L`Occident face à l`islam militant De la perception du conflit aux
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L`Occident face à l`islam militant De la perception du conflit aux
L’Occident face à l’islam militant De la perception du conflit aux moyens de résistance Par Ryan Grignani « Qu’il soit enfin pleinement et entièrement compris que l’ennemi nous a impliqué dans une guerre planétaire dont les sociétés européennes et nordaméricaines sont, qu’elles le veuillent ou non et qu’elles le comprennent ou non, parties prenantes » Guy Millière « In medio stat virtus » Aristote Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 1 SOMMAIRE Introduction (p.3) Chapitre 1 : Une menace mal appréhendée par l’Europe (p.12) A/ L’islam militant perçu comme une paranoïa américaine (p.12) a) La résurgence du mythe du complot b) Le sentiment de sanctuarisation des européens c) Un déni de réalité d) L’Europe, hors de l’Histoire B/ Les EtatsUnis et Israël, boucs émissaires du désordre international (p.19) a) Les Etats-Unis et Israël sont-ils les seules cibles des islamistes? b) La politique étrangère américaine est-elle responsable du djihadisme? c) Le conflit israélo-palestinien est-il la source du djihadisme ? C/ La question irakienne (p.25) D/ Le berceau de l’islam militant (p.28) a) L’Arabie Saoudite b) Le Pakistan c) La Syrie d) L’Iran E/ AlQaïda, une franchise du djihadisme (p.33) F/ Une menace toujours présente dans le monde (p.34) a) La montée du terrorisme islamiste dans le monde b) La montée du prosélytisme islamiste en Europe G/ La contagion des esprits (p.48) H/ La manipulation de l’information, cause d’une perception biaisée de la réalité (p.54) Chapitre 2 : Des moyens de résistance inappropriés (p.57) A/ La capitulation de l’Europe (p.58) B/ Le projet américain : la démocratisation du GrandMoyenOrient (p.64) a) L’Irak, un futur modèle pour la région ? b) Le conflit israélo-palestinien, un espoir ? c) L’Arabie Saoudite, la Syrie, l’Iran, le Pakistan hors du processus de démocratisation ? C/ La lutte contre la pauvreté, une fausse solution (p.78) D/ La lutte idéologique, clé de la victoire (p.80) E/ La lutte contre les fondements théologiques de l’islam militant (p.84) F/ Les réformistes de l’islam ou le retour de l’Ijtihad (p.89) a) Une critique rationnelle de l’islam b) Vers une réforme de l’islam ? G/ Pour une Europe réintégrée dans le processus historique (p.99) a) Le nécessaire sursaut européen b) Le crépuscule français H/ Une guerre de représentation pour les EtatsUnis (p.102) a) L’image des Etats-Unis dans le monde, une difficulté à surmonter b) Une nouvelle approche de l’islam militant I/ Un nouvel axe euroaméricain (p.103) Conclusion (p.109) Bibliographie (p.111) Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 2 INTRODUCTION Les bouleversements sociaux-économiques et politiques du 20ème siècle ont déclenché une crise identitaire sans précédent dans le monde. Les flux migratoires s’intensifiant chaque jour, chacun est de plus en plus susceptible de rencontrer l’Autre, d’être confronté à son modèle de vie. Les différents concepts de nation, de civilisation commencent à péricliter. Chacun a sa vision du monde, mais en se rapprochant, une confrontation de ces différentes visions est inéluctable. Qui sommes nous ? s’interroge Samuel Huntington dans son dernier ouvrage. Les américains, sont actuellement confrontés à une immigration mexicaine très importante et à un mouvement relativiste de gauche tendant à renier les valeurs fondatrices des Etats-Unis. Cela conduit nombre d’intellectuels à s’interroger désormais sur l’identité américaine. Quels sont les facteurs qui indiquent l’appartenance à une nation ? Est-on américain par la langue, par la culture commune, par un credo de valeurs ? Samuel Huntington, plus connu pour son « choc des civilisations », pose une fois encore les bases d’un enjeu planétaire. Les Etats-Unis ne sont pas les seuls à se poser de telles questions. L’Europe durant les débats qui ont eu lieu sur l’adoption d’une constitution européenne a clairement montré qu’elle cherchait à se définir. Est on européen par les frontières, par une culture ou une histoire commune ? L’entrée prochaine de la Turquie dans l’Union européenne, et le refus d’inscrire notre héritage chrétien dans la constitution montrent bien que la question de notre identité est fondamentale. Dans ce vaste débat, on voit des défenseurs des principes nationaux, d’autres, symboles du relativisme culturel et civilisationnel de la vieille Europe, clament haut et fort que l’Occident1 n’existe pas, que c’est une utopie. Cette entrée dans la modernité, ce rapprochement avec l’Autre a engendré des tensions qui culminent de nos jours. Le monde musulman n’est pas à l’abri de cette réflexion identitaire. L’islam est en crise nous dit l’islamologue Bernard Lewis. Face à un monde qui change, le monde musulman a du mal à trouve sa place. L’islam militant est de nouveau sur le devant de la scène et nous dit clairement : notre vision du monde, qui émane de Dieu, est supérieure à la votre. Cette vision implique cependant notre soumission. Elle implique, comme le précise le Coran, la supériorité de l’Islam sur tout autre religion et tout autre système politico-social. Pour y arriver, le terrorisme est devenu un modus operandi de plus en plus utilisé. Le terrorisme a été l’enjeu majeur de la campagne électorale de novembre 2004 aux EtatsUnis, notamment à travers la guerre en Irak. Les attentats de Londres en juillet 2005 ont rappelé à l’Europe qu’elle n’était pas à l’abri. Nos sociétés européennes vivent au son des recommandations de sécurités dans les aéroports et dans les gares. Notre quotidien est, d’une manière ou d’une autre, envahi par la problématique du terrorisme. A n’en point douter, celleci est l’enjeu de ce début de siècle, pour l’Occident notamment, mais également pour le reste de la planète. Le 4 septembre 2004, le Directeur de la chaîne Al Arabiya, Abdelrahman Al Rached, déclarait dans le quotidien saoudien Asharq al Awsat : « Il est certain que tous les musulmans ne sont pas des terroristes mais, malheureusement, il faut avouer que la majorité des terroristes à 1 Le terme d’Occident étant entendu ici comme défini par Philippe Nemo, « Qu’est-ce que l’Occident », à savoir l’Europe Occidentale et les Etats-Unis. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 3 travers le monde sont musulmans »2. Il conviendrait de rajouter « actuellement » car cela n’a pas toujours été le cas. C’est évidemment l’Islam3 qui est pointé du doigt, sujet sensible et tabou par excellence. Islam, islamisme et terrorisme djihadiste sont donc au c!ur de la réflexion. De nombreux auteurs, après le 11 septembre 2001 ont tenté de mettre en avant le fait que l’Islam serait une religion de paix et que le terrorisme actuel serait entièrement en dehors de la religion musulmane. Le poids du politiquement correct et l’intention louable de ne pas créer d’amalgames et de réactions anti-musulmanes violentes ont cependant empêché un débat nécessaire sur les liens entre Islam, islamisme et terrorisme islamiste. Richard Clarke, spécialiste américain du terrorisme, tombe lui aussi dans le piège du politiquement correct en parlant de perversion d’une religion magnifique4. A titre d’exemple, le président du Kazakhstan, Narsultan Nazarbayev, a déclaré dans un article paru dans le Jérusalem Post du 20 Février 2003 : « l'Islam fondamentaliste n'est pas l'Islam véritable du Coran»5. La question qui vient à l’esprit est « Quel est l’Islam véritable ? ». L’islam qui conduisit Mahomet à égorger les juifs de la tribu des Banû Quraydha en 627 ? L’islam conquérant qui a conduit aux invasions du 8ème siècle et à la mise en !uvre du statut de dhimmi6 en Occident ? Celui des ottomans du 16ème siècle qui souhaitaient implanter l’Islam en Europe ? Celui de l’Egypte qui jette en prison ceux qui osent interpréter des versets du Coran ou qui publient des livres jugés non conformes à l’Islam ? Que penser de l’Islam pratiqué en Iran où les lapidations sont en progressions constantes ?7 Quel est le véritable Islam ? Celui imposé par les gouvernements des pays musulmans, celui des imams qui prêchent la haine de l’Occident en se fondant sur le Coran, ou bien celui pratiqué par des musulmans de façon tout à fait pacifique ? Lorsque 40.8% des lecteurs du site d’Al-Jazeera soutiennent les attaques d’Al-Qaïda en Europe8, il est nécessaire de se poser la question. Et que penser des réactions aux attentats du 11 septembre ? «Nous sommes enchantés», dit un Libanais. «En plein dans le mille», résuma un chauffeur de taxi égyptien en suivant une retransmission de l'écroulement du World Trade Center. «C'est l'heure du règlement de comptes», dit un habitant du Caire. D'autres égyptiens souhaitèrent que George W. Bush ait été enterré sous les décombres ou s'écrièrent qu'ils vivaient leur plus grand bonheur depuis la guerre de 1973. Et il en était ainsi partout dans la région. Au Liban et en Cisjordanie, les Palestiniens tirèrent des coups de feu en l'air, manière coutumière d'exprimer leur joie. En Jordanie, ils distribuèrent des friandises – autre signe d'allégresse. Et même hors du Moyen-Orient, un grand nombre de Musulmans déclarèrent que les États-Unis avaient eu ce qu'ils méritaient. Des journaux nigérians indiquèrent que 2 Cité dans « Le J’accuse du directeur de Al Arabiya », Proche-Orient.info, 8 septembre 2004. Lorsque Islam prend un i majuscule, il est fait référence à la civilisation islamique. Un i minuscule à islam fait quant à lui référence à la religion. 4 Richard Clarke, « Contre tous les ennemis », édition Albin Michel, 2004. 5 Cité in « l’islam sous la neige », Jerusalem Post, 20 février 2003, traduit en français par Albert Soued (http://www.chez.com/soued). 6 Statut d’infériorité accordé aux gens du livre (chrétiens, juifs, zoroastriens, etc.) pour qu’ils puissent exercer leur religion (sauf si elle concurrence l’islam) contre le paiement d’impôts. Pour une étude exhaustive sur le sujet, lire Bat Y’eor, « Juifs et Chrétiens sous l’islam, les dhimmis face au défi intégriste », Berg International, 1994. 7 « La lapidation pour punir ‘l'adultère’ », www.proche-Orient.info, 20 janvier 2005. 8 « Un sondage alarmant de Al-Jazeera, www.proche-orient.info, 7 septembre 2004. 3 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 4 l'organisation Jeunesse islamique avait organisé une fête dans la province de Zamfara pour célébrer l'attaque. «En tant que Musulman, je me réjouis de tous les dommages causés à l'Amérique» était la citation typique en provenance d'Afghanistan. Un dirigeant pakistanais déclara que Washington payait le prix de sa politique opposée aux Palestiniens, aux Irakiens, au Bosniaques et aux autres Musulmans; puis il ajouta que «le pire reste à venir».9 «Vive Ben Laden», scandèrent 5000 manifestants au sud des Philippines. Le Washington Post relevait après ces attentats que les Musulmans acclamaient Ben Laden «pratiquement d'une seule voix». Un Saoudien expliqua qu'«Oussama est un très, très, très, très bon Musulman». Un Kenyan ajoute: «Chaque Musulman est Oussama Ben Laden.» «Oussama n'est pas un individu, mais l'un des noms de la Guerre Sainte», a-t-on pu lire sur une banderole au Cachemire.10 Près de 5 ans après le 11 septembre, il est bon de se souvenir de ces réactions. Elles nous rappellent que le manichéisme naïf de nombreux occidentaux, consistant à différencier intrinsèquement l’islam de l’islam militant et du djihadisme, ne permettra pas de le comprendre et de le combattre efficacement. L’angélisme qui sévit chez de nombreux intellectuels, notamment occidentaux conduit à n’observer le phénomène que d’un !il11. Ceux-là voient l’islam tel qu’il devrait être ou comme ils souhaiteraient qu’il soit et non comme il est, en dépit de faits indéniables. Alexandre Del Valle a parfaitement résumé cet angélisme : « Les islamologues, aussi brillants soientils, se refusent en général à analyser l’Islam et l’islamisme en termes de menace. Ils ont même plutôt tendance à être fascinés par leur objet d’étude au point de se faire les défenseurs des positions les plus antioccidentales de l’Islam, au nom d’un « néo tiermondisme » masqué derrière « l’antiracisme » et le refus de « l’antiislamisme primaire »12. Tant que cette erreur d’analyse ne sera pas rectifiée, l’islamisme et sa composante armée ne seront pas vaincus. Comme le souligne également André Grjebine, Directeur de recherche au Centre d’études et de recherche internationales de Science Politique, « il serait tout aussi absurde d’ignorer le lien existant entre l’Islam et tous ceux qui s’en réclament que des les amalgamer tous, en les considérant comme un ensemble homogène 13 ». Les généralisations étant très fréquentes, il convient évidemment de souligner que l’islam militant, et a fortiori le djihadisme, ne concernent pas tous les musulmans. L’équation musulman = terroriste est une ineptie qu’il faut évidemment combattre. Il est bon de rappeler, par ailleurs, que les musulmans eux-mêmes sont les victimes des djihadistes. Cela étant posé, il n’en reste pas moins que le monde musulman est en crise, pour reprendre l’expression de Bernard Lewis. Le monde musulman cherche sa place. Cette recherche identitaire se traduit la montée de l’islam militant. Ce dernier se concrétise notamment par des mouvements séparatistes musulmans dans plusieurs régions du globe, des actions de 9 Cité par Daniel Pipes, « Réjouissances moyen-orientales », Jerusalem Post, 14 septembre 2001. Cité par Daniel Pipes, « Les musulmans adorent Ben Laden », Nex York Post, 22 octobre 2001. 11 On notera la clairvoyance de Pascal Boniface, Directeur de l’IRIS en France, qui écrivit avant le 11 septembre 2001 : « Je ne crois guère au développement d’un terrorisme de masse. (…) Je ne pense donc pas, contrairement à certains, que nous verrons des actes terroristes entraînant des milliers de victimes. (cité dans « Les guerres qui menacent le monde » de Béatrice Bouvet et Patrick Dernaud, Kiron - Editions du Félin, 2001 ). 12 Alexandre Del Valle, « L’islamisme, l’Europe et les Etats-Unis, quelques réflexions géopolitiques », www.alexandredelvalle.com. 13 André Grjebine, « Du bon usage de la langue de bois », Le figaro, 11 novembre 2004. 10 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 5 prosélytisme au sein de nos démocraties libérales ou encore par des actions terroristes stricto sensu attribuées à la mouvance d’Al-Qaïda. On pourrait même considérer que ces phénomènes n’en englobe en réalité qu’un seul : Le djihad, qui peut être réalisé par la force mais également par des moyens plus pacifiques et dont le but est l’expansion de l’islam dans le monde. Le Roi Hassan II n’a-t-il pas déclaré : «La signification du djihad pour l'Islam ne réside pas dans des croisades ni dans des guerres religieuses. Ce sont plutôt l'action stratégique, politique et militaire, ainsi que la guerre psychologique, qui, si elles sont utilisées par la Oumma islamique [la communauté mondiale islamique], nous donneront la victoire sur l'ennemi.»14 . Toujours est-il que ces deux aspects, la force et la propagande, sont liés et proviennent de cette résurgence de l’Islam dans le monde (également appelé « l’éveil islamique », «alSahwa alIslamiya »). Les occidentaux auraient tort de négliger l’une ou l’autre de ces manifestations sous prétexte que l’une est plus violente et plus visible que l’autre. Elles ont le même objectif, seul les moyens diffèrent. Soyons plus précis maintenant : l’islam militant, qu’on appelle également islam radical ou islamisme15 et qui sévit de nos jours ne découle pas, à titre d’exemple, des courants soufi ou moutazilite, courants spirituels et rationalistes de l’islam parmi les plus progressistes, ni même du karadjisme. L’islam militant fait référence à plusieurs tendances dérivées du sunnisme, mouvement majoritaire dans le monde musulman, comme le wahhabisme, devenu l’islam officiel de l’Arabie Saoudite, ou encore le salafisme qui lui-même dérive du wahhabisme. Le wahhabisme a largement été influencé par Mohamed ibn Abd al-Wahhab (1703-1792), élève de l'école hanbalite, la plus rigoriste des quatre écoles juridiques du sunnisme (les trois autres étant les écoles hanéfite, malékite et chaféite) mais également par Ibn Taymiyya (1263-1328). Les tenants de l’islam militant voient dans l’époque de Mahomet et des grandes conquêtes de l’islam, un exemple à suivre afin de redonner au monde musulman la place qui devrait être la sienne puisqu’Allah a promis aux musulmans la supériorité sur toutes les autres religions dans le monde. Il faut donc, selon eux, s’en tenir à une lecture littérale du Coran et de la Sunna (paroles, actes et préceptes du Prophète rapporté par la tradition). Toute idée progressiste est bannie et tout déviant est considéré comme un apostat. C’est notamment ce qui explique que l’islam soit figé depuis des siècles. Historiquement, les premiers courants salafistes souhaitant ce retour à l’âge d’or de l’islam remontent à la fin du 18ème et début du 19ème siècle avec notamment l’influence de penseurs comme Jamal al-Din al-Afghani (1839-1897) et Muhammad ‘Abduh (1845-1905) pour qui 14 Cité par Bat Y’eor, « Eurabia : l’axe Euro-Arabe », Jean-Cyrille Godefroy, 2006. Le terme d’islam militant, utilisé Daniel Pipes, Directeur du Middle East Forum et du U.S. Institute of Peace, spécialiste du Moyen-Orient et de l’islam, est beaucoup plus pertinent que les autres termes employés habituellement, notamment celui d’islam politique. En effet, l’islam est politique par essence dans la mesure où il entend régir tous les aspects de vie sociétale des musulmans (du mariage, de la succession à la tenue vestimentaire) contrairement au judaïsme et au christianisme qui distingue la loi civile de la loi de Dieu. Ont donc tort ceux qui considèrent l’islam comme une religion qui relève de la croyance intime et donc apparenté aux autres religions. Par ailleurs, rappelons que les musulmans non pratiquants ou qui n’appliquent pas entièrement les principes islamiques sont considérés comme de mauvais musulmans voire des apostats. C’est pour cette raison qu’on a coutume de dire qu’il n’existe pas d’islam modéré mais des musulmans modérés. La différence est cruciale. Il y aurait donc des musulmans qui se détachent des textes fondateurs pour moderniser l’islam et d’autres qui, au contraire, souhaitent revenir aux fondements même de l’islam afin d’islamiser la modernité. Par commodité, il sera utilisé le terme d’islamistes ou tenants de l’islam militant pour définir cette dernière catégorie de personnes. 15 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 6 toutes les difficultés du monde musulman cesseraient dès lors que tous les musulmans reviendraient à l’islam originel, à l’islam des « pieux ancêtres » (« al-salaf al-salih » à l’origine du courant salafiste). Un autre penseur important dans l’évolution de l’islam salafiste a été Rashid Ridha (1865-1935), disciple de Muhammad ‘Abduh, qui forma Hajj Amin al-Husseini, Mufti de Jérusalem16. Cette orientation salafiste de l’islam militant n’a cessé de se développer au fil des années avec pour point d’orgue la naissance du mouvement des Frères Musulmans en Egypte en 1928 qui ont profité de l’échec du panarabisme pour mettre en avant leur idéologie et notamment l’idée d’une identité collective fondée, non sur le nationalisme, mais sur la religion musulmane. C’est cette conception d’Oumma, de communauté musulmane, qui est mise en avant actuellement par les islamistes pour que leur cause touche l’ensemble des musulmans de la planète. Si l’on fait référence aux Frères Musulmans, il est impossible de ne pas mentionner Sayyid Qutb (1906-1966) membre le plus rigoriste de la confrérie. Ce dernier prônait l’application de l’islam dans tous les aspects de la vie des musulmans, préconisait le djihad contre l’Occident mais également contre les musulmans jugés peu pratiquants, et voyaient dans les juifs des être comploteurs qui oeuvraient en secret pour la destruction de l’islam. Selon Qutb, les malheurs du monde musulman viendraient de l’Occident, aidé par les juifs, et la seule solution pour contrebalancer cette dérive serait de revenir à l’islam du Prophète tout en islamisant le monde. De nos jours, la confrérie des Frères Musulmans est surtout connue pour les déboires médiatiques de Tariq Ramadan, petit fils d’Hassan Al Banna, fondateur de la confrérie et dont les objectifs étaient les suivants : "Réformer les lois pour qu'elles se conforment à la législation islamique et notamment les infractions et les sentences pénales, multiplier les phalanges de jeunes en les éduquant à la guerre sainte, contrôler le comportement des fonctionnaires sans distinguer l'aspect privé de la responsabilité publique, interdire la mixité entre étudiants et étudiantes, considérer tout contact mixte en tête à tête comme un crime susceptible d'être sanctionné, revivifier le rôle de la hisha (police des moeurs) et réprimer tous ceux qui ne respectent pas les préceptes de l'Islam ou ceux qui n'observent pas ses obligations tels le jeûne du mois de ramadan, la prière ou encore ceux qui insultent la religion, mettre fin à l'esprit étranger, orienter la presse vers le bien".17 Il faut enfin noter que wahhabisme, salafisme et courant des Frères musulmans s’imbriquent de façon importante aujourd’hui. On ne s’étonnera donc pas de savoir que Ben Laden est bien évidemment un pur produit du wahhabisme et que son bras droit Ayman al-Zawahiri est, quant à lui, imprégné de l’idéologie des Frères Musulmans, les deux fanatiques faisant référence à un retour à l’islam pur des ancêtres qui n’est pas sans rappeler les thèses salafistes. Ces trois principaux courants idéologiques sont le c!ur de l’islam militant aujourd’hui mais il ne faudrait pas oublier l’islamisme chiite dont la figure emblématique reste le Hezbollah. En réalité, malgré les divergences des différents courants de l’islam, malgré les animosités entre chiites et sunnites, certaines lignes directrices sont communes à l’intérieur de tous ces courants. On retrouve la haine de l’Occident, censé être la cause du malheur musulman, la haine du Juif (rappelons à ce titre que Ben Laden a fondé avec Al-Zawahiri le « Front islamique international pour mener le djihad contre les croisés et les juifs ») et la volonté d’expansion de l’islam dans le cadre du retour à un Califat mondial. Les principaux objectifs 16 Connu notamment pour ses liens avec l’Allemagne nazie. Pour une étude plus exhaustive sur l’influence des Frères Musulmans, se référer à l’ouvrage de Emmanuel Razavi, « Frères musulmans dans l’ombre d’Al Qaeda », éditions Jean-Cyrille Godefroy, 2005. 17 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 7 des islamistes sont donc de reprendre le contrôle des régimes musulmans qui ne se conformeraient pas à leur vision de l’islam et de combattre tout régime infidèle dans le monde, ce qui n’inclut pas seulement l’Occident comme le démontre le terrorisme en Chine, dans la région du Cachemire, en Russie et bien entendu en Israël. Ce court rappel historique permet de comprendre que l’islam militant existe depuis des siècles, pratiquement depuis les origines de l’islam18. L’échec du nationalisme arabe ajouté à la confrontation avec un Occident qui a perdu une part de sa spiritualité a accéléré son émergence de nos jours. Le terrorisme djihadiste n’est que la mise en pratique des objectifs de l’islam militant décrits précédemment. Le fondement idéologique est le même, seules les méthodes diffèrent. D’un côté on utilise la violence, de l’autre la prédication et la politique. Nous verrons ultérieurement que le terrorisme djihadiste est parfois critiqué par les islamistes dans la mesure où il peut se révéler contre-productif par rapport à une expansion de l’islam militant par des voies plus pacifiques, notamment en Occident grâce aux propres principes de fonctionnement de nos démocraties. Il existe donc de multiples courants qui, malgré des divergences, se rejoignent sur certains points. Pour autant, peut-on considérer qu’il existe une coordination entre ces divers courants ? Y’a-t-il un projet global ou bien une structure unique qui superviserait une attaque contre l’Occident ? En novembre 2001, des policiers européens découvrent en Suisse, dans la villa d’un islamiste, un document de 14 pages daté de 1982 et intitulé « Vers une stratégie mondiale pour la politique islamique ». L’objectif principal de ce projet est d’établir un pouvoir islamique sur terre. S’ensuit des recommandations pratiques comme encourager les musulmans de participer à la vie politique du pays où ils résident dans l’intérêt de l’islam et des musulmans, ou encore encourager des alliances avec les forces politiques islamiques ou non-islamiques. Le projet tend également au soutien de tous les mouvements djihadistes dans le monde. Derrière ce document bien peu médiatisé, on retrouve l’influence directe des Frères Musulmans et de Yousouf al-Qaradawi, président actuel du Conseil européen des fatwas et de la recherche. Ce dernier a rédigé l’ouvrage « Priorités du mouvement islamique dans la période à venir » qui reprend certains objectifs de ce projet mondial et notamment celui de l’expansion de l’islam en Occident et plus particulièrement en Europe. Ce même al-Qaradawi qui, en novembre 2000, déclara « L’Europe s’apercevra qu’elle souffre d’une culture matérialiste, et recherchera une alternative… L’Islam reviendra en Europe et les Européens se convertiront à l’Islam ».19 Comme le rappelle le journaliste Sylvain Besson20, qui a enquêté sur ce projet, le but de ce mouvement islamique est d’unir la nation musulmane, l’oumma, afin de replacer l’islam à la tête de la société, de libérer les territoires musulmans contrôlés par les infidèles et de réintroduire le système du califat. 18 C’est notamment pour cela que certains islamologues considèrent que l’islamisme n’est rien d’autre que l’intégralité de l’islam, celui des textes fondateurs et non une hérésie extérieure à l’islam. 19 Cité par Steven Stalinsky, The Next Pope and Islamic Prophecy, Frontpagemagazine.com, 14 avril 2005 (traduit par Simon Simon Pilczer). 20 Sylvain Besson, « La conquête de l’Occident : le projet secret des islamistes », Seuil, 2005. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 8 S’il est, à l’heure actuelle, difficile de croire à une fédération de tous les islamistes du monde autour de ce projet, et encore moins de croire à un complot mondial contre l’Occident, il n’en reste pas moins que ces objectifs sont communs à nombre de groupes islamistes et djihadistes. Les conflits actuels dans les régions du Cachemire, de Tchétchénie, du Xinjiang, dans l’exYougoslavie, au Soudan, ou au Nigeria par exemple, qui pouvaient être considérés comme des conflits régionaux portés par un nationalisme classique se teintent désormais d’une couleur islamiste. Ces conflits ont perdu leurs caractéristiques locales pour devenir des bastions du djihadisme mondial. Si le renouveau de l’islam militant sur la scène internationale est indéniable21 et que l’Occident à fort à craindre de ce renouveau, peut-on parler pour autant de choc des civilisations comme on l’entend si souvent ? Il est certain que des aspects civilisationnels sont bien présents dans les conflits actuels, armés ou non. Les djihadistes commettent leurs actes abjects en prétextant une supériorité intrinsèque de l’Islam sur tout autre civilisation. Les démocraties libérales occidentales doivent faire face à de nouvelles revendications de la part d’islamistes sur leurs territoires. Celles-ci tendent notamment, nous y reviendrons, à la scission entre musulmans et non musulmans du fait que la civilisation occidentale est décadente et non conforme aux prescriptions de l’islam. La sphère de compétence de l’islam est en contradiction avec certains principes tels que l’égalité entre les citoyens, la liberté d’expression (notamment avec le droit au blasphème) ou encore la liberté de croire ou non. Chaque jour démontre que des frictions naissent de ces contradictions. Pour autant, le concept d’un choc des civilisations n’est pas pleinement pertinent pour expliquer ces phénomènes. D’abord parce que l’Occident n’est pas le seul visé par l’islam militant puisque sont également impliqués des pays comme l’Inde, la Chine, des pays d’Afrique, bien loin de la civilisation occidentale. Ensuite parce qu’il est difficile de parler de choc des civilisations lorsque les djihadistes s’attaquent aussi aux musulmans et aux états musulmans qui ne respectent pas leur vision de l’islam. N’oublions pas que l’un des objectifs des islamistes, qui sera approfondi ultérieurement, est de ré-islamiser les territoires musulmans ne suivant pas l’islam qu’ils défendent. Cet objectif ne correspond pas à un choc des civilisations stricto sensu. Enfin, il est intéressant de noter que l’islam militant trouve un soutien important au sein même de l’Occident notamment à travers les courants d’extrême gauche et parfois même d’extrême droite. Si le nombre de convertis à l’islam semble augmenter en Europe (près de 50.000 convertis en France depuis quelques années selon le Ministère de l’Intérieur) et si de plus en plus d’européens se transforment en djihadistes, c’est sans nul doute parce que cette idéologie théologico-politique a séduit les orphelins des précédents courants révolutionnaires et extrémistes occidentaux. Il est vraisemblable que le phénomène actuel soit le résultat de plusieurs manifestations historiques et que nous soyons donc face à une sorte de synthèse entre nationalisme arabe, fondamentalisme islamique, et totalitarisme de type européen tel que le national-socialisme ou le communisme. Il est d’ailleurs frappant de voir les analogies entre ces mouvements totalitaires et l’islam militant : même culte de la supériorité, même utopie idéologique et mêmes moyens pour parvenir à leurs fins, notamment l’utilisation de valeurs démocratiques telles que la liberté d’expression. Il existe une différence essentielle cependant entre les 21 Au grand dam des islamologues français qui déclaraient que l’islamisme était voué à l’échec et que sa fin était proche. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 9 mouvements totalitaires du 20ème siècle et l’islam militant qui tient au concept de transcendance. Les partisans de l’islam militant croient agir non en fonction d’une idéologie humaine, comme ce fut le cas pour le national-socialisme et le communisme, mais bien en fonction de la volonté de Dieu (notamment à travers la stricte application du Coran, livre incréé reflétant sa parole). Cette idéologie transcendantale est plus difficile à combattre car s’il est aisé de contrer l’argumentation d’être humains, il n’en va pas de même avec Dieu. Plus que d’un choc des civilisations, on pourrait parler d’un choc entre sociétés ouvertes et mouvements liberticides. Wafa Sultan, psychologue arabe américaine confirme cette thèse : "Le conflit auquel nous assistons n'est pas un conflit de religions ou de civilisations. C'est un conflit entre deux opposés, entre deux époques. C'est un conflit entre une mentalité qui appartient au MoyenÂge et une autre qui appartient au 21ème siècle. C'est un conflit qui oppose la civilisation au retard, ce qui est civilisé à ce qui est primitif, la barbarie à la raison. C'est un conflit entre la liberté et l'oppression, entre la démocratie et la dictature. C'est un conflit entre les droits de l'Homme d'une part, la violation de ces droits de l'autre. C'est un conflit qui oppose ceux qui traitent les femmes comme des animaux à ceux qui les traitent comme des êtres humains. Ce à quoi nous assistons aujourd'hui n'est pas un conflit de civilisations. Les civilisations ne s'affrontent pas ; elles se complètent. »22 Cette nouvelle menace de type totalitaire est donc bien réelle et puise ses sources dans des mouvements anciens tout en se référant à l’histoire contemporaine. Par ailleurs, celle-ci n’est pas apparue subitement le 11 septembre 2001. Des avertissements avaient bien eu lieu avant. En 1995, soit 6 ans avant les attentats du 11 septembre 2001, le secrétaire général de l’OTAN, Willy Claes déclara que depuis la guerre froide « le militantisme islamique était apparu comme la menace la plus grave contre l’alliance atlantique et la sécurité de l’Occident ». Force est de constater que l’histoire lui a donné raison même s’il dut s’excuser publiquement pour avoir osé déclarer une chose aussi offensante pour l’islam. Bernard Lewis a également confirmé la préexistence de cette vague de haine : « Cela fait longtemps, qu’une marée de révolte s’est dressée contre la suprématie de l’Occident, dominée par la soif de réaffirmer les valeurs de l’islam et de restaurer sa grandeur »23. Grandeur oubliée suite au démembrement de l’empire Ottoman après la première guerre mondiale, l’échec des divers courants nationalistes arabes et les revers consécutifs visant à détruire Israël. Car la plus grande des humiliations pour les tenants de l’islam militant est de voir que les musulmans ne dirigent pas le monde, alors que le Coran affirme : « Vous êtes le peuple le plus excellent qui soit jamais surgi parmi les hommes ; vous ordonnez ce qui est bon et défendez ce qui est mauvais et vous croyez en Dieu […]» (Sourate III, verset 106)24. Cette tentative de rétablir la parole d’Allah est une des conséquences de ce sentiment d’humiliation. Alors qu’un consensus devrait se mettre en place pour lutter contre ce nouveau totalitarisme, jamais l’Occident n’a été aussi divisé. Ces divergences, qui engendrent une scission de plus en plus importante au sein de l’Occident au grand bonheur des islamistes, reposent sans doute sur l’approche très différente du phénomène. Les Etats-Unis, ou tout au moins l’administration dirigeante actuelle, voient dans l’islam militant un nouveau totalitarisme qu’il convient de combattre de la même manière que les autres, à savoir par une approche libérale tant au niveau économique que politique. Les Européens, quant à eux, ne voient pas dans 22 « Wafa Sultan, psychologue arabe américaine : Il n'y a pas de conflit de civilisations mais un conflit entre la mentalité du Moyen-âge et celle du 21ème siècle », www.memri.org, 6 mars 2006. 23 Cité in « La Paix impossible ? », Fabien Ghez et Liliane Messika, L’Archipel, 2006. 24 Toute citation du Coran fait ici référence à la version traduite par Kasimirski, GF Flamarion, 1970. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 10 l’islam militant une menace. Au mieux, ils considèrent que l’islamisme n’est rien d’autre qu’une réaction à l’impérialisme américain, donc tout à fait justifiable, si ce n’est excusable. Logiquement, une perception différente de la menace génère une divergence dans les moyens de la combattre. C’est donc tout naturellement que l’Occident s’est déchiré face aux choix entrepris par ses gouvernants. En tant que première puissance mondiale, les Etats-Unis, à travers l’administration Bush, ont choisi de remettre en cause leur politique au Moyen-Orient, laissant au passage une realpolitik qui convenait très bien à l’Europe. Les européens, quant à eux, ont réagi au phénomène de façon policière telle une lutte contre un grand banditisme des nouveaux temps. Les deux voies ne sont pas aussi contradictoires qu’il n’y parait. La question est de savoir si elles sont suffisantes. Et si l’islam est au c!ur du problème, il est aussi au c!ur de la solution. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 11 Chapitre 1 : Une menace mal appréhendée par l’Europe « […] Cela signifie que l’islam retournera en Europe en conquérant et en vainqueur, après avoir été expulsé deux fois : une fois d’Andalousie, au Sud, l’autre fois à l’Est, après qu’il eut frappé aux portes d’Athènes. Je soutiens que cette fois la conquête ne se fera pas par l’épée mais la prédication et l’idéologie » Yousouf alQaradawi « Plus grande que la honte de la guerre est celle des hommes qui ne veulent plus rien en savoir » Karl Kraus Les tensions récentes entre l’Europe et les Etats-Unis ont démontré à quel point la menace du de l’islam militant était appréciée différemment par les deux puissances. Si la majorité des américains a été traumatisée par le 11 septembre et considère que l’islamisme est un réel danger pour eux, les européens n’ont pas, malgré les attentats de Madrid et de Londres, cette même crainte. S’il est intéressant d’analyser les différents points de vue sur cette question, il est primordial également de comprendre pourquoi l’Europe n’apprécie pas le danger de l’islam militant de la même façon. A/ L’islam militant perçu comme une paranoïa américaine « Paranoïa », « psychose » ! Combien de fois a-t-on pu lire ces mots dans la presse européenne et surtout française concernant les Etats-Unis. Pour la majorité des européens, la menace islamiste est largement surestimée par les Etats-Unis. Il est même devenu commun d’entendre que les Etats-Unis se sont crées un nouvel ennemi après le communisme. Mais pourquoi chercher un nouvel ennemi ? Les réponses ne se font pas attendre : soit pour relancer l’économie, ou bien pour suivre leur plan de contrôle du monde, les américains désirant dominer la terre entière. Par la même, toute action des américains devient suspecte. Elle n’est jamais ce qu’elle parait être, il y a toujours une cause plus secrète, plus ou moins cachée, mais toujours liée soit l’argent soit au pouvoir. Nous sommes ici en plein mythe du complot. a) La résurgence du mythe du complot Que les Etats-Unis fassent, ou ne fassent pas, quelque chose, ils seront toujours soupçonnés d’arrières pensées calculatrices. Le mythe du complot est d’ailleurs en pleine expansion partout dans le monde. Le succès de Thierry Meyssan, qui affirme qu’aucun avion ne s’est écrasé sur le Pentagone le 11 septembre et qu’un complot américain est derrière tout cela, en Europe et surtout dans le monde musulman, est particulièrement inquiétant. Cette « théorie » a d’ailleurs suscité des émules puisqu’un DVD intitulé « Face à la preuve » et traduit en 8 langues a inondé les salles de rédaction des quotidiens français durant l’été 2005. La thèse est classique : les attentats du 11 septembre ne sont qu’un complot fomenté par le Président Bush. Conséquence de ces délires intellectuels : en 2002, un sondage mené au Maroc, en Egypte, en Syrie et au Liban a révélé que 62% des sondés étaient persuadés que le 11 septembre n’était pas imputable à Al-Qaïda25 . En 2006, cette opinion n’a pas changé. L'institut américain Pew Research Center, a effectué un sondage sur la responsabilité du 11 septembre. Pour 65% des Indonésiens, 59% des Turcs, 53% des Jordaniens et 56% des musulmans britanniques et 50% 25 Cité par Antoine Vitkine, « Les nouveaux imposteurs », Editions de La Martinière, 2005. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 12 des musulmans français, les attentats ne sont pas le fait d'Arabes26. On ne peut que rester interdit face à de tels chiffres. Une autre variante du mythe du complot se caractérise dans la croyance que les Etats-Unis s’allieraient en réalité aux islamistes afin de détruire l’Europe. Cette variante se rencontre essentiellement au sein des courants identitaires en France. On reproche alors aux américains d’avoir défendu le monde musulman contre celui des peuples chrétiens en Bosnie, ce qui serait une preuve que le but inavoué des Etats-Unis serait de submerger l’Europe d’une vague islamique afin d’avoir la mainmise sur notre continent. Il faut donc rappeler que si les EtatsUnis ont agi dans les Balkans, c’était à la demande de l’Europe qui n’arrivait pas à gérer ses conflits ethniques. Rappelons également qu’à l’exception du Front National et de quelques intellectuels français, la France a également pris le parti des musulmans bosniaques. Il ne s’agissait donc pas d’une spécificité américaine. Sans revenir sur ce conflit et notamment ses composantes islamistes et ses répercussions géostratégiques, il faut reconnaître que la volonté d’épuration ethnique des dirigeants serbes à l’encontre des bosniaques a été réelle et sans ambiguïté27. Les massacres de musulmans ont bien eu lieu, des charniers et camps de concentration ont bien été retrouvés. Le fait que les Etats-Unis aient voulu empêcher le massacre de près de 8.000 musulmans dont de nombreux civils signifie t-il qu’ils sont les alliés des islamistes ? La réponse est à l’évidence non. En fait, les tenants de cette thèse arrivent à cette conclusion par une sorte de raisonnement syllogistique. Dans cet exemple, le raisonnement syllogistique serait le suivant : Les Etats-Unis ont aidé les musulmans en Bosnie, Les islamistes/terroristes sont musulmans, Donc les Etats-Unis ont aidé les islamistes. Le problème des syllogismes est que les deux premières propositions doivent être vraies et non particulières pour que la conclusion le soit également. Dans le cas présent, la deuxième est problématique car si les islamistes/terroristes actuels sont en majorité musulmans, les musulmans ne sont pas tous des islamistes/terroristes, d’où une erreur dans la conclusion. Par conséquent, le fait que les Etats-Unis aient aidé les musulmans en Bosnie ne signifie pas logiquement qu’ils sont les alliés des islamistes/terroristes. Pour prendre le problème a contrario, si les Etats-Unis avaient laissé les serbes massacrer les musulmans de Bosnie, cela n’aurait pas signifié pour autant qu’ils luttent efficacement contre l’islam militant. Pour démontrer que les américains souhaitent s’allier au monde musulman pour anéantir l’Europe, on leur reproche souvent de se prononcer en faveur de l'intégration de la Turquie dans l'Union européenne afin d’affaiblir cette dernière et, par là même, renforcer leur impérialisme28. On peut effectivement s’interroger sur les motifs qui poussent les Etats-Unis à autant appuyer la candidature turque. 26 « L'islam, les Juifs et l'Occident, Un rapport du Pew Research Center », www.proche-orient.info, 26 juin 2006. Ce qui est en revanche scandaleux, c’est que les serbes subissent maintenant plus ou moins la même chose, dans l’indifférence générale de l’opinion internationale. 28 Notons une fois encore qu’il ne s’agit pas ici d’une spécificité américaine puisque nos gouvernants, entre autres, souhaitent l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. 27 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 13 Alexandre Del Valle, auteur de deux ouvrages sur la Turquie analyse cette insistance américaine : « Résumons : la Turquie est perçue par le Pentagone et la MaisonBlanche comme une plate forme d’influence occidentale sur l’Asie centrale musulmane et turcophone. Elle détient une position clé dans la bataille mondiale contre le trafic de drogue et l’immigration clandestine. Enfin, on continue de croire qu’elle incarne le modèle par excellence d’État musulman laïc susceptible aussi bien de contrer l’offensive islamiste radicale que de désamorcer le conflit de civilisation que l’on voit poindre entre l’Occident et l’islam. La Turquie est présentée comme un bouclier naturel contre les « Étatsvoyous » du ProcheOrient et, surtout, comme un pays de transit relativement sûr pour le gaz et le pétrole du Caucase et même de l’Asie centrale — en tout cas plus sûr que l’Iran ou la Tchétchénie. En outre, la nouvelle doctrine des faucons de Washington pour le Moyen et le ProcheOrient consiste à faire de l’Irak, du Koweït et du Qatar des bases pétrolières et militaires stratégiques destinées à neutraliser la région et à répandre, aux côtés d’une Turquie exportant son modèle « islamique modéré », les valeurs de l’Occident et du libéralisme. À travers le gouvernement « islamodémocratique » et le fameux « modèle musulman laïque turc», les ÉtatsUnis espèrent s’opposer tant à l’influence des islamistes wahhabites saoudiens qu’à celle des ayatollahs iraniens et du Hezbollah libanais. »29 Nous sommes ici assez loin d’un complot contre l’Europe… Enfin, les théoriciens du complot montrent du doigt, afin de prouver leurs dires, la relation entre les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite. L’ambiguïté de cette relation a été maintes fois critiquée par les spécialistes de la région et notamment par Laurent Murawiec mais, comme nous le verrons par la suite, cette ambiguïté tend à s’amenuiser lentement mais inexorablement. Il semblerait que la paresse intellectuelle soit devenue la norme. Oubliée la complexité du monde, voici revenue l’heure des maîtres du monde qui contrôlent notre destinée. Les protocoles des Sages de Sion sont remis au goût du jour. Dans chaque conflit, il faut désormais y voir la main des juifs ou des américains. Ce sont eux les coupables. Bush et Sharon cristallisent à eux deux tous les malheurs du monde. « BushSharon assassins ! » scandait-on dans les rues de Paris en 2003. Juste retour de bâton, entend t-on aussi, les EtatsUnis l’ont bien cherché. Pire, un sondage Ipsos de mars 2003 montrait que 33% des français souhaitaient la défaite des Etats-Unis et donc la victoire du tyran de Bagdad30. Il est tellement plus simple de trouver un bouc émissaire pour expliquer le chaos actuel. Antoine Vitkine a parfaitement résumé la situation lorsqu’il écrit : « La théorie du complot, échappant à la raison, est un forme de mysticisme, un conjuration du réel lorsqu’il fait trop peur, lorsqu’il est trop compliqué ou lorsqu’il vaut mieux le travestir pour gagner des esprits à sa cause31 ». L’islamisme, le djihadisme ? Une invention des maîtres du monde pour mieux justifier leur politique de contrôle de la planète. Et puis, en quoi le terrorisme islamiste serait inquiétant pour l’Europe puisque ne seraient visés que les américains et les juifs ? b) Le sentiment de sanctuarisation des européens 29 Alexandre Del Valle, « La Turquie dans l’Europe : une fausse bonne idée ? », Politique Internationale n° 104. Cité par Antoine Vitkine, op.cit. 31 Antoine Vitkine, op.cit. 30 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 14 L’Europe est à l’abri, entend t-on souvent. Nos experts sont là pour le confirmer : Hans Blix, l’ex-chef des inspecteurs en désarmement des Nations Unies en Irak déclare début mars 200432 « Nous surestimons la menace terroriste et il y a des choses au moins aussi dangereuses, sinon plus, comme les atteintes générales à l’environnement ». Belle clairvoyance à trois jours des attentats de Madrid du 11 mars 2004. Et pourtant, même le « 11M » n’a pas eu autant d’impact que le « 9/11 », tant au niveau de la conscience collective que de la politique. « On a pas tiré les leçons du 11 mars. On a dit, comme pour se rassurer, que l’Espagne avait été punie pour son engagement dans la guerre en Irak. C’est largement faux car à travers ces attentats, planifiés depuis Istanbul, c’était la démocratie qui était visée » a rappelé Jean-Charles Brisard, expert en terrorisme et enquêteur français pour les victimes du 11 septembre 200133. Deux sondages récents reflètent le peu d’importance qu’accordent les européens à la menace islamiste : selon un sondage exclusif CSA/Canal Plus de février 2005, le réchauffement de la planète est la crainte principale des français, le terrorisme arrivant en deuxième place et l’avenir des retraites en 3ème. Selon le dernier Eurobaromêtre 34, le terrorisme arrive très loin dans les principales préoccupations des européens. A titre d’exemple, seulement 2% des grecs interrogés considèrent le terrorisme comme une menace (la moyenne européenne étant à 16%), le chômage arrivant largement en tête. c) Un déni de réalité Bien que la démarche ne soit pas scientifique, qu’elle ne préjuge pas d’une opinion générale, il est également intéressant de relever les commentaires que l’on peut trouver sur Internet, dans des forums de discussions, à la suite d’articles parus dans la presse par exemple. En faisant une synthèse de ces commentaires, l’on s’aperçoit que des raisonnements reviennent très souvent : « Il ne faut pas s’inquiéter car le terrorisme ne touchera pas l’Europe, sauf les pays pantins des EtatsUnis comme le RoyaumeUni » ; « Le terrorisme toute le monde en parle mais il fait beaucoup moins de morts que (au choix) le Sida, la faim dans le monde, les accidents de la route, etc. alors pourquoi s’en inquiéter » ; « le terrorisme est surmédiatisé et crée une psychose chez les gens, vivons notre vie tranquillement pour ne pas faire le jeu des terroristes » ; « Le terrorisme permet à certains (suivez mon regard) de supprimer les libertés individuelles, inquiétons nous des causes du terrorisme, et notamment de l’oppression de l’Occident sur le monde musulman ». Tels sont les commentaires que l’ont peut observer lorsque le sujet est abordé. On y note surtout une profonde méconnaissance de l’islam militant et une grande réticence à aborder la question de l’islam, pourtant au c!ur du problème. Il faut, pour comprendre cette position, analyser deux épiphénomènes propres à l’Europe. D’abord, la frilosité de nos intellectuels et divers islamologues, en tous cas les plus médiatiques. Le politiquement correct s’est peu à peu transformé en « islamiquement 32 Cité dans l’édition du 8 mars 2004 du quotidien gratuit « 20 minutes ». Cité dans l’édition du 11 mars 2005 du quotidien L’Est Républicain. 