L`Occident face à l`islam militant De la perception du conflit aux

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L`Occident face à l`islam militant De la perception du conflit aux
L’Occident face à l’islam militant
De la perception du conflit aux moyens de
résistance
Par Ryan Grignani
« Qu’il soit enfin pleinement et entièrement compris que l’ennemi nous a impliqué dans une
guerre planétaire dont les sociétés européennes et nord­américaines sont, qu’elles le veuillent
ou non et qu’elles le comprennent ou non, parties prenantes » Guy Millière
« In medio stat virtus » Aristote
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1
SOMMAIRE
Introduction (p.3)
Chapitre 1 : Une menace mal appréhendée par l’Europe (p.12)
A/ L’islam militant perçu comme une paranoïa américaine (p.12)
a) La résurgence du mythe du complot
b) Le sentiment de sanctuarisation des européens
c) Un déni de réalité
d) L’Europe, hors de l’Histoire
B/ Les Etats­Unis et Israël, boucs émissaires du désordre international (p.19)
a) Les Etats-Unis et Israël sont-ils les seules cibles des islamistes?
b) La politique étrangère américaine est-elle responsable du djihadisme?
c) Le conflit israélo-palestinien est-il la source du djihadisme ?
C/ La question irakienne (p.25)
D/ Le berceau de l’islam militant (p.28)
a) L’Arabie Saoudite
b) Le Pakistan
c) La Syrie
d) L’Iran
E/ Al­Qaïda, une franchise du djihadisme (p.33)
F/ Une menace toujours présente dans le monde (p.34)
a) La montée du terrorisme islamiste dans le monde
b) La montée du prosélytisme islamiste en Europe
G/ La contagion des esprits (p.48)
H/ La manipulation de l’information, cause d’une perception biaisée de la réalité (p.54)
Chapitre 2 : Des moyens de résistance inappropriés (p.57)
A/ La capitulation de l’Europe (p.58)
B/ Le projet américain : la démocratisation du Grand­Moyen­Orient (p.64)
a) L’Irak, un futur modèle pour la région ?
b) Le conflit israélo-palestinien, un espoir ?
c) L’Arabie Saoudite, la Syrie, l’Iran, le Pakistan hors du processus de démocratisation ?
C/ La lutte contre la pauvreté, une fausse solution (p.78)
D/ La lutte idéologique, clé de la victoire (p.80)
E/ La lutte contre les fondements théologiques de l’islam militant (p.84)
F/ Les réformistes de l’islam ou le retour de l’Ijtihad (p.89)
a) Une critique rationnelle de l’islam
b) Vers une réforme de l’islam ?
G/ Pour une Europe réintégrée dans le processus historique (p.99)
a) Le nécessaire sursaut européen
b) Le crépuscule français
H/ Une guerre de représentation pour les Etats­Unis (p.102)
a) L’image des Etats-Unis dans le monde, une difficulté à surmonter
b) Une nouvelle approche de l’islam militant
I/ Un nouvel axe euro­américain (p.103)
Conclusion (p.109)
Bibliographie (p.111)
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2
INTRODUCTION
Les bouleversements sociaux-économiques et politiques du 20ème siècle ont déclenché une
crise identitaire sans précédent dans le monde. Les flux migratoires s’intensifiant chaque jour,
chacun est de plus en plus susceptible de rencontrer l’Autre, d’être confronté à son modèle de
vie. Les différents concepts de nation, de civilisation commencent à péricliter. Chacun a sa
vision du monde, mais en se rapprochant, une confrontation de ces différentes visions est
inéluctable.
Qui sommes nous ? s’interroge Samuel Huntington dans son dernier ouvrage. Les américains,
sont actuellement confrontés à une immigration mexicaine très importante et à un mouvement
relativiste de gauche tendant à renier les valeurs fondatrices des Etats-Unis. Cela conduit
nombre d’intellectuels à s’interroger désormais sur l’identité américaine. Quels sont les
facteurs qui indiquent l’appartenance à une nation ? Est-on américain par la langue, par la
culture commune, par un credo de valeurs ? Samuel Huntington, plus connu pour son « choc
des civilisations », pose une fois encore les bases d’un enjeu planétaire.
Les Etats-Unis ne sont pas les seuls à se poser de telles questions. L’Europe durant les débats
qui ont eu lieu sur l’adoption d’une constitution européenne a clairement montré qu’elle
cherchait à se définir. Est on européen par les frontières, par une culture ou une histoire
commune ? L’entrée prochaine de la Turquie dans l’Union européenne, et le refus d’inscrire
notre héritage chrétien dans la constitution montrent bien que la question de notre identité est
fondamentale. Dans ce vaste débat, on voit des défenseurs des principes nationaux, d’autres,
symboles du relativisme culturel et civilisationnel de la vieille Europe, clament haut et fort
que l’Occident1 n’existe pas, que c’est une utopie.
Cette entrée dans la modernité, ce rapprochement avec l’Autre a engendré des tensions qui
culminent de nos jours. Le monde musulman n’est pas à l’abri de cette réflexion identitaire.
L’islam est en crise nous dit l’islamologue Bernard Lewis. Face à un monde qui change, le
monde musulman a du mal à trouve sa place. L’islam militant est de nouveau sur le devant de
la scène et nous dit clairement : notre vision du monde, qui émane de Dieu, est supérieure à la
votre. Cette vision implique cependant notre soumission. Elle implique, comme le précise le
Coran, la supériorité de l’Islam sur tout autre religion et tout autre système politico-social.
Pour y arriver, le terrorisme est devenu un modus operandi de plus en plus utilisé.
Le terrorisme a été l’enjeu majeur de la campagne électorale de novembre 2004 aux EtatsUnis, notamment à travers la guerre en Irak. Les attentats de Londres en juillet 2005 ont
rappelé à l’Europe qu’elle n’était pas à l’abri. Nos sociétés européennes vivent au son des
recommandations de sécurités dans les aéroports et dans les gares. Notre quotidien est, d’une
manière ou d’une autre, envahi par la problématique du terrorisme. A n’en point douter, celleci est l’enjeu de ce début de siècle, pour l’Occident notamment, mais également pour le reste
de la planète.
Le 4 septembre 2004, le Directeur de la chaîne Al Arabiya, Abdelrahman Al Rached, déclarait
dans le quotidien saoudien Asharq al Awsat : « Il est certain que tous les musulmans ne sont
pas des terroristes mais, malheureusement, il faut avouer que la majorité des terroristes à
1
Le terme d’Occident étant entendu ici comme défini par Philippe Nemo, « Qu’est-ce que l’Occident », à savoir
l’Europe Occidentale et les Etats-Unis.
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3
travers le monde sont musulmans »2. Il conviendrait de rajouter « actuellement » car cela n’a
pas toujours été le cas.
C’est évidemment l’Islam3 qui est pointé du doigt, sujet sensible et tabou par excellence.
Islam, islamisme et terrorisme djihadiste sont donc au c!ur de la réflexion.
De nombreux auteurs, après le 11 septembre 2001 ont tenté de mettre en avant le fait que
l’Islam serait une religion de paix et que le terrorisme actuel serait entièrement en dehors de la
religion musulmane. Le poids du politiquement correct et l’intention louable de ne pas créer
d’amalgames et de réactions anti-musulmanes violentes ont cependant empêché un débat
nécessaire sur les liens entre Islam, islamisme et terrorisme islamiste. Richard Clarke,
spécialiste américain du terrorisme, tombe lui aussi dans le piège du politiquement correct en
parlant de perversion d’une religion magnifique4.
A titre d’exemple, le président du Kazakhstan, Narsultan Nazarbayev, a déclaré dans un
article paru dans le Jérusalem Post du 20 Février 2003 : « l'Islam fondamentaliste n'est pas
l'Islam véritable du Coran»5. La question qui vient à l’esprit est « Quel est l’Islam
véritable ? ». L’islam qui conduisit Mahomet à égorger les juifs de la tribu des Banû
Quraydha en 627 ? L’islam conquérant qui a conduit aux invasions du 8ème siècle et à la mise
en !uvre du statut de dhimmi6 en Occident ? Celui des ottomans du 16ème siècle qui
souhaitaient implanter l’Islam en Europe ? Celui de l’Egypte qui jette en prison ceux qui osent
interpréter des versets du Coran ou qui publient des livres jugés non conformes à l’Islam ?
Que penser de l’Islam pratiqué en Iran où les lapidations sont en progressions constantes ?7
Quel est le véritable Islam ? Celui imposé par les gouvernements des pays musulmans, celui
des imams qui prêchent la haine de l’Occident en se fondant sur le Coran, ou bien celui
pratiqué par des musulmans de façon tout à fait pacifique ?
Lorsque 40.8% des lecteurs du site d’Al-Jazeera soutiennent les attaques d’Al-Qaïda en
Europe8, il est nécessaire de se poser la question. Et que penser des réactions aux attentats du
11 septembre ? «Nous sommes enchantés», dit un Libanais. «En plein dans le mille», résuma
un chauffeur de taxi égyptien en suivant une retransmission de l'écroulement du World Trade
Center. «C'est l'heure du règlement de comptes», dit un habitant du Caire. D'autres égyptiens
souhaitèrent que George W. Bush ait été enterré sous les décombres ou s'écrièrent qu'ils
vivaient leur plus grand bonheur depuis la guerre de 1973. Et il en était ainsi partout dans la
région. Au Liban et en Cisjordanie, les Palestiniens tirèrent des coups de feu en l'air, manière
coutumière d'exprimer leur joie. En Jordanie, ils distribuèrent des friandises – autre signe
d'allégresse. Et même hors du Moyen-Orient, un grand nombre de Musulmans déclarèrent que
les États-Unis avaient eu ce qu'ils méritaient. Des journaux nigérians indiquèrent que
2
Cité dans « Le J’accuse du directeur de Al Arabiya », Proche-Orient.info, 8 septembre 2004.
Lorsque Islam prend un i majuscule, il est fait référence à la civilisation islamique. Un i minuscule à islam fait
quant à lui référence à la religion.
4
Richard Clarke, « Contre tous les ennemis », édition Albin Michel, 2004.
5
Cité in « l’islam sous la neige », Jerusalem Post, 20 février 2003, traduit en français par Albert Soued
(http://www.chez.com/soued).
6
Statut d’infériorité accordé aux gens du livre (chrétiens, juifs, zoroastriens, etc.) pour qu’ils puissent exercer
leur religion (sauf si elle concurrence l’islam) contre le paiement d’impôts. Pour une étude exhaustive sur le
sujet, lire Bat Y’eor, « Juifs et Chrétiens sous l’islam, les dhimmis face au défi intégriste », Berg International,
1994.
7
« La lapidation pour punir ‘l'adultère’ », www.proche-Orient.info, 20 janvier 2005.
8
« Un sondage alarmant de Al-Jazeera, www.proche-orient.info, 7 septembre 2004.
3
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4
l'organisation Jeunesse islamique avait organisé une fête dans la province de Zamfara pour
célébrer l'attaque. «En tant que Musulman, je me réjouis de tous les dommages causés à
l'Amérique» était la citation typique en provenance d'Afghanistan. Un dirigeant pakistanais
déclara que Washington payait le prix de sa politique opposée aux Palestiniens, aux Irakiens,
au Bosniaques et aux autres Musulmans; puis il ajouta que «le pire reste à venir».9 «Vive Ben
Laden», scandèrent 5000 manifestants au sud des Philippines. Le Washington Post relevait
après ces attentats que les Musulmans acclamaient Ben Laden «pratiquement d'une seule
voix». Un Saoudien expliqua qu'«Oussama est un très, très, très, très bon Musulman». Un
Kenyan ajoute: «Chaque Musulman est Oussama Ben Laden.» «Oussama n'est pas un
individu, mais l'un des noms de la Guerre Sainte», a-t-on pu lire sur une banderole au
Cachemire.10
Près de 5 ans après le 11 septembre, il est bon de se souvenir de ces réactions. Elles nous
rappellent que le manichéisme naïf de nombreux occidentaux, consistant à différencier
intrinsèquement l’islam de l’islam militant et du djihadisme, ne permettra pas de le
comprendre et de le combattre efficacement.
L’angélisme qui sévit chez de nombreux intellectuels, notamment occidentaux conduit à
n’observer le phénomène que d’un !il11. Ceux-là voient l’islam tel qu’il devrait être ou
comme ils souhaiteraient qu’il soit et non comme il est, en dépit de faits indéniables.
Alexandre Del Valle a parfaitement résumé cet angélisme : « Les islamologues, aussi brillants
soient­ils, se refusent en général à analyser l’Islam et l’islamisme en termes de menace. Ils
ont même plutôt tendance à être fascinés par leur objet d’étude au point de se faire les
défenseurs des positions les plus anti­occidentales de l’Islam, au nom d’un « néo­
tiermondisme » masqué derrière « l’antiracisme » et le refus de « l’anti­islamisme
primaire »12. Tant que cette erreur d’analyse ne sera pas rectifiée, l’islamisme et sa
composante armée ne seront pas vaincus.
Comme le souligne également André Grjebine, Directeur de recherche au Centre d’études et
de recherche internationales de Science Politique, « il serait tout aussi absurde d’ignorer le
lien existant entre l’Islam et tous ceux qui s’en réclament que des les amalgamer tous, en les
considérant comme un ensemble homogène 13 ».
Les généralisations étant très fréquentes, il convient évidemment de souligner que l’islam
militant, et a fortiori le djihadisme, ne concernent pas tous les musulmans. L’équation
musulman = terroriste est une ineptie qu’il faut évidemment combattre. Il est bon de rappeler,
par ailleurs, que les musulmans eux-mêmes sont les victimes des djihadistes.
Cela étant posé, il n’en reste pas moins que le monde musulman est en crise, pour reprendre
l’expression de Bernard Lewis. Le monde musulman cherche sa place. Cette recherche
identitaire se traduit la montée de l’islam militant. Ce dernier se concrétise notamment par des
mouvements séparatistes musulmans dans plusieurs régions du globe, des actions de
9
Cité par Daniel Pipes, « Réjouissances moyen-orientales », Jerusalem Post, 14 septembre 2001.
Cité par Daniel Pipes, « Les musulmans adorent Ben Laden », Nex York Post, 22 octobre 2001.
11
On notera la clairvoyance de Pascal Boniface, Directeur de l’IRIS en France, qui écrivit avant le 11
septembre 2001 : « Je ne crois guère au développement d’un terrorisme de masse. (…) Je ne pense donc pas,
contrairement à certains, que nous verrons des actes terroristes entraînant des milliers de victimes. (cité dans
« Les guerres qui menacent le monde » de Béatrice Bouvet et Patrick Dernaud, Kiron - Editions du Félin, 2001 ).
12
Alexandre Del Valle, « L’islamisme, l’Europe et les Etats-Unis, quelques réflexions géopolitiques »,
www.alexandredelvalle.com.
13
André Grjebine, « Du bon usage de la langue de bois », Le figaro, 11 novembre 2004.
10
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5
prosélytisme au sein de nos démocraties libérales ou encore par des actions terroristes stricto
sensu attribuées à la mouvance d’Al-Qaïda. On pourrait même considérer que ces
phénomènes n’en englobe en réalité qu’un seul : Le djihad, qui peut être réalisé par la force
mais également par des moyens plus pacifiques et dont le but est l’expansion de l’islam dans
le monde. Le Roi Hassan II n’a-t-il pas déclaré : «La signification du djihad pour l'Islam ne
réside pas dans des croisades ni dans des guerres religieuses. Ce sont plutôt l'action
stratégique, politique et militaire, ainsi que la guerre psychologique, qui, si elles sont
utilisées par la Oumma islamique [la communauté mondiale islamique], nous donneront la
victoire sur l'ennemi.»14 . Toujours est-il que ces deux aspects, la force et la propagande, sont
liés et proviennent de cette résurgence de l’Islam dans le monde (également appelé « l’éveil
islamique », «al­Sahwa al­Islamiya »). Les occidentaux auraient tort de négliger l’une ou
l’autre de ces manifestations sous prétexte que l’une est plus violente et plus visible que
l’autre. Elles ont le même objectif, seul les moyens diffèrent.
Soyons plus précis maintenant : l’islam militant, qu’on appelle également islam radical ou
islamisme15 et qui sévit de nos jours ne découle pas, à titre d’exemple, des courants soufi ou
moutazilite, courants spirituels et rationalistes de l’islam parmi les plus progressistes, ni
même du karadjisme. L’islam militant fait référence à plusieurs tendances dérivées du
sunnisme, mouvement majoritaire dans le monde musulman, comme le wahhabisme, devenu
l’islam officiel de l’Arabie Saoudite, ou encore le salafisme qui lui-même dérive du
wahhabisme.
Le wahhabisme a largement été influencé par Mohamed ibn Abd al-Wahhab (1703-1792),
élève de l'école hanbalite, la plus rigoriste des quatre écoles juridiques du sunnisme (les trois
autres étant les écoles hanéfite, malékite et chaféite) mais également par Ibn Taymiyya
(1263-1328).
Les tenants de l’islam militant voient dans l’époque de Mahomet et des grandes conquêtes de
l’islam, un exemple à suivre afin de redonner au monde musulman la place qui devrait être la
sienne puisqu’Allah a promis aux musulmans la supériorité sur toutes les autres religions dans
le monde. Il faut donc, selon eux, s’en tenir à une lecture littérale du Coran et de la Sunna
(paroles, actes et préceptes du Prophète rapporté par la tradition). Toute idée progressiste est
bannie et tout déviant est considéré comme un apostat. C’est notamment ce qui explique que
l’islam soit figé depuis des siècles.
Historiquement, les premiers courants salafistes souhaitant ce retour à l’âge d’or de l’islam
remontent à la fin du 18ème et début du 19ème siècle avec notamment l’influence de penseurs
comme Jamal al-Din al-Afghani (1839-1897) et Muhammad ‘Abduh (1845-1905) pour qui
14
Cité par Bat Y’eor, « Eurabia : l’axe Euro-Arabe », Jean-Cyrille Godefroy, 2006.
Le terme d’islam militant, utilisé Daniel Pipes, Directeur du Middle East Forum et du U.S. Institute of Peace,
spécialiste du Moyen-Orient et de l’islam, est beaucoup plus pertinent que les autres termes employés
habituellement, notamment celui d’islam politique. En effet, l’islam est politique par essence dans la mesure où
il entend régir tous les aspects de vie sociétale des musulmans (du mariage, de la succession à la tenue
vestimentaire) contrairement au judaïsme et au christianisme qui distingue la loi civile de la loi de Dieu. Ont
donc tort ceux qui considèrent l’islam comme une religion qui relève de la croyance intime et donc apparenté
aux autres religions. Par ailleurs, rappelons que les musulmans non pratiquants ou qui n’appliquent pas
entièrement les principes islamiques sont considérés comme de mauvais musulmans voire des apostats. C’est
pour cette raison qu’on a coutume de dire qu’il n’existe pas d’islam modéré mais des musulmans modérés. La
différence est cruciale. Il y aurait donc des musulmans qui se détachent des textes fondateurs pour moderniser
l’islam et d’autres qui, au contraire, souhaitent revenir aux fondements même de l’islam afin d’islamiser la
modernité. Par commodité, il sera utilisé le terme d’islamistes ou tenants de l’islam militant pour définir cette
dernière catégorie de personnes.
15
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6
toutes les difficultés du monde musulman cesseraient dès lors que tous les musulmans
reviendraient à l’islam originel, à l’islam des « pieux ancêtres » (« al-salaf al-salih » à
l’origine du courant salafiste). Un autre penseur important dans l’évolution de l’islam
salafiste a été Rashid Ridha (1865-1935), disciple de Muhammad ‘Abduh, qui forma Hajj
Amin al-Husseini, Mufti de Jérusalem16. Cette orientation salafiste de l’islam militant n’a
cessé de se développer au fil des années avec pour point d’orgue la naissance du mouvement
des Frères Musulmans en Egypte en 1928 qui ont profité de l’échec du panarabisme pour
mettre en avant leur idéologie et notamment l’idée d’une identité collective fondée, non sur le
nationalisme, mais sur la religion musulmane. C’est cette conception d’Oumma, de
communauté musulmane, qui est mise en avant actuellement par les islamistes pour que leur
cause touche l’ensemble des musulmans de la planète.
Si l’on fait référence aux Frères Musulmans, il est impossible de ne pas mentionner Sayyid
Qutb (1906-1966) membre le plus rigoriste de la confrérie. Ce dernier prônait l’application de
l’islam dans tous les aspects de la vie des musulmans, préconisait le djihad contre l’Occident
mais également contre les musulmans jugés peu pratiquants, et voyaient dans les juifs des être
comploteurs qui oeuvraient en secret pour la destruction de l’islam. Selon Qutb, les malheurs
du monde musulman viendraient de l’Occident, aidé par les juifs, et la seule solution pour
contrebalancer cette dérive serait de revenir à l’islam du Prophète tout en islamisant le monde.
De nos jours, la confrérie des Frères Musulmans est surtout connue pour les déboires
médiatiques de Tariq Ramadan, petit fils d’Hassan Al Banna, fondateur de la confrérie et
dont les objectifs étaient les suivants :
"Réformer les lois pour qu'elles se conforment à la législation islamique et notamment les
infractions et les sentences pénales, multiplier les phalanges de jeunes en les éduquant à la
guerre sainte, contrôler le comportement des fonctionnaires sans distinguer l'aspect privé de
la responsabilité publique, interdire la mixité entre étudiants et étudiantes, considérer tout
contact mixte en tête à tête comme un crime susceptible d'être sanctionné, revivifier le rôle de
la hisha (police des moeurs) et réprimer tous ceux qui ne respectent pas les préceptes de
l'Islam ou ceux qui n'observent pas ses obligations tels le jeûne du mois de ramadan, la prière
ou encore ceux qui insultent la religion, mettre fin à l'esprit étranger, orienter la presse vers
le bien".17
Il faut enfin noter que wahhabisme, salafisme et courant des Frères musulmans s’imbriquent
de façon importante aujourd’hui. On ne s’étonnera donc pas de savoir que Ben Laden est bien
évidemment un pur produit du wahhabisme et que son bras droit Ayman al-Zawahiri est,
quant à lui, imprégné de l’idéologie des Frères Musulmans, les deux fanatiques faisant
référence à un retour à l’islam pur des ancêtres qui n’est pas sans rappeler les thèses salafistes.
Ces trois principaux courants idéologiques sont le c!ur de l’islam militant aujourd’hui mais il
ne faudrait pas oublier l’islamisme chiite dont la figure emblématique reste le Hezbollah. En
réalité, malgré les divergences des différents courants de l’islam, malgré les animosités entre
chiites et sunnites, certaines lignes directrices sont communes à l’intérieur de tous ces
courants. On retrouve la haine de l’Occident, censé être la cause du malheur musulman, la
haine du Juif (rappelons à ce titre que Ben Laden a fondé avec Al-Zawahiri le « Front
islamique international pour mener le djihad contre les croisés et les juifs ») et la volonté
d’expansion de l’islam dans le cadre du retour à un Califat mondial. Les principaux objectifs
16
Connu notamment pour ses liens avec l’Allemagne nazie.
Pour une étude plus exhaustive sur l’influence des Frères Musulmans, se référer à l’ouvrage de Emmanuel
Razavi, « Frères musulmans dans l’ombre d’Al Qaeda », éditions Jean-Cyrille Godefroy, 2005.
17
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7
des islamistes sont donc de reprendre le contrôle des régimes musulmans qui ne se
conformeraient pas à leur vision de l’islam et de combattre tout régime infidèle dans le
monde, ce qui n’inclut pas seulement l’Occident comme le démontre le terrorisme en Chine,
dans la région du Cachemire, en Russie et bien entendu en Israël.
Ce court rappel historique permet de comprendre que l’islam militant existe depuis des
siècles, pratiquement depuis les origines de l’islam18. L’échec du nationalisme arabe ajouté à
la confrontation avec un Occident qui a perdu une part de sa spiritualité a accéléré son
émergence de nos jours.
Le terrorisme djihadiste n’est que la mise en pratique des objectifs de l’islam militant décrits
précédemment. Le fondement idéologique est le même, seules les méthodes diffèrent. D’un
côté on utilise la violence, de l’autre la prédication et la politique. Nous verrons
ultérieurement que le terrorisme djihadiste est parfois critiqué par les islamistes dans la
mesure où il peut se révéler contre-productif par rapport à une expansion de l’islam militant
par des voies plus pacifiques, notamment en Occident grâce aux propres principes de
fonctionnement de nos démocraties.
Il existe donc de multiples courants qui, malgré des divergences, se rejoignent sur certains
points. Pour autant, peut-on considérer qu’il existe une coordination entre ces divers
courants ? Y’a-t-il un projet global ou bien une structure unique qui superviserait une attaque
contre l’Occident ?
En novembre 2001, des policiers européens découvrent en Suisse, dans la villa d’un islamiste,
un document de 14 pages daté de 1982 et intitulé « Vers une stratégie mondiale pour la
politique islamique ». L’objectif principal de ce projet est d’établir un pouvoir islamique sur
terre. S’ensuit des recommandations pratiques comme encourager les musulmans de
participer à la vie politique du pays où ils résident dans l’intérêt de l’islam et des musulmans,
ou encore encourager des alliances avec les forces politiques islamiques ou non-islamiques.
Le projet tend également au soutien de tous les mouvements djihadistes dans le monde.
Derrière ce document bien peu médiatisé, on retrouve l’influence directe des Frères
Musulmans et de Yousouf al-Qaradawi, président actuel du Conseil européen des fatwas et de
la recherche. Ce dernier a rédigé l’ouvrage « Priorités du mouvement islamique dans la
période à venir » qui reprend certains objectifs de ce projet mondial et notamment celui de
l’expansion de l’islam en Occident et plus particulièrement en Europe. Ce même al-Qaradawi
qui, en novembre 2000, déclara « L’Europe s’apercevra qu’elle souffre d’une culture
matérialiste, et recherchera une alternative… L’Islam reviendra en Europe et les Européens
se convertiront à l’Islam ».19
Comme le rappelle le journaliste Sylvain Besson20, qui a enquêté sur ce projet, le but de ce
mouvement islamique est d’unir la nation musulmane, l’oumma, afin de replacer l’islam à la
tête de la société, de libérer les territoires musulmans contrôlés par les infidèles et de
réintroduire le système du califat.
18
C’est notamment pour cela que certains islamologues considèrent que l’islamisme n’est rien d’autre que
l’intégralité de l’islam, celui des textes fondateurs et non une hérésie extérieure à l’islam.
19
Cité par Steven Stalinsky, The Next Pope and Islamic Prophecy, Frontpagemagazine.com, 14 avril 2005
(traduit par Simon Simon Pilczer).
20
Sylvain Besson, « La conquête de l’Occident : le projet secret des islamistes », Seuil, 2005.
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8
S’il est, à l’heure actuelle, difficile de croire à une fédération de tous les islamistes du monde
autour de ce projet, et encore moins de croire à un complot mondial contre l’Occident, il n’en
reste pas moins que ces objectifs sont communs à nombre de groupes islamistes et djihadistes.
Les conflits actuels dans les régions du Cachemire, de Tchétchénie, du Xinjiang, dans l’exYougoslavie, au Soudan, ou au Nigeria par exemple, qui pouvaient être considérés comme
des conflits régionaux portés par un nationalisme classique se teintent désormais d’une
couleur islamiste. Ces conflits ont perdu leurs caractéristiques locales pour devenir des
bastions du djihadisme mondial.
Si le renouveau de l’islam militant sur la scène internationale est indéniable21 et que
l’Occident à fort à craindre de ce renouveau, peut-on parler pour autant de choc des
civilisations comme on l’entend si souvent ?
Il est certain que des aspects civilisationnels sont bien présents dans les conflits actuels, armés
ou non. Les djihadistes commettent leurs actes abjects en prétextant une supériorité
intrinsèque de l’Islam sur tout autre civilisation. Les démocraties libérales occidentales
doivent faire face à de nouvelles revendications de la part d’islamistes sur leurs territoires.
Celles-ci tendent notamment, nous y reviendrons, à la scission entre musulmans et non
musulmans du fait que la civilisation occidentale est décadente et non conforme aux
prescriptions de l’islam. La sphère de compétence de l’islam est en contradiction avec certains
principes tels que l’égalité entre les citoyens, la liberté d’expression (notamment avec le droit
au blasphème) ou encore la liberté de croire ou non. Chaque jour démontre que des frictions
naissent de ces contradictions.
Pour autant, le concept d’un choc des civilisations n’est pas pleinement pertinent pour
expliquer ces phénomènes. D’abord parce que l’Occident n’est pas le seul visé par l’islam
militant puisque sont également impliqués des pays comme l’Inde, la Chine, des pays
d’Afrique, bien loin de la civilisation occidentale. Ensuite parce qu’il est difficile de parler de
choc des civilisations lorsque les djihadistes s’attaquent aussi aux musulmans et aux états
musulmans qui ne respectent pas leur vision de l’islam. N’oublions pas que l’un des objectifs
des islamistes, qui sera approfondi ultérieurement, est de ré-islamiser les territoires
musulmans ne suivant pas l’islam qu’ils défendent. Cet objectif ne correspond pas à un choc
des civilisations stricto sensu. Enfin, il est intéressant de noter que l’islam militant trouve un
soutien important au sein même de l’Occident notamment à travers les courants d’extrême
gauche et parfois même d’extrême droite. Si le nombre de convertis à l’islam semble
augmenter en Europe (près de 50.000 convertis en France depuis quelques années selon le
Ministère de l’Intérieur) et si de plus en plus d’européens se transforment en djihadistes, c’est
sans nul doute parce que cette idéologie théologico-politique a séduit les orphelins des
précédents courants révolutionnaires et extrémistes occidentaux.
Il est vraisemblable que le phénomène actuel soit le résultat de plusieurs manifestations
historiques et que nous soyons donc face à une sorte de synthèse entre nationalisme arabe,
fondamentalisme islamique, et totalitarisme de type européen tel que le national-socialisme ou
le communisme. Il est d’ailleurs frappant de voir les analogies entre ces mouvements
totalitaires et l’islam militant : même culte de la supériorité, même utopie idéologique et
mêmes moyens pour parvenir à leurs fins, notamment l’utilisation de valeurs démocratiques
telles que la liberté d’expression. Il existe une différence essentielle cependant entre les
21
Au grand dam des islamologues français qui déclaraient que l’islamisme était voué à l’échec et que sa fin était
proche.
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9
mouvements totalitaires du 20ème siècle et l’islam militant qui tient au concept de
transcendance. Les partisans de l’islam militant croient agir non en fonction d’une idéologie
humaine, comme ce fut le cas pour le national-socialisme et le communisme, mais bien en
fonction de la volonté de Dieu (notamment à travers la stricte application du Coran, livre
incréé reflétant sa parole). Cette idéologie transcendantale est plus difficile à combattre car
s’il est aisé de contrer l’argumentation d’être humains, il n’en va pas de même avec Dieu.
Plus que d’un choc des civilisations, on pourrait parler d’un choc entre sociétés ouvertes et
mouvements liberticides. Wafa Sultan, psychologue arabe américaine confirme cette thèse :
"Le conflit auquel nous assistons n'est pas un conflit de religions ou de civilisations. C'est
un conflit entre deux opposés, entre deux époques. C'est un conflit entre une mentalité qui
appartient au Moyen­Âge et une autre qui appartient au 21ème siècle. C'est un conflit qui
oppose la civilisation au retard, ce qui est civilisé à ce qui est primitif, la barbarie à la
raison. C'est un conflit entre la liberté et l'oppression, entre la démocratie et la dictature.
C'est un conflit entre les droits de l'Homme d'une part, la violation de ces droits de l'autre.
C'est un conflit qui oppose ceux qui traitent les femmes comme des animaux à ceux qui les
traitent comme des êtres humains. Ce à quoi nous assistons aujourd'hui n'est pas un conflit
de civilisations. Les civilisations ne s'affrontent pas ; elles se complètent. »22
Cette nouvelle menace de type totalitaire est donc bien réelle et puise ses sources dans des
mouvements anciens tout en se référant à l’histoire contemporaine. Par ailleurs, celle-ci n’est
pas apparue subitement le 11 septembre 2001. Des avertissements avaient bien eu lieu avant.
En 1995, soit 6 ans avant les attentats du 11 septembre 2001, le secrétaire général de l’OTAN,
Willy Claes déclara que depuis la guerre froide « le militantisme islamique était apparu
comme la menace la plus grave contre l’alliance atlantique et la sécurité de l’Occident ».
Force est de constater que l’histoire lui a donné raison même s’il dut s’excuser publiquement
pour avoir osé déclarer une chose aussi offensante pour l’islam. Bernard Lewis a également
confirmé la préexistence de cette vague de haine : « Cela fait longtemps, qu’une marée de
révolte s’est dressée contre la suprématie de l’Occident, dominée par la soif de réaffirmer les
valeurs de l’islam et de restaurer sa grandeur »23. Grandeur oubliée suite au démembrement
de l’empire Ottoman après la première guerre mondiale, l’échec des divers courants
nationalistes arabes et les revers consécutifs visant à détruire Israël. Car la plus grande des
humiliations pour les tenants de l’islam militant est de voir que les musulmans ne dirigent pas
le monde, alors que le Coran affirme : « Vous êtes le peuple le plus excellent qui soit jamais
surgi parmi les hommes ; vous ordonnez ce qui est bon et défendez ce qui est mauvais et vous
croyez en Dieu […]» (Sourate III, verset 106)24. Cette tentative de rétablir la parole d’Allah
est une des conséquences de ce sentiment d’humiliation.
Alors qu’un consensus devrait se mettre en place pour lutter contre ce nouveau totalitarisme,
jamais l’Occident n’a été aussi divisé. Ces divergences, qui engendrent une scission de plus
en plus importante au sein de l’Occident au grand bonheur des islamistes, reposent sans doute
sur l’approche très différente du phénomène. Les Etats-Unis, ou tout au moins
l’administration dirigeante actuelle, voient dans l’islam militant un nouveau totalitarisme qu’il
convient de combattre de la même manière que les autres, à savoir par une approche libérale
tant au niveau économique que politique. Les Européens, quant à eux, ne voient pas dans
22
« Wafa Sultan, psychologue arabe américaine : Il n'y a pas de conflit de civilisations mais un conflit entre la
mentalité du Moyen-âge et celle du 21ème siècle », www.memri.org, 6 mars 2006.
23
Cité in « La Paix impossible ? », Fabien Ghez et Liliane Messika, L’Archipel, 2006.
24
Toute citation du Coran fait ici référence à la version traduite par Kasimirski, GF Flamarion, 1970.
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l’islam militant une menace. Au mieux, ils considèrent que l’islamisme n’est rien d’autre
qu’une réaction à l’impérialisme américain, donc tout à fait justifiable, si ce n’est excusable.
Logiquement, une perception différente de la menace génère une divergence dans les moyens
de la combattre. C’est donc tout naturellement que l’Occident s’est déchiré face aux choix
entrepris par ses gouvernants. En tant que première puissance mondiale, les Etats-Unis, à
travers l’administration Bush, ont choisi de remettre en cause leur politique au Moyen-Orient,
laissant au passage une realpolitik qui convenait très bien à l’Europe. Les européens, quant à
eux, ont réagi au phénomène de façon policière telle une lutte contre un grand banditisme des
nouveaux temps.
Les deux voies ne sont pas aussi contradictoires qu’il n’y parait. La question est de savoir si
elles sont suffisantes. Et si l’islam est au c!ur du problème, il est aussi au c!ur de la solution.
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11
Chapitre 1 : Une menace mal appréhendée par l’Europe
« […] Cela signifie que l’islam retournera en Europe en conquérant et en vainqueur, après
avoir été expulsé deux fois : une fois d’Andalousie, au Sud, l’autre fois à l’Est, après qu’il eut
frappé aux portes d’Athènes. Je soutiens que cette fois la conquête ne se fera pas par l’épée
mais la prédication et l’idéologie » Yousouf al­Qaradawi
« Plus grande que la honte de la guerre est celle des hommes qui ne veulent plus rien en
savoir » Karl Kraus
Les tensions récentes entre l’Europe et les Etats-Unis ont démontré à quel point la menace du
de l’islam militant était appréciée différemment par les deux puissances. Si la majorité des
américains a été traumatisée par le 11 septembre et considère que l’islamisme est un réel
danger pour eux, les européens n’ont pas, malgré les attentats de Madrid et de Londres, cette
même crainte. S’il est intéressant d’analyser les différents points de vue sur cette question, il
est primordial également de comprendre pourquoi l’Europe n’apprécie pas le danger de
l’islam militant de la même façon.
A/ L’islam militant perçu comme une paranoïa américaine
« Paranoïa », « psychose » ! Combien de fois a-t-on pu lire ces mots dans la presse
européenne et surtout française concernant les Etats-Unis. Pour la majorité des européens, la
menace islamiste est largement surestimée par les Etats-Unis. Il est même devenu commun
d’entendre que les Etats-Unis se sont crées un nouvel ennemi après le communisme. Mais
pourquoi chercher un nouvel ennemi ? Les réponses ne se font pas attendre : soit pour
relancer l’économie, ou bien pour suivre leur plan de contrôle du monde, les américains
désirant dominer la terre entière. Par la même, toute action des américains devient suspecte.
Elle n’est jamais ce qu’elle parait être, il y a toujours une cause plus secrète, plus ou moins
cachée, mais toujours liée soit l’argent soit au pouvoir. Nous sommes ici en plein mythe du
complot.
a) La résurgence du mythe du complot
Que les Etats-Unis fassent, ou ne fassent pas, quelque chose, ils seront toujours soupçonnés
d’arrières pensées calculatrices. Le mythe du complot est d’ailleurs en pleine expansion
partout dans le monde. Le succès de Thierry Meyssan, qui affirme qu’aucun avion ne s’est
écrasé sur le Pentagone le 11 septembre et qu’un complot américain est derrière tout cela, en
Europe et surtout dans le monde musulman, est particulièrement inquiétant. Cette « théorie »
a d’ailleurs suscité des émules puisqu’un DVD intitulé « Face à la preuve » et traduit en 8
langues a inondé les salles de rédaction des quotidiens français durant l’été 2005. La thèse est
classique : les attentats du 11 septembre ne sont qu’un complot fomenté par le Président Bush.
Conséquence de ces délires intellectuels : en 2002, un sondage mené au Maroc, en Egypte, en
Syrie et au Liban a révélé que 62% des sondés étaient persuadés que le 11 septembre n’était
pas imputable à Al-Qaïda25 . En 2006, cette opinion n’a pas changé. L'institut américain Pew
Research Center, a effectué un sondage sur la responsabilité du 11 septembre. Pour 65% des
Indonésiens, 59% des Turcs, 53% des Jordaniens et 56% des musulmans britanniques et 50%
25
Cité par Antoine Vitkine, « Les nouveaux imposteurs », Editions de La Martinière, 2005.
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des musulmans français, les attentats ne sont pas le fait d'Arabes26. On ne peut que rester
interdit face à de tels chiffres.
Une autre variante du mythe du complot se caractérise dans la croyance que les Etats-Unis
s’allieraient en réalité aux islamistes afin de détruire l’Europe. Cette variante se rencontre
essentiellement au sein des courants identitaires en France. On reproche alors aux américains
d’avoir défendu le monde musulman contre celui des peuples chrétiens en Bosnie, ce qui
serait une preuve que le but inavoué des Etats-Unis serait de submerger l’Europe d’une vague
islamique afin d’avoir la mainmise sur notre continent. Il faut donc rappeler que si les EtatsUnis ont agi dans les Balkans, c’était à la demande de l’Europe qui n’arrivait pas à gérer ses
conflits ethniques. Rappelons également qu’à l’exception du Front National et de quelques
intellectuels français, la France a également pris le parti des musulmans bosniaques. Il ne
s’agissait donc pas d’une spécificité américaine.
Sans revenir sur ce conflit et notamment ses composantes islamistes et ses répercussions
géostratégiques, il faut reconnaître que la volonté d’épuration ethnique des dirigeants serbes à
l’encontre des bosniaques a été réelle et sans ambiguïté27. Les massacres de musulmans ont
bien eu lieu, des charniers et camps de concentration ont bien été retrouvés. Le fait que les
Etats-Unis aient voulu empêcher le massacre de près de 8.000 musulmans dont de nombreux
civils signifie t-il qu’ils sont les alliés des islamistes ? La réponse est à l’évidence non. En fait,
les tenants de cette thèse arrivent à cette conclusion par une sorte de raisonnement
syllogistique.
Dans cet exemple, le raisonnement syllogistique serait le suivant :
Les Etats-Unis ont aidé les musulmans en Bosnie,
Les islamistes/terroristes sont musulmans,
Donc les Etats-Unis ont aidé les islamistes.
Le problème des syllogismes est que les deux premières propositions doivent être vraies et
non particulières pour que la conclusion le soit également. Dans le cas présent, la deuxième
est problématique car si les islamistes/terroristes actuels sont en majorité musulmans, les
musulmans ne sont pas tous des islamistes/terroristes, d’où une erreur dans la conclusion. Par
conséquent, le fait que les Etats-Unis aient aidé les musulmans en Bosnie ne signifie pas
logiquement qu’ils sont les alliés des islamistes/terroristes. Pour prendre le problème a
contrario, si les Etats-Unis avaient laissé les serbes massacrer les musulmans de Bosnie, cela
n’aurait pas signifié pour autant qu’ils luttent efficacement contre l’islam militant.
