Allaitement et consommation d`alcool: un cocktail à éviter
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Allaitement et consommation d`alcool: un cocktail à éviter
Édition n° 2 · 2016 COMPACT Recherche sur le lait maternel : informations et actualités • • • Thème principal Allaitement et consommation d’alcool: un cocktail à éviter! Les spécialistes sont unanimes: alcool et grossesse ne font pas bon ménage. Mais qu’en est-il de la consommation d’alcool durant la période de l’allaitement? Quelle quantité d’alcool est retrouvée dans le lait maternel et transmise à l’enfant, et quelles en sont les conséquences? Certaines réponses à ces questions et des recommandations concrètes vous seront présentées ici. L’alcool passe directement dans le lait maternel Des études montrent que l’alcool passe en quasi-totalité du sang de la mère dans le lait maternel. Ce faisant, la consommation d’alcool atteint sa concentration maximale au bout de 30 minutes. Ainsi, après avoir consommé une seule dose de 0,6 g d’éthanol par kg de poids corporel (soit environ 0,3 litre de vin), le taux d’alcool dans le sang mesuré au bout de 30 à 60 minutes s’élève à 80-90 mg/100 ml; des taux comparables sont retrouvés dans le lait maternel (voir illustration page suivante)2. Impact sur l’allaitement Les boissons alcoolisées font partie intégrante de notre culture et leur consommation modérée est, socialement parlant, tout à fait acceptée. En revanche, comme nous le savons, une consommation excessive et chronique endommage les organes et comporte un risque de dépendance extrêmement important. Comparativement au reste du monde, l’Allemagne fait partie des pays à forte consommation d’alcool, avec environ 10 litres d’alcool pur par habitant (correspondant à quelque 75 litres de vin ou 200 litres de bière)1. La consommation d’alcool peut avoir des répercussions sur le processus d’allaitement. S’il était autrefois d’usage d’inciter les femmes à consommer de la bière pour stimuler la lactation (et pour se détendre), cette pratique est aujourd’hui largement controversée sur le plan scientifique3. Et pour cause, il a été observé que les femmes allaitantes qui consomment de l’alcool plusieurs fois par semaine rapportent davantage de problèmes liés à l’allaitement (irritations des mamelons, manque de lait et engorgements) que celles qui n’en consomment pas4. L’une des raisons de cet état de fait pourrait être que même de faibles quantités d’alcool modifient la sécrétion d’hormones maternelles, réduisant considérablement la quantité de lait5. Dr med. Christopher Mayr, Directeur du Forum Nutricia pour la recherche sur le lait maternel Dans la précédente édition, nous vous présentions les lauréats du Prix de la pratique Nutricia pour la promotion de l’allaitement. Cette fois, dans notre interview, nous nous réjouissons de vous présenter la gagnante du Prix scientifique Nutricia pour la recherche sur l’allaitement et le lait maternel, doté de 10’000 euros. Sous l’égide du Professeur Nadja Haiden, à Vienne, la Dre Alexandra Kreißl et son équipe ont analysé l’osmolarité du lait maternel enrichi en suppléments. Nous vous présenterons également un thème important : Les mères allaitantes peuvent-elles s’autoriser occasionnellement un «petit verre»? Dans notre rubrique «Thème principal», nous nous sommes penchés sur la pharmacocinétique et l’effet de l’alcool sur la mère et l’enfant. La conclusion est sans appel: mieux vaut s’abstenir! Enfin, comme toujours, nous verrons l’importance de l’allaitement, notamment dans des parties du monde marquées par la faim et la pauvreté telles que le Nord-Ouest de l’Ethiopie. Selon l’étude mentionnée, l’allaitement exclusif représente le meilleur bouclier contre la mortalité infantile particulièrement élevée dans ces contrées. Bonne lecture, Dr med. Christopher Mayr Une initiative de • • • Thème principal Saviez-vous qu’une Répercussions sur le bébé Recommandations actuelles A ce jour, les répercussions physiologiques de l’alcool sur le bébé sont peu documentées. Certains modèles montrent que la quantité d’alcool retrouvée dans le sang du nourrisson allaité après que sa mère ait consommé jusqu’à un quart