34 http://europa.eu.int/comm/public_opinion/archives/eb/eb62/eb62_fr.htm. 33 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 15 correct » et ce n’est donc pas une surprise si toute analyse sur l’islam militant se termine inlassablement par les présupposés suivants : le djihadisme n’a rien à voir avec l’islam. Le Coran n’incite pas à la violence. Il faut voir dans le terrorisme actuel une réaction contre l’impérialisme américain ou israélien. Dans la mesure où ces intellectuels envahissent la scène médiatique, il y a peu de place pour le débat. Leurs affirmations, pourtant réfutées par d’autres analyses, passent pour des vérités intangibles. Il est alors logique que les populations européennes et notamment françaises, à qui l’on répète de façon lénifiante ces « vérités », ne considèrent pas l’islam militant comme une réelle menace. Ensuite, si le sujet est si tabou, c’est sans nul doute car les auteurs d’actes terroristes ou de pressions islamistes sont musulmans. Or, du fait de discrimination, réelles ou supposées, à l’encontre des immigrés musulmans en Europe, il serait, pour les bien-pensants, inconvenant de jeter l’opprobre sur des personnes qui sont de facto insérées dans la catégorie de victimes de la société. On notera au passage l’amalgame entre immigrés, maghrébins et musulmans qui poussent nos belles âmes, à diaboliser toute discussion sur l’islam. Les adjectifs de «raciste » et d’ « islamophobe » sont très vite utilisés lorsque la discussion peut déboucher sur une critique, même objective de l’islam, ou sur la relation qui pourrait exister entre islam et islam militant. Par le processus du « reductio ad hitlerum »35, il devient maintenant impossible d’aborder ces sujets sans subir l’opprobre de ces bien-pensants. En France, quelle est devenue la qualification la plus ignominieuse (à part « pro-Bush » s’entend) ? La qualification de raciste bien entendu. Si l’on veut garder sa crédibilité, il ne faut pas s’approcher de trop près de la frontière du « politiquement incorrect », sans quoi, on parlera de lepénisation des esprits, de faire le jeu du Front National, d’être un raciste. Et si l’on franchit la frontière, le retour est quasi impossible, le « dérapage » est irréversible. On comprendra que peu d’intellectuels s’essaient à ce petit jeu. Or, par un dévoiement de la lutte antiraciste, nous assistons à une sorte de racisme inversé. Il devient dangereux d’aborder le sujet de l’islam militant qui impliquerait la participation d’une victime désignée du racisme ou de l’islamophobie. Par un racisme paradoxal, certaines personnes bénéficient donc aujourd’hui d’une imperméabilité à la critique du fait de leur appartenance à une catégorie, celle de victime officielle du racisme. Ce phénomène conduit malheureusement à un déni de réalité, comme cela est déjà le cas en France concernant la surreprésentation des jeunes issus de l’immigration dans la délinquance, la pratique de la polygamie pourtant illégale ou encore le traitement médiatique des émeutes urbaines de novembre 2005. Ce déni de réalité a parfaitement été analysé par Dominique Sopo, Président de SOS Racisme, qui écrit : « Le mécanisme même du déni est d’ailleurs révélateur de l’intime relation qui existe entre les aspects exotiques et victimaires. Il s’enclenche lorsque, en posant la personne étrangère ou d’origine étrangère n’existe que comme la déclinaison individualisée de la catégorie exotique dans laquelle elle a été placée, on en vient à estimer que la critique d’un comportement individuel équivaut à la critique d’une population déterminée. Ce déni se complète par le fait que les populations immigrées ou d’origine immigrée, appréhendées sous le seul angle de victimes de la société, ne sauraient supporter un examen critique. Car l’examen critique est 35 Cette expression, créée par le philosophe Leo Strauss, désigne la méthode consistant à diaboliser un adversaire en plaçant immédiatement ses propos dans une catégorie idéologique infamante (le nazisme ou en France l’idéologie du Front National) ou en le comparant à un personnage détestable (Hitler par exemple) avant même de discuter du bien-fondé de ces propos. Cela permet de tuer le débat dans l’!uf et de discréditer l’adversaire. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 16 alors considéré comme l’antichambre de la stigmatisation, et donc d’une justice supplémentaire »36. Dans ces conditions, le déni de réalité concernant l’islam militant ne peut étonner. C’est ce qui permet également de comprendre qu’il existe une différence essentielle entre la perception de la menace par les populations et par leurs dirigeants. A titre d’exemple, la France, craignant une attaque terroriste, a été en alerte rouge pendant de nombreuses semaines fin 2005 et a activé différents plans antiterroristes, comme le très connu Vigipirate. Ceci démontre par ailleurs que nos dirigeants savent très bien que leur pays peut être touché à tout moment. Ces derniers ont une perception beaucoup plus réaliste que celle de leur population, souvent mal informée sur un sujet ayant tendance à être très vite « idéologisé ». Il faut également ajouter que la menace actuelle est singulière et différente de ce que l’Europe a connu jusqu’à présent (à de rares exceptions près : épisodes terroristes des Brigades Rouges ou attentats islamistes en 1995 pour la France). Pour certains, nous serions entrés dans la 3ème guerre mondiale voire la 4ème, si l’on considère la guerre froide comme la 3ème. Mais l’Europe est habituée aux guerres entre Etats, avec déclarations, déplacements de troupes et tous les mécanismes des guerres conventionnelles. Dans l’inconscient de nombreuses personnes, pour que l’on parle de guerre mondiale et donc de réelle menace, il faudrait le soulèvement des masses musulmanes. Leurs armées devraient nous déclarer la guerre de façon officielle par le biais de leurs Etats. Avec une telle conception, il n’y a évidement pas grand-chose à craindre… A l’évidence, l’Europe n’a pas encore intégré la nature asymétrique de cette menace. D’où une possible relativisation du phénomène. d) L’Europe, hors de l’Histoire Le « camp de la paix », autoproclamé lors du déclenchement de la deuxième guerre d’Irak et assez représentatif de la position européenne, aurait dû s’appeler le camp du « laissez-nous en paix !». L’Europe, au sein de laquelle les conflits armés ont presque tous disparus, a tendance à ne plus s’intéresser au monde. Seul importe son bien-être. Les conflits de la planète semblent si lointains. Cette relativisation provient sans nul doute du sentiment européen de se croire au-delà de l’Histoire. Selon André Glucksmann, « Elle (l’Europe) croit pouvoir mener une existence posthistorique, celle d’une île bienheureuse ou d’un camp de vacances permanent. »37. Cette fâcheuse tendance à vouloir être en dehors de l’Histoire a conduit à quelques ratés lors de deux précédentes menaces mondiales, le national-socialisme et le communisme. Certes, ces analogies ne sont pas parfaites mais certaines ressemblances entre les attitudes de l’Europe aux différentes époques sont troublantes. Durant l’entre-deux guerre, le mouvement pacifiste était omniprésent en France (« mieux vaut la servitude que la guerre » scandait le syndicat national des instituteurs). Illustration parfaite de cet état d’esprit, que l’on retrouve de nos jours chez les neo-pacifistes, une correspondance de l’écrivain Roger Martin du Gard à son ami Marcel Lallemand datée du 9 septembre 1936 : « Suis dur comme fer pour la neutralité. Principe : tout, plutôt que la 36 37 Dominique Sopo, « SOS Antiracisme », édition Denoël, 2005 André Glucksmann : « L’antiaméricanisme a une fonction rassurante, le Figaro, 25 octobre 2004. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 17 guerre ! Tout, tout ! Même le fascisme en Espagne ! Et ne me poussez pas, car je dirais : oui…et même le fascisme en France ! […] Tout : Hitler, plutôt que la guerre !38 A côté de ceux qui auraient préféré Hitler à la guerre, on retrouvait aussi les partisans du « tout va bien Madame la Marquise », ceux qui niaient la menace en diabolisant ceux qui mettaient en garde les nations. En France, Simone de Beauvoir et Sartre ont été les paradigmes de ce courant. Simone de Beauvoir n’écrivait-elle pas en 1939 : « Je crois que personne ne croit à la guerre ; Sartre n y croit pas non plus. Naturellement, on est un peu impatient et nerveux aujourd’hui à attendre la réponse de Hitler ; mais dans l’ensemble, il n’est pas dans une situation à engager une guerre…Ce que l’on peut dire, c’est que l’Allemagne est bien mal partie, pour une guerre et que, si ça éclatait, elle n’aurait pas bonne mine et sans doute, ça ne durerait pas longtemps (…) Sartre est paisible comme tout »39. Cette volonté pacifique, tout à fait compréhensible eu égard aux horreurs de la première guerre mondiale, a cependant conduit à une négation de la menace allemande, à la diminution drastique des budgets de défense de la France, à la mise en place d’une ligne Maginot utopique et surtout aux fameux accords de Munich devenus l’exemple honteux de la lâcheté européenne. Le lendemain des accords de Munich en 1938, en effet, les journaux français titraient à la Une : « La paix ». Toujours cette même clairvoyance meurtrière, ce refus de prendre des décisions parfois difficiles mais qui peuvent éviter des catastrophes bien plus grandes. On dira qu’il est facile de juger a posteriori. Certes. Mais qu’au moins nous tirions les leçons du passé, ce qui n’est visiblement pas le cas. Le pacte germano-soviétique et la période pétainiste ont même prouvé que certains étaient capables de s’allier avec nos ennemis, ce qui n’est pas sans rappeler les discours actuels de nos pacifistes, menés par une extrême gauche de plus en plus mobilisatrice. Aujourd’hui, comme hier la menace est niée et ceux qui osent en parler sont cloués au pilori. Parmi ces pacifistes, certains, mais bien peu, sont mus par une véritable volonté de paix. La guerre est meurtrière, c’est une évidence. La paix est préférable, nul n’en doute. Mais ce que visiblement ces courants pacifistes ne comprennent pas, une fois encore, c’est qu’il faut être au moins deux pour faire la paix. Par ethnocentrisme, ces derniers pensent qu’en lançant des colombes dans le ciel, en prônant le dialogue des cultures, les tenants de l’islam militant vont subitement recouvrer la raison, abandonner leur idéologie meurtrière, remontant à plusieurs siècles. Cette naïveté est malheureusement exploitée par les islamistes qui profitent de ce fameux dialogue des civilisations pour imposer, peu à peu, leur vision du monde. Cette volonté de se situer hors de l’Histoire provoque désormais une peur irraisonnée de tout changement de l’ordre international. Tout plutôt que la guerre. Ainsi, l’Europe s’accommode de toutes les dictatures, de toutes les oppressions pourvu que le statu quo ne soit pas remis en cause. C’est pour cette raison que l’Europe ne s’implique pas réellement dans les affaires du monde, qu’elle est devenue le ventre mou de l’Occident. Elle a peur d’effets pervers que pourrait avoir une action bouleversant l’ordre international actuel, laissant ainsi se développer des courants anti-occidentaux tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de ses propres frontières. Un nouveau totalitarisme nous menace mais nous agissons comme nous l’avons toujours fait : Négation de la menace, soumission aux ennemis et mauvaise identification de ceux-ci. 38 39 Cité par Pierre-André Taguieff dans « Prêcheurs de haine », Mille et une Nuits, 2004. Cité par Thérèse Delpech, « L’ensauvagement, le retour de la barbarie au XXIème siècle », Grasset 2005. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 18 B/ Les EtatsUnis et Israël, boucs émissaires du désordre international Boucs émissaires par excellence, les Etats-Unis et Israël sont, pour de nombreux européens, la cause de tous les maux. Au sein de l’Europe, la France montre l’exemple, et n’en est d’ailleurs pas à son premier coup d’essai. Sous estimant la menace nazi, elle a totalement ignoré la menace communiste pendant longtemps voire encore aujourd’hui. Pire, non seulement le danger du communisme fut nié mais une vague d’antiaméricanisme s’abattit également sur le pays. Alors que le communisme faisait des centaines de milliers de morts (transformés en millions par la suite), nos intellectuels manifestaient contre les Etats-Unis et leur anticommunisme. Sartre, suite à la manifestation antiaméricaine du 28 mai 1952, qui conduit à la mort d’un manifestant, dit : « les derniers liens furent brisés, ma vision fut transformée : un anticommuniste est un chien, je ne sors pas de là, je n’en sortirai plus jamais » 40. Nos intellectuels se trompaient déjà d’ennemis… Aujourd’hui, l’histoire se répète. La véritable menace viendrait des Etats-Unis et d’Israël. Deux figures se sont détachés après le 11 septembre 2001 : le Président américain George W. Bush et le Premier ministre israélien Ariel Sharon. Pendant que le terrorisme islamiste faisait couler le sang sur le monde, l’Europe, en 2003, manifestait contre ces deux hommes, considérés comme des personnages diaboliques pire que Ben Laden. « Bush, Sharon, assassins » scandait-on. Ces deux hommes ont même été comparés à Hitler. En revanche peu de pancartes dans ces manifestations décrivaient Ben Laden comme un assassin. Que les politiques de George W. Bush et d’Ariel Sharon soient critiquées est tout à fait normal. Personne n’est infaillible et toute démocratie entraîne inévitablement des mécontentements et des critiques. On peut aussi vivement critiquer l’interventionnisme des Etats-Unis qui, même à l’heure actuelle, n’a pas résolu tous les problèmes. Cependant, comparer les deux hommes à Hitler alors qu’au même moment, les fous d’Allah égorgeaient des innocents, laisse un profond sentiment de dégoût. Cette haine antioccidentale, qui fit dire à Sartre « Abattre un européen, c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé ; restent un homme mort et un homme libre » démontre, à l’évidence, un effacement de nos valeurs morales, termes honnis lui aussi. Ouvrons d’ailleurs une petite parenthèse plus précise sur ces manifestations « pacifistes » lors du déclenchement de la guerre en Irak en 2003. Il semblerait que certaines personnes se sont senties investis d’une mission de sauvegarde du peuple irakien. Ces gens là souhaitaient défendre le peuple irakien contre les « impérialistes américains ». On peut légitimement se demander le pourquoi de ce soudain intérêt pour ce peuple. Où étaient ces « pacifistes » quand Saddam Hussein a éliminé plus de 500.000 kurdes ? Ou lorsque 200.000 chiites ont été massacrés lors du soulèvement de 1991 ? Quand Saddam Hussein empilait des milliers de cadavres dans des charniers ? Quand Saddam Hussein écrasait la population des marais au sud de l’Irak ? Où étaient les banderoles demandant à Saddam Hussein de cesser le massacre de son peuple ? Etonnant donc que ce soudain amour du peuple irakien n’ait commencé qu’avec l’intervention irakienne, étonnant vraiment… 40 Cité dans « le terrorisme intellectuel », Jean Sevilla, Perrin, 2004. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 19 Cette haine antiaméricaine et anti-israélienne, gonflées aux théories du complot soulève trois questions : les Etats-Unis et Israël sont ils les seuls cibles des islamistes ? Faut-il incriminer la politique américaine ou israélienne dans la montée de l’islam militant ? a) Les Etats-Unis et Israël sont-ils les seules cibles des djihadistes ? Pour qui s’intéresse à l’islam militant et à sa genèse, la réponse est claire : Non. Si les américains et les juifs (pas forcément israéliens d’ailleurs) sont des cibles privilégiées, personne n’est à l’abri, pas même les musulmans qui sont également les victimes des djihadistes. Cette position se vérifie dans les discours des fondamentalistes mais également à travers les divers communiqués des terroristes lors d’attentats, communiqués où se mêlent politique actuelle (guerre en Irak, conflit israélo-palestinien, etc.) et ambition plus large (reconquête de l’Espagne, de la Turquie ou du dar-al-harb41 en règle générale). Lors des attentats du 11 mars 2004, les médias européens ont désinformé leurs citoyens en leur faisant croire que les attentats étaient le résultat de l’engagement de l’Espagne en Irak. Et les islamistes ont bien entendu repris cet argument afin de peser sur les élections espagnoles. Pourtant, comme le souligne Claude Moniquet, directeur de l’European Strategic Intelligence and Security Center (ESISC) : « L’idée généralement admise est que, plus on est loin des américains, plus on acquiert une forme d’immunité. C’est faux. Les attentats de Madrid ont été préparés dès 20002001, bien avant l’offensive des EtatsUnis et de ses alliés en Irak. L’Espagne a été prise pour cible pour des raisons de principe : c’est un pays occidental avec lequel les islamistes ont de vieux compte à régler. Dans la première vidéo de revendication des attentats, il est fait état de la Reconquista. Ce type d’argument peutêtre étendu à l’ensemble du vieux continent. »42. Prenons maintenant l’exemple de la France qui mène un politique « pro-arabe », antiaméricaine et anti-israélienne depuis de nombreuses années. Si l’on suit le raisonnement selon lequel les Etats-Unis et Israël seraient non seulement les principaux responsables de la situation actuelle et donc les principales victimes, la France devrait donc être un sanctuaire. Or tel n’est pas le cas. Les faits révèlent sans ambiguïté que la France, et par extension l’Europe a été menacée et qu’elle le sera encore. A titre d’exemples, on pourra citer quelques attentats déjoués en France : ! ! ! la Cellule de Francfort qui s’apprêtait à poser une bombe sur le marché de Noël de Strasbourg en décembre 2000. Durant leur repérage les islamistes, passant devant la cathédrale diront : « Le peuple de l’Islam se lève et nous arme afin que nous combattions l’infamie et l’infecte noncroyance ». la cellule Djamel Beghal. Arrêté à Dubai et mis en examen en septembre 2001, elle prévoyait un attentat contre l’ambassade des Etats-Unis à Paris. la cellule tchétchène : Décembre 2002 : des islamistes sont arrêtés à La Courneuve et Romanville. Certains membres de la famille Benchellali seront par la suite mis en 41 Le dar-al-harb désigne le territoire non musulman où il est licite de mener le djihad à opposer au dar al-islam, territoire musulman par le fait que l’islam y est appliqué. 42 « Des cellules terroristes existent partout en Europe », le Parisien, 11 mars 2005. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 20 ! examen autour de Lyon. Leur opération ? un attentat chimique au gaz cyanuré contre des intérêts russes en France. Cette dernière cellule a d’ailleurs permis aux enquêteurs français d’être informés de plusieurs projets d’attentats. Etaient visés un grand magasin de prêt-à-porter féminin en plein c!ur de Paris, des commissariats, ainsi que la Tour Eiffel. C’est également en relation avec l’enquête sur les filières tchétchènes que les services de renseignement français ont appris un projet d’attentat pendant la coupe du monde en 1998. « Il serait naïf de croire que les contorsions diplomatiques de la France ou de l’Allemagne les mettront à l’abri de la menace islamiste » confirme un expert parisien du terrorisme43. Pour comprendre ce qui pousserait les islamistes à attaquer la France, il suffit de lire le compte rendu d’une interview entre Ahmed Ben Mohammed, islamiste algérien et Mohamed Bechari, membre du CFCM : Ahmed Ben Mohammed : « Si la France est un loup pour les musulmans, les États-Unis sont une hyène, et je refuse d'être dévoré par l'un ou par l'autre. Nous ne devons pas oublier que l'ancien président Giscard avait qualifié la France de « fille aînée de l'Eglise ». Si je ne veux pas prendre les dirigeants français pour adversaires, je ne dois en revanche pas tromper les musulmans en leur racontant des mensonges sur la France, en la considérant comme une alliée des musulmans… La France a interdit le port du voile, alors que les États-Unis respectent cette tenue islamique… Je peux, avec tout le monde, comprendre que les États-Unis puissent réagir aux attaques du 11 septembre et aller frapper les Talibans en Afghanistan. Mais que fait la France, elle, là-bas ? La France ne nous soutient pas, mais elle défend ses intérêts face aux États-Unis… Nous n'avons pas oublié que Jospin avait qualifié le Hezbollah de terroriste. Les jeunes Palestiniens, qui ne s'y trompent pas, l'ont caillassé… ». Mohamed Bechari : « Justement, Jospin a payé le prix fort pour son comportement. La communauté arabe de France avait misé sur Chirac dès le premier tour de la présidentielle de 2002, pour sanctionner Jospin. En plus, Jospin était soutenu par le lobby juif… » […] Je ne dis pas que la France est un paradis, mais je dois être juste : la France a une politique juste […]. Je rappelle que le seul chef d'État qui a été frappé à coups de tomates et d'!ufs pourris à Jérusalem c'est Jacques Chirac[…] Ahmed Ben Mohammed : Très jolies paroles. Mais c'est la moitié de la coupe, pleine ou vide. […]Les Américains ont été humiliés le 11 septembre, mais la vieille France que fait-elle en Afghanistan ? Que fait-elle en Tchétchénie ? Avons-nous oublié que Chirac est l'allié de Poutine en Tchétchénie ? Avons-nous oublié Mitterrand quand il a dit qu'il n'y aura jamais un État musulman en Europe, en parlant de la Bosnie ? J'aimerais bien que la France soit juste. Mais notre réalisme ne doit pas nous conduire à l'humiliation et à l'aveuglement… Vous dites que les Israéliens détestent la France. Mais en contrepartie, dites- moi quel fut le cadeau que Paris vous a offert ? L'interdiction du voile, qui est pourtant une obligation religieuse. Alors qu'aux sionistes, elle a offert une rue Hertzel, du nom du fondateur du sionisme. La France vous a interdit le port du voile. Voilà comment les Français vous récompensent. »44. 43 « L’Europe dans le collimateur d’Al-Qaïda», le Figaro, 15 mars 2004. « La traduction d'un débat houleux sur Al –Jazeera » Mohamed Béchari du CFCM encense la politique arabe et musulmane de Chirac face à Ahmed Ben Mohammed, islamiste radical algérien », www. proche-orient.info, 15 septembre 2004. 44 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 21 Cette interview est un parfait exemple de la perception que peuvent avoir les islamistes de la France. Rappelons également la décision d’Al Zarkaoui, ex-star emblématique de la résistance contre l’axe américano-sioniste en Irak, de frapper la France à l’automne 2005 en concluant une alliance avec le GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat) algérien45. Citons enfin Jacques Maury, secrétaire du Snop (syndicats d’officiers de police) d’Ile-de-France : « S’il n y a pas eu d’attentats islamistes en France depuis Khaled Kelkal, ce n’est pas pour des raisons géopolitiques. Il ne se passe pas deux mois sans que nos services interceptent des suspects »46. On aurait par conséquent tort de croire à une sanctuarisation de la France et de l’Europe du seul fait de notre politique antiaméricaine et pro arabe. Des motifs existeront toujours pour légitimer les actions de terroristes qui n’hésiteront pas à attaquer tout infidèle, aux Etats-Unis, en Israël comme partout dans le monde. b) La politique étrangère américaine est-elle responsable du djihadisme ? Cette question découle directement de la première car les analystes européens et notamment français imputent le terrorisme à l’échec de la politique, notamment moyen-orientale, des Etats-Unis. Une façon encore de nier notre propre responsabilité et de se tenir hors de l’Histoire. Il est ainsi de bon ton de ramener l’islam militant et le djihadisme à la politique étrangère américaine. Si cette hypothèse peut-être pertinente dans certains cas, notamment concernant la politique ambiguë des Etats-Unis dans la région du Moyen-Orient, une simple rétrospective des actions islamistes démontre clairement que les nouveaux agents du totalitarisme vert n’ont pas attendu les Etats-Unis, ni le Président Bush pour déployer tous leurs moyens. Il est alors intéressant de se poser une série de questions concernant les actions des tenants de l’islam militant : En quoi la politique américaine est-elle à l’origine de l’action de l’Union des Organisations islamiques d’Italie visant à interdire la Divine Comédie de Dante ou le retrait de tous les crucifix des lieux publics italiens ? Quid de la demande de l’Union des Italiens musulmans aux fins de retrait de la cathédrale San Petronio la fresque médiévale Le Jugement dernier car elle serait une offense au prophète Mahomet ou encore aux fins de retrait des crucifix dans tous les lieux publics en Italie car offensant les musulmans italiens ? En quoi la politique américaine est-elle à l’origine de la déclaration prononcée le 4 novembre 2001 sur la Rai par le président des l’Union des musulmans d’Italie, Adel Smith : « Evèque de Rome, au nom de tous les musulmans qui partagent avec nous ce devoir missionnaire, je Vous invite à abandonner la religion idolâtropolythéiste catholique que vous professez et à prononcer la chahada, profession de foi des musulmans… » ? 47 45 « Une filière d’envoi de djihadistes en Irak démantelée en banlieue parisienne », Le Monde, 19 septembre 2005. 46 « Paris s’organise face au risque d’attentats », 20minutes, 19 juillet 2005. 47 Les différentes citations sont tirées de l’ouvrage d’Alexandre Del Valle, « Le totalitarisme à l’assaut des démocraties », éditions des Syrtes, 2002. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 22 En quoi la politique américaine est-elle à l’origine de la déclaration d’Omar Bakri Mohamed, un des représentants du Front international islamique de Ben Laden pour l’Europe : « Constantinople a été islamisée, aucun musulman ne met en doute que l’Italie le sera à son tour et que le drapeau de l’Islam flottera sur Rome » ? La même question peut être posée concernant la persécution des chrétiens du Sud Soudan par des islamistes qui veulent leur imposer la charia ? En quoi la politique américaine est-elle à l’origine du djihadisme en Ossétie ou aux Philippines ? Théo Van Gogh a-t-il été assassiné à cause de la politique étrangère des Etats-Unis ? Que dire de l’envoi à de nombreux prêtres chrétiens durant l’été 2005 d’une brochure de 24 pages, intitulée « Appel à suivre la voie du salut et de la vérité » critiquant la religion chrétienne et poussant à la conversion ? La liste pourrait s’allonger à loisir, la conclusion non : croire que les Etats-Unis et Israël sont responsables de ce nouveau totalitarisme est une grave erreur d’analyse, sans doute issue du refus de l’Europe de voir la réalité telle qu’elle est. Haine de soi, sentiment de culpabilité, syndrome de Stockholm, antiaméricanisme et réflexe munichois expliquent sans nul doute cette grille de lecture si chère à nos analystes en stratégie, islamologues officiels et autres journalistes de notre intelligentsia. Si les analystes européens semblent encore avoir des !illères intellectuelles, d’autres n’hésitent pas à affronter la réalité. Le Dr. Sa’ad bin Tefla, journaliste et ancien Ministre de la communication du Koweit a accordé une interview à la télévision jordanienne en juin 200448. Il y a rejeté l’idée qu’Israël et les Etats-Unis pouvaient être tenus pour responsables de la violence islamiste actuelle et a insisté sur le fait que les racines culturelles arabes, le sentiment de frustration, les extrémismes religieux et les violences interarabes expliquaient le phénomène : « J’affirme que nous sommes tous responsables de cette culture {de violence} et que le sionisme et l’impérialisme n’ont rien à voir avec elle […] J’affirme qu’il y a, malheureusement, une culture de violence qui existait avant que les américains ne viennent en Irak ou dans le Golfe, même avant qu’Israël occupe la Palestine et avant l’occupation américaine en Afghanistan et en Irak ». Nous aimerions que nos intellectuels aient cette clairvoyance… Si la politique étrangère des Etats-Unis n’est donc pas la source de l’islam militant, il reste cependant à éclaircir un dernier point plus nuancé que les autres : la politique étrangère américaine et l’utilisation de la force a-t-elle aggravé le terrorisme ? Nous verrons dans un développement ultérieur l’état de la menace qui pèse actuellement sur l’Occident mais il est d’ores et déjà certain que la politique américaine n’a en rien apaisé l’islam militant dans l’immédiat. Le contraire eut été étonnant. Croyait-on que des personnes dont les faits et gestes sont guidés par Dieu (de leur point de vue, cela s’entend) n’allaient pas réagir ? Qu’ils allaient renoncer à leur utopie meurtrière à la vue de chars américains ? C’est 48 Interview traduite en anglais par MEMRI et par Charles Dressou pour le site Internet www.primo-europe.org. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 23 un véritable bras de fer qui se joue et celui qui pliera le premier devra en payer les conséquences. Cela étant dit et en raisonnant a contrario, peut-on affirmer que sans cet engagement frontal, le monde aurait été plus sûr ? La menace islamiste couve depuis plus de 20 ans. Les attentats du 11 septembre 2001, du 11 mars 2004 et d’autres attentats manqués ont été préparés bien avant l’accès au pouvoir du Président Bush et d’Ariel Sharon, bien avant la guerre en Irak ou en Afghanistan. Il est naïf de croire que les tenants de l’islam militant n’auraient pas mis en !uvre leur idéologie totalitariste, avec ou sans guerre en Irak, avec ou sans réponse de l’Occident. La politique américaine n’a fait que révéler au grand jour leurs desseins. Bien plus que la politique de l’administration Bush, c’est bien au contraire la politique attentiste de l’Occident depuis des années, notamment envers le monde musulman, qui est la cause essentielle de la montée de l’islamisme dans le monde, comme nous le verrons par la suite. c) Le conflit israélo-palestinien est-il la source du djihadisme ? Autre thèse quelque peu différente de la précédente. Toujours dans un souci de ne pas affronter la réalité, les spécialistes autoproclamés européens ont placé le centre de gravité du terrorisme sur le conflit israélo-palestinien. Javier Solana, Haut-Représentant de l’Union Européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), semble être le porte parole de cette tendance. Selon lui, « la non résolution du problème israéloarabe entraîne la montée de l’extrémisme » 49. Bien évidemment cet argument permet à l’Europe de se dédouaner une nouvelle fois d’autant plus qu’elle n’a que peu d’influence sur ce conflit. En outre, ce genre d’analyses, qui pointe du doigt Israël, n’a rien d’étonnant venant de nos institutions si l’on se réfère à la politique anti-israélienne de l’Europe. Pourtant l’argument n’est pas très pertinent après examen des faits. Comme le rappelle François Heisbourg, Directeur de la Fondation pour la recherche stratégique, « Si l'on cherche les causes qui peuvent fournir à ces groupes terroristes l'eau dans laquelle le poisson peut se mouvoir, qu'estce qu'on trouve ? Estce la pauvreté ? Non. Sinon, les terroristes seraient africains. Estce le conflit israéloarabe ? Bien sûr, ce serait mieux s'il y avait un processus de paix au ProcheOrient, si cet élément de polarisation entre l'Occident et le monde arabe disparaissait. Mais AlQaida est née peu de temps après les accords d'Oslo (1993) ; le mouvement a fleuri et prospéré pendant des années où les choses paraissaient se passer raisonnablement bien entre Palestiniens et Israéliens. »50. Il est aussi utile rappeler que l’islam militant et sa branche armée touchent à la fois les occidentaux, les juifs mais également les musulmans eux-mêmes, en tous cas ceux qui sont considérés comme ne respectant pas l’islam. Cela montre que les objectifs de l’islam militant ne se limitent pas à la destruction d’Israël et que le conflit israélo-palestinien n’a pas créé le phénomène. Régler ce conflit ne signifiera pas pour autant que la volonté de conquête des 49 50 « Le terrorisme, l’Europe et le Renseignement », Le Figaro, 9 novembre 2004. « Hubert Védrine et François Heisbourg : Pourquoi le terrorisme ? », Le Monde, 26 mars 2004. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 24 islamistes se résorbera, car celle-ci a des fondements théologiques bien plus anciens que la création d’Israël. Pour reprendre les paroles de Guy Behor, juriste et orientaliste, « L’Europe (tout comme une grande partie du monde arabe d’ailleurs !) prétend depuis longtemps que la source du conflit avec le monde arabe et la source de tous les malheurs du monde sont le conflit israélo palestinien. Or, il s’avère qu’il y a aujourd’hui avec AlQaïda un mouvement dominant qui lutte contre l’Occident et contre les pays arabes laïcs mais sans rapport avec le conflit israélopalestinien. Et cela embarrasse l’Europe. Du point de vue d’AlQaïda, commettre un attentat en France est plus important que d’en commettre un en Israël. Les européens sont prisonniers de concepts dépassés. Ils ne comprennent pas – et Javier Solana en tête, qui déplore la spirale de la violence après les attentats de Taba – la catastrophe qui va s’abattre sur eux »51. Une fois encore c’est du monde musulman que vient l’analyse la plus réaliste sur la question : Le sociologue Ali Tarrah, dans une tribune publiée dans le quotidien koweïtien Al Seyassah adressait ces phrases au Prince Turki Al Fayçal, ambassadeur d’Arabie Saoudite : « Nous sommes tous d'accord sur le fait que la cause palestinienne est et restera le carburant du terrorisme et qu'il faut que le monde entier s'unisse pour trouver une solution juste à ce conflit […] Mais on ne peut pas être d'accord avec le prince Turki sur la question du choc des civilisations entre l'Orient musulman et l'Occident chrétien. Car cette confrontation dépasse de loin la question palestinienne. Si l'on veut vraiment éviter cette grande explosion et la confrontation, il faut commencer par faire sincèrement notre autocritique. Il faut avoir le courage de reconnaître la responsabilité de nos gouvernements et de leurs politiques… Notre inculture nous a fait occulter les vrais problèmes dans nos sociétés. Nos régimes sont responsables de notre situation explosive. Les pays du Golfe et particulièrement l'Arabie saoudite sont directement impliqués dans le terrorisme à travers le soutien direct et indirect qu'ils lui ont fourni. Nos États du Golfe ont financé, consciemment ou inconsciemment, les organisations terroristes. Mais en tout cas, ce sont nos États qui ont fait la promotion de leur idéologie, intrinsèquement liée à la religion. »52 Le fait de pointer du doigt les Etats-Unis et Israël relève donc d’une erreur d’analyse grave qui conduit les européens à se laisser bercer par des illusions qui dont dangereuses. C/ La question irakienne Une des raisons invoquées par l’administration Bush pour engager la seconde guerre en Irak était que ce dernier pays était lié au terrorisme islamiste et devenait une menace pour les Etats-Unis, voire pour le monde entier. Les différents rapports concernant la situation post Saddam Hussein ont confirmé certains points : le tyran de Bagdad était une menace. Son intention de se réarmer ne faisait aucun doute (les 300 tonnes d’explosifs volés en Irak en octobre 2004 démontrent bien que Saddam gardait encore, bien que sous surveillance de l’AEIA, un immense réservoir d'armes conventionnelles permettant notamment de fabriquer des armes nucléaires) et ce malgré les sanctions onusiennes. Le scandale du programme « pétrole contre nourriture » ainsi que le 51 Entretien entre Daniel Haïk et Guy Behor, www.proche-orient.info, 11 octobre 2004. « Un sociologue koweïtien écrit au prince Turki Al Fayçal, ambassadeur d'Arabie saoudite à Londres », www.proche-orient.info, 12 octobre 2004. 52 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 25 rapport Duelfer, publié en octobre 2004, ont mis en évidence la volonté de Saddam Hussein d’amadouer certains états peu scrupuleux afin de faire tomber les sanctions et de pouvoir se réarmer. Pire, Saddam Hussein était persuadé que les Etats-Unis n’attaqueraient pas l’Irak car il comptait sur ses états amis, la France et la Russie en particulier, pour faire pression sur eux et sur l’opinion mondiale en se positionnant en victime de l’impérialisme américain. Rien de plus normal au regard du soutien de ces pays au dictateur. Tarik Aziz, ancien vice-Premier Ministre dira même : « L’Irak avait accordé des millions de dollars de contrats à la France et à la Russie. Les français voulaient obtenir la levée des sanctions afin de préserver leurs intérêts commerciaux et montrer qu’ils avaient encore du pouvoir en agitant leur veto au Conseil de sécurité »53. Saddam Hussein se sentait protégé, il pensait que les Etats-Unis plierait comme à l’époque de Clinton ou de Bush père, à tort. A titre de parenthèse, ces révélations mettent bien à mal les mensonges de la France, bien plus préoccupée par ses intérêts financiers que par le droit international ou un utopique monde multipolaire54. Toutefois, si la menace était bel et bien présente, son imminence n’a pas encore été démontrée de façon claire. Si la majorité des services de renseignements, y compris les services de renseignements français, croyaient avant le début de la guerre que Saddam Hussein travaillait bien sur des Armes de Destructions Massives (ADM), les diverses enquêtes postérieures n’ont trouvé aucune trace de ces ADM. La CIA a même été accusée de s’être lourdement trompée sur l’existence de ces armes. A l’heure actuelle, nulle ADM n’ont été retrouvées, mais il ne faut pas perdre de vue qu’au moment ou la guerre en Irak a été décidée, le monde du renseignement était persuadé que Saddam Hussein possédait de telles armes, notamment chimiques, et qu’il était prêt à s’en servir comme il l’avait déjà prouvé par le passé. En outre, la piste d’un déplacement de ces armes en Syrie est toujours d’actualité. Toute conclusion définitive à ce sujet n’est donc pas intellectuellement probante. Il faut en effet rappeler que la seconde guerre d’Irak a permis de découvrir plus de 2 millions de documents concernant le régime de Saddam. A ce jour, seul 50.000 documents ont été analysés. C’est pour cette raison que nous sommes loin d’avoir tous les éléments en main pour être affirmatif sur ces sujets. Nous savons également que Saddam Hussein était lié au terrorisme international. Il finançait le terrorisme palestinien et des contacts avec Al-Qaïda ont bien eu lieu55. L’Irak a également accueilli sur ses terres des groupes terroristes, notamment le groupe Ansar al Islam et à favoriser leurs passages vers d’autres pays du Moyen-Orient. Stephen F. Hayes, journaliste au Weekly Standard, a également révélé en janvier 2006 que le régime de Saddam Hussein soutenait le terrorisme djihadiste en permettant notamment l’entraînement de groupes islamistes dans trois principaux camps à Samarra, Ramadi et Salman Pak, entraînement dirigé par des hauts gradés de l’armée irakienne. Entre 1999 et 2002, près de 2.000 terroristes ont été entraînés en Irak, ce qui porterait le nombre total à près de 8.000 extrémistes. Malgré ses relations avec le terrorisme, il est cependant certain que l’Irak n’était pas le berceau du terrorisme islamiste, ni du point de vue idéologique, ni du point de vue logistique, ni du point de vue financier. C’est pourtant bien l’Irak, après l’Afghanistan, qui a été attaqué, générant le soulèvement de l’opinion mondiale et la perte de crédibilité des Etats-Unis à cause notamment d’un manque de clarté dans les objectifs de cette guerre. 53 « Les rêves brisés de Saddam », Libération, 30 mars 2006. Pour approfondir le sujet, lire l’ouvrage de Jeanne Assouly, « L’Irak, la vérité », éditions Télémaque, 2006. 55 Si la rencontre à Prague entre Mohamed Atta et Ahmed Khalil Ibrahim Samir al-Ani, membre des services de renseignement irakiens, en avril 2001, n’a pas été confirmée par la commission d’enquête du 11 septembre (suite aux renseignements tchèques affirmant que cette rencontre a bien eu lieu), celle entre Farouk Hijazi, également membre des renseignements irakiens, et Al-Qaïda est bien plus ambiguë, bien que non confirmée. 54 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 26 Car sur la question irakienne, s’il est bien une critique que l’on peut formuler à l’encontre de l’administration Bush, c’est effectivement la piètre communication qui a précédé et suivi l’application de leur politique. Richard Clarke56 a parfaitement raison d’écrire que le monde entier, mais surtout le monde arabo-musulman dans sa majorité n’a pas vu dans cette intervention la libération d’un peuple et la démocratisation d’une région à risques, mais bel et bien l’agression de l’Occident pour des raisons pétrolières (sauf peut-être les irakiens euxmêmes trop heureux de voir disparaître un dictateur qui les a oppressés pendant de longues années). Cette communication insuffisante a d’ailleurs commencé dès le 11 septembre 2001, lorsque le Président Bush a parlé de « guerre contre le terrorisme » pour justifier sa politique. Pourtant on fera remarquer que le terrorisme n’est pas un ennemi mais un moyen d’action. Ce n’est qu’en octobre 2005 qu’il a employé le terme d’ »islam radical ». Ce n’est donc que quatre ans plus tard qu’il a enfin mis un nom sur le problème, l’islamo-fascisme. Avoir invoqué un axe du mal, qui certes existe, n’a bien évidemment pas permis de cerner l’ennemi correctement. C’est sans doute une des raisons qui a conduit l’Europe et une partie de l’opinion américaine à le critiquer si âprement. Cette non définition de l’ennemi peut-être transposer à la guerre en Irak. En effet, pour n’avoir pas clairement indiqué les raisons stratégiques de la guerre en Irak, le Président Bush et les Etats-Unis se sont enfermés dans une spirale d’où ils ont du mal, encore aujourd’hui, à s’extirper. Cela vaut autant pour l’opinion américaine, séduite par les sirènes de la gauche démocrate qui n’a eu de cesse, en ne proposant rien de nouveau, de chercher la moindre erreur pour tenter de décrédibiliser l’administration Bush, mais également pour l’opinion mondiale qui, par un mécanisme de mémoire sélective, ne se souvient que des « mensonges » liés aux ADM. La question irakienne a donc bel et bien écorné l’image des Etats-Unis dans le monde. A ce titre, les sondages de Zogby International57 sont éloquents : l’antiaméricanisme est en progression constante dans le monde arabe. En Egypte, 98% de la population a une opinion défavorable des Etats-Unis. Au Maroc, le pourcentage est de 88%, en Arabie Saoudite, on atteint les 94%. A la question « A quoi pensez-vous lorsque vous entendez le mot Amérique », parmi une vingtaine de propositions, la plus fréquente est « politique étrangère injuste ». Enfin, concernant les motivations de la guerre en Irak, les réponses les plus fréquentes sont : le « pétrole », la « protection d'Israël » ainsi que la « volonté d'affaiblir le monde musulman » (notamment pour l’Arabie Saoudite). Cette tendance est à la baisse en 2005 mais l’image des Etats-Unis reste malgré tout désastreuse dans le monde.58 Sur ce point, on ne peut que donner raison aux analystes français, malgré leur antiaméricanisme persistant, qui estiment que les Etats-Unis ont échoué au Moyen-Orient, tout au moins concernant la perception de leur pays dans cette région. Faute de n’avoir pas su correctement démontrer en quoi l’Irak était une menace, en quoi l’instauration, par la force, d’une démocratie allait servir à la lutte contre l’islamo-fascisme, les Etats-Unis ont perdu une bataille importante, celle de l’image. Les opposants à la guerre irakienne, considérant que l’Irak n’était pas suffisamment liée au terrorisme international et aux attentats du 11 septembre ont fait remarquer, à juste titre, que si l’on voulait s’attaquer directement au terrorisme islamiste, il fallait regarder en direction d’autres cibles telles que l’Arabie Saoudite, l’Iran, la Syrie voire le Pakistan qui, a des degrés 56 Richard Clarke, op.cit. « Deux passionnants sondages réalisés par l'institut américain Zogby », op.cit. 58 Par exemple, le pourcentage d’opinions favorables aux Etats-Unis était de 10% au Pakistan, pourcentage passant à 23% en 2005 www.pewglobal.org, 23 juin 2005. 57 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 27 divers, alimentent l’islam militant bien plus que l’Irak. Pour des raisons géopolitiques évidentes, ces cibles n’ont pas connu d’attaques frontales des Etats-Unis. Pour ces mêmes raisons, c’est l’Irak qui a été attaquée. La raison de ce choix est, nous le verrons par la suite, loin des poncifs que l’on entend. Pour autant, la question des pays qui sont la source de l’islam militant est cruciale dans la mesure où les moyens d’actions contre ces pays ne sont pas les mêmes que pour l’Irak. D/ Le berceau de l’islam militant Sans surprise, lorsque l’on évoque le sujet de l’islam militant ou du djihadisme, quelques pays ressortent immanquablement. De façon très synthétique, il est nécessaire de déterminer en quoi, ils peuvent être considérés comme le berceau du terrorisme. a) L’Arabie Saoudite Laurent Murawiec, Directeur de recherche au Hudson Institute (Washington), a provoqué un tollé devant le Defense Policy Board (Comité consultatif de la Défense américain) lorsque, après les attentats du 11 septembre, il affirma que l’Arabie Saoudite n’était pas un allié des Etats-Unis mais un ennemi. « Les Saoudiens sont à l’!uvre à tous les niveaux de la chaîne de la terreur, des planificateurs aux financiers, de l’encadrement aux exécutants, des idéologues aux propagandistes »59. Sur le plan financier, il est maintenant acquis que l’Arabie Saoudite, par le biais de nombreuses ONG finance le terrorisme islamiste. Le rapport des Nations unies sur le financement du terrorisme a cité certaines d’entre elles directement liées à l’Arabie Saoudite. Laurent Murawiec fait référence par ailleurs au journal saoudien Ain-al-Yaqeen qui, le 31 janvier 2003, indiquait que « Le montant des efforts consentis par le roi Fahd dans ce domaine est astronomique et doit être chiffré en milliards de riyals »60 . L’influence idéologique du wahhabisme ne fait également aucun doute dans le terrorisme actuel. Suite aux attentats de Londres de juillet 2005, il a été révélé par la presse britannique que deux des quatre terroristes des attentats ratés du 21 juillet 2005 avaient des relations avec l’Arabie Saoudite. L’un deux y avait même suivi une formation militaire intensive en 200461. Mais le Royaume Wahhabite ne se contente pas de financer et de gérer la logistique des terroristes. Il en est le principal acteur idéologique. L’endoctrinement de la jeunesse saoudienne commence par leur éducation scolaire. Dès leur enfance, les saoudiens voient leur conception du monde façonnée par le wahhabisme. Le Center for Monitoring the Impact of Peace (CMIP) a mis en évidence l’idéologie de haine et de violence transmises par ces manuels d’éducation62. Ainsi, les enfants saoudiens apprennent par exemple que « la religion de l’Islam est la vraie religion et tout autre est 59 « Dé-Saoudiser l’Arabie », Laurent Murawiec, Politique Internationale n° 103. « Dé-Saoudiser l’Arabie », Laurent Murawiec, op.cit. 61 « Le berceau du terrorisme », El Watan, 2 août 2005. 62 Cmip-France, « La démocratie en danger : l’enseignement scolaire saoudien », Berg International 2004. 60 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 28 fausse. La religion de l’Islam est noble et l’emporte sur toutes [les autres] religions. Dieu a accompli sa promesse, car depuis que le soleil de l’Islam s’est levé sur la terre, il est très au dessus des autres religions. Et cela doit demeurer ainsi – comme Dieu l’a promis – jusqu’à ce que Dieu hérite de la terre et de tout ce qui s’y trouve »63 (Commentaire du Coran, classe de 3ème, 2000 p.88). « Les incroyants parmi les peuples du Livre et les polythéistes brûleront éternellement dans le feu de l’enfer. Ce sont les plus vils des créatures » (Commentaire du Coran, classe de 5ème, 1998, p.116). « La nation musulmane se caractérise par une particularité qui fait d’elle la meilleure nation qui ait été engendrée pour l’humanité. Cette [particularité] consiste dans l’exhortation au bien et l’interdiction du mal » (Commentaire du Coran, classe de 5ème, 1998, p.94). « Dans le monde d’aujourd’hui, il y a ceux qui professent le judaïsme et le christianisme par imitation de leurs ancêtres, par arrogance et renonciation à la vérité, et ce en dépit de l’apparition de la religion de l’islam qui a remplacé les religions antérieures » (Géographie du monde musulman, classe de 4ème, 1994, p 18). « Il ne fait aucun doute que la puissance des musulmans irritent les infidèles et répand l’envie dans le c!ur des ennemis de l’Islam – chrétiens juifs et autres – en sorte qu’ils complotent contre eux, rassemblent leurs forces, les harcèlent et saisissent la moindre occasion pour éliminer les musulmans. Les exemples de cette hostilité sont innombrables, à commencer par le complot fomenté par les juifs contre le messager et les musulmans des le début de l’apparition de la lumière de l’Islam et pour finir avec ce qui arrive aux musulmans aujourd’hui une alliance entre croisées et juifs s’acharnant à éliminer l’islam de tous les continents. Les massacres dirigés contre les musulmans de BosnieHerzégovine, de Birmanie, des philippines et d’Afrique sont la meilleure preuve de la malveillance et de la haine que ressentent les ennemis de l’islam envers cette religion. » (Géographie de monde musulmans, classe de 4ème, 1994, p 32). « Il est interdit de se lier d’amitié avec les infidèles, de les soutenir ou de les aider d’une quelconque façon. Quiconque leur accorde son amitié s’écarte du chemin de la vérité…. » (Commentaire du Coran, classe de 3ème, 2000 pp 60-61). « Le djihad pour la cause de Dieu est la voie pour atteindre la victoire et la force dans ce mondeci, ainsi que le paradis, dans l’autre monde » (Commentaire du Coran, classe de 3ème, 2000 p 90). « Les intérêts de la religion sont audessus de tous les autres intérêts, car ils constituent le pilier du bien aussi bien de ce mondeci que de celui à venir […]. Dieu, dans sa miséricorde, a édicté diverses façons de préserver la religion. Entre autres : - 63 Tuer les apostats et les hérétiques. Le djihad pour la cause de Dieu par l’âme et par les biens » (Jurisprudence islamique, classe de 2è, 2001, p 10). Toutes les citations suivantes sont tirées de « La démocratie en danger : l’enseignement scolaire saoudien ». Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 29 A la lecture de ces quelques exemples d’enseignement saoudien, faut-il encore s’étonner que 15 des 19 terroristes du 11 septembre 2001 venaient d’Arabie Saoudite ? Faut-il encore s’étonner des conséquences de cet enseignement dans le monde entier ? Faut-il s’étonner que le cheik Muhammad Ben Abd al-Rahman, imam de la mosquée de l’Académie de la défense du Roi Fahd déclare : « Nous occuperons Rome et nous y ferons régner l’islam. Oui, les chrétiens, qui gravent des croix sur la poitrine des musulmans du Kosovo (…) devront nous payer la djiziya [la capitation, l’impôt que doivent payer les non musulmans, les dhimmis, en terre d’islam, en tant que sujet de deuxième zone ] dans l’humiliation ou se convertir à l’islam »64 ? Ce genre de discours est très fréquent. Ils permettent de comprendre le degré d’endoctrinement subi par certaines populations musulmanes, endoctrinement qui dépasse les frontières saoudiennes puisque l’Etat, par le biais d’ONG en apparence inoffensives, favorise l’exportation de cette idéologie de la haine partout dans le monde. b) Le Pakistan Le Pakistan musulman est né en 1947 dans la violence de luttes confessionnelles entre musulmans et hindous. Cette lutte se poursuit actuellement notamment dans la région du Cachemire. Le Pakistan a depuis toujours eu une politique ambiguë face à l’islamisme. Depuis la chute des talibans en Afghanistan, de nombreux terroristes liés à Al-Qaïda se sont réfugiés dans des zones peu contrôlées par le Président Musharraf, fait paradoxal lorsque l’on sait que ce dernier est un allié des Etats-Unis dans la lutte anti-terroriste. Le responsable principal de cette dichotomie politique est le puissant Inter Services Intelligence (ISI), représentant les services secrets du Pakistan qui ont tenté de maîtriser les groupements islamistes afin de lutter contre l’Inde dans la région du cachemire. Depuis le 11 septembre 2001, sous la pression des Etats-Unis, le Président Musharraf n’a pu continuer cette double politique. Il a décrété hors la loi de nombreux groupes terroristes et arrêtés de nombreux fondamentalistes dont certains membres d’Al-Qaïda. Un des cerveaux du 11 septembre 2001, Ramzi Binalshibh, qui s’était réfugié au Pakistan a été arrêté le 11 septembre 2002 à Karachi. Pourtant, fort nombreux sont ceux qui pensent que ces actions de bienveillance ne sont qu’illusion et que le Pakistan reste une plateforme incontournable du terrorisme islamiste. A titre d’exemple, le gouvernement pakistanais s’était engagé à recenser et à contrôler les madrasas. En 2004, rien n’avait été fait. Certaines organisations ont simplement continué leurs activités sous d’autres noms. Pour Elie Krakowski, chercheur à l'Institute for Afghan Studies, c’est l’armée pakistanaise elle-même qui diffuse le fondamentalisme islamique. Selon lui, près de 30% des officiers de l'Armée de Terre d'aujourd'hui disent être " des militants islamiques et réceptifs aux appels des partis religieux en faveur d'une révolution islamique au Pakistan "65. L’affaire du Dr. Khan en 2004, père de la première bombe atomique du monde musulman, qui aurait organisé des fuites de technologie vers l'Iran, la Libye et la Corée du Nord montre bien 64 65 Cité dans « Dé-Saoudiser l’Arabie », Laurent Murawiec, Politique Internationale n° 103. Philippe Raggi, « Sur Musharaf et le Pakistan », www.conscience-politique.org Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 30 que le Pakistan reste un pays à surveiller de près, car il est difficile de soutenir que l’ISI et le Président Musharraf n’étaient pas au courant de ce transfert d’informations. Contribuer à la prolifération nucléaire et fournir des informations aussi capitales à l’Iran, autre berceau du terrorisme, n’est pas compatible avec une lutte anti-terroriste, à l’évidence… c) La Syrie Le régime baathiste des Assad est connu pour avoir héberger des têtes du terrorisme islamiste qu’il provienne du Hezbollah, du Hamas ou encore d’Al-Qaïda. La Syrie a récemment été mise sur le devant de la scène internationale avec l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri mais ses implications dans le terrorisme palestinien et irakien sont depuis longtemps connues. Aide au régime de Saddam Hussein par le transit du pétrole irakien en violation du programme « pétrole contre nourriture », fusées pointées sur Israël, occupation illégitime du Liban, soutien au Hezbollah, soutien à Al-Qaïda avec l’hébergement de certains de ces membres, telles sont les quelques actions de ce pays en matière de terrorisme islamiste. Et malgré la situation actuelle au Liban où la Syrie est contrainte de replier ses forces militaires, les actes de bienveillance se font rare. Ainsi, Damas a récemment nié l'expulsion de son territoire des dirigeants du Hamas et du Jihad islamique palestiniens (Khaled Mechaal et Ramadan Challah) après l’attentat à Tel-Aviv en février 2005. En avril 2005, deux membres d’Al-Qaïda et un membre du Baas arrêtés en Irak ont avoué « coordonner leurs actions terroristes avec les services de renseignements syriens66. De manière moins visible, l’islam militant tend à se développer fortement au sein de la société syrienne. Comme le signalait une dépêche de l’Agence France-Presse du 30 janvier 2006 : « Malgré son système politique laïque, la société syrienne est de plus en plus gagnée par l'islamisme qui commence à imprégner le monde arabe. »67. Cela se vérifie par exemple par la participation croissante des jeunes à la grande prière du vendredi, les cours privés de Coran pour les femmes, la suppression de la vente d’alcool dans les restaurants des bords du fleuve Barada, le remplacement de librairies laïques par des librairies religieuses, spécialisées dans la diffusion d’ouvrages sur la charia etc. Cette résurgence d’un islam rigoriste est tout à fait symptomatique de la situation mondiale aux grand dam des musulmans modérés. d) L’Iran L’Iran tente t-il de se doter de l’arme nucléaire ? Telle est la question que pose la majorité des états occidentaux à l’heure actuelle. Cette arme qui permettrait à la République islamique de devenir une puissance régionale et de tenter de détruire son ennemi héréditaire, Israël, comme l’a récemment rappelé le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, en demandant à ce que l'Etat d'Israël soit "rayé de la carte"68. 66 « En Irak, deux terroristes d’Al-Qaïda et un membre du Baas arrêtés avouent leurs liens avec la Syrie », www.proche-orient.info, 13 avril 2005. 67 « La rue syrienne gagnée par l'islamisme », AFP, 30 janvier 2006. 68 "Israël doit être rayé de la carte", dit le président iranien, AFP, 26 octobre 2005. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 31 Selon les derniers rapports de l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’Iran possède non seulement la quantité de gaz nécessaire pour fabriquer une bombe atomique mais dispose depuis 1987 des documents décrivant la manière de fabriquer le coeur explosif d'une bombe atomique. Ali Larijani, secrétaire général du Conseil de sécurité supérieur iranien, chargé des pourparlers iraniens sur le problème nucléaire, a déclaré lundi 6 février 2006 que l'Iran avait atteint la capacité de production de matériel destinée à la fission nucléaire. Ceci est la première reconnaissance de ce type formulée par un haut responsable iranien69. Fin décembre 2005 et début janvier 2006, le Président iranien a redoublé sa vulgate antisémite, défier ouvertement les instances internationales en continuant l’enrichissement de l’uranium. L’opinion européenne a réagi comme elle l’a fait lors des prémices de la guerre en Irak. C’est-à-dire en minimisant la menace et en mettant l’accent sur le fait que l’Occident avait sa part de responsabilité (pour avoir donné le savoir-faire nucléaire, pour avoir des intérêts pétroliers en Iran ; bref, le comportement de l’Iran, sa volonté exhibé au grand jour de détruire un autre Etat n’ont pas été suffisants pour éteindre le feu culpabilisateur occidental). Si une crise éclatait entre l’Iran et l’Occident, et si les Etats-Unis ou Israël étaient obligés de lancer des attaques ciblées sur les installations nucléaires de l’Iran, il est certain que l’opinion générale ne les soutiendrait pas. On accuserait une fois encore l’impérialisme ou le sionisme. On parlerait de guerre pour le pétrole, d’attaque contre l’Islam et on oublierait l’islamofascisme du régime des mollahs iraniens. Tel est le sort qui sera réservé à ceux qui ont retenu les leçons de l’histoire et qui tentent de ne pas voir recommencer les erreurs du passé. Mis à part ce danger nucléaire, c’est le soutien au terrorisme islamiste qui reste plus inquiétant au sein du régime iranien. En 2003, Hamid Reza Zakiri, haut responsable iranien des Gardiens de la Révolution, a dévoilé les différentes relations entre l’Iran et terrorisme islamiste70. Officiellement, depuis le 11 septembre et l’injonction du Président Bush, l’Iran s’est intégré dans le processus de lutte contre le terrorisme et a agi contre certaines cellules d’Al-Qaïda. Toutefois, l’action de Téhéran en matière de terrorisme continue de s’exercer notamment à l’égard d’Israël, par le biais d’un soutien prononcé au Hezbollah au Hamas. Selon le rapport annuel sur les pays terroristes publié par le Département d’Etat américain en 2005, l’Iran reste un pays très actif dans le terrorisme. « Le corps des gardiens de la révolution islamique et le ministère des renseignements et de la sécurité ont été impliqués dans la préparation et le soutien d’actes de terrorisme et ont continué à exhorter toute une variété de groupes à recourir au terrorisme dans la poursuite de leur but ». Le rapport critique aussi l’ingérence iranienne dans l’Irak voisin ajoutant que « l’Iran a mené plusieurs lignes politiques en Irak en 2004, certaines ayant semblé incohérente avec les objectifs déclaré de l’Iran sur la stabilité de l’Irak et ceux du gouvernement irakien provisoire (GIP) et de la coalition. De hauts responsables du GIP ont publiquement exprimé leur préoccupation sur l’interférence iranienne en Irak et il y a eu des informations comme quoi l’Iran fournissait de l’argent, des armes et un passage sécurisé aux éléments insurgés, dont les forces de Moqtada Sadr. »71. 69 « L'Iran a atteint la capacité de production de matériel destiné à la fission nucléaire, a déclaré Ali Larijani, secrétaire général du Conseil de sécurité supérieur iranien », www.Memri.org, 8 février 2006. 70 « Un transfuge iranien sur la collaboration de l'Iran avec l'Irak, la Corée de Nord, Al-Qaïda et le Hezbollah », www.memri.org, 21 février 2003. 71 www.iranfocus.com, 28 avril 2005. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 32 Les relations entre l’Iran et Al-Qaïda sont également connues puisqu’au cours d’un procès contre des membres du groupe d’Al Zarkawi, il a été révélé que la planification d’actes terroristes avait été conduite de l’Iran où se trouvait ce dernier72. Selon le quotidien allemand Cicero, l’Iran abriterait 25 hauts membres du réseau Al-Qaïda, parmi lesquels trois fils de Ben Laden. E/ AlQaïda, une franchise du djihadisme Le terrorisme islamiste a pour figure emblématique Al-Qaïda et son chef, Ben Laden, devenu l’ennemi public numéro 1 médiatiquement parlant. Cette réduction d’un phénomène planétaire et protéiforme a permis de mettre un nom sur une menace et de canaliser l’opinion publique. Toutefois, il n’est pas certain que cela corresponde à la réalité. Al-Qaïda n’est qu’une des facettes représentant la menace islamiste. Ben Laden n’est qu’un personnage parmi un mouvement beaucoup plus général. Démanteler Al-Qaïda et éliminer Ben Laden ne réduira pas le nouveau fascisme vert. Après le renversement du régime Taliban et le délogement d’Al-Qaïda de cette zone, on aurait pu croire que le réseau terroriste se serait affaibli. Suite à la politique du président Bush, deux milles membres d’Al-Qaïda ont, en effet, été arrêtés et plus de la moitié des trente dirigeants du réseau ont été tués ou capturés. Pourtant, l’Institut international d’études stratégiques (IISS) a publié un rapport en 2004 selon lequel Al-Qaïda se serait décentralisé dans plus de 60 pays. « Plus qu’une direction unique, la mouvance terroriste est donc dotée de « passeurs » qui transmettent leur savoir. En règle générale, ils programment peu les opérations mais les recommandent. A l’autre bout du circuit, les « franchisés » issus de groupes islamistes informels passent à l’action au nom d’intérêts propres » confirme un journaliste du quotidien Le Figaro73. L’attentat de Madrid du 11 mars 2004 est d’ailleurs un parfait exemple de « franchise ». Cet attentat a révélé le Groupe Islamique Combattant Marocain (GICM) même s’il était actif depuis 1997. «Les réseaux d’AlQaïda sont ainsi passés de la logique fédératrice d’une internationale islamiste dont l’objectif était d’être présent sur les cinq continents afin de frapper les infidèles partout dans le monde, à un processus de globalisation qui est actuellement en passe de donner naissance à une troisième génération de réseaux » expliquent Roland Jacquard et Atmane Tazaghart74. Le juge antiterroriste espagnol Baltasar Garzon a corroboré cette tendance en octobre 2004 en déclarant que Ben Laden n'était plus opérationnel et n'avait plus besoin de l'être compte tenu de l'autonomie et de l'indépendance financière acquises par les autres groupes terroristes visà-vis d’Al-Qaïda. « AlQaïda s'est converti en idéologie, est devenu un point de référence, une franchise pour les autres groupes (...) qui n'ont plus besoin de recevoir des instructions. Ils sont autonomes et peuvent recevoir des ordres et des financements de quelqu'un d'autre »75. 72 « Iran, Etat sponsor du terrorisme », www.iran-resist.org, 26 juillet 2005. « Le deuxième souffle d’Al-Qaïda », Thierry Oberlé, Le figaro, 27 mai 2004. 74 « Ben Laden, « La destruction programmée de l’Occident », Roland Jacquard, Atmane Tazaghart, Jean Picollec, 2004. 75 « Oussama Ben Laden n’est plus opérationnel, selon le juge Garzon », Yahoo Actualités, 15 octobre 2004. 73 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 33 Ainsi, Al-Qaïda n’organise pas forcément toutes les nouvelles actions terroristes, elle se contente de les avaliser en permettant au groupe local d’utiliser la « marque » Al-Qaïda. La dangerosité de cette nouvelle réorganisation tient à la base idéologique de l’islam militant, qui s’affranchit désormais des frontières et des nationalités. Ce sentiment d’appartenance à l’organisation luttant contre les infidèles pourra toucher les musulmans où qu’ils se trouvent dans le monde. C’est ce réflexe identitaire qui explique notamment que de plus en plus de français sont devenus des terroristes, aillent combattre en Irak, en Tchétchénie ou préparent des attentats dans leurs pays d’accueil. Par conséquent, si lutter contre Al-Qaïda reste un objectif fondamental, il importe cependant de comprendre que l’islam militant ne se limite pas à l’organisation de Ben Laden, loin s’en faut. F/ Une menace toujours présente dans le monde Rappelons d’abord quel est l’objectif de la mouvance islamiste et d’Al-Qaïda. Le juge antiterroriste Garzon, chargé de l’enquête sur les réseaux islamistes en Espagne a, dans son acte d’accusation su 17 septembre 2003, résumé cet objectif mondial : « L’objectif général d’AlQaïda depuis sa création vise à jeter les bases d’un Etat islamique universel (le califat), fondé sur la stricte loi islamique (la charia) et utilisant pour ce faire le djihad mondial ou global (guerre sainte) contre l’Occident, lequel est chargé de tous les maux dont souffre aujourd’hui le peuple musulman. […] Cet objectif se concrétise ainsi : - faire en sorte que les lieux saints de l’Islam (Jérusalem, la Mecque, Médine) soient débarrassés des troupes occidentales ou juives, récupérer les territoires musulmans qui font actuellement partie de pays non islamiques (Tchétchénie, Cachemire, Palestine, etc.), mettre en place des gouvernements islamiques fondés sur la charia dans tous les pays musulmans qui sont dirigés par des gouvernements laïques, propager l’Islam et agir en s’appuyant sur le concept de solidarité islamique sur les fronts de lutte qui, selon eux, existent à ce jour entre le monde islamique et le monde non islamique. »76. Conscient de la supériorité d’une guerre asymétrique notamment sur l’Occident, le terrorisme islamiste continuera sur cette voie. Claude Moniquet 77 a identifié le modus operandi des tenants de l’islam militant pour atteindre leurs objectifs : Le premier est de viser les civils qui resteront des cibles privilégiées puisque l’effet sur les populations est beaucoup plus important qu’une lutte directe contre les cibles militaires. Cela aura notamment pour effet de contraindre les gouvernements à modifier leur politique. Le deuxième est de créer un marasme économique (et l’attentat du 9/11 a démontré comment les finances mondiales ont souffert de ce dernier) propre à affaiblir nos démocraties. 76 77 « Le rapport du juge Garzon sur Al Qaïda », Le monde, 16 mars 2004. Claude Moniquet, op.cit. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 34 Le dernier, mais sans doute le plus dangereux, sera de « creuser un fossé de méfiance entre les populations occidentales et le monde musulman – y compris les communautés musulmanes vivant en Occident : le sentiment de rejet qui en résultera ouvrira, pensent les tenants du djihad, de nouvelles perspectives de progression et de recrutement pour la mouvance. » N’oublions pas, en effet, que les principaux artisans du fameux « choc des civilisations » sont les islamistes eux-mêmes. Ce dernier moyen a pour corollaire le rétablissement de l’Oumma dans le monde. Sayyid Qutb, figure emblématique de l’islamisme déclarait qu’ « il est indispensable de faire ressusciter cette Oumma pour que l’Islam puisse à nouveau jouer son rôle dans la direction de l’humanité »78. Le danger réside donc dans le fait que, suite à ce sentiment d’appartenance à l’Oumma, le fossé entre musulmans et non musulmans soit de plus en plus important. La terreur psychologique engendrée par cette guerre asymétrique sera une arme très efficace contre nos sociétés ouvertes. Hassan Ibn Sabbah, leader de la secte des Assassins disait à ce propos : « Il nous faut devenir la terreur des puissants et des tyrans étrangers, quels qu’ils fussent, car la suprématie appartient à celui qui tient tous les souverains du monde enchaînés par la peur ! »79. Malgré la lutte antiterroriste menée par les Etats-Unis et l’Europe, ces objectifs restent toujours d’actualité. Durant la campagne présidentielle américaine en 2004, le président Bush a insisté sur le fait qu’Al-Qaïda avait perdu presque 75% de ses cadres et que le monde était plus sûr depuis l’intervention en Afghanistan et en Irak. Si des changements politiques positifs ont bien eu lieu dans le monde suite à ces actions, notamment au niveau de la démocratisation de certains régimes au Proche et Moyen-Orient, il n’en reste pas moins qu’il est très utopique de croire que le monde est plus sûr. Selon la majorité des experts, la menace terroriste reste très importante et l’emploi d’armes non conventionnelles (les fameuses NBC : Nucléaires, Bactériologiques et Chimiques) n’est plus du domaine hypothétique. Pour Eric Denécé80, Directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), si les attaques nucléaires et bactériologiques semblent plus difficilement réalisables à l’heure actuelle, les attaques chimiques sont tout à fait envisageables comme l’ont démontré les actes terroristes qui étaient prévus lors du mondial de football de 1998 en France. Cette menace islamiste prendra deux formes : celle du terrorisme, forme la plus spectaculaire du phénomène, mais également celle de la prédication idéologique au sein même de nos démocraties et notamment en Europe. a) La montée du terrorisme islamiste dans le monde L’Asie risque en premier lieu de voir le terrorisme islamiste se poursuivre, notamment aux philippines, en Indonésie et en Thaïlande. Le sud thaïlandais n’arrive pas, en effet, à contenir les mouvements séparatistes islamistes. Il est presque certain que la Jamaah Islamiyah, organisation islamiste liée à Al-Qaïda et responsable notamment de l’attentat de Bali en 2002, puisse encore recruter de nouveaux sympathisants du nouveau califat mondial. Selon un 78 Cité par Paul Landau, « le sabre et le Coran », éditions du Rocher, 2005. Cité dans « Ben Laden, La destruction programmée de l’Occident », op.cit. 80 « Quels nouveaux risques d’attentats », Eric Denécé, le Figaro, 10 septembre 2004. 79 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 35 rapport de l’International Crisis Group, le sud des philippines est la principale zone d’action et d’entraînement de ce groupe terroriste. En Indonésie, le plus connu des conflits reste celui de la province d'Aceh, où le «Mouvement Aceh libre» a déjà fait plus de 6.000 victimes. Les tensions entre chrétiens et musulmans s’intensifient de jour en jour. À Sulawesi, les islamistes ont une politique d’intimidation et de conversion des chrétiens qui voient leurs églises brûlées régulièrement. Sur l’île de Java, de nombreuses églises sont toujours fermées suite aux actions de musulmans leur interdisant de se réunir pour prier81. Fin octobre 2005, trois adolescentes chrétiennes sont décapitées par 6 hommes masqués aggravant ainsi le malaise parmi les minorités religieuses de l’Indonésie majoritairement musulman. Evoquons aussi la situation au Bengladesh ou depuis 6 ans (donc bien avant l’arrivée de Bush, le 11 septembre et la deuxième guerre en Irak, est-il besoin de le préciser), les islamistes sèment la terreur massacrant leur concitoyens musulmans, sapant les forces progressistes et modernistes du pays. Le «Harakat ul-Jihad Islami, Bangladesh», établi en 1992 avec l'aide directe de Ben Laden se présentent comme les talibans du Bangladesh. En août 2005, 459 bombes ont explosées simultanément dans 63 des 64 districts du pays. La revendication des djihadistes : imposer la charia car « A l’exception d’Allah personne n’a le droit d’édicter des lois »82 . Les bouddhistes en Thaïlande sont également la cible des islamistes. Villageois décapités, instituteurs assassinés, les séparatistes musulmans mènent de véritables actions terroristes pour imposer leurs positions. La Chine n’est pas épargnée avec le conflit entre les Ouïgours, de confession musulmane sunnite, et les Hans, Chinois de souche dans la zone du Xinjiang. Le Proche-Orient et le Moyen-Orient seront également une cible privilégiée notamment en Irak. Les récentes exactions contre les coptes égyptiens montrent également que l’intolérance des islamistes à l’égard des non-musulmans est toujours aussi présente en Egypte. En octobre dernier, une religieuse a été poignardée et près de quatre mille musulmans ont attaqué des églises, des magasins et un hôpital du quartier chrétien d’Alexandrie. La cause de ces pogroms anti-chrétiens ? Une pièce de théâtre qui selon les islamistes portait atteinte à l’islam83. Le continent Nord-Américain, touché en 2001 peut- il craindre le développement du terrorisme islamiste ? Pour le moment, aucune autre attaque n’a eu lieu sur le sol américain bien que certains attentats aient été organisés mais stoppés à temps. Le Président Bush a déclaré fin décembre 2005 que le plus haut gratte-ciel de Los Angeles avait été la cible d’un attentat fomenté par Al-Qaïda mais avait heureusement été déjoué. En juin 2006, le FBI a également déjoué des attentats contre plusieurs bâtiments emblématiques des Etats-Unis, dont les bureaux du FBI dans plusieurs villes américaines ou encore plus haute tour des Etats-Unis, la tour Sears de Chicago. Elément nouveau, les membres de ce groupe lié à Al-Qaïda, étaient pour la plupart ressortissants américains. 81 « Un nombre croissant d’églises se voient refuser des autorisations de se rassembler à l’ouest de Java », www.portes-ouvertes.fr, 17 février 2005. 82 Cité dans « Dacca sous la menace des fascistes du Coran », Le Figaro, 21 septembre 2005. 83 « Les coptes à nouveau pris pour cible en Egypte », Le Figaro, 24 octobre 2005. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 36 Le Canada doit maintenant faire face lui aussi à la menace terroriste comme en témoigne l’arrestation, en décembre 2005, d’un canadien qui a avoué avoir acheté des fusils et des lances roquettes pour le compte d’Al-Qaïda. L’intention des islamistes pour le continent Nord-Américain est sans ambiguïté, comme le confirme les déclarations d’Omar Ahmad, Président du Council on AmericanIslamic Relations (CAIR) : " L’islam n’est pas en Amérique pour être l’égal de toutes les fois, mais pour être dominant. Le Coran […] doit devenir la plus haute autorité en Amérique, et l’islam la seule religion tolérée sur terre"84. Quant à l’Europe, de nombreux éléments ont démontré en 2004 et 2005 que la menace ne pouvait être prise à la légère85 : En Espagne, des attentats islamistes ont été déjoués notamment contre l’Audience nationale et contre le stade du Real Madrid après les attentats du 11 mars 2004. Fin novembre 2005, onze personnes ont été arrêtées car soupçonnées de vouloir créer une cellule de soutien au GSCP, tout en favorisant le trafic de drogue et la falsification de cartes de crédit. Cette arrestation prouve par la même l’ineptie de l’argument selon lequel les attentats du 11 mars 2004 auraient eu pour cause le soutien de l’Espagne aux Etats-Unis et la présence de troupes espagnoles en Irak puisque le terrorisme continue malgré le retrait des troupes espagnoles. En Grande-Bretagne, les attentats de juillet 2005 n’ont fait que confirmer la menace qui pèse sur le pays. En Belgique et aux Pays-Bas, l’affaire lié au meurtre de Theo Van Gogh a révélé que certains politiques belges subissaient eux aussi des menaces provenant de milieux islamistes et a permis de mettre à jour un réseau terroriste islamiste, le groupe Hofstad, qui prévoyait des attentats contre le Parlement et une centrale nucléaire. Le procès de la cellule Hofstad a également permis de découvrir que Mohammed Bouyeri, assassin de Theo Van Gogh, n’avait pas agi comme un déséquilibré, comme certains ont voulu le faire entendre, mais bien en fonction d’une liste de personnalités à abattre établie par les islamistes de cette cellule. Sur cette liste figurait Ayaan Hirsi Ali et Gert Wilders, députés néerlandais, ou encore Job Cohen, le maire d’Amsterdam. L’histoire médiatique de Muriel Degauque, jeune femme belge, converti à l’islam qui a commis un attentat suicide en Irak en novembre 2005, a permis de mettre à jour un réseau terroriste en Belgique et a mis en relief l’influence que pouvait avoir l’islam militant au sein même de l’Occident,. En Allemagne, une association culturelle, "Multi-Kultur-Haus Ulm", a été démantelée en décembre 2005 car elle servait de base arrière à des islamistes qui prêchait le djihad contre les infidèles. En Italie, trois islamistes ont arrêtés en novembre 2005 à Naples et à Brescia. Ces derniers étaient en contact avec des cellules salafistes. Ils étaient potentiellement opérationnels et prêts à frapper. Ils avaient non seulement tissé des liens avec des mouvements algériens, notamment le GSPC, mais aussi avec des mouvements internationaux. L’un de ces islamistes 84 Cité par Robert Spencer, www.jihadwatch.com. A noter qu’une traduction libre de l’ouvrage de Robert Spencer, le Guide politiquement incorrect de l’islam est en cours. Pour plus d’information : http://www.precaution.ch/gpi/ 85 Les exemples ci-après sont tirés du rapport de l’ESISC du 17 décembre 2004. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 37 avait même fréquenté des camps d’entraînement en Afghanistan et en Tchétchénie, parcours habituel des djihadistes européens. Au Danemark, sept jeunes islamistes âgés de 16 à 22 ans ont été arrêtés en 2005 par la police danoise car soupçonnés d’avoir été en contact avec deux terroristes interpellés en octobre 2005 à Sarajevo. Ces derniers avaient été arrêtés en possession de 30 kilos d’explosifs et d’une cassette vidéo annonçant la préparation d’un attentat en Europe. En Norvège, les autorités ont été alertées au printemps 2005 car un ouvrage (« le fils de Satan ») était distribué clandestinement à Oslo. Bien que son auteur ne soit pas en relation avec le terrorisme, son ouvrage se concluait par un appel à "punir" les blancs : "ces salauds sans scrupules, trompeurs et mangeurs de porc doivent recevoir une punition telle que la génération suivante s'en souviendra". Toujours à Oslo, Shabana Rehman, comédienne d’origine pakistanaise qui avait osé critiquer le fondamentalisme islamique et avait malmené le mollah Krekar, fondateur du mouvement Asar al-Islam, a été menacée de mort, et son restaurant a été vandalisé par des coups de feu en août 2005. Concernant la France, le célèbre juge d’instruction Jean-Louis Bruguière a estimé que les différentes zones de tensions en Asie, au Proche-Orient risquaient d’avoir des conséquences même dans le pays. Entre 2003 et 2004, le nombre de mis en examen dans les procédures relevant de l’islam radical a augmenté de 166 %86. La menace islamiste concerne également la macédoine où un courant wahhabite se développe dangereusement depuis quelques années. En juillet 2005, six imams modérés ont été violemment molestés par des hommes armés qui les ont accusés d’être de « mauvais musulmans ». L’imam Muamer Veseli a d’ailleurs déclaré à ce sujet : « Des éléments intégristes essaient de prendre le contrôle de la communauté et de dénaturer l’islam balkanique traditionnellement tolérant. Les Balkans ont résisté durant des années à la tentation de l’islam radical, en raison de la solidité de nos traditions spécifiques, héritées de l’Empire Ottoman, mais cette digue saute, la région peut devenir une voie d’entrée en Europe privilégiée pour les réseaux terroristes »87. L’Afrique est également menacée comme l’ont prouvé les liens Ben Laden et le Soudan. Le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), dont les liens avec Al-Qaïda sont désormais connus, déstabilise la région du Sahel et recrute Mauritaniens, Nigérians et Tchadiens pour préparer une action de grande envergure en Afrique du Nord88. Al-Qaïda tente également de déstabiliser la Somalie comme le note le rapport de l’International Crisis Group, qui précise que la menace d’un terrorisme djihadiste basé en Somalie est réelle. Elément confirmé par la prise des villes clés somalienne en juin 2006 par les milices des tribunaux islamiques qui se sont empressés d’imposer la charia aux populations. L’Afrique de l’ouest n’est pas non plus épargnée. David Crane, procureur général du tribunal chargé de juger les crimes de guerre en Sierra Leone, a fait part aux Nation Unis des liens qui unissent Charles Taylor, ancien président du Libéria exilé au Nigeria, à Al-Qaïda. Et si l’on fait référence au Nigeria, rappelons que l'instauration de la charia dans plusieurs états du pays a eu pour conséquence l’interdiction de constructions d'églises pour les chrétiens, l’interdiction de spectacles musicaux, du port de pantalons et de consommation d'alcool. 86 http://www.tgi-paris.justice.fr/tgi/fr/base_statique/news/file/bruguiere.doc « Menace islamiste en Macédoine », La Libre Belgique, 20 octobre 2005. 88 « Terrorisme sans frontières », www.jeuneafrique.com, 14 août 2005. 87 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 38 Comme l’a noté Daniel Pipes, des conversions forcées ont été signalées, de même que des divorces imposés entre des Musulmanes et des Chrétiens89. Des membres de groupes d'action civile y appliquent la loi islamique, comprenant des peines telles que la lapidation, la flagellation et l'amputation de mains. Des visites de solidarité d'islamistes du Soudan, du Pakistan, d'Arabie Saoudite, de Palestine et de Syrie lient le Nigeria aux plus larges courants de l'Islam militant. Le Nigeria subit actuellement un processus de «talibanisation» de la société. Le Maghreb ne fait pas exception à la règle avec, comme il a déjà été indiqué, l’influence grandissante du GSPC dans la région. La menace terroriste au Maroc se fait par exemple de plus en plus présente. En novembre 2005, dix-sept terroristes présumés ont été arrêtés à Casablanca. Ces derniers devaient implanter au Maroc une branche d’Al-Qaïda et préparaient des attentats en décembre 2005 sur le sol marocain90. Autre exemple : Le 17 février 2005, Benjamin Vanseveren, un jeune touriste français de 17 ans, est poignardé à mort aux cris d'«Allahou Akbar». Alors que la justice marocaine dirige son enquête sur la piste d’un déséquilibré, il s’avère que l’assassin suivait les enseignements d’un religieux proche de sa famille et qu’il a tué le jeune homme parce qu’il été un infidèle. De façon plus générale, c’est le continent africain dans son entier qui est touché par l’essor de l’islam radical91. Les récents attentats de Londres (juillet 2005), de Bali (octobre 2005), de Charm el Cheikh (juillet 2005), de Diwali et Srinagar (octobre et novembre 2005) et de Jordanie (novembre 2005) ne font malheureusement que confirmer ces prévisions et l’actualité de la menace terroriste. Ce rappel de l’actualité n’est pas, loin s’en faut, exhaustif. Il serait trop long de relever les actions terroristes dans chaque pays92. Cela étant, il permet d’appréhender le fait que l’islam militant et le djihadisme touchent à peu près tous les continents et que nous sommes bien en face d’un phénomène planétaire qui, par conséquent, ne peut se régler par des solutions purement locales. b) La montée du prosélytisme islamiste en Europe Plus qu’à une menace terroriste qui est tout de même présente, l’Europe devra faire face à un prosélytisme de plus en plus important. La montée du communautarisme va devenir un enjeu primordial pour les tenants de l’islam militant. Remettre au goût du jour le sentiment d’appartenance à l’Oumma, vouloir imposer peu à peu de nouvelles règles sociales, pourtant contraires à nos principes, tel sont les objectifs des islamistes en Europe. Leurs armes seront l’idéologie et l’intimidation, par l’utilisation de la force s’il le faut. Une fatwa du cheikh Qaradawi, qui préside le Conseil européen pour la fatwa, résume bien cette stratégie : « […] Cela signifie que l’islam retournera en Europe en conquérant et en 89 « Les nouveaux bastions de l’islam militant », New York Post, 22 octobre 2002. Notons avec un certain cynisme que figuraient dans ce groupe deux anciens détenus de Guantanamo, cette prison qui serait, selon certaines belles âmes occidentales, remplie d’innocents torturés et humiliés par les américains, assimilés à des nazis… 91 Lire à ce sujet l’ouvrage de Jean-Paul Ngoupandé, « L’Afrique face à l’Islam, Albin Michel, 2003. 92 Pour une étude plus approfondie des menaces, se référer à l’ouvrage d’Alexandre Del Valle, « Le totalitarisme à l’assaut des démocraties », op.cit. 90 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 39 vainqueur, après avoir été expulsé deux fois : une fois d’Andalousie, au Sud, l’autre fois à l’Est, après qu’il eut frappé aux portes d’Athènes. Je soutiens que cette fois la conquête ne se fera pas par l’épée mais la prédication et l’idéologie »93. Ce type de vision prophétique touche les musulmans d’Europe, comme le confirme la déclaration d’un jeune français d’origine algérienne : « Notre invasion pacifique au niveau de l’Europe n’est pas terminée. Nous voulons agir dans tous les « pays d’accueil ». Puisque vous nous faîtes de la place chez vous, pourquoi nous en priver ! Et ce que nous n’obtiendrons pas par la persuasion, nous l’obtiendrons par la force ! Nous possédons une armée mobilisable à tout moment de 3 millions de soldats d’Allah. Même vos autorités reconnaissent 1.400 zones de nondroit sur votre territoire ! Nous vaincrons car notre cause est juste : Allah akbar »94. L’Europe deviendrait ainsi, par opposition au dar al-islam, la demeure de l’islam, et au dar alharb, la demeure de la guerre, le dar ad-da wa, la demeure de la prédication. Gilles Kepel, spécialiste du monde musulman, estime95 même que depuis 1989, l’Europe est devenue daral-islam, terre d’islam, ce qui signifie que les musulmans vivant en Europe doivent pouvoir appliquer la charia, c’est pourquoi les islamistes exercent de plus en plus de pressions depuis cette date, pour le grand malheur des musulmans installés depuis longtemps en Europe et qui avaient “laïcisé” leur religion. Ces pressions islamistes peuvent prendre de nombreuses formes comme en témoigne le tour d’horizon ci-dessous : En Allemagne, le rapport sur la sécurité de l’Etat pour 2004, présenté par le ministre de l’intérieur, Otto Schily, a insisté sur le fait que le terrorisme islamiste était l’un des principaux dangers pour la démocratie allemande. Mais au-delà de cela, ce n’est pas seulement le terrorisme qui est une menace, mais aussi l’islam militant, qui peut mener à des actes de violences. Selon le quotidien allemand Die Welt, qui a analysé ce rapport, cela fait longtemps qu’il existe une « société parallèle » en Allemagne, société qui a créé de nombreux lieux où ni la langue, ni la loi, ni la police allemandes n’ont leur place. On citera notamment la mise en place, sous l’impulsion du Milli Gorus, organisation islamiste turque, d’équipes soignantes exclusivement musulmanes dans un hôpital d’Hanovre pour soigner les patients musulmans. D’autres exemples pourraient être cités pour démontrer cette volonté d’imposer en Europe une séparation entre le musulman et le non-musulman, entre le licite et l’illicite sur le fondement de la loi coranique. Sur le plan de l’enseignement, la Fédération Islamique, regroupement de 25 associations musulmanes et également proche du Milli Gorus, inquiète de plus en plus de syndicats d’enseignement : « Les islamistes prennent le pouvoir dans nos écoles et on ne peut pas les contrôler »96. En Suisse allemande, les enseignants ont reçu récemment un manuel scolaire indiquant les comportements qu’ils doivent avoir face à leurs élèves musulmans, lors des cours de gymnastique ou d’éducation sexuelle ou indiquant la manière de traiter avec les parents musulmans. Ils doivent donc modifier leur vision de l’enseignement à l’islam afin de ne pas choquer les musulmans avec qui ils sont en contact. Si ce projet semble partir d’un bon 93 Cité par Paul Landau, op.cit. Cité par M. Alcader, « Le vrai visage de l’islam », Kyrollos, 2005. 95 Gilles Kepel, « Enquête sur la montée de l’Islam », L’Express, semaine du 26 janvier au 1er février 2006. 96 Cité dans « Enquête sur la montée de l’Islam, L’Express, semaine du 26 janvier au 1er février 2006. 94 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 40 sentiment qui est la lutte contre le racisme, sa logique communautariste est suicidaire. Toute l’ambiguïté réside par ailleurs dans une question posée par le manuel qui est la suivante : « Fautil imposer aux élèves étrangers de s’adapter aux normes occidentales ? Ou fautil plutôt que les occidentaux s’ouvrent aux étrangers en leur laissant une marge suffisante pour vivre leurs valeurs ? »97. Paradigme du relativisme culturel qui sévit au sein de l’Occident, cette question incite donc les occidentaux à abandonner leurs valeurs et à laisser sur leur territoire s’installer et se propager des valeurs qui, dans certains cas, sont totalement contraires aux notres. Jusqu’où cela conduira t-il ? Car si l’on va jusqu’au bout de ce principe, c’est la charia qu’il faudra bientôt appliquer et sans doute plutôt que prévu comme en témoigne la polémique qui a éclaté en Ontario (Canada) au sujet des tribunaux d’arbitrage sur la base de la charia qui ont failli voir le jour. Pour le moment, le projet a été bloqué, notamment suite à l’intervention du premier ministre qui souhaitait la même loi pour tous les « ontariens », quelque soit leur croyance mais les pressions islamistes se font toujours sentir. En Suède, la plus importante association musulmane a demandé à ce que le pays introduise des lois différentes pour les musulmans vivant en Suède : enseignement de l’islam en langue étrangère dans les écoles publiques, séparation des filles et des garçons pour les enseignements sportifs ou encore application de la charia dans les cas de divorces entre musulmans98. Cette proposition a été publiquement rejetée par le gouvernement suédois et par le Conseil des musulmans suédois. Il n’en pas moins que ce prosélytisme semble ne plus vouloir se faire dans la clandestinité comme avant mais tend à profiter des principes mêmes de nos sociétés ouvertes. Le Danemark a été touché en fin d’année 2005 par une offensive de l’islam militant qui est tout à fait représentative des dangers qu’encourent nos démocraties. Petit rappel de l’affaire : Le 30 septembre 2005, un grand quotidien danois publie douze dessins caricaturaux représentant Mahomet. Comme la représentation du prophète est interdite par l’islam, ces dessins ont de suite créé une polémique qui a dépassé les frontières du Danemark. En effet, non seulement les deux dessinateurs de presse ont reçu des menaces de mort, non seulement il a été demandé au quotidien de s’excuser auprès des musulmans du monde entier, non seulement une manifestation a rassemblé plusieurs milliers de musulmans scandant « L’islam est en colère » mais surtout des intellectuels musulmans, des imams et des représentants d’organisations musulmanes danoises ont fait le tour des pays arabo-musulmans pour dénigrer le Danemark et expliquer aux musulmans du monde que cette affaire était une campagne contre l’islam . S’en est suivie une condamnation de nombreux pays musulmans, l’Organisation de la Conférence Islamique ayant même fait part de sa décision de boycotter les activités du Centre danois pour la culture et le développement. Des manifestations antioccidentales ont eu lieu un peu partout dans le monde, un prêtre italien a été tué au cri de Allahou akbar. En France, un café a été vandalisé parce qu’il présentait une exposition de dessins se moquant de toutes les religions. Après le saccage des locaux, des jeunes musulmans sont venus menacer les propriétaires du café : « Vous êtes ici chez nous, vous devez faire ce que l’on veut. On va aller chercher les Frères Musulmans de Belleville, qui vont vous régler votre compte ? Nous, on est gentils, mais on vous prévient sue le bar va brûler et vous l’aurez bien cherché »99. Des musulmans ont manifesté dans les rues de Londres munis des pancartes arborant des « Préparezvous (européens) au VRAI holocauste », « Europe, vous paierez. Votre 11 97 « En Suisse allemande, bonnes intentions et dangereux communautarisme », www.proche-orient.info, 13 janvier 2006. 98 « Separate laws for Muslims’idea slammed », http://www.thelocal.se, 28 avril 2006. 99 « Caricatures : l’affaire rebondit au café », Libération, 30 mars 2006. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 41 septembre est en route », « Décapitez ceux qui insultent l’islam ». Plusieurs organisations arabo-musulmanes ont même lancé un appel aux Nations Unies pour qu’une résolution soit prise afin d’interdire les attaques des croyances religieuses et imposant des sanctions aux pays qui ne la respectent pas !100 A la suite de ces réactions internationales, le premier Ministre Danois, Anders Fogh Rasmussen, s’est dit choqué que des musulmans danois se soient déplacés dans des pays musulmans pour “expliquer” cette histoire de caricatures : “Je suis ébahi que ces gens, auxquels nous avons donné le droit de vivre au Danemark où ils ont librement voulu rester, visitent maintenant des pays arabes et incitent à l’antipathie envers le Danemark et les Danois” a-t-il déclaré101. Il y a eu une évidente disproportion entre le dommage causé par la publication de ces dessins et la réaction du monde musulman, disproportion qui prouve que la haine anti-occidentale est beaucoup plus profonde qu’il n’y paraît. S’il est compréhensible que certains aient été choqués par ces caricatures (certaines étaient plus méchantes que drôles), leurs réactions ont mis sérieusement à mal le cliché d’un islam d’amour, de tolérance et de paix. En outre, il y a eu ici un étonnant « deux poids deux mesures » dans cette réaction musulmane. On a entendu ici et là que la liberté d’expression aurait comme limite le respect des croyances religieuses. Mais que dire alors des nombreux dessins qui apparaissent régulièrement et depuis fort longtemps dans la presse arabo-musulmane montrant des juifs aux nez crochus tentant de s’emparer du monde, caricaturant la crucifixion du Christ ou montrant récemment Anne Franck au lit avec un Adolf Hitler lui disant « Ecris ça dans ton journal, Anne ». Ceux-là mêmes qui estiment que les caricatures danoises ont porté atteinte à leur religion montrent-ils, eux, du respect envers les deux autres monothéismes ? On a également entendu dans cette affaire que ces caricatures donneraient une mauvaise image de l’islam car associées au terrorisme. Soit, mais comme l’a affirmé le rédacteur en chef de l’hebdomadaire jordanien Shihane (jeté en prison pour avoir osé publier les caricatures), a-t-on vu pareilles réactions du monde musulman lors d’attentats djihadistes ? Puisqu’il est bon ton de répéter que le terrorisme n’est pas lié à l’islam et qu’au contraire les djihadistes salissent son image, pourquoi n’a-t-on pas vu des manifestations similaires après des attentats ? Pourquoi les musulmans n’ont-ils pas incendié les ambassades de l’Arabie Saoudite lorsqu’ils ont su que la majorité des « islamikazes » du 11 septembre étaient saoudiens ? Ne salissaient-ils pas eux aussi l’image de leur religion ? La spontanéité de ce mouvement anti-occidental doit par ailleurs être fortement remise en cause. Rappelons, en effet, que ces caricatures dataient de septembre 2005 et qu’il aura fallu attendre 4 mois (fin janvier 2006) avant de voir éclater ces accès de violences. En revanche, cette poussée islamiste a correspondu à une nouvelle étape dans la mise en place d’un nouveau califat mondial, objectif principal des tenants de l’islam militant ; étape qui a commencé avec la disparition politique de Sharon et la victoire des terroristes du Hamas, le come-back médiatique de Ben Laden et Al-Zawahiri fin 2005 et la mise au pied du mur de la Syrie. Rajoutons également la victoire de l’Iran sur une Europe faible qui paie le prix de sa realpolitik et des Etats-Unis tiraillés par deux objectifs : redorer leur blason auprès du monde musulman (ce qui explique, en partie du moins, les critiques de Clinton et d’un représentant 100 “UN urged to ban attack on religion”, Aljazeera.net, 29 janvier http://english.aljazeera.net/NR/exeres/6362975C-60D7-4E26-A64E-2A7B1D561DA4.htm 101 “Danish Prime Minister Shocked at Lies”, http://www.brusselsjournal.com, 14 janvier 2006. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 2006 42 de la maison blanche sur la publication des caricatures ; une honte pour ce pays de liberté) et agir contre l’islam militant afin d’éviter à l’Occident de disparaître trop rapidement. La manipulation a vite été révélée, bien que peu relayée par les médias européens. Deux hommes ont été à l’origine de cette sordide affaire : Ahmed Abdel Rahman Abu Laban, imam danois d’origine palestinienne et Ahmed Akkari porte-parole du comité, The European Committee for Honoring the Prophet, regroupant 27 organisations musulmanes danoises. Ce sont eux qui ont fait le tour du monde musulman avec un dossier de 43 pages devant prouver que ces caricatures insultent l’islam. Or, en plus des 12 caricatures publiées par le quotidien danois, ils ont rajouté trois dessins. L’un d’eux, censé représentant le prophète avec un groin de cochon, n’était autre qu’une photo du gagnant du championnat du cri de cochon qui s’était déroulé en France quelque temps auparavant et qui n’avait rien à voir avec une quelconque caricature de Mahomet. La manipulation a été grossière, insultante pour ceux qui ont un minimum d’intelligence. Mais cette manipulation a fonctionné au regard des objectifs fixés par les islamistes qui étaient d’abord de faire croire au monde musulman que l’Occident ne mène pas la guerre contre le djihadisme mais bel et bien contre l’islam lui-même. La preuve : les occidentaux ne respectent pas les croyances des musulmans ! Le deuxième objectif était de rallier l’Oumma, ce qui a été évident. Même les musulmans les plus modérés se sont ralliés aux islamistes dans cette condamnation. A de très rares exceptions près, peu de musulmans occidentaux ont pris la parole pour défendre le principe de liberté d’expression. Enfin, le dernier objectif était la division de l’Occident. Objectif rempli : la polémique a fait rage entre tenants des principes fondamentaux de nos sociétés ouvertes et les idiots utiles qui ont renié ces mêmes principes sous couvert de dialogue des civilisations. La vieille Europe a capitulé, ses dirigeants ont été scandalisés par la publication de ces caricatures. Pourtant, avec le recul, il ne s’agissait que de dessins, ils ne tuaient pas. En revanche, les musulmans contrariés par de simples dessins, ont détruit des ambassades, ont menacé de mort les occidentaux102 . L’Europe capitularde a préféré présenter ses excuses, elle a préféré renier ses principes si durement acquis. Même au pays de Voltaire, où l’on pouvait penser que le religieux garderait la sphère d’influence qui devrait être la sienne, la sphère privée, une proposition de loi a été déposée à l'Assemblée nationale visant à "interdire les propos et les actes injurieux contre toutes les religions". Dès lors, "tout discours, cri, menace, écrit, imprimé, dessin outrageant, caricature ou affiche, portant atteinte volontairement aux fondements des religions est une injure" et donc passible d'une condamnation en justice. La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse serait ainsi modifiée suite aux pressions des islamistes. D’ailleurs, pourra-on encore parler de liberté de la presse ? Faudra t-il interdire Dante, Voltaire, Racine ou Montesquieu comme c’est déjà parfois le cas pour ne pas choquer l’islam ? Jusqu’où irons nous dans le déni de nos valeurs et de nos principes ? Cette affaire illustre donc parfaitement les conséquences de l’essor de l’islam militant au sein de sociétés ouvertes. En effet, le premier risque est bel et bien une séparation entre le fidèle et l’infidèle. Entre le musulman et le non musulman, la nationalité devenant un critère identitaire secondaire. Le premier Ministre danois, dans cette affaire de caricatures, a été ébahi que les musulmans vivant au Danemark aient autant vomi sur leur pays et qu’ils ne se sentent pas danois avant tout. Il n’a visiblement pas compris que le réveil de l’Oumma implique désormais que l’identité musulmane prime sur tout autre critère identitaire. Et comme cette 102 Rappelons que le droit international obligent les Etats à prendre « toutes les mesures appropriées » pour empêcher que des bâtiments diplomatiques « soient envahis ou endommagés », que leur « paix soit troublée », et même que leur « dignité soit amoindrie. L’Europe s’est couchée…., voir « L’Europe intimidée », Le Monde, 13 février 2006. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 43 dernière identité entre parfois en contradiction avec les règles de nos sociétés libres, le danger est que des revendications de plus en plus importantes voient le jour, que des conflits surgissent et dégénèrent. Reporters sans frontières, totalement abasourdi103 par cette affaire a rappelé que le Danemark est l’un des pays les plus respectueux de la liberté de la presse au monde. Et cette liberté est désormais menacée parce qu’elle est en contradiction avec l’islam. Ces confrontations ne cesseront de croître, et pourront mener, comme au Canada à des pressions pour obtenir des tribunaux réservés aux musulmans, tribunaux qui appliqueraient non la loi nationale mais la loi musulmane. Evidemment, le cas du voile islamique et les manifestations qui les ont accompagné en Europe sont le signe le plus visible de cette lutte idéologique notamment en France. Mais d’autres manifestations prennent de plus en plus d’importance. Refus de la mixité dans les écoles, dans les hôpitaux, multiplications de cantines halal. A titre d’exemple, le Parisien rapportait le 2 novembre 2004 que « L’impact du marché à destination des musulmans est tel que maintenant, la plupart des agneaux abattus en France sont halal, à cause des abats qui trouvent des débouchés. Aujourd’hui, beaucoup de gens consomment du halal sans le savoir », sourit un professionnel de Rungis. »104. On peut rajouter que le problème n’est pas exclusif ç la France mais à l’Europe plus généralement. En effet, les médias ont rapporté le cas d’une école à Molenbeek (Belgique), où lentement mais sûrement, la viande de porc a été éliminée de l’alimentation des élèves, excepté le mercredi, jour de très faible affluence. Celle-ci a été remplacée par la viande Hallal. « Ici, ça fait longtemps que les élèves ne mangent plus de porc. Et c’est d’ailleurs comme ça dans toutes les écoles communales de Molenbeek » a déclaré le secrétariat de l’école 16105. Citons aussi le cas survenu à Charleroi, en Belgique où des parents d’élèves se sont révoltés contre la décision de la direction d’une crèche qui souhaitait généraliser la viande Hallal pour tous les enfants afin d’améliorer la qualité des repas des enfants musulmans. La France a été mise en face de l’ampleur des pressions islamistes lors de la publication du rapport de la Commission Stasi où il a été révélé que dans les écoles, les cours de biologie étaient chahutés par des élèves musulmans qui veulent imposer une vision créationniste du monde, qui refusent l’enseignement de Darwin. Les cours d’histoire sont également remis en cause notamment durant l’enseignement de la Shoah. Un rapport postérieur à celui de la Commission Stasi a été totalement « enterré » par les autorités et dissimulé aux français. Il s’agit du rapport Obin sur les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires. Ce rapport est alarmant à plusieurs titres. L'Inspection Générale de l'Education Nationale a enquêté pendant 8 mois dans 21 départements français (outre- mer compris). La constatation principale est « la montée en puissance du phénomène religieux dans les quartiers, notamment chez les jeunes. Le développement des signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les écoles et les établissements scolaires ne semble être que la conséquence, ou plutôt la partie scolairement visible d’une dynamique plus vaste, souvent récente, parfois brutale ». Le rapport précise de suite que cela se manifeste le plus souvent avec la religion musulmane. A l’origine de ce développement et de l’islamisation des quartiers, les interlocuteurs évoquent souvent « l’influence déterminante de jeunes hommes professant une religion à la fois plus 103 « Deux caricaturistes menacés de mort », www.rsf.org, 17 octobre 2005. « La viande halal a la cote à Rungis », Le Parisien, 02 novembre 2004. 105 « Viande Hallal à l’école », La Libre Belgique, 26 janvier 2006. 104 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 44 pieuse, moins populaire et plus intellectuelle […] Ces grand frères proposent avec succès aux jeunes issus de l’immigration une identité positive et universaliste musulmane ». On peut ici remarquer le prosélytisme islamiste destiné à réveiller l’Oumma, objectif capital de l’islam militant. Ce réveil de l’Oumma, la communauté musulmane, se concrétise par la mise en avant de l’identité musulmane en lieu et place de l’identité française par exemple « Beaucoup de collégiens, interrogés sur leur nationalité, répondent de nos jours « musulmane », précise le rapport Obin. Une des premières conséquences de cette réislamisation est la régression de la condition féminine : « Le contrôle moral et la surveillance des hommes sur les femmes tendent à se renforcer et à prendre des proportions obsessionnelles » notent les enquêteurs. Durant l’enquête de ces inspecteurs, d’autres principes défendus par les islamistes ont été révélés. On retrouve par exemple la notion de pur et d’impur, la distinction entre musulmans et non musulmans. Ainsi, comme le note le rapport : « L’obsession de la pureté est sans limite : à ces élèves d’une école primaire qui avaient institué l’usage exclusif des deux robinets des toilettes, l’un réservé aux « musulmans », l’autre aux « français », répond comme amplifiée la demande récente d’un responsable local du culte musulman à l’inspecteur d’académie d’un important département urbain, d’instituer des vestiaires séparés dans les salles de sport, car selon lui « un circoncis ne peut se déshabiller à côté d’un impur. ». Cela ne se passe pas en Arabie Saoudite, mais bel et bien en France, que les belles âmes françaises niant le phénomène en prenne maintenant conscience. D’autres exemples peuvent être donnés : refus par des jeunes musulmans de dessiner des visages car contraire aux principes islamiques, refus de danser, refus pour les jeunes filles musulmanes de faire du sport avec les autres. Ce phénomène s’accompagne également d’un prosélytisme très important. Les jeunes musulmans sont contraints, sous la menace et les agressions d’autres élèves, de se conformer aux principes coraniques (notamment concernant le ramadan) : « Sous ce type de pression, ou plus simplement pour se conformer aux normes du groupe, certains élèves d’origine européenne observent aussi le jeûne sans que leur famille en soit forcément informée » peuton lire également, aussi incroyable que cela puisse paraître. Autre conséquence de ces pressions, la montée de l’antisémitisme. Le rapport arrive à la conclusion qu’ « en France les enfants juifs – et ils sont les seuls dans ce cas – ne peuvent plus de nos jours être scolarisés dans n’importe quel établissement ». L’influence des islamistes est très visible et peut s’observer dans la justification par les jeunes musulmans agresseurs : « dans les témoignages que nous avons recueillis, les évènements du Proche Orient ainsi qu’une sourate du Coran sont fréquemment invoqués par les élèves pour légitimer leur propos et leurs agressions ». Voilà la triste réalité de la France du XXIème siècle. Est-il concevable que des français juifs ne puissent pas étudier n’importe où par peur des agressions antisémites de jeunes musulmans qui citent les sourates du Coran ? Alors que les belles âmes continuent à ne parler que des actes antisémites de l’extrême droite française, il se développe en France une judéophobie musulmane inquiétante, totalement occulté par nos bien-pensants. Il est particulièrement choquant que cela se passe en France, pays des Droits de l’Homme, au XXIème et après les persécutions juives qui ont eu lieu en France. N’a-t-on rien appris de notre histoire ? Laissera t-on s’installer à nouveau les pires périodes de notre passé ? Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 45 On pourrait penser qu’il s’agit là d’un épiphénomène mais le rapport insiste bien sur le fait que derrière ces problèmes scolaires, se cache l’action de groupes très structurés. En outre, le problème ne concerne pas seulement la France. La commission Stasi s’est déplacée aux PaysBas, Etat toujours pris en exemple pour sa société multiculturelle et tolérante, dans le cadre de son rapport. Au regard de la situation actuelle aux Pays-Bas, les membres du gouvernement néerlandais ont fait part de leur souhait d’abandonner cette politique multiculturelle : « Ils [les membres du gouvernement] se sont montrés inquiets, constatant que les deuxièmes voire troisième générations sont tentés par l’islamisme, contrairement à leurs parents. Rompant avec le multiculturalisme, le gouvernement néerlandais désire désormais mener une politique volontaire d’intégration, dîte de citoyenneté partagée, stipulant que les nouveaux immigrants adhèrent aux valeurs fondatrices de la société néerlandaise »106 . A la lecture de ce rapport alarmant, il parait évident que les tenants de l’islam militant sont en train de tester la résistance de nos société ouvertes afin de savoir quel degré appliquer à leurs pressions. Ils essaient de modifier nos principes mais d’une façon très lente afin de ne pas éveiller les soupçons, afin que les changements se fassent presque naturellement, sans que els européens ne réagissent brutalement. Et il est clair que la politique de l’autruche et cette lâcheté politique de faire face à ces agissements scandaleux, pour éviter les amalgames, a des conséquences plus graves encore : « C’est là où l’on a transigé, où l’on a reculé, passé des compromis comme on l’entend dire souvent, que nous avons constaté les dérives les plus graves et les entorses les plus sensibles à la laïcité. » conclut le rapport. Le rapport Obin n’est pas le seul document démontrant l’influence islamiste en France. Par exemple, la conclusion d’une enquête de l’Inspection Générale de l’Administration (IGA), enquête commandée en avril 2005 par Dominique de Villepin, est la suivante : « Le refus de la mixité dans les services collectifs est en augmentation ces dernières années ». Cela se traduit notamment par le refus des femmes musulmanes de se faire examiner par le personnel masculin, par l’absentéisme des filles durant les cours d’éducation physique. On note même le boycott des enseignements liés au Coran lorsqu’ils sont dispensés par des non-musulmans107 révèle l’enquête. La situation dans les hôpitaux n’est guère meilleure comme l’a souligné une enquête du journal Le Point108, la laïcité est fortement remise en cause dans les hôpitaux français. Les faits sont classiques : refus de soins, maris qui intimident les médecins, les agressions ne sont plus rares. Selon l’un d’eux, « Le phénomène croît en fréquence et en gravité depuis trois à quatre ans ». Face à ces agissements, les médecins français ne savent plus comment réagir : « On ne sait pas, on fait profil bas, on a peur d'être taxés de racisme », déclare un chef de service. La remise en cause de nos principes, la mise en place de valeurs islamiques contraires aux notres ne sont pas les seules manifestations de l’influence grandissante de l’islam militant en Europe. On peut également observer la diffusion d’un islam conquérant et combattant dans certains livres pour enfants. A titre d’exemple, le magazine Valeurs Actuelles a révélé en juillet 2005 que certains livres pour enfants, tels « La voie du petit musulman » étaient très loin d’une vision de paix, d’amour et de tolérance islamique. Dans un chapitre intitulé « Le musulman est un combattant », on peut lire « le combat est une obligation pour tout musulman. Le combattant s’emploie à défendre à défendre la Religion de Dieu ; s’il tombe martyr, il obtient le paradis. Dieu nous ordonne de nous préparer au combat et de nous y 106 Cité par Paul Landau, op.cit. « Enquête sur la montée de l’Islam », op.cit. 108 « Violences : Pression intégriste sur les hôpitaux », Le Point, 6 avril 2006. 107 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 46 tenir prêts en permanence ». Pour les adultes, « la voie du musulman » poursuit sur un chapitre sur le djihad « Le mérite du djihad et de la mort en martyr pour la Cause de Dieu est exprimé en termes nets dans les annonces véridiques et dans les hadiths authentiques du Prophète (S.B. sur lui) qui font du djihad la plus méritoire et l’acte de dévotion le plus distingué »109. Nous sommes bien loin du djihad comme un combat intérieur, nous sommes bien loin d’un islam de paix tant vanté par nos bien-pensants. Se rend t-on compte des ravages que cette « éducation » peut causer si, dès le plus jeune âge, on apprend aux enfants à combattre l’infidèle par le djihad et en légitimant le tout par une volonté divine inscrite dans le Coran ? Se rend t-on compte que cela se passe en France ? Cela met en évidence le fait que la France (mais la situation en Europe est plus ou moins similaire) subit des pressions islamistes depuis plusieurs années déjà mais dans la mesure où cela s’effectue de façon bien moins spectaculaire qu’une action terroriste, l’endormissement des consciences est presque total. Pour comprendre cette stratégie, il suffit de se remémorer un article datant de janvier 1994 de l'hebdomadaire saoudien « Al Mouslimoune », qui faisait l'éloge de l'action d'islamisation en France, parvenant alors à « convertir au moins dix Français par jour » à travers le pays. Ce même quotidien appelait également les Français musulmans à « s'unir, puisque l'union fait la force ». Il leur rappelait la « nécessité d'avoir des représentants au Parlement, après avoir obtenu des conseillers régionaux, généraux et municipaux… ». Le quotidien évoquait aussi la « conquête des Alpes». Il soulignait que cette conquête, qui doit faire école, a commencé par la région Rhône-Alpes, puisque « la seule ville de Grenoble comptait plus de 5.000 étudiants musulmans. Cinq conseillers ont été élus au conseil régional ». Le journal appelait la communauté à « poursuivre ses efforts, pour parvenir aux plus hautes fonctions de l'État… »110. La stratégie des islamistes est claire à travers cet exposé : développer en douceur un islam orthodoxe, réveiller la conscience musulmane au sein de la population française, séparer les fidèles des infidèles, remettre en question les valeurs républicaines et faire l’apologie d’un Islam conquérant. Dans la mesure où cette stratégie fonctionne, il est probable que les islamistes continuent sur cette voie tout en utilisant la force si le besoin s’en faisait ressentir. D’autant plus que cette réislamisation forcée permettra dans un avenir plus ou moins proche un recrutement par les terroristes islamistes au sein même des quartiers français. « Considérant nos m!urs comme mécréantes, nos lois comme impies et l’Oumma comme leur vrai patrie, les intégristes s’excluent euxmêmes de la communauté nationale. Ce phénomène existe, il progresse dans nos banlieues. Ce contexte spécifique à la France rend les conséquences d’attentats djihadistes plus redoutables sur notre territoire » confirment Stéphane Berthomet et Guillaume Bigot 111 à l’issue de leur enquête sur les dangers de l’islamisme en France. Cet état de fait a été confirmé par un rapport de la Direction centrale des Renseignements Généraux datant de juin 2004 qui soulignait que des centaines de quartiers sensibles présentent des signes inquiétants de repli communautaire aggravé, notamment sous l’influence de la montée en puissance de l’islam radical. Eric Denécé a par ailleurs démontré que la montée de l’islamisme en France touchait non seulement la sphère sociale mais également la sphère économique selon deux modalités : le 109 « L’islam enseigné aux enfants », Valeurs Actuelles, 29 juillet 2005. Passage tiré de l’article « Enquête au sein de la presse islamique », www.proche-orient.info 111 « Le jour où la France tremblera : terrorisme islamiste : les vrais risques pour l’Hexagone », Stéphane Berthomet et Guillaume Bigot, Ramsay, 2005 110 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 47 prosélytisme militant et contestataire et le développement de trafics susceptibles d’alimenter la cause du djihad112. Pour étayer son propos, l’auteur cite Yves Bertrand, ancien Directeur des Renseignements généraux : « Le monde du travail est désormais visé, avec, comme cibles, certaines catégories de personnel. Il s’agit évidemment des plus modestes, comme les caissières, les manutentionnaires ou les chauffeurs livreurs ». Pour finir ce tour d’horizon, précisons que la montée de l’islam militant est également flagrante dans les prisons françaises. Ainsi, selon les derniers rapports des renseignements généraux français, le prosélytisme se développe de façon inquiétante. "Dans les cellules, les affiches de Ben Laden ont fleuri. Des sapins de Noël sont maintenant saccagés, des bibles détruites par des prisonniers. Un islam hostile à l'Occident, aux Français en général, aux juifs en particulier, se propage dans les établissements pénitentiaires », signalaient-ils en mai 2005. Ouvrons une petite parenthèse ici : alors que de présumés profanation du Coran à Guantanamo ont ébranlé le monde entier, que des manifestations antiaméricaines ont vu le jour un peu partout dans le monde113, que des américains ont été tués ou blessés durant ces manifestations, que le monde entier à fustigé les Etats-Unis, le fait que des bibles soient détruites dans nos prisons ne fait pas l’objet de la même indignation et ne choquent les français. C’est dire le degré de faiblesse morale et idéologique dans laquelle les français se trouvent actuellement. G/ La contagion des esprits Omar Bakri, chef de file du mouvement islamiste Al Mouhajirroun a déclaré « Notre but est de créer en Europe une cinquième colonne très puissante »114. Le danger pour nos sociétés se trouve là : que les thèses islamistes puissent peu à peu s’insinuer dans les esprits des musulmans, même les plus modérés, et ce, par réflexe identitaire, par une absence d’intégration à la culture occidentale. Cette contagion pourrait concerner tous les musulmans où qu’ils se trouvent mais plus particulièrement en Occident et plus spécifiquement encore en Europe. Le poids de la population musulmane y est en effet de plus en plus important. Qu’en sera-t-il dans vingt ans ? C’est ce qui ce qui explique que le terroriste Carlos, converti de longue date à l’islam, écrive : « l’Islam est, accéléré avec l’effacement de l’Eglise et l’échec du socialisme réel, une chance pour l’Europe. La communauté musulmane reste encore marginale, mais tendanciellement elle pèse de plus en plus lourd. Le facteur démographique joue en sa faveur. Déjà certaines chaînes de supermarché ont compris le parti qu’elles pouvaient tirer de la clientèle musulmane et on inscrit le jeûne du ramadan à leur calendrier commercial. Politiquement, le poids des populations de culture islamiques est certes encore négligeable. Mais en ce domaine comme dans beaucoup d’autres, les manifestations se manifesteront brutalement »115. Tel est l’avertissement que les européens devraient méditer. A la lecture de l’actualité concernant les pressions islamistes évoqués précédemment, il n’est pas exagéré de dire que ces derniers ont pris d’assaut nos démocraties et qu’il ne se passe pas un jour sans qu’un crime islamiste n’ait lieu quelque part dans le monde. Pourtant, un citoyen français, italien ou américain par exemple vivra son quotidien assez sereinement. Il aura peutêtre un léger frisson dans le métro ou dans l’avion mais de façon générale, il ne rencontrera 112 Eric Denécé, « Le développement de l’islam fondamentaliste en France : aspects sécuritaires, économiques et sociaux, Centre Français de Recherche sur le Renseignement, 2005. 113 « La colère du monde musulman contre le Coran profané à Guantanamo », Libération, 13 mai 2005. 114 Cité par Mohamed Sifaoui, « La France malade de l’islamisme, Menaces terroristes sur l’Hexagone », Le cherche midi, 2002. 115 Carlos, « L’islam révolutionnaire », éditions du Rocher, 2003. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 48 pas la « menace islamiste » au coin de la rue. De même, les attentats terroristes cause effectivement moins de morts que le virus du Sida, voire que les accidents de la route. Ce qui fait dire à certaines personnes qu’en définitive, il n y a rien d’alarmant, que cette menace est largement exagérée, qu’il ne s’agit que de fantasmes de réactionnaires. Or, évaluer une menace en fonction des morts n’est évidemment pas très pertinent si l’on rappelle qu’il a fallu des dizaines d’années et une centaine de millions de morts à travers le monde pour que nous comprenions la réalité du totalitarisme communiste. En outre, les études qui se fondent uniquement sur le nombre de morts, et dont l’objectif est clairement politique, ne mentionnent que les morts causés par des attentats islamistes de ces dernières années. Mais qu’en est-il du million et demi de chrétiens et animistes qui ont été massacrés par les islamistes du Soudan durant ce qu’on a appelé, par erreur, une guerre civile ? Et que dire des centaines de milliers de victimes algériennes ? S’il est vrai que ces victimes ne sont pas mortes par le fait d’attentats, c’est tout de même bien l’action islamiste qui est responsable de ces morts. Faut-il également préciser qu’une menace ne se définit pas seulement par le nombre de morts mais également par ses conséquences politiques et économiques. Faut-il, à ce titre, rappeler à ces statisticiens que le 11 septembre a coûté près de 90 milliards de dollars et des centaines de milliers d’emplois disparus, pertes heureusement compensées par la bonne santé économique des Etats-Unis ? Et que dire de l’influence des attentats du 11 mars 2004 en Espagne qui a conduit à un changement de majorité gouvernementale et le retrait des troupes espagnoles d’Irak ? Comment peut-on soutenir dans ces conditions que la menace de l’islam militant a peu de conséquences sur nos sociétés ? On note encore ici cette volonté de nier la menace, cette faculté intellectuelle de se bander les yeux tout à fait européenne. Le danger de l’islam militant réside bien plus dans une modification lente mais réelle de la société, occidentale ou non. Il ne s’agit donc pas de faire un concours de morts mais bien d’évaluer les risques sur le long terme. C’est cette notion temporelle que les occidentaux en général n’ont pas assimilée, ces derniers ne s’intéressant qu’à un dommage important et immédiat comme un attentat terroriste de l’ampleur du 11 septembre. Cela explique les théories de certains « spécialistes » européens qui estiment, en se basant uniquement sur les actes terroristes et non les pressions islamistes « pacifistes », que l’Occident n’est pas en danger, quelques milliers de fanatiques ne pouvant détruire des Etats. C’est pour cette raison que l’on entend souvent le discours consistant à dire qu’il ne s’agit là que d’épiphénomènes, que les médias surinforme sur le sujet et qu’en définitive, il n y a pas de véritable danger, des illuminés fanatiques ayant toujours existé dans nos sociétés. Une fois encore, ce raisonnement n’est pas étonnant. Tant que l’on n’est pas confronté à une menace directe, tant que l’information ne fait pas son chemin, il est très difficile d’évaluer correctement un phénomène. Mais une analyse scrupuleuse de l’actualité internationale permet de mettre en évidence les différentes pressions islamistes qui agissent sur les sociétés libres. Entendons nous bien : il ne s’agit là que de montrer une progression inquiétante d’un phénomène et en aucun cas d’affirmer que les musulmans d’Europe ont modifié radicalement et définitivement les comportements sociaux des européens. Progression dont Gilles Kepel voit les effets dans certains quartiers français, où «l'on a parfois du mal à se rappeler que l'on se trouve dans l'Hexagone, tant est prégnant, à l'!il nu, l'ordre moral d'un rigorisme islamique que l'on ne constate généralement pas à ce niveau dans les sociétés musulmanes du sud et de l'est de la Méditerranée». Ce constat est d’ailleurs confirmé par un sondage de la Sofres, cité dans une enquête de l’Express publiée en janvier 2006 indiquant que, si en 1993 71% des enfants de parents d’origine maghrébine (en majorité musulmans) se sentaient plus Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 49 proches du mode de vie et de culture des français que celui de leur famille, ce chiffre est désormais de 45% en 2003.116 L’Express rappelait par ailleurs qu’en Allemagne, 21 % des musulmans vivant sur son sol estiment que la constitution allemande n’est pas conciliable avec le Coran. Le constat est encore pire en Grande-Bretagne où 40 % des musulmans voudraient instaurer la charia chez eux117. Cette charia, contraire aux droits de l’homme, avilissante pour la femme et pour le non-croyant. Est-ce là une vision d’un islam de paix, d’amour et de tolérance ? Est-ce là une vision des musulmans modérés censés être majoritaires dans le monde ? Ce repli identitaire, ce retour à un islam des origines, conquérant, intolérant et guerrier est une réalité que les bonnes âmes le veuillent ou pas, qu’elles le comprennent ou pas. C’est un fait : on note une progression alarmante de l’adhésion des populations musulmanes d’Europe, censées devenir les précurseurs d’un islam des lumières selon les islamologues français, à un islam plus rigoriste. L’idéologie véhiculée par les tenants de l’islam militant tend à s’infiltrer dans les discours les plus anodins, comme si les principes de bases des islamistes s’appliquaient à chaque fait social. Il suffit de se plonger dans l’Internet pour relever cette tendance. Prenons, à titre d’exemple, une discussion d’internautes sur un sujet scabreux : l’augmentation du nombre de jeunes filles d’origine maghrébine, les beurettes comme il est coutume de les appeler, dans les productions pornographiques118. De nombreux intervenants commentent ce sujet en tentant de savoir d’où provient le phénomène et s’il faut s’en inquiéter. Le fil de cette discussion est tout à fait représentatif des acteurs de ce conflit planétaire qui se joue sous nos yeux : les musulmans modérés qui s’écartent de l’islam des textes fondateurs pour adhérer à des valeurs occidentales, les tenants de l’islam militant qui aspirent à les tirer dans un islam originel et les idiots utiles occidentaux qui détruisent l’Occident de l’intérieur. A travers les échanges de messages de cette discussion, on peut mesurer le degré d’infiltration des thèses islamistes, aussi étonnant que cela puisse paraître dans un sujet sur les films pornographiques. On trouve certains thèmes classiques tels que : La distinction fidèle/infidèle : c’est un principe de base s’il l’on veut comprendre l’idéologie islamiste. C’est cette distinction qui justifie les mouvements séparatistes et les attentats djihadistes. Dans le sujet, cette distinction prend la forme d’une différenciation entre Nous, communauté musulmane, et Eux, les français. On trouve donc la discussion des phrases comme : «Et n'oubliez pas que vous êtes "chez EUX". Tenues de respecter LEURS lois: Il ne faut pas se la jouer hypocrites... » (Les commentaires sont laissés tels quels, fautes d’orthographes comprises). Ces mots proviennent, a priori, de jeunes français. Le culte de la supériorité : les membres de l’Oumma représentent, comme le rappelle le Coran, la meilleure communauté qui soit. Cela explique que certaines personnes dans la discussion soient si choquées qu’une jeune femme musulmane puisse tourner dans un film pornographique. Qu’une occidentale le fasse est normal puisque l’Occident est décadent par définition mais qu’une beurette, ici assimilée à une musulmane de facto, le fasse est une honte car rompant avec la pureté de l’islam. Et lorsqu’un internaute répond que les jeunes beurettes ont raison de faire de tels films, il lui est répondu : « je pense que tu diras pas ça à ta soeur et 116 « Enquête sur la montée de l’Islam, op.cit. 40 % des musulmans britanniques voudraient instaurer la charia chez eux, Le Monde, 20 février 2006. 118 http://www.orientalement.com/p50-il-y-a-de-plus-en-plus-de-beurette-qui-tourne-des-film-pornographiqueet-pourquoi-ca.html 117 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 50 qui sait à ta mere!! mon pauvre gars tu devrais t'appeller pierre ou ishrak....tu devrais avoir honte de toi. » ou encore : « slt, je comprends ta peine et ton dégout qd tu vois des gens de notre communautée s'adonner à la pornographie on est censée montrer L'exemple ». Notons également que cette suprématie de la communauté musulmane se traduit par son union, à l’inverse de l’Occident individualiste : « cette societe ne vit que pour le plaisir et n a que comme dieu l argent qui nourrit ttes les frustrations des etres peu doues d intelligence...mais ca permet aussi de voir ou se trouve la verite ...et ca amplifie la foi de certain...la democratie c est l individualisme ...l islam c est la communaute ,l union ,la solidarite mais ou est cette communaute ? » Le culte de la supériorité légitime toute action islamiste puisque tout non musulman est dans l’erreur et qu’il doit être remis dans le droit chemin, ce dernier étant la conversion ou la dhimmitude. D’ailleurs, un internaute rappelle l’objectif assigné aux musulman par le Coran : « on a été mis sur terre pour répandre l'islam et on gache tout ». L’islam comme unique solution : C’est un argument que l’on retrouve évidemment au sein du courant salafiste. Face à la décadence, supposée ou avérée, des musulmans, seul un retour à l’islam des pieux ancêtres pourrait enrayer le processus. En l’espèce, la réponse à la pornographie serait un retour à l’islam. C’est ce qu’explique un internaute lorsqu’il écrit : « vous savez ce que OMAR IBNE ALKHATAB a dit « notre grandeure ou dignite c ensuivant l'islam et quad on chaerchra la reussit ailleur c la fin de notre sevilisation » (en français plus compréhensible, cela donnerait : notre grandeur ou dignité, c’est en suivant l’islam et quand on cherchera la réussite ailleurs, c’est la fin de notre civilisation) ou encore : « mais un jour inchaallah l islam mettra de l ordre a ttes ses debauches ». Le mythe du complot : Une des rhétoriques habituelles du monde musulman est que le monde entier complote contre les musulmans dans un monde séparée en deux, celui des fidèles et celui des infidèles. Les infidèles, et notamment les juifs et les occidentaux, tentent par tous les moyens de détruire l’islam. Cette paranoïa s’illustre en l’espèce par les écrits suivants : « Tu devrais savoir que l'asservissement des "beurrettes" correspond à une stratégie globale de lutte conte la pensée AraboIslamique » ; « et la france et les occidentaux ont fait plus de torts que vous ne croyez reliser l histoire et vous comprendrez... » ; « Restez vigilents les hommes, on vous empoisonne l'esprit avec ces trucs (films pornos, etc...) pour mieux vous détourner de votre route». Ainsi, par un détournement tortueux de la raison, chaque fait vient nourrir le mythe. Ici, on apprend avec effarement que la pornographie est une arme des infidèles pour mettre fin à l’islam. Si l’on considérait que ces propos sont simplement tenus par des adolescents un peu désorientés, cela ne prêterait guère qu’à sourire, tristement certes vu l’idiotie des arguments, mais simplement à sourire tout de même. Mais lorsque l’on sait que certaines hautes personnalités religieuses musulmanes en Arabie Saoudite, au Quatar ou en Jordanie ont interdit les jeux Pokemon car cela ferait partie d’un complot, juif en l’occurrence (« Cette fièvre des Pokémon est un complot juif qui vise à forcer nos enfants à oublier leur foi et à les distraire de leurs ambitions notamment scientifiques »119) on comprend dès lors qu’il ne s’agit pas d’une scorie de l’adolescence mais bien d’une dérive intellectuelle fort inquiétante. La judeophobie : étonnant dans une discussion liée à la pornographie de trouver des propos judéophobes. Et pourtant, c’est bien le cas, ces discours étant fortement imprégnés du mythe du complot décrit précédemment. C’est donc avec consternation que l’on apprend que si des jeunes maghrébines se tournent vers la pornographie, c’est à cause des juifs ! On peut lire par exemple les propos suivants : « meme les dirigeants sont telecommande par qui a votre 119 « Les Pokémon sèment la zizanie en Jordanie », TF1, 8 avril 2001. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 51 avis...tout ceci est etait le but ultime..encore le sionisme qui frappe.. » ou encore « La France qui regroupe un nombre assez élevé d'immigrés en provenance des pays du Maghreb participe elle aussi par le biais de certains groupuscules notamment sionistes à détruire l'image de cette communauté par l'intermédiaire de cet outil d'information visuel que sont le Net ou certaines chaines de télévision. ». Les insultes peuvent être violentes comme en témoigne la haine de cet internaute : « Toi sal sioniste fodil=samir=bawral, tu te permets d´insulter quelqu´un qui peut être le maître de ton maître, t´as pas honte toi frustré sioniste ? » ou bien « Pauvre !! Pauvre d´esprit sioniste!!! on sait bien pourquoi les sionistes ne veulent plus de toi, tu es un blammage pour eux. ». « Tous les moyens sont bons pour nous rendre inopérationnels, le sexe est un des meilleurs moyens qu'ont trouvé les sionistes pour faire détester les arabes de leurs pays et leur faire aimer l'occident, par le vice !!! La première question qui vient à l’esprit est : Par quelle aberration intellectuelle en arrive t-on à incriminer les juifs sur un tel sujet ?! Cette judéophie est particulièrement effrayante quand la haine du juif se banalise à tel point. Cette banalisation est telle qu’elle se retrouve là où on l’attend le moins. L’actualité est là pour le rappeler. Deux exemples venant de France montrent sa dangerosité. Le premier est celui de la fatwa édictée par l’UOIF (Union des Organisations Islamiques de France) lors des émeutes de l’automne 2005. Alors que les médias ont refusé en bloc l’idée même d’une origine ethno-religieuses de ces émeutes, l’UOIF a lancé cet appel au calme des musulmans : « Dans plusieurs versets du Saint Coran, Dieu blâme la destruction et le désordre et rejette ceux qui les accomplissent. Il dit au verset 64 de la Sourate 5 « Allah n’aime pas les semeurs de désordre » ; il dit au verset 60 de la Sourate 2 « Ne semez pas de troubles sur la terre comme des fauteurs de désordre ». (Voir également 2/27 ; 2/205 ; 7/56 ; 28/77 etc.. ) ». En dehors du fait qu’il est incroyable que dans un Etat de droit, laïque de surcroît, de tels appels religieux aient eu lieu, on reste abasourdi par la teneur de cette fatwa car si au premier abord elle semble être un appel au calme, un examen plus approfondi des sourates invoquées dans cette fatwa démontre son caractère judéophobe. Si l’on se réfère au verset 64 (ou 69 dans la traduction de Kasimirski) de la sourate 5 comme l’indique l’UOIF, on peut lire : « " Les Juifs ont dit: " La main d'Allah est fermée. Ce sont leurs mains qui sont fermées et ils ont été maudits à cause de ce qu'ils ont dit. Les mains (d'Allah), tout au contraire, sont ouvertes. Il accorde subsistance comme Il veut. Ce qu'on a fait descendre de ton Seigneur accroît pour beaucoup d'entre eux leur rébellion et leur impiété. Nous avons excité entre eux l'hostilité et la haine jusqu'au Jour de la Résurrection. Chaque fois que fut allumé un feu pour la guerre, Nous l'éteignîmes. Ils s'évertuent à semer le scandale sur la terre alors qu'Allah n'aiment pas les semeurs de scandales. " (La version de Kasimirski diffère sensiblement tout en gardant le même esprit). Ainsi, cet appel pourrait donc se résumer par « Musulmans de France, n’agissez pas comme les juifs qui sèment le désordre sur terre, ce sont eux les fauteurs de troubles ». Et cette lecture coranique a été reprise par l'association iranienne des journalistes musulmans qui a émis un communiqué relatif aux émeutes françaises indiquant que la réponse à ces soulèvements était influencée par le lobby sioniste en France dans le but de limiter la liberté des musulmans de France120. Le deuxième exemple de la banalisation de cette judéophobie est en effet bien plus dramatique puisqu’il s’agit de la mort du jeune Ilan Halimi, jeune français juif torturé et tué car ses ignobles assassins, en l’enlevant et le séquestrant, croyaient que les juifs ont de 120 La version anglaise du communiqué précisait : “We suppose that the French government has carried out the recent discriminatory and anti-human rights acts under the influence of the Zionist lobby in France to limit the social and personal freedoms of the Muslims residing in the country, which is quite unacceptable on the part of a country that claims to be democratic” Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 52 l’argent et qu’ayant le pouvoir, il s’entraideraient pour payer une rançon. Ces jeunes criminels n’étaient pas des djihadistes et pourtant le mythe du juif riche et qui détient le pouvoir les a poussés à agir de façon abominable. C’est pourquoi, lorsque l’on lit sur Internet des propos comme ceux évoqués sur une simple discussion sur la pornographie, on ne peut que s’inquiéter des conséquences que cela aura à plus ou moins long terme. Car la supériorité de l’islam, la distinction entre fidèles et infidèles, le mythe du complot et l'aversion du juif sont des thèmes développés par les islamistes et les djihadistes pour justifier leur prosélytisme et leurs actes terroristes. Retrouver ces thèmes dans une banale discussion scabreuse est particulièrement inquiétant. Cela démontre une contamination des esprits par cette idéologie totalitaire. Si ce genre de discussions n’est pas rare sur Internet, il est difficile de savoir si cela est représentatif d’un nombre conséquent de personnes. Il n’en reste pas moins qu’empiriquement, on peut déduire que ce phénomène a tendance à se développer notamment chez les jeunes. Cette contagion des esprits, à son paroxysme, explique que nombre de musulmans dans le monde ne condamnent pas catégoriquement les islamistes et les terroristes islamistes. C’est ainsi que jusqu’aux attentats du mois de novembre 2005, 66% des jordaniens légitimaient les actions d’Al-Qaïda et 60 % des habitants faisaient confiance à Ben Laden. C’est lors de ce type de sondages que le mythe du rejet absolu de l’islam militant par les musulmans du monde entier tend à s’effriter, ce qui ne veut pas dire que le milliard de musulmans habitant sur notre planète vont se transformer en terroristes, cela veut simplement dire que certaines idées commencent à faire leur chemin, même au sein des plus modérés. On pourrait arguer du fait que la Jordanie n’est pas représentative car beaucoup plus impliquée dans les conflits du Proche-Orient. Mais ce raisonnement est, par exemple, infirmé par une récente enquête effectuée au Maroc en septembre 2005, pays bien plus proche, en théorie, de l’Europe méditerranéenne que du Proche-Orient, qui a révélé que 44% des jeunes marocains de 16 à 29 ans pensaient qu’Al-Qaïda n’est pas une organisation terroriste (ce chiffre passe à 50% si l’on ne prend en compte que les garçons) .121 Après les attentats de Londres, le Daily Telegraph a effectué un sondage auprès de sa communauté musulmane. Il en a résulté que 25% des musulmans britanniques sympathisaient avec les sentiments et les motifs des responsables des attentats.122 Pire, 6% des personnes interrogées, soit près de 100.000 personnes justifiaient pleinement les actions terroristes. De même, 31% des sondés estimaient que l’Occident est décadent et immoral et affirmaient qu’ils devaient en finir avec cette civilisation, mais par des moyens pacifiques. Cette contagion des esprits et ce soutien plus ou moins établi de l’oumma musulmane à l’islam militant à bien été comprise par Al-Qaïda. En témoigne la déclaration d’Ayman AlZawahiri, bras droit de Ben Laden dans une vidéo publiée en décembre 2005. A la question « Plus de quatre ans se sont écoulés depuis que l’Amérique a commencé sa campagne pour détruire AlQaïda et les taliban. Jusqu’à présent, malgré tout le potentiel de l’Amérique et malgré toute l’aide pakistanaise, l’Amérique n’a pas réussi à capturer le Mollah Mohammed Omar ou le cheikh Oussama Ben Laden, qu’Allah les protège tous deux. Comment cela se faitil ? », Al-Zawahiri répond : 121 « 44% des jeunes : Al Qaïda n’est pas terroriste », L’économiste, 25 janvier 2006, A noter que ce quotidien marocain s’inquiétait également de la montée de l’islamisme dans les grandes écoles, phénomène qui s’amplifie d’année en année au Maroc. 122 Sondage du Daily Telegraph du 23 juillet 2005. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 53 « La principale raison est la protection d’Allah, que les américains et l’Occident croisé matérialiste ne peuvent pas comprendre. La deuxième raison, qui découle de la première, est que les populations musulmanes ont ouvert leurs c!urs et leurs demeures aux moudjahidine, leur ont accordé refuge et protection, ont exposé leurs enfants, leurs familles, leurs biens et leurs habitations aux bombardements et aux incendies, au risque d’être tuées ou capturées, pour Allah, pour soutenir l’islam et défendre les moudjahidine. Le djihad pour Allah est plus grand que n’importe quel individu ou organisation. Il s’agit de la lutte entre la vérité et le mensonge, jusqu’à ce qu’Allah hérite de la terre et de tous ses habitants. Le mollah Mohammed Omar le cheikh Oussama Ben Laden, qu’Allah les protège de tout mal, ne sont que deux soldats de l’islam dans le voyage du djihad, alors que la lutte entre la vérité et le mensonge transcende le temps »123. Le 3 mars 2006, Amr Khaled, prédicateur devenu une star médiatique au Proche-Orient, dans un discours enflammé suite aux caricatures danoises, a déclaré : « Depuis l’affaire des caricatures, je dis quelque chose que personne ne comprend. Il y a un carré de musulmans, un carré d’islamophobes, et au milieu, un carré de nonmusulmans neutres. Il faut trouver un moyen radical pour les attirer » ; et d’ajouter : « Les sentiments et l’amour de l’islam, c’est quelque chose de très grand mais planifier pour notre avenir en Europe est aussi important surtout en ces temps : regardez loin, patientez, ne vous pressez pas…Etudiez ce Hadith du Prophète, faitesen votre slogan »124. Cette déclaration permet de mieux comprendre le danger d’une contagion des esprits notamment sur les populations musulmanes en Occident. Elle met en évidence un concept non intégré par les occidentaux, celui de la patience dans l’élaboration de ce projet. « Cela pourra prendre dix, vingt ou cent ans, mais nous vaincrons, car le temps joue en notre faveur » rappelle un islamiste en France125. Cette contagion est d’autant plus importante que l’on véhicule, au sein même de l’Occident, une vision tiers-mondiste du phénomène de l’islam militant faisant des musulmans les nouveaux oppressés de notre temps, les damnés de la terre. Ce qui, bien entendu, a pour conséquence de rallier à la cause des islamistes de plus en plus de musulmans, même les plus modérés, qui embrassent cette vision du monde. H/ La manipulation de l’information cause d’une perception biaisée de la réalité Les précédents développements ont montré qu’il existait un décalage entre la perception de l’islam militant par les européens et la réalité factuelle de la menace. Si les raisons d’un tel décalage ont déjà été évoquées (guerre asymétrique de basse intensité, raisons historiques, etc.), il convient de se pencher également sur une des causes fondamentales de ce décalage, à savoir le rôle de l’information. Notre réalité dépend en effet de l’information que nous recevons, le terme information étant pris ici dans son sens le plus large et couvre donc tout moyen de communication conscient, voire subconscient. On prendra ici l’exemple de la France afin de montrer que la perception de la réalité est conditionnée par l’information. Notre pays est un bon exemple pour montrer l’existence de cette interaction dans la mesure où, bien que la liberté d’expression soit en principe appliqué, il n’en reste pas moins qu’il existe une évidente dictature de la pensée. Il est des choses qui peuvent être dites, d’autres 123 Video du n° 2 d’Al-Qaïda, Ayman Al-Zawihiri, sur Al-Sabah, www.memri.org, 20 décembre 2005. « Un prêche capital sur la chaîne intégriste saoudienne Iqra », www.proche-orient.info, 7 mars 2006. 125 Cité par Emmanuel Razavi, « Frères Musulmans dans l’ombre d’Al Qaeda », Jean-Cyrille Godefroy, 2005. 124 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 54 non. Nous assistons à une sorte de dictature de la majorité pour reprendre l’expression du visionnaire Alexis de Tocqueville. S’en écarter fait de vous un paria intellectuel. Il est donc intéressant d’analyser comment se forme cette « pensée unique » et de la relier au phénomène de l’islam militant. La France se caractérise, lorsque l’on aborde la question de l’islam militant, par un silence tant médiatique que politique résultant pour une grande part de son antiaméricanisme et de sa politique « pro-arabe ». Comment ne pas être choqué par exemple lorsque l’on sait que la télévision française couvre un scandale dénoncé par la presse étrangère et par des journalistes honnêtes, celui de la mort d’un jeune palestinien, Mohamed Al-Dura et de son père, tués par des israéliens affirmait-on à l’époque. Des journalistes français avaient en effet contribué à diffuser à grande échelle cette manipulation médiatique en proposant gratuitement le documentaire au monde entier. Or, non seulement des enquêtes ont fortement remis en cause la véracité de ce documentaire (il s’agirait d’un vulgaire montage, les morts ayant été simulées), indiquant qu’il ne s’agissait là que d’une propagande palestinienne filmée et donc d’un faux documentaire, mais encore la télévision française tente maintenant d’étouffer l’affaire. Rappelons que « la mort » de cet enfant et de son père, est devenu un symbole de l’Intifada dite Al Aqsa, symbole que l’on retrouve sur des timbres en Tunisie, en Jordanie ou même dans des poèmes. 126 Que la France soutienne cette propagande palestinienne a de quoi faire sursauter les journalistes intègres. Cela n’est d’ailleurs pas sans rappeler la couverture honteuse des medias français sur le « massacre » de Jenine en 2002, médias qui ont relayé les estimations fantaisistes des palestiniens sur le nombre de morts (le nombre évoqué était d’abord de 3000 personnes, puis de 500 personnes alors qu’en réalité il n’était que de 53 morts dont 34 combattants…). Cet exemple montre que les positions anti-israéliennes et pro-palestiniennes d’une grande part des médias français, ajouté à un antiaméricanisme de longue date, font que la majorité des français ont une vision totalement dévoyée du phénomène islamiste et djihadiste. L’information passe non seulement par les médias mais également par l’éducation. Et l’influence idéologique commence d’ailleurs très tôt comme en témoigne le résultat du travail de Barbara Lefebvre et Eve Bonnard127 dans leur dernier ouvrage. Ce livre est une enquête sur la manière dont les manuels scolaires d’histoire géographie français traitent l’histoire récente, post 11 septembre. Relativement à l’analyse du terrorisme, l’on est effaré d’apprendre que les attentats du 11 septembre ne sont qu’une réponse à l’hégémonie américaine. On apprend ainsi que « Les EtatsUnis sont aussi devenus la cible d’Etats et de mouvements qui refusent l’hégémonie américaine sur le monde » ou encore que « La puissance américaine est défiée par l’islamisme comme le prouvent les attentats du 11 septembre » ou bien que « le terrorisme international frappe les pays dont la puissance est contestée ». Ce type de raisonnement a conduit l’éducation nationale française à rédiger un sujet du brevet des collèges 2005 particulièrement dangereux où l’on demandait aux élèves de répondre à cette question : « Comment la puissance américaine atelle été contestée le 11 septembre 2001 ». Le terrorisme ne serait donc que la contestation de la puissance américaine. Voilà le genre de grille de lectures que nos enfants peuvent avoir grâce à l’éducation nationale française. 126 Les lecteurs intéressés par le sujet pourront se reporter aux dossiers de la Metula News Agency (http://www.menapress.com/) mais également des dossiers réalisés par Media-Ratings, première agence de notations des médias (http://www.m-r.fr/) et par l’association ACMEDIAS (http://www.acmedias.org/). 127 “Elèves sous influences”, Barbara Lefebvre et Eve Bonnard, Audibert, 2005. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 55 Lorsqu’un attentat islamiste fera de nombreuses victimes en France, comment ces jeunes gens comprendront-ils le phénomène ? Par une contestation de la puissance française ? On retrouve également la logique d’une culpabilisation de l’Occident : « les mouvements islamistes (…) prennent pour cible l’Occident – pour sa culture matérielle et sa politique pro israélienne au MoyenOrient – ainsi que les Etats arabes laïques considérés comme impies » On apprend même que l’islamisme « reste une idéologie de mobilisation contre l’Occident dans de nombreux pays qui voient dans la mondialisation un risque d’uniformisation culturelle et de domination des EtatsUnis ». On ne peut qu’être effaré par ce programme infligé à nos enfants. Espérons que les professeurs aient un peu de recul car comme le font remarquer les auteurs, cette opinion en formation deviendra probablement la vision dominante de demain. Face à cette uniformisation de la pensée et de tels mensonges sur l’islam militant, il ne faut donc pas s’étonner de l’opinion généralement admise en France selon laquelle l’islamisme et le terrorisme ne sont qu’un contrepoids aux Etats-Unis et à Israël. Il ne faut pas s’étonner non plus de la recrudescence des mouvements d’extrème-gauche qui réhabilitent une vision marxiste du monde et qui actent à la destruction de nos sociétés démocratiques. « Cette focalisation sur la puissance américaine perçue comme une menace à la paix mondiale a pour effet de relativiser tout autre danger, au premier rang desquels le terrorisme djihadiste » concluent les auteurs. Et cette réflexion confirme la relativisation, voire parfois même la négation, du phénomène de l’islam militant en France comme cela a été décrit précédemment. Or, la désinformation, volontaire ou non et l’absence de pluralité d’opinion sévissant en France ne permettent absolument pas de comprendre l’islam militant tel qu’il est réellement. Et ne pas comprendre un phénomène conduit à ne pas le combattre efficacement. Par conséquent, il est urgent que la France puisse revenir au principe de pluralité d’expression en laissant s’exprimer d’autres personnes que nos bien-pensants habituels, en permettant des débats ouverts sans diabolisation d’expressions jugées par eux non conformes. Si cet effort n’est pas fait, la France n’aura pas les moyens de faire face seule à ce nouveau totalitarisme. Comme ce fut déjà le cas lors des deux précédents totalitarismes. La France saura t-elle à se débarrasser de cette langue de bois ? « Le moins que l’on puisse dire est que la langue de bois si répandue dans nos sociétés est à cet égard de mauvaise augure. En nous résignant, nous favorisons les avancées islamistes dans nos pays, mais surtout dans le monde musulman, précipitant ainsi une menace que nous croyons écarter par notre angélisme. La prophétie de Churchill en 1938 : « Vous aviez le choix entre la guerre et le déshonneur. Vous avez le déshonneur et vous aurez la guerre » est toujours aussi actuelle », remarque pertinemment André Grjebine128. La majorité des américains ont, à l’évidence, une perception tout autre du phénomène de l’islam militant. Sans doute le traumatisme du 11 septembre y est-il pour beaucoup mais cela n’explique pas tout. La vieille Europe, par des réflexes conditionnés, ne semble pas avoir pris l’ampleur de la menace, pour des raisons diverses tenant à son passé historique mais 128 André Grjebine, op.cit. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 56 également à une politique étrangère qui sera étudiée ultérieurement. Pire, la vieille Europe renoue avec ses vieux démons antisémites et antiaméricains qui prévalaient durant l’entredeux guerre. Négation du nouveau totalitarisme ou accusation d’Israël et des Etats-Unis, telles sont les deux alternatives qui s’offrent aux européens alors qu’aux Etats-Unis, malgré les différences politiques entre démocrates et républicains, l’islam militant est bien appréhendé comme un phénomène totalitaire qui menace la paix mondiale. Cette différence de perception peu paraître anodine. Finalement, quelle importance si un américain pense que l’islam militant est un danger alors qu’un européen pense que le plus grand danger vient d’Israël ? Question de point de vue, diraient certains. Pourtant, la perception du danger est primordiale pour deux principales raisons. La première est que lorsque le danger n’est pas perçu, les moyens de lutte contre ce danger sont pratiquement nuls comme le rappelle le mythe du cheval de Troie. En l’espèce, si l’Europe est considérée comme le ventre mou de l’Occident par les islamistes, c’est parce que ces derniers ont perçu l’endormissement des consciences des européens face à leurs pressions. En n’identifiant pas correctement la menace, les européens se mettent dans une situation d’immobilisme propre à favoriser l’expansion de l’islam militant. La deuxième raison est qu’en niant le péril et en pointant du doigt les Etats-Unis et Israël, les européens délégitiment toute action de ces pays favorisant par la même une division de l’Occident, véritable aubaine pour les islamistes. C’est ainsi que les Etats-Unis sont passés peu à peu du statut de victimes, après le 11 septembre, à celui de responsables de tous les maux de la planète, suivis par Israël au niveau régional. Toute action de leur part est désormais placée sous le signe de la suspicion d’un impérialisme dangereux. Cette différence de perception conduit le monde musulman et l’Europe à unir leurs voix, phénomène dont la conséquence désastreuse est de renverser les rôles. Les islamistes sont devenus des victimes de l’impérialisme américain et juif. Les américains, dont le Président Bush est devenu l’emblème de son côté le plus odieux, et les israéliens sont quant à eux devenus les bourreaux des temps modernes empêchant les peuples de vivre en paix. Ce qui explique que l’on scande « Bush-Sharon Assassins ! » dans les rues alors que les actes terroristes acquièrent le statut d’actions de pauvres gens désespérés n’ayant que ce recours pour se défendre de la menace impérialiste. Les Etats-Unis et Israël ont, du point de vue de la perception du conflit, été totalement isolés. Dans une guerre qui est avant tout une guerre d’idées et de représentations, ces deux acteurs ont perdu une bataille capitale ce qui a affaibli de façon considérable les résultats de leurs actions. Conséquence logique d’une appréciation différente de la menace actuelle, les moyens de lutte contre l’islam militant sont radicalement différents au sein même de l’Occident. Chapitre 2 : Des moyens de résistance inappropriés « Par conséquent, la bataille finale ne sera pas nécessairement entre l’islam et l’Occident mais entre ceux qui attachent du prix à la liberté et ceux qui n’en attachent aucun », Ibn Warraq « Liberté de l’esprit affranchi des dogmes et de la censure ; liberté de l’économie affranchie de la corruption et de l’incurie ; liberté des femmes affranchies de l’oppression masculine ; liberté des citoyens affranchis de la tyrannie » Bernard Lewis Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 57 Même si l’Occident n’est pas le seul visé par l’islam militant, il reste une de ses cibles privilégiées et devient un enjeu géopolitique évident. La différence de perception a crée une division importante entre les Etats-Unis et l’Europe. Malgré les efforts diplomatiques d’un côté comme de l’autre, il est peu probable que les divisions sur le sujet s’estompent rapidement. L’islam militant est, bien entendu, le grand gagnant de cette scission. Il s’est même trouvé un allié de taille puisque la vieille Europe, dans de nombreux domaines a rejoint l’idéologie islamiste. A tel point que le concept d’Eurabia, développé par l’historienne Bat Ye’or n’a jamais été autant d’actualité. Peut-on dire pour autant que l’Europe a capitulé ? Par ailleurs, peut-on affirmer que les moyens employés par les Etats-Unis, et notamment la guerre en Irak, ont été appropriés pour résister à ce que certains nomment déjà la 4ème guerre mondiale ? A/ La capitulation de l’Europe Lors de commentaires sur la politique européenne, les mots lâcheté et capitulation sont souvent employés. L’Europe a t-elle réellement déposé les armes face au nouveau totalitarisme islamiste ? Malgré toutes les critiques que l’on peut faire à l’Europe, la réponse à cette question est cependant nuancée. L’on peut d’ores et déjà énoncer que l’Europe utilise des moyens proportionnels à son appréciation de la menace. L’Europe a effectivement tendance à considérer l’islam militant comme un simple problème de police. D’où une réponse purement judiciaire. Il faut d’ailleurs rendre hommage ici aux différentes forces de l’ordre et à certains magistrats européens qui, grâce à leur travail et à leur détermination, ont pu empêcher de nombreux attentats en Europe. Grâce à eux, de nombreuses filières ont été démantelées et des terroristes qui s’apprêtaient à agir ont été mis sous les verrous. Précisons en outre que cette réponse judiciaire s’attache aussi au financement du terrorisme islamiste. Des relations ont été mises en évidence entre criminalité organisée et financement du terrorisme, illustrées en France il y a quelques années par le démantèlement du gang de Roubaix. Chaque pays européens utilise ses propres ressources et la collaboration entre eux reste malheureusement encore trop faible. Comme le souligne Jean-Charles Brisard « Une meilleure coopération permettrait de mieux les cerner [les ramifications d’Al Qaïda]. Alors, quels changement depuis le 11 mars ? Hormis le mandat d’arrêt européen facilitant l’extradition, on n’a vu des déclarations d’intention essentiellement. » 129. Considérant la menace comme purement policière et non comme une menace potentiellement destructrice de la civilisation occidentale, l’Europe a néanmoins capitulé sur un plan idéologique et politique. Sur le plan idéologique, cette capitulation s’est traduite d’abord par le leitmotiv « le terrorisme n’a rien à voir avec l’islam qui est une religion d’amour, de tolérance et de paix ». Tous ceux qui ont analysé l’évolution de l’islam, ses possibles relations avec le terrorisme islamiste ont été, en France notamment, taxés d’islamophobes. L’Europe est tellement apeurée de vexer le monde musulman, qui pourtant vomit sa haine chaque jour sur l’Occident, qu’elle souhaite exiger l’utilisation d’un certain vocabulaire. Ainsi, il ne serait plus « islamiquement correct » de parler de terrorisme islamiste ou pire de terrorisme islamique. A la place, nous serons bientôt obligés d’employer le terme « terroristes qui invoquent 129 Cité dans l’édition du 11 mars 2005 du quotidien L’Est Républicain. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 58 abusivement l’islam ». Les termes de djihad ou de fondamentalisme devront, eux aussi, être bannis de notre vocabulaire130. En dehors du fait que ces dispositions liberticides rapprochent de plus en plus l’Europe d’une société de type totalitaire, elles sont le paradigme de la pusillanimité qui caractérise notre continent. On comprend dès lors que l’Europe est et restera toujours considérée comme le ventre mou de l’Occident. Les éventuels débats sur le sujet étant irrémédiablement évités pour ne pas créer un choc des cultures et des civilisations tant redouté. Les islamistes ont très bien compris qu’en utilisant les valeurs de nos sociétés ouvertes, ils pouvaient véhiculer leurs idées, remettre en cause les fondements de nos sociétés et jouer dans le même temps la carte victimaire faisant appel au sens de culpabilité de plus en plus développé chez les européens, qui par une sorte de suicide collectif, nient leur propre civilisation et acceptent de la voir bafouer chaque jour. Cette capitulation a été facilitée grâce à l’émergence, au sein de ses propres rangs, de courants anti-occidentaux. Le renouveau du tiers-mondisme, déguisé en anti-mondialisme, en manque de cause victimaire a généré une nouvelle alliance « rouge-vert » (rouge d’extrême gauche et vert islamiste) comme ont pu le démontrer les nombreux forums sociaux européens et autres manifestations anti-mondialistes. Comme l’a souligné Julien Baudry, pourtant membre de la Gauche Socialiste, « On assiste à un véritable glissement sémantique. Toute dénonciation de l'islamisme est considérée comme une forme de racisme. Une amie qui s'est rendue au forum social européen (FSE) de Londres sous l'étiquette « Sosracisme » a été insultée et huée car elle a courageusement défendu la loi contre le port des signes ostensibles à l'école. Au nom de la lutte contre l'impérialisme américain, quelques militants sombrent dans l'islamogauchisme. »131. A la question : « José Bové qui embrasse Tariq Ramadan, le MRAP qui accuse d'islamophobie pour un oui ou pour un non, Farbiaz (les Verts) qui salue le Hamas : que vous inspire cette nouvelle orientation idéologique de la gauche radicale ? », Julien Baudry répond : « Quelques uns sont de bonne foi, mais ils sont naïfs. Ils ont entendu des islamistes proclamer « Nous sommes pour la laïcité ». Mais personne n'a eu l'idée de leur demander quelle était leur conception de la laïcité. Pour les islamistes laïcité signifie uniquement : respect de toutes les religions et pratique sans restriction du culte. Pour moi laïcité signifie séparation des Eglises et de l'Etat et promotion du « vivreensemble ». Des militants ont été victimes d'un doublediscours. Et certains organes de presse ont très largement participé à cette confusion. Je pense notamment au Monde Diplomatique qui a joué un rôle décisif dans ce fiasco. » Le 4ème Forum Social Européen qui s’est déroulé à Athènes en mai 2006 a confirmé cette tendance puisque le thème de l’ « occupation sioniste » et de la « résistance irakienne a été fort prisé avec la participation des terroristes du Hamas132 Cet axe rouge-vert islamo-marxiste a par ailleurs une envergure internationale comme en témoigne la position de Ayman Al Zahawiri, numéro deux d’Al-Qaïda qui a exhorté ses sympathisants à rechercher des alliés parmi tout mouvement opposé aux Etats-Unis, même athée. Position confirmée par Ilich Ramirez Sanchez, alias Carlos, terroriste vénézuélien converti à l’islam qui prône une alliance entre tous les anciens marxistes du monde et les islamistes. Ce dernier a su synthétiser le rationalisme du marxisme-léninisme à la transcendance de la foi musulmane : « L’islam et le marxismeléninisme sont les deux écoles 130 « Islamic terrorism’is too emotive a phrase, says EU », http://www.telegraph.co.uk, 12 avril 2006 « Les gauchistes sont des sociaux-traîtres », Julien Baudry, www.surlering.com 132 « Le 4ème Forum Social Européen donne la parole à ses amis du Hamas. Il confirme que l’islamisme politique s’est sérieusement implanté dans le milieu altermondialiste », www.proche-orient.info, 4 mai 2006. 131 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 59 dans lesquelles j’ai puisé le meilleur de mes analyses » écrit-il133. Cette transcendance est d’autant plus importante qu’il est difficile de lutter contre la foi elle-même. Elle échappe à toute argumentation, ce qui rend les islamistes si dangereux et si peu enclin à changer. Carlos le résume très bien : « Or les militants révolutionnaires, d’autant plus forts qu’ils sont armés de la parole de Dieu, sont moralement irréductibles ». Cette fusion entre extrème-gauche et islamisme et redoutable car les armes idéologiques qui ont servi pour lutter contre le totalitarisme communiste ne sont plus adaptées au nouveau totalitarisme. Carlos rappelle, par ailleurs, un des objectifs des islamistes qui est de conquérir les populations musulmanes, où qu’elles soient. Et c’est déjà le cas pour certains pays européens. Il cite par exemple la France qui « du fait même des flux migratoires nés de la colonisation et de la néo colonisation, est déjà et depuis des décennies daralislam (terre de l’islam) ». A décharge de l’Europe, cette alliance existe aussi aux Etats-Unis, pourtant en première ligne de front contre l’islam militant. Cette alliance est parfois même risible comme cela a été le cas en janvier 2006 lorsque Ben Laden a fait la promotion dans une vidéo du livre de William Blum, écrivain installé à Washington et proche d’auteurs comme Noam Chomsky, qui s’est radicalisé et défend aujourd’hui des thèses d’extrême-gauche, antiaméricaines et antioccidentales en général. Ainsi, fier d’être une terre d’accueil, l’Europe capitularde, sans s’en apercevoir, devient peu à peu une base arrière idéologique et logistique de l’islam militant. De plus en plus de français sont retrouvés morts en Irak, en Arabie Saoudite. L’Allemagne a servi de base lors de la préparation de l’attentat du marché de Noël à Strasbourg. Les Pays-Bas, pourtant mis en exemple pour son multiculturalisme, ont connu des violences importantes suite à l’assassinat de Théo Van Gogh. La situation de la France a déjà été décrite. L’ouvrage de Stéphane Berthomet et Guillaume Bigot, « Le jour où la France tremblera, terrorisme islamiste : les vrais risques pour l’Hexagone », a mis en évidence les ratés d’une politique de l’autruche et les grands risques que courrait le pays en matière de terrorisme. La France, en continuant dans cette voie, deviendra d’ici peu un vivier pour les islamistes. Le processus est d’ailleurs déjà en marche comme le démontre le nombre croissant de français impliqués dans le terrorisme international. Les musulmans français sont malheureusement les premières victimes de cette propagande idéologique qui conduit de plus en plus de personnes à écouter des prêches antioccidentaux, ce sentiment s’enracinant dans nos propres villes. Bien entendu, des sursauts se font sentir, ici et là, de temps en temps. Les Renseignements Généraux mettent les français en garde. On médiatise l’expulsion d’un ou deux Imams qui parlaient trop fort. Mais qu’en est-il de ceux qui parlent doucement ? Depuis vingt ans, la France n’a pas été capable d’enrayer ce courant en dépit des avertissements qui ont été donnés. Le terrorisme intellectuel qui sévit dans le pays n’empêche cependant pas certains auteurs134 de mettre en évidence cette situation. Mais qui les écoute ? On les accuse immédiatement de cultiver la peur, comme si le fait de ne pas parler du phénomène allait éradiquer la menace. Il y a visiblement une peur de se mettre à dos la communauté musulmane. Grave erreur comme le rappelait Jean-Pierre Péroncel-Hugoz, ancien journaliste du Monde et grand connaisseur du monde arabo-musulman : « Or, refuser de combattre le fondamentalisme coranique de peur de nuire ou de déplaire à l’Islam, 133 Carlos, « L’islam révolutionnaire », édition du Rocher, 2003. Voir notamment, Christophe Deloire et Christophe Dubois, « Les islamistes sont déjà là : Enquête sur une guerre secrète », Albin Michel, 2004. 134 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 60 serait une attitude comparable à celle qui consistait à se taire au sujet du nazisme ou du stalinisme pour ne pas risquer de s’en prendre en même temps au peuple allemand ou au peuple russe. Dénoncer l’intégrisme islamique, c’est au contraire encourager les musulmans modernistes à en faire autant, c’est éclairer les musulmans abusés »135. La capitulation politique de l’Europe est surtout visible par rapport à la politique étrangère. Si l’on se réfère à la thèse de l’Orientaliste Bat Ye’or, spécialiste des questions sur la dhimmitude et le djihad, l’Europe a depuis les années 1970 une politique visant une alliance avec les pays arabes afin de contrer, notamment, les Etats-Unis et se garder des aléas pétroliers. En résumé, voici les principaux objectifs de cet axe Euro-arabe : « Né de l’embargo pétrolier, le Dialogue EuroArabe s’établit dès le début comme un marché : les pays de la CE s’engageaient à soutenir la politique arabe contre Israël, et en échange, ils bénéficieraient d’accords économiques avec les pays de la Ligue Arabe » […] L’éditorial d’Eurabia (publication éditée à la fin des années 70) spécifiait « la nécessité d’une entente politique entre l’Europe et le monde arabe comme base aux accords économiques » et l’obligation du côté européen de « comprendre les intérêts politiques autant qu’économiques du monde arabe. » […]Au niveau géostratégique, la Coopération EuroArabe fut un instrument politique d’anti américanisme en Europe visant à séparer et affaiblir les deux continents par l’incitation à l’hostilité réciproque et par le dénigrement permanent de la politique américaine au Moyen Orient. »136. Mais cette coopération ne se limite pas à des accords économiques ou politiques, loin s’en faut. Cet axe Euro-Arabe tend à créer un espace où la civilisation musulmane prendrait lentement le pas sur la civilisation occidentale ou, tout au moins, à promouvoir la civilisation musulmane et Arabe en Europe afin de respecter une vision islamique de l’Europe. Cet objectif avait clairement été établi dans l’éditorial de la publication Eurabia : « S’ils veulent réellement coopérer avec le monde arabe, les gouvernements européens et les dirigeants politiques ont l’obligation de s’élever contre le dénigrement des Arabes dans leurs organes d’information. Ils doivent réaffirmer leur confiance en l’amitié euroarabe et leur respect envers la contribution millénaire des Arabes à la civilisation universelle. ». En outre, l’Association Parlementaire pour la Coopération Euro-Arabe, publia en 1975 certaines résolutions afférentes à cette coopération culturelle. On a ainsi pu lire : « Soulignant l’apport que les pays européens peuvent encore attendre de la culture arabe, notamment dans le domaine des valeurs humaines » ou encore que l’Association « demande aux gouvernements des Neuf d’aborder le secteur culturel du dialogue euroarabe dans un esprit constructif et d’accorder une plus grande priorité à la diffusion de la culture arabe en Europe ».137. Ces objectifs laissent pantois lorsque l’on connaît la teneur des valeurs humaines véhiculées dans le monde arabe, que ce soit envers les femmes ou les non-musulmans. 135 Jean-Pierre Péroncel-Hugoz, « Le radeau de Mahomet », Flammarion, 1984. Bat Yé’Or, « Le dialogue Euro-Arabe et la naissance d'Eurabia », Observatoire du monde juif Bulletin N° 4/5 décembre 2002. 137 Bat Yé’Or, « Le dialogue Euro-Arabe et la naissance d'Eurabia », Op.cit. 136 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 61 L’Europe tend donc à se transformer lentement mais inexorablement en une entité hybride, Eurabia. Cette transformation explique notamment que l’opinion générale européenne, et a fortiori française, est de plus en plus en phase avec le monde musulman comme le prouve la montée de l’antiaméricanisme et de la haine d’Israël, avec pour corollaire la montée de l’antisémitisme souvent déguisé en antisionisme. Si la date de 1970 est retenue par Bat Ye’Or comme commencement de cette dhimmitude européenne, d’autres historiens estiment que cette « politique arabe » remonte bien plus loin dans le temps. C’est en tous cas le résultat des recherches de l’historien anglais David PryceJones. Ce dernier, preuves historiques à l’appui, fait ainsi remonter ce désir de créer une alliance avec le monde arabo-musulman en France à ….la révolution française . Ce désir s’accompagnant symétriquement d’un antisémitisme structurel. L’exemple le plus repoussant est l’accueil en France en 1945 du grand mufti de Jérusalem, collaborateur des nazis, le tristement célèbre Hadj Amin al Husseini. Le Quai d’Orsay avait d’ailleurs légitimé cette venue en déclarant : « Le mufti a certainement trahi la cause alliée mais il a surtout trahi la GrandeBretagne sans nous affecter directement ».138 Cette politique arabe française a par ailleurs été confirmé par Alain Juppé, Ministre des Affaires étrangères de la France de 1993 à 1995, qui a déclaré en décembre 2005 : “C’est vrai qu’il y a au Quai d’Orsay une propension à mener une politique plus favorable au monde arabe. Mais, c’est essentiellement pour des raisons historiques. Dans l’administration publique, l’Histoire ça compte beaucoup. Au Quai d’Orsay, il y a des fonctionnaires qui sont là depuis quarante ans. Dans les années 60, 65 et 70, une politique arabe de la France a peutêtre à un certain moment pris un tour un peu négatif, c’estàdire contre Israël. J’ai fait l’expérience moimême lorsque je dirigeai les Affaires étrangères. Il y a des Services, des diplomates et des fonctionnaires qui penchent plutôt d’un côté que de l’autre. Mais je tiens à rappeler que la politique étrangère concoctée par le Quai d’Orsay n’est pas la politique officielle de la France. Il appartient à un ministre de se faire respecter et de fixer la ligne. La politique étrangère française ne doit pas être prisonnière d’une poignée de fonctionnaires”.139. Au travers ce rappel historique de la politique arabe de la France, l’on comprend mieux les propos du Président Jacques Chirac qui renia, lors des débats sur la constitution européenne, les racines chrétiennes de l’Europe tout en inventant des racines musulmanes . Cette politique se concrétise également à l’échelle européenne avec un soutien aux régimes dictatoriaux du Proche et Moyen-Orient. Le cas du conflit israélo-palestinien est assez symptomatique. Si les Etats-Unis sont considérés, à juste tire, comme les alliés indéfectibles d’Israël, il est évident que l’Europe peut-être considéré comme son pendant pro-palestinien. Cette orientation n’est pas en elle-même répréhensible, c’est un choix géopolitique. Mais si l’on se place sur le terrain du terrorisme islamiste, dont le terrorisme palestinien est une dérive, cette politique est désastreuse. En effet, il faut rappeler que pendant de longues années, et dans une moindre mesure maintenant, le financement européen concernant les salaires des enseignants palestiniens et des constructions d’école a servi indirectement, voire directement au financement de livres scolaires de la même nature que les ouvrages saoudiens 138 David Pryce-Jones, « La diplomatie française, les juifs et les arabes », Commentaires n°112 hiver 2005-2006. A lire également l’analyse de l’étude de cet historien par M. Guy Millière dans « A propos du Quai d’Orsay, on peut parler d’antisémitisme historique », Metula News Agency, 25 mai 2005. 139 « Réflexions d’Alain Juppé sur les relations entre Israël et la France », Canadian Jewish News, 12 janvier 2006. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 62 cités précédemment. Des livres où l’on demande aux jeunes palestiniens « Vous savez probablement quelle grande récompense Dieu a préparée pour les Musulmans qui combattent les infidèles », « Pourquoi devons nous combattre les Juifs et les chasser de notre terre ? ». Des livres où l’on glorifie le concept de martyrs, où les juifs sont présentés comme des ennemis de Dieu et où « les combattants Jihad martyrs, sont les plus honorées, après les prophètes »140. Bien que ces exemples ne puissent être considérés comme une généralité dans l’enseignement palestinien, il ne fait aucun doute que ce dernier est dangereux eu égard à la situation actuelle au Proche-Orient. Il a fallu l’intervention de plusieurs organisations internationales et de très longues tergiversations pour que l’Union européenne demande une réforme de ces livres d’enseignement. On peut alors se demander, face à cette politique quel est le message transmis aux islamistes et au djihadistes ? De la même façon, on peut légitimement s’interroger sur le message adressé par cette Europe quand, d’un concert unique de voix, elle estime « inacceptable et injustifié » l’assassinat du Cheikh Yassine, instigateur moral de l’attentat contre un bus en 2002 ayant coûté la vie à de nombreux adolescents israéliens. Mais que cette même Europe ne montre pas autant d’indignation lorsque des civils innocents sont tués en Israël. Lorsque les espagnols ont sanctionné le gouvernement d’Aznar après les attentats du 11 mars 2004, la question de savoir si l’Europe n’a pas alors été perçu comme le ventre mou de l’Occident qui s’incline face au terrorisme islamiste n’est pas dénué d’intérêt. De la même manière, lorsque l’on sait que l’Union européenne refuse toujours, sous la pression de la France, d’inscrire le Hezbollah, pourtant auteurs de nombreux enlèvements et assassinats d’occidentaux, y compris français, comme organisation terroriste, il est difficile de ne pas discerner les contradictions de cette politique étrangère. La France est particulièrement à l’honneur avec cette politique. La lutte contre l’islam militant et ses dérives judéophobes s’accordent ainsi mal avec certaines actions du Président Chirac qui a par exemple refusé, avec le président grec, d'inclure fin 2003 une condamnation des propos antisémites141 du premier ministre malais Mahathir dans les conclusions du Conseil de l'Union européenne, Les remerciements du même Mahathir envers le Président Chirac pour sa « compréhension » laissent pantois. Il est difficile également d’accepter que ce dernier ait été le seul chef d’Etat occidental à avoir assisté aux obsèques du président syrien Hafez al-Assad, soutenant ainsi un pays qui est une des sources principales de la haine anti-occidentale et anti-juive du Proche-Orient Que dire quand la France accueille avec autant de solennité et de ferveur Yasser Arafat, responsable de nombreux attentats, et qui s’est révélé être, a posteriori, un des freins les plus importants au règlement du conflit israélo-palestinien ?142 Ou bien lorsque le Ministre 140 Cités dans « Les manuels scolaires palestiniens, une génération sacrifiée », Yohanan Manor, Berg International Editeurs. 141 Les propos du Ministre étaient les suivants : "Les Européens ont tué six millions de juifs sur douze. Mais aujourd'hui les juifs dirigent le monde par procuration. Ils obtiennent que les autres se battent et meurent pour eux". "Un milliard trois cents millions de musulmans ne peuvent pas être défaits par quelques millions de juifs". 142 Rappelons qu’il ne s’agissait pas d’un premier coup d’essai puisque la France accueillit en 1992, avec la bénédiction de Georgina Dufoix, alors Directrice de la Croix-Rouge française, le terroriste George Habache, dirigeant du Front populaire de libération de la Palestine dans les années 60, dans un hôpital parisien et le relâchât au grand dam du juge Bruguière. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 63 Dominique De Villepin reçoit fastueusement en février 2004 Hassan Al-Tourabi, islamiste prêchant l’idéologie des Frères musulmans et proche de Ben Laden ? Promouvant un dialogue des cultures, préférant avoir une politique de capitulation pour éviter un « choc des civilisations », acceptant tous les compromis pour arriver à ces fins, l’on est en droit de s’interroger sur le réel impact de ces différentes actions au regard de la lutte contre l’islam militant. Le paradigme de cette orientation politique a eu lieu lors de la prise des otages français en Irak en 2004 où la France a reçu le soutien de toutes les dictatures du Moyen-Orient ainsi que des mouvements islamistes comme le Hezbollah, le Hamas ou les frères musulmans. L’affaire des caricatures danoises en janvier 2006 a également montré une Europe qui s’est excusée platement, qui a renié ses principes acquis durement pour calmer les esprits fanatiques adoptant une nouvelle fois une position munichoise. Deux sondages, réalisés par l’institut Zogby International, pour le compte de la chaire Anwar Sadate pour la paix et le développement de l'université du Maryland ainsi que pour l'Institut arabo-américain, nous ont appris qu’à la question : quelle est la personnalité (world leader) que vous admirez le plus en dehors de votre pays (les pays interrogés étaient la Jordanie, le Liban, le Maroc, les Emirats Arabes Unis, l’Arabie Saoudite), les sondés ont souvent placé le Président Chirac en tête aux côtés de Ben Laden, Nasser ou encore Saddam Hussein143. Ainsi, malgré l’engagement de la France en Afghanistan, malgré les déclarations officielles de lutte contre le terrorisme, malgré le démantèlement de réseau terroriste, on peut se demander comment les islamistes interprètent la politique « arabe » de la France et celle de l’Europe. Peut-être en considérant que l’Europe et plus particulièrement la France sont le ventre mou de l’Occident, qu’en jouant sur les valeurs démocratiques de nos sociétés, sur notre haine de nous même, sur notre sens aigue de la culpabilité, sur notre tolérance et notre relativisme, il ne sera peut-être pas nécessaire d’utiliser des bombes pour atteindre les objectifs prévus par les tenants de l’islam militant. Au regard de cette capitulation idéologique et politique, il n y a donc rien d’étonnant d’apprendre que des jeunes français se sont transformés en terroristes luttant contre « l’Occident, les juifs et les croisés ». Visiblement donc, les moyens utilisés par l’Europe pour lutter contre l’islam militant ne sont pas les bons ou en tous cas restent incomplets. L’islam militant ne doit pas être considéré comme un simple problème de police. Tant que l’Europe ne l’aura pas compris, la situation se dégradera inexorablement. A moins que cette position laxiste, cette compromission ne soit un calcul géopolitique, les prémices d’une dhimmitude pleinement acceptée. Dans ce cas, il n y a rien à espérer. B/ Le projet américain : la démocratisation du GrandMoyenOrient Le Proche et le Moyen-Orient ont depuis longtemps été un enjeu géopolitique très important, non seulement à cause des ressources énergétiques mais encore car ces régions sont caractérisées depuis fort longtemps par une instabilité politique chronique. C’est pourquoi les 143 « Deux passionnants sondages réalisés par l'institut américain Zogby, proche-orient.info, 29 juillet 2004. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 64 Etats-Unis les considèrent comme une centre névralgique et que l’Union européenne tente de rattraper son retard en s’y implantant petit à petit. Les Etats-Unis, qui suivaient jusqu’à présent une politique attentiste et réaliste à l’instar de l’Union Européenne, ont désormais une politique interventionniste de type wilsonienne mais cependant teintée d’un pragmatisme évident. L’idée principale est qu’en exportant la liberté à travers le modèle politique de la démocratie, l’islam militant s’effondrera comme l’idéologie communiste en son temps. Pour ce faire, les Etats-Unis n’ont pas hésité à utiliser la force militaire au grand malheur des pacifistes dont la dérive utopiste a flirté avec les extrêmes et l’antisémitisme déguisé en antisionisme144 . Cette politique repose sur la certitude que le mythe selon lequel les musulmans ne seraient pas adaptés à la démocratie n’a pas lieu d’être. L’objectif serait donc de régler le conflit israélopalestinien, créer un Irak stable et moderniser le secteur économique des pays de cette région. William Burns, secrétaire d’Etat adjoint aux affaires du Proche-Orient énonçait en 2003 trois éléments essentiels de cette politique145 : ! ! ! parvenir à ce que les Etats arabes permettent aux institutions de la société civile, c’està-dire média indépendant, associations civiques et associations féminines, entre autres, de jouer leur rôle, parvenir à ce que les Etats arabes réduisent notamment la corruption et le népotisme dans leur administration en mettant en place un Etat de droit et une justice indépendante, parvenir à ce que les Etats arabes aient des élections plus honnêtes et représentatives. A ceux qui pensent que cette région ne pourrait envisager la démocratie, Lorne Craner répond : « Il n y a pas lieu de faire une exception pour le MoyenOrient. Nombre de personnes doutaient autrefois que la démocratie puisse s’implanter en Amérique latine ou en Asie de l’Est, et maintenant ces deux parties du monde comptent un grand nombre de régimes démocratiques. Les sceptiques ont tort en qui concerne le monde musulman, comme ils ont eu tort auparavant ». La politique étrangère des Etats-Unis a subi une grande mutation depuis l’arrivée au pouvoir de George Walker Bush146 et, contrairement aux fantasmes de certains y voyant la volonté de créer un empire, le but de cette politique est la lutte contre la tyrannie et la promotion de la démocratie et de la liberté. Comme le souligne le Professeur Yves Roucaute147, « l’horreur existe, nous la rencontrons ; tel est le fait. Derrière l’horreur, le c!ur ressent la réalité du Mal ; voilà le sentiment qui dit le vrai. Contre le mal, le temps est venu de la moralité armée ; 144 Pour une étude complète de cette dérive, se reporter au remarquable ouvrage de Pierre-André Taguieff, « Prêcheur de haine », op.cit. Ouvrons une parenthèse : le fait d’avoir invoqué l’illégalité de l’intervention en Irak, d’avoir dénoncé les effets de la guerre et, en une sorte de constriction chrétienne, tendu la joue gauche en espérant que les djihadistes seraient touchés par la grâce et la beauté de nos gestes, est tout à fait symptomatique d’un ethnocentrisme alarmant. Ce que ces pacifistes n’ont visiblement pas compris, c’est que leurs actions sont perçues comme une preuve de faiblesse. Les islamistes se gaussent de nos volontés de dialogue des civilisations et l’assimilent plutôt aux prémices d’une dhimmitude. 145 William Burns et Lorne Craner, Bulletin de Washington 19 mai 2003. 146 Pour une vision exhaustive de cette politique, se reporter à l’ouvrage de Guy Millière, « Ce que veut Bush, La recomposition du monde », Editions de La Martinière, 2003. 147 Yves Roucaute, « La puissance de la liberté », Puf, 2005. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 65 telle est la destinée manifeste des EtatsUnis. Le sens du nouvel ordre international. De l’esprit du monde. De la puissance de la liberté. ». Le Président Bush et les néoconservateurs ont trouvé un certain équilibre entre réalisme et politique Wilsonienne en introduisant une plus grande éthique dans les processus politiques. Pour reprendre l’expression de Nathan Sharansky148, ils ont réintroduit le concept de « clarté morale ». Cette « clarté morale » qui permet de comprendre : - Pourquoi les actes humiliants de certains GI américains envers des prisonniers irakiens à Abou Ghraib ne sont pas équivalents aux séances d’égorgements pratiquées contre des innocents par les fous d’Allah ; - Pourquoi l’assassinat ciblé par Israël d’un terroriste tueur d’enfants n’est pas équivalent à l’acte volontaire d’un monstre se faisant sauter au milieu d’une foule afin de faire les plus de victimes civiles possibles ; - Que les droits de l’Homme en Occident ne sont pas équivalents aux droits de l’Homme dans le monde musulman, que l’Occident, de ce point de vue là, n’a aucune leçon à recevoir et n’a rien à apprendre non plus des égorgeurs d’infidèles ; - Pourquoi les relatives restrictions aux libertés individuelles dues aux politiques antiterroristes ne sont pas équivalentes à l’oppression des peuples dans la majorité du monde musulman ; - Que jamais rien ne justifiera le massacre d’innocents par des fanatiques religieux, qu’il n y aura jamais d’équivalence morale entre l’interrogatoire musclé d’un terroriste et la décapitation de Daniel Pearl, l’égorgement de Nick Berg ou d’Eugene Armstrong, l’assassinat bestial de Théo Van Gogh ou les tortures infligées au jeune Ilan Halimi ; - Que du côté occidental les brebis galeuses sont condamnés alors que du côté de la barbarie islamiste, où l’on n’hésite pas à tuer des femmes et des enfants au nom d’Allah, où la dignité humaine n’a aucun sens, les barbares sont, au mieux considérés comme des combattants d’Allah gagnant le paradis pour avoir massacré des infidèles, au pire comme des résistants à l’oppression occidentale ; - Qu’il y a quelque chose de malsain d’encenser un multilatéralisme basé sur des organisations internationales regroupant des pays dictatoriaux, des pays qui soutiennent le terrorisme international, qui bafouent les droits de l’homme et qui oeuvrent à la destruction de l’Occident. Cette « clarté morale » que ne connaissent plus ces européens et surtout ces français empreints d’un relativisme destructeur et qui estiment, dans leur grande majorité, que la situation actuelle se justifie par nos actions passées, par une culpabilité inhérente à l’Occident. Ces européens désormais en situation de dhimmitude avancée, qui sont nourris aux mamelles nourricières antiaméricaine et anti-israélienne d’Eurabia149. 148 Nathan Sharansky est l’un des plus célèbres dissidents russes. Il est l’auteur de l’ouvrage « Défense de la démocratie » dans lequel il décrit les mécanismes du totalitarisme, qu’il connaît bien, et la façon de le combattre, notamment par la promotion de la démocratie et un retour à cette clarté morale qui a fait tellement défaut à l’Occident jusqu’à présent. 149 Que l’on se rappelle des écrits du philosophe français Jean Baudrillard, suite aux attentats du 11 septembre : « Que nous ayons rêvé de cet événement, que tout le monde sans exception en ait rêvé, parce que nul ne peut ne pas rêver de la destruction de n'importe quelle puissance devenue à ce point hégémonique, cela est inacceptable pour la conscience morale occidentale, mais c'est pourtant un fait, et qui se mesure justement à la violence pathétique de tous les discours qui veulent l'effacer. A la limite, c'est eux qui l'ont fait, mais c'est nous qui l'avons voulu ». Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 66 Ce défaut de « clarté morale » qui empêche la vielle Europe d’avoir une vision globale de l’islam militant et qui l’entraîne dans une déchéance politique, économique et culturelle inquiétante. La réintroduction de cette éthique a eu pour conséquence la redéfinition du rôle des EtatsUnis sur la scène internationale. Ce que certains prennent pour de l’unilatéralisme n’est rien d’autre que la mise en pratique d’un fait incontestable : l’hégémonie des Etats-Unis. En effet, qui serait à même d’engager une telle lutte contre le nouveau totalitarisme qui s’installe devant nos portes ? L’Europe, malgré ses belles paroles n’a ni les moyens financiers, ni les moyens militaires, ni les moyens diplomatiques pour imposer quoi que ce soit comme en témoigne la tournure ridicule qu’ont prise les négociations entre l’Iran et l’Europe sur la question du nucléaire. Cet interventionnisme est évidemment synonyme de changements et de tensions, phénomènes hais par tous les tenants des politiques réalistes qui désirent la stabilité aux prix de sacrifices éthiques importants. C’est un fait, de grands bouleversements sont à l’!uvre et leur issue reste encore incertaine. Les Etats-Unis ont vu leur popularité chuter et l’on considère généralement que le Président Bush et la politique étrangère des Etats-Unis sont la cause du désordre international actuel. Si l’on peut, certes, critiquer le Président Bush pour certaines de ces actions, on aurait tort de condamner de facto cette politique interventionniste sans s’interroger au préalable sur les résultats des politiques antérieures. Il est de bon ton, dans les médias bienpensants européen, d’accuser le Président Bush, en insistant sur le fait que la politique américaine est un échec alors que la notre, celle du dialogue voire de la soumission, est la bonne. Mais, dans ce cas, une question logique vient à l’esprit : si cette politique est la bonne, si elle permet de nous préserver contre l’islam militant, pourquoi donc l’Espagne a-t-elle été la cible d’un attentat (rappelons que l’attentat du 11 mars avait été organisé avant le déclenchement de la guerre en Irak) ? Pourquoi la France, qui avec son arrogance habituelle clame que sa politique est bien mieux adaptée, est-elle la cible de terroristes. Les différents attentats déjoués dans notre pays, la montée d’un communautarisme musulman qui parfois frôle la radicalisation et la montée d’un antisémitisme virulent sont au contraire la preuve que les discours poétiques de notre pays ne sont en rien une bonne politique pour contrer l’islam militant. En réalité, c’est la mise en place et la promotion d’une politique réaliste a été la plus grande erreur de l’Occident. Les sociétés libres ont préféré transiger avec les régimes les plus autoritaires afin de stabiliser les relations politico-économiques sans se soucier une seule seconde des souffrances que pouvaient endurer les peuples. Ces politiques qui tendaient à trouver le dictateur « modéré » ont contribué à la création d’une illusion de stabilité. Cette dernière, encouragée encore de nos jours par de nombreux analystes, a berné l’Occident qui s’est réveillé brutalement un 11 septembre. On pourrait citer par exemple Zbigniew Brzezinski, conseiller national de sécurité du Président Carter et fervent défenseur de la politique réaliste des Etats-Unis. A la question d’un journaliste « Le fondamentalisme islamique représente aujourd’hui une menace mondiale… », il répondit « Sottises ». Oui, l’Occident a été berné, oui ces adeptes de la realpolitik n’ont pas eu la clairvoyance nécessaire pour comprendre que leur politique était voué à l’échec. Cette illusion de stabilité, cette lâcheté concrétisée par le droit de non-ingérence a conduit l’Occident, pourtant porteur de l’idée des droits de l’Homme, a fermé les yeux sur les massacres en Tchétchénie, au Soudan, au Rwanda, notamment. Cet Occident qui a accepté de traiter avec des pays qui pratiquent encore l’esclavage, la lapidation, qui torturent leurs Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 67 dissidents, a contribué à l’oppression des peuples gardés dans l’ignorance et la peur, au grand bonheur des islamistes. L’Occident, par cette politique a permis, certes, d’avoir des relations modérées avec des régimes oppresseurs mais nos sociétés libres n’ont pas compris que ces régimes éduquaient leur peuple à la haine, cette même haine qui se répand aujourd’hui à grande vitesse. De manière imagée, l’on peut dire, que nous avons posé un couvercle sur une marmite d’huile bouillante en essayant de baisser le feu de temps à autre. Maintenant que le couvercle nous a sauté à la figure et que l’huile bouillante se déverse sur nos contrées, il serait peut-être temps de se rendre compte que cette politique a été un véritable échec. Posons-nous la question : cette realpolitik, si chère à l’Europe, a t elle empêché la montée de l’islamisme et du djihadisme? A-t-elle rendue les peuples du Moyen-Orient plus libre ? La France et l’Europe si prompts à parler des droits de l’Homme se sont-ils intéressés au sort des kurdes gazés par Saddam Hussein, aux femmes afghanes sous contrôle des « barbus » et continuellement opprimées ? Non, évidemment. La politique en vigueur était de fermer les yeux afin d’éviter l’affrontement ou toute friction avec les régimes en place. Le dialogue et le pacifisme ont-ils évité à l’Europe les attaques des islamistes ? Faut-il seulement poser la question ? Comme le rappelle François Heisbourg : « Enfin, la focalisation sur les Etats Unis à ce stade n’est pas d’avantage une façon de dédouaner par prétérition la politique européenne au MoyenOrient : celleci n’a pas été plus glorieuse que celle de Washington au fil des décennies, et son évolution récente est à certains égards aussi inquiétante que la politique américaine dans la période la plus récente »150. A titre de parenthèse, il est étonnant de constater comment le droit international est devenu rapidement si populaire lors de la seconde guerre en Irak, alors qu’il n’en était pas question quand les Etats-Unis ont usé, sans validation de l’ONU, de la force militaire au Kosovo. Tout aussi étonnant est l’adulation de l’ONU, institution qui a mis en 2003 la Libye à la tête de la Commission des droits de l’Homme, institution à l’origine de la scandaleuse conférence de Durban en 2001151. Institution qui a montré son incapacité chronique à résoudre les conflits, qui avait connaissance du futur génocide des Tutsis au Rwanda mais qui a laissé la situation se dégrader lentement. Institution qui, par l’intermédiaire de l’UNRWA, emploie des membres du Hamas, qui a permis à Saddam Hussein d’affamer son peuple tout en permettant à d’autres pays, dont la France, de s’enrichir en contournant honteusement le programme « pétrole contre nourriture »152. Institution qui a vu ses militaires violer des femmes en Afrique sous couvert de mission de sécurité153. Certains auteurs154 s’interrogent d’ailleurs sur l’avenir même des casques bleus : « Casques bleus tirant sur des civils en Somalie. Forces 150 François Heisbourg, « La fin de l’Occident », Odile Jacob, 2005. Conférence qui avait pour objet initial le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et les autres formes d’intolérance dans le monde et qui s’est transformée en tribune des pays arabo-musulmans vomissant leur haine des juifs et d’Israël. Pour plus de détails sur les dysfonctionnements honteux de l’ONU, se reporter à l’ouvrage de Jean-Claude Buhrer et Claude B. Levenson, « L’ONU contre les Droits de l’homme », édition Mille et une nuits, 2003. Cette situation catastrophique de la commission des droits de l’Homme s’est confirmée en 2006 par sa suppression et son remplacement par un conseil des droits de l’Homme qui devrait cependant connaître le même destin. 152 Le scandale du détournement de ce programme et l’implication de la famille Annan ne semble pas déranger nos bien-pensants, préférant sans doute s’en tenir à la version première selon laquelle ce sont les Etats-Unis qui ont affamé le peuple irakien. 153 De façon étonnante, ces « affaires » n’ont pas eu beaucoup d’échos médiatiques, à l’inverse des actions, humiliantes et condamnables, de certains militaires américains dans la prison d’Abou Ghraïb qui sont pourtant moins graves (encore que le relativisme permettrait de contredire cette dernière affirmation). 154 Phillipe Chapleau, « Privatiser la paix ? », Politique Internationale n° 103. 