Pour démontrer que les américains souhaitent s’allier au monde musulman pour anéantir
l’Europe, on leur reproche souvent de se prononcer en faveur de l'intégration de la Turquie
dans l'Union européenne afin d’affaiblir cette dernière et, par là même, renforcer leur
impérialisme28. On peut effectivement s’interroger sur les motifs qui poussent les Etats-Unis à
autant appuyer la candidature turque.
26
« L'islam, les Juifs et l'Occident, Un rapport du Pew Research Center », www.proche-orient.info, 26 juin 2006.
Ce qui est en revanche scandaleux, c’est que les serbes subissent maintenant plus ou moins la même chose,
dans l’indifférence générale de l’opinion internationale.
28
Notons une fois encore qu’il ne s’agit pas ici d’une spécificité américaine puisque nos gouvernants, entre
autres, souhaitent l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne.
27
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13
Alexandre Del Valle, auteur de deux ouvrages sur la Turquie analyse cette insistance
américaine :
« Résumons : la Turquie est perçue par le Pentagone et la Maison­Blanche comme une plate­
forme d’influence occidentale sur l’Asie centrale musulmane et turcophone. Elle détient une
position clé dans la bataille mondiale contre le trafic de drogue et l’immigration clandestine.
Enfin, on continue de croire qu’elle incarne le modèle par excellence d’État musulman laïc
susceptible aussi bien de contrer l’offensive islamiste radicale que de désamorcer le conflit de
civilisation que l’on voit poindre entre l’Occident et l’islam. La Turquie est présentée comme
un bouclier naturel contre les « États­voyous » du Proche­Orient et, surtout, comme un pays
de transit relativement sûr pour le gaz et le pétrole du Caucase et même de l’Asie centrale —
en tout cas plus sûr que l’Iran ou la Tchétchénie. En outre, la nouvelle doctrine des faucons
de Washington pour le Moyen et le Proche­Orient consiste à faire de l’Irak, du Koweït et du
Qatar des bases pétrolières et militaires stratégiques destinées à neutraliser la région et à
répandre, aux côtés d’une Turquie exportant son modèle « islamique modéré », les valeurs de
l’Occident et du libéralisme. À travers le gouvernement « islamo­démocratique » et le fameux
« modèle musulman laïque turc», les États­Unis espèrent s’opposer tant à l’influence des
islamistes wahhabites saoudiens qu’à celle des ayatollahs iraniens et du Hezbollah
libanais. »29
Nous sommes ici assez loin d’un complot contre l’Europe…
Enfin, les théoriciens du complot montrent du doigt, afin de prouver leurs dires, la relation
entre les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite. L’ambiguïté de cette relation a été maintes fois
critiquée par les spécialistes de la région et notamment par Laurent Murawiec mais, comme
nous le verrons par la suite, cette ambiguïté tend à s’amenuiser lentement mais
inexorablement.
Il semblerait que la paresse intellectuelle soit devenue la norme. Oubliée la complexité du
monde, voici revenue l’heure des maîtres du monde qui contrôlent notre destinée. Les
protocoles des Sages de Sion sont remis au goût du jour. Dans chaque conflit, il faut
désormais y voir la main des juifs ou des américains. Ce sont eux les coupables. Bush et
Sharon cristallisent à eux deux tous les malheurs du monde. « Bush­Sharon assassins ! »
scandait-on dans les rues de Paris en 2003. Juste retour de bâton, entend t-on aussi, les EtatsUnis l’ont bien cherché. Pire, un sondage Ipsos de mars 2003 montrait que 33% des français
souhaitaient la défaite des Etats-Unis et donc la victoire du tyran de Bagdad30.
Il est tellement plus simple de trouver un bouc émissaire pour expliquer le chaos actuel.
Antoine Vitkine a parfaitement résumé la situation lorsqu’il écrit : « La théorie du complot,
échappant à la raison, est un forme de mysticisme, un conjuration du réel lorsqu’il fait trop
peur, lorsqu’il est trop compliqué ou lorsqu’il vaut mieux le travestir pour gagner des esprits
à sa cause31 ». L’islamisme, le djihadisme ? Une invention des maîtres du monde pour mieux
justifier leur politique de contrôle de la planète. Et puis, en quoi le terrorisme islamiste serait
inquiétant pour l’Europe puisque ne seraient visés que les américains et les juifs ?
b) Le sentiment de sanctuarisation des européens
29
Alexandre Del Valle, « La Turquie dans l’Europe : une fausse bonne idée ? », Politique Internationale n° 104.
Cité par Antoine Vitkine, op.cit.
31
Antoine Vitkine, op.cit.
30
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L’Europe est à l’abri, entend t-on souvent. Nos experts sont là pour le confirmer : Hans Blix,
l’ex-chef des inspecteurs en désarmement des Nations Unies en Irak déclare début mars
200432 « Nous surestimons la menace terroriste et il y a des choses au moins aussi
dangereuses, sinon plus, comme les atteintes générales à l’environnement ». Belle
clairvoyance à trois jours des attentats de Madrid du 11 mars 2004.
Et pourtant, même le « 11M » n’a pas eu autant d’impact que le « 9/11 », tant au niveau de la
conscience collective que de la politique.
« On a pas tiré les leçons du 11 mars. On a dit, comme pour se rassurer, que l’Espagne
avait été punie pour son engagement dans la guerre en Irak. C’est largement faux car à
travers ces attentats, planifiés depuis Istanbul, c’était la démocratie qui était visée » a
rappelé Jean-Charles Brisard, expert en terrorisme et enquêteur français pour les victimes du
11 septembre 200133.
Deux sondages récents reflètent le peu d’importance qu’accordent les européens à la menace
islamiste : selon un sondage exclusif CSA/Canal Plus de février 2005, le réchauffement de la
planète est la crainte principale des français, le terrorisme arrivant en deuxième place et
l’avenir des retraites en 3ème. Selon le dernier Eurobaromêtre 34, le terrorisme arrive très loin
dans les principales préoccupations des européens. A titre d’exemple, seulement 2% des grecs
interrogés considèrent le terrorisme comme une menace (la moyenne européenne étant à
16%), le chômage arrivant largement en tête.
c) Un déni de réalité
Bien que la démarche ne soit pas scientifique, qu’elle ne préjuge pas d’une opinion générale,
il est également intéressant de relever les commentaires que l’on peut trouver sur Internet,
dans des forums de discussions, à la suite d’articles parus dans la presse par exemple. En
faisant une synthèse de ces commentaires, l’on s’aperçoit que des raisonnements reviennent
très souvent :
« Il ne faut pas s’inquiéter car le terrorisme ne touchera pas l’Europe, sauf les pays pantins
des Etats­Unis comme le Royaume­Uni » ; « Le terrorisme toute le monde en parle mais il fait
beaucoup moins de morts que (au choix) le Sida, la faim dans le monde, les accidents de la
route, etc. alors pourquoi s’en inquiéter » ; « le terrorisme est surmédiatisé et crée une
psychose chez les gens, vivons notre vie tranquillement pour ne pas faire le jeu des
terroristes » ; « Le terrorisme permet à certains (suivez mon regard) de supprimer les libertés
individuelles, inquiétons nous des causes du terrorisme, et notamment de l’oppression de
l’Occident sur le monde musulman ».
Tels sont les commentaires que l’ont peut observer lorsque le sujet est abordé. On y note
surtout une profonde méconnaissance de l’islam militant et une grande réticence à aborder la
question de l’islam, pourtant au c!ur du problème. Il faut, pour comprendre cette position,
analyser deux épiphénomènes propres à l’Europe.
D’abord, la frilosité de nos intellectuels et divers islamologues, en tous cas les plus
médiatiques. Le politiquement correct s’est peu à peu transformé en « islamiquement
32
Cité dans l’édition du 8 mars 2004 du quotidien gratuit « 20 minutes ».
Cité dans l’édition du 11 mars 2005 du quotidien L’Est Républicain.
34
http://europa.eu.int/comm/public_opinion/archives/eb/eb62/eb62_fr.htm.
33
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correct » et ce n’est donc pas une surprise si toute analyse sur l’islam militant se termine
inlassablement par les présupposés suivants : le djihadisme n’a rien à voir avec l’islam. Le
Coran n’incite pas à la violence. Il faut voir dans le terrorisme actuel une réaction contre
l’impérialisme américain ou israélien. Dans la mesure où ces intellectuels envahissent la scène
médiatique, il y a peu de place pour le débat. Leurs affirmations, pourtant réfutées par
d’autres analyses, passent pour des vérités intangibles. Il est alors logique que les populations
européennes et notamment françaises, à qui l’on répète de façon lénifiante ces « vérités », ne
considèrent pas l’islam militant comme une réelle menace.
Ensuite, si le sujet est si tabou, c’est sans nul doute car les auteurs d’actes terroristes ou de
pressions islamistes sont musulmans. Or, du fait de discrimination, réelles ou supposées, à
l’encontre des immigrés musulmans en Europe, il serait, pour les bien-pensants, inconvenant
de jeter l’opprobre sur des personnes qui sont de facto insérées dans la catégorie de victimes
de la société. On notera au passage l’amalgame entre immigrés, maghrébins et musulmans qui
poussent nos belles âmes, à diaboliser toute discussion sur l’islam. Les adjectifs de «raciste »
et d’ « islamophobe » sont très vite utilisés lorsque la discussion peut déboucher sur une
critique, même objective de l’islam, ou sur la relation qui pourrait exister entre islam et islam
militant.
Par le processus du « reductio ad hitlerum »35, il devient maintenant impossible d’aborder ces
sujets sans subir l’opprobre de ces bien-pensants. En France, quelle est devenue la
qualification la plus ignominieuse (à part « pro-Bush » s’entend) ? La qualification de raciste
bien entendu. Si l’on veut garder sa crédibilité, il ne faut pas s’approcher de trop près de la
frontière du « politiquement incorrect », sans quoi, on parlera de lepénisation des esprits, de
faire le jeu du Front National, d’être un raciste. Et si l’on franchit la frontière, le retour est
quasi impossible, le « dérapage » est irréversible. On comprendra que peu d’intellectuels
s’essaient à ce petit jeu.
Or, par un dévoiement de la lutte antiraciste, nous assistons à une sorte de racisme inversé. Il
devient dangereux d’aborder le sujet de l’islam militant qui impliquerait la participation d’une
victime désignée du racisme ou de l’islamophobie. Par un racisme paradoxal, certaines
personnes bénéficient donc aujourd’hui d’une imperméabilité à la critique du fait de leur
appartenance à une catégorie, celle de victime officielle du racisme.
Ce phénomène conduit malheureusement à un déni de réalité, comme cela est déjà le cas en
France concernant la surreprésentation des jeunes issus de l’immigration dans la délinquance,
la pratique de la polygamie pourtant illégale ou encore le traitement médiatique des émeutes
urbaines de novembre 2005. Ce déni de réalité a parfaitement été analysé par Dominique
Sopo, Président de SOS Racisme, qui écrit :
« Le mécanisme même du déni est d’ailleurs révélateur de l’intime relation qui existe entre les
aspects exotiques et victimaires. Il s’enclenche lorsque, en posant la personne étrangère ou
d’origine étrangère n’existe que comme la déclinaison individualisée de la catégorie exotique
dans laquelle elle a été placée, on en vient à estimer que la critique d’un comportement
individuel équivaut à la critique d’une population déterminée. Ce déni se complète par le fait
que les populations immigrées ou d’origine immigrée, appréhendées sous le seul angle de
victimes de la société, ne sauraient supporter un examen critique. Car l’examen critique est
35
Cette expression, créée par le philosophe Leo Strauss, désigne la méthode consistant à diaboliser un adversaire
en plaçant immédiatement ses propos dans une catégorie idéologique infamante (le nazisme ou en France
l’idéologie du Front National) ou en le comparant à un personnage détestable (Hitler par exemple) avant même
de discuter du bien-fondé de ces propos. Cela permet de tuer le débat dans l’!uf et de discréditer l’adversaire.
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alors considéré comme l’antichambre de la stigmatisation, et donc d’une justice
supplémentaire »36.
Dans ces conditions, le déni de réalité concernant l’islam militant ne peut étonner. C’est ce
qui permet également de comprendre qu’il existe une différence essentielle entre la perception
de la menace par les populations et par leurs dirigeants. A titre d’exemple, la France,
craignant une attaque terroriste, a été en alerte rouge pendant de nombreuses semaines fin
2005 et a activé différents plans antiterroristes, comme le très connu Vigipirate. Ceci
démontre par ailleurs que nos dirigeants savent très bien que leur pays peut être touché à tout
moment. Ces derniers ont une perception beaucoup plus réaliste que celle de leur population,
souvent mal informée sur un sujet ayant tendance à être très vite « idéologisé ».
Il faut également ajouter que la menace actuelle est singulière et différente de ce que l’Europe
a connu jusqu’à présent (à de rares exceptions près : épisodes terroristes des Brigades Rouges
ou attentats islamistes en 1995 pour la France). Pour certains, nous serions entrés dans la 3ème
guerre mondiale voire la 4ème, si l’on considère la guerre froide comme la 3ème. Mais l’Europe
est habituée aux guerres entre Etats, avec déclarations, déplacements de troupes et tous les
mécanismes des guerres conventionnelles. Dans l’inconscient de nombreuses personnes, pour
que l’on parle de guerre mondiale et donc de réelle menace, il faudrait le soulèvement des
masses musulmanes. Leurs armées devraient nous déclarer la guerre de façon officielle par le
biais de leurs Etats. Avec une telle conception, il n’y a évidement pas grand-chose à
craindre…
A l’évidence, l’Europe n’a pas encore intégré la nature asymétrique de cette menace. D’où
une possible relativisation du phénomène.
d) L’Europe, hors de l’Histoire
Le « camp de la paix », autoproclamé lors du déclenchement de la deuxième guerre d’Irak et
assez représentatif de la position européenne, aurait dû s’appeler le camp du « laissez-nous en
paix !». L’Europe, au sein de laquelle les conflits armés ont presque tous disparus, a tendance
à ne plus s’intéresser au monde. Seul importe son bien-être. Les conflits de la planète
semblent si lointains.
Cette relativisation provient sans nul doute du sentiment européen de se croire au-delà de
l’Histoire. Selon André Glucksmann, « Elle (l’Europe) croit pouvoir mener une existence
post­historique, celle d’une île bienheureuse ou d’un camp de vacances permanent. »37.
Cette fâcheuse tendance à vouloir être en dehors de l’Histoire a conduit à quelques ratés lors
de deux précédentes menaces mondiales, le national-socialisme et le communisme. Certes,
ces analogies ne sont pas parfaites mais certaines ressemblances entre les attitudes de
l’Europe aux différentes époques sont troublantes. Durant l’entre-deux guerre, le mouvement
pacifiste était omniprésent en France (« mieux vaut la servitude que la guerre » scandait le
syndicat national des instituteurs).
Illustration parfaite de cet état d’esprit, que l’on retrouve de nos jours chez les neo-pacifistes,
une correspondance de l’écrivain Roger Martin du Gard à son ami Marcel Lallemand datée du
9 septembre 1936 : « Suis dur comme fer pour la neutralité. Principe : tout, plutôt que la
36
37
Dominique Sopo, « SOS Antiracisme », édition Denoël, 2005
André Glucksmann : « L’antiaméricanisme a une fonction rassurante, le Figaro, 25 octobre 2004.
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guerre ! Tout, tout ! Même le fascisme en Espagne ! Et ne me poussez pas, car je dirais :
oui…et même le fascisme en France ! […] Tout : Hitler, plutôt que la guerre !38
A côté de ceux qui auraient préféré Hitler à la guerre, on retrouvait aussi les partisans du
« tout va bien Madame la Marquise », ceux qui niaient la menace en diabolisant ceux qui
mettaient en garde les nations. En France, Simone de Beauvoir et Sartre ont été les
paradigmes de ce courant. Simone de Beauvoir n’écrivait-elle pas en 1939 : « Je crois que
personne ne croit à la guerre ; Sartre n y croit pas non plus. Naturellement, on est un peu
impatient et nerveux aujourd’hui à attendre la réponse de Hitler ; mais dans l’ensemble, il
n’est pas dans une situation à engager une guerre…Ce que l’on peut dire, c’est que
l’Allemagne est bien mal partie, pour une guerre et que, si ça éclatait, elle n’aurait pas bonne
mine et sans doute, ça ne durerait pas longtemps (…) Sartre est paisible comme tout »39.
Cette volonté pacifique, tout à fait compréhensible eu égard aux horreurs de la première
guerre mondiale, a cependant conduit à une négation de la menace allemande, à la diminution
drastique des budgets de défense de la France, à la mise en place d’une ligne Maginot
utopique et surtout aux fameux accords de Munich devenus l’exemple honteux de la lâcheté
européenne. Le lendemain des accords de Munich en 1938, en effet, les journaux français
titraient à la Une : « La paix ». Toujours cette même clairvoyance meurtrière, ce refus de
prendre des décisions parfois difficiles mais qui peuvent éviter des catastrophes bien plus
grandes. On dira qu’il est facile de juger a posteriori. Certes. Mais qu’au moins nous tirions
les leçons du passé, ce qui n’est visiblement pas le cas. Le pacte germano-soviétique et la
période pétainiste ont même prouvé que certains étaient capables de s’allier avec nos ennemis,
ce qui n’est pas sans rappeler les discours actuels de nos pacifistes, menés par une extrême
gauche de plus en plus mobilisatrice. Aujourd’hui, comme hier la menace est niée et ceux qui
osent en parler sont cloués au pilori.
Parmi ces pacifistes, certains, mais bien peu, sont mus par une véritable volonté de paix. La
guerre est meurtrière, c’est une évidence. La paix est préférable, nul n’en doute. Mais ce que
visiblement ces courants pacifistes ne comprennent pas, une fois encore, c’est qu’il faut être
au moins deux pour faire la paix. Par ethnocentrisme, ces derniers pensent qu’en lançant des
colombes dans le ciel, en prônant le dialogue des cultures, les tenants de l’islam militant vont
subitement recouvrer la raison, abandonner leur idéologie meurtrière, remontant à plusieurs
siècles. Cette naïveté est malheureusement exploitée par les islamistes qui profitent de ce
fameux dialogue des civilisations pour imposer, peu à peu, leur vision du monde.
Cette volonté de se situer hors de l’Histoire provoque désormais une peur irraisonnée de tout
changement de l’ordre international. Tout plutôt que la guerre. Ainsi, l’Europe s’accommode
de toutes les dictatures, de toutes les oppressions pourvu que le statu quo ne soit pas remis en
cause. C’est pour cette raison que l’Europe ne s’implique pas réellement dans les affaires du
monde, qu’elle est devenue le ventre mou de l’Occident. Elle a peur d’effets pervers que
pourrait avoir une action bouleversant l’ordre international actuel, laissant ainsi se développer
des courants anti-occidentaux tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de ses propres frontières.
Un nouveau totalitarisme nous menace mais nous agissons comme nous l’avons toujours
fait : Négation de la menace, soumission aux ennemis et mauvaise identification de ceux-ci.
38
39
Cité par Pierre-André Taguieff dans « Prêcheurs de haine », Mille et une Nuits, 2004.
Cité par Thérèse Delpech, « L’ensauvagement, le retour de la barbarie au XXIème siècle », Grasset 2005.
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18
B/ Les Etats­Unis et Israël, boucs émissaires du désordre international
Boucs émissaires par excellence, les Etats-Unis et Israël sont, pour de nombreux européens, la
cause de tous les maux.
Au sein de l’Europe, la France montre l’exemple, et n’en est d’ailleurs pas à son premier coup
d’essai. Sous estimant la menace nazi, elle a totalement ignoré la menace communiste pendant
longtemps voire encore aujourd’hui. Pire, non seulement le danger du communisme fut nié
mais une vague d’antiaméricanisme s’abattit également sur le pays. Alors que le communisme
faisait des centaines de milliers de morts (transformés en millions par la suite), nos
intellectuels manifestaient contre les Etats-Unis et leur anticommunisme. Sartre, suite à la
manifestation antiaméricaine du 28 mai 1952, qui conduit à la mort d’un manifestant, dit :
« les derniers liens furent brisés, ma vision fut transformée : un anticommuniste est un chien,
je ne sors pas de là, je n’en sortirai plus jamais » 40. Nos intellectuels se trompaient déjà
d’ennemis…
Aujourd’hui, l’histoire se répète. La véritable menace viendrait des Etats-Unis et d’Israël.
Deux figures se sont détachés après le 11 septembre 2001 : le Président américain George W.
Bush et le Premier ministre israélien Ariel Sharon. Pendant que le terrorisme islamiste faisait
couler le sang sur le monde, l’Europe, en 2003, manifestait contre ces deux hommes,
considérés comme des personnages diaboliques pire que Ben Laden. « Bush, Sharon,
assassins » scandait-on. Ces deux hommes ont même été comparés à Hitler. En revanche peu
de pancartes dans ces manifestations décrivaient Ben Laden comme un assassin. Que les
politiques de George W. Bush et d’Ariel Sharon soient critiquées est tout à fait normal.
Personne n’est infaillible et toute démocratie entraîne inévitablement des mécontentements et
des critiques. On peut aussi vivement critiquer l’interventionnisme des Etats-Unis qui, même
à l’heure actuelle, n’a pas résolu tous les problèmes. Cependant, comparer les deux hommes à
Hitler alors qu’au même moment, les fous d’Allah égorgeaient des innocents, laisse un
profond sentiment de dégoût. Cette haine antioccidentale, qui fit dire à Sartre « Abattre un
européen, c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un
opprimé ; restent un homme mort et un homme libre » démontre, à l’évidence, un effacement
de nos valeurs morales, termes honnis lui aussi.
Ouvrons d’ailleurs une petite parenthèse plus précise sur ces manifestations « pacifistes » lors
du déclenchement de la guerre en Irak en 2003. Il semblerait que certaines personnes se sont
senties investis d’une mission de sauvegarde du peuple irakien. Ces gens là souhaitaient
défendre le peuple irakien contre les « impérialistes américains ». On peut légitimement se
demander le pourquoi de ce soudain intérêt pour ce peuple. Où étaient ces « pacifistes » quand
Saddam Hussein a éliminé plus de 500.000 kurdes ? Ou lorsque 200.000 chiites ont été
massacrés lors du soulèvement de 1991 ? Quand Saddam Hussein empilait des milliers de
cadavres dans des charniers ? Quand Saddam Hussein écrasait la population des marais au sud
de l’Irak ? Où étaient les banderoles demandant à Saddam Hussein de cesser le massacre de
son peuple ? Etonnant donc que ce soudain amour du peuple irakien n’ait commencé qu’avec
l’intervention irakienne, étonnant vraiment…
40
Cité dans « le terrorisme intellectuel », Jean Sevilla, Perrin, 2004.
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19
Cette haine antiaméricaine et anti-israélienne, gonflées aux théories du complot soulève trois
questions : les Etats-Unis et Israël sont ils les seuls cibles des islamistes ? Faut-il incriminer la
politique américaine ou israélienne dans la montée de l’islam militant ?
a) Les Etats-Unis et Israël sont-ils les seules cibles des djihadistes ?
Pour qui s’intéresse à l’islam militant et à sa genèse, la réponse est claire : Non.
Si les américains et les juifs (pas forcément israéliens d’ailleurs) sont des cibles privilégiées,
personne n’est à l’abri, pas même les musulmans qui sont également les victimes des
djihadistes. Cette position se vérifie dans les discours des fondamentalistes mais également à
travers les divers communiqués des terroristes lors d’attentats, communiqués où se mêlent
politique actuelle (guerre en Irak, conflit israélo-palestinien, etc.) et ambition plus large
(reconquête de l’Espagne, de la Turquie ou du dar-al-harb41 en règle générale).
Lors des attentats du 11 mars 2004, les médias européens ont désinformé leurs citoyens en
leur faisant croire que les attentats étaient le résultat de l’engagement de l’Espagne en Irak. Et
les islamistes ont bien entendu repris cet argument afin de peser sur les élections espagnoles.
Pourtant, comme le souligne Claude Moniquet, directeur de l’European Strategic Intelligence
and Security Center (ESISC) : « L’idée généralement admise est que, plus on est loin des
américains, plus on acquiert une forme d’immunité. C’est faux. Les attentats de Madrid ont
été préparés dès 2000­2001, bien avant l’offensive des Etats­Unis et de ses alliés en Irak.
L’Espagne a été prise pour cible pour des raisons de principe : c’est un pays occidental
avec lequel les islamistes ont de vieux compte à régler. Dans la première vidéo de
revendication des attentats, il est fait état de la Reconquista. Ce type d’argument peut­être
étendu à l’ensemble du vieux continent. »42.
Prenons maintenant l’exemple de la France qui mène un politique « pro-arabe »,
antiaméricaine et anti-israélienne depuis de nombreuses années. Si l’on suit le raisonnement
selon lequel les Etats-Unis et Israël seraient non seulement les principaux responsables de la
situation actuelle et donc les principales victimes, la France devrait donc être un sanctuaire.
Or tel n’est pas le cas. Les faits révèlent sans ambiguïté que la France, et par extension
l’Europe a été menacée et qu’elle le sera encore.
A titre d’exemples, on pourra citer quelques attentats déjoués en France :
!
!
!
la Cellule de Francfort qui s’apprêtait à poser une bombe sur le marché de Noël de
Strasbourg en décembre 2000. Durant leur repérage les islamistes, passant devant la
cathédrale diront : « Le peuple de l’Islam se lève et nous arme afin que nous
combattions l’infamie et l’infecte non­croyance ».
la cellule Djamel Beghal. Arrêté à Dubai et mis en examen en septembre 2001, elle
prévoyait un attentat contre l’ambassade des Etats-Unis à Paris.
la cellule tchétchène : Décembre 2002 : des islamistes sont arrêtés à La Courneuve et
Romanville. Certains membres de la famille Benchellali seront par la suite mis en
41
Le dar-al-harb désigne le territoire non musulman où il est licite de mener le djihad à opposer au dar al-islam,
territoire musulman par le fait que l’islam y est appliqué.
42
« Des cellules terroristes existent partout en Europe », le Parisien, 11 mars 2005.
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20
!
examen autour de Lyon. Leur opération ? un attentat chimique au gaz cyanuré contre
des intérêts russes en France.
Cette dernière cellule a d’ailleurs permis aux enquêteurs français d’être informés de
plusieurs projets d’attentats. Etaient visés un grand magasin de prêt-à-porter féminin
en plein c!ur de Paris, des commissariats, ainsi que la Tour Eiffel. C’est également en
relation avec l’enquête sur les filières tchétchènes que les services de renseignement
français ont appris un projet d’attentat pendant la coupe du monde en 1998.
« Il serait naïf de croire que les contorsions diplomatiques de la France ou de l’Allemagne les
mettront à l’abri de la menace islamiste » confirme un expert parisien du terrorisme43.
Pour comprendre ce qui pousserait les islamistes à attaquer la France, il suffit de lire le
compte rendu d’une interview entre Ahmed Ben Mohammed, islamiste algérien et Mohamed
Bechari, membre du CFCM :
Ahmed Ben Mohammed : « Si la France est un loup pour les musulmans, les États-Unis sont
une hyène, et je refuse d'être dévoré par l'un ou par l'autre. Nous ne devons pas oublier que
l'ancien président Giscard avait qualifié la France de « fille aînée de l'Eglise ». Si je ne veux
pas prendre les dirigeants français pour adversaires, je ne dois en revanche pas tromper les
musulmans en leur racontant des mensonges sur la France, en la considérant comme une alliée
des musulmans… La France a interdit le port du voile, alors que les États-Unis respectent
cette tenue islamique… Je peux, avec tout le monde, comprendre que les États-Unis puissent
réagir aux attaques du 11 septembre et aller frapper les Talibans en Afghanistan. Mais que fait
la France, elle, là-bas ? La France ne nous soutient pas, mais elle défend ses intérêts face aux
États-Unis… Nous n'avons pas oublié que Jospin avait qualifié le Hezbollah de terroriste. Les
jeunes Palestiniens, qui ne s'y trompent pas, l'ont caillassé… ».
Mohamed Bechari : « Justement, Jospin a payé le prix fort pour son comportement. La
communauté arabe de France avait misé sur Chirac dès le premier tour de la présidentielle de
2002, pour sanctionner Jospin. En plus, Jospin était soutenu par le lobby juif… » […] Je ne
dis pas que la France est un paradis, mais je dois être juste : la France a une politique juste
[…]. Je rappelle que le seul chef d'État qui a été frappé à coups de tomates et d'!ufs pourris à
Jérusalem c'est Jacques Chirac[…]
Ahmed Ben Mohammed : Très jolies paroles. Mais c'est la moitié de la coupe, pleine ou vide.
[…]Les Américains ont été humiliés le 11 septembre, mais la vieille France que fait-elle en
Afghanistan ? Que fait-elle en Tchétchénie ? Avons-nous oublié que Chirac est l'allié de
Poutine en Tchétchénie ? Avons-nous oublié Mitterrand quand il a dit qu'il n'y aura jamais un
État musulman en Europe, en parlant de la Bosnie ? J'aimerais bien que la France soit juste.
Mais notre réalisme ne doit pas nous conduire à l'humiliation et à l'aveuglement… Vous dites
que les Israéliens détestent la France. Mais en contrepartie, dites- moi quel fut le cadeau que
Paris vous a offert ? L'interdiction du voile, qui est pourtant une obligation religieuse. Alors
qu'aux sionistes, elle a offert une rue Hertzel, du nom du fondateur du sionisme. La France
vous a interdit le port du voile. Voilà comment les Français vous récompensent. »44.
43
« L’Europe dans le collimateur d’Al-Qaïda», le Figaro, 15 mars 2004.
« La traduction d'un débat houleux sur Al –Jazeera » Mohamed Béchari du CFCM encense la politique arabe
et musulmane de Chirac face à Ahmed Ben Mohammed, islamiste radical algérien », www. proche-orient.info,
15 septembre 2004.
44
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21
Cette interview est un parfait exemple de la perception que peuvent avoir les islamistes de la
France.
Rappelons également la décision d’Al Zarkaoui, ex-star emblématique de la résistance contre
l’axe américano-sioniste en Irak, de frapper la France à l’automne 2005 en concluant une
alliance avec le GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat) algérien45. Citons
enfin Jacques Maury, secrétaire du Snop (syndicats d’officiers de police) d’Ile-de-France :
« S’il n y a pas eu d’attentats islamistes en France depuis Khaled Kelkal, ce n’est pas pour
des raisons géopolitiques. Il ne se passe pas deux mois sans que nos services interceptent
des suspects »46.
On aurait par conséquent tort de croire à une sanctuarisation de la France et de l’Europe du
seul fait de notre politique antiaméricaine et pro arabe. Des motifs existeront toujours pour
légitimer les actions de terroristes qui n’hésiteront pas à attaquer tout infidèle, aux Etats-Unis,
en Israël comme partout dans le monde.
b) La politique étrangère américaine est-elle responsable du djihadisme ?
Cette question découle directement de la première car les analystes européens et notamment
français imputent le terrorisme à l’échec de la politique, notamment moyen-orientale, des
Etats-Unis. Une façon encore de nier notre propre responsabilité et de se tenir hors de
l’Histoire.
Il est ainsi de bon ton de ramener l’islam militant et le djihadisme à la politique étrangère
américaine. Si cette hypothèse peut-être pertinente dans certains cas, notamment concernant la
politique ambiguë des Etats-Unis dans la région du Moyen-Orient, une simple rétrospective
des actions islamistes démontre clairement que les nouveaux agents du totalitarisme vert n’ont
pas attendu les Etats-Unis, ni le Président Bush pour déployer tous leurs moyens. Il est alors
intéressant de se poser une série de questions concernant les actions des tenants de l’islam
militant :
En quoi la politique américaine est-elle à l’origine de l’action de l’Union des Organisations
islamiques d’Italie visant à interdire la Divine Comédie de Dante ou le retrait de tous les
crucifix des lieux publics italiens ? Quid de la demande de l’Union des Italiens musulmans
aux fins de retrait de la cathédrale San Petronio la fresque médiévale Le Jugement dernier car
elle serait une offense au prophète Mahomet ou encore aux fins de retrait des crucifix dans
tous les lieux publics en Italie car offensant les musulmans italiens ?
En quoi la politique américaine est-elle à l’origine de la déclaration prononcée le 4 novembre
2001 sur la Rai par le président des l’Union des musulmans d’Italie, Adel Smith : « Evèque de
Rome, au nom de tous les musulmans qui partagent avec nous ce devoir missionnaire, je Vous
invite à abandonner la religion idolâtro­polythéiste catholique que vous professez et à
prononcer la chahada, profession de foi des musulmans… » ? 47
45
« Une filière d’envoi de djihadistes en Irak démantelée en banlieue parisienne », Le Monde, 19 septembre
2005.
46
« Paris s’organise face au risque d’attentats », 20minutes, 19 juillet 2005.
47
Les différentes citations sont tirées de l’ouvrage d’Alexandre Del Valle, « Le totalitarisme à l’assaut des
démocraties », éditions des Syrtes, 2002.
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22
En quoi la politique américaine est-elle à l’origine de la déclaration d’Omar Bakri Mohamed,
un des représentants du Front international islamique de Ben Laden pour l’Europe :
« Constantinople a été islamisée, aucun musulman ne met en doute que l’Italie le sera à son
tour et que le drapeau de l’Islam flottera sur Rome » ?
La même question peut être posée concernant la persécution des chrétiens du Sud Soudan par
des islamistes qui veulent leur imposer la charia ?
En quoi la politique américaine est-elle à l’origine du djihadisme en Ossétie ou aux
Philippines ?
Théo Van Gogh a-t-il été assassiné à cause de la politique étrangère des Etats-Unis ?
Que dire de l’envoi à de nombreux prêtres chrétiens durant l’été 2005 d’une brochure de 24
pages, intitulée « Appel à suivre la voie du salut et de la vérité » critiquant la religion
chrétienne et poussant à la conversion ?
La liste pourrait s’allonger à loisir, la conclusion non : croire que les Etats-Unis et Israël sont
responsables de ce nouveau totalitarisme est une grave erreur d’analyse, sans doute issue du
refus de l’Europe de voir la réalité telle qu’elle est. Haine de soi, sentiment de culpabilité,
syndrome de Stockholm, antiaméricanisme et réflexe munichois expliquent sans nul doute
cette grille de lecture si chère à nos analystes en stratégie, islamologues officiels et autres
journalistes de notre intelligentsia.
Si les analystes européens semblent encore avoir des !illères intellectuelles, d’autres
n’hésitent pas à affronter la réalité. Le Dr. Sa’ad bin Tefla, journaliste et ancien Ministre de la
communication du Koweit a accordé une interview à la télévision jordanienne en juin 200448.
Il y a rejeté l’idée qu’Israël et les Etats-Unis pouvaient être tenus pour responsables de la
violence islamiste actuelle et a insisté sur le fait que les racines culturelles arabes, le sentiment
de frustration, les extrémismes religieux et les violences interarabes expliquaient le
phénomène :
« J’affirme que nous sommes tous responsables de cette culture {de violence} et que le
sionisme et l’impérialisme n’ont rien à voir avec elle […] J’affirme qu’il y a,
malheureusement, une culture de violence qui existait avant que les américains ne viennent
en Irak ou dans le Golfe, même avant qu’Israël occupe la Palestine et avant l’occupation
américaine en Afghanistan et en Irak ».
Nous aimerions que nos intellectuels aient cette clairvoyance…
Si la politique étrangère des Etats-Unis n’est donc pas la source de l’islam militant, il reste
cependant à éclaircir un dernier point plus nuancé que les autres : la politique étrangère
américaine et l’utilisation de la force a-t-elle aggravé le terrorisme ?
Nous verrons dans un développement ultérieur l’état de la menace qui pèse actuellement sur
l’Occident mais il est d’ores et déjà certain que la politique américaine n’a en rien apaisé
l’islam militant dans l’immédiat. Le contraire eut été étonnant. Croyait-on que des personnes
dont les faits et gestes sont guidés par Dieu (de leur point de vue, cela s’entend) n’allaient pas
réagir ? Qu’ils allaient renoncer à leur utopie meurtrière à la vue de chars américains ? C’est
48
Interview traduite en anglais par MEMRI et par Charles Dressou pour le site Internet www.primo-europe.org.
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23
un véritable bras de fer qui se joue et celui qui pliera le premier devra en payer les
conséquences.
Cela étant dit et en raisonnant a contrario, peut-on affirmer que sans cet engagement frontal,
le monde aurait été plus sûr ?
La menace islamiste couve depuis plus de 20 ans. Les attentats du 11 septembre 2001, du 11
mars 2004 et d’autres attentats manqués ont été préparés bien avant l’accès au pouvoir du
Président Bush et d’Ariel Sharon, bien avant la guerre en Irak ou en Afghanistan. Il est naïf de
croire que les tenants de l’islam militant n’auraient pas mis en !uvre leur idéologie
totalitariste, avec ou sans guerre en Irak, avec ou sans réponse de l’Occident. La politique
américaine n’a fait que révéler au grand jour leurs desseins.
Bien plus que la politique de l’administration Bush, c’est bien au contraire la politique
attentiste de l’Occident depuis des années, notamment envers le monde musulman, qui est la
cause essentielle de la montée de l’islamisme dans le monde, comme nous le verrons par la
suite.
c) Le conflit israélo-palestinien est-il la source du djihadisme ?
Autre thèse quelque peu différente de la précédente. Toujours dans un souci de ne pas
affronter la réalité, les spécialistes autoproclamés européens ont placé le centre de gravité du
terrorisme sur le conflit israélo-palestinien.
Javier Solana, Haut-Représentant de l’Union Européenne pour la politique étrangère et de
sécurité commune (PESC), semble être le porte parole de cette tendance. Selon lui, « la non
résolution du problème israélo­arabe entraîne la montée de l’extrémisme » 49.
Bien évidemment cet argument permet à l’Europe de se dédouaner une nouvelle fois d’autant
plus qu’elle n’a que peu d’influence sur ce conflit. En outre, ce genre d’analyses, qui pointe
du doigt Israël, n’a rien d’étonnant venant de nos institutions si l’on se réfère à la politique
anti-israélienne de l’Europe.
Pourtant l’argument n’est pas très pertinent après examen des faits. Comme le rappelle
François Heisbourg, Directeur de la Fondation pour la recherche stratégique, « Si l'on
cherche les causes qui peuvent fournir à ces groupes terroristes l'eau dans laquelle le
poisson peut se mouvoir, qu'est­ce qu'on trouve ? Est­ce la pauvreté ? Non. Sinon, les
terroristes seraient africains. Est­ce le conflit israélo­arabe ? Bien sûr, ce serait mieux s'il y
avait un processus de paix au Proche­Orient, si cet élément de polarisation entre l'Occident
et le monde arabe disparaissait. Mais Al­Qaida est née peu de temps après les accords
d'Oslo (1993) ; le mouvement a fleuri et prospéré pendant des années où les choses
paraissaient se passer raisonnablement bien entre Palestiniens et Israéliens. »50.
Il est aussi utile rappeler que l’islam militant et sa branche armée touchent à la fois les
occidentaux, les juifs mais également les musulmans eux-mêmes, en tous cas ceux qui sont
considérés comme ne respectant pas l’islam. Cela montre que les objectifs de l’islam militant
ne se limitent pas à la destruction d’Israël et que le conflit israélo-palestinien n’a pas créé le
phénomène. Régler ce conflit ne signifiera pas pour autant que la volonté de conquête des
49
50
« Le terrorisme, l’Europe et le Renseignement », Le Figaro, 9 novembre 2004.
« Hubert Védrine et François Heisbourg : Pourquoi le terrorisme ? », Le Monde, 26 mars 2004.
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24
islamistes se résorbera, car celle-ci a des fondements théologiques bien plus anciens que la
création d’Israël.
Pour reprendre les paroles de Guy Behor, juriste et orientaliste, « L’Europe (tout comme une
grande partie du monde arabe d’ailleurs !) prétend depuis longtemps que la source du conflit
avec le monde arabe et la source de tous les malheurs du monde sont le conflit israélo­
palestinien. Or, il s’avère qu’il y a aujourd’hui avec Al­Qaïda un mouvement dominant qui
lutte contre l’Occident et contre les pays arabes laïcs mais sans rapport avec le conflit
israélo­palestinien. Et cela embarrasse l’Europe. Du point de vue d’Al­Qaïda, commettre un
attentat en France est plus important que d’en commettre un en Israël. Les européens sont
prisonniers de concepts dépassés. Ils ne comprennent pas – et Javier Solana en tête, qui
déplore la spirale de la violence après les attentats de Taba – la catastrophe qui va s’abattre
sur eux »51.
Une fois encore c’est du monde musulman que vient l’analyse la plus réaliste sur la question :
Le sociologue Ali Tarrah, dans une tribune publiée dans le quotidien koweïtien Al Seyassah
adressait ces phrases au Prince Turki Al Fayçal, ambassadeur d’Arabie Saoudite :
« Nous sommes tous d'accord sur le fait que la cause palestinienne est et restera le
carburant du terrorisme et qu'il faut que le monde entier s'unisse pour trouver une solution
juste à ce conflit […] Mais on ne peut pas être d'accord avec le prince Turki sur la question
du choc des civilisations entre l'Orient musulman et l'Occident chrétien. Car cette
confrontation dépasse de loin la question palestinienne. Si l'on veut vraiment éviter cette
grande explosion et la confrontation, il faut commencer par faire sincèrement notre
autocritique. Il faut avoir le courage de reconnaître la responsabilité de nos gouvernements
et de leurs politiques… Notre inculture nous a fait occulter les vrais problèmes dans nos
sociétés. Nos régimes sont responsables de notre situation explosive. Les pays du Golfe et
particulièrement l'Arabie saoudite sont directement impliqués dans le terrorisme à travers
le soutien direct et indirect qu'ils lui ont fourni. Nos États du Golfe ont financé,
consciemment ou inconsciemment, les organisations terroristes. Mais en tout cas, ce sont
nos États qui ont fait la promotion de leur idéologie, intrinsèquement liée à la religion. »52
Le fait de pointer du doigt les Etats-Unis et Israël relève donc d’une erreur d’analyse grave
qui conduit les européens à se laisser bercer par des illusions qui dont dangereuses.