de litre de vin est faible, car seule une partie de l’alcool contenue dans le lait absorbé passe dans le sang du nourrisson6. Or, même absorbé en faibles quantités, l’alcool peut avoir un impact sur le sommeil et ainsi induire des phases de sommeil plus courtes et un sommeil plus léger7. En 2012, l’Institut fédéral allemand d’évaluation des risques (BfR) s’est intéressé de près aux risques que comporte la consommation d’alcool durant l’allaitement dans le cadre de campagnes visant à promouvoir l’allaitement 4. A l’instar des instances présentes en Autriche et en Suisse, le BfR a alors conclu que les femmes allaitantes devraient éviter autant que possible de consommer des boissons alcoolisées (voir encadré). Bibliographie : [1] Berghöfer A, Willich SN (2006). In: Alkohol in der Schwangerschaft. Bergmann RL et al. (Hrsg.) Urban & Vogel, München, S. 9–18; [2] Kesäniemi YA. J Courbes des taux d’alcool dans le sang et le lait maternel (après avoir consommé 0,6 g d’alcool/kg de poids corporel); adapté d’après Kesäniemi2 120 Alcool en mg 100 80 60 Alcool en mg/100 ml de sang Alcool en mg/100 ml de lait maternel 40 20 0 0,4 0,6 0,8 1,0 1,2 1,4 Heures 1,6 1,8 2,0 2,2 supplémentation en vitamine D pendant la grossesse exerce un effet positif sur le taux de vitamine D contenu dans le lait maternel? ? Source : Wall CR et al. Vitamin D activity of breast milk in women randomly assigned to vitamin D3 supplementation during pregnancy. Am J Clin Nutr 2016;103:382-8 Obstet Gynaecol Br Commonw 1974;81:84–6; [3] Mennella JA. Alcohol Clin Exp Res 2001;25:590–3; [4] Bundesinstitut für Risikobewertung. Alkohol in der Stillzeit. Berlin 2012 (BfR-Wissenschaft 07/2012); [5] Mennella JA, Pepino MY. Alcohol Clin Exp Res 2008;32:1899–1908; [6] Gundert-Remy U et al. Umweltmedizin in Forschung und Praxis 2012;17:17– 25; [7] Mennella JA, Garcia-Gomez PL. Alcohol 2001;25:153–8 Recommandations du BfR4 Mieux vaut renoncer aux boissons alcoolisées pendant la phase d’allaitement. Toutefois, il n’est pas utile d’arrêter l’allaitement si un verre d’alcool est consommé à titre exceptionnel. Dans ce cas, le verre en question devrait être consommé si possible après ou au moins 1 à 2 heures avant la tétée suivante. Attention: les pauses d’allaitement s’étalant sur plusieurs heures peuvent nuire au succès de l’allaitement! S’il est impossible de prévoir l’heure de la prochaine tétée, mieux vaut renoncer à consommer de l’alcool. La consommation d’alcool est à proscrire si les parents gardent l’enfant auprès d’eux, dans le lit conjugal: l’alcool diminue les capacités de réaction et peut donc empêcher les parents de réagir de manière appropriée aux signaux comportementaux de l’enfant. • • • La recherche en bref – Nous avons lu pour vous L’allaitement doit être soutenu par une alimentation saine «Chaque enfant coûte une dent à la mère». Une étude coréenne a cherché la pertinence de cet adage en analysant le lien entre la durée de l’allaitement et le nombre de dents naturelles de la mère après la ménopause. Des scientifiques ont évalué les données du Korea National Health and Nutrition Examination Surveys ayant recueilli des données longitudinales sur l’état de santé de la population coréenne depuis 1998. L’objectif de cette étude était de déterminer le lien éventuel entre la durée de l’allaitement et le nombre de dents encore fonctionnelles chez les femmes après la ménopause. Dans le cadre de cette étude, les chercheurs ont démontré COMPACT que lors d’une durée d’allaitement supérieure à 25 mois, le risque de perdre au moins une dent (sans compter les dents de sagesse) augmentait de 83%. Lorsque la durée d’allaitement était comprise entre 7 et 12 mois, le risque n’était plus que de 16%. Enfin, lorsque la durée d’allaitement n’excédait pas les 6 mois, aucun risque ne subsistait. Ces résultats reflètent la situation nutritionnelle en Corée, mais soulignent néanmoins l’importance d’une alimentation riche en calcium et en vitamine D, en particulier pendant l’allaitement. Han K, Ko Y, Park YG, Park JB. Associations between the number of natural teeth in postmenopausal women and duration of lactation: The 2010-2012 Korea National Health