4 CT 80 II 33, cd; BICKEL, La Cosmogonie, p. 129.
5 Pascal VERNUS, Sagesses de l’Egypte pharaonique, Paris, 2001, p. 150-151 (P 131); S. BICKEL, La
cosmogonie, p. 217.
6 L’Ogdoade désigne les 8 dieux créateurs primordiaux..
7 André BARUCQ et François DAUMAS, Hymnes et prières de l'Egypte ancienne, Littératures anciennes du Proche
Orient, Les éditions du Cerf, Paris, 1980, p. 139.
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4. Extrait du p. Bremner-Rhind (époque ptolémaïque)
«!Après que je sois venu à l’existence en tant que dieu unique, il y a eu trois dieux pour moi (= Atoum,
Chou et Tefnout). Je suis venu à l’existence sur cette terre, et Chou et Tefnout se réjouirent dans le
Noun, dans lequel ils étaient. Ils me ramenèrent mon oeil à leur suite. Après que je l’ai uni à mes
membres, je pleurai sur eux, et c’est ainsi que l’humanité (rmt) naquit des larmes (rmt) issues de mon
oeil!»8.
5. Extraits des textes du temple d’Esna (époque romaine)
a. «!Il fit les dieux de son sourire,quand il la (= sa mère, Ahet) vit!; il se mit à pleurer lorsqu’elle s’en
alla d’auprès de lui, et les hommes naquirent des larmes de son oeil!»9.
b. «!Puis il pleura dans l’eau-initiale, quand il ne vit plus sa mère la vache-Ahet, et les humains
naquirent des larmes de son oeil!; et il saliva quand il la revit, et les dieux naquirent de la salive de ses
lèvres!»10.
c. «!Autre hymne à Khnoum-Rê, le dieu du tour de potier, qui a organisé le pays par l’action de ses
bras; le dieu qui relie les éléments de l’être dans le sein maternel, le constructeur, quand il assure le
bon état des deux oisillons, et quand il donne vie aux jeunes êtres par le souffle de sa bouche (...). Il
modela au tour les dieux et les hommes; il façonna les animaux, petits et grands, il fit aussi les
poissons; il forma les mâles reproducteurs et mit sur terre les femelles. Il organisa la course du sang
dans les os, façonnant à l’intérieur de son atelier à la force de (ses) bras. Et voici que le souffle de vie
imprégnait toute chose, cependant que le sang formait [...] avec le germe dans les os, afin de constituer
la matière première de (nouveaux) os. Il fit que la femme mette bas, quand son ventre a atteint le juste
moment, afin d’ouvrir [...] à son gré. Il diminua les souffrances au gré de son coeur; il soulagea les
gorges, donnant l’air à ceux qui respirent, afin d’animer de vie les jeunes êtres, à l’intérieur du sein
maternel. Il fit croître les mèches de cheveux, il fit pousser la chevelure, modelant la peau sur les
membres; il construisit le crâne, il modela le visage, afin de donner un aspect caractéristique aux
figures (?): il fit s’ouvrir les yeux, il dégagea l’accès aux oreilles; il mit le corps en contact intime avec
l’atmosphère; il fit la bouche pour manger, il constitua la denture pour mastiquer (suit la création: des
mâchoires, de la gorge, du gosier, de la colonne vertébrale, des testicules, de l’anus, des mains, des
doigts, du phallus “organe de vie”, de “l’organe féminin”, de la vessie, “du membre viril pour éjaculer
et pour grandir quand il est étreint dans l’entrejambe”, des tibias, des cuisses, des os...)!»11.
8 P.
Bremner-Rhind 27.1-27.3; R. FAULKNER, The papyrus Bremner-Rhind, BAe III, p. 61.
oc, p. 503; Serge SAUNERON, Les fêtes religieuses d’Esna (Esna V), Le Caire, 1962, p. 288 (Esna II
163.17)
10 MATHIEU, oc, p. 504; SAUNERON, Les fêtes religieuses d’Esna, p. 264 (Esna III, 206.9)
11 S. SAUNERON, Les fêtes religieuses d’Esna, p. 95-97 (= Esna n° 250.6-250.12)
9 MATHIEU,
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6. Aton créateur du monde et de l’humanité : extrait du « grand hymne à Aton »
( env. 1352-1336 av. J.-C.)
«!Ô toi ce dieu unique, dont il n'y a pas d'autre, solitaire en esprit tu façonnes la terre. Les humains
(rmt) le bétail, les petits animaux, tout ce qui est sur terre et qui va sur des pattes, ce qui est en hauteur
et vole de ses ailes, la Syrie, la Nubie et la terre d'Egypte. Tu assignes à chacun sa juste position,
créant pour ses besoins ce qui est nécessaire: chacun se voit ainsi pourvu de nourriture, et d'un temps
d'existence justement mesuré. Leurs langues dans leurs bouches en langage diffèrent, et leur apparence
de même; leur couleur de peau est distincte, car tu différencies les peuples étrangers!»12.
7. Amon différentiateur des langues : hymne du temple d’Hibis (env. 521-486 av.
J.-C.)
«!Il (=Amon) a détourné leur langue (= celle des peuples étrangers) pour qu’elle s’exprime
inversement!»13.
8. Khnoum créateur du langage (époque romaine)
«!Ainsi tous autant qu'ils sont, ont-ils été formés sur son tour (de potier); mais ils (= les dieux / les
hommes!?) inversèrent l'organe vocal de chaque contrée, de manière à obtenir un langage autre,
comparé à celui de l'Egypte!»14.
9. La différentiation des langues : la tour de Babel (Genèse 11.6-8)
«!Et Iahvé dit!: voici un peuple!(âm) unique et une langue unique pour tous!; rien ne sera impossible
pour eux maintenant de tout ce qu’ils veulent faire. Allons, descendons ici, et brouillons (balal) leur
langue, afin qu’un homme n’entende plus la langue de son prochain. Et Iahvé les dispersa de là, sur la
face de la terre et ils arrêtèrent de construire la ville. Sur ce, le lieu fut appelé Babel car c’est là que
Iahvé brouilla (balal) la langue de toute la terre et c’est qu’il les dispersa sur la face de toute la
terre!»15.
12 Pierre
Grandet, Hymnes de la religion d'Aton, Paris, 1995, p. 111.
De GARIS DAVIES, The Temple of Hibis in el Khargeh Oasis. Part III. The Decoration, New York,
1953, l. 32 col. 18!; A. BARUCQ et Fr. DAUMAS, Hymnes et prières de l’Egypte ancienne, Paris, 1980, p. 324, et
Serge SAUNERON, BIFAO 60, 1960, p. 33.
14 (Esna 250.12). Serge SAUNERON, «!La différenciation des langages d’après la tradition égyptienne!», BIFAO
60, 1960, p. 31-41.
15 Pour un commentaire historique de ce récit biblique, voir Chr. UEHLINGER, Weltreich und “eine Rede”. Eine
neue Deutung der sogenannten Turmbauerzählung (Gen 11, 1-9), OBO 101, Fribourg, 1990.
13 Norman
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