C/ La question irakienne
Une des raisons invoquées par l’administration Bush pour engager la seconde guerre en Irak
était que ce dernier pays était lié au terrorisme islamiste et devenait une menace pour les
Etats-Unis, voire pour le monde entier.
Les différents rapports concernant la situation post Saddam Hussein ont confirmé certains
points : le tyran de Bagdad était une menace. Son intention de se réarmer ne faisait aucun
doute (les 300 tonnes d’explosifs volés en Irak en octobre 2004 démontrent bien que Saddam
gardait encore, bien que sous surveillance de l’AEIA, un immense réservoir d'armes
conventionnelles permettant notamment de fabriquer des armes nucléaires) et ce malgré les
sanctions onusiennes. Le scandale du programme « pétrole contre nourriture » ainsi que le
51
Entretien entre Daniel Haïk et Guy Behor, www.proche-orient.info, 11 octobre 2004.
« Un sociologue koweïtien écrit au prince Turki Al Fayçal, ambassadeur d'Arabie saoudite à Londres »,
www.proche-orient.info, 12 octobre 2004.
52
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25
rapport Duelfer, publié en octobre 2004, ont mis en évidence la volonté de Saddam Hussein
d’amadouer certains états peu scrupuleux afin de faire tomber les sanctions et de pouvoir se
réarmer. Pire, Saddam Hussein était persuadé que les Etats-Unis n’attaqueraient pas l’Irak car
il comptait sur ses états amis, la France et la Russie en particulier, pour faire pression sur eux
et sur l’opinion mondiale en se positionnant en victime de l’impérialisme américain. Rien de
plus normal au regard du soutien de ces pays au dictateur. Tarik Aziz, ancien vice-Premier
Ministre dira même : « L’Irak avait accordé des millions de dollars de contrats à la France et
à la Russie. Les français voulaient obtenir la levée des sanctions afin de préserver leurs
intérêts commerciaux et montrer qu’ils avaient encore du pouvoir en agitant leur veto au
Conseil de sécurité »53. Saddam Hussein se sentait protégé, il pensait que les Etats-Unis
plierait comme à l’époque de Clinton ou de Bush père, à tort. A titre de parenthèse, ces
révélations mettent bien à mal les mensonges de la France, bien plus préoccupée par ses
intérêts financiers que par le droit international ou un utopique monde multipolaire54.
Toutefois, si la menace était bel et bien présente, son imminence n’a pas encore été démontrée
de façon claire. Si la majorité des services de renseignements, y compris les services de
renseignements français, croyaient avant le début de la guerre que Saddam Hussein travaillait
bien sur des Armes de Destructions Massives (ADM), les diverses enquêtes postérieures n’ont
trouvé aucune trace de ces ADM. La CIA a même été accusée de s’être lourdement trompée
sur l’existence de ces armes. A l’heure actuelle, nulle ADM n’ont été retrouvées, mais il ne
faut pas perdre de vue qu’au moment ou la guerre en Irak a été décidée, le monde du
renseignement était persuadé que Saddam Hussein possédait de telles armes, notamment
chimiques, et qu’il était prêt à s’en servir comme il l’avait déjà prouvé par le passé. En outre,
la piste d’un déplacement de ces armes en Syrie est toujours d’actualité. Toute conclusion
définitive à ce sujet n’est donc pas intellectuellement probante. Il faut en effet rappeler que la
seconde guerre d’Irak a permis de découvrir plus de 2 millions de documents concernant le
régime de Saddam. A ce jour, seul 50.000 documents ont été analysés. C’est pour cette raison
que nous sommes loin d’avoir tous les éléments en main pour être affirmatif sur ces sujets.
Nous savons également que Saddam Hussein était lié au terrorisme international. Il finançait
le terrorisme palestinien et des contacts avec Al-Qaïda ont bien eu lieu55. L’Irak a également
accueilli sur ses terres des groupes terroristes, notamment le groupe Ansar al Islam et à
favoriser leurs passages vers d’autres pays du Moyen-Orient. Stephen F. Hayes, journaliste au
Weekly Standard, a également révélé en janvier 2006 que le régime de Saddam Hussein
soutenait le terrorisme djihadiste en permettant notamment l’entraînement de groupes
islamistes dans trois principaux camps à Samarra, Ramadi et Salman Pak, entraînement dirigé
par des hauts gradés de l’armée irakienne. Entre 1999 et 2002, près de 2.000 terroristes ont été
entraînés en Irak, ce qui porterait le nombre total à près de 8.000 extrémistes.
Malgré ses relations avec le terrorisme, il est cependant certain que l’Irak n’était pas le
berceau du terrorisme islamiste, ni du point de vue idéologique, ni du point de vue logistique,
ni du point de vue financier. C’est pourtant bien l’Irak, après l’Afghanistan, qui a été attaqué,
générant le soulèvement de l’opinion mondiale et la perte de crédibilité des Etats-Unis à cause
notamment d’un manque de clarté dans les objectifs de cette guerre.
53
« Les rêves brisés de Saddam », Libération, 30 mars 2006.
Pour approfondir le sujet, lire l’ouvrage de Jeanne Assouly, « L’Irak, la vérité », éditions Télémaque, 2006.
55
Si la rencontre à Prague entre Mohamed Atta et Ahmed Khalil Ibrahim Samir al-Ani, membre des services de
renseignement irakiens, en avril 2001, n’a pas été confirmée par la commission d’enquête du 11 septembre (suite
aux renseignements tchèques affirmant que cette rencontre a bien eu lieu), celle entre Farouk Hijazi, également
membre des renseignements irakiens, et Al-Qaïda est bien plus ambiguë, bien que non confirmée.
54
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26
Car sur la question irakienne, s’il est bien une critique que l’on peut formuler à l’encontre de
l’administration Bush, c’est effectivement la piètre communication qui a précédé et suivi
l’application de leur politique. Richard Clarke56 a parfaitement raison d’écrire que le monde
entier, mais surtout le monde arabo-musulman dans sa majorité n’a pas vu dans cette
intervention la libération d’un peuple et la démocratisation d’une région à risques, mais bel et
bien l’agression de l’Occident pour des raisons pétrolières (sauf peut-être les irakiens euxmêmes trop heureux de voir disparaître un dictateur qui les a oppressés pendant de longues
années). Cette communication insuffisante a d’ailleurs commencé dès le 11 septembre 2001,
lorsque le Président Bush a parlé de « guerre contre le terrorisme » pour justifier sa politique.
Pourtant on fera remarquer que le terrorisme n’est pas un ennemi mais un moyen d’action. Ce
n’est qu’en octobre 2005 qu’il a employé le terme d’ »islam radical ». Ce n’est donc que
quatre ans plus tard qu’il a enfin mis un nom sur le problème, l’islamo-fascisme. Avoir
invoqué un axe du mal, qui certes existe, n’a bien évidemment pas permis de cerner l’ennemi
correctement. C’est sans doute une des raisons qui a conduit l’Europe et une partie de
l’opinion américaine à le critiquer si âprement. Cette non définition de l’ennemi peut-être
transposer à la guerre en Irak. En effet, pour n’avoir pas clairement indiqué les raisons
stratégiques de la guerre en Irak, le Président Bush et les Etats-Unis se sont enfermés dans une
spirale d’où ils ont du mal, encore aujourd’hui, à s’extirper. Cela vaut autant pour l’opinion
américaine, séduite par les sirènes de la gauche démocrate qui n’a eu de cesse, en ne
proposant rien de nouveau, de chercher la moindre erreur pour tenter de décrédibiliser
l’administration Bush, mais également pour l’opinion mondiale qui, par un mécanisme de
mémoire sélective, ne se souvient que des « mensonges » liés aux ADM.
La question irakienne a donc bel et bien écorné l’image des Etats-Unis dans le monde. A ce
titre, les sondages de Zogby International57 sont éloquents : l’antiaméricanisme est en
progression constante dans le monde arabe. En Egypte, 98% de la population a une opinion
défavorable des Etats-Unis. Au Maroc, le pourcentage est de 88%, en Arabie Saoudite, on
atteint les 94%. A la question « A quoi pensez-vous lorsque vous entendez le mot
Amérique », parmi une vingtaine de propositions, la plus fréquente est « politique étrangère
injuste ». Enfin, concernant les motivations de la guerre en Irak, les réponses les plus
fréquentes sont : le « pétrole », la « protection d'Israël » ainsi que la « volonté d'affaiblir le
monde musulman » (notamment pour l’Arabie Saoudite). Cette tendance est à la baisse en
2005 mais l’image des Etats-Unis reste malgré tout désastreuse dans le monde.58
Sur ce point, on ne peut que donner raison aux analystes français, malgré leur
antiaméricanisme persistant, qui estiment que les Etats-Unis ont échoué au Moyen-Orient,
tout au moins concernant la perception de leur pays dans cette région. Faute de n’avoir pas su
correctement démontrer en quoi l’Irak était une menace, en quoi l’instauration, par la force,
d’une démocratie allait servir à la lutte contre l’islamo-fascisme, les Etats-Unis ont perdu une
bataille importante, celle de l’image.
Les opposants à la guerre irakienne, considérant que l’Irak n’était pas suffisamment liée au
terrorisme international et aux attentats du 11 septembre ont fait remarquer, à juste titre, que si
l’on voulait s’attaquer directement au terrorisme islamiste, il fallait regarder en direction
d’autres cibles telles que l’Arabie Saoudite, l’Iran, la Syrie voire le Pakistan qui, a des degrés
56
Richard Clarke, op.cit.
« Deux passionnants sondages réalisés par l'institut américain Zogby », op.cit.
58
Par exemple, le pourcentage d’opinions favorables aux Etats-Unis était de 10% au Pakistan, pourcentage
passant à 23% en 2005 www.pewglobal.org, 23 juin 2005.
57
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27
divers, alimentent l’islam militant bien plus que l’Irak. Pour des raisons géopolitiques
évidentes, ces cibles n’ont pas connu d’attaques frontales des Etats-Unis. Pour ces mêmes
raisons, c’est l’Irak qui a été attaquée. La raison de ce choix est, nous le verrons par la suite,
loin des poncifs que l’on entend.
Pour autant, la question des pays qui sont la source de l’islam militant est cruciale dans la
mesure où les moyens d’actions contre ces pays ne sont pas les mêmes que pour l’Irak.
D/ Le berceau de l’islam militant
Sans surprise, lorsque l’on évoque le sujet de l’islam militant ou du djihadisme, quelques pays
ressortent immanquablement. De façon très synthétique, il est nécessaire de déterminer en
quoi, ils peuvent être considérés comme le berceau du terrorisme.
a) L’Arabie Saoudite
Laurent Murawiec, Directeur de recherche au Hudson Institute (Washington), a provoqué un
tollé devant le Defense Policy Board (Comité consultatif de la Défense américain) lorsque,
après les attentats du 11 septembre, il affirma que l’Arabie Saoudite n’était pas un allié des
Etats-Unis mais un ennemi.
« Les Saoudiens sont à l’!uvre à tous les niveaux de la chaîne de la terreur, des
planificateurs aux financiers, de l’encadrement aux exécutants, des idéologues aux
propagandistes »59.
Sur le plan financier, il est maintenant acquis que l’Arabie Saoudite, par le biais de
nombreuses ONG finance le terrorisme islamiste. Le rapport des Nations unies sur le
financement du terrorisme a cité certaines d’entre elles directement liées à l’Arabie Saoudite.
Laurent Murawiec fait référence par ailleurs au journal saoudien Ain-al-Yaqeen qui, le 31
janvier 2003, indiquait que « Le montant des efforts consentis par le roi Fahd dans ce
domaine est astronomique et doit être chiffré en milliards de riyals »60 .
L’influence idéologique du wahhabisme ne fait également aucun doute dans le terrorisme
actuel. Suite aux attentats de Londres de juillet 2005, il a été révélé par la presse britannique
que deux des quatre terroristes des attentats ratés du 21 juillet 2005 avaient des relations avec
l’Arabie Saoudite. L’un deux y avait même suivi une formation militaire intensive en 200461.
Mais le Royaume Wahhabite ne se contente pas de financer et de gérer la logistique des
terroristes. Il en est le principal acteur idéologique. L’endoctrinement de la jeunesse
saoudienne commence par leur éducation scolaire. Dès leur enfance, les saoudiens voient leur
conception du monde façonnée par le wahhabisme.
Le Center for Monitoring the Impact of Peace (CMIP) a mis en évidence l’idéologie de haine
et de violence transmises par ces manuels d’éducation62. Ainsi, les enfants saoudiens
apprennent par exemple que « la religion de l’Islam est la vraie religion et tout autre est
59
« Dé-Saoudiser l’Arabie », Laurent Murawiec, Politique Internationale n° 103.
« Dé-Saoudiser l’Arabie », Laurent Murawiec, op.cit.
61
« Le berceau du terrorisme », El Watan, 2 août 2005.
62
Cmip-France, « La démocratie en danger : l’enseignement scolaire saoudien », Berg International 2004.
60
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28
fausse. La religion de l’Islam est noble et l’emporte sur toutes [les autres] religions. Dieu a
accompli sa promesse, car depuis que le soleil de l’Islam s’est levé sur la terre, il est très au
dessus des autres religions. Et cela doit demeurer ainsi – comme Dieu l’a promis – jusqu’à ce
que Dieu hérite de la terre et de tout ce qui s’y trouve »63 (Commentaire du Coran, classe de
3ème, 2000 p.88).
« Les incroyants parmi les peuples du Livre et les polythéistes brûleront éternellement dans le
feu de l’enfer. Ce sont les plus vils des créatures » (Commentaire du Coran, classe de 5ème,
1998, p.116).
« La nation musulmane se caractérise par une particularité qui fait d’elle la meilleure nation
qui ait été engendrée pour l’humanité. Cette [particularité] consiste dans l’exhortation au
bien et l’interdiction du mal » (Commentaire du Coran, classe de 5ème, 1998, p.94).
« Dans le monde d’aujourd’hui, il y a ceux qui professent le judaïsme et le christianisme par
imitation de leurs ancêtres, par arrogance et renonciation à la vérité, et ce en dépit de
l’apparition de la religion de l’islam qui a remplacé les religions antérieures » (Géographie
du monde musulman, classe de 4ème, 1994, p 18).
« Il ne fait aucun doute que la puissance des musulmans irritent les infidèles et répand l’envie
dans le c!ur des ennemis de l’Islam – chrétiens juifs et autres – en sorte qu’ils complotent
contre eux, rassemblent leurs forces, les harcèlent et saisissent la moindre occasion pour
éliminer les musulmans. Les exemples de cette hostilité sont innombrables, à commencer par
le complot fomenté par les juifs contre le messager et les musulmans des le début de
l’apparition de la lumière de l’Islam et pour finir avec ce qui arrive aux musulmans
aujourd’hui une alliance entre croisées et juifs s’acharnant à éliminer l’islam de tous les
continents. Les massacres dirigés contre les musulmans de Bosnie­Herzégovine, de Birmanie,
des philippines et d’Afrique sont la meilleure preuve de la malveillance et de la haine que
ressentent les ennemis de l’islam envers cette religion. » (Géographie de monde musulmans,
classe de 4ème, 1994, p 32).
« Il est interdit de se lier d’amitié avec les infidèles, de les soutenir ou de les aider d’une
quelconque façon. Quiconque leur accorde son amitié s’écarte du chemin de la vérité…. »
(Commentaire du Coran, classe de 3ème, 2000 pp 60-61).
« Le djihad pour la cause de Dieu est la voie pour atteindre la victoire et la force dans ce
monde­ci, ainsi que le paradis, dans l’autre monde » (Commentaire du Coran, classe de 3ème,
2000 p 90).
« Les intérêts de la religion sont au­dessus de tous les autres intérêts, car ils constituent le
pilier du bien aussi bien de ce monde­ci que de celui à venir […]. Dieu, dans sa miséricorde,
a édicté diverses façons de préserver la religion. Entre autres :
-
63
Tuer les apostats et les hérétiques.
Le djihad pour la cause de Dieu par l’âme et par les biens » (Jurisprudence islamique,
classe de 2è, 2001, p 10).
Toutes les citations suivantes sont tirées de « La démocratie en danger : l’enseignement scolaire saoudien ».
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29
A la lecture de ces quelques exemples d’enseignement saoudien, faut-il encore s’étonner que
15 des 19 terroristes du 11 septembre 2001 venaient d’Arabie Saoudite ? Faut-il encore
s’étonner des conséquences de cet enseignement dans le monde entier ?
Faut-il s’étonner que le cheik Muhammad Ben Abd al-Rahman, imam de la mosquée de
l’Académie de la défense du Roi Fahd déclare : « Nous occuperons Rome et nous y ferons
régner l’islam. Oui, les chrétiens, qui gravent des croix sur la poitrine des musulmans du
Kosovo (…) devront nous payer la djiziya [la capitation, l’impôt que doivent payer les non­
musulmans, les dhimmis, en terre d’islam, en tant que sujet de deuxième zone ] dans
l’humiliation ou se convertir à l’islam »64 ?
Ce genre de
discours est très fréquent. Ils permettent de comprendre le degré
d’endoctrinement subi par certaines populations musulmanes, endoctrinement qui dépasse les
frontières saoudiennes puisque l’Etat, par le biais d’ONG en apparence inoffensives, favorise
l’exportation de cette idéologie de la haine partout dans le monde.
b) Le Pakistan
Le Pakistan musulman est né en 1947 dans la violence de luttes confessionnelles entre
musulmans et hindous. Cette lutte se poursuit actuellement notamment dans la région du
Cachemire.
Le Pakistan a depuis toujours eu une politique ambiguë face à l’islamisme. Depuis la chute
des talibans en Afghanistan, de nombreux terroristes liés à Al-Qaïda se sont réfugiés dans des
zones peu contrôlées par le Président Musharraf, fait paradoxal lorsque l’on sait que ce
dernier est un allié des Etats-Unis dans la lutte anti-terroriste. Le responsable principal de
cette dichotomie politique est le puissant Inter Services Intelligence (ISI), représentant les
services secrets du Pakistan qui ont tenté de maîtriser les groupements islamistes afin de lutter
contre l’Inde dans la région du cachemire.
Depuis le 11 septembre 2001, sous la pression des Etats-Unis, le Président Musharraf n’a pu
continuer cette double politique. Il a décrété hors la loi de nombreux groupes terroristes et
arrêtés de nombreux fondamentalistes dont certains membres d’Al-Qaïda. Un des cerveaux du
11 septembre 2001, Ramzi Binalshibh, qui s’était réfugié au Pakistan a été arrêté le 11
septembre 2002 à Karachi.
Pourtant, fort nombreux sont ceux qui pensent que ces actions de bienveillance ne sont
qu’illusion et que le Pakistan reste une plateforme incontournable du terrorisme islamiste. A
titre d’exemple, le gouvernement pakistanais s’était engagé à recenser et à contrôler les
madrasas. En 2004, rien n’avait été fait. Certaines organisations ont simplement continué
leurs activités sous d’autres noms. Pour Elie Krakowski, chercheur à l'Institute for Afghan
Studies, c’est l’armée pakistanaise elle-même qui diffuse le fondamentalisme islamique. Selon
lui, près de 30% des officiers de l'Armée de Terre d'aujourd'hui disent être " des militants
islamiques et réceptifs aux appels des partis religieux en faveur d'une révolution islamique au
Pakistan "65.
L’affaire du Dr. Khan en 2004, père de la première bombe atomique du monde musulman, qui
aurait organisé des fuites de technologie vers l'Iran, la Libye et la Corée du Nord montre bien
64
65
Cité dans « Dé-Saoudiser l’Arabie », Laurent Murawiec, Politique Internationale n° 103.
Philippe Raggi, « Sur Musharaf et le Pakistan », www.conscience-politique.org
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30
que le Pakistan reste un pays à surveiller de près, car il est difficile de soutenir que l’ISI et le
Président Musharraf n’étaient pas au courant de ce transfert d’informations. Contribuer à la
prolifération nucléaire et fournir des informations aussi capitales à l’Iran, autre berceau du
terrorisme, n’est pas compatible avec une lutte anti-terroriste, à l’évidence…
c) La Syrie
Le régime baathiste des Assad est connu pour avoir héberger des têtes du terrorisme islamiste
qu’il provienne du Hezbollah, du Hamas ou encore d’Al-Qaïda.
La Syrie a récemment été mise sur le devant de la scène internationale avec l’assassinat de
l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri mais ses implications dans le terrorisme
palestinien et irakien sont depuis longtemps connues.
Aide au régime de Saddam Hussein par le transit du pétrole irakien en violation du
programme « pétrole contre nourriture », fusées pointées sur Israël, occupation illégitime du
Liban, soutien au Hezbollah, soutien à Al-Qaïda avec l’hébergement de certains de ces
membres, telles sont les quelques actions de ce pays en matière de terrorisme islamiste.
Et malgré la situation actuelle au Liban où la Syrie est contrainte de replier ses forces
militaires, les actes de bienveillance se font rare. Ainsi, Damas a récemment nié l'expulsion de
son territoire des dirigeants du Hamas et du Jihad islamique palestiniens (Khaled Mechaal et
Ramadan Challah) après l’attentat à Tel-Aviv en février 2005. En avril 2005, deux membres
d’Al-Qaïda et un membre du Baas arrêtés en Irak ont avoué « coordonner leurs actions
terroristes avec les services de renseignements syriens66.
De manière moins visible, l’islam militant tend à se développer fortement au sein de la société
syrienne. Comme le signalait une dépêche de l’Agence France-Presse du 30 janvier 2006 :
« Malgré son système politique laïque, la société syrienne est de plus en plus gagnée par
l'islamisme qui commence à imprégner le monde arabe. »67. Cela se vérifie par exemple par la
participation croissante des jeunes à la grande prière du vendredi, les cours privés de Coran
pour les femmes, la suppression de la vente d’alcool dans les restaurants des bords du fleuve
Barada, le remplacement de librairies laïques par des librairies religieuses, spécialisées dans la
diffusion d’ouvrages sur la charia etc.
Cette résurgence d’un islam rigoriste est tout à fait symptomatique de la situation mondiale
aux grand dam des musulmans modérés.
d) L’Iran
L’Iran tente t-il de se doter de l’arme nucléaire ? Telle est la question que pose la majorité des
états occidentaux à l’heure actuelle. Cette arme qui permettrait à la République islamique de
devenir une puissance régionale et de tenter de détruire son ennemi héréditaire, Israël, comme
l’a récemment rappelé le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, en demandant à ce que
l'Etat d'Israël soit "rayé de la carte"68.
66
« En Irak, deux terroristes d’Al-Qaïda et un membre du Baas arrêtés avouent leurs liens avec la Syrie »,
www.proche-orient.info, 13 avril 2005.
67
« La rue syrienne gagnée par l'islamisme », AFP, 30 janvier 2006.
68
"Israël doit être rayé de la carte", dit le président iranien, AFP, 26 octobre 2005.
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31
Selon les derniers rapports de l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’Iran possède
non seulement la quantité de gaz nécessaire pour fabriquer une bombe atomique mais dispose
depuis 1987 des documents décrivant la manière de fabriquer le coeur explosif d'une bombe
atomique. Ali Larijani, secrétaire général du Conseil de sécurité supérieur iranien, chargé des
pourparlers iraniens sur le problème nucléaire, a déclaré lundi 6 février 2006 que l'Iran avait
atteint la capacité de production de matériel destinée à la fission nucléaire. Ceci est la
première reconnaissance de ce type formulée par un haut responsable iranien69.
Fin décembre 2005 et début janvier 2006, le Président iranien a redoublé sa vulgate
antisémite, défier ouvertement les instances internationales en continuant l’enrichissement de
l’uranium. L’opinion européenne a réagi comme elle l’a fait lors des prémices de la guerre en
Irak. C’est-à-dire en minimisant la menace et en mettant l’accent sur le fait que l’Occident
avait sa part de responsabilité (pour avoir donné le savoir-faire nucléaire, pour avoir des
intérêts pétroliers en Iran ; bref, le comportement de l’Iran, sa volonté exhibé au grand jour de
détruire un autre Etat n’ont pas été suffisants pour éteindre le feu culpabilisateur occidental).
Si une crise éclatait entre l’Iran et l’Occident, et si les Etats-Unis ou Israël étaient obligés de
lancer des attaques ciblées sur les installations nucléaires de l’Iran, il est certain que l’opinion
générale ne les soutiendrait pas. On accuserait une fois encore l’impérialisme ou le sionisme.
On parlerait de guerre pour le pétrole, d’attaque contre l’Islam et on oublierait l’islamofascisme du régime des mollahs iraniens. Tel est le sort qui sera réservé à ceux qui ont retenu
les leçons de l’histoire et qui tentent de ne pas voir recommencer les erreurs du passé.
Mis à part ce danger nucléaire, c’est le soutien au terrorisme islamiste qui reste plus inquiétant
au sein du régime iranien. En 2003, Hamid Reza Zakiri, haut responsable iranien des Gardiens
de la Révolution, a dévoilé les différentes relations entre l’Iran et terrorisme islamiste70.
Officiellement, depuis le 11 septembre et l’injonction du Président Bush, l’Iran s’est intégré
dans le processus de lutte contre le terrorisme et a agi contre certaines cellules d’Al-Qaïda.
Toutefois, l’action de Téhéran en matière de terrorisme continue de s’exercer notamment à
l’égard d’Israël, par le biais d’un soutien prononcé au Hezbollah au Hamas.
Selon le rapport annuel sur les pays terroristes publié par le Département d’Etat américain en
2005, l’Iran reste un pays très actif dans le terrorisme. « Le corps des gardiens de la
révolution islamique et le ministère des renseignements et de la sécurité ont été impliqués
dans la préparation et le soutien d’actes de terrorisme et ont continué à exhorter toute une
variété de groupes à recourir au terrorisme dans la poursuite de leur but ». Le rapport
critique aussi l’ingérence iranienne dans l’Irak voisin ajoutant que « l’Iran a mené plusieurs
lignes politiques en Irak en 2004, certaines ayant semblé incohérente avec les objectifs
déclaré de l’Iran sur la stabilité de l’Irak et ceux du gouvernement irakien provisoire (GIP) et
de la coalition. De hauts responsables du GIP ont publiquement exprimé leur préoccupation
sur l’interférence iranienne en Irak et il y a eu des informations comme quoi l’Iran fournissait
de l’argent, des armes et un passage sécurisé aux éléments insurgés, dont les forces de
Moqtada Sadr. »71.
69
« L'Iran a atteint la capacité de production de matériel destiné à la fission nucléaire, a déclaré Ali Larijani,
secrétaire général du Conseil de sécurité supérieur iranien », www.Memri.org, 8 février 2006.
70
« Un transfuge iranien sur la collaboration de l'Iran avec l'Irak, la Corée de Nord, Al-Qaïda et le Hezbollah »,
www.memri.org, 21 février 2003.
71
www.iranfocus.com, 28 avril 2005.
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32
Les relations entre l’Iran et Al-Qaïda sont également connues puisqu’au cours d’un procès
contre des membres du groupe d’Al Zarkawi, il a été révélé que la planification d’actes
terroristes avait été conduite de l’Iran où se trouvait ce dernier72. Selon le quotidien allemand
Cicero, l’Iran abriterait 25 hauts membres du réseau Al-Qaïda, parmi lesquels trois fils de Ben
Laden.
E/ Al­Qaïda, une franchise du djihadisme
Le terrorisme islamiste a pour figure emblématique Al-Qaïda et son chef, Ben Laden, devenu
l’ennemi public numéro 1 médiatiquement parlant. Cette réduction d’un phénomène
planétaire et protéiforme a permis de mettre un nom sur une menace et de canaliser l’opinion
publique. Toutefois, il n’est pas certain que cela corresponde à la réalité. Al-Qaïda n’est
qu’une des facettes représentant la menace islamiste. Ben Laden n’est qu’un personnage
parmi un mouvement beaucoup plus général. Démanteler Al-Qaïda et éliminer Ben Laden ne
réduira pas le nouveau fascisme vert.
Après le renversement du régime Taliban et le délogement d’Al-Qaïda de cette zone, on aurait
pu croire que le réseau terroriste se serait affaibli. Suite à la politique du président Bush, deux
milles membres d’Al-Qaïda ont, en effet, été arrêtés et plus de la moitié des trente dirigeants
du réseau ont été tués ou capturés. Pourtant, l’Institut international d’études stratégiques
(IISS) a publié un rapport en 2004 selon lequel Al-Qaïda se serait décentralisé dans plus de 60
pays.
« Plus qu’une direction unique, la mouvance terroriste est donc dotée de « passeurs » qui
transmettent leur savoir. En règle générale, ils programment peu les opérations mais les
recommandent. A l’autre bout du circuit, les « franchisés » issus de groupes islamistes
informels passent à l’action au nom d’intérêts propres » confirme un journaliste du quotidien
Le Figaro73.
L’attentat de Madrid du 11 mars 2004 est d’ailleurs un parfait exemple de « franchise ». Cet
attentat a révélé le Groupe Islamique Combattant Marocain (GICM) même s’il était actif
depuis 1997. «Les réseaux d’Al­Qaïda sont ainsi passés de la logique fédératrice d’une
internationale islamiste dont l’objectif était d’être présent sur les cinq continents afin de
frapper les infidèles partout dans le monde, à un processus de globalisation qui est
actuellement en passe de donner naissance à une troisième génération de réseaux »
expliquent Roland Jacquard et Atmane Tazaghart74.
Le juge antiterroriste espagnol Baltasar Garzon a corroboré cette tendance en octobre 2004 en
déclarant que Ben Laden n'était plus opérationnel et n'avait plus besoin de l'être compte tenu
de l'autonomie et de l'indépendance financière acquises par les autres groupes terroristes visà-vis d’Al-Qaïda. « Al­Qaïda s'est converti en idéologie, est devenu un point de référence, une
franchise pour les autres groupes (...) qui n'ont plus besoin de recevoir des instructions. Ils
sont autonomes et peuvent recevoir des ordres et des financements de quelqu'un d'autre »75.
72
« Iran, Etat sponsor du terrorisme », www.iran-resist.org, 26 juillet 2005.
« Le deuxième souffle d’Al-Qaïda », Thierry Oberlé, Le figaro, 27 mai 2004.
74
« Ben Laden, « La destruction programmée de l’Occident », Roland Jacquard, Atmane Tazaghart, Jean
Picollec, 2004.
75
« Oussama Ben Laden n’est plus opérationnel, selon le juge Garzon », Yahoo Actualités, 15 octobre 2004.
73
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33
Ainsi, Al-Qaïda n’organise pas forcément toutes les nouvelles actions terroristes, elle se
contente de les avaliser en permettant au groupe local d’utiliser la « marque » Al-Qaïda.
La dangerosité de cette nouvelle réorganisation tient à la base idéologique de l’islam militant,
qui s’affranchit désormais des frontières et des nationalités. Ce sentiment d’appartenance à
l’organisation luttant contre les infidèles pourra toucher les musulmans où qu’ils se trouvent
dans le monde. C’est ce réflexe identitaire qui explique notamment que de plus en plus de
français sont devenus des terroristes, aillent combattre en Irak, en Tchétchénie ou préparent
des attentats dans leurs pays d’accueil.
Par conséquent, si lutter contre Al-Qaïda reste un objectif fondamental, il importe cependant
de comprendre que l’islam militant ne se limite pas à l’organisation de Ben Laden, loin s’en
faut.
F/ Une menace toujours présente dans le monde
Rappelons d’abord quel est l’objectif de la mouvance islamiste et d’Al-Qaïda. Le juge
antiterroriste Garzon, chargé de l’enquête sur les réseaux islamistes en Espagne a, dans son
acte d’accusation su 17 septembre 2003, résumé cet objectif mondial :
« L’objectif général d’Al­Qaïda depuis sa création vise à jeter les bases d’un Etat islamique
universel (le califat), fondé sur la stricte loi islamique (la charia) et utilisant pour ce faire le
djihad mondial ou global (guerre sainte) contre l’Occident, lequel est chargé de tous les
maux dont souffre aujourd’hui le peuple musulman. […]
Cet objectif se concrétise ainsi :
-
faire en sorte que les lieux saints de l’Islam (Jérusalem, la Mecque, Médine) soient
débarrassés des troupes occidentales ou juives,
récupérer les territoires musulmans qui font actuellement partie de pays non islamiques
(Tchétchénie, Cachemire, Palestine, etc.),
mettre en place des gouvernements islamiques fondés sur la charia dans tous les pays
musulmans qui sont dirigés par des gouvernements laïques,
propager l’Islam et agir en s’appuyant sur le concept de solidarité islamique sur les
fronts de lutte qui, selon eux, existent à ce jour entre le monde islamique et le monde non
islamique. »76.
Conscient de la supériorité d’une guerre asymétrique notamment sur l’Occident, le terrorisme
islamiste continuera sur cette voie. Claude Moniquet 77 a identifié le modus operandi des
tenants de l’islam militant pour atteindre leurs objectifs :
Le premier est de viser les civils qui resteront des cibles privilégiées puisque l’effet sur les
populations est beaucoup plus important qu’une lutte directe contre les cibles militaires. Cela
aura notamment pour effet de contraindre les gouvernements à modifier leur politique.
Le deuxième est de créer un marasme économique (et l’attentat du 9/11 a démontré comment
les finances mondiales ont souffert de ce dernier) propre à affaiblir nos démocraties.
76
77
« Le rapport du juge Garzon sur Al Qaïda », Le monde, 16 mars 2004.
Claude Moniquet, op.cit.
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34
Le dernier, mais sans doute le plus dangereux, sera de « creuser un fossé de méfiance entre les
populations occidentales et le monde musulman – y compris les communautés musulmanes
vivant en Occident : le sentiment de rejet qui en résultera ouvrira, pensent les tenants du
djihad, de nouvelles perspectives de progression et de recrutement pour la mouvance. »
N’oublions pas, en effet, que les principaux artisans du fameux « choc des civilisations » sont
les islamistes eux-mêmes.
Ce dernier moyen a pour corollaire le rétablissement de l’Oumma dans le monde. Sayyid
Qutb, figure emblématique de l’islamisme déclarait qu’ « il est indispensable de faire
ressusciter cette Oumma pour que l’Islam puisse à nouveau jouer son rôle dans la direction
de l’humanité »78. Le danger réside donc dans le fait que, suite à ce sentiment d’appartenance
à l’Oumma, le fossé entre musulmans et non musulmans soit de plus en plus important.
La terreur psychologique engendrée par cette guerre asymétrique sera une arme très efficace
contre nos sociétés ouvertes. Hassan Ibn Sabbah, leader de la secte des Assassins disait à ce
propos : « Il nous faut devenir la terreur des puissants et des tyrans étrangers, quels qu’ils
fussent, car la suprématie appartient à celui qui tient tous les souverains du monde enchaînés
par la peur ! »79.
Malgré la lutte antiterroriste menée par les Etats-Unis et l’Europe, ces objectifs restent
toujours d’actualité. Durant la campagne présidentielle américaine en 2004, le président Bush
a insisté sur le fait qu’Al-Qaïda avait perdu presque 75% de ses cadres et que le monde était
plus sûr depuis l’intervention en Afghanistan et en Irak. Si des changements politiques
positifs ont bien eu lieu dans le monde suite à ces actions, notamment au niveau de la
démocratisation de certains régimes au Proche et Moyen-Orient, il n’en reste pas moins qu’il
est très utopique de croire que le monde est plus sûr.
Selon la majorité des experts, la menace terroriste reste très importante et l’emploi d’armes
non conventionnelles (les fameuses NBC : Nucléaires, Bactériologiques et Chimiques) n’est
plus du domaine hypothétique. Pour Eric Denécé80, Directeur du Centre français de recherche
sur le renseignement (CF2R), si les attaques nucléaires et bactériologiques semblent plus
difficilement réalisables à l’heure actuelle, les attaques chimiques sont tout à fait
envisageables comme l’ont démontré les actes terroristes qui étaient prévus lors du mondial
de football de 1998 en France.
Cette menace islamiste prendra deux formes : celle du terrorisme, forme la plus spectaculaire
du phénomène, mais également celle de la prédication idéologique au sein même de nos
démocraties et notamment en Europe.
a) La montée du terrorisme islamiste dans le monde
L’Asie risque en premier lieu de voir le terrorisme islamiste se poursuivre, notamment aux
philippines, en Indonésie et en Thaïlande. Le sud thaïlandais n’arrive pas, en effet, à contenir
les mouvements séparatistes islamistes. Il est presque certain que la Jamaah Islamiyah,
organisation islamiste liée à Al-Qaïda et responsable notamment de l’attentat de Bali en 2002,
puisse encore recruter de nouveaux sympathisants du nouveau califat mondial. Selon un
78
Cité par Paul Landau, « le sabre et le Coran », éditions du Rocher, 2005.
Cité dans « Ben Laden, La destruction programmée de l’Occident », op.cit.
80
« Quels nouveaux risques d’attentats », Eric Denécé, le Figaro, 10 septembre 2004.
79
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35
rapport de l’International Crisis Group, le sud des philippines est la principale zone d’action et
d’entraînement de ce groupe terroriste.
En Indonésie, le plus connu des conflits reste celui de la province d'Aceh, où le «Mouvement
Aceh libre» a déjà fait plus de 6.000 victimes. Les tensions entre chrétiens et musulmans
s’intensifient de jour en jour. À Sulawesi, les islamistes ont une politique d’intimidation et de
conversion des chrétiens qui voient leurs églises brûlées régulièrement. Sur l’île de Java, de
nombreuses églises sont toujours fermées suite aux actions de musulmans leur interdisant de
se réunir pour prier81. Fin octobre 2005, trois adolescentes chrétiennes sont décapitées par 6
hommes masqués aggravant ainsi le malaise parmi les minorités religieuses de l’Indonésie
majoritairement musulman.
Evoquons aussi la situation au Bengladesh ou depuis 6 ans (donc bien avant l’arrivée de Bush,
le 11 septembre et la deuxième guerre en Irak, est-il besoin de le préciser), les islamistes
sèment la terreur massacrant leur concitoyens musulmans, sapant les forces progressistes et
modernistes du pays. Le «Harakat ul-Jihad Islami, Bangladesh», établi en 1992 avec l'aide
directe de Ben Laden se présentent comme les talibans du Bangladesh. En août 2005, 459
bombes ont explosées simultanément dans 63 des 64 districts du pays. La revendication des
djihadistes : imposer la charia car « A l’exception d’Allah personne n’a le droit d’édicter des
lois »82 .
Les bouddhistes en Thaïlande sont également la cible des islamistes. Villageois décapités,
instituteurs assassinés, les séparatistes musulmans mènent de véritables actions terroristes
pour imposer leurs positions.
La Chine n’est pas épargnée avec le conflit entre les Ouïgours, de confession musulmane
sunnite, et les Hans, Chinois de souche dans la zone du Xinjiang.
Le Proche-Orient et le Moyen-Orient seront également une cible privilégiée notamment en
Irak. Les récentes exactions contre les coptes égyptiens montrent également que l’intolérance
des islamistes à l’égard des non-musulmans est toujours aussi présente en Egypte. En octobre
dernier, une religieuse a été poignardée et près de quatre mille musulmans ont attaqué des
églises, des magasins et un hôpital du quartier chrétien d’Alexandrie. La cause de ces
pogroms anti-chrétiens ? Une pièce de théâtre qui selon les islamistes portait atteinte à
l’islam83.
Le continent Nord-Américain, touché en 2001 peut- il craindre le développement du
terrorisme islamiste ? Pour le moment, aucune autre attaque n’a eu lieu sur le sol américain
bien que certains attentats aient été organisés mais stoppés à temps. Le Président Bush a
déclaré fin décembre 2005 que le plus haut gratte-ciel de Los Angeles avait été la cible d’un
attentat fomenté par Al-Qaïda mais avait heureusement été déjoué. En juin 2006, le FBI a
également déjoué des attentats contre plusieurs bâtiments emblématiques des Etats-Unis, dont
les bureaux du FBI dans plusieurs villes américaines ou encore plus haute tour des Etats-Unis,
la tour Sears de Chicago. Elément nouveau, les membres de ce groupe lié à Al-Qaïda, étaient
pour la plupart ressortissants américains.
81
« Un nombre croissant d’églises se voient refuser des autorisations de se rassembler à l’ouest de Java »,
www.portes-ouvertes.fr, 17 février 2005.
82
Cité dans « Dacca sous la menace des fascistes du Coran », Le Figaro, 21 septembre 2005.
83
« Les coptes à nouveau pris pour cible en Egypte », Le Figaro, 24 octobre 2005.
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Le Canada doit maintenant faire face lui aussi à la menace terroriste comme en témoigne
l’arrestation, en décembre 2005, d’un canadien qui a avoué avoir acheté des fusils et des
lances roquettes pour le compte d’Al-Qaïda.
L’intention des islamistes pour le continent Nord-Américain est sans ambiguïté, comme le
confirme les déclarations d’Omar Ahmad, Président du Council on American­Islamic
Relations (CAIR) : " L’islam n’est pas en Amérique pour être l’égal de toutes les fois, mais
pour être dominant. Le Coran […] doit devenir la plus haute autorité en Amérique, et l’islam
la seule religion tolérée sur terre"84.