151 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 68 américaines suréquipées et unités spéciales impuissantes à imposer la paix à des milices locales à Mogadiscio. Frustrations et humiliations des soldats des l’ONU en exYougoslavie, envoyés dans les Balkans en combattants de la paix et finissant, telle la chèvre attachée au piquet, par compter les coups pour, finalement en recevoir. Inadaptation du mandat de l’ONU au Rwanda, où les représentants des Nations unies assistent passivement aux violences préfigurant le génocide sans pouvoir intervenir. […] Nombreux sont les Etats qui se contentent de verser aux membres de leur contingent leur maigre rétribution habituelle, au risque de devoir fermer les yeux sur les trafics (marché noir, proxénétisme) auxquels ces casques bleus de fortune se livrent pour survivre ou s’enrichir ». Les pacifistes ou les intellectuels bien-pensants ont-ils eu accès à ces informations quand ils ont brandi l’arme onusienne lors de l’intervention en Irak ? L’ONU, qui comprend nombre de pays qui soutiennent le terrorisme plus ou moins directement, est-elle bien cette institution stable et indispensable à la gestion des relations internationales comme le soulignent les adeptes du multilatéralisme, de ce fameux monde multipolaire, alternative au pseudo impérialisme américain ? Quand ces bonnes âmes comprendront-elles que le monde multipolaire est non seulement utopique à l’heure actuelle mais dangereux pour la sécurité du monde ? Quand comprendront-elles que ce monde multipolaire ne pourra fonctionner qu’à la condition que la liberté, qu’elle soit politique, économique ou intellectuelle, devienne une règle parmi tous les acteurs de ce monde ? Que dans l’attente, il convient peut-être de faire confiance en une certaine unilatéralité lorsqu’elle tend justement à développer cette liberté dans le monde. Cette compréhension est urgente. La critique de cette politique réaliste ou onusienne concerne également la politique américaine antérieure. Du Président Clinton qui a fermé les yeux sur de nombreux massacres au nom du multilatéralisme et de son obsession onusienne à Bush père qui a utilisé les kurdes d’Irak pour affaiblir le tyran mais qui les a laissés se faire massacrer au nom du réalisme politique, par peur de déstabiliser la région. La lutte contre l’islam militant passera par cette politique interventionniste. Cela engendrera des bouleversements dans la région du Proche et du Moyen-Orient. Certes. Mais faudra t-il refuser ce changement au nom d’un statu quo qui a prouvé son inefficacité depuis le 11 septembre ? Cette région n’a pas besoin de stabilité mais de changement. Au c!ur de l’actualité internationale, l’intervention en Irak a été la démonstration de cette nouvelle politique. a) L’Irak un futur modèle pour la région ? Comme nous l’avons expliqué au premier chapitre, l’Irak ne représentait pas le foyer le plus important de l’islam militant ou du terrorisme islamiste. Pourquoi alors intervenir en Irak ? Nous éliminerons d’emblée certaines raisons telle que la seule philanthropie des Etats-Unis à l’égard du peuple irakien. Nous éliminerons également les raisons avancées par nos antiaméricains habituels, telles qu’une nouvelle croisade chrétienne contre l’Islam, une guerre pour des raisons purement mercantilistes et pétrolières (bien que le pétrole soit un enjeu, mais plus géostratégique) ou encore un guerre pour dominer le monde. Ces raisons relèvent plus de discussions de comptoir que d’analyses sérieuses. On éliminera également une des raisons officielles (bien que nos médias n’aient insisté que sur celle-ci) qui est l’existence d’Armes de Destruction Massives (ADM) en Irak. Comme Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 69 précédemment indiqué, la question de savoir si ces ADM n’ont pas été transportées en Syrie n’est toujours pas tranchée. Rappelons en effet que dans un entretien accordé au Sunday Telegraph, David Kay, expert chargé par la CIA de trouver ces armes, qui a prononcé son fameux « Nous avions tort sur la question des ADM irakiennes » devant le sénat américain, avait pourtant déclaré : « Une partie du programme secret d’armes de destruction massive de Saddam Hussein a été cachée en Syrie […] J’ai trouvé des preuves démontrant que du matériel a été transféré en Syrie peu de temps avant le début de la guerre en Irak, en mars 2003 »155. Etonnant lorsque l’on sait qu’en France, Kay est connu seulement comme l’homme qui a prouvé que les ADM de Saddam n’existaient pas…Mais saura t-on un jour la vérité sur ces fameuses armes ? Quoi qu’il en soit, l’argument des ADM a toutefois permis à l’administration Bush d’avoir l’accord du congrès. Il n’est pas certain qu’un autre motif, notamment l’apport de la démocratie en Irak, ait été suffisant s’il avait été employé seul. Loin de la propagande médiatique sur la guerre en Irak, il convient de rappeler que l’administration Bush avait donné dès le départ les raisons principales à cette intervention contrairement à ce que tentent de faire de croire les opposants à la guerre. En effet, Richard Perle, un des « faucons » de la maison blanche dans une interview donnée durant l’été 2002 à la revue Politique Internationale, avait clairement expliqué que l’Irak était un facteur de déstabilisation de la région et que le renversement du régime permettrait de construire un nouveau Moyen-Orient plus démocratique et plus stable et surtout plus sûr pour les EtatsUnis156. Raisons qui ont également été reprises dans l’ouvrage « Notre route commence à Bagdad » de William Kristol et Lawrence F. Kaplan. Richard Clarke lui-même, auteur d’un ouvrage sur les ratés de la lutte anti-terroriste des EtatsUnis et qui peut donc difficilement être accusé d’être un partisan du Président Bush, a donné les raisons les plus probables de cette intervention157 : ! ! ! ! ! en finir avec le désordre laissé par la première administration Bush quand, en 1991, elle avait permis à Saddam Hussein de consolider son pouvoir et de massacrer ceux qui s’opposaient à lui au lendemain de la première guerre Etats-Unis-Irak, renforcer la position stratégique d’Israël en éliminant une puissance militaire hostile, créer une démocratie qui puisse servir de modèle aux autres pays arabes et alliés menacés de l’intérieur, notamment l’Egypte et l’Arabie Saoudite, permettre le retrait des forces américaines stationnées (depuis 12 ans) en Arabie Saoudite pour contrer la puissance militaire de l’Irak, et dont la présence créait une tension dangereuse pour le régime en place, ouvrir dans le pays ami restauré une source d’approvisionnement en pétrole et réduire du même coup la dépendance des Etats-Unis à l’égard de l’Arabie Saoudite, qui risquait elle-même de connaître un jour un renversement de régime. Voici donc exposé l’horrible programme des néoconservateurs américains : mettre un frein à la tension croissante de la région due en partie à l’Irak saddamite en instaurant une démocratie susceptible de devenir un modèle pour le monde arabo-musulman et ainsi contrer les dictatures du Moyen-Orient qui oppressent leurs peuples. Prendre les devants en matière de ressources pétrolières afin d’éviter la dépendance vis-à-vis de l’Arabie Saoudite et limiter les attaques sur Israël, seule démocratie de la région. On peut évidemment mettre en doute les 155 Cité dans « La paix impossible ? », op.cit. Richard Perle, Politique Internationale n° 95. 157 Richard Clarke, op.cit. 156 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 70 réalisations pratiques de ce projet mais les motifs de l’administration Bush sont à des années lumières des projets que les européens lui ont prêtés (guerre de religion, guerre purement mercantiliste pour le pétrole, projet de domination mondiale etc…). Ainsi, les raisons de l’intervention en Irak sont loin des fantasmes français et européens qui ne retiendront que le « mensonge » des ADM. Mais comme le souligne Antoine Vitkine 158 « […]Si dans vingt ans des irakiens pensent qu’ils doivent d’avoir été libérés de Saddam Hussein à ces mensonges, peutêtre la seconde option s’imposera telle dans les mémoires […] » Trois ans après le début de la seconde guerre en Irak, peut-on tirer d’ores et déjà un premier bilan ? Rappelons que les européens, français en tête, avaient prédit au début de l’intervention américaine, le soulèvement du monde arabo-musulman, l’embrasement de l’islam, des millions de morts et de réfugiés et un nouveau Vietnam pour les Etats-Unis. Ils avaient assuré que les élections en Irak n’auraient jamais lieu, la démocratie ne s’exporte pas par la force, clamait-on. A l’heure actuelle, rien de tout cela ne s’est produit. En revanche, on a vu des femmes irakiennes levées les doigts en « V » après avoir voté bravant les menaces des terroristes, honteusement qualifiés de « résistants » par les européens. Une fois encore leur clairvoyance a été magistrale… Eloignons nous de ces prophéties et revenons à la réalité : l’Institut International d’Etudes Stratégiques (IISS) a affirmé dans son rapport 2005159, publié le 24 mai 2005, que « même si la politique du président américain George W. Bush a été téméraire, controversée et parfois porteuse de divisions, son programme mondial agressif de promotion de la liberté et de la démocratie est apparue d’une efficacité croissante ». L’IISS a également souligné les signes positifs dans l’ensemble de la région et vu une menace terroriste plus dispersée. L’institut a en effet indiqué que la politique des Etats-Unis en Irak avait provoqué, par ricochet, une évolution positive notamment sur la situation au Liban. Il est évident que l’effet boule de neige qu’entraînerait la démocratisation de l’Irak serait un signe prometteur pour les différentes populations opprimées soit par des régimes autoritaires, soit par l’islamisme notamment en Iran où un courant anti-islamiste est bien présent. Cet « effet ricochet » peut d’ores et déjà s’évaluer : La Freedom House, organisation indépendante créée en 1947, a publié début 2006 son rapport sur l’état de la liberté et de la démocratie dans le monde160. Si l’on se penche sur la situation du monde musulman, on peut affirmer que la liberté a progressé : Si durant la période 1995-1996, le monde musulman comprenait 32 Etats non-libres (70% de l’ensemble), 13 partiellement libres (28% de l’ensemble) et 1 libre (2% de l’ensemble), il en compte aujourd’hui réciproquement 23 (50%), 20 (43%) et 3 (7%). Bien évidemment cet « effet ricochet » a été nié par la majorité des analystes français qui considèrent que les évolutions actuelles de la région n’ont à voir avec la politique américaine. La peur du ridicule ne tue heureusement pas. Référons nous plutôt à l’avis de Walid Jumblatt, un des chefs de l’opposition libanaise, qui, il y a quelques années, déclarait « Nous sommes heureux quand un soldat américain meurt » ou « quand un Juif, soldat ou civil, tombe, c’est 158 Antoine Vitkine, op.cit. Cité dans « Irak : pour l’IISS, ça s’améliore », le nouvel observateur, 24 mai 2005. 160 Ce rapport peut être téléchargé à cette adresse : http://www.freedomhouse.org/uploads/pdf/Charts2006.pdf 159 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 71 un succès ». Malgré sa haine des américains, il n’a pu que confirmer l’évolution qui est en route dans cette région. Emu par les irakiens qui sont allés voter en janvier 2005, il a déclaré que ce changement avait bien été initié par la guerre en Irak et que cet évènement représentait le début d’un nouveau monde arabe. Il est assez incroyable de constater que le rapport établi par l’IISS est en totale contradiction avec la situation de chaos décrite par les médias et analystes français. Rien d’étonnant à cela, les médias français ayant conduit depuis le début de l’intervention une campagne de désinformation sur la situation de cette région. Rappelons à ce titre qu’Alain Hertoghe, un des rares journalistes qui a osé dévoiler cette manipulation de l’information dans son ouvrage « La guerre à outrances : Comment la presse nous a désinformés sur l'Irak », a été remercié par le quotidien qui l’employait suite à la publication de cet ouvrage. C’est pourquoi la publication de ce rapport annuel a été bien peu médiatisée contrairement au précédent qui avait précisé que la guerre en Irak avait permis un second souffle pour Al-Qaïda et qui avait été repris par tous les médias français pour justifier la position des officiels français. Il y a donc de fortes chances que les français continuent de croire au chaos présenté par nos médias et s’éloignent de plus en plus de la réalité. Rappelons maintenant quelques faits concernant la situation en Irak : La croissance économique a repris son envol après l’intervention des Etats-Unis et alliés. En 2005, le PIB du pays est de l’ordre de 29,3 milliards de dollars alors qu’il n’était que de 18,4 en 2002. La liberté d’expression s’est aussi fortement accrue : depuis l’intervention de la coalition, près de 30 stations de télévision ont été créées, 80 stations de radio, 170 titres de presse, 147.000 irakiens sont abonnés à Internet contre 4.500 sous Saddam Hussein, 4,5 millions d’abonnés au téléphone contre 83.000 sous Saddam Hussein161. Les élections de janvier et décembre 2005 ont permis au pays de se doter d’institutions politiques démocratiques. Les irakiens ont bravé les terroristes pour se doter d’une constitution. En peu de temps, les irakiens sont passés d’une dictature à un régime démocratique. Etonnant pour un pays où règne le chaos, n’est-ce pas ? Ceux qui seraient encore sous le charme de la désinformation des medias européens et en particulier français peuvent méditer les déclarations de Hoshyar Zebari, Ministre irakien des Affaires étrangères, sans doute le mieux placé pour savoir comment l’Irak se porte : « Nous souffrons beaucoup de cette partialité des médias européens et arabes. Ils créent une image erronée et négative de l’Irak. A les croire, le pays brûle et rien ne fonctionne. C’est tout simplement le reflet de certaines opinions politiques inspirées par ceux qui n’aiment pas les Américains. Les antiaméricains se polarisent sur les erreurs et les infortunes de Washington en Irak tout en fermant délibérément les yeux sur les progrès ressentis par la population. La réalité est pourtant bien plus nuancée que ne l’affirment les médias occidentaux. 14 des 18 provinces que compte l’Irak sont aujourd’hui considérées comme sûres. Au nord et au sud, la vie est plus ou moins normale. Tikrit, la ville natale de Saddam, 161 Cité par le Lt col EMG Ludovic Monnerat, « Les luttes qui se superposent dans le conflit irakien lui confèrent une importance décisive », www.checkpoint.com, 23 octobre 2005. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 72 est même l’une des villes les plus sûres d’Irak ! J’admets qu’il y a des problèmes à Ramadi, à Mossoul, à Bakouba et autour de Bagdad. Mais dans le reste du pays, la situation est à peu près calme. »162. Si de nombreux progrès ont effectivement eu lieu, il convient toutefois de ne pas tomber dans l’angélisme, la situation étant loin d’être idyllique. Les attentats commis par des barbares qui n’hésitent pas à tuer des civils irakiens, femmes et enfants compris, pour les empêcher d’aller voter démocratiquement sous prétexte de lutter contre les américains, sont devenus presque quotidiens bien que limités géographiquement (la partie Kurde de l’Irak n’a pas, pour le moment, été touché par le terrorisme). Une réislamisation de la société irakienne s’est également faite sentir avec des dérapages notoires comme en témoignait la situation de Falloujah, bastion sunnite, où les islamistes construisaient des prisons et des chambres de tortures, interdisaient la musique, l’alcool et massacraient tous contrevenants à ces règles. Le rapport de l’IISS conclut également que cette politique a été peu efficace dans la lutte contre le terrorisme islamiste pour laquelle « une relation améliorée entre le monde islamique et l’Occident est nécessaire », le réseau d’Al-Qaïda étant plus dispersé qu’auparavant et que « la guerre en Irak a toutefois été un moyen risqué de promouvoir les changements voulues par Washington, et il reste à voir si un gain net sera engrangé ». Les Etats-Unis ayant choisi une voie indirecte pour lutter contre le terrorisme, il est évident que les résultats seront très longs à être visibles. En outre, croire que la création d’un régime politique démocratique serait de facto synonyme d’éradication de l’islam militant a été l’une des plus grosses erreurs de l’administration Bush. En effet, comme l’a indiqué le politologue Daniel Brumberg 163 l’apport de la démocratie « a fait surgir des « autocraties pluralistes » qui ont permis aux groupes islamistes d’entrer dans l’espace public et de constituer une nouvelle menace pour lesdits régimes ». Cette constatation a été théorisée récemment par Fareed Zakaria, journaliste au sein de Newsweek, dans un brillant essai, totalement à contre sens de la pensée politique actuelle164. Selon l’auteur, l’avènement de la démocratie comme système politique n’implique pas forcément une liberté accrue, au contraire. Indo-musulman d’origine, il donne notamment l’exemple de l’Inde qui, malgré l’évidente bonne santé démocratique, est devenue « moins tolérante, moins laïque, moins respectueuses des lois et moins libérale ». Il cite, par exemple, le massacre de musulmans innocents à Gujerat en 2002 où les autorités locales, sous l’influence du parti nationaliste hindou, le BJP, élu pourtant démocratiquement mais farouchement opposé aux minorités chrétiennes et musulmanes en Inde. Rajoutons également le cas de Sonia Ghandi, l’héritière de la dynastie Nehru-Gandhi, qui a dû refuser le poste de premier ministre en 2004 sous la pression de ce même parti arguant de son origine non indienne mais étrangère (italienne). Fareed Zakaria cite également l’exemple de l’Indonésie où le dictateur Suharto a laissé la place à un régime démocratique qui pourtant a conduit à une montée fulgurante de l’islamisme. 162 Hoshyar Zebabi, « Irak : la guerre civile n’aura pas lieu », Politique Internationale n° 110, Hiver 2005-2006. Cité par André-Pierre Taguieff, op.cit. 164 Fareed Zakaria, « L’avenir de la liberté, la démocratie illibérale aux Etats-Unis et dans le monde », édition Odile Jacob, 2003. 163 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 73 On pourrait aussi rajouter le cas du PJD (Parti de la Justice et du Développement) au Maroc qui ne cesse de prendre de l’ampleur depuis les élections de 2002. Les élections législatives de 2007 devraient d’ailleurs pérenniser cette montée de l’islamisme au Maroc, montée tout à fait démocratique. La percée des Frères Musulmans en Egypte durant les dernières élections législatives de décembre 2005 mais surtout l’arrivée au pouvoir palestinien des terroristes du Hamas en janvier 2006 illustrent parfaitement la pertinence de l’analyse de Fareed Zakaria. Cela étant, l’Irak ne semble pas, pour le moment, prendre ce chemin bien que la constitution irakienne mentionne l’islam comme source de droit. L’influence de l’Ayatollah Al-Sistani, qui a une vision plus modérée de l’islam et qui prône une séparation entre religion et politique, y est sans doute pour beaucoup. L’avenir nous dira peut-être si l’islam radical séduira les irakiens. En tout état de cause, cela démontre que l’instauration de régimes politiques démocratiques ne doit pas rester une fin en soi si l’on souhaite lutter contre l’islam militant. Cette liberté politique doit impérativement s’accompagner de la libéralisation plus globale de la société, libéralisation économique bien sûr mais surtout une libéralisation des idées, comme nous le verrons par la suite. Ainsi, si l’utilisation de la force militaire contre l’Irak était plus efficace que le statu quo, comme le prouve actuellement l’évolution de la région, il n’en reste pas moins que la politique américaine a été bien déficiente sur de nombreux points, L’administration Bush a commis de nombreuses erreurs pratiques notamment dans la gestion de l’après-guerre. Elle a sans doute sous-estimée les difficultés liées au changement d’un régime dictatorial. Mais ces erreurs, que l’on ne peut nier, ne remettent pas en cause le bien fondé de la politique néoconservatrice de démocratisation de ces régions où la haine couve depuis de nombreuses années. En Irak, maintenant qu’un gouvernement démocratique est installé, l’objectif principal sera de lutter contre les actions terroristes des islamistes. Et c’est par une action basée sur une lutte idéologique que devra se poursuivre la démocratisation de l’Irak. Les Etats-Unis devront par ailleurs revoir leur communication afin de ne pas rester isolés face au monde musulman. Un effort à d’ores et déjà commencé après la réélection du Président Bush en 2004. Alors que les médias français prédisaient la fin du monde et le déclenchement de nombreuses guerres dans l’hypothèse d’une réélection, force est de constater que c’est la diplomatie qui a été mise en avant. Certains éditorialistes français sont plus honnêtes à l’image de Pierre Rousselin qui écrit : « Il est temps de prendre la mesure de la noble ambition que Georges W. Bush s’est donnée pour son second mandat. Cessons de ne voir en lui que l’homme qui a déclenché la guerre en Irak. La lutte contre la tyrannie n’est pas seulement un slogan tiré du catéchisme néoconservateur, c’est une ligne d’action bien réelle. »165. Et si le deuxième mandat du Président Bush est beaucoup plus axé sur la diplomatie que le premier, cela ne signifie pas pour autant, comme l’ont analysé certains, la fin du néo-conservatisme. Bien au contraire. Il faut comprendre que l’Irak n’est qu’une pièce dans l’échiquier de la politique étrangère américaine. L’Iran ou la Syrie seront sans doute les prochaines cibles. Les moyens ne seront 165 Pierre Rousselin, « Un nouveau Bush », Le Figaro, 12 mai 2005. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 74 pas forcément militaires mais s’ils sont nécessaires, les Etats-Unis n’hésiteront pas à les utiliser. b) Le conflit israélo-palestinien, un espoir ? Comme il a déjà été expliqué, le conflit israélo-palestinien n’est pas la source du djihadisme dans le monde. Pour autant, il est évident qu’on pourrait considérer ce conflit comme le sel qui empêcherait une blessure de se refermer. Nul doute que ce dernier attise la haine et la frustration dans le monde arabo-musulman. La mort d’Arafat, ami de la France, a donné une lueur d’espoir au travers d’un courant tant palestinien qu’israélien destiné à se sortir de l’impasse qu’il avait créée et soutenue avec les terroristes palestiniens pendant 4 ans. Notons au passage que cette amitié entre Arafat et la France est tout à fait représentative de la ligne de conduite de l’Occident. L’Europe a donné tout son soutien à Arafat, en privilégiant un statu quo affligeant, maintenant les palestiniens dans la misère et l’endoctrinement islamiste alors que les Etats-Unis ont donné tout leur appui à Ariel Sharon afin qu’il bouleverse l’échiquier politique. Ce dernier, en militaire averti, avait compris que les processus de paix multilatéraux étaient voués à l’échec, d’abord car les extrémistes palestiniens ne veulent pas la paix mais la disparition pure et simple d’Israël, comme cela est inscrit dans la charte du Hamas, mais encore parce que le temps jouait contre Israël notamment eu égard à l’expansion démographique des palestiniens. Il a compris qu’il fallait créer, au plus vite, des frontières sûres pour son pays, même si cela ne correspondait pas à la vision du Grand Israël de certains religieux juifs, tout en laissant les palestiniens s’autodéterminer eux même, les laissant par la même face aux incohérences de leur politique. Il est d’ailleurs assez ironique de voir qu’Ariel Sharon, l’emblème du mal pour les pacifistes, les gauchistes et autres antisionistes forcenés, aura su tirer avantage de la mort d’Arafat pour tenter, par le biais notamment d’un désengagement de la bande de Gaza et la création de son parti, Kadima, une paix pragmatique et plus rapide. Ce désengagement qui serait poursuivi avec une partie de la Cisjordanie ne doit cependant pas devenir pour les palestiniens la preuve que le terrorisme a fait plié Israël, ce qui semble être le cas si l’on se réfère aux déclarations du Hamas après le désengagement de Gaza, ce dernier ayant en effet promis l’enfer à Israël166. Pour les islamistes palestiniens, le problème n'est pas géographique mais tient à l'existence même d’Israël sur une terre actuellement musulmane. Le seul statut pour les juifs d’Israël serait celui de dhimmis167 et certainement pas celui de dirigeants d’un Etat. Anouar Abou Taha, membre du bureau politique du Jihad Islamique, déclara à ce sujet, « Notre problème n'est pas Sharon mais l'existence même de l'entité sioniste ennemie »168. 166 « Le Hamas promet l’enfer à Israël », Le Figaro, 29 août 2005. Un exemple, parmi d’autres, du statut de dhimmi que devraient avoir les juifs : En réponse au consul de France à Tanger, venu lui demander en 1842 d'améliorer là condition des Juifs de son pays, le sultan Mawlay 'Abd al-Rahman répondit « Les Juifs de notre pays fortuné ont reçu des garanties (mu'ahidun) dont ils bénéficient moyennant l'exécution des conditions imposées par notre loi religieuse aux gens qui jouissent de la protection (dhimma)... Si les Juifs respectent ces conditions, notre loi défend de verser leur sang et ordonne de respecter leurs biens, mais s'ils violent une seule condition, notre loi bénie permet de verser leur sang et de prendre leurs biens. Notre religion glorieuse ne leur attribue que les marques de l'avilissement et de l'abaissement; aussi le seul fait pour un Juif d'élever la voix contre un Musulman constitue une violation des conditions de la protection. Si chez vous (en France), ils sont vos égaux en tout, s'ils sont assimilés à vous, c'est très bien dans votre pays, mais pas dans le nôtre. » 168 www.proche-orient.info, 5 janvier 2006 167 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 75 La mort politique d’Ariel Sharon et la victoire en janvier 2006 du Hamas, branche palestinienne des Frères Musulmans et dont la ligne de conduite est : "Il n’existe pas de solution à la question palestinienne exceptée le djihad", démontre, s'il en était besoin, l'ineptie du mythe du palestinien, oppressé par le juif et qui n'aspire qu'à la cohabitation pacifique avec les israéliens. Ce que les européens n'ont jamais compris dans le conflit israélo-palestinien est que l'islam interdit qu'un non musulman (et encore moins un juif) est un ascendant sur un musulman. C'est l'existence même d'un Etat juif qui est nié, cela n'a rien à voir avec des considérations de frontières. Le juif ou le chrétien ne peut avoir que le statut de dhimmis sur un territoire du dar-al-islam ou considéré comme tel. La seule perspective positive de cette victoire de la haine est que la perception du conflit israélo-palestinien pourrait évoluer faisant peu à peu prendre conscience aux européens de l'influence de l'islam dans ce conflit et de la réalité de la situation, réalité totalement occultée par la propagande médiatique sévissant dans cette partie de l'Occident. Il faut espérer que la victoire du parti d’Ariel Sharon en mars 2006 et la volonté de créer rapidement des frontières stables puissent se poursuivre afin que le conflit, à défaut de se régler, devienne beaucoup moins destructeur. Le conflit récent, en juillet 2006, avec le Hezbollah est une preuve que l’urgence est réelle. c) L’Arabie Saoudite, la Syrie, l’Iran, le Pakistan hors du processus de démocratisation ? Ces pays ont été identifiés à la fois par les Etats-Unis mais également par l’Europe comme étant les principales sources de l’islam militant. L’Arabie Saoudite, notamment, a été montrée du doigt à de nombreuses reprises ; ce qui a d’ailleurs été un élément à charge contre l’administration Bush dans la mesure où les spécialistes du terrorisme se sont interrogés : Comment se fait-il qu’ayant axé sa politique étrangère sur la lutte contre le terrorisme, le Président Bush n’a-t-il pas tenté une action, même militaire, contre le régime des Saoud qui soutient et finance le terrorisme plutôt que d’enclencher une guerre en Irak ? Beaucoup de ceux qui ont avancé cet argument pour discréditer l’administration Bush ont oublié qu’il était une chose d’identifier une menace et une autre de trouver les bons moyens pour y remédier. Et ce, d’autant plus que la position de ce pays est nettement plus ambiguë que ne l’était celle de l’Irak. Pour comprendre cette situation, il convient de citer Laurent Murawiec, qui rappelle les intérêts en jeu : «La guerre contre le terrorisme, à laquelle s’est voué corps et âme le président Bush, bute pourtant à chaque pas sur les entreprises made in Saudi Arabia. D’un côté, cinquantecinq ans de partenariat, incarnés dans des hommes, des carrières, des doctrines et des pratiques. De l’autre, les exigences d’une guerre à mort. L’hésitation présidentielle ne pourra pas durer éternellement : il faudra bien que l’hôte de la MaisonBlanche se décide. Il est vrai qu’on ne taquine pas impunément les réalités géopolitiques. Le renversement d’un régime qui contrôle une partie significative des réserves pétrolières mondiales, de la production de l’Opep, de la consommation des pays européens et asiatiques ; qui occupe, depuis longtemps, une place essentielle dans les affaires stratégiques du Golfe Persique et du MoyenOrient ; dont les intérêts financiers sont considérables tant aux EtatsUnis que dans le pool mondial du dollar, n’est ni une affaire à prendre à la légère, ni une décision à préconiser sans Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 76 précaution : il faut que la somme des avantages l’emporte nettement sur celle des inconvénients. 169 ». Si cette analyse est pertinente sur le plan géopolitique, elle n’est pas pour autant efficace si l’on se réfère à la lutte contre l’islam militant. Comme le souligne Laurent Murawiec, il faudra bien que les Etats-Unis se décident. Et on peut déjà apercevoir des changements dans la politique américaine à l’égard de l’Arabie Saoudite. Ces changements s’exécutent certes lentement, comme l’exige le pragmatisme dont les néo conservateurs font toujours preuve, mais ils sont perceptibles. Les Etats-Unis ont fait pression sur le régime des Saoud afin qu’ils luttent plus efficacement contre le terrorisme. Et la réponse ne s’est pas faite attendre. La sanctuarisation de l’Arabie Saoudite a pris fin, conduisant à des attentats sanglants sur leur territoire. L’Arabie Saoudite avait en effet passé un accord plus ou moins tacite avec AlQaïda. Le pays fermait les yeux sur les activités terroristes du groupe, finançait de nombreuses associations caritatives, dont l’argent était détourné au profit d’Al-Qaïda, et attendait, en contrepartie, qu’aucune action terroriste ne soit entreprise sur son sol. La politique américaine s’est également concentrée sur la volonté de ne plus dépendre des ressources pétrolières de l’Arabie Saoudite, ce qui s’est traduit par un intérêt croissant des Etats-Unis vers les pays bordant la mer caspienne et la promotion de projets d’oléoducs tels que le projet BTC (initiales des villes de Bakou, Tbilissi, et Ceyhan) inauguré en mai 2005. En outre, la mise en place de la nouvelle loi sur la politique énergétique aux Etats-Unis, signée par le président George W. Bush en juillet 2005, permettra aux Etats-Unis de se défaire progressivement de cette dépendance tant pétrolière que financière de l’Arabie Saoudite. Cette volonté a par ailleurs été confirmée lors du « Discours sur l'état de l'Union » prononcé par George W. Bush le 31 janvier 2006. Ce dernier a dénoncé « l’accoutumance et la dépendance des américains au pétrole » et a annoncé la réduction de 75% en vingt ans des approvisionnements en pétrole en provenance du Moyen-Orient, ainsi que leur remplacement par des sources d’énergie alternatives (carburants végétaux, hydrogène) et la reprise des constructions de centrales nucléaires. Concernant la Syrie, il est dommage que la pression ne se soit faite plus forte, la problématique iranienne expliquant cette faiblesse. Grâce à la politique américaine, la Syrie s’est affaiblie, le Liban a vu les troupes syriennes partir de son territoire mais ce pays reste encore pointé du doigt au sujet du terrorisme : « On a beaucoup trop tardé, après la chute de Bagdad, pour frapper la dictature syrienne or la frontière syrienne est le boulevard principal assurant l’entrée des djihadistes en Irak – » rappelle Laurent Murawieck170. Le Pakistan lui aussi semble avoir été oublié du fait des signes de bonne volonté du Président Musharaf suite aux pressions américaines. Pourtant, les attentats de Londres en juillet 2005 ont mis une nouvelle fois le Pakistan dans la ligne de mire du combat contre l’islamisme. Selon le quotidien anglais the Independant : « un nombre croissant d’indices désigne le Pakistan comme source d’inspiration et d’entraînement pour les kamikazes ». Si l’Arabie Saoudite possède deux lieux saints de l’Islam (Médine et la Mecque), le Pakistan possède, lui, la bombe atomique, limitant tout autant une intervention militaire. Reste donc les pressions économiques et diplomatiques qui ne sont pas forcément suffisantes. La bonne volonté du Président Musharaf doit cependant être soulignée, lui qui tente de se rapprocher d’Israël et de 169 Laurent Murawiec, op.cit. Laurent Murawiec, « De Washington à Londres : le prix des confusions », Metula News Agency, 16 août 2005. 170 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 77 créer de nouvelles relations entre l’Etat juif et les pays musulmans de la région. Tout espoir n’est donc pas perdu. Le problème nucléaire concerne également l’Iran qui, malgré les jérémiades européennes, va se lancer dans un processus qui lui permettra d’acquérir la bombe atomique d’ici quelques années. Une fois encore l’Europe a tenté de faire un pied de nez aux Etats-Unis en voulant être les interlocuteurs privilégiés de la crise iranienne mais a été, en définitive, totalement manipulée par le régime des Mollahs. Pourtant, l’Iran est le pays qui peut surprendre le plus du fait de sa jeunesse qui, bien que brimée par le pouvoir des Gardiens de la Révolution, reste le meilleur espoir de voir le régime islamiste renversé un jour. La recomposition politique du Moyen-Orient (ou Grand-Moyen-Orient si l’on se réfère au projet américain) pourrait être une solution pour limiter l’influence de l’islam militant et le djihadisme. Cela suppose néanmoins une approche beaucoup plus subtile des Etats-Unis. Dans cette optique, une alliance avec l’Europe serait tout à fait profitable. Certains spécialistes souhaiterait inversement que l’Europe se désolidarise totalement des Etats-Unis afin notamment de ne pas être assimilé au grand satan et gardait par la même une influence dans la région. Cette hypothèse pourrait être envisageable si l’Europe possédait une politique efficace et réaliste de l’islamisme et de son pendant armé. Or, comme nous l’avons vu précédemment, ce n’est absolument pas le cas, l’Europe restant le ventre mou de l’Occident. Cette politique conduirait à une dhimmitude plus rapide de notre continent, rien de plus. C/ La lutte contre la pauvreté, une fausse solution Réhabilitant une vision marxiste du monde, un discours se fait de plus en plus présent. Le terrorisme islamiste ne serait que l’arme des désespérés, une lutte entre les riches et les pauvres. En filigrane de cette thèse émerge la pensée gauchiste accusant l’Occident de tous les maux. Un simple examen des faits ruine cette thèse. En effet, dans la grande majorité des cas, les actes terroristes commis ces dernières années sont l’!uvre de personnes très loin de la pauvreté, qui sont cultivées et loin de la masse pauvre des sociétés musulmanes. Les attentats de Londres en juillet 2005 ont clairement démontré ce fait. Les kamikazes n’étaient pas issus de milieux pauvres du Moyen-Orient mais bien de Londres même. Leurs familles étaient certes modestes mais pas plus que la majorité des habitants de la banlieue de Leeds. Aucun problème important d’argent, une bonne intégration dans la société anglaise. Parmi le groupe de terroristes, il y avait même un docteur en chimie, diplômé de l’université de Leeds. Prenons un autre exemple : Sajit Badat, complice de Richard Reid qui avait tenté de faire exploser le vol 63 d’American Airlines le 23 décembre 2001 avec des chaussures piégées, né en Grande-Bretagne, a été l’élève d’une des plus prestigieuses écoles d’Angleterre, la Crupt Gramar School for Boys. Nous sommes loin du cliché de l’illettré pauvre qui tue des civils parce qu’il est désespéré. Pour finir : fin janvier 2006, deux étudiants sont arrêtés à Troyes et à Montpellier à la suite d’une enquête menée depuis 2004 sur des réseaux islamistes. Ces deux étudiants sont soupçonnés d’avoir aidé des islamistes pour des futurs attentats en Europe. Ces deux étudiants n’étaient pas pauvres, incultes ou oppressés par la société occidentale. En réalité, les enquêteurs ont eu affaire à des étudiants de troisième cycle scientifique, spécialisés dans la Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 78 très haute technologie comme les rayons lasers. Peut-on encore croire que la pauvreté soit la cause du djihadisme ? Ce constat a été démontré par une étude effectuée par Marc Sageman, Professeur de médecine à l’Université de Pennsylvanie. En analysant la biographie de près de 400 terroristes d’AlQaïda, il a pu conclure en 2004 que les deux tiers de ces personnes étaient issus de classes moyennes ou aisées, démontrant ainsi que le lien entre pauvreté et terrorisme était inepte. La même remarque vaut aussi pour ceux qui enrôlent ces jeunes, ces prédicateurs de haine qui sont souvent issus de milieux aisés et très instruits, qui ont beaucoup voyagé notamment en Europe. Une fois encore, la lecture tiers-mondiste du phénomène fait fausse route. Devrait-on rappeler à ces fanatiques de Marx, qui n’ont pas digéré la chute du communisme, que si la pauvreté était la cause du terrorisme, il y a longtemps que le continent africain aurait tenté de détruire l’Occident. Et que penser de l’Amérique Latine où sévit une pauvreté effarante ? Pourquoi ces pauvres là ne se sont-ils pas transformés en kamikazes eux aussi ? Toutefois, écarter la pauvreté comme cause principale de l’islam radical ne signifie pas qu’elle ne joue pas un rôle dans le processus d’embrigadement idéologique. Daniel Pipes, le rappelle : « Ce n’est pas la pauvreté qui crée le djihadisme. Le djihadisme par contre se nourrit de la pauvreté »171. Comme l’a également et très justement remarqué Colin Powell 172, « la pauvreté engendre la frustration et le ressentiment que les fabricants d'idéologie peuvent transformer en soutien ou approbation au terrorisme, en particulier au sein de pays dans lesquels la pauvreté va de pair avec une absence de droits politiques et de libertés fondamentales ». Nous sommes ici au c!ur du problème. L’absence de liberté, tant politique qu’économique mais aussi de la liberté de religion, la liberté d’expression, l’égalité entre hommes et femmes sont bien évidemment une des causes majeures de la frustrations au sein du monde musulman et qui conduit les plus modérés à soutenir une version littérale de l’islam, censée être la solution à tous leurs problèmes. Et les problèmes tant politiques, économiques que sociaux ne manquent pas. Si l’on analyse les statistiques économiques et sociologiques du Grand-Moyen-Orient (englobant le Maghreb), la situation est réellement inquiétante. Ainsi, si l’on se penche sur le chômage par exemple, en Afghanistan le taux atteint 43% de la population active, en Irak 50%, au Yemen 35%, en Syrie 30%. Quant au taux d’analphabétisme, le Pakistan et la Mauritanie atteignent les 59%. Il est du devoir de l’Occident d’aider le monde musulman a lutter contre la pauvreté et à les faire entrer le plutôt possible dans le processus de mondialisation par la promotion de la liberté de marché, seule capable de les aider à s’extirper de ce déficit économique (les expériences de systèmes socialistes s’étant révélées catastrophiques). C’est cette situation épouvantable qui conduit notamment les populations à se tourner vers l’islamisme. C’est ce qui explique pourquoi certaines formations islamistes sont arrivées au 171 Cité par Guy Millière, « le futur selon Bush », page après page, 2005. Colin Powell, « L'aide au développement des pays pauvres, une obligation morale », Le Monde, 7 janvier 2005. 172 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 79 pouvoir de façon tout à fait démocratique. Car l’absence de liberté économique conduit au despotisme et à la corruption. Les tenants de l’islam militant, promettant, par un retour à l’islam des origines, celui des textes fondateurs, la fin de cette corruption, il n’est pas étonnant que leurs thèses trouvent plus en plus d’échos parmi les musulmans opprimés par cette absence de liberté. Hamadi Redissi, auteur de « l’exception islamique »173, résume très bien ces différentes crises. Crise du pouvoir car la démocratie est absente du monde musulman, crise de la société ou le lien social se défait, où la population, face à des gouvernements corrompus et autoritaires, cherche refuge dans la religion et ses dérives. Crise culturelle enfin, car « le monde arabe produit seulement 1% des livres dans le monde (et 18% de cette production sont des livres religieux). Il en résulte une crise de la connaissance, notamment de l’autre. Si vous leur parlez de crise, les musulmans sont convaincus que c’est l’Occident qui est en crise, pas eux. Parce que pour eux, la solution c’est l’islam, qui, croientils, n’est pas en crise. »174. On le comprend aisément, les différentes crises que traverse le monde musulman sont multiples et posent la question essentielle du rapport entre l’islam et la modernité. A la question « la religion islamique atelle une responsabilité spécifique dans ces blocages », Hamadi Redissi répond « Oui, il existe un vrai problème dans la manière dont l’islam affronte les questions de la modernité et de la démocratie ». A l’instar de l’auteur, on peut alors légitimement se demander « pourquoi l’islam estil l’une des dernières religions, sinon la dernière, qui refusent de libérer le politique de son emprise envahissant ? Pourquoi estil le seul à demeurer en dehors de la vague de démocratisation qui a gagné presque tout le reste du monde ? Pourquoi reste til l’unique système qui s’estime en conflit permanent avec l’Occident, dont il jalouse la gloire impériale, conteste les valeurs cosmopolites et minimise la civilisation planétaire qu’il a initié ? Bref, il est la dernière religion qui se refuse à la banalisation du religieux ? ». Mezri Haddad, Docteur en philosophie, nous donne un élément de réponse : « On répète souvent que l’islamisme se nourrit de la misère économique et de l’exclusion politique. Certes, mais sa source intarissable reste cette culture holistique et hégémonique qui mélange Allah à toutes les sauces et réduit le Coran à un manifeste politique. Il suffit de revenir aux « sources », de suivre l’enseignement prophétique pour le monde de l’islam retrouve son âge d’or perdu, enseignaient Ibn Abdelwahab (prédicateur fondamentaliste du XVIIIe siècle, inspirateur du wahhabisme), Hassan AlBanna, Saïd Qutb et Khomeiny. C’est à partir de ce genre de mythes, majoritairement partagés par les musulmans, que les islamistes ont constitué leur idéologie messianique »175. Nous avons précédemment insistés sur les actions à mener par l’Occident. Agir sur les libertés économiques et politiques devraient minimiser les foyers de frustrations au sein des régions instables. Ces actions sont essentielles dans la lutte contre l’islam militant. Pourtant, il n’est pas certain que cela suffise car l’islamisme et sa dérive armée combattent sur un terrain délaissé par l’Occident : la lutte idéologique. Les Etats-Unis, partie de l’Occident où la religion est encore une source d’identité importante, se sont bien peu penchés sur cet aspect idéologique jusqu’à présent, croyant de façon erronée que seul le déficit démocratique était la 173 Hamadi Redissi, « L’exception islamique », Seuil, 2004. Interview d’Hamadi Redissi, L’Expansion, Octobre 2004. 175 Mezri Haddad, « Islamisme et démocratie : lequel dissout l’autre », Le Monde, 4 février 2006. 174 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 80 cause du phénomène. Eviter une polémique religieuse a cependant empêché l’administration Bush de s’atteler au fond du problème dès le départ. D/ La lutte idéologique, clé de la victoire Arrêter les terroristes et les prêcheurs islamistes ne suffira pas. D’autres prendront la relève. Faire tomber les régimes autoritaires du Moyen-Orient ne suffira pas, un système démocratique permettant souvent de faire accéder les islamistes au pouvoir176. Engager le Proche et le Moyen-Orient vers une libéralisation économique et politique ne suffira pas, la pauvreté et la corruption n’étant pas le seul facteur de frustration des peuples du monde musulman. Toutes ces mesures, même si elles sont nécessaires, ne suffiront pas à éradiquer la menace liée à l’islam militant. Car ce dernier se nourrit d’abord de la haine. De façon générale, le monde musulman baigne dans une culture de l’excuse mêlée au mythe du complot, concepts instrumentalisés par les islamistes. Reprenons leurs principaux arguments : les musulmans sont supérieurs, notamment aux juifs et aux chrétiens qui ont, selon l’islam, travesti la parole de Dieu, et doivent montrer le chemin vertueux à l’humanité. Or la réalité est tout autre : la grande majorité du monde musulman vit dans la pauvreté, l’oppression et l’ignorance. Cet état de fait provient, selon les islamistes, de deux facteurs. Le premier est le renoncement à l’islam des pieux ancêtres, celui qui est à l’origine de la période faste du monde musulman, quand l’islam, par ses conquêtes dirigeait une partie du monde. C’est ce facteur qui explique deux des objectifs des islamistes, objectifs qui sont la réislamisation des musulmans, notamment ceux vivant en Occident et qui ne sont pas considérés comme de véritables musulmans puisqu’ils n’appliquent par le véritable islam, et la réunification de l’Oumma par un islam presque virtuel, déraciné de la culture des pratiquants et fait d’interdits et de devoirs uniquement - réunification permettant de retrouver la splendeur de l’islam. Le second est la croyance que l’Occident mène toujours une croisade contre le monde musulman. Les chrétiens mais également les juifs (qui dirigeraient le monde selon le toujours très présent mythe des protocoles des Sages de Sion) conspirent donc pour empêcher le monde musulman d’avoir la place qui est la sienne, c’est-à-dire une place prépondérante où l’islam, exprimant la véritable volonté de Dieu, règnerait sur l’humanité. Ces bases idéologiques imprègnent le monde musulman d’une façon presque totale. Cela commence à l’école où le jeune musulman baigne souvent dans une haine de l’autre prodigieuse (les cas des palestiniens et des saoudiens à été évoqués précédemment), et se poursuit tout au long de sa vie par le biais des médias qui véhiculent cette idéologie. Des institutions comme le Memri177, faisant des revues des médias musulmans, permettent de comprendre dans quel genre d’endoctrinement se trouve le monde musulman. Les européens, de plus en plus détachés de la religion n’ont pas compris, par ethnocentrisme, l’importance de ce facteur idéologique. Les américains en ont pris conscience très récemment. 176 On arrive d’ailleurs à un dilemme : soit les peuples sont dirigés par des oppresseurs qui contiennent l’islam militant, tout en l’instrumentalisant, soit la démocratie permet la libération des peuples mais dans un même temps amène les islamistes au pouvoir. 177 Site Internet du Memri : www.memri.org. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 81 Les tenants de l’islam militant, eux, ont très bien assimilé l’importance des idées. Ils savent qu’ils peuvent toucher un plus grand nombre de personnes par les idées, idées qui à l’heure de l’Internet, se diffusent instantanément sur toute la planète. Ils sont près du peuple, lors de grandes catastrophes, lors de manifestations, dans les médias, dans les universités, car c’est lors de ces occasions que leurs discours ont le plus de chance de toucher. Et cette stratégie est efficace. Bien que les musulmans ne soient évidemment pas tous des terroristes, et que certains s’éloignent des textes fondateurs de l’islam tout en restant musulman dans leur coeur, certains arguments font leur chemin notamment celui qui prétend que leur mal-être a pour cause l’Occident et les juifs qui se cacheraient derrière. Il s’agit donc bien d’une guerre d’idées qu’il faut mener avant toute autre chose, ce qui implique de s’interroger sur le lien entre l’islam et islam militant. Car si l’Islam, en tant que civilisation, n’est pas en guerre contre l’Occident, il n’en reste pas moins que, par exemple, les djihadistes s’appuient sur une lecture littérale de l’islam pour justifier leurs actions. Déclarer que le terrorisme islamiste n’a rien à voir avec l’islam est donc absurde. Déclarer que ceux qui souhaitent interdire Voltaire en France n’a rien à voir avec l’islam est un mensonge. L’islam et le monde musulman sont au c!ur de ce nouveau totalitarisme et il convient de ne pas se limiter aux discours lénifiants de nos intelligentsias qui, par peur d’un conflit de civilisations, s’obstinent à pointer du doigt de mauvaises causes au phénomène. Il existe bien des relations de causalités entre la religion musulmane, l’islam militant et le terrorisme islamiste. Les passerelles entre islam militant et terrorisme sont parfois même très importantes comme en témoigne l’affaire ayant touchée le « Quranic Literacy Institute (QLI) aux Etats-Unis178. Ce groupe de religieux installés dans la région de Chicago depuis 1991 publiait des versions anglaises de textes sacrés islamiques. Le président du QLI, Ahmad ZAki Hammad, érudit islamique a progressivement pris la main sur les mosquées de la région et tout en montrant une façade de religieux pacifiste blanchissait de l’argent provenant d’Arabie Saoudite et finançait ensuite le Hamas. Le terrain idéologique est donc on ne peut plus important car c’est par le biais de l’endoctrinement que des individus deviennent des militants voire des terroristes. Les spécialistes du terrorisme sont souvent trop centrés sur les actions en elles-mêmes et oublient parfois de rechercher les causes première de ces actions (les terroristes ne se lèvent pas un matin en décidant de tuer des innocents). Toute personne convaincue que la réelle menace est de nature armée et que la lutte contre les actes terroristes doit être notre seule priorité n’a pas assimilé les objectifs et le modus operandi des tenants de l’islam militant. Rappelons la déclaration du cheikh Youssouf Qaradawi, qui préside le Conseil européen pour la fatwa et la recherche : « Cela signifie que l’islam retournera en Europe en conquérant et en vainqueur, après avoir été expulsé deux fois : une fois d’Andalousie, au Sud, l’autre fois à l’Est, après qu’il eut frappé aux portes d’Athènes. Je soutiens que cette fois la conquête ne se fera pas par l’épée mais la prédication et l’idéologie » Cette offensive idéologique a deux objectifs. Le premier celui d’endoctriner les musulmans d’Occident (les différentes expressions de cet endoctrinement en France ont été décrites précédemment notamment au travers les rapports Obin et Denecé) afin qu’ils puissent saper les fondements de nos sociétés et imposer l’islam originel à tous les niveaux de la société. Le deuxième est de donner un fondement divin aux actes de terrorisme permettant aux islamikazes de se déresponsabiliser puisque c’est Allah qui le leur demande. Ces deux 178 Daniel Pipes, « Exploitation du Coran à des fins terroristes », New York Sun, 14 décembre 2004. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 82 objectifs entrent parfois en conflit. En effet, la poussée islamiste en Europe se fait assez pacifiquement, les changements s’effectuant progressivement. Or, lorsqu’un terroriste tue des innocents, il y a un risque que la population se méfie de plus en plus du prosélytisme de certains musulmans, ruinant ainsi les efforts pour obtenir plus pacifiquement leurs revendications. L’islam militant doit donc trouver un juste milieu entre prédication et actes terroristes. L’exemple le plus frappant a été les conséquences des derniers attentats de Londres en juillet 2005. Le multiculturalisme a été remis en cause alors qu’il permettait aux musulmans d’imposer leurs valeurs de façon tout à fait démocratique. Daniel Pipes dans un article du New York Sun179, citait un islamiste qui sur Internet apostrophait les terroristes « Vous ne savez donc pas que l’islam est en pleine croissance en Europe ??? Qu’estce qui vous prend de venir chambouler les choses ? » Un horloger musulman a, quant à lui, déclaré « Nous n’avons pas à combattre. Nous sommes en train de prendre le pouvoir ! » Ce prosélytisme est d’autant plus important que de nombreux musulmans font appel à des oulémas, théologiens de l’islam, pour demander quelle doit être leur conduite en Occident. A titre d’exemple180, on citera le cas d’une jeune femme vivant dans un pays non musulman qui demande quelles sont les prescriptions et les règles qu’elle doit suivre dans ce pays. Les oulémas lui répondent alors qu’elle doit empêcher sa famille de se dissoudre dans les sociétés d’accueil, que son habitation doit être loin des lieux de débauche et qu’elle doit se regrouper avec les familles conservatrices afin de se soutenir pour obéir à Allah. On lui interdit un laissez aller dans son attitude envers les relations que ses enfants entretiennent avec ceux des « mécréants ». Plus grave encore, on lui conseille d’inculquer à ses enfants la haine pour la civilisation occidentale et de leur faire comprendre pourquoi celle-ci est contraire aux lois religieuses et à l’islam. Concernant l’éducation des enfants, les oulémas déclarent que les enfants musulmans ne doivent pas être envoyés dans des universités éloignées et surtout pas dans des cités universitaires car cela conduirait les enfants à s’intégrer dans la société « mécréante ». D’autres conseils du même acabit sont donnés, comme empêcher les enfants d’accompagner les élèves chrétiens à l’église le dimanche ou encourager les enfants à se marier très tôt avec des musulmans. On voit ici toute l’importance du combat idéologique que l’Occident doit mener afin d’éliminer une source du terrorisme. « L’islamisme est pourraiton dire le portevoix des ennemis des démocraties laïques et surtout de ceux qui tentent d’aller dans cette voie au sein même des pays musulmans. Il ne serait pas si redoutable si son message rétrograde n’était pas répercuté par d’innombrables relais et si, au contraire, les défenseurs de ces démocraties laïques n’étaient pas si timorés. Jamais aucune religion n’a évolué de son plein gré, mais toujours sous l’emprise des évènements et face à l’adversité. Selon qu’elle sera dictée par la résignation ou au contraire la volonté de résister à l’islamisme, l’attitude des pays occidentaux ne manquera pas de jouer un rôle majeur dans le progrès ou la régression de la liberté de pensée dans le monde » selon André Grjebine181. Pour comprendre cette résurgence de l’islam militant et de son influence, il faut ainsi s’interroger sur les rapports entre l’Islam et la modernité, comprendre pourquoi certains musulmans sont si prompts à répondre aux sirènes des djihadistes. Face aux crises que traverse le monde musulman, de nombreux prêcheurs de l’islam en ont conclu qu’elles avaient deux principales causes : l’Occident et un relâchement dans la 179 Daniel Pipes, « le terrorisme entrave l’islam radical », New York Sun, 23 août 2005. Tous ces exemples sont tirés du site www.islam-qa.com. 181 André Grjebine, op.cit. 180 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 83 pratique de l’islam, celui des textes fondateurs. C’est ainsi que le cheikh égyptien Abdelhamid Abdelaziz Mohamed Kichk a pu déclarer que « la source des maux des musulmans réside dans leur abandon de la charia. Il faut remettre en honneurs la loi musulmane pour que l’Islam récupère son ancienne force »182. Citons également Zineb El-Ghazali, appartenant à la confrérie des Frères musulmans : « De Jérusalem à l’Andalousie ! Tel est mon message aux mères et aux filles musulmanes pour qu’elles l’inculquent à leurs enfants et à leurs hommes, qui rendront à l’Islam sa grandeur dès qu’ils auront remis en vigueur la charia, toute la charia, dans sa lumineuse et efficace simplicité ». On voit très bien ici les principales causes de la montée de l’islamisme. Frustration de voir le monde musulman en dehors de la modernité, souhait de revenir à la grandeur de l’Islam et application stricte de la charia pour y parvenir. C’est bien évidemment cette idéologie que l’Occident doit combattre s’il veut lutter efficacement contre le totalitarisme qui se profile. Toutes les actions de l’Occident seront vaines s’il laisse la laisse s’installer dans le monde et a fortiori sur ses territoires. Il est donc capital que les occidentaux comprennent les fondements théologiques de cette idéologie et utilisent tous les moyens afin de contrer ce prosélytisme destructeur. E/ La lutte contre les fondements théologiques de l’islam militant L’idée largement répandue en Europe est que l’islam est une religion de paix et que rien dans l’islam n’incite à la haine et au djihad. Pourtant, à la lecture des textes fondateurs de l’islam, on ne peut qu’être interdit par certaines formulations et principes de base. Anne-Marie Delcambre, Docteur en civilisation islamique, islamologue et professeur d’arabe, le confirme : « Il faut poser la question à l’Islam : pourquoi la tentation terroriste estelle partagée par un si grand nombre de musulmans qui viennent de différents peuples ? Les racines de ce terrorisme islamique existent bien dans les textes fondateurs. C’est ce qui explique sa force d’attraction dans le monde musulman. Ses chances de survie dans les années qui viennent sont réelles. Le recours à l’Islam violent, justicier, est une grande tentation pour certains musulmans pour pouvoir se faire entendre par la terreur comme l’avait fait le Prophète à Médine. Le Coran comporte un grand nombre de sourates « fulminantes » et de versets « colériques »183. D’aucuns rétorqueront que les livres sacrés des deux autres monothéismes comportent également des appels à la violence, essentiellement dans l’ancien testament. Si l’ancien testament comporte bel et bien des actes de violence, il faut toutefois comprendre, et c’est un principe fondamental, que la bible ou la torah sont certes considérés comme inspirés par Dieu mais ils sont l’!uvre d’êtres humains et donc sujets à erreurs et interprétations. A l’inverse, le Coran est considéré comme la parole de Dieu. Il est incréé et Mahomet n’a fait que transcrire le message divin adressé aux musulmans, il n’en est absolument pas l’auteur. D’ailleurs, comment aurait-il pu le faire puisqu’il était, selon l’Islam, un simple bédouin illettré. Cette différence est essentielle puisque si l’!uvre humaine est imparfaite, celle de Dieu ne l’est évidemment pas. Cela implique que le Coran, parole directe de Dieu, ne peut être analysé et 182 183 Cité par Péroncel-Hugoz, « le radeau de Mahomet, Champs Flammarion 1984. « Islam : en finir avec le religieusement correct », Anne-Marie Delcambre, La libre Belgique, 23 mars 2004. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 84 interprété, à l’inverse des textes des deux autres monothéismes. Et si l’on rappelle que Coran signifie « récitation », qu’islam signifie « soumission » et que l’imitation du prophète est un principe de base, on comprend dès lors que tout musulman est soumis aux règles du Coran qu’il doit apprendre par c!ur et réciter sans essayer d’en interpréter le sens, ce qu’il ne pourrait d’ailleurs pas faire puisqu’en tant qu’être humain il est imparfait. En outre, les chrétiens et les juifs, grâce au principe de séparation du spirituel et du temporel, ont pu de façon rationnelle remettre en question les principes les plus inadaptés à la modernité, phénomène inconnu de l’islam. La comparaison entre les livres sacrés est donc superfétatoire dans la mesure où la relation croyants-textes sacrés n’est absolument pas la même. Le Coran est, pour le musulman, le texte principal de l’islam et à sa lecture, il apparaît qu’un système fortement inégalitaire régit les musulmans. De façon plus précise, Bernard Lewis a mis en évidence les trois principales inégalités fondatrices de la société islamique : « N’étaient membres à part entière de la société que les hommes, libres et musulmans. Ceux à qui l’une de ces trois qualités faisait défaut – c’estàdire les femmes, les esclaves et les incroyants n’étaient pas égaux. Ces trois inégalités fondamentales – entre maître et esclave, homme et femme, croyant et incroyant – n’étaient pas seulement un fait admis, elles étaient inscrites dans la Loi divine qui en fixait aussi les modalités »184. L’inégalité qui concerne directement l’islam militant et le djihadisme est bien évidemment celle entre musulmans et non musulmans. Lorsque les terroristes islamistes légitiment leurs actes abjects, ces derniers se fondent sur l’infériorité des non musulmans face aux musulmans. Le Coran lui-même contient des versets particulièrement haineux à l’égard des nonmusulmans. A titre d’exemple, on citera de façon non exhaustive les versets qui incitent, non seulement à la haine des non croyants, mais également à des actions meurtrières : Le verset 102 de la sourate 4 indique : « Si vous courez le pays, il n’y aura aucun péché d’abréger vos prières, si vous craignez que les infidèles ne vous surprennent ; Les infidèles sont vos ennemis déclarés. ». Cette différenciation et cette haine du non-musulman transparaissent également dans le verset 143 de la sourate 4 : « O croyants ! ne prenez point d’amis parmi les infidèles plutôt que parmi les croyants. Voulez fournir à Dieu un argument contre vous, un argument irréfragable ? » ou encore : « O croyants ! ne prenez point pour amis les juifs et les chrétiens ; ils sont amis les uns des autres. Celui qui les prendra pour amis finira par leur ressembler, et dieu ne sera point le guide des pervers ». Un des principes fondamentaux pour comprendre l’islam militant et le djihadisme réside dans le verset 140 de la sourate IV : « Ce sont ceux qui attendent les événements. Si Dieu vous accorde la victoire, ils disent : Ne sommesnous pas avec vous ? Si la fortune est pour les infidèles, ils disent à ceuxci : N'avionsnous pas la supériorité sur vous ? Ne vous avons nous pas protégés contre les croyants ? Dieu jugera entre vous au jour de la résurrection. Il ne donnera pas aux infidèles l'avantage sur les croyants. ». Ce verset fut repris en 1993 dans une fatwa d’Arabie Saoudite où le Cheikh Mannaa K. Al Qubtan, professeur des hautes études à l’Ecole de la charia de Ryadh, déclara que « l’autorité d’un nonMusulman sur un Musulman n’est pas permise selon la parole d’Allah (Sourate 4, verset 140) ». En outre, « Dieu le ToutPuissant a conféré aux Musulmans le plus haut rang et l’autorité sur tous les 184 Bernard Lewis, « Juifs en terre d’islam », Flammarion, 1998. A titre d’anecdote, l’auteur relate qu’au cours des tensions entre la République française et l’Empire ottoman, les documents ottomans faisaient « de fréquentes allusions aux idées « absurdes et saugrenues » d’égalité entre tous les hommes ». Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 85 hommes leur donnant force et puissance (« Ils disent : Si nous retournions à Médine, le plus fort chasserait le plus faible. La force appartient à Dieu ; elle est avec son Apôtre, avec les croyants ; mais les hypocrites ne le savent pas. Sourate 63, verset 8) ». L’autorité d’un non musulman est par conséquent en contradiction avec le texte de ces deux saints versets ; car le musulman qui devra obéir à quiconque le commandera, deviendra ainsi son inférieur. Une telle situation est inacceptable pour un musulman. ». Cette inégalité se traduit également dans l’exhortation au combat des musulmans contre les infidèles. C’est ainsi que le Coran enseigne : « Ceux qui refuseront de croire nos signes, nous les approcherons du feu ardent. Aussitôt que leur peau sera brûlée, nous les revêtirons d’une autre, pour leur faire éprouver un supplice cruel. Dieu est puissant et sage » (Sourate 4, verset 59). Ou encore : « Faites la guerre à ceux qui ne croient point en Dieu ni au jour dernier, qui ne regardent point comme défendu ce que Dieu et son apôtre ont défendu, et à ceux d’entre les hommes des Ecritures qui ne professent pas la vraie religion. Faitesleur la guerre jusqu’à ce qu’ils payent le tribu de leurs propres mains et qu’ils soient soumis » (Sourate 9, verset 29). Le verset 187 de la deuxième sourate donne pour consigne concernant les infidèles « tuezles partout où vous les trouverez, et chassezles d’où ils vous auront chassés. La tentation de l’idolâtrie est pire que le carnage à la guerre. Ne leur livrer point de combat auprès de l’oratoire sacré, à moins qu’ils ne vous y attaquent ? S’ils le font, tuezles. Telle est la récompense des infidèles». Ouvrons ici une petite parenthèse : Lorsqu’un musulman tue un infidèle, il obéit non seulement à Dieu mais encore, on considère même que c’est Dieu qui agit à travers lui comme le confirme la sourate 17 du verset 8 : « Ce n'est pas vous qui les tuez, c'est Dieu. Quand tu lançais (un trait), ce n'est pas toi qui lançais, c'était Dieu, pour éprouver les fidèles par une belle épreuve; car Dieu entend tout et sait tout. » Le verset 52 de la sourate 8 est également édifiant : « Quel spectacle lorsque les anges ôtent la vie aux infidèles ! ils frappent leurs visages et leurs reins, et leur crient :Allez goûter la peine du feu ». Cette incitation aux meurtres des infidèles se retrouve aussi dans le verset 5 de la sourate 9 « Les mois sacrés expirés, tuez les idolâtres partout où vous les trouverez, faites les prisonniers, assiégezles et guettezles dans toute embuscade ; mais s’ils se convertissent, s’ils observent la prière, s’ils font l’aumône, alors laissezles tranquille, car Dieu est indulgent et miséricordieux ». On le voit ici, la seule solution pour les non-musulmans réside dans la conversion. En adoptant la religion musulmane, Dieu devient alors tolérant et indulgent. On a pu entendre que l’islam interdisait le suicide. Certes, mais encore faut-il considérer que cela en est un. Dès lors qu'il s'inscrit dans le cadre du djihad, se donner la mort est considéré par les islamistes comme non seulement légitime, mais même hautement recommandable. Aller en guerre vers une mort certaine, affirment-ils, n'est pas un suicide (intihar) mais un acte de martyre (istishhad), une forme très respectée de sacrifice de soi, dans la voie divine, une manière de s'attirer les faveurs des houris du paradis. Une autorité islamique de premier plan, le cheik Yousuf al-Qaradawi, a expliqué la distinction en ces termes: les attaques visant l'ennemi ne sont pas des attentats suicides mais «des actes de martyre héroïques» dans Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 86 lesquels les kamikazes sont «animés non pas par le désespoir et le désarroi, mais par un désir irrésistible de répandre la terreur et la crainte dans le c!ur des oppresseurs»185. Le Coran comporte donc des incitations claires à la discrimination des infidèles et des exhortations à leur élimination. Sachant que le Coran est considéré par les musulmans comme la parole révélée de Dieu et que son interprétation est interdite, on comprend sans peine comment les partisans d’une orthodoxie islamique justifient leurs exactions puisqu’ils ne font qu’appliquer stricto sensu la parole divine. Lorsque Zarkaoui déclare que les musulmans peuvent tuer aussi bien les civils que les militaires car le Coran ne fait que la distinction entre fidèles et infidèles, il respecte à la lettre les sourates susvisées. Cette haine de l’infidèle et cette volonté de le combattre sont également présentes dans certains hadiths (recueil des paroles ou des actes du prophète Mahomet qui sont des exemples à suivre pour tout musulman). A titre d’exemple on citera quelque uns des hadiths de l’imam Nawawi (les 40 hadiths) : « D’après Ibnou ‘Omar (que Dieu soit satisfait de lui et de son père), l’envoyé de Ideu (à lui, bénédiction et salut) a dit : « il m a été ordonné de combattre les hommes jusqu’à ce qu’ils témoignent qu’il n’est autre divinité qu’Allah, et que Moh’ammed est Son Envoyé, qu’ils accomplissent la prière rituelle, qu’ils acquittent la zekâa. S’ils exécutent ces choses, ils seront à mon égard, garantis quant à leurs personnes et à leur richesses, à moins qu’ils ne transgressent (ouvertement) la loi de l’Islam mais Dieu règlera le compte de leurs (intentions vraies) » (Hadith 8). La conversion ou la mort, tels sont les deux choix pour les infidèles. L’apostat mérite également le même châtiment : « Selon Abou Mas’oûd (que Dieu soit satisfait de lui), l’Envoyé de Dieu (à lui, bénédiction et salut) a dit : « il n’est pas licite de faire couler le sang du musulman, sauf s’il s’agit d’un des trois coupables que voici : le fornicateur dont le mariage a été consommé, le meurtrier qui subira le sort de sa victime, et l’apostat qui se sépare de la communauté musulmane »(Hadith 14)186. Les jurisconsultes musulmans, qui fondent le droit musulman (le fiqh), ont d’ailleurs repris ces principes dans leurs décisions187. Selon Ibn Taimiya, issu de l’école hanbalite : « Dieu a dit en ordonnant le gihâd : « Combattezles jusqu’à ce qu’il n y ait plus de schisme et que la religion tout entière soit à Dieu » ; « Puisque donc que gihâd est d’institution divine, et qu’il a pour but de ramener la religion tout entière à Dieu et de faire triompher la parole de Dieu, quiconque s’opposera à la réalisation de ce but sera combattu, selon l’avis unanime des musulmans » ; « Les Juifs et les Chrétiens ainsi que les Zoroastriens (Magûs) doivent être combattus jusqu’à ce qu’ils embrassent l’islam ou paient la gizya sans récrimination » ; « « Il n’est pas permis au représentant de l’Imâm de consentir la paix à l’ennemi quand il a sur lui la supériorité des forces [… ] Il appartient donc à l’Imam de faire la paix avec les polythéistes lorsque cela est avantageux à l’Islâm et à la religion, et qu’il espère ainsi les amener par la douceur à se convertir. ». Selon l’école Mâlikite : « Le djihad est une obligation d’institution divine. Son accomplissement par certains en dispense les autres. Pour nous malékites, il est préférable de ne pas commencer les hostilités avec l’ennemi avant de l’avoir appelé à embrasser la religion d’Allah, à moins que l’ennemi ne prenne d’abord l’offensive. De deux choses l’une : ou bien 185 Daniel Pipes, « La menace des djihadistes [suicidaires] », Jerusalem Post, 27 juillet 2001 Hadiths provenant du site du Centre Culturel Islamique de Québec, www.cciq.org. 187 Cités par Bat Ye’Or in « Juifs ou chrétien sous l’islam », Berg International, 1994. 186 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 87 ils se convertiront à l’Islamisme, ou bien ils paieront la capitation (jizya), sinon on leur fera la guerre. » On pourrait penser que les textes fondateurs de l’islam contenus dans le Coran, dans les Hadiths ou dans le Fiqh soient tombés en désuétude. Or, il faut bien comprendre que cette idéologie est toujours d’actualité de nos jours et qu’elle est reprise par les tenants de l’islam militant, faisant fi des siècles écoulés, comme en témoignent les exemples suivants : Pour Khomeiny, « La guerre sainte signifie la conquête des territoires non musulmans. Il se peut qu’elle soit déclarée après la formation d’un gouvernement islamique digne de ce nom, sous la direction de l’Imam ou sur son ordre. Il sera alors du devoir de tout homme majeur et valide de se porter volontaire dans cette guerre de conquête dont le but final est de faire régner la loi coranique d’un bout à l’autre de la Terre »188. En 1970, Alija Izetbegovic, l'ex président de la fédération de Bosnie-Herzégovine et collaborateur de l’Allemagne nazie, déclara qu’ « il ne peut exister de paix ou de coexistence entre la foi islamique et des institutions sociales et politiques non islamiques ». Plus symptomatique encore du danger qu’encourre les sociétés ouvertes : « Le mouvement islamique doit et peut prendre le pouvoir dès qu’il est moralement et numériquement capable de détruire le pouvoir nonislamique existant »189. Moins de vingt-quatre heures après les attentats de Londres du 7 juillet 2005, un sermon a été diffusé par la télévision de l’Autorité Palestinienne incitant au meurtre des infidèles : « Anéantissez les Infidèles et les Polythéistes ! Vos ennemis sont les ennemis de la religion ! Allah, disperseles, détruis leur unité et retourne toi contre eux, ces adversaires malfaisants. Allah, compteles et tue les jusqu’au dernier et n’en laisse pas un seul en vie »190. On peut écouter les mêmes diatribes anti-infidèles sur la chaîne Al Jazeera de temps à autres. L’aspect intemporel de ces principes a été résumé par Hassan al-Tourabi, ex dirigeant du Soudan qui déclara que les caractéristiques universelles de l’Etat islamique « […] découlent de l’enseignement du Coran, conformément à son application dans la pratique politique du Prophète Mohammed et constituent un éternel noble que les musulmans sont obligés d’adopter comme une référence parfaite pour tous les temps »191. L’islam, dans ses textes fondateurs contient bel et bien des incitations à la haine du nonmusulman, c’est un fait. En outre, la structure même de l’islam empêche toute interprétation des textes, rendant intemporels des principes d’un autre âge. Toutefois, une précision s’impose : il serait fort malhonnête de résumer l’islam à ces versets incitant au meurtre des infidèles. Les musulmans n’ont pas tous cette interprétation littérale de l’islam d’autant que le Coran comporte également des versets prônant le respect de l’être humain. Mais résumer l’islam n’est pas le but du précédent développement. Le but est simplement de rappeler que l’islam militant et le terrorisme djihadiste ne sont pas sortis de nulle part et que la base idéologique de ces nouveaux agents du totalitarisme se trouve bel et bien inscrite dans l’islam, n’en déplaise à tous les intellectuels islamophiles, islamologues gauchisant et autres bienpensants occidentaux. Anne-Marie Delcambre a osé l’affirmer et doit maintenant subir les 188 Cité in « Juifs et Chrétiens sous l’islam », Bat Ye’or, op.cit. Cité in « Juifs et Chrétiens sous l’islam », Bat Ye’or, op.cit. 190 «Anéantissez les Infidèles » Une étude de la haine religieuse anti-britannique qui sévit au sein de l'Autorité Palestinienne, Palestinian Media Watch (www.pmw.org), 1er août 2005. 191 Cité in « Juifs et Chrétiens sous l’islam », Bat Ye’or, op.cit. 189 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 88 pires opprobres de notre intelligentsia. Son affirmation, dont la réalité de fait aucun doute après ce qui a été exposé précédemment est la suivante : « Je persiste et signe. Ce que je trouve surprenant c'est que l'on dise que l'islamisme serait sorti comme ça, d'une pochette surprise. Les textes auxquels se réfèrent lesdits islamistes qui sont pour moi des musulmans maximalistes se trouvent tout simplement dans le Coran, dans la Sunna, dans le droit musulman. On assiste aujourd'hui à une espèce de cécité générale, à une complicité entre nonmusulmans et musulmans qui voudraient que l'Islam soit mieux présenté devant les Occidentaux. »192 Si les intellectuels occidentaux semblent aveugles, tel n’est pas le cas de certains auteurs musulmans, qui ont bien cerné ce problème de jugement. Pour eux, l’islamisme fait partie de l’islam. Il en est la partie la plus intolérante et guerrière mais il en fait partie. Mohamed Ibn Guadi, islamologue à l’Université de Strasbourg, résume bien cette schizophrénie : « L’Islam estil une religion de paix ? Non. Estil une religion de guerre ? Non plus. En fait, c’est un cassetête. Oussama Ben Laden est un bon musulman. Je veux dire, ce qu’ils disent au sujet de l’Occident est cohérent avec l’histoire islamique. Il est vrai que les musulmans modérés représentent l’Islam, mais nous devons garder en tête qu’Oussama, le Mollah Omar et d’autres représentent l’Islam aussi ».193 L’islam politique est le véritable islam. C’est pour cette raison que de plus en plus de musulmans ne trouvent pas choquant de déclarer que le Coran se situe au dessus des lois de leurs pays d’accueil. La sécularisation de l’islam est un passage obligé pour la civilisation comme l’a été la sécularisation des religions chrétiennes et juives. L’immobilisme de l’islam, explique ainsi la lecture littérale de ses textes fondateurs par les tenants de l’islam militant sans mise en perspective socio-historique. C’est d’ailleurs une des causes, avec l’absence de liberté politique et économique, de la crise que traverse actuellement le monde musulman Face à cette crise, de nombreux penseurs musulmans progressistes, dont nous étudierons ciaprès les écrits, !uvrent à une réforme de l’islam. Il est d’ailleurs tout à fait symptomatique de l’attitude munichoise de l’Europe que la grande majorité de ces penseurs soient musulmans et qu’ils n’hésitent pas à formuler des critiques constructives sur leur religion alors que les européens restent englués dans leur prêt-à-penser « islamiquement correct ». F/ Les réformistes de l’islam ou le retour de l’Ijtihad Il faut ici remettre en cause une idée trop répandue selon laquelle tous les musulmans adhèrent à un islam rigide tel que décrit précédemment et qu’aucune réflexion n’est faîte pour le réformer. En 2004, une pétition a soulevé une vive polémique dans le monde musulman. Des intellectuels musulmans ont en effet rédigé un texte réclamant la création d’un tribunal pour juger les oulémas musulmans qui cautionneraient par leurs fatwas le terrorisme djihadiste. Ce texte a été signé par 3.000 personnes et transmis à l’ONU. Cette initiative n’a que très peu été relayée en Europe (sait-on jamais que cela ouvre la voie d’un vrai débat) et a bien entendu peu de chances d’aboutir compte tenu de la présence à l’ONU des pires dictatures du monde et notamment des pays arabes. 192 Anne-Marie Delcambre, op.cit. Interview de Mohamed Ibn Guadi par Ryan Mauro, publié sur le site http://www.worldthreats.com/general_information/Evolution_of_Islam.htm, traduit de l’anglais par Simon Pilczer pour le site www.nuitdorient.com. 193 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 89 Toutefois, cela confirme qu’un courant réformistes est présent dans le monde musulman et que certains islamologues occidentaux et surtout français devraient s’en inspirer. Si l’on peut considérer qu’il n’existe pas intrinsèquement d’islam modéré, on peut considérer qu’il existe des musulmans modérés aspirant à faire évoluer leur religion. Parmi ces nombreux auteurs musulmans ou pas, il convient d’abord de faire un tour d’horizon des intellectuels qui vivent en Occident après avoir fui les persécutions dont ils faisaient l’objet dans leur pays d’origine. Ces auteurs se distinguent essentiellement par une critique rationnelle et parfois violente de l’islam alors que d’autres réfléchissent plus précisément sur les solutions qui pourraient amener l’islam à de réformer. a) Une critique rationnelle de l’islam Ayaan Hirsi Ali Ayaan Hirsi Ali est née en Somalie, excisée par sa grand-mère à 5 ans, elle fuit sa famille à 22 ans pour échapper à un mariage forcée et rejoint les Pays-Bas194. Cette jeune femme a connu récemment les feux médiatiques suite à l’assassinat de Theo Van Gogh par un islamiste. Elle est coauteur du film « Soumission »195 dont le thème est la violence infligée aux femmes au nom de l’islam. En novembre 2004, un jeune marocain plante un poignard dans la poitrine de Theo Van Gogh en laissant une lettre expliquant que toute personne qui critique l’islam subira le même sort. Ayaan Hirsi Ali apprend à cette occasion qu’elle est frappée d’un fatwa. Elle est condamnée à mort pour apostasie pour avoir renié l’islam. Pourquoi l’avoir fait ? Elle explique alors un dialogue entre elle et son professeur. A la question : la règle selon laquelle une femme doit obéissance éternelle à son mari est-elle réciproque ? Son professeur lui répond alors non. « Et pourquoi donc un mari ne devraitil pas également obéissance éternelle à sa femme ? Parce qu’Allah l’a voulu ainsi, Mais pourquoi Allah l’a til voulu ainsi ? Ma fille, tu n’as pas le droit de questionner les intentions d’Allah : Mais, maître, j’ai lu les versets du Coran que vous nous avez conseillés. Dans l’un d’eux il est écrit qu’Allah est toute justice, qu’on ne peut pas imaginer plus juste qu’Allah. Alors pourquoi les règles s’appliquant à une femme ne s’appliqueraient pas à son mari. Taistoi ! C’est Satan qui parle aujourd’hui par ta bouche !! » Estimant que l’islam ne répondait plus à ses interrogations, la jeune femme, après avoir suivi également l’enseignement des frères musulmans, luttera pour aider les femmes musulmanes de l’oppression qu’elles subissent aux Pays-Bas. Pour elle, « tant que les musulmans immigrés n’oseront pas remettre en cause les enseignements du Prophète contraires à l’esprit des Lumières et aux lois des pays occidentaux les ayant accueillis, le fossé ne cessera de grandir entre eux et le reste de la société ». 194 Pays qu’elle a quitté en 2006 suite aux pressions exercées par le gouvernement néerlandais. La jeune femme, dont le franc parlé gênait apparemment le « politiquement correct » européen, a été littéralement « chassée » d’Europe. Elle est donc partie aux Etats-Unis pour suivre son combat contre l’islam militant. 195 Le mot « islam » signifie « soumission ». Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 90 Dans une interview donnée au quotidien français l’Express196, elle explique qu’elle est la cible des islamistes car aux yeux des fondamentalistes, le fait d’avoir déclaré qu’elle ne croyait plus en Dieu après les attentats du 11 septembre, est une insulte à sa religion. Dans son livre « Insoumise » elle explique que parler librement sera le seul moyen de mettre au jour le fardeau de l’islam. Plus on le fera, plus on permettra aux musulmans de réfléchir sur leur religion – ce qui est tabou dans l’islam où 1,2 milliards de musulmans ne peuvent avoir qu’une seule vérité, celle que le Prophète a permise. A l’affirmation du journaliste de l’Express selon laquelle il existe des islams différents, plus ou moins stricts selon les pays, Ayaan Hirsi Ali répond que c’est une supposition erronée, que c’est ce que nous souhaiterions mais cela ne correspond pas à la réalité. « Si on définit l’islam comme la religion fondée par le Prophète et expliquée par le Coran, et plus tard par les hadiths, alors il n y a qu’un seul islam, qui dicte un cadre moral. Cela dit, il y a des musulmans, ici ou là, qui ne veulent pas respecter la totalité des préceptes – les alévis turcs, certains musulmans de France boivent du vin – mais il y a toujours le risque de les voir confrontés à la pression des fanatiques qui les interrogent sur leur observance. Or, ces derniers ne peuvent que gagner, car le Coran est très clair sur les commandements. C’est pourquoi il faut adopter une perspective historique et reconnaître que l’humanité s’est développée et a beaucoup appris depuis le VIIe siècle. C’est à cette condition qu’il y aura un nouveau moment. » A la question « Quelle est votre réaction quand vous voyez que les auteurs des attentats commis au nom de l’islam, en Europe, aux EtatsUnis, ont été éduqués ici ? », Ayaan Hirsi Ali répond que « cela infirme la thèse que la pauvreté est la cause du terrorisme. Cela confirme la séduction du message islamique. Ce ne sont pas les circonstances qui ouvrent la voie au terrorisme, c’est un choix individuel. Aux PaysBas, ce sont de jeunes diplômés passés par de bonnes universités, en passe de trouver de très bons emplois, qui sont allés chercher sur Internet le message fondamentaliste et ont cédé à la séduction totalitaire ». Ayaan Hirsi Ali met donc en évidence plusieurs problématiques liées à la crise de l’islam perçues par de nombreux intellectuels. La plus importante est la difficulté de remettre en cause les enseignements de l’islam et de les mettre en perspective, d’ouvrir les portes de l’itjihad197. La solution pour la jeune parlementaire néerlandaise est le rationalisme. Adepte de Spinoza, elle préconise que les musulmans se comportent avec l’islam comme la France s’est comportée avec l’Eglise catholique, que l’Europe ferme les écoles musulmanes, mais également chrétiennes, pour ne pas endoctriner nos enfants. Ibn Warraq Le rationalisme d’Ayaan Hirsi Ali se retrouve également chez Ibn Warraq, sorte de Voltaire musulman, ou ex-musulman plus exactement car il se considère désormais comme un humaniste laïc. « Avant même de pouvoir lire ou écrire ma langue maternelle, j’avais appris le Coran par c!ur, en Arabe, sans en comprendre un traître mot ; ainsi en estil pour des centaines de millions d’enfants musulmans. Dès que j’ai été capable de raisonner par moi même, j’ai rejeté tous les dogmes religieux que l’on m’a fait ingurgiter » écrit-il en avantpropos de son ouvrage au titre provocateur : «Pourquoi je ne suis pas musulman ». 196 Ayaan Hirsi Ali, « Le problème, c’est le Prophète et le Coran, L’Express, 16 mai 2005. L’Ijtihad désigne communément l'effort de réflexion accompli par les enseignants de l’islam, oulémas ou juristes musulmans afin d’interpréter les textes fondateurs de l'islam. 197 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 91 Dans cet ouvrage, Ibn Warraq remet en question l’islam, de façon purement cartésienne et quelque peu brutale, le met en perspective avec les sciences, démontre les contradictions historiques inhérentes à tout texte religieux. Il s’interroge sur les relations entre islam et démocratie, souligne le fait que « la loi islamique interdit explicitement la remise en cause des décisions entérinées par le consensus infaillible des ulémas. La notion même d’infaillibilité, que ce soit d’un livre ou d’un groupe de personnes, est profondément antidémocratique et tout à fait irrationnelle. Il insiste sur le fait que l’islam empêche la modernisation du monde musulman car « l’islam décourage toute innovation et tout problème est traité comme un problème religieux même s’il est purement économique ou social »198. Ibn Warraq fait également référence aux différentes sourates guerrières contenues dans le Coran. Pour l’auteur, « la nature totalitaire de l’islam n’est nulle part plus apparente que dans le concept du Jihad, la guerre sainte, dont le but final est de conquérir le monde entier et de le soumettre à la seule vraie religion, à la loi d’Allah. A l’islam seul a été donné la vérité. Hors de l’islam, point de salut ! Pour tout musulman, c’est un devoir sacré, une obligation religieuse établie dans le Coran et dans les traditions que porter l’islam à toute l’humanité. Le Jihad est une institution divine, décrétée dans le but de faire progresser l’islam. Les musulmans doivent se battre et tuer au nom d’Allah ». Il aborde aussi le problème de la frontière entre islam et islamisme et remarque si l’on concède que les musulmans conservateurs ont interprété la charia afin de coller à leur vision du monde, qu’est ce qui permettrait de dire que cette interprétation est erronée et que celle des progressistes est la bonne ? « Qui peut dire ce qu’est l’islam authentique ? Pour beaucoup de spécialistes, la charia demeure l’essence de la civilisation islamique » note t-il. La conclusion de l’auteur, à la fin de son ouvrage, est d’une grande pertinence et reprend la ligne conductrice du présent essai. Ibn Warraq écrit en effet que « L’Occident ne doit pas jouer avec la démocratie et doit renoncer à des politiques qui compromettent ses principes pour des gains à court terme aussi bien chez lui qu’à l’étranger. L’essor du fascisme et du racisme en Occident est la preuve que tout le monde n'est pas amoureux de la démocratie. Par conséquent, la bataille finale ne sera pas nécessairement entre l’islam et l’Occident mais entre ceux qui attachent du prix à la liberté et ceux qui n’en attachent aucun ». Taslima Nasreen Taslima Nasreenn, tout comme Ibn Warraq, critique l’islam rationnellement tel un Voltaire moderne. Menacée de mort par un fatwa lancée par les fondamentalistes de son pays, l’écrivain bangladaise se bat pour améliorer le sort des femmes dans le monde musulman. A 14 ans, elle découvre une version du Coran traduit en bengali et comprend alors que « c’était bien Allah qui déclarait les femmes inférieures, qui prônait la polygamie, le divorce uniquement pour les hommes, le droit de battre leurs épouses, l’interdiction faite aux femmes de porter témoignage en justice, l’inégalité en matière d’héritage, le port du voile…. »199. Quand on lui pose la question de savoir si ce n’est pas les fondamentalistes qui interprètent le Coran et que le véritable islam n’a jamais prescrit d’assassiner les incroyants, elle rétorque 198 199 Les citations sont tirées de son ouvrage. « Le monde musulman face à la pression islamiste », L’Express, 10 avril 2003. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 92 « C’est faux ! C’est bien l’islam, le vrai islam, l’authentique islam, qui prescrit de tuer les apostats et les incroyants. Cela est explicite dans le Coran […] ». Et lorsque le journaliste lui fait remarquer qu’il existe des versets contradictoires elle répond « Oui, mais c’est uniquement parce que, lorsque Mahomet n’avait pas le pouvoir, il recherchait des alliances politiques avec les nonmusulmans. Il se voulait tolérant. Mais dès qu’il eut le pouvoir, il changea radicalement et commença à parler de massacrer les nonmusulmans… ». Taslima Nasreen pose ici une véritable question historique qui ne peut être débattue ici. En revanche, la cohabitation de versets contradictoires est intéressante puisque les islamistes sont certains qu’ils appliquent les « bons » versets. Pour comprendre leur position, il faut ici rappeler le principe du verset « abrogeant » (nâsikh) et du verset « abrogé » (mansûkh) qui figure dans le Coran. Dans l’hypothèse où deux versets se contredisent, le principe est que le verset révélé en dernier abroge le verset révélé en premier. Toute la question est donc de savoir quel est le verset révélé en dernier, le problème étant que le Coran ne classe pas les versets chronologiquement mais par taille de sourates décroissantes (de la plus grande à la plus petite, sauf pour la première sourate). On comprend mieux comment les fondamentalistes arrivent à justifier les actes ignobles des djihadistes puisque la vérité historique concernant la date de révélation d’un verset n’est bien évidemment jamais absolue. L’auteur répond aussi à une question essentielle : le Coran n’est-il pas un prétexte dont certains extrémistes se servent plutôt que la cause du problème ? Pour elle, « c’est parce que le texte existe qu’ils peuvent s’en servir. Si ce texte n’était pas considéré comme provenant d’Allah, intangible pour tous les temps passés et à venir, alors le Coran ne serait pas important. En réalité, les fondamentalistes peuvent justifier leurs crimes du seul fait que ce texte est considéré comme saint ». Il faut noter que l’intangibilité du Coran est l’un des éléments le plus critiqué par les musulmans progressistes et d’aucun en souhaiterait une réforme rapidement comme nous le verrons ultérieurement. Pour Taslima Nasreen, la solution serait de considérer le Coran uniquement comme un document historique et de définir une séparation entre l’Eglise et l’Etat. Tout comme Ibn Warraq, Taslima Nasreen considère qu’il n’y a pas de conflit entre l’Occident et l’islam mais bien un conflit entre sécularisation et fondamentalisme, entre ceux qui valorisent la liberté et ceux qui ne la cherchent pas. Irsahd Manji Irsahd Manji est musulmane et fière de l’être. Pourtant, elle est menacée, elle aussi, par des islamistes. Son tort ? Elle est lesbienne, féministe et n’hésite pas à critiquer l’islam sur les points qui lui semblent inadmissibles. Dans son ouvrage « Musulmane mais libre »200 elle s’interroge sur l’antisémitisme obsessionnel qu’elle rencontre dans le monde musulman. A la madrasa (École coranique) où elle étudiait, son professeur lui enseigne que les juifs vénèrent l’argent et non Dieu et que leur idolâtrie polluerait sa piété. Elle s’interroge aussi sur la condition des femmes dans le monde 200 Irsahd Manji, « Musulmane mais libre », Grasset, 2003. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 93 musulman. Comme elle le souligne, « Non seulement depuis le 11 septembre, mais de toute urgence depuis ce jour fatidique, nous devons mettre fin au totalitarisme de l’islam, notamment aux grossières violations des droits de l’homme, des minorités religieuses et des femmes »201. Irsahd Manji est à l’origine d’un projet tout à fait indispensable dans cette volonté de réforme de l’islam. Celui-ci, appelé « Ijtihad », a pour objet de créer un centre réunissant toutes les femmes ayant un esprit de réforme pour coopérer ensemble et proposer des solutions pour s’opposer au conformisme de l’islam. Selon Irsahd Manji : « Il n’ y a pas de plus grande idée dans le monde musulman aujourd’hui que l’ouverture des portes de la pensée autonome ou « Ijtihad ». C’est l’idée essentielle de mon livre pour montrer que l’islam a été une tradition pluraliste autorisant un débat critique et contradictoire et que nous Musulmans nous devons retrouver cette tradition ancienne pour moderniser l’islam du 21ème siècle. Ceci n’a rien de subversif ; c’est l’essence de la foi »202. En conclusion de son ouvrage, elle appelle l’Occident à plus d’honnêteté intellectuelle, à affirmer ses principes sans craindre le désaccord de certains fondamentalistes, à cesser d’accuser de racisme ceux qui tirent les sonnettes d’alarmes et à mener la charge pour le changement. Sa vision de l’Occident est d’ailleurs d’une incroyable pertinence bien que virulente pour nous. « Tant que les occidentaux rampent devant le multiculturalisme, ils agissent comme si de rien n’était. Nous considérons notre capacité à nous accommoder de tout comme une force – et même une forme de supériorité culturelle (même si peu d’entre nous veulent bien l’admettre). Mais les fondamentalistes voient dans notre instinct d’inclusion une faiblesse qui nous rend mous, languides, déboussolés. Les fondamentalistes détestent la faiblesse. Ils considèrent que le faible doit être vaincu. Paradoxalement, plus nous nous accommodons pour apaiser, plus leur mépris pour notre faiblesse s’accroît. Le paradoxe étant que, pour défendre notre diversité, il nous faille un jour devenir moins tolérants. En tous cas, beaucoup plus vigilants. » b) Vers une réforme de l’islam ? Les auteurs précédemment évoqués critiquent, parfois très durement, l’islam. D’autres auteurs, notamment des musulmans progressistes vont plus en avant dans leur réflexion et donnent leur vision des réformes à effectuer afin que l’islam entre dans la modernité. A titre de premier exemple, citons Tahir Aslam Gora, écrivain pakistanais exilé au Canada, auteur de l’ouvrage « Pourquoi les terroristes sont-ils musulmans ? » qui écrit : « Examinons donc la réelle cause première du terrorisme islamique : l’islam actuel. Les leaders mondiaux, afin de maintenir une certaine harmonie du culte, déclarent que l’islam est une religion de paix. Alors qu’il existe en réalité plusieurs failles fondamentales dans les enseignements dispensés par le Coran : inégalité des sexes, intolérance envers les non musulmans et libertés personnelles limitées (y compris la liberté d’expression et la créativité artistique). S’il est vrai que l’organisation du terrorisme islamique relève d’un petit pourcentage d’extrémistes, ce terrorisme ne semble pas pour autant fortement condamné par la majorité des autres musulmans. […] Les théoriciens progressistes soutiennent que 201 Citée par Danielle Laurin, « Pour en finir avec l’islamisme » Le soleil, 28 novembre 2004. Cité par Thomas L. Friedman, « Brave, Jeune et Musulmane, » New York Times, 03 mars 2005, traduit par Albert Soued. 202 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 94 l’islam a été « détourné » et clament que les musulmans ordinaires n’encouragent pas le terrorisme. Si cette déclaration est véridique, comment alors justifier qu’Oussama Ben Laden soit un héros dans la plupart des contrées islamiques ? […] Cette dévotion ne résulte ni de l’illettrisme ni de la pauvreté. Mais de plutôt de la manière dont l’islam est enseigné »203. Tahir Aslam Gora est le fondateur d’un mouvement pour l’islam qui insiste sur la démocratie, la liberté d’expression, l’égalité des sexes, la suppression de la conception du Djihad et la fin de la supériorité de l’islam sur les autres religions. Rachid Benzine, dans un ouvrage recensant ces courants de pensées204 réformistes, cite notamment le cas de l’écrivain égyptien Taha Hussein qui considérait l’Egypte comme devant être rattaché au monde méditerranéen et occidental. Il fut un des précurseurs d’une critique littéraire du Coran. Nous examinerons plus en détails d’autres penseurs réformistes. Il cite aussi Abdul Karim Soroush, intellectuel iranien considéré comme un des plus grands penseurs contemporains. Pour ce dernier, il faut distinguer la religion de son interprétation. Ainsi, si la religion est divine, son interprétation est, quant à elle, humaine. Il prône une pluralité d’interprétations : « Ce n’est pas une bonne idée que de forcer la communauté religieuse à s’abandonner à une interprétation particulière » écrit-il. Abdul Karim Soroush a aussi très bien en évidence une des causes de la montée de l’islam militant. Comme cela a été expliqué en introduction de cet essai, c’est une recherche identitaire qui est une des causes de la résurgence de l’islam militant dans le monde. « L’utilisation de la religion à des fins autres que la réalisation de la volonté divine est une déviation récurrente des religions. Mais ce phénomène s’est accéléré dans le monde musulman depuis les années 1960. La crise d’identité des musulmans face à la modernité a abouti, en effet, à la montée en puissance d’un islam de l’identité ». Amin Al-Khûli et Muhammad Khalafallâh, quant à eux, se sont penchés plus particulièrement sur les possibilités d’interprétation scientifique du Coran. Ils ont mis ainsi en évidence certaines incohérences du texte notamment dans les noms des personnages, des lieux et dates des évènements. Malheureusement, Muhammad Khalafallâh dû renoncer à sa thèse sur le sujet et fit l’objet d’une fatwa pour apostasie, tout comme son directeur de thèse Amin AlKhûli . Abdelmajid Charfi, universitaire tunisien s’est intéressé à l’institutionnalisation de la religion musulmane. Il souligne notamment le décalage entre l’objectif de la religion et les pratiques des musulmans. Selon lui, trois étapes ont conduit la société musulmane à s’écarter du message du prophète. La première est la croyance selon laquelle la communauté musulmane est supérieure au reste de l’humanité. La deuxième a été la trop grande préoccupation du sens littéral du texte au détriment de sa dimension spirituelle. La troisième est la transformation de la religion en institution qui a eu pour corollaire un « raidissement des règles définissant la croyance, où on a déclaré apostats ceux qui croyaient autrement que les pouvoirs qui se sont octroyé la définition de l’orthodoxie et de l’orthopraxie ». D’autres auteurs très importants suivent ce courant réformiste. Parmi eux, il faut citer Mohamed Bechri et surtout Latif Lakhdar. 203 204 « L’islam a besoin d’évoluer », Tahir Aslam Gora, www.newislam.org, 21 juillet 2005. Rachid Benzine, « les nouveaux penseurs de l’islam », Albin Michel, 2004. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 95 Mohamed Bechri Mohamed Bechri est l’ancien président de la section tunisienne d’Amnesty international. Selon lui, « seules les forces laïques arabes et musulmanes peuvent ébranler efficacement l’islamisme » qui pour lui n’est qu’un énorme mensonge205. Pour l’auteur, il faut démasquer ce mensonge, comme Ronald Reagan l’a fait pour le communisme. Or, remarque t-il, c’est l’inverse qui se produit aujourd’hui. De trop nombreux gouvernements arabes/islamiques s’associent avec les islamistes en couvrant ainsi les propres abus qu’ils pratiquent sur leur population. L’Occident a fait de même en soutenant les islamistes à certaines périodes de l’histoire (notamment les Etats-Unis dans leur lutte contre le communisme). De même, la seule réponse militaire n’est pas suffisante, c’est une guerre d’idées qu’il faut mener avant tout. Et cette guerre sera avant tout menée par les musulmans laïques eux-mêmes. Latif Lakhdar Le tunisien Latif Lakhdar a publié de nombreuses tribunes sur la nécessité de réforme dans le monde arabo-musulman. Son apport est primordial car il a su cerner parfaitement les mécanismes de blocage dans l’islam et les moyens pour y remédier. Il décrit d’abord la situation des minorités en terre d’islam, femmes ou non-musulmans, et remarque que ces derniers sont encore traités comme des dhimmis de fait en totale situation d’infériorité juridique et financière. Selon l’auteur, le problème vient du fait que l’islam, contrairement au judaïsme et au christianisme, n’a pas encore connu sa réforme. « Une religion moderne qui reconnaît la séparation de la religion et de l’Etat et accepte de se limiter à la sphère spirituelles, cédant à l’Etat la gestion des affaites temporelles. » écrit-il206. Ce n’est qu’en adoptant la laïcité que l’islam pourra rompre avec ses aspects négatifs et renouer avec les pensées rationalistes mutazilite, druze et soufi qui ont permis au Moyen Age la séparation de la religion et de l’état, ont remis en cause la charia ou ont favoriser une critique rationaliste du Coran. La réforme de l’islam doit passer par l’enseignement du fait religieux mais avec l’apport des sciences telles que l’histoire des religions, la sociologie des religions, l’anthropologie, la linguistique, la philosophie, etc…Cet enseignement doit se moderniser par le biais, par exemple, de la création de chaînes télévisées laïques qui seraient diffusées dans le monde musulman et qui pourrait concurrencer les chaînes djihadistes comme Al-Jazira. A cette réforme doit s’ajouter le refus de tout narcissisme religieux. « Le judaïsme et le christianisme ne seraient rien de plus que deux lois religieuses ayant préparé le terrain à l’avènement de la loi islamique, et l’islam les auraient abrogés et prise leur relève [...] Cette attitude de narcissisme religieux […] explique en grande partie le terrorisme islamique et la résistance d’un nombre important de musulmans d’Occident à s’adapter aux valeurs des sociétés laïques de tradition chrétienne où ils vivent […] », remarque t-il. 205 Mohamed Bechri, « Adolph Hiter et la conception d’un mensonge réussi », traduit par le Memri (www.memri.org), 26 janvier 2005. 