Chapitre 4 : L`union douanière de la CEE L`objectif de la
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Chapitre 4 : L`union douanière de la CEE L`objectif de la
Chapitre 4 : L’union douanière de la CEE L’objectif de la construction européenne était de créer un marché commun avec, comme première étape, la formation d’une union douanière. I. Le choix et la mise en place de l’union douanière 1957 : l’union douanière est considérée comme la première étape de la construction européenne (Traité de Rome). Article 23 du Traité de Rome interdit les restrictions quantitatives et autres mesures d’effet équivalent + interdit droits de douane. Il fallait se mettre d’accord sur l’instauration d’un tarif douanier commun. Ce tarif douanier commun a été établi en se référant à la moyenne des droits de douane qui prévalait dans les pays-membres au 01/01/1957. Il est calculé à partir de 4 tarifs douaniers parce que Bruxelles, Luxembourg et les Pays-Bas dormaient déjà une union douanière. Ce taux de change a été introduit effectivement le 01/07/1958 et se traduisait par des efforts différents selon le pays. Il a fallu 10 ans pour s’accorder sur l’instauration d’un taux de change. Exemple de tarif douanier sur quelques produits : Tarifs nationaux et Tarif Extérieur Commun TEC TDC Tarifs douaniers au 01/01/1957 Produits RFA BENELUX France Automobiles 17% à 21% 24% 30% Tissu de laine 13% 18% 15% TV et TSF 15% 20% 24% Réfrigérateur 15% 12% 15% au 01/07/1968 ITALIE 35% à 45% 18% 25% 20% CEE 17,6% 13% 18% 18% RFA moins protectionniste que les autres pays. Le tarif douanier commun est sous la moyenne (au lieu d’être égal à la moyenne) parce qu’au niveau multilatéral, on négociait la diminution des droits de douane. Cette union douanière se concrétise au 01/07/1968 et entraîne que l’administration douanière est simplifiée => les droits de douane vont être prélevés lorsque les biens passent les frontières extérieures de la communauté, et une fois sur le territoire de la communauté, ils circulent librement. Les recettes douanières sont directement affectées au budget européen. II. Les effets attendus d’une union douanière Il existe une théorie de l’union douanière née dans les années 50. Auteurs à l’origine de cette théorie = J. Viner, J. Meade, J. Tinbergen, J. Scitovsky. Message de cette théorie = elle analyse les avantages et les inconvénients de l’union douanière. Elle définit l’union douanière comme une situation mixte de libre-échange interne (pas de droit de douane) et de protection externe (tarif douanier commun). L’union douanière permet de créer des liens privilégiés entre les partenaires de l’UE. Ces théoriciens s’inscrivent dans la traduction des économistes néoclassiques et ils établissent que l’intégration économique sous la forme d’une union douanière se traduit par deux effets particuliers sur les mouvements internationaux de marchandises = les effets statiques de l’union douanière = les gains classiques (≠ effets dynamiques). A) Les gains statiques de l’union douanière -> de 2 types : Les effets de création de commerce = l’élimination des droits de douane entre les partenaires de l’union leur permet de s’approvisionner à un coût moins élevé chez les partenaires de l’union -> il y a création de commerce lorsqu’une production nationale est remplacée par des importations en provenance d’un / de pays-membre(s) de l’Union. Effets de détournement de commerce : il y a effet de détournement de commerce lorsque des importations en provenance de pays tiers (non membre de l’UE) sont remplacées par des importations en provenance de l’union douanière. Pays A Coûts de production 50 (différents mais produisent le même bien). On suppose qu’il est égal au prix de vente. Situation S1 50 S2 50 S3 50 B 40 C 30 80 60 40 60 45 42 Coût de production : C est plus efficace pour produite le bien a priori. Situation 1 : pays A taxe à 100 % sur les produits en provenance de l’extérieur (= double le prix de vente). Ce qui provient du pays B est vendu à 80 et ce qui provient du pays C est vendu à 60. Situation 2 : taxe de 50% sur les produits en provenance de l’étranger. Situation 3 : on suppose que A et B forment une union douanière. Quels sont les conséquences de cette union douanière sur les flux d’importation du pays A ? Union douanière entre A et B => pas de droit de douane entre A et B. A l’extérieur ils ont un tarif douanier commun de 40%. Que va faire le pays dans : La situation S1 : il a intérêt à produire lui-même le bien et ne pas importer La situation S2 : il a intérêt à importer du pays C La situation S3 : il a intérêt à importer du pays B (prix moins élevés que pays C). L’effet de création de commerce est représenté par le passage de S1 à S3. Ici la source d’approvisionnement ne provient pas du pays le plus efficace. L’effet de détournement de commerce est représenté par le passage de S2 à S3. Les