Quant à l’Europe, de nombreux éléments ont démontré en 2004 et 2005 que la menace ne
pouvait être prise à la légère85 :
En Espagne, des attentats islamistes ont été déjoués notamment contre l’Audience nationale et
contre le stade du Real Madrid après les attentats du 11 mars 2004. Fin novembre 2005, onze
personnes ont été arrêtées car soupçonnées de vouloir créer une cellule de soutien au GSCP,
tout en favorisant le trafic de drogue et la falsification de cartes de crédit. Cette arrestation
prouve par la même l’ineptie de l’argument selon lequel les attentats du 11 mars 2004 auraient
eu pour cause le soutien de l’Espagne aux Etats-Unis et la présence de troupes espagnoles en
Irak puisque le terrorisme continue malgré le retrait des troupes espagnoles.
En Grande-Bretagne, les attentats de juillet 2005 n’ont fait que confirmer la menace qui pèse
sur le pays.
En Belgique et aux Pays-Bas, l’affaire lié au meurtre de Theo Van Gogh a révélé que certains
politiques belges subissaient eux aussi des menaces provenant de milieux islamistes et a
permis de mettre à jour un réseau terroriste islamiste, le groupe Hofstad, qui prévoyait des
attentats contre le Parlement et une centrale nucléaire. Le procès de la cellule Hofstad a
également permis de découvrir que Mohammed Bouyeri, assassin de Theo Van Gogh, n’avait
pas agi comme un déséquilibré, comme certains ont voulu le faire entendre, mais bien en
fonction d’une liste de personnalités à abattre établie par les islamistes de cette cellule. Sur
cette liste figurait Ayaan Hirsi Ali et Gert Wilders, députés néerlandais, ou encore Job
Cohen, le maire d’Amsterdam. L’histoire médiatique de Muriel Degauque, jeune femme
belge, converti à l’islam qui a commis un attentat suicide en Irak en novembre 2005, a permis
de mettre à jour un réseau terroriste en Belgique et a mis en relief l’influence que pouvait
avoir l’islam militant au sein même de l’Occident,.
En Allemagne, une association culturelle, "Multi-Kultur-Haus Ulm", a été démantelée en
décembre 2005 car elle servait de base arrière à des islamistes qui prêchait le djihad contre les
infidèles.
En Italie, trois islamistes ont arrêtés en novembre 2005 à Naples et à Brescia. Ces derniers
étaient en contact avec des cellules salafistes. Ils étaient potentiellement opérationnels et prêts
à frapper. Ils avaient non seulement tissé des liens avec des mouvements algériens,
notamment le GSPC, mais aussi avec des mouvements internationaux. L’un de ces islamistes
84
Cité par Robert Spencer, www.jihadwatch.com. A noter qu’une traduction libre de l’ouvrage de Robert
Spencer, le Guide politiquement incorrect de l’islam est en cours. Pour plus d’information :
http://www.precaution.ch/gpi/
85
Les exemples ci-après sont tirés du rapport de l’ESISC du 17 décembre 2004.
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37
avait même fréquenté des camps d’entraînement en Afghanistan et en Tchétchénie, parcours
habituel des djihadistes européens.
Au Danemark, sept jeunes islamistes âgés de 16 à 22 ans ont été arrêtés en 2005 par la police
danoise car soupçonnés d’avoir été en contact avec deux terroristes interpellés en octobre
2005 à Sarajevo. Ces derniers avaient été arrêtés en possession de 30 kilos d’explosifs et
d’une cassette vidéo annonçant la préparation d’un attentat en Europe.
En Norvège, les autorités ont été alertées au printemps 2005 car un ouvrage (« le fils de
Satan ») était distribué clandestinement à Oslo. Bien que son auteur ne soit pas en relation
avec le terrorisme, son ouvrage se concluait par un appel à "punir" les blancs : "ces salauds
sans scrupules, trompeurs et mangeurs de porc doivent recevoir une punition telle que la
génération suivante s'en souviendra". Toujours à Oslo, Shabana Rehman, comédienne
d’origine pakistanaise qui avait osé critiquer le fondamentalisme islamique et avait malmené
le mollah Krekar, fondateur du mouvement Asar al-Islam, a été menacée de mort, et son
restaurant a été vandalisé par des coups de feu en août 2005.
Concernant la France, le célèbre juge d’instruction Jean-Louis Bruguière a estimé que les
différentes zones de tensions en Asie, au Proche-Orient risquaient d’avoir des conséquences
même dans le pays. Entre 2003 et 2004, le nombre de mis en examen dans les procédures
relevant de l’islam radical a augmenté de 166 %86.
La menace islamiste concerne également la macédoine où un courant wahhabite se développe
dangereusement depuis quelques années. En juillet 2005, six imams modérés ont été
violemment molestés par des hommes armés qui les ont accusés d’être de « mauvais
musulmans ». L’imam Muamer Veseli a d’ailleurs déclaré à ce sujet : « Des éléments
intégristes essaient de prendre le contrôle de la communauté et de dénaturer l’islam
balkanique traditionnellement tolérant. Les Balkans ont résisté durant des années à la
tentation de l’islam radical, en raison de la solidité de nos traditions spécifiques, héritées de
l’Empire Ottoman, mais cette digue saute, la région peut devenir une voie d’entrée en Europe
privilégiée pour les réseaux terroristes »87.
L’Afrique est également menacée comme l’ont prouvé les liens Ben Laden et le Soudan. Le
Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), dont les liens avec Al-Qaïda sont
désormais connus, déstabilise la région du Sahel et recrute Mauritaniens, Nigérians et
Tchadiens pour préparer une action de grande envergure en Afrique du Nord88. Al-Qaïda tente
également de déstabiliser la Somalie comme le note le rapport de l’International Crisis Group,
qui précise que la menace d’un terrorisme djihadiste basé en Somalie est réelle. Elément
confirmé par la prise des villes clés somalienne en juin 2006 par les milices des tribunaux
islamiques qui se sont empressés d’imposer la charia aux populations.
L’Afrique de l’ouest n’est pas non plus épargnée. David Crane, procureur général du tribunal
chargé de juger les crimes de guerre en Sierra Leone, a fait part aux Nation Unis des liens qui
unissent Charles Taylor, ancien président du Libéria exilé au Nigeria, à Al-Qaïda. Et si l’on
fait référence au Nigeria, rappelons que l'instauration de la charia dans plusieurs états du pays
a eu pour conséquence l’interdiction de constructions d'églises pour les chrétiens,
l’interdiction de spectacles musicaux, du port de pantalons et de consommation d'alcool.
86
http://www.tgi-paris.justice.fr/tgi/fr/base_statique/news/file/bruguiere.doc
« Menace islamiste en Macédoine », La Libre Belgique, 20 octobre 2005.
88
« Terrorisme sans frontières », www.jeuneafrique.com, 14 août 2005.
87
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38
Comme l’a noté Daniel Pipes, des conversions forcées ont été signalées, de même que des
divorces imposés entre des Musulmanes et des Chrétiens89. Des membres de groupes d'action
civile y appliquent la loi islamique, comprenant des peines telles que la lapidation, la
flagellation et l'amputation de mains. Des visites de solidarité d'islamistes du Soudan, du
Pakistan, d'Arabie Saoudite, de Palestine et de Syrie lient le Nigeria aux plus larges courants
de l'Islam militant. Le Nigeria subit actuellement un processus de «talibanisation» de la
société.
Le Maghreb ne fait pas exception à la règle avec, comme il a déjà été indiqué, l’influence
grandissante du GSPC dans la région. La menace terroriste au Maroc se fait par exemple de
plus en plus présente. En novembre 2005, dix-sept terroristes présumés ont été arrêtés à
Casablanca. Ces derniers devaient implanter au Maroc une branche d’Al-Qaïda et préparaient
des attentats en décembre 2005 sur le sol marocain90. Autre exemple : Le 17 février 2005,
Benjamin Vanseveren, un jeune touriste français de 17 ans, est poignardé à mort aux cris
d'«Allahou Akbar». Alors que la justice marocaine dirige son enquête sur la piste d’un
déséquilibré, il s’avère que l’assassin suivait les enseignements d’un religieux proche de sa
famille et qu’il a tué le jeune homme parce qu’il été un infidèle.
De façon plus générale, c’est le continent africain dans son entier qui est touché par l’essor de
l’islam radical91.
Les récents attentats de Londres (juillet 2005), de Bali (octobre 2005), de Charm el Cheikh
(juillet 2005), de Diwali et Srinagar (octobre et novembre 2005) et de Jordanie (novembre
2005) ne font malheureusement que confirmer ces prévisions et l’actualité de la menace
terroriste.
Ce rappel de l’actualité n’est pas, loin s’en faut, exhaustif. Il serait trop long de relever les
actions terroristes dans chaque pays92. Cela étant, il permet d’appréhender le fait que l’islam
militant et le djihadisme touchent à peu près tous les continents et que nous sommes bien en
face d’un phénomène planétaire qui, par conséquent, ne peut se régler par des solutions
purement locales.
b) La montée du prosélytisme islamiste en Europe
Plus qu’à une menace terroriste qui est tout de même présente, l’Europe devra faire face à un
prosélytisme de plus en plus important. La montée du communautarisme va devenir un enjeu
primordial pour les tenants de l’islam militant. Remettre au goût du jour le sentiment
d’appartenance à l’Oumma, vouloir imposer peu à peu de nouvelles règles sociales, pourtant
contraires à nos principes, tel sont les objectifs des islamistes en Europe. Leurs armes seront
l’idéologie et l’intimidation, par l’utilisation de la force s’il le faut.
Une fatwa du cheikh Qaradawi, qui préside le Conseil européen pour la fatwa, résume bien
cette stratégie : « […] Cela signifie que l’islam retournera en Europe en conquérant et en
89
« Les nouveaux bastions de l’islam militant », New York Post, 22 octobre 2002.
Notons avec un certain cynisme que figuraient dans ce groupe deux anciens détenus de Guantanamo, cette
prison qui serait, selon certaines belles âmes occidentales, remplie d’innocents torturés et humiliés par les
américains, assimilés à des nazis…
91
Lire à ce sujet l’ouvrage de Jean-Paul Ngoupandé, « L’Afrique face à l’Islam, Albin Michel, 2003.
92
Pour une étude plus approfondie des menaces, se référer à l’ouvrage d’Alexandre Del Valle, « Le totalitarisme
à l’assaut des démocraties », op.cit.
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vainqueur, après avoir été expulsé deux fois : une fois d’Andalousie, au Sud, l’autre fois
à l’Est, après qu’il eut frappé aux portes d’Athènes. Je soutiens que cette fois la
conquête ne se fera pas par l’épée mais la prédication et l’idéologie »93.
Ce type de vision prophétique touche les musulmans d’Europe, comme le confirme la
déclaration d’un jeune français d’origine algérienne :
« Notre invasion pacifique au niveau de l’Europe n’est pas terminée. Nous voulons agir dans
tous les « pays d’accueil ». Puisque vous nous faîtes de la place chez vous, pourquoi nous en
priver ! Et ce que nous n’obtiendrons pas par la persuasion, nous l’obtiendrons par la force !
Nous possédons une armée mobilisable à tout moment de 3 millions de soldats d’Allah. Même
vos autorités reconnaissent 1.400 zones de non­droit sur votre territoire ! Nous vaincrons car
notre cause est juste : Allah akbar »94.
L’Europe deviendrait ainsi, par opposition au dar al-islam, la demeure de l’islam, et au dar alharb, la demeure de la guerre, le dar ad-da wa, la demeure de la prédication. Gilles Kepel,
spécialiste du monde musulman, estime95 même que depuis 1989, l’Europe est devenue daral-islam, terre d’islam, ce qui signifie que les musulmans vivant en Europe doivent pouvoir
appliquer la charia, c’est pourquoi les islamistes exercent de plus en plus de pressions depuis
cette date, pour le grand malheur des musulmans installés depuis longtemps en Europe et qui
avaient “laïcisé” leur religion.
Ces pressions islamistes peuvent prendre de nombreuses formes comme en témoigne le tour
d’horizon ci-dessous :
En Allemagne, le rapport sur la sécurité de l’Etat pour 2004, présenté par le ministre de
l’intérieur, Otto Schily, a insisté sur le fait que le terrorisme islamiste était l’un des principaux
dangers pour la démocratie allemande. Mais au-delà de cela, ce n’est pas seulement le
terrorisme qui est une menace, mais aussi l’islam militant, qui peut mener à des actes de
violences. Selon le quotidien allemand Die Welt, qui a analysé ce rapport, cela fait longtemps
qu’il existe une « société parallèle » en Allemagne, société qui a créé de nombreux lieux où ni
la langue, ni la loi, ni la police allemandes n’ont leur place. On citera notamment la mise en
place, sous l’impulsion du Milli Gorus, organisation islamiste turque, d’équipes soignantes
exclusivement musulmanes dans un hôpital d’Hanovre pour soigner les patients musulmans.
D’autres exemples pourraient être cités pour démontrer cette volonté d’imposer en Europe
une séparation entre le musulman et le non-musulman, entre le licite et l’illicite sur le
fondement de la loi coranique. Sur le plan de l’enseignement, la Fédération Islamique,
regroupement de 25 associations musulmanes et également proche du Milli Gorus, inquiète de
plus en plus de syndicats d’enseignement : « Les islamistes prennent le pouvoir dans nos
écoles et on ne peut pas les contrôler »96.
En Suisse allemande, les enseignants ont reçu récemment un manuel scolaire indiquant les
comportements qu’ils doivent avoir face à leurs élèves musulmans, lors des cours de
gymnastique ou d’éducation sexuelle ou indiquant la manière de traiter avec les parents
musulmans. Ils doivent donc modifier leur vision de l’enseignement à l’islam afin de ne pas
choquer les musulmans avec qui ils sont en contact. Si ce projet semble partir d’un bon
93
Cité par Paul Landau, op.cit.
Cité par M. Alcader, « Le vrai visage de l’islam », Kyrollos, 2005.
95
Gilles Kepel, « Enquête sur la montée de l’Islam », L’Express, semaine du 26 janvier au 1er février 2006.
96
Cité dans « Enquête sur la montée de l’Islam, L’Express, semaine du 26 janvier au 1er février 2006.
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sentiment qui est la lutte contre le racisme, sa logique communautariste est suicidaire. Toute
l’ambiguïté réside par ailleurs dans une question posée par le manuel qui est la suivante :
« Faut­il imposer aux élèves étrangers de s’adapter aux normes occidentales ? Ou faut­il
plutôt que les occidentaux s’ouvrent aux étrangers en leur laissant une marge suffisante pour
vivre leurs valeurs ? »97. Paradigme du relativisme culturel qui sévit au sein de l’Occident,
cette question incite donc les occidentaux à abandonner leurs valeurs et à laisser sur leur
territoire s’installer et se propager des valeurs qui, dans certains cas, sont totalement
contraires aux notres. Jusqu’où cela conduira t-il ? Car si l’on va jusqu’au bout de ce principe,
c’est la charia qu’il faudra bientôt appliquer et sans doute plutôt que prévu comme en
témoigne la polémique qui a éclaté en Ontario (Canada) au sujet des tribunaux d’arbitrage sur
la base de la charia qui ont failli voir le jour. Pour le moment, le projet a été bloqué,
notamment suite à l’intervention du premier ministre qui souhaitait la même loi pour tous les
« ontariens », quelque soit leur croyance mais les pressions islamistes se font toujours sentir.
En Suède, la plus importante association musulmane a demandé à ce que le pays introduise
des lois différentes pour les musulmans vivant en Suède : enseignement de l’islam en langue
étrangère dans les écoles publiques, séparation des filles et des garçons pour les
enseignements sportifs ou encore application de la charia dans les cas de divorces entre
musulmans98. Cette proposition a été publiquement rejetée par le gouvernement suédois et par
le Conseil des musulmans suédois. Il n’en pas moins que ce prosélytisme semble ne plus
vouloir se faire dans la clandestinité comme avant mais tend à profiter des principes mêmes
de nos sociétés ouvertes.
Le Danemark a été touché en fin d’année 2005 par une offensive de l’islam militant qui est
tout à fait représentative des dangers qu’encourent nos démocraties.
Petit rappel de l’affaire : Le 30 septembre 2005, un grand quotidien danois publie douze
dessins caricaturaux représentant Mahomet. Comme la représentation du prophète est interdite
par l’islam, ces dessins ont de suite créé une polémique qui a dépassé les frontières du
Danemark. En effet, non seulement les deux dessinateurs de presse ont reçu des menaces de
mort, non seulement il a été demandé au quotidien de s’excuser auprès des musulmans du
monde entier, non seulement une manifestation a rassemblé plusieurs milliers de musulmans
scandant « L’islam est en colère » mais surtout des intellectuels musulmans, des imams et des
représentants d’organisations musulmanes danoises ont fait le tour des pays arabo-musulmans
pour dénigrer le Danemark et expliquer aux musulmans du monde que cette affaire était une
campagne contre l’islam . S’en est suivie une condamnation de nombreux pays musulmans,
l’Organisation de la Conférence Islamique ayant même fait part de sa décision de boycotter
les activités du Centre danois pour la culture et le développement. Des manifestations antioccidentales ont eu lieu un peu partout dans le monde, un prêtre italien a été tué au cri de
Allahou akbar. En France, un café a été vandalisé parce qu’il présentait une exposition de
dessins se moquant de toutes les religions. Après le saccage des locaux, des jeunes
musulmans sont venus menacer les propriétaires du café : « Vous êtes ici chez nous, vous
devez faire ce que l’on veut. On va aller chercher les Frères Musulmans de Belleville, qui
vont vous régler votre compte ? Nous, on est gentils, mais on vous prévient sue le bar va
brûler et vous l’aurez bien cherché »99.
Des musulmans ont manifesté dans les rues de Londres munis des pancartes arborant des «
Préparez­vous (européens) au VRAI holocauste », « Europe, vous paierez. Votre 11
97
« En Suisse allemande, bonnes intentions et dangereux communautarisme », www.proche-orient.info, 13
janvier 2006.
98
« Separate laws for Muslims’idea slammed », http://www.thelocal.se, 28 avril 2006.
99
« Caricatures : l’affaire rebondit au café », Libération, 30 mars 2006.
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septembre est en route », « Décapitez ceux qui insultent l’islam ». Plusieurs organisations
arabo-musulmanes ont même lancé un appel aux Nations Unies pour qu’une résolution soit
prise afin d’interdire les attaques des croyances religieuses et imposant des sanctions aux pays
qui ne la respectent pas !100
A la suite de ces réactions internationales, le premier Ministre Danois, Anders Fogh
Rasmussen, s’est dit choqué que des musulmans danois se soient déplacés dans des pays
musulmans pour “expliquer” cette histoire de caricatures : “Je suis ébahi que ces gens,
auxquels nous avons donné le droit de vivre au Danemark où ils ont librement voulu rester,
visitent maintenant des pays arabes et incitent à l’antipathie envers le Danemark et les
Danois” a-t-il déclaré101.
Il y a eu une évidente disproportion entre le dommage causé par la publication de ces dessins
et la réaction du monde musulman, disproportion qui prouve que la haine anti-occidentale est
beaucoup plus profonde qu’il n’y paraît. S’il est compréhensible que certains aient été
choqués par ces caricatures (certaines étaient plus méchantes que drôles), leurs réactions ont
mis sérieusement à mal le cliché d’un islam d’amour, de tolérance et de paix.
En outre, il y a eu ici un étonnant « deux poids deux mesures » dans cette réaction
musulmane. On a entendu ici et là que la liberté d’expression aurait comme limite le respect
des croyances religieuses. Mais que dire alors des nombreux dessins qui apparaissent
régulièrement et depuis fort longtemps dans la presse arabo-musulmane montrant des juifs
aux nez crochus tentant de s’emparer du monde, caricaturant la crucifixion du Christ ou
montrant récemment Anne Franck au lit avec un Adolf Hitler lui disant « Ecris ça dans ton
journal, Anne ». Ceux-là mêmes qui estiment que les caricatures danoises ont porté atteinte à
leur religion montrent-ils, eux, du respect envers les deux autres monothéismes ?
On a également entendu dans cette affaire que ces caricatures donneraient une mauvaise
image de l’islam car associées au terrorisme. Soit, mais comme l’a affirmé le rédacteur en
chef de l’hebdomadaire jordanien Shihane (jeté en prison pour avoir osé publier les
caricatures), a-t-on vu pareilles réactions du monde musulman lors d’attentats djihadistes ?
Puisqu’il est bon ton de répéter que le terrorisme n’est pas lié à l’islam et qu’au contraire les
djihadistes salissent son image, pourquoi n’a-t-on pas vu des manifestations similaires après
des attentats ? Pourquoi les musulmans n’ont-ils pas incendié les ambassades de l’Arabie
Saoudite lorsqu’ils ont su que la majorité des « islamikazes » du 11 septembre étaient
saoudiens ? Ne salissaient-ils pas eux aussi l’image de leur religion ?
La spontanéité de ce mouvement anti-occidental doit par ailleurs être fortement remise en
cause. Rappelons, en effet, que ces caricatures dataient de septembre 2005 et qu’il aura fallu
attendre 4 mois (fin janvier 2006) avant de voir éclater ces accès de violences. En revanche,
cette poussée islamiste a correspondu à une nouvelle étape dans la mise en place d’un
nouveau califat mondial, objectif principal des tenants de l’islam militant ; étape qui a
commencé avec la disparition politique de Sharon et la victoire des terroristes du Hamas, le
come-back médiatique de Ben Laden et Al-Zawahiri fin 2005 et la mise au pied du mur de la
Syrie. Rajoutons également la victoire de l’Iran sur une Europe faible qui paie le prix de sa
realpolitik et des Etats-Unis tiraillés par deux objectifs : redorer leur blason auprès du monde
musulman (ce qui explique, en partie du moins, les critiques de Clinton et d’un représentant
100
“UN
urged
to
ban
attack
on
religion”,
Aljazeera.net,
29
janvier
http://english.aljazeera.net/NR/exeres/6362975C-60D7-4E26-A64E-2A7B1D561DA4.htm
101
“Danish Prime Minister Shocked at Lies”, http://www.brusselsjournal.com, 14 janvier 2006.
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2006
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de la maison blanche sur la publication des caricatures ; une honte pour ce pays de liberté) et
agir contre l’islam militant afin d’éviter à l’Occident de disparaître trop rapidement.
La manipulation a vite été révélée, bien que peu relayée par les médias européens. Deux
hommes ont été à l’origine de cette sordide affaire : Ahmed Abdel Rahman Abu Laban, imam
danois d’origine palestinienne et Ahmed Akkari porte-parole du comité, The European
Committee for Honoring the Prophet, regroupant 27 organisations musulmanes danoises. Ce
sont eux qui ont fait le tour du monde musulman avec un dossier de 43 pages devant prouver
que ces caricatures insultent l’islam. Or, en plus des 12 caricatures publiées par le quotidien
danois, ils ont rajouté trois dessins. L’un d’eux, censé représentant le prophète avec un groin
de cochon, n’était autre qu’une photo du gagnant du championnat du cri de cochon qui s’était
déroulé en France quelque temps auparavant et qui n’avait rien à voir avec une quelconque
caricature de Mahomet. La manipulation a été grossière, insultante pour ceux qui ont un
minimum d’intelligence. Mais cette manipulation a fonctionné au regard des objectifs fixés
par les islamistes qui étaient d’abord de faire croire au monde musulman que l’Occident ne
mène pas la guerre contre le djihadisme mais bel et bien contre l’islam lui-même. La preuve :
les occidentaux ne respectent pas les croyances des musulmans ! Le deuxième objectif était
de rallier l’Oumma, ce qui a été évident. Même les musulmans les plus modérés se sont ralliés
aux islamistes dans cette condamnation. A de très rares exceptions près, peu de musulmans
occidentaux ont pris la parole pour défendre le principe de liberté d’expression. Enfin, le
dernier objectif était la division de l’Occident. Objectif rempli : la polémique a fait rage entre
tenants des principes fondamentaux de nos sociétés ouvertes et les idiots utiles qui ont renié
ces mêmes principes sous couvert de dialogue des civilisations. La vieille Europe a capitulé,
ses dirigeants ont été scandalisés par la publication de ces caricatures. Pourtant, avec le recul,
il ne s’agissait que de dessins, ils ne tuaient pas. En revanche, les musulmans contrariés par de
simples dessins, ont détruit des ambassades, ont menacé de mort les occidentaux102 .
L’Europe capitularde a préféré présenter ses excuses, elle a préféré renier ses principes si
durement acquis. Même au pays de Voltaire, où l’on pouvait penser que le religieux garderait
la sphère d’influence qui devrait être la sienne, la sphère privée, une proposition de loi a été
déposée à l'Assemblée nationale visant à "interdire les propos et les actes injurieux contre
toutes les religions". Dès lors, "tout discours, cri, menace, écrit, imprimé, dessin outrageant,
caricature ou affiche, portant atteinte volontairement aux fondements des religions est une
injure" et donc passible d'une condamnation en justice. La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté
de la presse serait ainsi modifiée suite aux pressions des islamistes. D’ailleurs, pourra-on
encore parler de liberté de la presse ? Faudra t-il interdire Dante, Voltaire, Racine ou
Montesquieu comme c’est déjà parfois le cas pour ne pas choquer l’islam ? Jusqu’où irons
nous dans le déni de nos valeurs et de nos principes ?
Cette affaire illustre donc parfaitement les conséquences de l’essor de l’islam militant au sein
de sociétés ouvertes. En effet, le premier risque est bel et bien une séparation entre le fidèle et
l’infidèle. Entre le musulman et le non musulman, la nationalité devenant un critère identitaire
secondaire. Le premier Ministre danois, dans cette affaire de caricatures, a été ébahi que les
musulmans vivant au Danemark aient autant vomi sur leur pays et qu’ils ne se sentent pas
danois avant tout. Il n’a visiblement pas compris que le réveil de l’Oumma implique
désormais que l’identité musulmane prime sur tout autre critère identitaire. Et comme cette
102
Rappelons que le droit international obligent les Etats à prendre « toutes les mesures appropriées » pour
empêcher que des bâtiments diplomatiques « soient envahis ou endommagés », que leur « paix soit troublée », et
même que leur « dignité soit amoindrie. L’Europe s’est couchée…., voir « L’Europe intimidée », Le Monde, 13
février 2006.
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43
dernière identité entre parfois en contradiction avec les règles de nos sociétés libres, le danger
est que des revendications de plus en plus importantes voient le jour, que des conflits
surgissent et dégénèrent. Reporters sans frontières, totalement abasourdi103 par cette affaire a
rappelé que le Danemark est l’un des pays les plus respectueux de la liberté de la presse au
monde. Et cette liberté est désormais menacée parce qu’elle est en contradiction avec l’islam.
Ces confrontations ne cesseront de croître, et pourront mener, comme au Canada à des
pressions pour obtenir des tribunaux réservés aux musulmans, tribunaux qui appliqueraient
non la loi nationale mais la loi musulmane.
Evidemment, le cas du voile islamique et les manifestations qui les ont accompagné en
Europe sont le signe le plus visible de cette lutte idéologique notamment en France. Mais
d’autres manifestations prennent de plus en plus d’importance. Refus de la mixité dans les
écoles, dans les hôpitaux, multiplications de cantines halal. A titre d’exemple, le Parisien
rapportait le 2 novembre 2004 que « L’impact du marché à destination des musulmans est tel
que maintenant, la plupart des agneaux abattus en France sont halal, à cause des abats qui
trouvent des débouchés. Aujourd’hui, beaucoup de gens consomment du halal sans le savoir
», sourit un professionnel de Rungis. »104. On peut rajouter que le problème n’est pas exclusif
ç la France mais à l’Europe plus généralement. En effet, les médias ont rapporté le cas d’une
école à Molenbeek (Belgique), où lentement mais sûrement, la viande de porc a été éliminée
de l’alimentation des élèves, excepté le mercredi, jour de très faible affluence. Celle-ci a été
remplacée par la viande Hallal. « Ici, ça fait longtemps que les élèves ne mangent plus de
porc. Et c’est d’ailleurs comme ça dans toutes les écoles communales de Molenbeek » a
déclaré le secrétariat de l’école 16105. Citons aussi le cas survenu à Charleroi, en Belgique où
des parents d’élèves se sont révoltés contre la décision de la direction d’une crèche qui
souhaitait généraliser la viande Hallal pour tous les enfants afin d’améliorer la qualité des
repas des enfants musulmans.
La France a été mise en face de l’ampleur des pressions islamistes lors de la publication du
rapport de la Commission Stasi où il a été révélé que dans les écoles, les cours de biologie
étaient chahutés par des élèves musulmans qui veulent imposer une vision créationniste du
monde, qui refusent l’enseignement de Darwin. Les cours d’histoire sont également remis en
cause notamment durant l’enseignement de la Shoah.
Un rapport postérieur à celui de la Commission Stasi a été totalement « enterré » par les
autorités et dissimulé aux français. Il s’agit du rapport Obin sur les signes et manifestations
d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires. Ce rapport est alarmant à
plusieurs titres. L'Inspection Générale de l'Education Nationale a enquêté pendant 8 mois dans
21 départements français (outre- mer compris). La constatation principale est « la montée en
puissance du phénomène religieux dans les quartiers, notamment chez les jeunes. Le
développement des signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les écoles et les
établissements scolaires ne semble être que la conséquence, ou plutôt la partie scolairement
visible d’une dynamique plus vaste, souvent récente, parfois brutale ». Le rapport précise de
suite que cela se manifeste le plus souvent avec la religion musulmane.
A l’origine de ce développement et de l’islamisation des quartiers, les interlocuteurs évoquent
souvent « l’influence déterminante de jeunes hommes professant une religion à la fois plus
103
« Deux caricaturistes menacés de mort », www.rsf.org, 17 octobre 2005.
« La viande halal a la cote à Rungis », Le Parisien, 02 novembre 2004.
105
« Viande Hallal à l’école », La Libre Belgique, 26 janvier 2006.
104
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44
pieuse, moins populaire et plus intellectuelle […] Ces grand frères proposent avec succès aux
jeunes issus de l’immigration une identité positive et universaliste musulmane ».
On peut ici remarquer le prosélytisme islamiste destiné à réveiller l’Oumma, objectif capital
de l’islam militant. Ce réveil de l’Oumma, la communauté musulmane, se concrétise par la
mise en avant de l’identité musulmane en lieu et place de l’identité française par exemple
« Beaucoup de collégiens, interrogés sur leur nationalité, répondent de nos jours
« musulmane », précise le rapport Obin.
Une des premières conséquences de cette réislamisation est la régression de la condition
féminine : « Le contrôle moral et la surveillance des hommes sur les femmes tendent à se
renforcer et à prendre des proportions obsessionnelles » notent les enquêteurs.
Durant l’enquête de ces inspecteurs, d’autres principes défendus par les islamistes ont été
révélés. On retrouve par exemple la notion de pur et d’impur, la distinction entre musulmans
et non musulmans. Ainsi, comme le note le rapport : « L’obsession de la pureté est sans
limite : à ces élèves d’une école primaire qui avaient institué l’usage exclusif des deux
robinets des toilettes, l’un réservé aux « musulmans », l’autre aux « français », répond
comme amplifiée la demande récente d’un responsable local du culte musulman à
l’inspecteur d’académie d’un important département urbain, d’instituer des vestiaires séparés
dans les salles de sport, car selon lui « un circoncis ne peut se déshabiller à côté d’un
impur. ». Cela ne se passe pas en Arabie Saoudite, mais bel et bien en France, que les belles
âmes françaises niant le phénomène en prenne maintenant conscience.
D’autres exemples peuvent être donnés : refus par des jeunes musulmans de dessiner des
visages car contraire aux principes islamiques, refus de danser, refus pour les jeunes filles
musulmanes de faire du sport avec les autres.
Ce phénomène s’accompagne également d’un prosélytisme très important. Les jeunes
musulmans sont contraints, sous la menace et les agressions d’autres élèves, de se conformer
aux principes coraniques (notamment concernant le ramadan) : « Sous ce type de pression, ou
plus simplement pour se conformer aux normes du groupe, certains élèves d’origine
européenne observent aussi le jeûne sans que leur famille en soit forcément informée » peuton lire également, aussi incroyable que cela puisse paraître.
Autre conséquence de ces pressions, la montée de l’antisémitisme. Le rapport arrive à la
conclusion qu’ « en France les enfants juifs – et ils sont les seuls dans ce cas – ne peuvent
plus de nos jours être scolarisés dans n’importe quel établissement ». L’influence des
islamistes est très visible et peut s’observer dans la justification par les jeunes musulmans
agresseurs : « dans les témoignages que nous avons recueillis, les évènements du Proche­
Orient ainsi qu’une sourate du Coran sont fréquemment invoqués par les élèves pour
légitimer leur propos et leurs agressions ». Voilà la triste réalité de la France du XXIème
siècle. Est-il concevable que des français juifs ne puissent pas étudier n’importe où par peur
des agressions antisémites de jeunes musulmans qui citent les sourates du Coran ? Alors que
les belles âmes continuent à ne parler que des actes antisémites de l’extrême droite française,
il se développe en France une judéophobie musulmane inquiétante, totalement occulté par nos
bien-pensants. Il est particulièrement choquant que cela se passe en France, pays des Droits de
l’Homme, au XXIème et après les persécutions juives qui ont eu lieu en France. N’a-t-on rien
appris de notre histoire ? Laissera t-on s’installer à nouveau les pires périodes de notre passé ?
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45
On pourrait penser qu’il s’agit là d’un épiphénomène mais le rapport insiste bien sur le fait
que derrière ces problèmes scolaires, se cache l’action de groupes très structurés. En outre, le
problème ne concerne pas seulement la France. La commission Stasi s’est déplacée aux PaysBas, Etat toujours pris en exemple pour sa société multiculturelle et tolérante, dans le cadre de
son rapport. Au regard de la situation actuelle aux Pays-Bas, les membres du gouvernement
néerlandais ont fait part de leur souhait d’abandonner cette politique multiculturelle :
« Ils [les membres du gouvernement] se sont montrés inquiets, constatant que les deuxièmes
voire troisième générations sont tentés par l’islamisme, contrairement à leurs parents.
Rompant avec le multiculturalisme, le gouvernement néerlandais désire désormais mener une
politique volontaire d’intégration, dîte de citoyenneté partagée, stipulant que les nouveaux
immigrants adhèrent aux valeurs fondatrices de la société néerlandaise »106 .
A la lecture de ce rapport alarmant, il parait évident que les tenants de l’islam militant sont en
train de tester la résistance de nos société ouvertes afin de savoir quel degré appliquer à leurs
pressions. Ils essaient de modifier nos principes mais d’une façon très lente afin de ne pas
éveiller les soupçons, afin que les changements se fassent presque naturellement, sans que els
européens ne réagissent brutalement. Et il est clair que la politique de l’autruche et cette
lâcheté politique de faire face à ces agissements scandaleux, pour éviter les amalgames, a des
conséquences plus graves encore : « C’est là où l’on a transigé, où l’on a reculé, passé des
compromis comme on l’entend dire souvent, que nous avons constaté les dérives les plus
graves et les entorses les plus sensibles à la laïcité. » conclut le rapport.
Le rapport Obin n’est pas le seul document démontrant l’influence islamiste en France. Par
exemple, la conclusion d’une enquête de l’Inspection Générale de l’Administration (IGA),
enquête commandée en avril 2005 par Dominique de Villepin, est la suivante : « Le refus de
la mixité dans les services collectifs est en augmentation ces dernières années ». Cela se
traduit notamment par le refus des femmes musulmanes de se faire examiner par le personnel
masculin, par l’absentéisme des filles durant les cours d’éducation physique. On note même le
boycott des enseignements liés au Coran lorsqu’ils sont dispensés par des non-musulmans107
révèle l’enquête. La situation dans les hôpitaux n’est guère meilleure comme l’a souligné une
enquête du journal Le Point108, la laïcité est fortement remise en cause dans les hôpitaux
français. Les faits sont classiques : refus de soins, maris qui intimident les médecins, les
agressions ne sont plus rares. Selon l’un d’eux, « Le phénomène croît en fréquence et en
gravité depuis trois à quatre ans ». Face à ces agissements, les médecins français ne savent
plus comment réagir : « On ne sait pas, on fait profil bas, on a peur d'être taxés de racisme »,
déclare un chef de service.
La remise en cause de nos principes, la mise en place de valeurs islamiques contraires aux
notres ne sont pas les seules manifestations de l’influence grandissante de l’islam militant en
Europe. On peut également observer la diffusion d’un islam conquérant et combattant dans
certains livres pour enfants. A titre d’exemple, le magazine Valeurs Actuelles a révélé en
juillet 2005 que certains livres pour enfants, tels « La voie du petit musulman » étaient très
loin d’une vision de paix, d’amour et de tolérance islamique. Dans un chapitre intitulé « Le
musulman est un combattant », on peut lire « le combat est une obligation pour tout
musulman. Le combattant s’emploie à défendre à défendre la Religion de Dieu ; s’il tombe
martyr, il obtient le paradis. Dieu nous ordonne de nous préparer au combat et de nous y
106
Cité par Paul Landau, op.cit.
« Enquête sur la montée de l’Islam », op.cit.
108
« Violences : Pression intégriste sur les hôpitaux », Le Point, 6 avril 2006.
107
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tenir prêts en permanence ». Pour les adultes, « la voie du musulman » poursuit sur un
chapitre sur le djihad « Le mérite du djihad et de la mort en martyr pour la Cause de Dieu est
exprimé en termes nets dans les annonces véridiques et dans les hadiths authentiques du
Prophète (S.B. sur lui) qui font du djihad la plus méritoire et l’acte de dévotion le plus
distingué »109. Nous sommes bien loin du djihad comme un combat intérieur, nous sommes
bien loin d’un islam de paix tant vanté par nos bien-pensants. Se rend t-on compte des ravages
que cette « éducation » peut causer si, dès le plus jeune âge, on apprend aux enfants à
combattre l’infidèle par le djihad et en légitimant le tout par une volonté divine inscrite dans
le Coran ? Se rend t-on compte que cela se passe en France ?
Cela met en évidence le fait que la France (mais la situation en Europe est plus ou moins
similaire) subit des pressions islamistes depuis plusieurs années déjà mais dans la mesure où
cela s’effectue de façon bien moins spectaculaire qu’une action terroriste, l’endormissement
des consciences est presque total. Pour comprendre cette stratégie, il suffit de se remémorer
un article datant de janvier 1994 de l'hebdomadaire saoudien « Al Mouslimoune », qui faisait
l'éloge de l'action d'islamisation en France, parvenant alors à « convertir au moins dix
Français par jour » à travers le pays. Ce même quotidien appelait également les Français
musulmans à « s'unir, puisque l'union fait la force ». Il leur rappelait la « nécessité d'avoir des
représentants au Parlement, après avoir obtenu des conseillers régionaux, généraux et
municipaux… ». Le quotidien évoquait aussi la « conquête des Alpes». Il soulignait que cette
conquête, qui doit faire école, a commencé par la région Rhône-Alpes, puisque « la seule ville
de Grenoble comptait plus de 5.000 étudiants musulmans. Cinq conseillers ont été élus au
conseil régional ». Le journal appelait la communauté à « poursuivre ses efforts, pour
parvenir aux plus hautes fonctions de l'État… »110.
La stratégie des islamistes est claire à travers cet exposé : développer en douceur un islam
orthodoxe, réveiller la conscience musulmane au sein de la population française, séparer les
fidèles des infidèles, remettre en question les valeurs républicaines et faire l’apologie d’un
Islam conquérant.
Dans la mesure où cette stratégie fonctionne, il est probable que les islamistes continuent sur
cette voie tout en utilisant la force si le besoin s’en faisait ressentir. D’autant plus que cette
réislamisation forcée permettra dans un avenir plus ou moins proche un recrutement par les
terroristes islamistes au sein même des quartiers français. « Considérant nos m!urs comme
mécréantes, nos lois comme impies et l’Oumma comme leur vrai patrie, les intégristes
s’excluent eux­mêmes de la communauté nationale. Ce phénomène existe, il progresse dans
nos banlieues. Ce contexte spécifique à la France rend les conséquences d’attentats
djihadistes plus redoutables sur notre territoire » confirment Stéphane Berthomet et
Guillaume Bigot 111 à l’issue de leur enquête sur les dangers de l’islamisme en France. Cet
état de fait a été confirmé par un rapport de la Direction centrale des Renseignements
Généraux datant de juin 2004 qui soulignait que des centaines de quartiers sensibles
présentent des signes inquiétants de repli communautaire aggravé, notamment sous
l’influence de la montée en puissance de l’islam radical.
Eric Denécé a par ailleurs démontré que la montée de l’islamisme en France touchait non
seulement la sphère sociale mais également la sphère économique selon deux modalités : le
109
« L’islam enseigné aux enfants », Valeurs Actuelles, 29 juillet 2005.
Passage tiré de l’article « Enquête au sein de la presse islamique », www.proche-orient.info
111
« Le jour où la France tremblera : terrorisme islamiste : les vrais risques pour l’Hexagone », Stéphane
Berthomet et Guillaume Bigot, Ramsay, 2005
110
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prosélytisme militant et contestataire et le développement de trafics susceptibles d’alimenter
la cause du djihad112. Pour étayer son propos, l’auteur cite Yves Bertrand, ancien Directeur
des Renseignements généraux : « Le monde du travail est désormais visé, avec, comme cibles,
certaines catégories de personnel. Il s’agit évidemment des plus modestes, comme les
caissières, les manutentionnaires ou les chauffeurs livreurs ».