and Nutrition Examination Survey. Maturitas 2016;85:73-8 Résumé sous : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26857883 Édition n° 2 · 2016 • • • La recherche en bref – Nous avons lu pour vous Le profil microbiotique du lait maternel apparemment constant Bien qu’il existe des différences interindividuelles concernant la composition bactérienne du lait maternel, notamment chez les femmes ayant accouché par voie basse et celles ayant subi une césarienne, des chercheurs canadiens n’ont pas mis en évidence de différences substantielles dans la composition du microbiome du lait maternel. Des chercheurs issus de plusieurs disciplines à Ontario au Canada ont analysé la composition bactérienne du lait maternel de 39 Canadiennes à peau claire à l’aide des séquences d’ADNr 16S. L’objectif de cette étude était de déterminer si l’accouchement par césarienne, le sexe de l’enfant ou une naissance prématurée modifiaient cette composition. Il s’est avéré qu’aucun des paramètres précités n’avait un impact significatif sur le microbiome du lait maternel. Dans tous les échantillons analysés, les protéobactéries et les Firmicutes étaient les souches bactériennes dominantes, indépendamment du mode d’accouchement, du sexe de l’enfant et que l’accouchement ait eu lieu à terme ou non. Les autres souches les plus fréquentes étaient les staphylocoques, les pseudomonas, les streptocoques et les lac- tobactéries. A la lumière de ces résultats, les chercheurs penchent pour l’existence d’une sorte de mécanisme de sécurité garantissant à l’enfant allaité un certain apport en bactéries. Urbaniak C, Angelini M, Gloor GB, Reid G. Human milk microbiota profiles in relation to birthing method, gestation and infant gender. Microbiome 2016;4:1 Résumé sous : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26739322 • • • « L’empreinte » de l’alimentation dans la petite enfance durant les 1000 premiers jours de vie L’allaitement exclusif: le facteur de survie le plus important pour les nourrissons en Ethiopie Des études de grande envergure menées dans une région à fort taux de mortalité infantile dans le Nord-Ouest de l’Ethiopie ont mis en évidence toute une série de facteurs déterminants pour la survie des enfants. L’allaitement exclusif s’est avéré être le facteur de plus important. L’étude du Professeur Biks de l’Institute of Public Health, University of Gondar (Ethiopie), et de ses collègues, incluait 1752 nourrissons, suivis durant 1473 personnes-années (= nombre de personnes x durée globale d’observation). La mortalité totale de ces enfants était de 88 pour 1000 personnes-années. Le risque de mortalité était presque 8 fois supérieur pour les nourrissons non exclusivement nourris au sein (rapport du taux d’incidence IRR de 7,86). Le deuxième facteur de risque le plus élevé était observé chez les nourrissons mis au sein pour la première fois seulement 24 heures après la naissance (IRR de 4,84). D’autres facteurs de risque incluaient l’absence d’hygiène des mains de la COMPACT maman après le passage aux toilettes et avant d’allaiter l’enfant (IRR de 4,61), le fait de vivre en milieu rural (IRR de 2,33) ainsi que la naissance intervenue moins de deux ans après la naissance de l’enfant précédent (IRR de 2,79). économique, la plus sûre et aussi la plus simple de faire baisser le taux de mortalité infantile particulièrement élevé dans cette région. A la lumière de ces résultats, les auteurs recommandent d’œuvrer pour que ces femmes passent à l’allaitement exclusif, car il s’agit de la manière la plus Biks GA, Berhane Y, Worku A, Gete YK. Exclusive breast feeding is the strongest predictor of infant survival in Northwest Ethiopia: a longitudinal study. J Health Popul Nutr. 2015;34:9 Résumé sous : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26825334 Édition n° 2 · 2016 • • • Interview de la Dre Alexandra Kreißl Enrichissement du lait maternel pour les prématurés: une nouvelle évaluation de l’osmolarité ue scientifiq ix r P u d e Lauréat utricia 2015 N Dre Alexandra Kreißl, nutritionniste à la Clinique pour enfants et adolescents de l’Université de médecine de Vienne* et lauréate du Prix scientifique Nutricia 