effets sur le bien-être (BE) prix Offre domestique Pw(1+t) Pe Pw a b q3 q1 e c d Offre mondiale Demande domestique quantité q2 q4 Ex : La France veut protéger le prix d’un bien. Elle pratique un droit de douane ad valorem -> Pw(1+t) A ce prix Pw(1+t) : Les entreprises domestiques vont offrir une quantité Q1 La demande domestique est de Q2 Ecart entre les 2 (q2 – q1) est comblé par les importations. On suppose que la France entre en union douanière avec l’Espagne pour le bien en question. On note Pe le prix du bien en Espagne. Par hypothèse, on suppose que Pw < Pe < Pw (1+t). Plus de droit de douane entre la France et l’Espagne. Le prix qui va s’imposer dans l’union douanière est le prix espagnol. Pe = prix au sein de l’union douanière q3 = offre domestique, q4 = demande domestique ; écart = importations en provenance d’Espagne. Avec la création de l’union douanière : l’offre domestique diminue (passe de q1 à q3) = production française a diminué La consommation domestique augmente (prix plus faible) ; demande domestique augmente (passe de q2 à q4) => peuvent acheter + à prix + faible => création de commerce (trafic) entre la France et l’Espagne. En termes de surplus : la création de l’union douanière entraîne une augmentation du surplus (a+b+c+d) Les producteurs domestiques voient leur profit diminuer (vendent moins à prix plus bas) = a. L’Etat va, lui aussi, perdre des recettes fiscales (droit de douane ad valorem -> plus de droit de douane). Plus de rentrée fiscale pour l’Etat français car les produits sont en provenance d’Espagne (et pas de droit de douane entre les pays). Pertes fiscales = c+e Au total, l’évolution du surplus collectif est donné par la comparaison entre les surfaces b+d d’un côté (effet création de commerce) et « e » de l’autre (effet détournement de commerce). On ne peut pas dire que l’union douanière améliore systématiquement le bénéfice (cela dépend des effets de création et détournement). L’union douanière est bénéfique si les effets de création de trafic l’emportent sur les effets de détournement de trafic (= commerce). + le tarif douanier entre partenaires de l’union est initialement élevé, plus l’effet de création de commerce sera fort. Un tarif douanier commun faible limite l’effet de détournement de commerce. Une union douanière qui comprend un grand nombre de pays limite l’effet de détournement de commerce (parce que s’il y a beaucoup de pays, on se rapproche du libre-échange). S’il y a peu de commerce entre l’union douanière et le reste du monde, l’effet détournement de commerce est limité. Remarques : - C’est une approche qui a été développée dans les années 80-90. A l’heure actuelle, ces effets de création de commerce et de détournement de commerce ont perdu leur signification, en particulier avec l’importance que jouent les firmes multinationales dans cette mondialisation : les entreprises qui s’implantent dans un pays peuvent bénéficier des créations de commerce. Inversement, les délocalisations => les entreprises subiront les coûts de l’union douanière. - Théorie qui s’intéresse aux gains statiques (à court terme). B) Les gains dynamiques de l’union douanière = effets sur la croissance attendue de - L’exploitation d’économies d’échelle et de - L’intensification de la concurrence Une autre conséquence de l’union douanière est qu’elle permet aux entreprises de bénéficier / tirer partie d’économies d’échelle (= lorsque l’augmentation de la production permet une diminution du coût unitaire) => les entreprises font face à de nouveaux débouchés => l’union douanière permet la réalisation d’économies d’échelle. Une fois que les économies d’échelle sont mises en place, un cercle vertueux de croissance s’installe. Bénéficier d’une économie d’échelle = diminuer les coûts unitaires (rendu possible par l’augmentation de la production) => entreprises gagnent en compétitivité (sur le territoire + à l’extérieur). Sur le plan extérieur, ça va leur permettre d’augmenter leurs exportations => elles augmentent leur chiffre d’affaires => ça favorise l’investissement => augmentation de la production => baisse des coûts unitaires…. Cet enchainement va avoir lieu tant qu’il y aura des économies d’échelle non exploitées => jusqu’à ce que la taille optimale des entreprises soit atteinte. Aspect intensification de la concurrence -> avec la formation de l’union douanière, la concurrence entre les entreprises est plus intense. Conséquence de cette intensification de la concurrence => une concurrence plus intense va => les entreprises à réduire leur marge (écart entre le prix et les coûts de production). L’intensification de concurrence permet en général d’améliorer l’efficacité de l’appareil productif. Elle oblige les entreprises à revoir leur production. Cette baisse des coûts peut s’opérer par le biais du progrès technique -> En cela, la concurrence est bonne