Pour finir ce tour d’horizon, précisons que la montée de l’islam militant est également
flagrante dans les prisons françaises. Ainsi, selon les derniers rapports des renseignements
généraux français, le prosélytisme se développe de façon inquiétante. "Dans les cellules, les
affiches de Ben Laden ont fleuri. Des sapins de Noël sont maintenant saccagés, des bibles
détruites par des prisonniers. Un islam hostile à l'Occident, aux Français en général, aux
juifs en particulier, se propage dans les établissements pénitentiaires », signalaient-ils en
mai 2005. Ouvrons une petite parenthèse ici : alors que de présumés profanation du Coran à
Guantanamo ont ébranlé le monde entier, que des manifestations antiaméricaines ont vu le
jour un peu partout dans le monde113, que des américains ont été tués ou blessés durant ces
manifestations, que le monde entier à fustigé les Etats-Unis, le fait que des bibles soient
détruites dans nos prisons ne fait pas l’objet de la même indignation et ne choquent les
français. C’est dire le degré de faiblesse morale et idéologique dans laquelle les français se
trouvent actuellement.
G/ La contagion des esprits
Omar Bakri, chef de file du mouvement islamiste Al Mouhajirroun a déclaré « Notre but est
de créer en Europe une cinquième colonne très puissante »114. Le danger pour nos sociétés se
trouve là : que les thèses islamistes puissent peu à peu s’insinuer dans les esprits des
musulmans, même les plus modérés, et ce, par réflexe identitaire, par une absence
d’intégration à la culture occidentale. Cette contagion pourrait concerner tous les musulmans
où qu’ils se trouvent mais plus particulièrement en Occident et plus spécifiquement encore en
Europe. Le poids de la population musulmane y est en effet de plus en plus important. Qu’en
sera-t-il dans vingt ans ? C’est ce qui ce qui explique que le terroriste Carlos, converti de
longue date à l’islam, écrive : « l’Islam est, accéléré avec l’effacement de l’Eglise et l’échec
du socialisme réel, une chance pour l’Europe. La communauté musulmane reste encore
marginale, mais tendanciellement elle pèse de plus en plus lourd. Le facteur démographique
joue en sa faveur. Déjà certaines chaînes de supermarché ont compris le parti qu’elles
pouvaient tirer de la clientèle musulmane et on inscrit le jeûne du ramadan à leur calendrier
commercial. Politiquement, le poids des populations de culture islamiques est certes encore
négligeable. Mais en ce domaine comme dans beaucoup d’autres, les manifestations se
manifesteront brutalement »115. Tel est l’avertissement que les européens devraient méditer.
A la lecture de l’actualité concernant les pressions islamistes évoqués précédemment, il n’est
pas exagéré de dire que ces derniers ont pris d’assaut nos démocraties et qu’il ne se passe pas
un jour sans qu’un crime islamiste n’ait lieu quelque part dans le monde. Pourtant, un citoyen
français, italien ou américain par exemple vivra son quotidien assez sereinement. Il aura peutêtre un léger frisson dans le métro ou dans l’avion mais de façon générale, il ne rencontrera
112
Eric Denécé, « Le développement de l’islam fondamentaliste en France : aspects sécuritaires, économiques et
sociaux, Centre Français de Recherche sur le Renseignement, 2005.
113
« La colère du monde musulman contre le Coran profané à Guantanamo », Libération, 13 mai 2005.
114
Cité par Mohamed Sifaoui, « La France malade de l’islamisme, Menaces terroristes sur l’Hexagone », Le
cherche midi, 2002.
115
Carlos, « L’islam révolutionnaire », éditions du Rocher, 2003.
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pas la « menace islamiste » au coin de la rue. De même, les attentats terroristes cause
effectivement moins de morts que le virus du Sida, voire que les accidents de la route. Ce qui
fait dire à certaines personnes qu’en définitive, il n y a rien d’alarmant, que cette menace est
largement exagérée, qu’il ne s’agit que de fantasmes de réactionnaires. Or, évaluer une
menace en fonction des morts n’est évidemment pas très pertinent si l’on rappelle qu’il a fallu
des dizaines d’années et une centaine de millions de morts à travers le monde pour que nous
comprenions la réalité du totalitarisme communiste. En outre, les études qui se fondent
uniquement sur le nombre de morts, et dont l’objectif est clairement politique, ne mentionnent
que les morts causés par des attentats islamistes de ces dernières années. Mais qu’en est-il du
million et demi de chrétiens et animistes qui ont été massacrés par les islamistes du
Soudan durant ce qu’on a appelé, par erreur, une guerre civile ? Et que dire des centaines de
milliers de victimes algériennes ? S’il est vrai que ces victimes ne sont pas mortes par le fait
d’attentats, c’est tout de même bien l’action islamiste qui est responsable de ces morts. Faut-il
également préciser qu’une menace ne se définit pas seulement par le nombre de morts mais
également par ses conséquences politiques et économiques. Faut-il, à ce titre, rappeler à ces
statisticiens que le 11 septembre a coûté près de 90 milliards de dollars et des centaines de
milliers d’emplois disparus, pertes heureusement compensées par la bonne santé économique
des Etats-Unis ? Et que dire de l’influence des attentats du 11 mars 2004 en Espagne qui a
conduit à un changement de majorité gouvernementale et le retrait des troupes espagnoles
d’Irak ? Comment peut-on soutenir dans ces conditions que la menace de l’islam militant a
peu de conséquences sur nos sociétés ? On note encore ici cette volonté de nier la menace,
cette faculté intellectuelle de se bander les yeux tout à fait européenne.
Le danger de l’islam militant réside bien plus dans une modification lente mais réelle de la
société, occidentale ou non. Il ne s’agit donc pas de faire un concours de morts mais bien
d’évaluer les risques sur le long terme. C’est cette notion temporelle que les occidentaux en
général n’ont pas assimilée, ces derniers ne s’intéressant qu’à un dommage important et
immédiat comme un attentat terroriste de l’ampleur du 11 septembre. Cela explique les
théories de certains « spécialistes » européens qui estiment, en se basant uniquement sur les
actes terroristes et non les pressions islamistes « pacifistes », que l’Occident n’est pas en
danger, quelques milliers de fanatiques ne pouvant détruire des Etats. C’est pour cette raison
que l’on entend souvent le discours consistant à dire qu’il ne s’agit là que d’épiphénomènes,
que les médias surinforme sur le sujet et qu’en définitive, il n y a pas de véritable danger, des
illuminés fanatiques ayant toujours existé dans nos sociétés.
Une fois encore, ce raisonnement n’est pas étonnant. Tant que l’on n’est pas confronté à une
menace directe, tant que l’information ne fait pas son chemin, il est très difficile d’évaluer
correctement un phénomène. Mais une analyse scrupuleuse de l’actualité internationale
permet de mettre en évidence les différentes pressions islamistes qui agissent sur les sociétés
libres.
Entendons nous bien : il ne s’agit là que de montrer une progression inquiétante d’un
phénomène et en aucun cas d’affirmer que les musulmans d’Europe ont modifié radicalement
et définitivement les comportements sociaux des européens. Progression dont Gilles Kepel
voit les effets dans certains quartiers français, où «l'on a parfois du mal à se rappeler que
l'on se trouve dans l'Hexagone, tant est prégnant, à l'!il nu, l'ordre moral d'un rigorisme
islamique que l'on ne constate généralement pas à ce niveau dans les sociétés musulmanes
du sud et de l'est de la Méditerranée». Ce constat est d’ailleurs confirmé par un sondage de la
Sofres, cité dans une enquête de l’Express publiée en janvier 2006 indiquant que, si en 1993
71% des enfants de parents d’origine maghrébine (en majorité musulmans) se sentaient plus
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proches du mode de vie et de culture des français que celui de leur famille, ce chiffre est
désormais de 45% en 2003.116 L’Express rappelait par ailleurs qu’en Allemagne, 21 % des
musulmans vivant sur son sol estiment que la constitution allemande n’est pas conciliable
avec le Coran.
Le constat est encore pire en Grande-Bretagne où 40 % des musulmans voudraient instaurer la
charia chez eux117. Cette charia, contraire aux droits de l’homme, avilissante pour la femme et
pour le non-croyant. Est-ce là une vision d’un islam de paix, d’amour et de tolérance ? Est-ce
là une vision des musulmans modérés censés être majoritaires dans le monde ? Ce repli
identitaire, ce retour à un islam des origines, conquérant, intolérant et guerrier est une réalité
que les bonnes âmes le veuillent ou pas, qu’elles le comprennent ou pas. C’est un fait : on
note une progression alarmante de l’adhésion des populations musulmanes d’Europe, censées
devenir les précurseurs d’un islam des lumières selon les islamologues français, à un islam
plus rigoriste.
L’idéologie véhiculée par les tenants de l’islam militant tend à s’infiltrer dans les discours les
plus anodins, comme si les principes de bases des islamistes s’appliquaient à chaque fait
social. Il suffit de se plonger dans l’Internet pour relever cette tendance. Prenons, à titre
d’exemple, une discussion d’internautes sur un sujet scabreux : l’augmentation du nombre de
jeunes filles d’origine maghrébine, les beurettes comme il est coutume de les appeler, dans les
productions pornographiques118. De nombreux intervenants commentent ce sujet en tentant de
savoir d’où provient le phénomène et s’il faut s’en inquiéter. Le fil de cette discussion est tout
à fait représentatif des acteurs de ce conflit planétaire qui se joue sous nos yeux : les
musulmans modérés qui s’écartent de l’islam des textes fondateurs pour adhérer à des valeurs
occidentales, les tenants de l’islam militant qui aspirent à les tirer dans un islam originel et les
idiots utiles occidentaux qui détruisent l’Occident de l’intérieur. A travers les échanges de
messages de cette discussion, on peut mesurer le degré d’infiltration des thèses islamistes,
aussi étonnant que cela puisse paraître dans un sujet sur les films pornographiques. On trouve
certains thèmes classiques tels que :
La distinction fidèle/infidèle : c’est un principe de base s’il l’on veut comprendre l’idéologie
islamiste. C’est cette distinction qui justifie les mouvements séparatistes et les attentats
djihadistes. Dans le sujet, cette distinction prend la forme d’une différenciation entre Nous,
communauté musulmane, et Eux, les français. On trouve donc la discussion des phrases
comme : «Et n'oubliez pas que vous êtes "chez EUX". Tenues de respecter LEURS lois: Il ne
faut pas se la jouer hypocrites... » (Les commentaires sont laissés tels quels, fautes
d’orthographes comprises). Ces mots proviennent, a priori, de jeunes français.
Le culte de la supériorité : les membres de l’Oumma représentent, comme le rappelle le
Coran, la meilleure communauté qui soit. Cela explique que certaines personnes dans la
discussion soient si choquées qu’une jeune femme musulmane puisse tourner dans un film
pornographique. Qu’une occidentale le fasse est normal puisque l’Occident est décadent par
définition mais qu’une beurette, ici assimilée à une musulmane de facto, le fasse est une honte
car rompant avec la pureté de l’islam. Et lorsqu’un internaute répond que les jeunes beurettes
ont raison de faire de tels films, il lui est répondu : « je pense que tu diras pas ça à ta soeur et
116
« Enquête sur la montée de l’Islam, op.cit.
40 % des musulmans britanniques voudraient instaurer la charia chez eux, Le Monde, 20 février 2006.
118
http://www.orientalement.com/p50-il-y-a-de-plus-en-plus-de-beurette-qui-tourne-des-film-pornographiqueet-pourquoi-ca.html
117
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50
qui sait à ta mere!! mon pauvre gars tu devrais t'appeller pierre ou ishrak....tu devrais avoir
honte de toi. » ou encore : « slt, je comprends ta peine et ton dégout qd tu vois des gens de
notre communautée s'adonner à la pornographie on est censée montrer L'exemple ». Notons
également que cette suprématie de la communauté musulmane se traduit par son union, à
l’inverse de l’Occident individualiste : « cette societe ne vit que pour le plaisir et n a que
comme dieu l argent qui nourrit ttes les frustrations des etres peu doues d intelligence...mais
ca permet aussi de voir ou se trouve la verite ...et ca amplifie la foi de certain...la democratie
c est l individualisme ...l islam c est la communaute ,l union ,la solidarite mais ou est cette
communaute ? » Le culte de la supériorité légitime toute action islamiste puisque tout non
musulman est dans l’erreur et qu’il doit être remis dans le droit chemin, ce dernier étant la
conversion ou la dhimmitude. D’ailleurs, un internaute rappelle l’objectif assigné aux
musulman par le Coran : « on a été mis sur terre pour répandre l'islam et on gache tout ».
L’islam comme unique solution : C’est un argument que l’on retrouve évidemment au sein du
courant salafiste. Face à la décadence, supposée ou avérée, des musulmans, seul un retour à
l’islam des pieux ancêtres pourrait enrayer le processus. En l’espèce, la réponse à la
pornographie serait un retour à l’islam. C’est ce qu’explique un internaute lorsqu’il écrit :
« vous savez ce que OMAR IBNE ALKHATAB a dit « notre grandeure ou dignite c ensuivant
l'islam et quad on chaerchra la reussit ailleur c la fin de notre sevilisation » (en français plus
compréhensible, cela donnerait : notre grandeur ou dignité, c’est en suivant l’islam et quand
on cherchera la réussite ailleurs, c’est la fin de notre civilisation) ou encore : « mais un jour
inchaallah l islam mettra de l ordre a ttes ses debauches ».
Le mythe du complot : Une des rhétoriques habituelles du monde musulman est que le monde
entier complote contre les musulmans dans un monde séparée en deux, celui des fidèles et
celui des infidèles. Les infidèles, et notamment les juifs et les occidentaux, tentent par tous les
moyens de détruire l’islam. Cette paranoïa s’illustre en l’espèce par les écrits suivants : « Tu
devrais savoir que l'asservissement des "beurrettes" correspond à une stratégie globale de
lutte conte la pensée Arabo­Islamique » ; « et la france et les occidentaux ont fait plus de torts
que vous ne croyez reliser l histoire et vous comprendrez... » ; « Restez vigilents les hommes,
on vous empoisonne l'esprit avec ces trucs (films pornos, etc...) pour mieux vous détourner de
votre route». Ainsi, par un détournement tortueux de la raison, chaque fait vient nourrir le
mythe. Ici, on apprend avec effarement que la pornographie est une arme des infidèles pour
mettre fin à l’islam. Si l’on considérait que ces propos sont simplement tenus par des
adolescents un peu désorientés, cela ne prêterait guère qu’à sourire, tristement certes vu
l’idiotie des arguments, mais simplement à sourire tout de même. Mais lorsque l’on sait que
certaines hautes personnalités religieuses musulmanes en Arabie Saoudite, au Quatar ou en
Jordanie ont interdit les jeux Pokemon car cela ferait partie d’un complot, juif en l’occurrence
(« Cette fièvre des Pokémon est un complot juif qui vise à forcer nos enfants à oublier leur foi
et à les distraire de leurs ambitions notamment scientifiques »119) on comprend dès lors qu’il
ne s’agit pas d’une scorie de l’adolescence mais bien d’une dérive intellectuelle fort
inquiétante.
La judeophobie : étonnant dans une discussion liée à la pornographie de trouver des propos
judéophobes. Et pourtant, c’est bien le cas, ces discours étant fortement imprégnés du mythe
du complot décrit précédemment. C’est donc avec consternation que l’on apprend que si des
jeunes maghrébines se tournent vers la pornographie, c’est à cause des juifs ! On peut lire par
exemple les propos suivants : « meme les dirigeants sont telecommande par qui a votre
119
« Les Pokémon sèment la zizanie en Jordanie », TF1, 8 avril 2001.
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avis...tout ceci est etait le but ultime..encore le sionisme qui frappe.. » ou encore « La France
qui regroupe un nombre assez élevé d'immigrés en provenance des pays du Maghreb
participe elle aussi par le biais de certains groupuscules notamment sionistes à détruire
l'image de cette communauté par l'intermédiaire de cet outil d'information visuel que sont le
Net ou certaines chaines de télévision. ». Les insultes peuvent être violentes comme en
témoigne la haine de cet internaute : « Toi sal sioniste fodil=samir=bawral, tu te permets
d´insulter quelqu´un qui peut être le maître de ton maître, t´as pas honte toi frustré sioniste
? » ou bien « Pauvre !! Pauvre d´esprit sioniste!!! on sait bien pourquoi les sionistes ne
veulent plus de toi, tu es un blammage pour eux. ». « Tous les moyens sont bons pour nous
rendre inopérationnels, le sexe est un des meilleurs moyens qu'ont trouvé les sionistes pour
faire détester les arabes de leurs pays et leur faire aimer l'occident, par le vice !!!
La première question qui vient à l’esprit est : Par quelle aberration intellectuelle en arrive t-on
à incriminer les juifs sur un tel sujet ?! Cette judéophie est particulièrement effrayante quand
la haine du juif se banalise à tel point.
Cette banalisation est telle qu’elle se retrouve là où on l’attend le moins. L’actualité est là
pour le rappeler. Deux exemples venant de France montrent sa dangerosité. Le premier est
celui de la fatwa édictée par l’UOIF (Union des Organisations Islamiques de France) lors des
émeutes de l’automne 2005. Alors que les médias ont refusé en bloc l’idée même d’une
origine ethno-religieuses de ces émeutes, l’UOIF a lancé cet appel au calme des musulmans :
« Dans plusieurs versets du Saint Coran, Dieu blâme la destruction et le désordre et rejette
ceux qui les accomplissent. Il dit au verset 64 de la Sourate 5 « Allah n’aime pas les semeurs
de désordre » ; il dit au verset 60 de la Sourate 2 « Ne semez pas de troubles sur la terre
comme des fauteurs de désordre ». (Voir également 2/27 ; 2/205 ; 7/56 ; 28/77 etc.. ) ». En
dehors du fait qu’il est incroyable que dans un Etat de droit, laïque de surcroît, de tels appels
religieux aient eu lieu, on reste abasourdi par la teneur de cette fatwa car si au premier abord
elle semble être un appel au calme, un examen plus approfondi des sourates invoquées dans
cette fatwa démontre son caractère judéophobe. Si l’on se réfère au verset 64 (ou 69 dans la
traduction de Kasimirski) de la sourate 5 comme l’indique l’UOIF, on peut lire : « " Les Juifs
ont dit: " La main d'Allah est fermée. Ce sont leurs mains qui sont fermées et ils ont été
maudits à cause de ce qu'ils ont dit. Les mains (d'Allah), tout au contraire, sont ouvertes. Il
accorde subsistance comme Il veut. Ce qu'on a fait descendre de ton Seigneur accroît pour
beaucoup d'entre eux leur rébellion et leur impiété. Nous avons excité entre eux l'hostilité et
la haine jusqu'au Jour de la Résurrection. Chaque fois que fut allumé un feu pour la guerre,
Nous l'éteignîmes. Ils s'évertuent à semer le scandale sur la terre alors qu'Allah n'aiment pas
les semeurs de scandales. " (La version de Kasimirski diffère sensiblement tout en gardant le
même esprit). Ainsi, cet appel pourrait donc se résumer par « Musulmans de France, n’agissez
pas comme les juifs qui sèment le désordre sur terre, ce sont eux les fauteurs de troubles ». Et
cette lecture coranique a été reprise par l'association iranienne des journalistes musulmans qui
a émis un communiqué relatif aux émeutes françaises indiquant que la réponse à ces
soulèvements était influencée par le lobby sioniste en France dans le but de limiter la liberté
des musulmans de France120.
Le deuxième exemple de la banalisation de cette judéophobie est en effet bien plus
dramatique puisqu’il s’agit de la mort du jeune Ilan Halimi, jeune français juif torturé et tué
car ses ignobles assassins, en l’enlevant et le séquestrant, croyaient que les juifs ont de
120
La version anglaise du communiqué précisait : “We suppose that the French government has carried out the
recent discriminatory and anti-human rights acts under the influence of the Zionist lobby in France to limit the
social and personal freedoms of the Muslims residing in the country, which is quite unacceptable on the part of a
country that claims to be democratic”
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l’argent et qu’ayant le pouvoir, il s’entraideraient pour payer une rançon. Ces jeunes criminels
n’étaient pas des djihadistes et pourtant le mythe du juif riche et qui détient le pouvoir les a
poussés à agir de façon abominable.
C’est pourquoi, lorsque l’on lit sur Internet des propos comme ceux évoqués sur une simple
discussion sur la pornographie, on ne peut que s’inquiéter des conséquences que cela aura à
plus ou moins long terme. Car la supériorité de l’islam, la distinction entre fidèles et infidèles,
le mythe du complot et l'aversion du juif sont des thèmes développés par les islamistes et les
djihadistes pour justifier leur prosélytisme et leurs actes terroristes. Retrouver ces thèmes dans
une banale discussion scabreuse est particulièrement inquiétant. Cela démontre une
contamination des esprits par cette idéologie totalitaire. Si ce genre de discussions n’est pas
rare sur Internet, il est difficile de savoir si cela est représentatif d’un nombre conséquent de
personnes. Il n’en reste pas moins qu’empiriquement, on peut déduire que ce phénomène a
tendance à se développer notamment chez les jeunes.
Cette contagion des esprits, à son paroxysme, explique que nombre de musulmans dans le
monde ne condamnent pas catégoriquement les islamistes et les terroristes islamistes. C’est
ainsi que jusqu’aux attentats du mois de novembre 2005, 66% des jordaniens légitimaient les
actions d’Al-Qaïda et 60 % des habitants faisaient confiance à Ben Laden. C’est lors de ce
type de sondages que le mythe du rejet absolu de l’islam militant par les musulmans du
monde entier tend à s’effriter, ce qui ne veut pas dire que le milliard de musulmans habitant
sur notre planète vont se transformer en terroristes, cela veut simplement dire que certaines
idées commencent à faire leur chemin, même au sein des plus modérés.
On pourrait arguer du fait que la Jordanie n’est pas représentative car beaucoup plus
impliquée dans les conflits du Proche-Orient. Mais ce raisonnement est, par exemple, infirmé
par une récente enquête effectuée au Maroc en septembre 2005, pays bien plus proche, en
théorie, de l’Europe méditerranéenne que du Proche-Orient, qui a révélé que 44% des jeunes
marocains de 16 à 29 ans pensaient qu’Al-Qaïda n’est pas une organisation terroriste (ce
chiffre passe à 50% si l’on ne prend en compte que les garçons) .121
Après les attentats de Londres, le Daily Telegraph a effectué un sondage auprès de sa
communauté musulmane. Il en a résulté que 25% des musulmans britanniques sympathisaient
avec les sentiments et les motifs des responsables des attentats.122 Pire, 6% des personnes
interrogées, soit près de 100.000 personnes justifiaient pleinement les actions terroristes. De
même, 31% des sondés estimaient que l’Occident est décadent et immoral et affirmaient
qu’ils devaient en finir avec cette civilisation, mais par des moyens pacifiques.
Cette contagion des esprits et ce soutien plus ou moins établi de l’oumma musulmane à
l’islam militant à bien été comprise par Al-Qaïda. En témoigne la déclaration d’Ayman AlZawahiri, bras droit de Ben Laden dans une vidéo publiée en décembre 2005. A la question
« Plus de quatre ans se sont écoulés depuis que l’Amérique a commencé sa campagne pour
détruire Al­Qaïda et les taliban. Jusqu’à présent, malgré tout le potentiel de l’Amérique et
malgré toute l’aide pakistanaise, l’Amérique n’a pas réussi à capturer le Mollah Mohammed
Omar ou le cheikh Oussama Ben Laden, qu’Allah les protège tous deux. Comment cela se
fait­il ? », Al-Zawahiri répond :
121
« 44% des jeunes : Al Qaïda n’est pas terroriste », L’économiste, 25 janvier 2006, A noter que ce quotidien
marocain s’inquiétait également de la montée de l’islamisme dans les grandes écoles, phénomène qui s’amplifie
d’année en année au Maroc.
122
Sondage du Daily Telegraph du 23 juillet 2005.
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53
« La principale raison est la protection d’Allah, que les américains et l’Occident croisé
matérialiste ne peuvent pas comprendre. La deuxième raison, qui découle de la première, est
que les populations musulmanes ont ouvert leurs c!urs et leurs demeures aux
moudjahidine, leur ont accordé refuge et protection, ont exposé leurs enfants, leurs
familles, leurs biens et leurs habitations aux bombardements et aux incendies, au risque
d’être tuées ou capturées, pour Allah, pour soutenir l’islam et défendre les moudjahidine.
Le djihad pour Allah est plus grand que n’importe quel individu ou organisation. Il s’agit de
la lutte entre la vérité et le mensonge, jusqu’à ce qu’Allah hérite de la terre et de tous ses
habitants. Le mollah Mohammed Omar le cheikh Oussama Ben Laden, qu’Allah les protège
de tout mal, ne sont que deux soldats de l’islam dans le voyage du djihad, alors que la lutte
entre la vérité et le mensonge transcende le temps »123.
Le 3 mars 2006, Amr Khaled, prédicateur devenu une star médiatique au Proche-Orient, dans
un discours enflammé suite aux caricatures danoises, a déclaré : « Depuis l’affaire des
caricatures, je dis quelque chose que personne ne comprend. Il y a un carré de musulmans,
un carré d’islamophobes, et au milieu, un carré de non­musulmans neutres. Il faut trouver
un moyen radical pour les attirer » ; et d’ajouter : « Les sentiments et l’amour de l’islam,
c’est quelque chose de très grand mais planifier pour notre avenir en Europe est aussi
important surtout en ces temps : regardez loin, patientez, ne vous pressez pas…Etudiez ce
Hadith du Prophète, faites­en votre slogan »124.
Cette déclaration permet de mieux comprendre le danger d’une contagion des esprits
notamment sur les populations musulmanes en Occident. Elle met en évidence un concept
non intégré par les occidentaux, celui de la patience dans l’élaboration de ce projet. « Cela
pourra prendre dix, vingt ou cent ans, mais nous vaincrons, car le temps joue en notre
faveur » rappelle un islamiste en France125.
Cette contagion est d’autant plus importante que l’on véhicule, au sein même de l’Occident,
une vision tiers-mondiste du phénomène de l’islam militant faisant des musulmans les
nouveaux oppressés de notre temps, les damnés de la terre. Ce qui, bien entendu, a pour
conséquence de rallier à la cause des islamistes de plus en plus de musulmans, même les plus
modérés, qui embrassent cette vision du monde.
H/ La manipulation de l’information cause d’une perception biaisée de la réalité
Les précédents développements ont montré qu’il existait un décalage entre la perception de
l’islam militant par les européens et la réalité factuelle de la menace. Si les raisons d’un tel
décalage ont déjà été évoquées (guerre asymétrique de basse intensité, raisons historiques,
etc.), il convient de se pencher également sur une des causes fondamentales de ce décalage, à
savoir le rôle de l’information. Notre réalité dépend en effet de l’information que nous
recevons, le terme information étant pris ici dans son sens le plus large et couvre donc tout
moyen de communication conscient, voire subconscient. On prendra ici l’exemple de la
France afin de montrer que la perception de la réalité est conditionnée par l’information.
Notre pays est un bon exemple pour montrer l’existence de cette interaction dans la mesure
où, bien que la liberté d’expression soit en principe appliqué, il n’en reste pas moins qu’il
existe une évidente dictature de la pensée. Il est des choses qui peuvent être dites, d’autres
123
Video du n° 2 d’Al-Qaïda, Ayman Al-Zawihiri, sur Al-Sabah, www.memri.org, 20 décembre 2005.
« Un prêche capital sur la chaîne intégriste saoudienne Iqra », www.proche-orient.info, 7 mars 2006.
125
Cité par Emmanuel Razavi, « Frères Musulmans dans l’ombre d’Al Qaeda », Jean-Cyrille Godefroy, 2005.
124
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54
non. Nous assistons à une sorte de dictature de la majorité pour reprendre l’expression du
visionnaire Alexis de Tocqueville. S’en écarter fait de vous un paria intellectuel. Il est donc
intéressant d’analyser comment se forme cette « pensée unique » et de la relier au phénomène
de l’islam militant.
La France se caractérise, lorsque l’on aborde la question de l’islam militant, par un silence
tant médiatique que politique résultant pour une grande part de son antiaméricanisme et de sa
politique « pro-arabe ». Comment ne pas être choqué par exemple lorsque l’on sait que la
télévision française couvre un scandale dénoncé par la presse étrangère et par des journalistes
honnêtes, celui de la mort d’un jeune palestinien, Mohamed Al-Dura et de son père, tués par
des israéliens affirmait-on à l’époque. Des journalistes français avaient en effet contribué à
diffuser à grande échelle cette manipulation médiatique en proposant gratuitement le
documentaire au monde entier. Or, non seulement des enquêtes ont fortement remis en cause
la véracité de ce documentaire (il s’agirait d’un vulgaire montage, les morts ayant été
simulées), indiquant qu’il ne s’agissait là que d’une propagande palestinienne filmée et donc
d’un faux documentaire, mais encore la télévision française tente maintenant d’étouffer
l’affaire. Rappelons que « la mort » de cet enfant et de son père, est devenu un symbole de
l’Intifada dite Al Aqsa, symbole que l’on retrouve sur des timbres en Tunisie, en Jordanie ou
même dans des poèmes. 126 Que la France soutienne cette propagande palestinienne a de quoi
faire sursauter les journalistes intègres. Cela n’est d’ailleurs pas sans rappeler la couverture
honteuse des medias français sur le « massacre » de Jenine en 2002, médias qui ont relayé les
estimations fantaisistes des palestiniens sur le nombre de morts (le nombre évoqué était
d’abord de 3000 personnes, puis de 500 personnes alors qu’en réalité il n’était que de 53
morts dont 34 combattants…).
Cet exemple montre que les positions anti-israéliennes et pro-palestiniennes d’une grande part
des médias français, ajouté à un antiaméricanisme de longue date, font que la majorité des
français ont une vision totalement dévoyée du phénomène islamiste et djihadiste.
L’information passe non seulement par les médias mais également par l’éducation. Et
l’influence idéologique commence d’ailleurs très tôt comme en témoigne le résultat du travail
de Barbara Lefebvre et Eve Bonnard127 dans leur dernier ouvrage. Ce livre est une enquête sur
la manière dont les manuels scolaires d’histoire géographie français traitent l’histoire récente,
post 11 septembre.
Relativement à l’analyse du terrorisme, l’on est effaré d’apprendre que les attentats du 11
septembre ne sont qu’une réponse à l’hégémonie américaine. On apprend ainsi que « Les
Etats­Unis sont aussi devenus la cible d’Etats et de mouvements qui refusent l’hégémonie
américaine sur le monde » ou encore que « La puissance américaine est défiée par
l’islamisme comme le prouvent les attentats du 11 septembre » ou bien que « le terrorisme
international frappe les pays dont la puissance est contestée ». Ce type de raisonnement a
conduit l’éducation nationale française à rédiger un sujet du brevet des collèges 2005
particulièrement dangereux où l’on demandait aux élèves de répondre à cette question :
« Comment la puissance américaine a­t­elle été contestée le 11 septembre 2001 ». Le
terrorisme ne serait donc que la contestation de la puissance américaine. Voilà le genre de
grille de lectures que nos enfants peuvent avoir grâce à l’éducation nationale française.
126
Les lecteurs intéressés par le sujet pourront se reporter aux dossiers de la Metula News Agency
(http://www.menapress.com/) mais également des dossiers réalisés par Media-Ratings, première agence de
notations des médias (http://www.m-r.fr/) et par l’association ACMEDIAS (http://www.acmedias.org/).
127
“Elèves sous influences”, Barbara Lefebvre et Eve Bonnard, Audibert, 2005.
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55
Lorsqu’un attentat islamiste fera de nombreuses victimes en France, comment ces jeunes gens
comprendront-ils le phénomène ? Par une contestation de la puissance française ?
On retrouve également la logique d’une culpabilisation de l’Occident : « les mouvements
islamistes (…) prennent pour cible l’Occident – pour sa culture matérielle et sa politique pro­
israélienne au Moyen­Orient – ainsi que les Etats arabes laïques considérés comme impies »
On apprend même que l’islamisme « reste une idéologie de mobilisation contre l’Occident
dans de nombreux pays qui voient dans la mondialisation un risque d’uniformisation
culturelle et de domination des Etats­Unis ».
On ne peut qu’être effaré par ce programme infligé à nos enfants. Espérons que les
professeurs aient un peu de recul car comme le font remarquer les auteurs, cette opinion en
formation deviendra probablement la vision dominante de demain.
Face à cette uniformisation de la pensée et de tels mensonges sur l’islam militant, il ne faut
donc pas s’étonner de l’opinion généralement admise en France selon laquelle l’islamisme et
le terrorisme ne sont qu’un contrepoids aux Etats-Unis et à Israël. Il ne faut pas s’étonner non
plus de la recrudescence des mouvements d’extrème-gauche qui réhabilitent une vision
marxiste du monde et qui actent à la destruction de nos sociétés démocratiques.
« Cette focalisation sur la puissance américaine perçue comme une menace à la paix
mondiale a pour effet de relativiser tout autre danger, au premier rang desquels le
terrorisme djihadiste » concluent les auteurs. Et cette réflexion confirme la relativisation,
voire parfois même la négation, du phénomène de l’islam militant en France comme cela a été
décrit précédemment.
Or, la désinformation, volontaire ou non et l’absence de pluralité d’opinion sévissant en
France ne permettent absolument pas de comprendre l’islam militant tel qu’il est réellement.
Et ne pas comprendre un phénomène conduit à ne pas le combattre efficacement. Par
conséquent, il est urgent que la France puisse revenir au principe de pluralité d’expression en
laissant s’exprimer d’autres personnes que nos bien-pensants habituels, en permettant des
débats ouverts sans diabolisation d’expressions jugées par eux non conformes. Si cet effort
n’est pas fait, la France n’aura pas les moyens de faire face seule à ce nouveau totalitarisme.
Comme ce fut déjà le cas lors des deux précédents totalitarismes.
La France saura t-elle à se débarrasser de cette langue de bois ? « Le moins que l’on puisse
dire est que la langue de bois si répandue dans nos sociétés est à cet égard de mauvaise
augure. En nous résignant, nous favorisons les avancées islamistes dans nos pays, mais
surtout dans le monde musulman, précipitant ainsi une menace que nous croyons écarter
par notre angélisme. La prophétie de Churchill en 1938 : « Vous aviez le choix entre la
guerre et le déshonneur. Vous avez le déshonneur et vous aurez la guerre » est toujours
aussi actuelle », remarque pertinemment André Grjebine128.
La majorité des américains ont, à l’évidence, une perception tout autre du phénomène de
l’islam militant. Sans doute le traumatisme du 11 septembre y est-il pour beaucoup mais cela
n’explique pas tout. La vieille Europe, par des réflexes conditionnés, ne semble pas avoir pris
l’ampleur de la menace, pour des raisons diverses tenant à son passé historique mais
128
André Grjebine, op.cit.
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56
également à une politique étrangère qui sera étudiée ultérieurement. Pire, la vieille Europe
renoue avec ses vieux démons antisémites et antiaméricains qui prévalaient durant l’entredeux guerre. Négation du nouveau totalitarisme ou accusation d’Israël et des Etats-Unis, telles
sont les deux alternatives qui s’offrent aux européens alors qu’aux Etats-Unis, malgré les
différences politiques entre démocrates et républicains, l’islam militant est bien appréhendé
comme un phénomène totalitaire qui menace la paix mondiale.
Cette différence de perception peu paraître anodine. Finalement, quelle importance si un
américain pense que l’islam militant est un danger alors qu’un européen pense que le plus
grand danger vient d’Israël ? Question de point de vue, diraient certains. Pourtant, la
perception du danger est primordiale pour deux principales raisons. La première est que
lorsque le danger n’est pas perçu, les moyens de lutte contre ce danger sont pratiquement nuls
comme le rappelle le mythe du cheval de Troie. En l’espèce, si l’Europe est considérée
comme le ventre mou de l’Occident par les islamistes, c’est parce que ces derniers ont perçu
l’endormissement des consciences des européens face à leurs pressions. En n’identifiant pas
correctement la menace, les européens se mettent dans une situation d’immobilisme propre à
favoriser l’expansion de l’islam militant. La deuxième raison est qu’en niant le péril et en
pointant du doigt les Etats-Unis et Israël, les européens délégitiment toute action de ces pays
favorisant par la même une division de l’Occident, véritable aubaine pour les islamistes. C’est
ainsi que les Etats-Unis sont passés peu à peu du statut de victimes, après le 11 septembre, à
celui de responsables de tous les maux de la planète, suivis par Israël au niveau régional.
Toute action de leur part est désormais placée sous le signe de la suspicion d’un impérialisme
dangereux. Cette différence de perception conduit le monde musulman et l’Europe à unir
leurs voix, phénomène dont la conséquence désastreuse est de renverser les rôles. Les
islamistes sont devenus des victimes de l’impérialisme américain et juif. Les américains, dont
le Président Bush est devenu l’emblème de son côté le plus odieux, et les israéliens sont quant
à eux devenus les bourreaux des temps modernes empêchant les peuples de vivre en paix. Ce
qui explique que l’on scande « Bush-Sharon Assassins ! » dans les rues alors que les actes
terroristes acquièrent le statut d’actions de pauvres gens désespérés n’ayant que ce recours
pour se défendre de la menace impérialiste.
Les Etats-Unis et Israël ont, du point de vue de la perception du conflit, été totalement isolés.
Dans une guerre qui est avant tout une guerre d’idées et de représentations, ces deux acteurs
ont perdu une bataille capitale ce qui a affaibli de façon considérable les résultats de leurs
actions.
Conséquence logique d’une appréciation différente de la menace actuelle, les moyens de lutte
contre l’islam militant sont radicalement différents au sein même de l’Occident.
Chapitre 2 : Des moyens de résistance inappropriés
« Par conséquent, la bataille finale ne sera pas nécessairement entre l’islam et l’Occident
mais entre ceux qui attachent du prix à la liberté et ceux qui n’en attachent aucun », Ibn
Warraq
« Liberté de l’esprit affranchi des dogmes et de la censure ; liberté de l’économie affranchie
de la corruption et de l’incurie ; liberté des femmes affranchies de l’oppression masculine ;
liberté des citoyens affranchis de la tyrannie » Bernard Lewis
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57
Même si l’Occident n’est pas le seul visé par l’islam militant, il reste une de ses cibles
privilégiées et devient un enjeu géopolitique évident. La différence de perception a crée une
division importante entre les Etats-Unis et l’Europe. Malgré les efforts diplomatiques d’un
côté comme de l’autre, il est peu probable que les divisions sur le sujet s’estompent
rapidement. L’islam militant est, bien entendu, le grand gagnant de cette scission. Il s’est
même trouvé un allié de taille puisque la vieille Europe, dans de nombreux domaines a rejoint
l’idéologie islamiste. A tel point que le concept d’Eurabia, développé par l’historienne Bat
Ye’or n’a jamais été autant d’actualité. Peut-on dire pour autant que l’Europe a capitulé ? Par
ailleurs, peut-on affirmer que les moyens employés par les Etats-Unis, et notamment la guerre
en Irak, ont été appropriés pour résister à ce que certains nomment déjà la 4ème guerre
mondiale ?
A/ La capitulation de l’Europe
Lors de commentaires sur la politique européenne, les mots lâcheté et capitulation sont
souvent employés. L’Europe a t-elle réellement déposé les armes face au nouveau
totalitarisme islamiste ?
Malgré toutes les critiques que l’on peut faire à l’Europe, la réponse à cette question est
cependant nuancée. L’on peut d’ores et déjà énoncer que l’Europe utilise des moyens
proportionnels à son appréciation de la menace. L’Europe a effectivement tendance à
considérer l’islam militant comme un simple problème de police. D’où une réponse purement
judiciaire. Il faut d’ailleurs rendre hommage ici aux différentes forces de l’ordre et à certains
magistrats européens qui, grâce à leur travail et à leur détermination, ont pu empêcher de
nombreux attentats en Europe. Grâce à eux, de nombreuses filières ont été démantelées et des
terroristes qui s’apprêtaient à agir ont été mis sous les verrous. Précisons en outre que cette
réponse judiciaire s’attache aussi au financement du terrorisme islamiste. Des relations ont été
mises en évidence entre criminalité organisée et financement du terrorisme, illustrées en
France il y a quelques années par le démantèlement du gang de Roubaix.
Chaque pays européens utilise ses propres ressources et la collaboration entre eux reste
malheureusement encore trop faible. Comme le souligne Jean-Charles Brisard « Une
meilleure coopération permettrait de mieux les cerner [les ramifications d’Al Qaïda]. Alors,
quels changement depuis le 11 mars ? Hormis le mandat d’arrêt européen facilitant
l’extradition, on n’a vu des déclarations d’intention essentiellement. » 129.
Considérant la menace comme purement policière et non comme une menace potentiellement
destructrice de la civilisation occidentale, l’Europe a néanmoins capitulé sur un plan
idéologique et politique.
Sur le plan idéologique, cette capitulation s’est traduite d’abord par le leitmotiv « le
terrorisme n’a rien à voir avec l’islam qui est une religion d’amour, de tolérance et de paix ».
Tous ceux qui ont analysé l’évolution de l’islam, ses possibles relations avec le terrorisme
islamiste ont été, en France notamment, taxés d’islamophobes. L’Europe est tellement
apeurée de vexer le monde musulman, qui pourtant vomit sa haine chaque jour sur l’Occident,
qu’elle souhaite exiger l’utilisation d’un certain vocabulaire. Ainsi, il ne serait plus
« islamiquement correct » de parler de terrorisme islamiste ou pire de terrorisme islamique. A
la place, nous serons bientôt obligés d’employer le terme « terroristes qui invoquent
129
Cité dans l’édition du 11 mars 2005 du quotidien L’Est Républicain.