2015 Il est conseillé d’enrichir le lait maternel en nutriments pour rattraper de manière adéquate le retard de croissance du nouveau-né. Lauréate du Prix scientifique Nutricia édition 2015, la Dre Alexandra Kreißl a, pour la première fois, étudié de manière systématique dans quelle mesure cet enrichissement modifie l’osmolarité du lait maternel. Dre Kreißl, pourquoi les enfants prématurés devraient-ils être nourris au lait maternel? Le lait maternel est la meilleure alimentation pour les bébés; cela vaut particulièrement pour les prématurés, car il les protège de l’entérocolite nécrosante (ENN), une maladie intestinale inflammatoire. En outre, même administré en petites quantités, il soutient les systèmes digestif et immunitaire encore immatures. cium et du phosphore. Ce faisant, nous nous sommes particulièrement intéressés à l’osmolarité des échantillons, car cette osmolarité permet de mesurer la quantité de particules dissoutes dans le lait maternel et reflète ainsi la sollicitation de l’intestin immature du bébé. Pourquoi enrichir le lait maternel pour les prématurés? Le lait maternel en l’état ne suffit pas à alimenter les prématurés. Il doit être enrichi en nutriments tels que des protéines, des glucides, des sels minéraux et des vitamines afin que les enfants puissent rattraper la croissance et le développement qui auraient dû se faire dans le ventre de leur mère. Quel était exactement l’objet de l’étude que vous avez menée avec votre équipe? Dans cette étude, nous avons prélevé des échantillons de lait de mères de prématurés et l’avons enrichi en suppléments de lait maternel d’usage courant, d’un supplément protéinique spécial et de suppléments thérapeutiques tels que des complexes multivitaminés, du fer, du cal- Comment interprétez-vous ces résultats? Une osmolarité élevée est soupçonnée de réduire la tolérance du lait maternel, voire de favoriser la survenue d’une ENN. Est-ce véritablement le cas? Cette supposition est controversée depuis longtemps par les néonatologues, car la seule valeurseuil disponible date de 1976 et repose sur des données encore plus anciennes. Mais comme l’ENN est une maladie multifactorielle, l’osmolarité joue probablement un rôle mineur dans l’apparition de la maladie. Que conseillent les néonatologues? Quels ont été les résultats? En l’absence d’enrichissement, l’osmolarité moyenne du lait maternel était de 297 milliOsmols par litre. L’adjonction de suppléments de lait maternel d’usage courant a augmenté la valeur normale à 436. En y ajoutant le supplément protéinique, la valeur mesurée était de 605 milliOsmols. Enfin, l’enrichissement en suppléments thérapeutiques a permis d’augmenter l’osmolarité à 868 milliOsmols. L’enrichissement du lait maternel est absolument indispensable chez les prématurés, mais il nécessite une certaine vigilance. Pour éviter une osmolarité élevée, la supplémentation du lait maternel avec des suppléments nutritionnels courants devrait intervenir à distance de l’administration de vitamines et de sels minéraux. Publication scientifique: Kreissl A et al. Effect of fortifiers and additional protein on the osmolarity of human milk: is it still safe for the premature infant? J Pediatr Gastroenterol Nutr. 2013;57:432-7 * La Dre Kreißl fait partie du groupe de travail nutrition néonatale (Neonatal Nutrition Team), dirigé par le Professeur Nadja Haiden. Responsable : Dr med. Christopher Mayr Rédaction : Dr oec. troph. Rainer C. Siewert, Scientific Communication Consultation scientifique : Le Dr Bernd Stahl, PhD, directeur de la recherche sur le lait maternel Nutricia, Utrecht, Pays-Bas Éditeur : Milupa Nutricia GmbH Marienbader Platz 1, D-61348 Bad Homburg Design : Désirée Gensrich, dbgw Impression : purpur Produktion GmbH Images : milupa; privé; fotolia.com: id-foto.de (1), JenkoAtaman (2), Renate Wefers (3), Ramona Heim (4); royaltystockphoto.com (3) COMPACT Vous trouverez plus d’informations sur la recherche sur le lait maternel sous : www.nutrica-forum-muttermilchforschung.org Cette newsletter a été imprimée sur du papier certifié FSC Édition n° 2 · 2016 D-113238 · CH-113239 Mentions légales Contact rédactionnel : [email protected]