206 Cette citation et les suivantes sont tirées de l’article « Un penseur tunisien réformateur : La laïcité est vitale pour l’avenir du monde arabe et musulman », traduit par le Memri (www.memri.org), 6 juin 2005. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 96 Il faut donc encourager le dialogue des religions en organisant des colloques, des manifestations culturelles et en médiatisant ces évènements, préconise t-il. De manière plus radicale - mais le terrorisme n’appelle t-il pas une réponse plus ferme ? – Latif Lakhdar appelle les organisations mondiales et internationales à « considérer l’instruction religieuse de la plupart des pays arabes et islamiques comme vivier du terrorisme, et beaucoup de médias religieux comme incitant à la haine et à la discrimination religieuse ». Il souhaite également une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies prévoyant une intervention militaire dans les cas où les islamistes une fois au pouvoir recourent à la force contre les femmes, les minorités ou ils refusent l’alternance démocratique. Laïcité, modernisation de l’enseignement religieux, interprétation critique du Coran et discours interreligieux sont les clefs de voûte de la modernisation de l’islam qui entraînera par cascade la chute de l’islam militant. On peut ne pas être d’accord avec toutes les réflexions de ces penseurs. Mais le plus important reste qu’ils constituent un mouvement réformateur très important, qui pourrait être à même de faire entrer l’islam dans la modernité. Or, comme cela a été précédemment noté, ces penseurs sont souvent condamnés à mort dans leur propre pays ou interdits de parole. L’Occident à tout intérêt à favoriser ce mouvement, à mener une guerre idéologique à leur côté en mettant en avant leurs !uvres, qui sont salutaires tant pour le monde musulman que pour les musulmans vivant en Occident, tentés vers un repli communautaire inquiétant. Nos islamologues et autre spécialistes de l’islam autoproclamés devraient encore plus tenir compte des franches critiques apportées par ces intellectuels à leur propre religion. Cela leur permettrait peut-être d’éviter le ridicule en affirmant que l’Occident est le seul responsable de la recrudescence de l’islamisme ou encore en soutenant que les médias créent l’islamophobie en Europe en interprétant à tort l’islam véritable… D’aucuns objecteront que vouloir moderniser l’islam est utopique. Il est vrai que l’histoire leur donne raison. Le mutazilisme, courant rationaliste de l’islam, après avoir été la doctrine officielle de l’islam sous le calife Ma’mûn en 827, n’est-il pas peu à peu tombé en désuétude ? Son enseignement n’a-t-il pas été interdit et ses partisans pourchassés ? On ne compte d’ailleurs plus le nombre de réformateurs ayant subis la peine d’apostasie pour avoir tenté de moderniser l’islam. Les penseurs actuels subissent le même sort. Certes. Mais derrière le système politico-religieux de l’islam, existent des individus. Et discuter avec un musulman d’Istanbul, chef d’entreprise adepte du libéralisme, ou avec une jeune musulmane française qui n’est pas pratiquante, avec un saoudien ou un mollah iranien permet de comprendre que les fidèles font de leur religion ce qu’ils en veulent. Que certains déclarent que ce n’est pas le véritable islam ne changera pas le fait que certains musulmans se sont détachés des textes fondateurs en modernisant leur religion. Le Maroc a modernisé le statut de la femme en droit de la famille alors même que le Coran prône l’inégalité entre l’homme et la femme. L’Iran, où la lapidation est encore présente, a accordé aux femmes le droit d’exiger le divorce. Anne-Marie Delcambre, dans son dernier ouvrage207, apporte l’exemple d’un professeur d’Arabie Saoudite, accusé de s’être moqué de la religion musulmane. Pour cette offense, il a été condamné à 50 coups de fouet. Comme le souligne l’auteur, la sentence est légère par rapport aux textes islamiques. Cela démontre que l’Arabie Saoudite, dont on connaît l’influence fondamentaliste, n’a pas suivi les textes fondateurs de l’islam pour 207 Anne-Marie Delcambre, « La schizophrénie de l’islam », Desclée de Brouwer, 2006. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 97 sanctionner, certes de façon aberrante pour un occidental, une personne qui risquait l’apostasie. Cela signifie que « le respect strict de la charia ne peut plus ignorer totalement l’éthique universelle des droits de l’homme » conclut l’auteur. Cela signifie que l’islam peut s’écarter des textes fondateurs et s’imprégner de valeurs étrangères. Il est évident que tout changement ne se fera pas rapidement, il est évident aussi que ces changements seront combattus par les plus fondamentalistes. Il n’en reste pas moins que d’une manière générale, l’islam sera ce que voudront en faire les musulmans. Les individus auront toujours la possibilité de surpasser un système, il en a toujours été ainsi. La mondialisation permettra à la modernité d’imprégner de plus en plus l’islam. C’est dans cette optique que l’Occident devra appuyer cette force de modernité pour qu’elle prenne le dessus sur la force conservatrice qui tient l’islam depuis des siècles. Il s’agit d’un véritable combat d’idées qui durera vraisemblablement de très longues années. Par ailleurs, quelles autres solutions propose t-on une fois que l’on a dit que l’islam ne pourra jamais être réformé ? Doit-on, comme le souhaite Ann Coulter, journaliste et figure de l’aile la plus dure des conservateurs américains, envahir tous les pays musulmans et les convertir au christianisme ? L’argument est tellement absurde, méprisant, irréalisable et dangereux qu’il n’y a pas lieu de s’attarder dessus. D’autres solutions ont le vent en poupe, notamment parmi les courants identitaires et d’extrême droite, en France en particulier. Puisque le problème vient de l’islam, la solution consisterait à bouter hors de France tous les musulmans, à supprimer la nationalité française à ceux qui l’ont obtenu et à interdire l’islam. Cela résoudrait le problème du terrorisme et de l’islamisme, prophétisent les tenants de cette solution. Mis à part l’évidente xénophobie et du racisme qui se dégagent de ces arguments208, on se heurte à d’évidentes questions pragmatiques ? Comment reconnaître les musulmans de France ? Faudra t-il créer une police spéciale destinée à vérifier si une personne est bien musulmane ? Devra t-on vérifier les 60 millions de français ou devra t-on se fier au faciès des gens ? Toute personne un peu mate sera-t-elle tenue de prouver qu’elle n’est pas musulmane ? Mais dès lors, quid des convertis, ces émirs aux yeux bleus qui ne ressemblent pas au musulman fantasmé par ces gens haineux ? Peut-être devrait-on renvoyer chez eux toutes les personnes ayant un nom à consonance maghrébine ou africaine ? Mais avec ce système nous pourrions renvoyer des personnes comme Mohamed Sifaoui, Rachid Kaci, Messaoud Bourras, Kebir Jbil et tous les autres qui luttent contre l’islamisme bien plus que ces graines de racistes. Et puis où les renvoyer ? Dans un pays qui n’est pas le leur ? Les pays maghrébins ou africains accepterontils par ailleurs de recevoir les quelques millions d’individus musulmans peuplant la France ? Et après ? Faudra t-il fermer les frontières ? Faudra t-il utiliser une police aux frontières spéciale pour vérifier si une personne désirant entrer sur le territoire national n’est pas musulmane ? Comment en être sûr ? Il est inutile de continuer plus loin car ces « solutions » n’en sont pas. Elles exigeraient la mise en place d’un système fermé surveillant les moindre gestes des citoyens pour déceler le musulman et le bouter hors du pays. Non seulement ce système est impossible car ingérable, 208 Tout comme l’antisionisme est devenu l’habit politiquement correct de la nouvelle judéophobie, on peut sans peine avancer que le « musulman » a remplacé l’« arabe » dans la dialectique raciste. Sous couvert de critique de l’islam, les courants xénophobes et racistes ont trouvé une nouvelle façon de propager leur haine. Ce qui est d’autant plus dommageable pour ceux qui tentent de rationaliser le débat et de critiquer de façon constructive une religion qui a grand besoin d’entrer dans la modernité. Cela a permis également aux tenants de l’islam militant de faire croire qu’une critique de l’islam est assimilable au racisme, empêchant ainsi tout débat sur la question. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 98 non seulement il est liberticide et porte atteinte à tous les citoyens et en premier lieu les musulmans qui vivent en France en toute tranquillité, mais surtout il reflète une idéologie franco-française de repli de soi. Il n’est d’ailleurs pas étonnant de constater que, souvent, ces arguments anti-musulmans s’accompagnent également d’arguments antiaméricains, anti-juifs, anti-mondialistes illustrant ce repli identitaire. Il est une chose de lutter contre l’islam militant ou de mettre en évidence les scories de la religion musulmane mais il en est une autre de voir dans toutes personnes s’affichant de religion musulmane un ennemi qu’il faudrait éliminer. Cela étant, cet extrémisme ne vient pas du fait que les français sont tous intrinsèquement racistes, comme voudraient le faire croire les démolisseurs de la République. Non, de nombreux français sont excédés par une délinquance, en majorité maghrébine et africaine, qui sape leur quotidien209. Les français sont excédés par cette hypocrisie ambiante qui consiste à refuser de voir en face les problèmes liés à une immigration que la société française n’arrive plus à assumer, économiquement et socialement. Les français sont excédés par le dénigrement perpétuel des valeurs qui ont construit leur pays. Les français sont excédés par la perte graduelle de leur identité et par la part croissante de l’islam dans leur société. Vouloir ouvrir le débat sur ces problématiques est une attitude saine et responsable. Mais cela ne doit pas servir d’exutoire à tous les prêcheurs de haine dont les thèses sont les bases de systèmes liberticides prônant la haine de l’autre à l’instar des islamistes qu’ils disent combattre. La lutte contre l’islam militant exige en outre que l’on agisse à un niveau planétaire et pas seulement à un niveau franco-français. Agir sur l’immigration en France ou interdire l’islam en France - raisonnement étrange venant de ceux-là même qui éructent contre les lois antiracistes qui sont pour eux liberticides - ne fera pas diminuer la menace islamiste qui, elle, est planétaire. Cela reviendrait à agir sur les symptômes et pas sur les causes profondes du problème. Seule une réponse globale sur les origines du phénomène sera à même de faire reculer l’islam militant. Par la même, les problématiques françaises s’estomperont d’ellesmêmes, en tous cas, celles liées à l’islam militant. Pour ce faire, l’Occident a besoin d’un Europe forte, qui abandonne ses réflexes néomunichois, et d’une alliance américano européenne beaucoup plus vigoureuse. G/ Pour une Europe réintégrée dans le processus historique a) Le nécessaire sursaut européen La vieille Europe est victime de ses propres principes de tolérance et de pacifisme. Elle est également victime d’un profond sentiment de culpabilité qui l’empêche de cerner le phénomène de l’islam militant et les mesures à adopter pour endiguer ce nouveau totalitarisme. L’Europe doit prendre conscience de la menace qui pèse sur elle et ne plus croire qu’elle peut rester en dehors de l’Histoire, spectateur de la destruction de la civilisation à laquelle elle appartient. Les évènements dramatiques qui se sont produits aux Pays-Bas, en Belgique, en Espagne ou en Angleterre, pays les plus tolérants, préconisant le multiculturalisme depuis de longues 209 Les émeutes de la fin 2005 en France, celles plus calmes de mars 2006 où le racisme anti-blanc était à peine voilé dans les actes barbares de certains manifestants, ont montré que cette délinquance n’était pas un fantasme mais bien une dure réalité. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 99 années et qui ont fait les frais de tant de laxisme, ont légèrement ouvert les yeux aux européens en leur faisant comprendre que l’islam militant s’était installé depuis longtemps dans leur pays, sapant peu à peu les fondements de leur sociétés. L’Europe doit se débarrasser de sa culpabilité et réfléchir aux limites du multiculturalisme prôné par les bien pensants. Les politiques doivent prendre position contre toutes les tentatives des islamistes cherchant à instaurer la charia comme principe de vie supérieur aux autres. Les européens ne doivent pas céder à certaines revendications comme le refus de la mixité, de la laïcité, de l’égalité entre hommes et femmes. Nos politiques doivent favoriser l’intégration de tous les musulmans souhaitant vitre leur religion dans le respect de nos valeurs, sans prosélytisme comme tous les autres de leurs coreligionnaires. L’Europe doit cesser l’utilisation de la langue de bois, doit abandonner son relativisme culturel prônant que toutes les cultures se valent. L’Europe doit réaffirmer avec force les valeurs de l’Occident qui sont les siennes. Il faut également faire cesser ce chantage à l’islamophobie. Tant que la question de l’islam, tout comme celle de l’immigration resteront l’apanage des discours de partis extrémistes, synonyme d’opprobre, aucun débat ne pourra être engagé efficacement. L’Europe doit surtout lancer un débat public afin d’affirmer clairement l’incompatibilité de certains dogmes de l’islam véhiculés par les tenants de l’islam militant. Plus que des interdictions, c’est un véritable contrepoids idéologique qui doit être mis en place, et ce nonobstant les enjeux électoraux et économiques. b) Le crépuscule français La France est l’exemple même de cette sclérose intellectuelle qui touche la vieille Europe et qui l’empêche de percevoir tous les aspects, notamment idéologique, de l’islamisme et du terrorisme djihadiste. Si la France veut gagner cette bataille idéologique, elle devra au préalable se débarrasser de certains de ses réflexes intellectuels. L’Occident toujours coupable Pascal Bruckner l’avait prophétisé dans son « sanglot de l’homme blanc ». Pour de nombreux intellectuels français, l’islamisme ne serait qu’une réponse à une domination de l’Occident sur le reste de la planète. Par conséquent, bien que dénonçant le recours à cette violence, ils en comprennent les motifs et les légitiment par la même occasion puisque nous ne subirions qu’un juste retour des choses. Nous paierions pour nos fautes, réelles ou imaginaires. Le paradigme de ce sentiment de culpabilité s’est illustré en première page du quotidien « Le Parisien » au lendemain des attentats de Londres de juillet 2005. « Al-Qaïda punit Londres » pouvait-on lire à la Une. Ainsi, la mort d’hommes, de femmes et d’enfants dans ces sanglants attentats ne serait, dans l’inconscient collectif français, qu’une punition en réaction à nos mauvaises actions. Les victimes deviennent ainsi des bourreaux justement exécutés. Cette aberration mentale est quelquefois montrée du doigt par des esprits éclairés. Alain Marsaud, ancien magistrat antiterroriste déclarait au Figaro Magazine après les attentats de Londres « Il serait temps que les responsables politiques cessent de dire que tout le Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 100 monde est gentil et que la société occidentale aurait perverti un certain nombre d’individus. Les attentats ne résultent pas de cela. Nous sommes en plein syndrome de Stockholm ! Or, nous ne sommes pas ces « salauds » qui devraient « expier ». 210 Cachez cette réalité que je ne saurais voir Durant les élections présidentielles françaises de 2002, Jean-Marie Le Pen est arrivé au deuxième tour créant un séisme politique sans précédent. Les sociologues « officiels » de la République comme la majorité des intellectuels n’ont pas cru bon de s’interroger sur les motivations qui poussaient l’électorat du Front National à voter ainsi. Ils ont préféré décréter que si le Front National avait obtenu un tel score, c’était tout simplement parce que les médias mettaient trop l’accent sur l’augmentation de la violence, notamment dans les banlieues. Pour éviter un nouveau cataclysme, il suffirait simplement de ne pas en parler. C’est d’ailleurs pour cela que nos sociologues officiels sortent de l’ombre à chaque montée de délinquance pour nous rassurer avec de beaux discours lénifiants nous jurant sur l’honneur que la délinquance à toujours existé, qu’il n y a pas de quoi s’inquiéter, et ce, au mépris des statistiques et de l’actualité qui prouvent le contraire. Les émeutes de l’automne 2005 et celles de mars 2006 liées aux manifestations contre le gouvernement français montrent à quel point leurs discours sont faux. Ce même mécanisme s’applique à l’islam militant. Car en parler implique que l’on parle de l’islam. Or, aborder ces sujets en France devient tabou car, dit-on, cela serait faire le jeu du Front National. Par le mécanisme du « reductio ad hitlerum », toute analyse impliquant une réflexion sur ces sujets est immédiatement diabolisée. La France a même importé le néologisme « islamophobie », crée en Grande-Bretagne en 1996 par la « Commission d’étude sur les musulmans britanniques et l’islamophobie ». Alors que la France a connu le siècle des lumières et enseigne encore à ses élèves les textes de Voltaire particulièrement virulent face à la religion chrétienne, il est presque impossible au 21ème siècle de critiquer l’islam en tant que religion sans être taxé de raciste et être traîné devant les tribunaux ! A titre de sinistre exemple, le rapport Obin, qui a notamment dénoncé les dérives religieuses de certains musulmans dans les écoles, a été taxé d’islamophobe. Décrire la réalité deviendrait presque un délit en France. Certains intellectuels s’évertuent même à prouver que ce sont nos médias, en osant diffuser des reportages sur des prêches anti-occidentaux d’imams appelant à la guerre sainte, qui créent l’islamophobie en France. Nos médias devraient donc taire cette réalité pour ne pas faire le jeu d’extrémistes, qui il est vrai, se servent de certaines de ces analyses pour alimenter leur xénophobie. On note d’ailleurs une confusion dans l’interprétation donnée au mot islamophobie. Daniel Pipes l’a très bien exprimé : « Deuxièmement, s’il existe certainement des préjugés contre les Musulmans, l’ « islamophobie » fait un amalgame trompeur entre deux phénomènes distincts : la peur de l’Islam et la peur de l’Islam radical »211. Ce que n’ont visiblement pas compris ces dictateurs de la pensée, c’est que la dissimulation des actions islamistes en France ne fera qu’augmenter le décalage entre le discours officiel de nos médias et la réalité vécue par les français, ce qui engendrera par la même la montée des extrémismes politiques. 210 Entretien avec Alain Marsaud, «Les islamo-fascistes nous ont déclaré la guerre », Le Figaro Magazine, 30 juillet 2005. 211 Daniel Pipes, « Islamophobie », New York Sun, 25 octobre 2005. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 101 En outre, les musulmans progressistes ont besoin de notre appui idéologique si l’on souhaite que l’islam se modernise. Nos peurs et notre silence coupable ne font que renforcer la position des islamistes et décourager les musulmans qui ne souhaitent qu’une seule chose, vivre leur religion en paix tout en bénéficiant de la modernité ce qui ne pourra se faire que par une réforme de l’islam. Il est d’ailleurs tout à fait symptomatique de voir que des spécialistes musulmans de l’islam peuvent critiquer leur religion dans leur pays alors qu’en France tous nos islamologues « officiels » parlent la langue de bois et n’osent pas affronter un débat ouvert et dépassionné sur le sujet. C’est dire le terrorisme intellectuel qui sévit en France. La France, et par extension l’Europe, doit cesser de trouver des substituts aux réelles causes de l’islam militant et cesser cette langue de bois si désastreuse. Cette langue de bois, qui comme l’indique André Grjebine « permet, elle, de renoncer à notre faculté de juger, pour nous réfugier dans le conformisme ouaté du politiquement correct. Elle nous dispense ainsi d’affronter un problème angoissant qui exige clairvoyance et courage. » 212. H/ Une guerre de représentation pour les EtatsUnis Les Etats-Unis sont les seuls à l’heure actuelle à avoir les ressources humaines et financières pour agir sur le plan militaire. La force aura peut-être permis d’instaurer la démocratie en Irak et créer un nouvel ordre géopolitique propre à lutter contre l’obscurantisme religieux. Toutefois, cela ne suffira pas. Il faudra que l’influence occidentale et les gouvernements prooccidentaux qui naîtront dans ces régions apportent plus de liberté notamment en donnant plus de pouvoirs aux musulmans progressistes. Eux seuls auront la légitimité de faire entrer l’islam dans la modernité, pas les occidentaux. Le risque majeur, très présent en Irak, est que la déstabilisation des régimes dictatoriaux du Moyen-Orient n’aboutisse temporairement du moins à une influence grandissante de l’islam militant dans ces sociétés. C’est pourquoi les Etats-Unis devront agir sur deux axes : ! ! Favoriser la libéralisation économique et politique des pays musulmans. Le développement économique s’accompagnera alors d’un développement culturel des populations notamment par le biais d’une meilleure instruction et d’une plus grande ouverture sur le monde. Favoriser l’expansion des musulmans progressistes et la diffusion de leurs idées dans les médias. a) L’image des Etats-Unis dans le monde, une difficulté à surmonter Mais le plus important reste que les Etats-Unis modifient leur image dans le monde et notamment dans le monde musulman. La haine antiaméricaine, triste rançon de leur suprématie, n’a jamais été aussi grande, si bien que toute action de leur part est suspectée d’objectifs égoïstes et impérialistes cachés. Tant que les Etats-Unis n’auront pas réglé ce problème de crédibilité et ne prendront pas assez en compte l’opinion musulmane, leur politique perdra en efficacité. En outre, la compréhension de l’idéologie qui se cache derrière ce nouveau totalitarisme doit être au c!ur de leur lutte qui ne doit pas s’analyser comme un simple déficit politique et économique. 212 « Du bon usage de langue de bois », André Grjebine, le Figaro, 11 novembre 2004. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 102 b) Une nouvelle approche de l’islam militant On note d’ores et déjà une évolution dans la lutte anti-terroriste des américains. La maison blanche commence à comprendre que la démocratisation par la force ne sera pas suffisante. Pour reprendre les termes de Daniel Pipes213, Washington comprend enfin l’islam radical. Elle s’intéresse désormais aux racines du phénomène, non pas la pauvreté, ni la politique étrangère des Etats-Unis mais bien à cette idéologie politique séduisante issue de l’islam. L’objectif est désormais d’encourager l’expansion d’un islam inoffensif en promouvant les efforts des musulmans modérés dans le monde. C’est ainsi que Washington finance maintenant des programmes de radio et de télévision islamiques, des cours dans des écoles musulmanes, des ateliers de travail politiques et d’autres actions promouvant un islam modéré. Au Kirghizstan, les Etats-Unis ont aidé à restaurer un lieu saint du soufisme, doctrine ésotérique de l’islam très éloignée de l’orthodoxie sunnite. Au Pakistan, les fonds américains servent à créer des madrasas modèles en y introduisant des disciplines comme les sciences, les mathématiques, etc. Sur les 21 milliards de dollars de fonds de l’Agence américaine pour le développement international, plus de la moitié sont alloués au monde musulman et servent à la création de projets tels que décrits précédemment. Dans le cadre du projet Grand Moyen-Orient, l’administration Bush a alloué 207 millions de dollars aux réformes du système éducatifs arabe214. Cette évolution de politique à l’égard de l’islam militant s’est également concrétisée par la mise en place du programme Start (Centre national pour l’étude du terrorisme et de a réponse au terrorisme) : « Un de nos objectifs principaux est de comprendre comment la rue musulmane perçoit le message terroriste, comment une frange se radicalise et passe à la terreur » explique le directeur du programme215. Mais il n’y a pas qu’à l’extérieur des Etats-Unis que cette compréhension de l’islam radical se fait sentir. Preuve en est l’émergence d’un islam progressiste qui souhaite rompre avec l’islam conservateur. Amina Wadud, afro-américaine musulmane a suscité une vive polémique en dirigeant une prière mixte à New York216. On peut également citer l’organisation « Free Muslim against terrorism » dont le fondateur, Kamal Nawash, américain d’origine palestinienne, se bat depuis des années contre la résurgence d’un islam conservateur. Un véritable mouvement de liberté est en train de voir le jour et qui doit être encouragé par tous les moyens tant dans les pays occidentaux que dans les pays musulmans. I/ Un nouvel axe euroaméricain Tous les grands spécialistes de la politique étrangère américaine actuels, de Brzezinski à Lawrence F. Kaplan, insistent sur le fait que les Etats-Unis doivent s’unir avec le reste du monde pour combattre ce nouveau totalitarisme. Les récents discours du Président Bush, demandant à tous les pays musulmans de combattre l’islam militant vont dans ce sens. Reste à 213 « Washington comprend enfin l’islam radical », Daniel Pipes, FrontPageMagazine.com, 25 avril 2005. « Les USA allouent 270 millions de dollars aux réformes du système éducatif arabe afin de détourner la jeunesse de l’extrémisme », www.proche-orient.info, 22 avril 2005. 215 « Une nouvelle approche pour cerner l’ennemi », Le Figaro, 30 juillet 2005. 216 « Aux Etats-Unis, la naissance d’un nouvel islam », Liberation, 18 mars 2005. 214 Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 103 savoir si l’Europe choisira cette voie plutôt que de profiter de cette haine antiaméricaine pour créer un contrepoids à cet ennemi héréditaire. Certains analystes français qui mettent en avant un nouvel axe euro-américain envisagent d’ores et déjà un éloignement d’avec les Etats-Unis : « Les relations entre les EtatsUnis et les peuples du MoyenOrient arabe sont actuellement si mauvaises qu’il y a lieu pour els européens comme pour les américains de s’interroger sur l’opportunité, ou plutôt l’inopportunité, d’une convergence euroaméricaine autour des grands problèmes qui se posent dans la région. Une association trop étroite entre l’Europe et les EtatsUnis risque de confirmer aux yeux de l’opinion arabe ce que martèlent les groupes djihadistes : le pays de la mécréance constitue un tout, les juifs et les croisés étant décidés à poursuivre l’humiliation des vrais croyants » 217. Cette stratégie serait intéressante si l’Europe ne poursuivait pas sa realpolitik à l’égard du Moyen-Orient et ne souhaitait continuer sa politique de stabilité qui, nous l’avons vu, n’est pas une solution pour lutter contre l’islam militant. En outre, ce détachement des Etats-Unis, censé apaiser le monde musulman et créer un effet de sanctuarisation de l’Europe, est totalement illusoire. Le cas de la France, dont la politique « pro arabe » et antiaméricaine aurait dû permettre cette sanctuarisation, est édifiant puisque nonobstant cette scission d’avec les Etats-Unis, cela n’a en rien empêché les menaces islamistes et djihadistes sur son sol. D’autres analystes218 ont vu dans le second mandat du Président Bush un pragmatisme plus important. Ce pragmatisme permettrait de rapprocher les Etats-Unis de l’Europe dans la lutte contre le terrorisme. Relevons d’abord que le pragmatisme affiché de l’administration Bush depuis 2004 n’a rien à voir avec la realpolitik européenne. Le néoconservatisme est, selon l’expression d’Yves Roucaute, un moral-réalisme. L’Europe n’a absolument pas intégré l’élément moral, et si sur le plan de la politique étrangère certains dossiers présents et futurs, comme le dossier iranien ou celui de la Syrie, ont rapproché l’Europe des Etats-Unis, on ne peut absolument pas en dire autant de la lutte anti-terroriste sauf peut-être dans son aspect policier, qui, comme cela a été précédemment indiqué n’est pas suffisant. Pour se convaincre du fossé encore important entre les Etats-Unis et l’Europe, il suffit de rappeler les principaux extraits du « Discours sur l'état de l'Union » prononcé par George W. Bush le 31 janvier 2006. « Personne ne peut nier le succès de la liberté, mais il provoque la colère et l'opposition de certains hommes. L'une des principales sources de réaction et d'opposition est l'islam fondamentaliste, la perversion par un petit nombre d'une foi noble en une idéologie de terreur et de mort. Des terroristes comme ben Laden sont sérieux au sujet des assassinats de grande ampleur et nous tous devons prendre au sérieux leurs intentions déclarées. Ils cherchent à imposer un système cruel de contrôle totalitaire dans tout le MoyenOrient et à se doter d'armes de destruction massive. Leur but est de s'emparer du pouvoir en Irak et de se servir de ce pays comme d'une base sûre pour lancer des attaques contre les ÉtatsUnis et le reste du monde. N'ayant pas la puissance militaire nécessaire pour nous défier directement, les terroristes ont choisi l'arme de la peur. Quand ils assassinent des enfants dans une école de Beslan ... ou qu'ils font exploser des trains de voyageurs à Londres ... ou qu'ils décapitent un prisonnier aux mains liées ... les terroristes espèrent que ces horreurs briseront notre volonté et permettront aux violents de se rendre maîtres de notre monde. Ils ont cependant fait un mauvais calcul car nous chérissons notre liberté et nous lutterons pour la conserver. […]En laissant l'islam fondamentaliste faire ses quatre volontés, en 217 218 François Heisbourg, op.cit Justin Vaïsse, « L’hiver du néoconservatisme », Politique internationale, 110 hiver 2006. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 104 laissant un monde agressé se débrouiller tout seul, nous indiquerions à tous que nous ne croyons plus à nos idéaux ni même à notre courage. Nos ennemis et nos amis peuvent cependant être certains que les ÉtatsUnis ne se retireront pas du monde et qu'ils ne capituleront pas devant le mal. » Présenter l’islam fondamentaliste comme source du terrorisme, oser mettre en avant les actes abjects de ces terroristes, parler d’idéaux et de non capitulation face au mal, voilà un discours qui ne sera jamais prononcé en Europe, sans doute trop attachée à consacrer son projet Eurabia. La différence de réaction entre l’Europe et les Etats-Unis après la victoire des terroristes du Hamas est également significative du fossé qui sépare ces deux pôles de l’Occident : D’un côté, une Europe qui souhaite toujours financer des palestiniens dirigés par des terroristes, ajouté à la déclaration normande du Président Chirac « La France souhaite que le prochain gouvernement palestinien fasse le choix de la paix, qui passe par le renonciation à la violence, la reconnaissance d’Israël et le respect des accords internationaux. C’est ainsi que pourront s’établir les relations avec l’Union européenne ». Cette volonté politique s’est traduite en avril 2006 par l’invitation par le conseil de l’Europe de parlementaires palestiniens y compris un représentant du Hamas, organisation qualifiée par l’Europe même de terroriste . La France aurait même déjà entamé des pourparlers avec le Hamas durant le mois de mars 2006. De l’autre, une réponse claire et directe des Etats-Unis : « Notre politique est très claire : nous ne donnons pas d’argent aux organisations terroristes. Nous allons devoir revoir tous les aspects de notre programme d’aide aux palestiniens ». Bien que pragmatique, le néoconservatisme de l’administration Bush est donc toujours bien présent dans les faits et bien éloigné de la politique de l’Europe sur le terrorisme. Gageons donc que la politique américaine ne se rapproche pas de celle européenne au risque d’entraîner l’Occident derrière elle. Un autre danger serait un retour à une politique isolationniste des Etats-Unis. Le peuple américain, si la guerre en Irak devenait trop meurtrière, serait tenté, comme certaines tendances le font sentir actuellement, de se refermer sur lui-même, ce qui serait une catastrophe pour l’Europe. Le Président Bush, dans son « Discours sur l'état de l'Union » a clairement rejeté cet appel à l’isolationnisme en déclarant : « L'Amérique rejette le confort trompeur de l'isolationnisme. Nous sommes la nation qui a préservé la liberté en Europe, libéré les camps de la mort, aidé à construire les démocraties et qui a fait face à un empire diabolique. Une fois de plus, nous acceptons l'appel de l'histoire pour libérer les opprimés et faire avancer ce monde vers la paix. ». Toutefois, il n’est pas certain qu’un nouvel attentat, l’arrivée au pouvoir des démocrates ou une déconfiture en Irak et/ou en Iran, ne ravive cet élan. Le mouvement néoconservateur, parce qu’il a osé secouer le statu quo si cher aux tenants de politique réaliste, est attaqué de toute part tant par les démocrates que par les conservateurs américains qui ne voient que les résultats négatifs (difficultés en Irak, antiaméricanisme mondial, etc…) de la politique de l’administration Bush sans en appréhender les conséquences positives sur le long terme et sans réaliser que leur politique, qui a guidé l’Occident pendant des décennies, est responsable de la situation actuelle. Le retour à une politique réaliste permettrait sans doute un retour au calme diplomatique, une meilleure image des Etats-Unis sur le court terme, mais en aucune façon Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 105 cela ne règlerait le problème de l’islam militant, ce dernier se nourrissant de la complaisance de l’Occident à l’égard des sociétés corrompus de la région Proche ou Moyen-Orientale. Une union occidentale est nécessaire car si l’on veut combattre l’islam militant idéologiquement, il faut impérativement une union forte. Car, comment vouloir un changement politique, économique et surtout idéologique si l’Occident n’est pas uni et convaincu de ses propres actions et de ses propres valeurs ? Cette scission occidentale n’est en réalité qu’un frein à cette lutte et ne fait que renforcer les attaques intérieures et extérieures des ennemis de la liberté. Alexandre Del Valle résume très bien cette nécessité en écrivant : « Qu’ils le veuillent ou non, les Européens d’Eurasie et ceux du nouveau monde sont tous confrontés à la même menace : celle du terrorisme islamique. Ce nouvel ennemi a déjà frappé à plusieurs reprises des Etats aussi différents que la France, les EtatsUnis, le RoyaumeUni, l’Argentine, la Russie et Israël, véritable appendice occidental en plein c!ur de l’océan araboislamique. Du point de vue islamiste, tous les pays occidentaux relèvent de la catégorie des « infidèlesoppresseurs » et des « impérialistes » satanisés. A ceci près que l’Europe est perçue comme le maillon le plus faible de cette entité, son « ventre mou », incapable de résistance et d’autonomie stratégique. D’où la nécessité d’arrimer la Russie à l’Europe occidentale, la première apportant à la seconde son énergie, sa profondeur stratégique et sa « force de frappe ».219 Une alliance entre l’Europe et les Etats-Unis serait donc souhaitable, non par simple angélisme, mais tout simplement par intérêt. A l’heure actuelle, l’Europe reproduit l’erreur jadis commise par les Etats-Unis. Elle essaie d’instrumentaliser l’Islam tout en se rapprochant des états arabes. Il n’est pas certain que cette alliance soit fructueuse à moyen ou long terme. Un rapprochement entre les Etats-Unis et l’Europe serait bien plus efficace, d’abord pour des raisons civilisationnelles évidentes, et surtout parce que cette dissension fait le jeu des islamistes et concoure à la mort de l’Occident. Les Etats-Unis ont modifié leur politique étrangère avec l’ascension du courant néoconservateur. Ils ont choisi de remodeler une région qui engendre la haine de l’Occident, par la force s’il le faut. Cette solution n’était pas la plus rapide et la plus aisée, c’est une évidence, mais elle commence à porter ses fruits. Le revers de la médaille est que l’image des Etats-Unis dans le monde s’est dégradée très fortement délégitimant de facto ses actions ; actions mal comprises ou caricaturées tant dans le monde musulman qu’au sein de la vieille Europe. Cela ne peut-être qu’improductif. Le deuxième mandat du Président Bush a permis de remédier à cela avec plus ou moins de succès. Toutefois la folie iranienne et l’ascension du Hamas sont des mauvais signes pour l’avenir. Ils signifient que des décisions importantes seront à prendre et ces décisions risquent, une fois encore, d’être mal perçues par les européens et le monde musulman. Les Etats-Unis devront donc être très vigilants afin de modifier cette perception avant d’agir s’ils ne veulent pas tomber dans le piège irakien. L’Europe, quant à elle, a confirmé son statut d’entité hors de l’histoire. Par crainte, pas calcul géopolitique, par relativisme, elle ne souhaite plus s’impliquer dans les relations du monde continuant sa politique cynique qui est une des causes de la montée de l’islam militant dans certaines régions. Le recours à la force, même s’il a des conséquences terribles, est parfois 219 Alexandre Del Valle, « Plaidoyer pour le pan-occidentalisme », Politique Internationale n°109, Automne 2005. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 106 nécessaire comme l’a montré la 2ème guerre mondiale qui a permis de stopper l’utopie totalitariste du nazisme. La division entre l’Europe et les Etats-Unis n’a rien eu de positif. Si des spécialistes français ont vanté cette division, les faits viennent les contredire. Les Etats-Unis ont perdu l’expérience du monde musulman que pouvait leur apporter l’Europe, expérience qui leur aurait permis de mieux gérer l’après Saddam, point faible de l’administration Bush comme elle l’a reconnue elle-même. Cette division a également ravivé l’antiaméricanisme séculaire des européens qui est sans nul doute une des causes de la mauvaise perception de la menace actuelle par nombre de personnes. Cet antiaméricanisme cumulé à la division politique entre européens et américains est une aubaine pour les tenants de l’islam militant qui y voient un moyen d’imposer les principes de leur totalitarisme en marche. La position consistant à ne voir de ce phénomène qu’un problème de police, un déséquilibre entre pays pauvres et pays riches ou encore une émanation du conflit israélo-palestinien est suicidaire. Suicidaire car elle ne prend pas du tout en compte la donnée idéologique véhiculée par l’islam militant. Confessionnalisme, communautarisme, islamisme et djihadisme sont issus de la même réalité : la résurgence de l’islam et sa confrontation avec la modernité. La cible privilégie reste donc l’Occident, moteur de cette modernité. Mais pas seulement, car des courants modernistes existent au sein même de l’islam, faisant d’eux des victimes au même titre que les occidentaux. L’enjeu est donc la place de l’islam dans le monde et son entrée dans la modernité. L’enjeu est une lutte entre les tenants de la liberté et ceux qui la nient. Comme le résume parfaitement Guy Millière220, c’est la bataille au c!ur de l’islam qui est en jeu. Plus que la politique étrangère des Etats-Unis, voire de l’Europe, c’est l’absence de liberté qui a conduit le monde musulman à sa crise actuelle. Absence de liberté politique, absence de liberté économique et absence de liberté intellectuelle sont un moteur de frustration pour les peuples musulmans qui trouvent dans l’islam militant une autre voie pour expliquer le monde actuel et mettre en place par la force une utopie meurtrière. Les musulmans progressistes ont compris cet état de fait depuis longtemps déjà, les Etats-Unis en prennent conscience également. L’Europe quant à elle n’a pas encore franchi ce pas. L’urgence est pourtant évidente… A l’Occident de favoriser les mouvements progressistes musulmans pour que l’islam militant soit vaincu et que surgisse un islam moderne. Et si nous n’y arrivons pas ? Et si la sécularisation de l’islam ne devient pas une réalité ? Et si la liberté ne s’étend pas dans le monde ? Et si l’Europe continue son chemin de dhimmitude ? Les scénarios sont ouverts. Le rapport du National Intelligence Council, organisme consultatif formé d’agents de renseignement et de militaires, a effectué des analyses prospectives sur ce que serait le monde en 2020221. Emergence de la Chine et de l’Inde, mutation d’Al-Qaïda en plusieurs groupes islamistes ralliant pas la même les groupes ethniques et nationaux différents pour réaliser une entité transnationale, insécurité omniprésente, tels sont les principaux traits des années à venir. Une guerre totale est, selon ce rapport, très improbable. Toutefois, l’émergence d’une alliance entre la Russie, la Chine et le monde musulman est envisageable et pourrait conduire à des tensions importantes, notamment lorsque l’Iran officialisera son arme nucléaire. C’est ce qui explique le rapprochement, début 2006, des Etats-Unis avec 220 221 Guy Millière, op.cit. « Le rapport de la CIA, comment sera le monde en 2020 », Robert Laffont, 2005. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 107 l’Inde, puissance nucléaire, qui permettrait de faire contrepoids face à cette nouvelle alliance. Eu égard à la volonté de puissance régionale de l’Iran, des conflits ne sont pas à exclure. Mais il est en effet probable que cette alliance anti-occidentale préfère utiliser des moyens indirects, comme un soutien accru aux acteurs du terrorisme, pour lutter contre les Etats-Unis et surtout contre Israël (et dans une moindre mesure l’Europe qui pourrait se révéler un allié moins utile que prévu), plutôt qu’une attaque frontale impliquant une guerre totale. L’évolution de la région et notamment de l’Irak sera primordiale à cet égard. D’autres scénarios semblent plus pertinents comme celui d’un califat mondial attisant la haine anti-occidentale et les politiques identitaires ou bien celui d’une évolution vers une société fondée sur la peur d’attaques terroristes à grande échelle. Bien entendu, ces scénarios peuvent s’entremêlés. Rien n’est écrit, rien n’est inéluctable, d’où la nécessité de prendre conscience dès à présent des dangers qui guettent l’Occident. Une hypothèse, celle d’un califat mondial, où l’Europe, voire les Etats-Unis auraient perdu peu à peu leur identité occidentale, où l’islam militant aura gagné sa guerre, n’est pas une vu de l’esprit. Le journaliste Guillaume Dasquié, qui a enquêté sur Al-Qaïda pendant de nombreuses années, qui a su si bien mettre en évidence à la fois le fanatisme de nos adversaires mais également l’endormissement occidental face à ce nouveau totalitarisme, écrit de façon lucide et même poétique ce qu’il pourrait advenir de l’Occident : « Je ne nourris plus le moindre espoir sur la capacité de nos sociétés à absorber cette onde de choc ; encore moins sur l’efficacité de nos institutions judiciaires dans la lutte contre le terrorisme islamiste. C’est aussi pour cela qu’ils nous vaincront, par forfait de ce redoutable ennemi que nous devrions être pour eux, incapables d’opposer nos idées aux leurs, effondrés sur nos propres genoux, affaissés avance même le début du combat. Nous sautillons et nos poings gesticulent dans le vide, pour sauver les apparences, sans nous confronter réellement, sans nous battre jusqu’à tomber d’épuisement, dégoulinants de sueur, tapissés de bleus »222. Le plus vraisemblable donc reste une érosion lente des valeurs occidentales, un lent suicide parsemé de guerres civiles. A partir du moment où l’on ne croit plus à nos propres valeurs et que l’on est incapable de les défendre face à nos ennemis, il y a bien peu de chances de vaincre un ennemi qui, non seulement croit au sienne, mais les propage bien plus sûrement que nous. André Glucksmann nous le rappelle : « La civilisation est un pari. Double. Contre ce qui la nie et la menace d’annihilation. Contre ellemême, trop souvent complice passive ou aventuriste de sa disparition »223. L’Europe nous le démontre chaque jour un peu plus… 222 223 Guillaume Dasquié, « Al-Qa’ida vaincra », Flammarion, 2005. André Glucksman, « Ouest contre Ouest », Plon, 2003. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 108 Conclusion Résumons la situation actuelle : les Etats-Unis, dont la suprématie n’a jamais été aussi contestée, ont bouleversé le statu quo dans une région en proie à l’obscurantisme et la misère. L’Europe, quant à elle, est à la traîne politiquement, militairement et diplomatiquement et ne cesse de repousser son entrée dans l’Histoire en jouant le jeu des islamistes, celui d’une scission de l’Occident. Un nouveau totalitarisme a vu le jour, c’est un fait. L’actualité le démontre chaque jour plus intensément. L’islam militant risque de déstabiliser non seulement l’Occident mais également l’ensemble des pays musulmans par le biais d’un réflexe identitaire. Les adeptes du « tout, tout de suite » risquent d’être déçus : la lutte contre l’islam militant sera longue, très longue. Qu’ils n’espèrent pas obtenir des résultats concrets dans les quelques années à venir. Il s’agit de modifier la vision du monde de certains illuminés, il s’agit d’affronter la parole de Dieu. Ne pas comprendre cela leur fera prendre les mauvaises décisions. Sharon n’est plus là, Bush achèvera son mandat présidentiel en 2008. Ceux qui voient dans Israël et dans les Etats-Unis de Bush les véritables responsables du désordre international actuel devront donc trouver d’autres boucs émissaires. Car les tenants de l’islam militant n’en resteront pas là. Ils ont intégré une notion oubliée par les occidentaux, trop surs d’eux et de leur acquis, celle de patience. Mais il est un danger plus sournois que les attaques directes des islamistes, moins visible que des attentats terroristes qui menacent l’Occident. Ce danger est représenté par l’émergence d’un axe rouge-vert-brun au sein même de notre civilisation dont le trait commun est un haine anti-occidentale sans précédent. Cet axe, qui sape peu à peu les fondements politiques et intellectuels de l’Occident, est constitué d’intellectuels et de politiciens qui chaque jour vomissent sur nos valeurs, qui attisent la haine envers les américains et les juifs en propageant leurs mensonges les plus éhontés. Cette convergence des totalitarismes, notamment fondée sur le relativisme, le tiers-mondisme et le déconstructionnisme tend à insinuer l’idée qu’en raison des erreurs de notre civilisation (les deux premiers totalitarismes en sont malheureusement une preuve), la solution consisterait à renier totalement nos principes. Mieux vaut notre civilisation détruite entièrement ou remplacée plutôt que de devoir supporter le poids de ses fautes passées. Ce sont eux qui risquent de faire tomber l’Occident, Europe en tête, par leur nihilisme destructeur. Ceux-là même qui ressassent toujours les mêmes reproches : celui d’un Occident esclavagiste, oubliant que l’Islam a été bien plus virulent sur ce point que notre civilisation qui a été la première à l’abolir alors même que de nos jours, en terre d’islam l’esclavage perdure . Celui d’un Occident conquérant oubliant que la majorité des civilisations, y compris l’Islam, ont conquis leurs territoires par la violence. Les européens l’ont oublié, pas les tenants de l’islam militant. Alors, lorsque l’on ressasse l’histoire de façon partielle et biaisée, la haine de notre civilisation fait son chemin donnant tout son sens à la citation de Sartre : « Abattre un européen, c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé ; restent un homme mort et un homme libre ». Le totalitarisme vert se nourrit de cette haine de soi de l’Occident et se délecte du lent suicide de l’Europe. Face à ces fossoyeurs, il convient de résister afin de ne pas leur laisser l’apanage de la vérité. Tout amoureux de la liberté se doit de rappeler que nous sommes les héritiers de la pensée philosophique gréco-romaine, de l’éthique biblique, de l’invention de la Cité, du droit, des Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 109 libertés individuelles, de l’humanisme ou encore de l’argumentation rationnelle. Tout amoureux de la liberté doit rappeler à ses ennemis que l’Occident, malgré ses imperfections qu’elle ne cesse de corriger avec le temps, reste et restera probablement pendant encore longtemps la civilisation la plus respectueuse de la dignité humaine, la plus soucieuse de l’égalité entre l’homme et la femme et la plus tolérante vis-à-vis des différentes croyances de ses populations. Puissent les générations futures s’en souvenir. Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur 110 Bibliographie Le lecteur trouvera ci-dessous une sélection d’ouvrages qui ont guidé notre réflexion pour cet essai, et ce, bien que nous ne partagions pas les thèses de certains auteurs. ********* Ouvrage collectif, 11 septembre, Rapport de la Commission d’enquête, Editions des Equateurs, 2004 Ouvrage collectif, Le rapport de la CIA, comment sera le monde en 2020, Robert Laffont, 2005 Ouvrage collectif, Le livre noir de Saddam Hussein, Oh ! Editions, 2005 Ouvrage collectif, Irak, An I, un autre regard sur un monde en guerre, Editions du Rocher, 2004 Ouvrage collectif, Les territoires perdus de la République, Antisémitisme, racisme et sexisme en milieu scolaire, Mille et une nuits, 2002 Le Coran, GF Flammarion, 1970 ************ Alexandre Adler, J’ai vu finir le monde ancien, Grasset, 2002 ; L’odyssée américaine, Grasset, 2004 M. 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