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58
abusivement l’islam ». Les termes de djihad ou de fondamentalisme devront, eux aussi, être
bannis de notre vocabulaire130. En dehors du fait que ces dispositions liberticides rapprochent
de plus en plus l’Europe d’une société de type totalitaire, elles sont le paradigme de la
pusillanimité qui caractérise notre continent. On comprend dès lors que l’Europe est et restera
toujours considérée comme le ventre mou de l’Occident.
Les éventuels débats sur le sujet étant irrémédiablement évités pour ne pas créer un choc des
cultures et des civilisations tant redouté. Les islamistes ont très bien compris qu’en utilisant
les valeurs de nos sociétés ouvertes, ils pouvaient véhiculer leurs idées, remettre en cause les
fondements de nos sociétés et jouer dans le même temps la carte victimaire faisant appel au
sens de culpabilité de plus en plus développé chez les européens, qui par une sorte de suicide
collectif, nient leur propre civilisation et acceptent de la voir bafouer chaque jour.
Cette capitulation a été facilitée grâce à l’émergence, au sein de ses propres rangs, de courants
anti-occidentaux. Le renouveau du tiers-mondisme, déguisé en anti-mondialisme, en manque
de cause victimaire a généré une nouvelle alliance « rouge-vert » (rouge d’extrême gauche et
vert islamiste) comme ont pu le démontrer les nombreux forums sociaux européens et autres
manifestations anti-mondialistes.
Comme l’a souligné Julien Baudry, pourtant membre de la Gauche Socialiste, « On assiste à
un véritable glissement sémantique. Toute dénonciation de l'islamisme est considérée comme
une forme de racisme. Une amie qui s'est rendue au forum social européen (FSE) de Londres
sous l'étiquette « Sos­racisme » a été insultée et huée car elle a courageusement défendu la
loi contre le port des signes ostensibles à l'école. Au nom de la lutte contre l'impérialisme
américain, quelques militants sombrent dans l'islamo­gauchisme. »131. A la question : « José
Bové qui embrasse Tariq Ramadan, le MRAP qui accuse d'islamophobie pour un oui ou pour
un non, Farbiaz (les Verts) qui salue le Hamas : que vous inspire cette nouvelle orientation
idéologique de la gauche radicale ? », Julien Baudry répond : « Quelques uns sont de bonne
foi, mais ils sont naïfs. Ils ont entendu des islamistes proclamer « Nous sommes pour la laïcité
». Mais personne n'a eu l'idée de leur demander quelle était leur conception de la laïcité.
Pour les islamistes laïcité signifie uniquement : respect de toutes les religions et pratique sans
restriction du culte. Pour moi laïcité signifie séparation des Eglises et de l'Etat et promotion
du « vivre­ensemble ». Des militants ont été victimes d'un double­discours. Et certains
organes de presse ont très largement participé à cette confusion. Je pense notamment au
Monde Diplomatique qui a joué un rôle décisif dans ce fiasco. »
Le 4ème Forum Social Européen qui s’est déroulé à Athènes en mai 2006 a confirmé cette
tendance puisque le thème de l’ « occupation sioniste » et de la « résistance irakienne a été
fort prisé avec la participation des terroristes du Hamas132
Cet axe rouge-vert islamo-marxiste a par ailleurs une envergure internationale comme en
témoigne la position de Ayman Al Zahawiri, numéro deux d’Al-Qaïda qui a exhorté ses
sympathisants à rechercher des alliés parmi tout mouvement opposé aux Etats-Unis, même
athée. Position confirmée par Ilich Ramirez Sanchez, alias Carlos, terroriste vénézuélien
converti à l’islam qui prône une alliance entre tous les anciens marxistes du monde et les
islamistes. Ce dernier a su synthétiser le rationalisme du marxisme-léninisme à la
transcendance de la foi musulmane : « L’islam et le marxisme­léninisme sont les deux écoles
130
« Islamic terrorism’is too emotive a phrase, says EU », http://www.telegraph.co.uk, 12 avril 2006
« Les gauchistes sont des sociaux-traîtres », Julien Baudry, www.surlering.com
132
« Le 4ème Forum Social Européen donne la parole à ses amis du Hamas. Il confirme que l’islamisme politique
s’est sérieusement implanté dans le milieu altermondialiste », www.proche-orient.info, 4 mai 2006.
131
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59
dans lesquelles j’ai puisé le meilleur de mes analyses » écrit-il133. Cette transcendance est
d’autant plus importante qu’il est difficile de lutter contre la foi elle-même. Elle échappe à
toute argumentation, ce qui rend les islamistes si dangereux et si peu enclin à changer. Carlos
le résume très bien : « Or les militants révolutionnaires, d’autant plus forts qu’ils sont armés
de la parole de Dieu, sont moralement irréductibles ». Cette fusion entre extrème-gauche et
islamisme et redoutable car les armes idéologiques qui ont servi pour lutter contre le
totalitarisme communiste ne sont plus adaptées au nouveau totalitarisme. Carlos rappelle, par
ailleurs, un des objectifs des islamistes qui est de conquérir les populations musulmanes, où
qu’elles soient. Et c’est déjà le cas pour certains pays européens. Il cite par exemple la France
qui « du fait même des flux migratoires nés de la colonisation et de la néo colonisation, est
déjà et depuis des décennies dar­al­islam (terre de l’islam) ».
A décharge de l’Europe, cette alliance existe aussi aux Etats-Unis, pourtant en première ligne
de front contre l’islam militant. Cette alliance est parfois même risible comme cela a été le cas
en janvier 2006 lorsque Ben Laden a fait la promotion dans une vidéo du livre de William
Blum, écrivain installé à Washington et proche d’auteurs comme Noam Chomsky, qui s’est
radicalisé et défend aujourd’hui des thèses d’extrême-gauche, antiaméricaines et
antioccidentales en général.
Ainsi, fier d’être une terre d’accueil, l’Europe capitularde, sans s’en apercevoir, devient peu à
peu une base arrière idéologique et logistique de l’islam militant. De plus en plus de français
sont retrouvés morts en Irak, en Arabie Saoudite. L’Allemagne a servi de base lors de la
préparation de l’attentat du marché de Noël à Strasbourg. Les Pays-Bas, pourtant mis en
exemple pour son multiculturalisme, ont connu des violences importantes suite à l’assassinat
de Théo Van Gogh.
La situation de la France a déjà été décrite. L’ouvrage de Stéphane Berthomet et Guillaume
Bigot, « Le jour où la France tremblera, terrorisme islamiste : les vrais risques pour
l’Hexagone », a mis en évidence les ratés d’une politique de l’autruche et les grands risques
que courrait le pays en matière de terrorisme. La France, en continuant dans cette voie,
deviendra d’ici peu un vivier pour les islamistes. Le processus est d’ailleurs déjà en marche
comme le démontre le nombre croissant de français impliqués dans le terrorisme international.
Les musulmans français sont malheureusement les premières victimes de cette propagande
idéologique qui conduit de plus en plus de personnes à écouter des prêches antioccidentaux,
ce sentiment s’enracinant dans nos propres villes. Bien entendu, des sursauts se font sentir, ici
et là, de temps en temps. Les Renseignements Généraux mettent les français en garde. On
médiatise l’expulsion d’un ou deux Imams qui parlaient trop fort. Mais qu’en est-il de ceux
qui parlent doucement ?
Depuis vingt ans, la France n’a pas été capable d’enrayer ce courant en dépit des
avertissements qui ont été donnés. Le terrorisme intellectuel qui sévit dans le pays n’empêche
cependant pas certains auteurs134 de mettre en évidence cette situation. Mais qui les écoute ?
On les accuse immédiatement de cultiver la peur, comme si le fait de ne pas parler du
phénomène allait éradiquer la menace. Il y a visiblement une peur de se mettre à dos la
communauté musulmane. Grave erreur comme le rappelait Jean-Pierre Péroncel-Hugoz,
ancien journaliste du Monde et grand connaisseur du monde arabo-musulman : « Or, refuser
de combattre le fondamentalisme coranique de peur de nuire ou de déplaire à l’Islam,
133
Carlos, « L’islam révolutionnaire », édition du Rocher, 2003.
Voir notamment, Christophe Deloire et Christophe Dubois, « Les islamistes sont déjà là : Enquête sur une
guerre secrète », Albin Michel, 2004.
134
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60
serait une attitude comparable à celle qui consistait à se taire au sujet du nazisme ou du
stalinisme pour ne pas risquer de s’en prendre en même temps au peuple allemand ou au
peuple russe. Dénoncer l’intégrisme islamique, c’est au contraire encourager les
musulmans modernistes à en faire autant, c’est éclairer les musulmans abusés »135.
La capitulation politique de l’Europe est surtout visible par rapport à la politique étrangère. Si
l’on se réfère à la thèse de l’Orientaliste Bat Ye’or, spécialiste des questions sur la
dhimmitude et le djihad, l’Europe a depuis les années 1970 une politique visant une alliance
avec les pays arabes afin de contrer, notamment, les Etats-Unis et se garder des aléas
pétroliers.
En résumé, voici les principaux objectifs de cet axe Euro-arabe :
« Né de l’embargo pétrolier, le Dialogue Euro­Arabe s’établit dès le début comme un marché
: les pays de la CE s’engageaient à soutenir la politique arabe contre Israël, et en échange,
ils bénéficieraient d’accords économiques avec les pays de la Ligue Arabe »
[…] L’éditorial d’Eurabia (publication éditée à la fin des années 70) spécifiait « la nécessité
d’une entente politique entre l’Europe et le monde arabe comme base aux accords
économiques » et l’obligation du côté européen de « comprendre les intérêts politiques autant
qu’économiques du monde arabe. »
[…]Au niveau géostratégique, la Coopération Euro­Arabe fut un instrument politique d’anti­
américanisme en Europe visant à séparer et affaiblir les deux continents par l’incitation à
l’hostilité réciproque et par le dénigrement permanent de la politique américaine au Moyen­
Orient. »136.
Mais cette coopération ne se limite pas à des accords économiques ou politiques, loin s’en
faut. Cet axe Euro-Arabe tend à créer un espace où la civilisation musulmane prendrait
lentement le pas sur la civilisation occidentale ou, tout au moins, à promouvoir la civilisation
musulmane et Arabe en Europe afin de respecter une vision islamique de l’Europe. Cet
objectif avait clairement été établi dans l’éditorial de la publication Eurabia :
« S’ils veulent réellement coopérer avec le monde arabe, les gouvernements européens et les
dirigeants politiques ont l’obligation de s’élever contre le dénigrement des Arabes dans leurs
organes d’information. Ils doivent réaffirmer leur confiance en l’amitié euro­arabe et leur
respect envers la contribution millénaire des Arabes à la civilisation universelle. ».
En outre, l’Association Parlementaire pour la Coopération Euro-Arabe, publia en 1975
certaines résolutions afférentes à cette coopération culturelle. On a ainsi pu lire : « Soulignant
l’apport que les pays européens peuvent encore attendre de la culture arabe, notamment dans
le domaine des valeurs humaines » ou encore que l’Association « demande aux
gouvernements des Neuf d’aborder le secteur culturel du dialogue euro­arabe dans un esprit
constructif et d’accorder une plus grande priorité à la diffusion de la culture arabe en
Europe ».137. Ces objectifs laissent pantois lorsque l’on connaît la teneur des valeurs humaines
véhiculées dans le monde arabe, que ce soit envers les femmes ou les non-musulmans.
135
Jean-Pierre Péroncel-Hugoz, « Le radeau de Mahomet », Flammarion, 1984.
Bat Yé’Or, « Le dialogue Euro-Arabe et la naissance d'Eurabia », Observatoire du monde juif Bulletin N° 4/5
décembre 2002.
137
Bat Yé’Or, « Le dialogue Euro-Arabe et la naissance d'Eurabia », Op.cit.
136
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61
L’Europe tend donc à se transformer lentement mais inexorablement en une entité hybride,
Eurabia. Cette transformation explique notamment que l’opinion générale européenne, et a
fortiori française, est de plus en plus en phase avec le monde musulman comme le prouve la
montée de l’antiaméricanisme et de la haine d’Israël, avec pour corollaire la montée de
l’antisémitisme souvent déguisé en antisionisme.
Si la date de 1970 est retenue par Bat Ye’Or comme commencement de cette dhimmitude
européenne, d’autres historiens estiment que cette « politique arabe » remonte bien plus loin
dans le temps. C’est en tous cas le résultat des recherches de l’historien anglais David PryceJones. Ce dernier, preuves historiques à l’appui, fait ainsi remonter ce désir de créer une
alliance avec le monde arabo-musulman en France à ….la révolution française . Ce désir
s’accompagnant symétriquement d’un antisémitisme structurel. L’exemple le plus repoussant
est l’accueil en France en 1945 du grand mufti de Jérusalem, collaborateur des nazis, le
tristement célèbre Hadj Amin al Husseini. Le Quai d’Orsay avait d’ailleurs légitimé cette
venue en déclarant : « Le mufti a certainement trahi la cause alliée mais il a surtout trahi la
Grande­Bretagne sans nous affecter directement ».138
Cette politique arabe française a par ailleurs été confirmé par Alain Juppé, Ministre des
Affaires étrangères de la France de 1993 à 1995, qui a déclaré en décembre 2005 : “C’est vrai
qu’il y a au Quai d’Orsay une propension à mener une politique plus favorable au monde
arabe. Mais, c’est essentiellement pour des raisons historiques. Dans l’administration
publique, l’Histoire ça compte beaucoup. Au Quai d’Orsay, il y a des fonctionnaires qui sont
là depuis quarante ans. Dans les années 60, 65 et 70, une politique arabe de la France a
peut­être à un certain moment pris un tour un peu négatif, c’est­à­dire contre Israël. J’ai fait
l’expérience moi­même lorsque je dirigeai les Affaires étrangères. Il y a des Services, des
diplomates et des fonctionnaires qui penchent plutôt d’un côté que de l’autre. Mais je tiens à
rappeler que la politique étrangère concoctée par le Quai d’Orsay n’est pas la politique
officielle de la France. Il appartient à un ministre de se faire respecter et de fixer la ligne. La
politique étrangère française ne doit pas être prisonnière d’une poignée de
fonctionnaires”.139. Au travers ce rappel historique de la politique arabe de la France, l’on
comprend mieux les propos du Président Jacques Chirac qui renia, lors des débats sur la
constitution européenne, les racines chrétiennes de l’Europe tout en inventant des racines
musulmanes .
Cette politique se concrétise également à l’échelle européenne avec un soutien aux régimes
dictatoriaux du Proche et Moyen-Orient. Le cas du conflit israélo-palestinien est assez
symptomatique. Si les Etats-Unis sont considérés, à juste tire, comme les alliés indéfectibles
d’Israël, il est évident que l’Europe peut-être considéré comme son pendant pro-palestinien.
Cette orientation n’est pas en elle-même répréhensible, c’est un choix géopolitique. Mais si
l’on se place sur le terrain du terrorisme islamiste, dont le terrorisme palestinien est une
dérive, cette politique est désastreuse. En effet, il faut rappeler que pendant de longues
années, et dans une moindre mesure maintenant, le financement européen concernant les
salaires des enseignants palestiniens et des constructions d’école a servi indirectement, voire
directement au financement de livres scolaires de la même nature que les ouvrages saoudiens
138
David Pryce-Jones, « La diplomatie française, les juifs et les arabes », Commentaires n°112 hiver 2005-2006.
A lire également l’analyse de l’étude de cet historien par M. Guy Millière dans « A propos du Quai d’Orsay, on
peut parler d’antisémitisme historique », Metula News Agency, 25 mai 2005.
139
« Réflexions d’Alain Juppé sur les relations entre Israël et la France », Canadian Jewish News, 12 janvier
2006.
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62
cités précédemment. Des livres où l’on demande aux jeunes palestiniens « Vous savez
probablement quelle grande récompense Dieu a préparée pour les Musulmans qui combattent
les infidèles », « Pourquoi devons nous combattre les Juifs et les chasser de notre terre ? ».
Des livres où l’on glorifie le concept de martyrs, où les juifs sont présentés comme des
ennemis de Dieu et où « les combattants Jihad martyrs, sont les plus honorées, après les
prophètes »140. Bien que ces exemples ne puissent être considérés comme une généralité dans
l’enseignement palestinien, il ne fait aucun doute que ce dernier est dangereux eu égard à la
situation actuelle au Proche-Orient. Il a fallu l’intervention de plusieurs organisations
internationales et de très longues tergiversations pour que l’Union européenne demande une
réforme de ces livres d’enseignement. On peut alors se demander, face à cette politique quel
est le message transmis aux islamistes et au djihadistes ?
De la même façon, on peut légitimement s’interroger sur le message adressé par cette Europe
quand, d’un concert unique de voix, elle estime « inacceptable et injustifié » l’assassinat du
Cheikh Yassine, instigateur moral de l’attentat contre un bus en 2002 ayant coûté la vie à de
nombreux adolescents israéliens. Mais que cette même Europe ne montre pas autant
d’indignation lorsque des civils innocents sont tués en Israël.
Lorsque les espagnols ont sanctionné le gouvernement d’Aznar après les attentats du 11 mars
2004, la question de savoir si l’Europe n’a pas alors été perçu comme le ventre mou de
l’Occident qui s’incline face au terrorisme islamiste n’est pas dénué d’intérêt.
De la même manière, lorsque l’on sait que l’Union européenne refuse toujours, sous la
pression de la France, d’inscrire le Hezbollah, pourtant auteurs de nombreux enlèvements et
assassinats d’occidentaux, y compris français, comme organisation terroriste, il est difficile de
ne pas discerner les contradictions de cette politique étrangère.
La France est particulièrement à l’honneur avec cette politique. La lutte contre l’islam militant
et ses dérives judéophobes s’accordent ainsi mal avec certaines actions du Président Chirac
qui a par exemple refusé, avec le président grec, d'inclure fin 2003 une condamnation des
propos antisémites141 du premier ministre malais Mahathir dans les conclusions du Conseil de
l'Union européenne, Les remerciements du même Mahathir envers le Président Chirac pour sa
« compréhension » laissent pantois.
Il est difficile également d’accepter que ce dernier ait été le seul chef d’Etat occidental à avoir
assisté aux obsèques du président syrien Hafez al-Assad, soutenant ainsi un pays qui est une
des sources principales de la haine anti-occidentale et anti-juive du Proche-Orient
Que dire quand la France accueille avec autant de solennité et de ferveur Yasser Arafat,
responsable de nombreux attentats, et qui s’est révélé être, a posteriori, un des freins les plus
importants au règlement du conflit israélo-palestinien ?142 Ou bien lorsque le Ministre
140
Cités dans « Les manuels scolaires palestiniens, une génération sacrifiée », Yohanan Manor, Berg
International Editeurs.
141
Les propos du Ministre étaient les suivants : "Les Européens ont tué six millions de juifs sur douze. Mais
aujourd'hui les juifs dirigent le monde par procuration. Ils obtiennent que les autres se battent et meurent pour
eux". "Un milliard trois cents millions de musulmans ne peuvent pas être défaits par quelques millions de juifs".
142
Rappelons qu’il ne s’agissait pas d’un premier coup d’essai puisque la France accueillit en 1992, avec la
bénédiction de Georgina Dufoix, alors Directrice de la Croix-Rouge française, le terroriste George Habache,
dirigeant du Front populaire de libération de la Palestine dans les années 60, dans un hôpital parisien et le
relâchât au grand dam du juge Bruguière.
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63
Dominique De Villepin reçoit fastueusement en février 2004 Hassan Al-Tourabi, islamiste
prêchant l’idéologie des Frères musulmans et proche de Ben Laden ?
Promouvant un dialogue des cultures, préférant avoir une politique de capitulation pour éviter
un « choc des civilisations », acceptant tous les compromis pour arriver à ces fins, l’on est en
droit de s’interroger sur le réel impact de ces différentes actions au regard de la lutte contre
l’islam militant.
Le paradigme de cette orientation politique a eu lieu lors de la prise des otages français en
Irak en 2004 où la France a reçu le soutien de toutes les dictatures du Moyen-Orient ainsi que
des mouvements islamistes comme le Hezbollah, le Hamas ou les frères musulmans. L’affaire
des caricatures danoises en janvier 2006 a également montré une Europe qui s’est excusée
platement, qui a renié ses principes acquis durement pour calmer les esprits fanatiques
adoptant une nouvelle fois une position munichoise.
Deux sondages, réalisés par l’institut Zogby International, pour le compte de la chaire Anwar
Sadate pour la paix et le développement de l'université du Maryland ainsi que pour l'Institut
arabo-américain, nous ont appris qu’à la question : quelle est la personnalité (world leader)
que vous admirez le plus en dehors de votre pays (les pays interrogés étaient la Jordanie, le
Liban, le Maroc, les Emirats Arabes Unis, l’Arabie Saoudite), les sondés ont souvent placé le
Président Chirac en tête aux côtés de Ben Laden, Nasser ou encore Saddam Hussein143.
Ainsi, malgré l’engagement de la France en Afghanistan, malgré les déclarations officielles
de lutte contre le terrorisme, malgré le démantèlement de réseau terroriste, on peut se
demander comment les islamistes interprètent la politique « arabe » de la France et celle de
l’Europe.
Peut-être en considérant que l’Europe et plus particulièrement la France sont le ventre mou de
l’Occident, qu’en jouant sur les valeurs démocratiques de nos sociétés, sur notre haine de
nous même, sur notre sens aigue de la culpabilité, sur notre tolérance et notre relativisme, il ne
sera peut-être pas nécessaire d’utiliser des bombes pour atteindre les objectifs prévus par les
tenants de l’islam militant.
Au regard de cette capitulation idéologique et politique, il n y a donc rien d’étonnant
d’apprendre que des jeunes français se sont transformés en terroristes luttant contre
« l’Occident, les juifs et les croisés ». Visiblement donc, les moyens utilisés par l’Europe pour
lutter contre l’islam militant ne sont pas les bons ou en tous cas restent incomplets.
L’islam militant ne doit pas être considéré comme un simple problème de police. Tant que
l’Europe ne l’aura pas compris, la situation se dégradera inexorablement. A moins que cette
position laxiste, cette compromission ne soit un calcul géopolitique, les prémices d’une
dhimmitude pleinement acceptée. Dans ce cas, il n y a rien à espérer.
B/ Le projet américain : la démocratisation du Grand­Moyen­Orient
Le Proche et le Moyen-Orient ont depuis longtemps été un enjeu géopolitique très important,
non seulement à cause des ressources énergétiques mais encore car ces régions sont
caractérisées depuis fort longtemps par une instabilité politique chronique. C’est pourquoi les
143
« Deux passionnants sondages réalisés par l'institut américain Zogby, proche-orient.info, 29 juillet 2004.
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64
Etats-Unis les considèrent comme une centre névralgique et que l’Union européenne tente de
rattraper son retard en s’y implantant petit à petit.
Les Etats-Unis, qui suivaient jusqu’à présent une politique attentiste et réaliste à l’instar de
l’Union Européenne, ont désormais une politique interventionniste de type wilsonienne mais
cependant teintée d’un pragmatisme évident.
L’idée principale est qu’en exportant la liberté à travers le modèle politique de la démocratie,
l’islam militant s’effondrera comme l’idéologie communiste en son temps. Pour ce faire, les
Etats-Unis n’ont pas hésité à utiliser la force militaire au grand malheur des pacifistes dont la
dérive utopiste a flirté avec les extrêmes et l’antisémitisme déguisé en antisionisme144 .
Cette politique repose sur la certitude que le mythe selon lequel les musulmans ne seraient pas
adaptés à la démocratie n’a pas lieu d’être. L’objectif serait donc de régler le conflit israélopalestinien, créer un Irak stable et moderniser le secteur économique des pays de cette région.
William Burns, secrétaire d’Etat adjoint aux affaires du Proche-Orient énonçait en 2003 trois
éléments essentiels de cette politique145 :
!
!
!
parvenir à ce que les Etats arabes permettent aux institutions de la société civile, c’està-dire média indépendant, associations civiques et associations féminines, entre autres,
de jouer leur rôle,
parvenir à ce que les Etats arabes réduisent notamment la corruption et le népotisme
dans leur administration en mettant en place un Etat de droit et une justice
indépendante,
parvenir à ce que les Etats arabes aient des élections plus honnêtes et représentatives.
A ceux qui pensent que cette région ne pourrait envisager la démocratie, Lorne Craner
répond : « Il n y a pas lieu de faire une exception pour le Moyen­Orient. Nombre de
personnes doutaient autrefois que la démocratie puisse s’implanter en Amérique latine ou en
Asie de l’Est, et maintenant ces deux parties du monde comptent un grand nombre de régimes
démocratiques. Les sceptiques ont tort en qui concerne le monde musulman, comme ils ont eu
tort auparavant ».
La politique étrangère des Etats-Unis a subi une grande mutation depuis l’arrivée au pouvoir
de George Walker Bush146 et, contrairement aux fantasmes de certains y voyant la volonté de
créer un empire, le but de cette politique est la lutte contre la tyrannie et la promotion de la
démocratie et de la liberté. Comme le souligne le Professeur Yves Roucaute147, « l’horreur
existe, nous la rencontrons ; tel est le fait. Derrière l’horreur, le c!ur ressent la réalité du
Mal ; voilà le sentiment qui dit le vrai. Contre le mal, le temps est venu de la moralité armée ;
144
Pour une étude complète de cette dérive, se reporter au remarquable ouvrage de Pierre-André Taguieff,
« Prêcheur de haine », op.cit. Ouvrons une parenthèse : le fait d’avoir invoqué l’illégalité de l’intervention en
Irak, d’avoir dénoncé les effets de la guerre et, en une sorte de constriction chrétienne, tendu la joue gauche en
espérant que les djihadistes seraient touchés par la grâce et la beauté de nos gestes, est tout à fait symptomatique
d’un ethnocentrisme alarmant. Ce que ces pacifistes n’ont visiblement pas compris, c’est que leurs actions sont
perçues comme une preuve de faiblesse. Les islamistes se gaussent de nos volontés de dialogue des civilisations
et l’assimilent plutôt aux prémices d’une dhimmitude.
145
William Burns et Lorne Craner, Bulletin de Washington 19 mai 2003.
146
Pour une vision exhaustive de cette politique, se reporter à l’ouvrage de Guy Millière, « Ce que veut Bush, La
recomposition du monde », Editions de La Martinière, 2003.
147
Yves Roucaute, « La puissance de la liberté », Puf, 2005.
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65
telle est la destinée manifeste des Etats­Unis. Le sens du nouvel ordre international. De
l’esprit du monde. De la puissance de la liberté. ».
Le Président Bush et les néoconservateurs ont trouvé un certain équilibre entre réalisme et
politique Wilsonienne en introduisant une plus grande éthique dans les processus politiques.
Pour reprendre l’expression de Nathan Sharansky148, ils ont réintroduit le concept de « clarté
morale ». Cette « clarté morale » qui permet de comprendre :
- Pourquoi les actes humiliants de certains GI américains envers des prisonniers irakiens à
Abou Ghraib ne sont pas équivalents aux séances d’égorgements pratiquées contre des
innocents par les fous d’Allah ;
- Pourquoi l’assassinat ciblé par Israël d’un terroriste tueur d’enfants n’est pas équivalent à
l’acte volontaire d’un monstre se faisant sauter au milieu d’une foule afin de faire les plus de
victimes civiles possibles ;
- Que les droits de l’Homme en Occident ne sont pas équivalents aux droits de l’Homme dans
le monde musulman, que l’Occident, de ce point de vue là, n’a aucune leçon à recevoir et n’a
rien à apprendre non plus des égorgeurs d’infidèles ;
- Pourquoi les relatives restrictions aux libertés individuelles dues aux politiques
antiterroristes ne sont pas équivalentes à l’oppression des peuples dans la majorité du monde
musulman ;
- Que jamais rien ne justifiera le massacre d’innocents par des fanatiques religieux, qu’il n y
aura jamais d’équivalence morale entre l’interrogatoire musclé d’un terroriste et la
décapitation de Daniel Pearl, l’égorgement de Nick Berg ou d’Eugene Armstrong, l’assassinat
bestial de Théo Van Gogh ou les tortures infligées au jeune Ilan Halimi ;
- Que du côté occidental les brebis galeuses sont condamnés alors que du côté de la barbarie
islamiste, où l’on n’hésite pas à tuer des femmes et des enfants au nom d’Allah, où la dignité
humaine n’a aucun sens, les barbares sont, au mieux considérés comme des combattants
d’Allah gagnant le paradis pour avoir massacré des infidèles, au pire comme des résistants à
l’oppression occidentale ;
- Qu’il y a quelque chose de malsain d’encenser un multilatéralisme basé sur des
organisations internationales regroupant des pays dictatoriaux, des pays qui soutiennent le
terrorisme international, qui bafouent les droits de l’homme et qui oeuvrent à la destruction de
l’Occident.
Cette « clarté morale » que ne connaissent plus ces européens et surtout ces français empreints
d’un relativisme destructeur et qui estiment, dans leur grande majorité, que la situation
actuelle se justifie par nos actions passées, par une culpabilité inhérente à l’Occident. Ces
européens désormais en situation de dhimmitude avancée, qui sont nourris aux mamelles
nourricières antiaméricaine et anti-israélienne d’Eurabia149.
148
Nathan Sharansky est l’un des plus célèbres dissidents russes. Il est l’auteur de l’ouvrage « Défense de la
démocratie » dans lequel il décrit les mécanismes du totalitarisme, qu’il connaît bien, et la façon de le combattre,
notamment par la promotion de la démocratie et un retour à cette clarté morale qui a fait tellement défaut à
l’Occident jusqu’à présent.
149
Que l’on se rappelle des écrits du philosophe français Jean Baudrillard, suite aux attentats du 11 septembre :
« Que nous ayons rêvé de cet événement, que tout le monde sans exception en ait rêvé, parce que nul ne peut ne
pas rêver de la destruction de n'importe quelle puissance devenue à ce point hégémonique, cela est inacceptable
pour la conscience morale occidentale, mais c'est pourtant un fait, et qui se mesure justement à la violence
pathétique de tous les discours qui veulent l'effacer. A la limite, c'est eux qui l'ont fait, mais c'est nous qui l'avons
voulu ».
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66
Ce défaut de « clarté morale » qui empêche la vielle Europe d’avoir une vision globale de
l’islam militant et qui l’entraîne dans une déchéance politique, économique et culturelle
inquiétante.
La réintroduction de cette éthique a eu pour conséquence la redéfinition du rôle des EtatsUnis sur la scène internationale. Ce que certains prennent pour de l’unilatéralisme n’est rien
d’autre que la mise en pratique d’un fait incontestable : l’hégémonie des Etats-Unis. En effet,
qui serait à même d’engager une telle lutte contre le nouveau totalitarisme qui s’installe
devant nos portes ? L’Europe, malgré ses belles paroles n’a ni les moyens financiers, ni les
moyens militaires, ni les moyens diplomatiques pour imposer quoi que ce soit comme en
témoigne la tournure ridicule qu’ont prise les négociations entre l’Iran et l’Europe sur la
question du nucléaire.
Cet interventionnisme est évidemment synonyme de changements et de tensions, phénomènes
hais par tous les tenants des politiques réalistes qui désirent la stabilité aux prix de sacrifices
éthiques importants. C’est un fait, de grands bouleversements sont à l’!uvre et leur issue reste
encore incertaine. Les Etats-Unis ont vu leur popularité chuter et l’on considère généralement
que le Président Bush et la politique étrangère des Etats-Unis sont la cause du désordre
international actuel. Si l’on peut, certes, critiquer le Président Bush pour certaines de ces
actions, on aurait tort de condamner de facto cette politique interventionniste sans s’interroger
au préalable sur les résultats des politiques antérieures. Il est de bon ton, dans les médias bienpensants européen, d’accuser le Président Bush, en insistant sur le fait que la politique
américaine est un échec alors que la notre, celle du dialogue voire de la soumission, est la
bonne. Mais, dans ce cas, une question logique vient à l’esprit : si cette politique est la bonne,
si elle permet de nous préserver contre l’islam militant, pourquoi donc l’Espagne a-t-elle été
la cible d’un attentat (rappelons que l’attentat du 11 mars avait été organisé avant le
déclenchement de la guerre en Irak) ? Pourquoi la France, qui avec son arrogance habituelle
clame que sa politique est bien mieux adaptée, est-elle la cible de terroristes. Les différents
attentats déjoués dans notre pays, la montée d’un communautarisme musulman qui parfois
frôle la radicalisation et la montée d’un antisémitisme virulent sont au contraire la preuve que
les discours poétiques de notre pays ne sont en rien une bonne politique pour contrer l’islam
militant.
En réalité, c’est la mise en place et la promotion d’une politique réaliste a été la plus grande
erreur de l’Occident. Les sociétés libres ont préféré transiger avec les régimes les plus
autoritaires afin de stabiliser les relations politico-économiques sans se soucier une seule
seconde des souffrances que pouvaient endurer les peuples. Ces politiques qui tendaient à
trouver le dictateur « modéré » ont contribué à la création d’une illusion de stabilité. Cette
dernière, encouragée encore de nos jours par de nombreux analystes, a berné l’Occident qui
s’est réveillé brutalement un 11 septembre. On pourrait citer par exemple Zbigniew
Brzezinski, conseiller national de sécurité du Président Carter et fervent défenseur de la
politique réaliste des Etats-Unis. A la question d’un journaliste « Le fondamentalisme
islamique représente aujourd’hui une menace mondiale… », il répondit « Sottises ». Oui,
l’Occident a été berné, oui ces adeptes de la realpolitik n’ont pas eu la clairvoyance nécessaire
pour comprendre que leur politique était voué à l’échec.
Cette illusion de stabilité, cette lâcheté concrétisée par le droit de non-ingérence a conduit
l’Occident, pourtant porteur de l’idée des droits de l’Homme, a fermé les yeux sur les
massacres en Tchétchénie, au Soudan, au Rwanda, notamment. Cet Occident qui a accepté de
traiter avec des pays qui pratiquent encore l’esclavage, la lapidation, qui torturent leurs
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67
dissidents, a contribué à l’oppression des peuples gardés dans l’ignorance et la peur, au grand
bonheur des islamistes.
L’Occident, par cette politique a permis, certes, d’avoir des relations modérées avec des
régimes oppresseurs mais nos sociétés libres n’ont pas compris que ces régimes éduquaient
leur peuple à la haine, cette même haine qui se répand aujourd’hui à grande vitesse. De
manière imagée, l’on peut dire, que nous avons posé un couvercle sur une marmite d’huile
bouillante en essayant de baisser le feu de temps à autre. Maintenant que le couvercle nous a
sauté à la figure et que l’huile bouillante se déverse sur nos contrées, il serait peut-être temps
de se rendre compte que cette politique a été un véritable échec.
Posons-nous la question : cette realpolitik, si chère à l’Europe, a t elle empêché la montée de
l’islamisme et du djihadisme? A-t-elle rendue les peuples du Moyen-Orient plus libre ? La
France et l’Europe si prompts à parler des droits de l’Homme se sont-ils intéressés au sort des
kurdes gazés par Saddam Hussein, aux femmes afghanes sous contrôle des « barbus » et
continuellement opprimées ? Non, évidemment. La politique en vigueur était de fermer les
yeux afin d’éviter l’affrontement ou toute friction avec les régimes en place. Le dialogue et le
pacifisme ont-ils évité à l’Europe les attaques des islamistes ? Faut-il seulement poser la
question ? Comme le rappelle François Heisbourg : « Enfin, la focalisation sur les Etats­
Unis à ce stade n’est pas d’avantage une façon de dédouaner par prétérition la politique
européenne au Moyen­Orient : celle­ci n’a pas été plus glorieuse que celle de
Washington au fil des décennies, et son évolution récente est à certains égards aussi
inquiétante que la politique américaine dans la période la plus récente »150.
A titre de parenthèse, il est étonnant de constater comment le droit international est devenu
rapidement si populaire lors de la seconde guerre en Irak, alors qu’il n’en était pas question
quand les Etats-Unis ont usé, sans validation de l’ONU, de la force militaire au Kosovo. Tout
aussi étonnant est l’adulation de l’ONU, institution qui a mis en 2003 la Libye à la tête de la
Commission des droits de l’Homme, institution à l’origine de la scandaleuse conférence de
Durban en 2001151. Institution qui a montré son incapacité chronique à résoudre les conflits,
qui avait connaissance du futur génocide des Tutsis au Rwanda mais qui a laissé la situation
se dégrader lentement. Institution qui, par l’intermédiaire de l’UNRWA, emploie des
membres du Hamas, qui a permis à Saddam Hussein d’affamer son peuple tout en permettant
à d’autres pays, dont la France, de s’enrichir en contournant honteusement le programme
« pétrole contre nourriture »152. Institution qui a vu ses militaires violer des femmes en
Afrique sous couvert de mission de sécurité153. Certains auteurs154 s’interrogent d’ailleurs sur
l’avenir même des casques bleus : « Casques bleus tirant sur des civils en Somalie. Forces
150
François Heisbourg, « La fin de l’Occident », Odile Jacob, 2005.
Conférence qui avait pour objet initial le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et les autres formes
d’intolérance dans le monde et qui s’est transformée en tribune des pays arabo-musulmans vomissant leur haine
des juifs et d’Israël. Pour plus de détails sur les dysfonctionnements honteux de l’ONU, se reporter à l’ouvrage
de Jean-Claude Buhrer et Claude B. Levenson, « L’ONU contre les Droits de l’homme », édition Mille et une
nuits, 2003. Cette situation catastrophique de la commission des droits de l’Homme s’est confirmée en 2006 par
sa suppression et son remplacement par un conseil des droits de l’Homme qui devrait cependant connaître le
même destin.
152
Le scandale du détournement de ce programme et l’implication de la famille Annan ne semble pas déranger
nos bien-pensants, préférant sans doute s’en tenir à la version première selon laquelle ce sont les Etats-Unis qui
ont affamé le peuple irakien.
153
De façon étonnante, ces « affaires » n’ont pas eu beaucoup d’échos médiatiques, à l’inverse des actions,
humiliantes et condamnables, de certains militaires américains dans la prison d’Abou Ghraïb qui sont pourtant
moins graves (encore que le relativisme permettrait de contredire cette dernière affirmation).
154
Phillipe Chapleau, « Privatiser la paix ? », Politique Internationale n° 103.
151
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68
américaines suréquipées et unités spéciales impuissantes à imposer la paix à des milices
locales à Mogadiscio. Frustrations et humiliations des soldats des l’ONU en ex­Yougoslavie,
envoyés dans les Balkans en combattants de la paix et finissant, telle la chèvre attachée au
piquet, par compter les coups pour, finalement en recevoir. Inadaptation du mandat de
l’ONU au Rwanda, où les représentants des Nations unies assistent passivement aux
violences préfigurant le génocide sans pouvoir intervenir. […] Nombreux sont les Etats qui se
contentent de verser aux membres de leur contingent leur maigre rétribution habituelle, au
risque de devoir fermer les yeux sur les trafics (marché noir, proxénétisme) auxquels ces
casques bleus de fortune se livrent pour survivre ou s’enrichir ».
Les pacifistes ou les intellectuels bien-pensants ont-ils eu accès à ces informations quand ils
ont brandi l’arme onusienne lors de l’intervention en Irak ? L’ONU, qui comprend nombre de
pays qui soutiennent le terrorisme plus ou moins directement, est-elle bien cette institution
stable et indispensable à la gestion des relations internationales comme le soulignent les
adeptes du multilatéralisme, de ce fameux monde multipolaire, alternative au pseudo
impérialisme américain ? Quand ces bonnes âmes comprendront-elles que le monde
multipolaire est non seulement utopique à l’heure actuelle mais dangereux pour la sécurité du
monde ? Quand comprendront-elles que ce monde multipolaire ne pourra fonctionner qu’à la
condition que la liberté, qu’elle soit politique, économique ou intellectuelle, devienne une
règle parmi tous les acteurs de ce monde ? Que dans l’attente, il convient peut-être de faire
confiance en une certaine unilatéralité lorsqu’elle tend justement à développer cette liberté
dans le monde. Cette compréhension est urgente.
La critique de cette politique réaliste ou onusienne concerne également la politique
américaine antérieure. Du Président Clinton qui a fermé les yeux sur de nombreux massacres
au nom du multilatéralisme et de son obsession onusienne à Bush père qui a utilisé les kurdes
d’Irak pour affaiblir le tyran mais qui les a laissés se faire massacrer au nom du réalisme
politique, par peur de déstabiliser la région.
La lutte contre l’islam militant passera par cette politique interventionniste. Cela engendrera
des bouleversements dans la région du Proche et du Moyen-Orient. Certes. Mais faudra t-il
refuser ce changement au nom d’un statu quo qui a prouvé son inefficacité depuis le 11
septembre ? Cette région n’a pas besoin de stabilité mais de changement.
Au c!ur de l’actualité internationale, l’intervention en Irak a été la démonstration de cette
nouvelle politique.
a) L’Irak un futur modèle pour la région ?
Comme nous l’avons expliqué au premier chapitre, l’Irak ne représentait pas le foyer le plus
important de l’islam militant ou du terrorisme islamiste. Pourquoi alors intervenir en Irak ?