parce qu’elle permet l’innovation des appareils ou produits. Baisse des coûts => augmentation des échanges et de la production => effets bénéfiques. Les entreprises appartenant à une union douanière sont en concurrence entre elles. Les firmes multinationales viennent aussi renforcer la concurrence au sein des entreprises. Elles vont implanter des filiales qui peuvent être issues ou non de l’union douanière. En provenance de l’extérieur, motivé par le fait de contourner le tarif douanier. C) Les effets de l’intégration régionale en termes de spécialisation Spécialisation des pays membres en fonction de leurs avantages comparatifs respectifs. Rendements d’échelle supposés constants -> Si on lève les barrières aux échanges, les pays participants vont se spécialiser en fonction de leurs avantages comparatifs respectifs -> chaque pays va se spécialiser dans les secteurs dans lesquels il est relativement efficace (en termes de coût de production) ou bien dans les secteurs qui utilisent le + intensivement les ressources dont l’Etat est doté en abondance. Ex : un pays bien doté en facteur capital et moins en facteur travail devrait exporter des produits manufacturés et importer des éléments effectifs en travail. Spécialisation croissante : une concentration géographique de la production en fonction des avantages comparatifs restrictifs. Accroissement du commerce interbranche. L’accroissement des échanges intra-régionaux devrait correspondre à un accroissement du commerce qualifié de commerce interbranche (≠ commerce intra-branche : échange de produits similaires). III. Les effets observés dans le cadre de l’union douanière de la CEE Regarder comment les échanges ont évolué ? Evolution des flux d’échange : commerce intracommunautaire et extra-communautaire. La création de commerce devrait augmenter le commerce intra-communautaire. Le détournement de commerce devrait diminuer le commerce extra-communautaire. A) Evolution et principales caractéristiques du commerce intra-communautaire 1958 – 1988 : Importations et exportations x 37 (en termes nominaux en union monétaire) = valeur x 8 (en termes réels = volume) Dynamisme des échanges intrazone. Est-ce vraiment dû à la création de l’union douanière ? On ne sait pas. Cet essor du commerce intra-communautaire s’est traduit par une augmentation du poids de la CEE dans les échanges mondiaux. Ensemble des échanges mondiaux 1957 – 87 -> augmentation de la part du commerce intra-communautaire dans le commerce mondial : Commerce intra-communautaire / total (X+M). Mais le commerce intracommunautaire n’a pas augmenté de manière uniforme et on peut distinguer 4 souspériodes : 1957 = 11,8% –> 1967 = 17,6% 1967 -> 1973 : 17,6% -> 21,4% 1973 -> 1980 (chocs pétroliers) : 21,4% -> 16,3% 1980 -> 1987 : 16,3% -> 22,3% Début des années 90 = représente environ ¼ du commerce mondial De la fin des années 60 au début des années 90 -> développement du commerce intrabranche, forme paradoxale de commerce -> on se serait attendu à un accroissement du commerce interbranche. Commerce de produits similaires, plus particulièrement commerce de produits différenciés de manière horizontale (pas unanimité. Ex : couleur : des gens veulent acheter une voiture rouge et d’autres verte au même prix => relève d’un choix subjectif) ou verticale = objectif (qualité, sécurité) -> unanimité des consommateurs sur une caratéristique. Pour décrire un produit, on fait référence à un certain nombre de caractéristiques (volume, poids, couleur, durabilité, risque…). Verticale : ex : qualité bonne ou mauvaise : à prix égal, on achète le produit qui a une meilleure qualité. Exemple France / Allemagne : commerce de qualité. Exemple : la part de commerce intrabranche en 1987 dépasse les ¾ pour la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, les PaysBas, l’union économique Belgique/Luxembourg, et est d’environ 1/3 pour le Portugal et la Grèce. L’Italie et le Danemark sont des pays intermédiaires. Qui domine le commerce intrabranche ? Les 6 pays fondateurs avec le Royaume-Uni (85% des flux commerciaux au début des années 90). Au sein des 6 pays, c’est l’Allemagne qui est le principal moteur du commerce extra-communautaire -> début des années 90 : exportations dans l’Allemagne = environ 25% du total des exportations intra-communautaires (X Allemagne / Total X CEE) et ses importations 24,2% (M Allemagne / Total M CEE). La France est en seconde position. B) Le commerce extra-communautaire : évolution et principales caractéristiques Forte progression du commerce extra-communautaire mais moins importante : sur la période 1958 à 1988 : (exportations + importations) augmentent x16 (nominaux) et x3,5 (réels). La Communauté, à l'aube des années 90, apparait comme la première puissance commerciale du monde. Elle réalise 21,5% du commerce mondial contre 18% pour les Etats-Unis et 10,3% pour le