Nous éliminerons d’emblée certaines raisons telle que la seule philanthropie des Etats-Unis à
l’égard du peuple irakien. Nous éliminerons également les raisons avancées par nos
antiaméricains habituels, telles qu’une nouvelle croisade chrétienne contre l’Islam, une guerre
pour des raisons purement mercantilistes et pétrolières (bien que le pétrole soit un enjeu, mais
plus géostratégique) ou encore un guerre pour dominer le monde. Ces raisons relèvent plus de
discussions de comptoir que d’analyses sérieuses.
On éliminera également une des raisons officielles (bien que nos médias n’aient insisté que
sur celle-ci) qui est l’existence d’Armes de Destruction Massives (ADM) en Irak. Comme
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69
précédemment indiqué, la question de savoir si ces ADM n’ont pas été transportées en Syrie
n’est toujours pas tranchée. Rappelons en effet que dans un entretien accordé au Sunday
Telegraph, David Kay, expert chargé par la CIA de trouver ces armes, qui a prononcé son
fameux « Nous avions tort sur la question des ADM irakiennes » devant le sénat américain,
avait pourtant déclaré : « Une partie du programme secret d’armes de destruction massive de
Saddam Hussein a été cachée en Syrie […] J’ai trouvé des preuves démontrant que du
matériel a été transféré en Syrie peu de temps avant le début de la guerre en Irak, en mars
2003 »155. Etonnant lorsque l’on sait qu’en France, Kay est connu seulement comme l’homme
qui a prouvé que les ADM de Saddam n’existaient pas…Mais saura t-on un jour la vérité sur
ces fameuses armes ? Quoi qu’il en soit, l’argument des ADM a toutefois permis à
l’administration Bush d’avoir l’accord du congrès. Il n’est pas certain qu’un autre motif,
notamment l’apport de la démocratie en Irak, ait été suffisant s’il avait été employé seul.
Loin de la propagande médiatique sur la guerre en Irak, il convient de rappeler que
l’administration Bush avait donné dès le départ les raisons principales à cette intervention
contrairement à ce que tentent de faire de croire les opposants à la guerre. En effet, Richard
Perle, un des « faucons » de la maison blanche dans une interview donnée durant l’été 2002 à
la revue Politique Internationale, avait clairement expliqué que l’Irak était un facteur de
déstabilisation de la région et que le renversement du régime permettrait de construire un
nouveau Moyen-Orient plus démocratique et plus stable et surtout plus sûr pour les EtatsUnis156. Raisons qui ont également été reprises dans l’ouvrage « Notre route commence à
Bagdad » de William Kristol et Lawrence F. Kaplan.
Richard Clarke lui-même, auteur d’un ouvrage sur les ratés de la lutte anti-terroriste des EtatsUnis et qui peut donc difficilement être accusé d’être un partisan du Président Bush, a donné
les raisons les plus probables de cette intervention157 :
!
!
!
!
!
en finir avec le désordre laissé par la première administration Bush quand, en 1991,
elle avait permis à Saddam Hussein de consolider son pouvoir et de massacrer ceux
qui s’opposaient à lui au lendemain de la première guerre Etats-Unis-Irak,
renforcer la position stratégique d’Israël en éliminant une puissance militaire hostile,
créer une démocratie qui puisse servir de modèle aux autres pays arabes et alliés
menacés de l’intérieur, notamment l’Egypte et l’Arabie Saoudite,
permettre le retrait des forces américaines stationnées (depuis 12 ans) en Arabie
Saoudite pour contrer la puissance militaire de l’Irak, et dont la présence créait une
tension dangereuse pour le régime en place,
ouvrir dans le pays ami restauré une source d’approvisionnement en pétrole et réduire
du même coup la dépendance des Etats-Unis à l’égard de l’Arabie Saoudite, qui
risquait elle-même de connaître un jour un renversement de régime.
Voici donc exposé l’horrible programme des néoconservateurs américains : mettre un frein à
la tension croissante de la région due en partie à l’Irak saddamite en instaurant une démocratie
susceptible de devenir un modèle pour le monde arabo-musulman et ainsi contrer les
dictatures du Moyen-Orient qui oppressent leurs peuples. Prendre les devants en matière de
ressources pétrolières afin d’éviter la dépendance vis-à-vis de l’Arabie Saoudite et limiter les
attaques sur Israël, seule démocratie de la région. On peut évidemment mettre en doute les
155
Cité dans « La paix impossible ? », op.cit.
Richard Perle, Politique Internationale n° 95.
157
Richard Clarke, op.cit.
156
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70
réalisations pratiques de ce projet mais les motifs de l’administration Bush sont à des années
lumières des projets que les européens lui ont prêtés (guerre de religion, guerre purement
mercantiliste pour le pétrole, projet de domination mondiale etc…).
Ainsi, les raisons de l’intervention en Irak sont loin des fantasmes français et européens qui ne
retiendront que le « mensonge » des ADM. Mais comme le souligne Antoine Vitkine
158
« […]Si dans vingt ans des irakiens pensent qu’ils doivent d’avoir été libérés de
Saddam Hussein à ces mensonges, peut­être la seconde option s’imposera t­elle dans les
mémoires […] »
Trois ans après le début de la seconde guerre en Irak, peut-on tirer d’ores et déjà un premier
bilan ?
Rappelons que les européens, français en tête, avaient prédit au début de l’intervention
américaine, le soulèvement du monde arabo-musulman, l’embrasement de l’islam, des
millions de morts et de réfugiés et un nouveau Vietnam pour les Etats-Unis. Ils avaient assuré
que les élections en Irak n’auraient jamais lieu, la démocratie ne s’exporte pas par la force,
clamait-on. A l’heure actuelle, rien de tout cela ne s’est produit. En revanche, on a vu des
femmes irakiennes levées les doigts en « V » après avoir voté bravant les menaces des
terroristes, honteusement qualifiés de « résistants » par les européens. Une fois encore leur
clairvoyance a été magistrale…
Eloignons nous de ces prophéties et revenons à la réalité : l’Institut International d’Etudes
Stratégiques (IISS) a affirmé dans son rapport 2005159, publié le 24 mai 2005, que « même si
la politique du président américain George W. Bush a été téméraire, controversée et parfois
porteuse de divisions, son programme mondial agressif de promotion de la liberté et de la
démocratie est apparue d’une efficacité croissante ». L’IISS a également souligné les signes
positifs dans l’ensemble de la région et vu une menace terroriste plus dispersée. L’institut a en
effet indiqué que la politique des Etats-Unis en Irak avait provoqué, par ricochet, une
évolution positive notamment sur la situation au Liban. Il est évident que l’effet boule de
neige qu’entraînerait la démocratisation de l’Irak serait un signe prometteur pour les
différentes populations opprimées soit par des régimes autoritaires, soit par l’islamisme
notamment en Iran où un courant anti-islamiste est bien présent.
Cet « effet ricochet » peut d’ores et déjà s’évaluer : La Freedom House, organisation
indépendante créée en 1947, a publié début 2006 son rapport sur l’état de la liberté et de la
démocratie dans le monde160. Si l’on se penche sur la situation du monde musulman, on peut
affirmer que la liberté a progressé : Si durant la période 1995-1996, le monde musulman
comprenait 32 Etats non-libres (70% de l’ensemble), 13 partiellement libres (28% de
l’ensemble) et 1 libre (2% de l’ensemble), il en compte aujourd’hui réciproquement 23 (50%),
20 (43%) et 3 (7%).
Bien évidemment cet « effet ricochet » a été nié par la majorité des analystes français qui
considèrent que les évolutions actuelles de la région n’ont à voir avec la politique américaine.
La peur du ridicule ne tue heureusement pas. Référons nous plutôt à l’avis de Walid Jumblatt,
un des chefs de l’opposition libanaise, qui, il y a quelques années, déclarait « Nous sommes
heureux quand un soldat américain meurt » ou « quand un Juif, soldat ou civil, tombe, c’est
158
Antoine Vitkine, op.cit.
Cité dans « Irak : pour l’IISS, ça s’améliore », le nouvel observateur, 24 mai 2005.
160
Ce rapport peut être téléchargé à cette adresse : http://www.freedomhouse.org/uploads/pdf/Charts2006.pdf
159
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71
un succès ». Malgré sa haine des américains, il n’a pu que confirmer l’évolution qui est en
route dans cette région. Emu par les irakiens qui sont allés voter en janvier 2005, il a déclaré
que ce changement avait bien été initié par la guerre en Irak et que cet évènement représentait
le début d’un nouveau monde arabe.
Il est assez incroyable de constater que le rapport établi par l’IISS est en totale contradiction
avec la situation de chaos décrite par les médias et analystes français. Rien d’étonnant à cela,
les médias français ayant conduit depuis le début de l’intervention une campagne de
désinformation sur la situation de cette région. Rappelons à ce titre qu’Alain Hertoghe, un des
rares journalistes qui a osé dévoiler cette manipulation de l’information dans son ouvrage
« La guerre à outrances : Comment la presse nous a désinformés sur l'Irak », a été remercié
par le quotidien qui l’employait suite à la publication de cet ouvrage.
C’est pourquoi la publication de ce rapport annuel a été bien peu médiatisée contrairement au
précédent qui avait précisé que la guerre en Irak avait permis un second souffle pour Al-Qaïda
et qui avait été repris par tous les médias français pour justifier la position des officiels
français. Il y a donc de fortes chances que les français continuent de croire au chaos présenté
par nos médias et s’éloignent de plus en plus de la réalité.
Rappelons maintenant quelques faits concernant la situation en Irak :
La croissance économique a repris son envol après l’intervention des Etats-Unis et alliés. En
2005, le PIB du pays est de l’ordre de 29,3 milliards de dollars alors qu’il n’était que de 18,4
en 2002.
La liberté d’expression s’est aussi fortement accrue : depuis l’intervention de la coalition, près
de 30 stations de télévision ont été créées, 80 stations de radio, 170 titres de presse, 147.000
irakiens sont abonnés à Internet contre 4.500 sous Saddam Hussein, 4,5 millions d’abonnés au
téléphone contre 83.000 sous Saddam Hussein161.
Les élections de janvier et décembre 2005 ont permis au pays de se doter d’institutions
politiques démocratiques. Les irakiens ont bravé les terroristes pour se doter d’une
constitution. En peu de temps, les irakiens sont passés d’une dictature à un régime
démocratique.
Etonnant pour un pays où règne le chaos, n’est-ce pas ?
Ceux qui seraient encore sous le charme de la désinformation des medias européens et en
particulier français peuvent méditer les déclarations de Hoshyar Zebari, Ministre irakien des
Affaires étrangères, sans doute le mieux placé pour savoir comment l’Irak se porte : « Nous
souffrons beaucoup de cette partialité des médias européens et arabes. Ils créent une image
erronée et négative de l’Irak. A les croire, le pays brûle et rien ne fonctionne. C’est tout
simplement le reflet de certaines opinions politiques inspirées par ceux qui n’aiment pas les
Américains. Les anti­américains se polarisent sur les erreurs et les infortunes de
Washington en Irak tout en fermant délibérément les yeux sur les progrès ressentis par la
population. La réalité est pourtant bien plus nuancée que ne l’affirment les médias
occidentaux. 14 des 18 provinces que compte l’Irak sont aujourd’hui considérées comme
sûres. Au nord et au sud, la vie est plus ou moins normale. Tikrit, la ville natale de Saddam,
161
Cité par le Lt col EMG Ludovic Monnerat, « Les luttes qui se superposent dans le conflit irakien lui confèrent
une importance décisive », www.checkpoint.com, 23 octobre 2005.
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est même l’une des villes les plus sûres d’Irak ! J’admets qu’il y a des problèmes à Ramadi,
à Mossoul, à Bakouba et autour de Bagdad. Mais dans le reste du pays, la situation est à
peu près calme. »162.
Si de nombreux progrès ont effectivement eu lieu, il convient toutefois de ne pas tomber dans
l’angélisme, la situation étant loin d’être idyllique. Les attentats commis par des barbares qui
n’hésitent pas à tuer des civils irakiens, femmes et enfants compris, pour les empêcher d’aller
voter démocratiquement sous prétexte de lutter contre les américains, sont devenus presque
quotidiens bien que limités géographiquement (la partie Kurde de l’Irak n’a pas, pour le
moment, été touché par le terrorisme). Une réislamisation de la société irakienne s’est
également faite sentir avec des dérapages notoires comme en témoignait la situation de
Falloujah, bastion sunnite, où les islamistes construisaient des prisons et des chambres de
tortures, interdisaient la musique, l’alcool et massacraient tous contrevenants à ces règles.
Le rapport de l’IISS conclut également que cette politique a été peu efficace dans la lutte
contre le terrorisme islamiste pour laquelle « une relation améliorée entre le monde islamique
et l’Occident est nécessaire », le réseau d’Al-Qaïda étant plus dispersé qu’auparavant et que
« la guerre en Irak a toutefois été un moyen risqué de promouvoir les changements voulues
par Washington, et il reste à voir si un gain net sera engrangé ».
Les Etats-Unis ayant choisi une voie indirecte pour lutter contre le terrorisme, il est évident
que les résultats seront très longs à être visibles. En outre, croire que la création d’un régime
politique démocratique serait de facto synonyme d’éradication de l’islam militant a été l’une
des plus grosses erreurs de l’administration Bush. En effet, comme l’a indiqué le politologue
Daniel Brumberg 163 l’apport de la démocratie « a fait surgir des « autocraties pluralistes »
qui ont permis aux groupes islamistes d’entrer dans l’espace public et de constituer une
nouvelle menace pour lesdits régimes ».
Cette constatation a été théorisée récemment par Fareed Zakaria, journaliste au sein de
Newsweek, dans un brillant essai, totalement à contre sens de la pensée politique actuelle164.
Selon l’auteur, l’avènement de la démocratie comme système politique n’implique pas
forcément une liberté accrue, au contraire. Indo-musulman d’origine, il donne notamment
l’exemple de l’Inde qui, malgré l’évidente bonne santé démocratique, est devenue « moins
tolérante, moins laïque, moins respectueuses des lois et moins libérale ». Il cite, par exemple,
le massacre de musulmans innocents à Gujerat en 2002 où les autorités locales, sous
l’influence du parti nationaliste hindou, le BJP, élu pourtant démocratiquement mais
farouchement opposé aux minorités chrétiennes et musulmanes en Inde. Rajoutons également
le cas de Sonia Ghandi, l’héritière de la dynastie Nehru-Gandhi, qui a dû refuser le poste de
premier ministre en 2004 sous la pression de ce même parti arguant de son origine non
indienne mais étrangère (italienne).
Fareed Zakaria cite également l’exemple de l’Indonésie où le dictateur Suharto a laissé la
place à un régime démocratique qui pourtant a conduit à une montée fulgurante de
l’islamisme.
162
Hoshyar Zebabi, « Irak : la guerre civile n’aura pas lieu », Politique Internationale n° 110, Hiver 2005-2006.
Cité par André-Pierre Taguieff, op.cit.
164
Fareed Zakaria, « L’avenir de la liberté, la démocratie illibérale aux Etats-Unis et dans le monde », édition
Odile Jacob, 2003.
163
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73
On pourrait aussi rajouter le cas du PJD (Parti de la Justice et du Développement) au Maroc
qui ne cesse de prendre de l’ampleur depuis les élections de 2002. Les élections législatives
de 2007 devraient d’ailleurs pérenniser cette montée de l’islamisme au Maroc, montée tout à
fait démocratique. La percée des Frères Musulmans en Egypte durant les dernières élections
législatives de décembre 2005 mais surtout l’arrivée au pouvoir palestinien des terroristes du
Hamas en janvier 2006 illustrent parfaitement la pertinence de l’analyse de Fareed Zakaria.
Cela étant, l’Irak ne semble pas, pour le moment, prendre ce chemin bien que la constitution
irakienne mentionne l’islam comme source de droit. L’influence de l’Ayatollah Al-Sistani,
qui a une vision plus modérée de l’islam et qui prône une séparation entre religion et
politique, y est sans doute pour beaucoup. L’avenir nous dira peut-être si l’islam radical
séduira les irakiens.
En tout état de cause, cela démontre que l’instauration de régimes politiques démocratiques ne
doit pas rester une fin en soi si l’on souhaite lutter contre l’islam militant. Cette liberté
politique doit impérativement s’accompagner de la libéralisation plus globale de la société,
libéralisation économique bien sûr mais surtout une libéralisation des idées, comme nous le
verrons par la suite.
Ainsi, si l’utilisation de la force militaire contre l’Irak était plus efficace que le statu quo,
comme le prouve actuellement l’évolution de la région, il n’en reste pas moins que la
politique américaine a été bien déficiente sur de nombreux points, L’administration Bush a
commis de nombreuses erreurs pratiques notamment dans la gestion de l’après-guerre. Elle a
sans doute sous-estimée les difficultés liées au changement d’un régime dictatorial. Mais ces
erreurs, que l’on ne peut nier, ne remettent pas en cause le bien fondé de la politique
néoconservatrice de démocratisation de ces régions où la haine couve depuis de nombreuses
années.
En Irak, maintenant qu’un gouvernement démocratique est installé, l’objectif principal sera de
lutter contre les actions terroristes des islamistes. Et c’est par une action basée sur une lutte
idéologique que devra se poursuivre la démocratisation de l’Irak.
Les Etats-Unis devront par ailleurs revoir leur communication afin de ne pas rester isolés face
au monde musulman. Un effort à d’ores et déjà commencé après la réélection du Président
Bush en 2004. Alors que les médias français prédisaient la fin du monde et le déclenchement
de nombreuses guerres dans l’hypothèse d’une réélection, force est de constater que c’est la
diplomatie qui a été mise en avant. Certains éditorialistes français sont plus honnêtes à
l’image de Pierre Rousselin qui écrit : « Il est temps de prendre la mesure de la noble
ambition que Georges W. Bush s’est donnée pour son second mandat. Cessons de ne voir
en lui que l’homme qui a déclenché la guerre en Irak. La lutte contre la tyrannie n’est pas
seulement un slogan tiré du catéchisme néoconservateur, c’est une ligne d’action bien
réelle. »165. Et si le deuxième mandat du Président Bush est beaucoup plus axé sur la
diplomatie que le premier, cela ne signifie pas pour autant, comme l’ont analysé certains, la
fin du néo-conservatisme. Bien au contraire.
Il faut comprendre que l’Irak n’est qu’une pièce dans l’échiquier de la politique étrangère
américaine. L’Iran ou la Syrie seront sans doute les prochaines cibles. Les moyens ne seront
165
Pierre Rousselin, « Un nouveau Bush », Le Figaro, 12 mai 2005.
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74
pas forcément militaires mais s’ils sont nécessaires, les Etats-Unis n’hésiteront pas à les
utiliser.
b) Le conflit israélo-palestinien, un espoir ?
Comme il a déjà été expliqué, le conflit israélo-palestinien n’est pas la source du djihadisme
dans le monde. Pour autant, il est évident qu’on pourrait considérer ce conflit comme le sel
qui empêcherait une blessure de se refermer. Nul doute que ce dernier attise la haine et la
frustration dans le monde arabo-musulman.
La mort d’Arafat, ami de la France, a donné une lueur d’espoir au travers d’un courant tant
palestinien qu’israélien destiné à se sortir de l’impasse qu’il avait créée et soutenue avec les
terroristes palestiniens pendant 4 ans. Notons au passage que cette amitié entre Arafat et la
France est tout à fait représentative de la ligne de conduite de l’Occident. L’Europe a donné
tout son soutien à Arafat, en privilégiant un statu quo affligeant, maintenant les palestiniens
dans la misère et l’endoctrinement islamiste alors que les Etats-Unis ont donné tout leur appui
à Ariel Sharon afin qu’il bouleverse l’échiquier politique. Ce dernier, en militaire averti, avait
compris que les processus de paix multilatéraux étaient voués à l’échec, d’abord car les
extrémistes palestiniens ne veulent pas la paix mais la disparition pure et simple d’Israël,
comme cela est inscrit dans la charte du Hamas, mais encore parce que le temps jouait contre
Israël notamment eu égard à l’expansion démographique des palestiniens. Il a compris qu’il
fallait créer, au plus vite, des frontières sûres pour son pays, même si cela ne correspondait
pas à la vision du Grand Israël de certains religieux juifs, tout en laissant les palestiniens
s’autodéterminer eux même, les laissant par la même face aux incohérences de leur politique.
Il est d’ailleurs assez ironique de voir qu’Ariel Sharon, l’emblème du mal pour les pacifistes,
les gauchistes et autres antisionistes forcenés, aura su tirer avantage de la mort d’Arafat pour
tenter, par le biais notamment d’un désengagement de la bande de Gaza et la création de son
parti, Kadima, une paix pragmatique et plus rapide. Ce désengagement qui serait poursuivi
avec une partie de la Cisjordanie ne doit cependant pas devenir pour les palestiniens la preuve
que le terrorisme a fait plié Israël, ce qui semble être le cas si l’on se réfère aux déclarations
du Hamas après le désengagement de Gaza, ce dernier ayant en effet promis l’enfer à Israël166.
Pour les islamistes palestiniens, le problème n'est pas géographique mais tient à l'existence
même d’Israël sur une terre actuellement musulmane. Le seul statut pour les juifs d’Israël
serait celui de dhimmis167 et certainement pas celui de dirigeants d’un Etat. Anouar Abou
Taha, membre du bureau politique du Jihad Islamique, déclara à ce sujet, « Notre problème
n'est pas Sharon mais l'existence même de l'entité sioniste ennemie »168.
166
« Le Hamas promet l’enfer à Israël », Le Figaro, 29 août 2005.
Un exemple, parmi d’autres, du statut de dhimmi que devraient avoir les juifs : En réponse au consul de
France à Tanger, venu lui demander en 1842 d'améliorer là condition des Juifs de son pays, le sultan Mawlay
'Abd al-Rahman répondit « Les Juifs de notre pays fortuné ont reçu des garanties (mu'ahidun) dont ils
bénéficient moyennant l'exécution des conditions imposées par notre loi religieuse aux gens qui jouissent de
la protection (dhimma)... Si les Juifs respectent ces conditions, notre loi défend de verser leur sang et ordonne
de respecter leurs biens, mais s'ils violent une seule condition, notre loi bénie permet de verser leur sang et de
prendre leurs biens. Notre religion glorieuse ne leur attribue que les marques de l'avilissement et de
l'abaissement; aussi le seul fait pour un Juif d'élever la voix contre un Musulman constitue une violation des
conditions de la protection. Si chez vous (en France), ils sont vos égaux en tout, s'ils sont assimilés à vous, c'est
très bien dans votre pays, mais pas dans le nôtre. »
168
www.proche-orient.info, 5 janvier 2006
167
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75
La mort politique d’Ariel Sharon et la victoire en janvier 2006 du Hamas, branche
palestinienne des Frères Musulmans et dont la ligne de conduite est : "Il n’existe pas de
solution à la question palestinienne exceptée le djihad", démontre, s'il en était besoin, l'ineptie
du mythe du palestinien, oppressé par le juif et qui n'aspire qu'à la cohabitation pacifique avec
les israéliens. Ce que les européens n'ont jamais compris dans le conflit israélo-palestinien est
que l'islam interdit qu'un non musulman (et encore moins un juif) est un ascendant sur un
musulman. C'est l'existence même d'un Etat juif qui est nié, cela n'a rien à voir avec des
considérations de frontières. Le juif ou le chrétien ne peut avoir que le statut de dhimmis sur
un territoire du dar-al-islam ou considéré comme tel. La seule perspective positive de cette
victoire de la haine est que la perception du conflit israélo-palestinien pourrait évoluer faisant
peu à peu prendre conscience aux européens de l'influence de l'islam dans ce conflit et de la
réalité de la situation, réalité totalement occultée par la propagande médiatique sévissant dans
cette partie de l'Occident.
Il faut espérer que la victoire du parti d’Ariel Sharon en mars 2006 et la volonté de créer
rapidement des frontières stables puissent se poursuivre afin que le conflit, à défaut de se
régler, devienne beaucoup moins destructeur. Le conflit récent, en juillet 2006, avec le
Hezbollah est une preuve que l’urgence est réelle.
c) L’Arabie Saoudite, la Syrie, l’Iran, le Pakistan hors du processus de démocratisation ?
Ces pays ont été identifiés à la fois par les Etats-Unis mais également par l’Europe comme
étant les principales sources de l’islam militant. L’Arabie Saoudite, notamment, a été montrée
du doigt à de nombreuses reprises ; ce qui a d’ailleurs été un élément à charge contre
l’administration Bush dans la mesure où les spécialistes du terrorisme se sont interrogés :
Comment se fait-il qu’ayant axé sa politique étrangère sur la lutte contre le terrorisme, le
Président Bush n’a-t-il pas tenté une action, même militaire, contre le régime des Saoud qui
soutient et finance le terrorisme plutôt que d’enclencher une guerre en Irak ? Beaucoup de
ceux qui ont avancé cet argument pour discréditer l’administration Bush ont oublié qu’il était
une chose d’identifier une menace et une autre de trouver les bons moyens pour y remédier.
Et ce, d’autant plus que la position de ce pays est nettement plus ambiguë que ne l’était celle
de l’Irak.
Pour comprendre cette situation, il convient de citer Laurent Murawiec, qui rappelle les
intérêts en jeu :
«La guerre contre le terrorisme, à laquelle s’est voué corps et âme le président Bush, bute
pourtant à chaque pas sur les entreprises made in Saudi Arabia. D’un côté, cinquante­cinq
ans de partenariat, incarnés dans des hommes, des carrières, des doctrines et des pratiques.
De l’autre, les exigences d’une guerre à mort. L’hésitation présidentielle ne pourra pas
durer éternellement : il faudra bien que l’hôte de la Maison­Blanche se décide. Il est vrai
qu’on ne taquine pas impunément les réalités géopolitiques. Le renversement d’un régime
qui contrôle une partie significative des réserves pétrolières mondiales, de la production de
l’Opep, de la consommation des pays européens et asiatiques ; qui occupe, depuis longtemps,
une place essentielle dans les affaires stratégiques du Golfe Persique et du Moyen­Orient ;
dont les intérêts financiers sont considérables tant aux Etats­Unis que dans le pool mondial
du dollar, n’est ni une affaire à prendre à la légère, ni une décision à préconiser sans
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76
précaution : il faut que la somme des avantages l’emporte nettement sur celle des
inconvénients. 169 ».
Si cette analyse est pertinente sur le plan géopolitique, elle n’est pas pour autant efficace si
l’on se réfère à la lutte contre l’islam militant. Comme le souligne Laurent Murawiec, il
faudra bien que les Etats-Unis se décident. Et on peut déjà apercevoir des changements dans
la politique américaine à l’égard de l’Arabie Saoudite. Ces changements s’exécutent certes
lentement, comme l’exige le pragmatisme dont les néo conservateurs font toujours preuve,
mais ils sont perceptibles. Les Etats-Unis ont fait pression sur le régime des Saoud afin qu’ils
luttent plus efficacement contre le terrorisme. Et la réponse ne s’est pas faite attendre. La
sanctuarisation de l’Arabie Saoudite a pris fin, conduisant à des attentats sanglants sur leur
territoire. L’Arabie Saoudite avait en effet passé un accord plus ou moins tacite avec AlQaïda. Le pays fermait les yeux sur les activités terroristes du groupe, finançait de
nombreuses associations caritatives, dont l’argent était détourné au profit d’Al-Qaïda, et
attendait, en contrepartie, qu’aucune action terroriste ne soit entreprise sur son sol.
La politique américaine s’est également concentrée sur la volonté de ne plus dépendre des
ressources pétrolières de l’Arabie Saoudite, ce qui s’est traduit par un intérêt croissant des
Etats-Unis vers les pays bordant la mer caspienne et la promotion de projets d’oléoducs tels
que le projet BTC (initiales des villes de Bakou, Tbilissi, et Ceyhan) inauguré en mai 2005.
En outre, la mise en place de la nouvelle loi sur la politique énergétique aux Etats-Unis,
signée par le président George W. Bush en juillet 2005, permettra aux Etats-Unis de se défaire
progressivement de cette dépendance tant pétrolière que financière de l’Arabie Saoudite.
Cette volonté a par ailleurs été confirmée lors du « Discours sur l'état de l'Union » prononcé
par George W. Bush le 31 janvier 2006. Ce dernier a dénoncé « l’accoutumance et la
dépendance des américains au pétrole » et a annoncé la réduction de 75% en vingt ans des
approvisionnements en pétrole en provenance du Moyen-Orient, ainsi que leur remplacement
par des sources d’énergie alternatives (carburants végétaux, hydrogène) et la reprise des
constructions de centrales nucléaires.
Concernant la Syrie, il est dommage que la pression ne se soit faite plus forte, la
problématique iranienne expliquant cette faiblesse. Grâce à la politique américaine, la Syrie
s’est affaiblie, le Liban a vu les troupes syriennes partir de son territoire mais ce pays reste
encore pointé du doigt au sujet du terrorisme : « On a beaucoup trop tardé, après la chute de
Bagdad, pour frapper la dictature syrienne ­ or la frontière syrienne est le boulevard
principal assurant l’entrée des djihadistes en Irak – » rappelle Laurent Murawieck170.
Le Pakistan lui aussi semble avoir été oublié du fait des signes de bonne volonté du Président
Musharaf suite aux pressions américaines. Pourtant, les attentats de Londres en juillet 2005
ont mis une nouvelle fois le Pakistan dans la ligne de mire du combat contre l’islamisme.
Selon le quotidien anglais the Independant : « un nombre croissant d’indices désigne le
Pakistan comme source d’inspiration et d’entraînement pour les kamikazes ». Si l’Arabie
Saoudite possède deux lieux saints de l’Islam (Médine et la Mecque), le Pakistan possède, lui,
la bombe atomique, limitant tout autant une intervention militaire. Reste donc les pressions
économiques et diplomatiques qui ne sont pas forcément suffisantes. La bonne volonté du
Président Musharaf doit cependant être soulignée, lui qui tente de se rapprocher d’Israël et de
169
Laurent Murawiec, op.cit.
Laurent Murawiec, « De Washington à Londres : le prix des confusions », Metula News Agency, 16 août
2005.
170
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créer de nouvelles relations entre l’Etat juif et les pays musulmans de la région. Tout espoir
n’est donc pas perdu.
Le problème nucléaire concerne également l’Iran qui, malgré les jérémiades européennes, va
se lancer dans un processus qui lui permettra d’acquérir la bombe atomique d’ici quelques
années. Une fois encore l’Europe a tenté de faire un pied de nez aux Etats-Unis en voulant
être les interlocuteurs privilégiés de la crise iranienne mais a été, en définitive, totalement
manipulée par le régime des Mollahs. Pourtant, l’Iran est le pays qui peut surprendre le plus
du fait de sa jeunesse qui, bien que brimée par le pouvoir des Gardiens de la Révolution, reste
le meilleur espoir de voir le régime islamiste renversé un jour.
La recomposition politique du Moyen-Orient (ou Grand-Moyen-Orient si l’on se réfère au
projet américain) pourrait être une solution pour limiter l’influence de l’islam militant et le
djihadisme. Cela suppose néanmoins une approche beaucoup plus subtile des Etats-Unis.
Dans cette optique, une alliance avec l’Europe serait tout à fait profitable. Certains
spécialistes souhaiterait inversement que l’Europe se désolidarise totalement des Etats-Unis
afin notamment de ne pas être assimilé au grand satan et gardait par la même une influence
dans la région. Cette hypothèse pourrait être envisageable si l’Europe possédait une politique
efficace et réaliste de l’islamisme et de son pendant armé. Or, comme nous l’avons vu
précédemment, ce n’est absolument pas le cas, l’Europe restant le ventre mou de l’Occident.
Cette politique conduirait à une dhimmitude plus rapide de notre continent, rien de plus.
C/ La lutte contre la pauvreté, une fausse solution
Réhabilitant une vision marxiste du monde, un discours se fait de plus en plus présent. Le
terrorisme islamiste ne serait que l’arme des désespérés, une lutte entre les riches et les
pauvres. En filigrane de cette thèse émerge la pensée gauchiste accusant l’Occident de tous les
maux.
Un simple examen des faits ruine cette thèse. En effet, dans la grande majorité des cas, les
actes terroristes commis ces dernières années sont l’!uvre de personnes très loin de la
pauvreté, qui sont cultivées et loin de la masse pauvre des sociétés musulmanes. Les attentats
de Londres en juillet 2005 ont clairement démontré ce fait. Les kamikazes n’étaient pas issus
de milieux pauvres du Moyen-Orient mais bien de Londres même. Leurs familles étaient
certes modestes mais pas plus que la majorité des habitants de la banlieue de Leeds. Aucun
problème important d’argent, une bonne intégration dans la société anglaise. Parmi le groupe
de terroristes, il y avait même un docteur en chimie, diplômé de l’université de Leeds.
Prenons un autre exemple : Sajit Badat, complice de Richard Reid qui avait tenté de faire
exploser le vol 63 d’American Airlines le 23 décembre 2001 avec des chaussures piégées, né
en Grande-Bretagne, a été l’élève d’une des plus prestigieuses écoles d’Angleterre, la Crupt
Gramar School for Boys. Nous sommes loin du cliché de l’illettré pauvre qui tue des civils
parce qu’il est désespéré.
Pour finir : fin janvier 2006, deux étudiants sont arrêtés à Troyes et à Montpellier à la suite
d’une enquête menée depuis 2004 sur des réseaux islamistes. Ces deux étudiants sont
soupçonnés d’avoir aidé des islamistes pour des futurs attentats en Europe. Ces deux étudiants
n’étaient pas pauvres, incultes ou oppressés par la société occidentale. En réalité, les
enquêteurs ont eu affaire à des étudiants de troisième cycle scientifique, spécialisés dans la
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très haute technologie comme les rayons lasers. Peut-on encore croire que la pauvreté soit la
cause du djihadisme ?
Ce constat a été démontré par une étude effectuée par Marc Sageman, Professeur de médecine
à l’Université de Pennsylvanie. En analysant la biographie de près de 400 terroristes d’AlQaïda, il a pu conclure en 2004 que les deux tiers de ces personnes étaient issus de classes
moyennes ou aisées, démontrant ainsi que le lien entre pauvreté et terrorisme était inepte. La
même remarque vaut aussi pour ceux qui enrôlent ces jeunes, ces prédicateurs de haine qui
sont souvent issus de milieux aisés et très instruits, qui ont beaucoup voyagé notamment en
Europe.
Une fois encore, la lecture tiers-mondiste du phénomène fait fausse route. Devrait-on rappeler
à ces fanatiques de Marx, qui n’ont pas digéré la chute du communisme, que si la pauvreté
était la cause du terrorisme, il y a longtemps que le continent africain aurait tenté de détruire
l’Occident. Et que penser de l’Amérique Latine où sévit une pauvreté effarante ? Pourquoi ces
pauvres là ne se sont-ils pas transformés en kamikazes eux aussi ?
Toutefois, écarter la pauvreté comme cause principale de l’islam radical ne signifie pas
qu’elle ne joue pas un rôle dans le processus d’embrigadement idéologique. Daniel Pipes, le
rappelle : « Ce n’est pas la pauvreté qui crée le djihadisme. Le djihadisme par contre se
nourrit de la pauvreté »171.
Comme l’a également et très justement remarqué Colin Powell 172, « la pauvreté engendre la
frustration et le ressentiment que les fabricants d'idéologie peuvent transformer en
soutien ­ ou approbation ­ au terrorisme, en particulier au sein de pays dans lesquels la
pauvreté va de pair avec une absence de droits politiques et de libertés fondamentales ».
Nous sommes ici au c!ur du problème. L’absence de liberté, tant politique qu’économique
mais aussi de la liberté de religion, la liberté d’expression, l’égalité entre hommes et femmes
sont bien évidemment une des causes majeures de la frustrations au sein du monde musulman
et qui conduit les plus modérés à soutenir une version littérale de l’islam, censée être la
solution à tous leurs problèmes.
Et les problèmes tant politiques, économiques que sociaux ne manquent pas. Si l’on analyse
les statistiques économiques et sociologiques du Grand-Moyen-Orient (englobant le
Maghreb), la situation est réellement inquiétante. Ainsi, si l’on se penche sur le chômage par
exemple, en Afghanistan le taux atteint 43% de la population active, en Irak 50%, au Yemen
35%, en Syrie 30%. Quant au taux d’analphabétisme, le Pakistan et la Mauritanie atteignent
les 59%.
Il est du devoir de l’Occident d’aider le monde musulman a lutter contre la pauvreté et à les
faire entrer le plutôt possible dans le processus de mondialisation par la promotion de la
liberté de marché, seule capable de les aider à s’extirper de ce déficit économique (les
expériences de systèmes socialistes s’étant révélées catastrophiques).
C’est cette situation épouvantable qui conduit notamment les populations à se tourner vers
l’islamisme. C’est ce qui explique pourquoi certaines formations islamistes sont arrivées au
171
Cité par Guy Millière, « le futur selon Bush », page après page, 2005.
Colin Powell, « L'aide au développement des pays pauvres, une obligation morale », Le Monde, 7 janvier
2005.
172
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pouvoir de façon tout à fait démocratique. Car l’absence de liberté économique conduit au
despotisme et à la corruption. Les tenants de l’islam militant, promettant, par un retour à
l’islam des origines, celui des textes fondateurs, la fin de cette corruption, il n’est pas étonnant
que leurs thèses trouvent plus en plus d’échos parmi les musulmans opprimés par cette
absence de liberté.
Hamadi Redissi, auteur de « l’exception islamique »173, résume très bien ces différentes
crises. Crise du pouvoir car la démocratie est absente du monde musulman, crise de la société
ou le lien social se défait, où la population, face à des gouvernements corrompus et
autoritaires, cherche refuge dans la religion et ses dérives. Crise culturelle enfin, car « le
monde arabe produit seulement 1% des livres dans le monde (et 18% de cette production
sont des livres religieux). Il en résulte une crise de la connaissance, notamment de l’autre.
Si vous leur parlez de crise, les musulmans sont convaincus que c’est l’Occident qui est en
crise, pas eux. Parce que pour eux, la solution c’est l’islam, qui, croient­ils, n’est pas en
crise. »174.
On le comprend aisément, les différentes crises que traverse le monde musulman sont
multiples et posent la question essentielle du rapport entre l’islam et la modernité. A la
question « la religion islamique a­t­elle une responsabilité spécifique dans ces blocages »,
Hamadi Redissi répond « Oui, il existe un vrai problème dans la manière dont l’islam affronte
les questions de la modernité et de la démocratie ».
A l’instar de l’auteur, on peut alors légitimement se demander « pourquoi l’islam est­il l’une
des dernières religions, sinon la dernière, qui refusent de libérer le politique de son emprise
envahissant ? Pourquoi est­il le seul à demeurer en dehors de la vague de démocratisation
qui a gagné presque tout le reste du monde ? Pourquoi reste t­il l’unique système qui
s’estime en conflit permanent avec l’Occident, dont il jalouse la gloire impériale, conteste
les valeurs cosmopolites et minimise la civilisation planétaire qu’il a initié ? Bref, il est la
dernière religion qui se refuse à la banalisation du religieux ? ».
Mezri Haddad, Docteur en philosophie, nous donne un élément de réponse : « On répète
souvent que l’islamisme se nourrit de la misère économique et de l’exclusion politique.
Certes, mais sa source intarissable reste cette culture holistique et hégémonique qui
mélange Allah à toutes les sauces et réduit le Coran à un manifeste politique. Il suffit de
revenir aux « sources », de suivre l’enseignement prophétique pour le monde de l’islam
retrouve son âge d’or perdu, enseignaient Ibn Abdelwahab (prédicateur fondamentaliste du
XVIIIe siècle, inspirateur du wahhabisme), Hassan Al­Banna, Saïd Qutb et Khomeiny.
C’est à partir de ce genre de mythes, majoritairement partagés par les musulmans, que les
islamistes ont constitué leur idéologie messianique »175.
Nous avons précédemment insistés sur les actions à mener par l’Occident. Agir sur les libertés
économiques et politiques devraient minimiser les foyers de frustrations au sein des régions
instables. Ces actions sont essentielles dans la lutte contre l’islam militant. Pourtant, il n’est
pas certain que cela suffise car l’islamisme et sa dérive armée combattent sur un terrain
délaissé par l’Occident : la lutte idéologique. Les Etats-Unis, partie de l’Occident où la
religion est encore une source d’identité importante, se sont bien peu penchés sur cet aspect
idéologique jusqu’à présent, croyant de façon erronée que seul le déficit démocratique était la
173
Hamadi Redissi, « L’exception islamique », Seuil, 2004.
Interview d’Hamadi Redissi, L’Expansion, Octobre 2004.
175
Mezri Haddad, « Islamisme et démocratie : lequel dissout l’autre », Le Monde, 4 février 2006.
174
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cause du phénomène. Eviter une polémique religieuse a cependant empêché l’administration
Bush de s’atteler au fond du problème dès le départ.
D/ La lutte idéologique, clé de la victoire
Arrêter les terroristes et les prêcheurs islamistes ne suffira pas. D’autres prendront la relève.
Faire tomber les régimes autoritaires du Moyen-Orient ne suffira pas, un système
démocratique permettant souvent de faire accéder les islamistes au pouvoir176. Engager le
Proche et le Moyen-Orient vers une libéralisation économique et politique ne suffira pas, la
pauvreté et la corruption n’étant pas le seul facteur de frustration des peuples du monde
musulman.
Toutes ces mesures, même si elles sont nécessaires, ne suffiront pas à éradiquer la menace liée
à l’islam militant. Car ce dernier se nourrit d’abord de la haine. De façon générale, le monde
musulman baigne dans une culture de l’excuse mêlée au mythe du complot, concepts
instrumentalisés par les islamistes. Reprenons leurs principaux arguments : les musulmans
sont supérieurs, notamment aux juifs et aux chrétiens qui ont, selon l’islam, travesti la parole
de Dieu, et doivent montrer le chemin vertueux à l’humanité. Or la réalité est tout autre : la
grande majorité du monde musulman vit dans la pauvreté, l’oppression et l’ignorance. Cet état
de fait provient, selon les islamistes, de deux facteurs.