Japon. En moyenne, sur la période, les importations augmentent légèrement plus vite que les exportations (=> en moyenne, la CEE a un faible déficit commercial). * structure des échanges par catégorie de produits -> relativement stable sur la période 1960 - 1990. Ce sont essentiellement des produits manufacturés qui sont importés par la Communauté. Mais la structure des importations connait une évolution notoire -> les produits manufacturés voient leur part augmenter. Dans les années 60, on imputait environ 1/3 des produits manufacturés, au début des années 90 = 2/3. En parallèle, les produits alimentaires voient leur part chuter de 30% dans les années 60 à 10% à la fin des années 80. Les importations de combustibles et autres matières premières chutent, ce qui s'explique par l'exploitation du pétrole en mer du Nord et à la politique d'économie d'énergie. => Cela révèle une certaine fragilité de la CEE et on craint qu'elle ne soit trop dépendante de l'extérieur. * structure des échanges par pays ou par groupe de pays Exportations vers les pays tiers : 1er groupe de pays destinataires = groupe des pays en développement (1/3) : Afrique, Amérique Latine, Nouveaux pays industrialisés (NPI) 1/3 = autres pays d'Europe occidentale, en particulier fort courant d'échanges avec les pays membres de l'AELE (notamment Autriche, Suède avant leur intégration) 1/3 = EU + Japon Importations : assez comparable sur la période 70/80. Forte progression de la part des importations en provenance du Japon (augmentent 3 fois plus vite que les exportations de la CEE vers le Japon). Solde commercial ? (exportations X - importations M) -> zone commerciale modérément déficitaire, ce qui contraste avec les Etats-Unis qui sont fortement déficitaires et le Japon qui demeure excédentaire. Cette situation début 90 contraste avec celle au moment de la signature du Traité de Rome : seuls les Etats-Unis présentaient un solde commercial significativement excédentaire. Au début des années 90, un phénomène préoccupant était la relation entre la CEE et le Japon. Dans les NPI, ces déficits commerciaux s'observaient dans l'automobile, l'électronique. A cette époque, la CEE perd un certain nombre de parts de marché dans l'électronique et le textile. Il s'agit de produits qui connaissent une demande mondiale en forte croissance. IV. Bilan de l'union douanière de la CEE Estimer les flux d'échanges en matière d'union douanière. On compare les flux estimés et les flux observés. Sur les effets statiques, les travaux empiriques veulent évaluer, estimer, ce qu'auraient été les échanges s'il n'y avait pas eu d'union douanière -> les créations de trafic ont été de loin supérieures aux détournements de trafic. Sur les effets dynamiques, les travaux sont beaucoup plus rares. Marques Mendes teste, dans une étude (1986) : - l'influence du regard d'efficacité des entreprises (diminution des coûts des entreprises) - l'influence de l'augmentation des investissements sur la croissance économique des pays de l'Europe des 9. Les résultats suggèrent que l'intégration européenne a permis d'augmenter la croissance. Important pour la Communauté et toujours important pour la France et l'Allemagne. Pour la spécialisation des pays : il n'y a pas de spécialisation renforcée des pays membres : émergence et importance du commerce interbranches (basé sur la différenciation des produits). La mise en œuvre de l'union douanière a permis d'augmenter la variété des biens (les consommateurs ont plus de choix) -> on observe une spécialisation selon les caractéristiques du produit (en particulier la quantité). Paul Krugman, Nouvelle théorie du commerce international Hypothèses de la concurrence parfaite = 1) grand nombre d'offreurs et de demandeurs (aucun n'a d'influence sur le prix) 2) homogénéité du produit 3) transparence de l'information 4) libre entrée et sortie Concurrence imparfaite : il y a concurrence imparfaite lorsqu'au moins une de ces hypothèses n'est pas vérifiée. Krugman a développé un ensemble d'hypothèses d'un monde imparfait : - non pas homogénéité du produit mais différenciation - concurrence monopolistique : grand nombre de vendeurs mais différenciation: chaque vendeur va avoir un petit pouvoir de monopole sur son produit. - économie géographique : les effets statiques de l'union douanière ne prennent pas en comptent que certains pays développent des échanges entre eux. Cette dimension a été incorporée par Krugman. Conclusion : union douanière = 1ère étape à l'intégration. Objectif à terme = mettre un place un marché commun et une union économique. Au début des années 80, on s'est rendu compte que l'intégration était très inachevée (de nombreux obstacles non tarifaires au commerce des marchandises : règles techniques, normes sanitaires, environnementales etc.). L'objectif de l'union douanière était de réduire ces obstacles non tarifaires.