Le premier est le renoncement à l’islam des pieux ancêtres, celui qui est à l’origine de la
période faste du monde musulman, quand l’islam, par ses conquêtes dirigeait une partie du
monde. C’est ce facteur qui explique deux des objectifs des islamistes, objectifs qui sont la
réislamisation des musulmans, notamment ceux vivant en Occident et qui ne sont pas
considérés comme de véritables musulmans puisqu’ils n’appliquent par le véritable islam, et
la réunification de l’Oumma par un islam presque virtuel, déraciné de la culture des
pratiquants et fait d’interdits et de devoirs uniquement - réunification permettant de retrouver
la splendeur de l’islam.
Le second est la croyance que l’Occident mène toujours une croisade contre le monde
musulman. Les chrétiens mais également les juifs (qui dirigeraient le monde selon le toujours
très présent mythe des protocoles des Sages de Sion) conspirent donc pour empêcher le
monde musulman d’avoir la place qui est la sienne, c’est-à-dire une place prépondérante où
l’islam, exprimant la véritable volonté de Dieu, règnerait sur l’humanité.
Ces bases idéologiques imprègnent le monde musulman d’une façon presque totale. Cela
commence à l’école où le jeune musulman baigne souvent dans une haine de l’autre
prodigieuse (les cas des palestiniens et des saoudiens à été évoqués précédemment), et se
poursuit tout au long de sa vie par le biais des médias qui véhiculent cette idéologie. Des
institutions comme le Memri177, faisant des revues des médias musulmans, permettent de
comprendre dans quel genre d’endoctrinement se trouve le monde musulman.
Les européens, de plus en plus détachés de la religion n’ont pas compris, par ethnocentrisme,
l’importance de ce facteur idéologique. Les américains en ont pris conscience très récemment.
176
On arrive d’ailleurs à un dilemme : soit les peuples sont dirigés par des oppresseurs qui contiennent l’islam
militant, tout en l’instrumentalisant, soit la démocratie permet la libération des peuples mais dans un même
temps amène les islamistes au pouvoir.
177
Site Internet du Memri : www.memri.org.
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81
Les tenants de l’islam militant, eux, ont très bien assimilé l’importance des idées. Ils savent
qu’ils peuvent toucher un plus grand nombre de personnes par les idées, idées qui à l’heure de
l’Internet, se diffusent instantanément sur toute la planète. Ils sont près du peuple, lors de
grandes catastrophes, lors de manifestations, dans les médias, dans les universités, car c’est
lors de ces occasions que leurs discours ont le plus de chance de toucher. Et cette stratégie est
efficace. Bien que les musulmans ne soient évidemment pas tous des terroristes, et que
certains s’éloignent des textes fondateurs de l’islam tout en restant musulman dans leur coeur,
certains arguments font leur chemin notamment celui qui prétend que leur mal-être a pour
cause l’Occident et les juifs qui se cacheraient derrière. Il s’agit donc bien d’une guerre
d’idées qu’il faut mener avant toute autre chose, ce qui implique de s’interroger sur le lien
entre l’islam et islam militant. Car si l’Islam, en tant que civilisation, n’est pas en guerre
contre l’Occident, il n’en reste pas moins que, par exemple, les djihadistes s’appuient sur une
lecture littérale de l’islam pour justifier leurs actions. Déclarer que le terrorisme islamiste n’a
rien à voir avec l’islam est donc absurde. Déclarer que ceux qui souhaitent interdire Voltaire
en France n’a rien à voir avec l’islam est un mensonge. L’islam et le monde musulman sont
au c!ur de ce nouveau totalitarisme et il convient de ne pas se limiter aux discours lénifiants
de nos intelligentsias qui, par peur d’un conflit de civilisations, s’obstinent à pointer du doigt
de mauvaises causes au phénomène. Il existe bien des relations de causalités entre la religion
musulmane, l’islam militant et le terrorisme islamiste. Les passerelles entre islam militant et
terrorisme sont parfois même très importantes comme en témoigne l’affaire ayant touchée le
« Quranic Literacy Institute (QLI) aux Etats-Unis178. Ce groupe de religieux installés dans la
région de Chicago depuis 1991 publiait des versions anglaises de textes sacrés islamiques. Le
président du QLI, Ahmad ZAki Hammad, érudit islamique a progressivement pris la main sur
les mosquées de la région et tout en montrant une façade de religieux pacifiste blanchissait de
l’argent provenant d’Arabie Saoudite et finançait ensuite le Hamas.
Le terrain idéologique est donc on ne peut plus important car c’est par le biais de
l’endoctrinement que des individus deviennent des militants voire des terroristes. Les
spécialistes du terrorisme sont souvent trop centrés sur les actions en elles-mêmes et oublient
parfois de rechercher les causes première de ces actions (les terroristes ne se lèvent pas un
matin en décidant de tuer des innocents).
Toute personne convaincue que la réelle menace est de nature armée et que la lutte contre les
actes terroristes doit être notre seule priorité n’a pas assimilé les objectifs et le modus
operandi des tenants de l’islam militant.
Rappelons la déclaration du cheikh Youssouf Qaradawi, qui préside le Conseil européen pour
la fatwa et la recherche : « Cela signifie que l’islam retournera en Europe en conquérant
et en vainqueur, après avoir été expulsé deux fois : une fois d’Andalousie, au Sud,
l’autre fois à l’Est, après qu’il eut frappé aux portes d’Athènes. Je soutiens que cette fois
la conquête ne se fera pas par l’épée mais la prédication et l’idéologie »
Cette offensive idéologique a deux objectifs. Le premier celui d’endoctriner les musulmans
d’Occident (les différentes expressions de cet endoctrinement en France ont été décrites
précédemment notamment au travers les rapports Obin et Denecé) afin qu’ils puissent saper
les fondements de nos sociétés et imposer l’islam originel à tous les niveaux de la société. Le
deuxième est de donner un fondement divin aux actes de terrorisme permettant aux
islamikazes de se déresponsabiliser puisque c’est Allah qui le leur demande. Ces deux
178
Daniel Pipes, « Exploitation du Coran à des fins terroristes », New York Sun, 14 décembre 2004.
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82
objectifs entrent parfois en conflit. En effet, la poussée islamiste en Europe se fait assez
pacifiquement, les changements s’effectuant progressivement. Or, lorsqu’un terroriste tue des
innocents, il y a un risque que la population se méfie de plus en plus du prosélytisme de
certains musulmans, ruinant ainsi les efforts pour obtenir plus pacifiquement leurs
revendications. L’islam militant doit donc trouver un juste milieu entre prédication et actes
terroristes. L’exemple le plus frappant a été les conséquences des derniers attentats de
Londres en juillet 2005. Le multiculturalisme a été remis en cause alors qu’il permettait aux
musulmans d’imposer leurs valeurs de façon tout à fait démocratique. Daniel Pipes dans un
article du New York Sun179, citait un islamiste qui sur Internet apostrophait les terroristes
« Vous ne savez donc pas que l’islam est en pleine croissance en Europe ??? Qu’est­ce
qui vous prend de venir chambouler les choses ? » Un horloger musulman a, quant à lui,
déclaré « Nous n’avons pas à combattre. Nous sommes en train de prendre le pouvoir ! »
Ce prosélytisme est d’autant plus important que de nombreux musulmans font appel à des
oulémas, théologiens de l’islam, pour demander quelle doit être leur conduite en Occident. A
titre d’exemple180, on citera le cas d’une jeune femme vivant dans un pays non musulman qui
demande quelles sont les prescriptions et les règles qu’elle doit suivre dans ce pays. Les
oulémas lui répondent alors qu’elle doit empêcher sa famille de se dissoudre dans les sociétés
d’accueil, que son habitation doit être loin des lieux de débauche et qu’elle doit se regrouper
avec les familles conservatrices afin de se soutenir pour obéir à Allah. On lui interdit un
laissez aller dans son attitude envers les relations que ses enfants entretiennent avec ceux des
« mécréants ». Plus grave encore, on lui conseille d’inculquer à ses enfants la haine pour la
civilisation occidentale et de leur faire comprendre pourquoi celle-ci est contraire aux lois
religieuses et à l’islam. Concernant l’éducation des enfants, les oulémas déclarent que les
enfants musulmans ne doivent pas être envoyés dans des universités éloignées et surtout pas
dans des cités universitaires car cela conduirait les enfants à s’intégrer dans la société
« mécréante ». D’autres conseils du même acabit sont donnés, comme empêcher les enfants
d’accompagner les élèves chrétiens à l’église le dimanche ou encourager les enfants à se
marier très tôt avec des musulmans.
On voit ici toute l’importance du combat idéologique que l’Occident doit mener afin
d’éliminer une source du terrorisme. « L’islamisme est pourrait­on dire le porte­voix des
ennemis des démocraties laïques et surtout de ceux qui tentent d’aller dans cette voie au
sein même des pays musulmans. Il ne serait pas si redoutable si son message rétrograde
n’était pas répercuté par d’innombrables relais et si, au contraire, les défenseurs de ces
démocraties laïques n’étaient pas si timorés. Jamais aucune religion n’a évolué de son
plein gré, mais toujours sous l’emprise des évènements et face à l’adversité. Selon qu’elle
sera dictée par la résignation ou au contraire la volonté de résister à l’islamisme,
l’attitude des pays occidentaux ne manquera pas de jouer un rôle majeur dans le
progrès ou la régression de la liberté de pensée dans le monde » selon André Grjebine181.
Pour comprendre cette résurgence de l’islam militant et de son influence, il faut ainsi
s’interroger sur les rapports entre l’Islam et la modernité, comprendre pourquoi certains
musulmans sont si prompts à répondre aux sirènes des djihadistes.
Face aux crises que traverse le monde musulman, de nombreux prêcheurs de l’islam en ont
conclu qu’elles avaient deux principales causes : l’Occident et un relâchement dans la
179
Daniel Pipes, « le terrorisme entrave l’islam radical », New York Sun, 23 août 2005.
Tous ces exemples sont tirés du site www.islam-qa.com.
181
André Grjebine, op.cit.
180
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83
pratique de l’islam, celui des textes fondateurs. C’est ainsi que le cheikh égyptien Abdelhamid
Abdelaziz Mohamed Kichk a pu déclarer que « la source des maux des musulmans réside
dans leur abandon de la charia. Il faut remettre en honneurs la loi musulmane pour que
l’Islam récupère son ancienne force »182.
Citons également Zineb El-Ghazali, appartenant à la confrérie des Frères musulmans : « De
Jérusalem à l’Andalousie ! Tel est mon message aux mères et aux filles musulmanes
pour qu’elles l’inculquent à leurs enfants et à leurs hommes, qui rendront à l’Islam sa
grandeur dès qu’ils auront remis en vigueur la charia, toute la charia, dans sa lumineuse
et efficace simplicité ».
On voit très bien ici les principales causes de la montée de l’islamisme. Frustration de voir le
monde musulman en dehors de la modernité, souhait de revenir à la grandeur de l’Islam et
application stricte de la charia pour y parvenir. C’est bien évidemment cette idéologie que
l’Occident doit combattre s’il veut lutter efficacement contre le totalitarisme qui se profile.
Toutes les actions de l’Occident seront vaines s’il laisse la laisse s’installer dans le monde et a
fortiori sur ses territoires. Il est donc capital que les occidentaux comprennent les fondements
théologiques de cette idéologie et utilisent tous les moyens afin de contrer ce prosélytisme
destructeur.
E/ La lutte contre les fondements théologiques de l’islam militant
L’idée largement répandue en Europe est que l’islam est une religion de paix et que rien dans
l’islam n’incite à la haine et au djihad.
Pourtant, à la lecture des textes fondateurs de l’islam, on ne peut qu’être interdit par certaines
formulations et principes de base. Anne-Marie Delcambre, Docteur en civilisation islamique,
islamologue et professeur d’arabe, le confirme :
« Il faut poser la question à l’Islam : pourquoi la tentation terroriste est­elle partagée par
un si grand nombre de musulmans qui viennent de différents peuples ? Les racines de ce
terrorisme islamique existent bien dans les textes fondateurs. C’est ce qui explique sa force
d’attraction dans le monde musulman. Ses chances de survie dans les années qui viennent
sont réelles. Le recours à l’Islam violent, justicier, est une grande tentation pour certains
musulmans pour pouvoir se faire entendre par la terreur comme l’avait fait le Prophète à
Médine. Le Coran comporte un grand nombre de sourates « fulminantes » et de versets
« colériques »183.
D’aucuns rétorqueront que les livres sacrés des deux autres monothéismes comportent
également des appels à la violence, essentiellement dans l’ancien testament. Si l’ancien
testament comporte bel et bien des actes de violence, il faut toutefois comprendre, et c’est un
principe fondamental, que la bible ou la torah sont certes considérés comme inspirés par Dieu
mais ils sont l’!uvre d’êtres humains et donc sujets à erreurs et interprétations. A l’inverse, le
Coran est considéré comme la parole de Dieu. Il est incréé et Mahomet n’a fait que transcrire
le message divin adressé aux musulmans, il n’en est absolument pas l’auteur. D’ailleurs,
comment aurait-il pu le faire puisqu’il était, selon l’Islam, un simple bédouin illettré. Cette
différence est essentielle puisque si l’!uvre humaine est imparfaite, celle de Dieu ne l’est
évidemment pas. Cela implique que le Coran, parole directe de Dieu, ne peut être analysé et
182
183
Cité par Péroncel-Hugoz, « le radeau de Mahomet, Champs Flammarion 1984.
« Islam : en finir avec le religieusement correct », Anne-Marie Delcambre, La libre Belgique, 23 mars 2004.
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interprété, à l’inverse des textes des deux autres monothéismes. Et si l’on rappelle que Coran
signifie « récitation », qu’islam signifie « soumission » et que l’imitation du prophète est un
principe de base, on comprend dès lors que tout musulman est soumis aux règles du Coran
qu’il doit apprendre par c!ur et réciter sans essayer d’en interpréter le sens, ce qu’il ne
pourrait d’ailleurs pas faire puisqu’en tant qu’être humain il est imparfait. En outre, les
chrétiens et les juifs, grâce au principe de séparation du spirituel et du temporel, ont pu de
façon rationnelle remettre en question les principes les plus inadaptés à la modernité,
phénomène inconnu de l’islam. La comparaison entre les livres sacrés est donc superfétatoire
dans la mesure où la relation croyants-textes sacrés n’est absolument pas la même.
Le Coran est, pour le musulman, le texte principal de l’islam et à sa lecture, il apparaît qu’un
système fortement inégalitaire régit les musulmans. De façon plus précise, Bernard Lewis a
mis en évidence les trois principales inégalités fondatrices de la société islamique : «
N’étaient membres à part entière de la société que les hommes, libres et musulmans. Ceux
à qui l’une de ces trois qualités faisait défaut – c’est­à­dire les femmes, les esclaves et les
incroyants­ n’étaient pas égaux. Ces trois inégalités fondamentales – entre maître et
esclave, homme et femme, croyant et incroyant – n’étaient pas seulement un fait admis,
elles étaient inscrites dans la Loi divine qui en fixait aussi les modalités »184.
L’inégalité qui concerne directement l’islam militant et le djihadisme est bien évidemment
celle entre musulmans et non musulmans. Lorsque les terroristes islamistes légitiment leurs
actes abjects, ces derniers se fondent sur l’infériorité des non musulmans face aux musulmans.
Le Coran lui-même contient des versets particulièrement haineux à l’égard des nonmusulmans. A titre d’exemple, on citera de façon non exhaustive les versets qui incitent, non
seulement à la haine des non croyants, mais également à des actions meurtrières :
Le verset 102 de la sourate 4 indique : « Si vous courez le pays, il n’y aura aucun péché
d’abréger vos prières, si vous craignez que les infidèles ne vous surprennent ; Les infidèles
sont vos ennemis déclarés. ».
Cette différenciation et cette haine du non-musulman transparaissent également dans le verset
143 de la sourate 4 : « O croyants ! ne prenez point d’amis parmi les infidèles plutôt que
parmi les croyants. Voulez fournir à Dieu un argument contre vous, un argument
irréfragable ? » ou encore : « O croyants ! ne prenez point pour amis les juifs et les
chrétiens ; ils sont amis les uns des autres. Celui qui les prendra pour amis finira par leur
ressembler, et dieu ne sera point le guide des pervers ».
Un des principes fondamentaux pour comprendre l’islam militant et le djihadisme réside dans
le verset 140 de la sourate IV : « Ce sont ceux qui attendent les événements. Si Dieu vous
accorde la victoire, ils disent : Ne sommes­nous pas avec vous ? Si la fortune est pour les
infidèles, ils disent à ceux­ci : N'avions­nous pas la supériorité sur vous ? Ne vous avons­
nous pas protégés contre les croyants ? Dieu jugera entre vous au jour de la résurrection. Il
ne donnera pas aux infidèles l'avantage sur les croyants. ». Ce verset fut repris en 1993 dans
une fatwa d’Arabie Saoudite où le Cheikh Mannaa K. Al Qubtan, professeur des hautes
études à l’Ecole de la charia de Ryadh, déclara que « l’autorité d’un non­Musulman sur un
Musulman n’est pas permise selon la parole d’Allah (Sourate 4, verset 140) ». En outre,
« Dieu le Tout­Puissant a conféré aux Musulmans le plus haut rang et l’autorité sur tous les
184
Bernard Lewis, « Juifs en terre d’islam », Flammarion, 1998. A titre d’anecdote, l’auteur relate qu’au cours
des tensions entre la République française et l’Empire ottoman, les documents ottomans faisaient « de fréquentes
allusions aux idées « absurdes et saugrenues » d’égalité entre tous les hommes ».
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hommes leur donnant force et puissance (« Ils disent : Si nous retournions à Médine, le plus
fort chasserait le plus faible. La force appartient à Dieu ; elle est avec son Apôtre, avec les
croyants ; mais les hypocrites ne le savent pas. Sourate 63, verset 8) ». L’autorité d’un non­
musulman est par conséquent en contradiction avec le texte de ces deux saints versets ; car le
musulman qui devra obéir à quiconque le commandera, deviendra ainsi son inférieur. Une
telle situation est inacceptable pour un musulman. ».
Cette inégalité se traduit également dans l’exhortation au combat des musulmans contre les
infidèles. C’est ainsi que le Coran enseigne : « Ceux qui refuseront de croire nos signes, nous
les approcherons du feu ardent. Aussitôt que leur peau sera brûlée, nous les revêtirons d’une
autre, pour leur faire éprouver un supplice cruel. Dieu est puissant et sage » (Sourate 4,
verset 59).
Ou encore : « Faites la guerre à ceux qui ne croient point en Dieu ni au jour dernier, qui ne
regardent point comme défendu ce que Dieu et son apôtre ont défendu, et à ceux d’entre les
hommes des Ecritures qui ne professent pas la vraie religion. Faites­leur la guerre jusqu’à ce
qu’ils payent le tribu de leurs propres mains et qu’ils soient soumis » (Sourate 9, verset 29).
Le verset 187 de la deuxième sourate donne pour consigne concernant les infidèles « tuez­les
partout où vous les trouverez, et chassez­les d’où ils vous auront chassés. La tentation de
l’idolâtrie est pire que le carnage à la guerre. Ne leur livrer point de combat auprès de
l’oratoire sacré, à moins qu’ils ne vous y attaquent ? S’ils le font, tuez­les. Telle est la
récompense des infidèles».
Ouvrons ici une petite parenthèse : Lorsqu’un musulman tue un infidèle, il obéit non
seulement à Dieu mais encore, on considère même que c’est Dieu qui agit à travers lui comme
le confirme la sourate 17 du verset 8 : « Ce n'est pas vous qui les tuez, c'est Dieu. Quand tu
lançais (un trait), ce n'est pas toi qui lançais, c'était Dieu, pour éprouver les fidèles par une
belle épreuve; car Dieu entend tout et sait tout. »
Le verset 52 de la sourate 8 est également édifiant : « Quel spectacle lorsque les anges ôtent
la vie aux infidèles ! ils frappent leurs visages et leurs reins, et leur crient :Allez goûter la
peine du feu ».
Cette incitation aux meurtres des infidèles se retrouve aussi dans le verset 5 de la sourate 9
« Les mois sacrés expirés, tuez les idolâtres partout où vous les trouverez, faites les
prisonniers, assiégez­les et guettez­les dans toute embuscade ; mais s’ils se convertissent,
s’ils observent la prière, s’ils font l’aumône, alors laissez­les tranquille, car Dieu est
indulgent et miséricordieux ». On le voit ici, la seule solution pour les non-musulmans réside
dans la conversion. En adoptant la religion musulmane, Dieu devient alors tolérant et
indulgent.
On a pu entendre que l’islam interdisait le suicide. Certes, mais encore faut-il considérer que
cela en est un. Dès lors qu'il s'inscrit dans le cadre du djihad, se donner la mort est considéré
par les islamistes comme non seulement légitime, mais même hautement recommandable.
Aller en guerre vers une mort certaine, affirment-ils, n'est pas un suicide (intihar) mais un
acte de martyre (istishhad), une forme très respectée de sacrifice de soi, dans la voie divine,
une manière de s'attirer les faveurs des houris du paradis. Une autorité islamique de premier
plan, le cheik Yousuf al-Qaradawi, a expliqué la distinction en ces termes: les attaques visant
l'ennemi ne sont pas des attentats suicides mais «des actes de martyre héroïques» dans
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86
lesquels les kamikazes sont «animés non pas par le désespoir et le désarroi, mais par un désir
irrésistible de répandre la terreur et la crainte dans le c!ur des oppresseurs»185.
Le Coran comporte donc des incitations claires à la discrimination des infidèles et des
exhortations à leur élimination. Sachant que le Coran est considéré par les musulmans comme
la parole révélée de Dieu et que son interprétation est interdite, on comprend sans peine
comment les partisans d’une orthodoxie islamique justifient leurs exactions puisqu’ils ne font
qu’appliquer stricto sensu la parole divine. Lorsque Zarkaoui déclare que les musulmans
peuvent tuer aussi bien les civils que les militaires car le Coran ne fait que la distinction entre
fidèles et infidèles, il respecte à la lettre les sourates susvisées.
Cette haine de l’infidèle et cette volonté de le combattre sont également présentes dans
certains hadiths (recueil des paroles ou des actes du prophète Mahomet qui sont des exemples
à suivre pour tout musulman). A titre d’exemple on citera quelque uns des hadiths de l’imam
Nawawi (les 40 hadiths) : « D’après Ibnou ‘Omar (que Dieu soit satisfait de lui et de son
père), l’envoyé de Ideu (à lui, bénédiction et salut) a dit : « il m a été ordonné de combattre
les hommes jusqu’à ce qu’ils témoignent qu’il n’est autre divinité qu’Allah, et que
Moh’ammed est Son Envoyé, qu’ils accomplissent la prière rituelle, qu’ils acquittent la zekâa.
S’ils exécutent ces choses, ils seront à mon égard, garantis quant à leurs personnes et à leur
richesses, à moins qu’ils ne transgressent (ouvertement) la loi de l’Islam mais Dieu règlera le
compte de leurs (intentions vraies) » (Hadith 8). La conversion ou la mort, tels sont les deux
choix pour les infidèles. L’apostat mérite également le même châtiment : « Selon Abou
Mas’oûd (que Dieu soit satisfait de lui), l’Envoyé de Dieu (à lui, bénédiction et salut) a dit :
« il n’est pas licite de faire couler le sang du musulman, sauf s’il s’agit d’un des trois
coupables que voici : le fornicateur dont le mariage a été consommé, le meurtrier qui subira
le sort de sa victime, et l’apostat qui se sépare de la communauté musulmane »(Hadith 14)186.
Les jurisconsultes musulmans, qui fondent le droit musulman (le fiqh), ont d’ailleurs repris
ces principes dans leurs décisions187. Selon Ibn Taimiya, issu de l’école hanbalite :
« Dieu a dit en ordonnant le gihâd : « Combattez­les jusqu’à ce qu’il n y ait plus de schisme
et que la religion tout entière soit à Dieu » ; « Puisque donc que gihâd est d’institution divine,
et qu’il a pour but de ramener la religion tout entière à Dieu et de faire triompher la parole
de Dieu, quiconque s’opposera à la réalisation de ce but sera combattu, selon l’avis unanime
des musulmans » ; « Les Juifs et les Chrétiens ainsi que les Zoroastriens (Magûs) doivent être
combattus jusqu’à ce qu’ils embrassent l’islam ou paient la gizya sans récrimination » ; « «
Il n’est pas permis au représentant de l’Imâm de consentir la paix à l’ennemi quand il a sur
lui la supériorité des forces [… ] Il appartient donc à l’Imam de faire la paix avec les
polythéistes lorsque cela est avantageux à l’Islâm et à la religion, et qu’il espère ainsi les
amener par la douceur à se convertir. ».
Selon l’école Mâlikite : « Le djihad est une obligation d’institution divine. Son
accomplissement par certains en dispense les autres. Pour nous malékites, il est préférable de
ne pas commencer les hostilités avec l’ennemi avant de l’avoir appelé à embrasser la religion
d’Allah, à moins que l’ennemi ne prenne d’abord l’offensive. De deux choses l’une : ou bien
185
Daniel Pipes, « La menace des djihadistes [suicidaires] », Jerusalem Post, 27 juillet 2001
Hadiths provenant du site du Centre Culturel Islamique de Québec, www.cciq.org.
187
Cités par Bat Ye’Or in « Juifs ou chrétien sous l’islam », Berg International, 1994.
186
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87
ils se convertiront à l’Islamisme, ou bien ils paieront la capitation (jizya), sinon on leur fera
la guerre. »
On pourrait penser que les textes fondateurs de l’islam contenus dans le Coran, dans les
Hadiths ou dans le Fiqh soient tombés en désuétude. Or, il faut bien comprendre que cette
idéologie est toujours d’actualité de nos jours et qu’elle est reprise par les tenants de l’islam
militant, faisant fi des siècles écoulés, comme en témoignent les exemples suivants :
Pour Khomeiny, « La guerre sainte signifie la conquête des territoires non musulmans. Il se
peut qu’elle soit déclarée après la formation d’un gouvernement islamique digne de ce nom,
sous la direction de l’Imam ou sur son ordre. Il sera alors du devoir de tout homme majeur et
valide de se porter volontaire dans cette guerre de conquête dont le but final est de faire
régner la loi coranique d’un bout à l’autre de la Terre »188.
En 1970, Alija Izetbegovic, l'ex président de la fédération de Bosnie-Herzégovine et
collaborateur de l’Allemagne nazie, déclara qu’ « il ne peut exister de paix ou de coexistence
entre la foi islamique et des institutions sociales et politiques non islamiques ». Plus
symptomatique encore du danger qu’encourre les sociétés ouvertes : « Le mouvement
islamique doit et peut prendre le pouvoir dès qu’il est moralement et numériquement
capable de détruire le pouvoir non­islamique existant »189.
Moins de vingt-quatre heures après les attentats de Londres du 7 juillet 2005, un sermon a été
diffusé par la télévision de l’Autorité Palestinienne incitant au meurtre des infidèles :
« Anéantissez les Infidèles et les Polythéistes ! Vos ennemis sont les ennemis de la religion !
Allah, disperse­les, détruis leur unité et retourne toi contre eux, ces adversaires malfaisants.
Allah, compte­les et tue les jusqu’au dernier et n’en laisse pas un seul en vie »190. On peut
écouter les mêmes diatribes anti-infidèles sur la chaîne Al Jazeera de temps à autres.
L’aspect intemporel de ces principes a été résumé par Hassan al-Tourabi, ex dirigeant du
Soudan qui déclara que les caractéristiques universelles de l’Etat islamique « […] découlent
de l’enseignement du Coran, conformément à son application dans la pratique politique du
Prophète Mohammed et constituent un éternel noble que les musulmans sont obligés
d’adopter comme une référence parfaite pour tous les temps »191.
L’islam, dans ses textes fondateurs contient bel et bien des incitations à la haine du nonmusulman, c’est un fait. En outre, la structure même de l’islam empêche toute interprétation
des textes, rendant intemporels des principes d’un autre âge. Toutefois, une précision
s’impose : il serait fort malhonnête de résumer l’islam à ces versets incitant au meurtre des
infidèles. Les musulmans n’ont pas tous cette interprétation littérale de l’islam d’autant que le
Coran comporte également des versets prônant le respect de l’être humain. Mais résumer
l’islam n’est pas le but du précédent développement. Le but est simplement de rappeler que
l’islam militant et le terrorisme djihadiste ne sont pas sortis de nulle part et que la base
idéologique de ces nouveaux agents du totalitarisme se trouve bel et bien inscrite dans l’islam,
n’en déplaise à tous les intellectuels islamophiles, islamologues gauchisant et autres bienpensants occidentaux. Anne-Marie Delcambre a osé l’affirmer et doit maintenant subir les
188
Cité in « Juifs et Chrétiens sous l’islam », Bat Ye’or, op.cit.
Cité in « Juifs et Chrétiens sous l’islam », Bat Ye’or, op.cit.
190
«Anéantissez les Infidèles » Une étude de la haine religieuse anti-britannique qui sévit au sein de l'Autorité
Palestinienne, Palestinian Media Watch (www.pmw.org), 1er août 2005.
191
Cité in « Juifs et Chrétiens sous l’islam », Bat Ye’or, op.cit.
189
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pires opprobres de notre intelligentsia. Son affirmation, dont la réalité de fait aucun doute
après ce qui a été exposé précédemment est la suivante : « Je persiste et signe. Ce que je
trouve surprenant c'est que l'on dise que l'islamisme serait sorti comme ça, d'une
pochette surprise. Les textes auxquels se réfèrent lesdits islamistes ­ qui sont pour moi
des musulmans maximalistes ­ se trouvent tout simplement dans le Coran, dans la
Sunna, dans le droit musulman. On assiste aujourd'hui à une espèce de cécité générale, à
une complicité entre non­musulmans et musulmans qui voudraient que l'Islam soit
mieux présenté devant les Occidentaux. »192
Si les intellectuels occidentaux semblent aveugles, tel n’est pas le cas de certains auteurs
musulmans, qui ont bien cerné ce problème de jugement. Pour eux, l’islamisme fait partie de
l’islam. Il en est la partie la plus intolérante et guerrière mais il en fait partie.
Mohamed Ibn Guadi, islamologue à l’Université de Strasbourg, résume bien cette
schizophrénie : « L’Islam est­il une religion de paix ? Non. Est­il une religion de guerre ?
Non plus. En fait, c’est un casse­tête. Oussama Ben Laden est un bon musulman. Je veux
dire, ce qu’ils disent au sujet de l’Occident est cohérent avec l’histoire islamique. Il est
vrai que les musulmans modérés représentent l’Islam, mais nous devons garder en tête
qu’Oussama, le Mollah Omar et d’autres représentent l’Islam aussi ».193
L’islam politique est le véritable islam. C’est pour cette raison que de plus en plus de
musulmans ne trouvent pas choquant de déclarer que le Coran se situe au dessus des lois de
leurs pays d’accueil. La sécularisation de l’islam est un passage obligé pour la civilisation
comme l’a été la sécularisation des religions chrétiennes et juives. L’immobilisme de l’islam,
explique ainsi la lecture littérale de ses textes fondateurs par les tenants de l’islam militant
sans mise en perspective socio-historique. C’est d’ailleurs une des causes, avec l’absence de
liberté politique et économique, de la crise que traverse actuellement le monde musulman
Face à cette crise, de nombreux penseurs musulmans progressistes, dont nous étudierons ciaprès les écrits, !uvrent à une réforme de l’islam. Il est d’ailleurs tout à fait symptomatique
de l’attitude munichoise de l’Europe que la grande majorité de ces penseurs soient musulmans
et qu’ils n’hésitent pas à formuler des critiques constructives sur leur religion alors que les
européens restent englués dans leur prêt-à-penser « islamiquement correct ».
F/ Les réformistes de l’islam ou le retour de l’Ijtihad
Il faut ici remettre en cause une idée trop répandue selon laquelle tous les musulmans
adhèrent à un islam rigide tel que décrit précédemment et qu’aucune réflexion n’est faîte pour
le réformer. En 2004, une pétition a soulevé une vive polémique dans le monde musulman.
Des intellectuels musulmans ont en effet rédigé un texte réclamant la création d’un tribunal
pour juger les oulémas musulmans qui cautionneraient par leurs fatwas le terrorisme
djihadiste. Ce texte a été signé par 3.000 personnes et transmis à l’ONU. Cette initiative n’a
que très peu été relayée en Europe (sait-on jamais que cela ouvre la voie d’un vrai débat) et a
bien entendu peu de chances d’aboutir compte tenu de la présence à l’ONU des pires
dictatures du monde et notamment des pays arabes.
192
Anne-Marie Delcambre, op.cit.
Interview
de
Mohamed
Ibn
Guadi
par
Ryan
Mauro,
publié
sur
le
site
http://www.worldthreats.com/general_information/Evolution_of_Islam.htm, traduit de l’anglais par Simon
Pilczer pour le site www.nuitdorient.com.
193
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89
Toutefois, cela confirme qu’un courant réformistes est présent dans le monde musulman et
que certains islamologues occidentaux et surtout français devraient s’en inspirer. Si l’on peut
considérer qu’il n’existe pas intrinsèquement d’islam modéré, on peut considérer qu’il existe
des musulmans modérés aspirant à faire évoluer leur religion.
Parmi ces nombreux auteurs musulmans ou pas, il convient d’abord de faire un tour d’horizon
des intellectuels qui vivent en Occident après avoir fui les persécutions dont ils faisaient
l’objet dans leur pays d’origine. Ces auteurs se distinguent essentiellement par une critique
rationnelle et parfois violente de l’islam alors que d’autres réfléchissent plus précisément sur
les solutions qui pourraient amener l’islam à de réformer.
a) Une critique rationnelle de l’islam
Ayaan Hirsi Ali
Ayaan Hirsi Ali est née en Somalie, excisée par sa grand-mère à 5 ans, elle fuit sa famille à 22
ans pour échapper à un mariage forcée et rejoint les Pays-Bas194. Cette jeune femme a connu
récemment les feux médiatiques suite à l’assassinat de Theo Van Gogh par un islamiste. Elle
est coauteur du film « Soumission »195 dont le thème est la violence infligée aux femmes au
nom de l’islam. En novembre 2004, un jeune marocain plante un poignard dans la poitrine de
Theo Van Gogh en laissant une lettre expliquant que toute personne qui critique l’islam subira
le même sort. Ayaan Hirsi Ali apprend à cette occasion qu’elle est frappée d’un fatwa. Elle est
condamnée à mort pour apostasie pour avoir renié l’islam.
Pourquoi l’avoir fait ? Elle explique alors un dialogue entre elle et son professeur. A la
question : la règle selon laquelle une femme doit obéissance éternelle à son mari est-elle
réciproque ? Son professeur lui répond alors non.
­ « Et pourquoi donc un mari ne devrait­il pas également obéissance éternelle à sa femme ?
­ Parce qu’Allah l’a voulu ainsi,
­ Mais pourquoi Allah l’a t­il voulu ainsi ?
­ Ma fille, tu n’as pas le droit de questionner les intentions d’Allah :
­ Mais, maître, j’ai lu les versets du Coran que vous nous avez conseillés. Dans l’un d’eux il
est écrit qu’Allah est toute justice, qu’on ne peut pas imaginer plus juste qu’Allah. Alors
pourquoi les règles s’appliquant à une femme ne s’appliqueraient pas à son mari.
­ Tais­toi ! C’est Satan qui parle aujourd’hui par ta bouche !! »
Estimant que l’islam ne répondait plus à ses interrogations, la jeune femme, après avoir suivi
également l’enseignement des frères musulmans, luttera pour aider les femmes musulmanes
de l’oppression qu’elles subissent aux Pays-Bas.
Pour elle, « tant que les musulmans immigrés n’oseront pas remettre en cause les
enseignements du Prophète contraires à l’esprit des Lumières et aux lois des pays
occidentaux les ayant accueillis, le fossé ne cessera de grandir entre eux et le reste de la
société ».
194
Pays qu’elle a quitté en 2006 suite aux pressions exercées par le gouvernement néerlandais. La jeune femme,
dont le franc parlé gênait apparemment le « politiquement correct » européen, a été littéralement « chassée »
d’Europe. Elle est donc partie aux Etats-Unis pour suivre son combat contre l’islam militant.
195
Le mot « islam » signifie « soumission ».
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90
Dans une interview donnée au quotidien français l’Express196, elle explique qu’elle est la cible
des islamistes car aux yeux des fondamentalistes, le fait d’avoir déclaré qu’elle ne croyait plus
en Dieu après les attentats du 11 septembre, est une insulte à sa religion.
Dans son livre « Insoumise » elle explique que parler librement sera le seul moyen de mettre
au jour le fardeau de l’islam. Plus on le fera, plus on permettra aux musulmans de réfléchir sur
leur religion – ce qui est tabou dans l’islam où 1,2 milliards de musulmans ne peuvent avoir
qu’une seule vérité, celle que le Prophète a permise.
A l’affirmation du journaliste de l’Express selon laquelle il existe des islams différents, plus
ou moins stricts selon les pays, Ayaan Hirsi Ali répond que c’est une supposition erronée, que
c’est ce que nous souhaiterions mais cela ne correspond pas à la réalité. « Si on définit l’islam
comme la religion fondée par le Prophète et expliquée par le Coran, et plus tard par les
hadiths, alors il n y a qu’un seul islam, qui dicte un cadre moral. Cela dit, il y a des
musulmans, ici ou là, qui ne veulent pas respecter la totalité des préceptes – les alévis turcs,
certains musulmans de France boivent du vin – mais il y a toujours le risque de les voir
confrontés à la pression des fanatiques qui les interrogent sur leur observance. Or, ces
derniers ne peuvent que gagner, car le Coran est très clair sur les commandements. C’est
pourquoi il faut adopter une perspective historique et reconnaître que l’humanité s’est
développée et a beaucoup appris depuis le VIIe siècle. C’est à cette condition qu’il y aura
un nouveau moment. »
A la question « Quelle est votre réaction quand vous voyez que les auteurs des attentats
commis au nom de l’islam, en Europe, aux Etats­Unis, ont été éduqués ici ? », Ayaan Hirsi
Ali répond que « cela infirme la thèse que la pauvreté est la cause du terrorisme. Cela
confirme la séduction du message islamique. Ce ne sont pas les circonstances qui ouvrent la
voie au terrorisme, c’est un choix individuel. Aux Pays­Bas, ce sont de jeunes diplômés passés
par de bonnes universités, en passe de trouver de très bons emplois, qui sont allés chercher
sur Internet le message fondamentaliste et ont cédé à la séduction totalitaire ».
Ayaan Hirsi Ali met donc en évidence plusieurs problématiques liées à la crise de l’islam
perçues par de nombreux intellectuels. La plus importante est la difficulté de remettre en
cause les enseignements de l’islam et de les mettre en perspective, d’ouvrir les portes de
l’itjihad197. La solution pour la jeune parlementaire néerlandaise est le rationalisme. Adepte de
Spinoza, elle préconise que les musulmans se comportent avec l’islam comme la France s’est
comportée avec l’Eglise catholique, que l’Europe ferme les écoles musulmanes, mais
également chrétiennes, pour ne pas endoctriner nos enfants.
Ibn Warraq
Le rationalisme d’Ayaan Hirsi Ali se retrouve également chez Ibn Warraq, sorte de Voltaire
musulman, ou ex-musulman plus exactement car il se considère désormais comme un
humaniste laïc. « Avant même de pouvoir lire ou écrire ma langue maternelle, j’avais appris
le Coran par c!ur, en Arabe, sans en comprendre un traître mot ; ainsi en est­il pour des
centaines de millions d’enfants musulmans. Dès que j’ai été capable de raisonner par moi­
même, j’ai rejeté tous les dogmes religieux que l’on m’a fait ingurgiter » écrit-il en avantpropos de son ouvrage au titre provocateur : «Pourquoi je ne suis pas musulman ».
196
Ayaan Hirsi Ali, « Le problème, c’est le Prophète et le Coran, L’Express, 16 mai 2005.
L’Ijtihad désigne communément l'effort de réflexion accompli par les enseignants de l’islam, oulémas ou
juristes musulmans afin d’interpréter les textes fondateurs de l'islam.
197
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91
Dans cet ouvrage, Ibn Warraq remet en question l’islam, de façon purement cartésienne et
quelque peu brutale, le met en perspective avec les sciences, démontre les contradictions
historiques inhérentes à tout texte religieux. Il s’interroge sur les relations entre islam et
démocratie, souligne le fait que « la loi islamique interdit explicitement la remise en cause
des décisions entérinées par le consensus infaillible des ulémas. La notion même
d’infaillibilité, que ce soit d’un livre ou d’un groupe de personnes, est profondément
antidémocratique et tout à fait irrationnelle. Il insiste sur le fait que l’islam empêche la
modernisation du monde musulman car « l’islam décourage toute innovation et tout problème
est traité comme un problème religieux même s’il est purement économique ou social »198.
Ibn Warraq fait également référence aux différentes sourates guerrières contenues dans le
Coran. Pour l’auteur, « la nature totalitaire de l’islam n’est nulle part plus apparente que
dans le concept du Jihad, la guerre sainte, dont le but final est de conquérir le monde entier
et de le soumettre à la seule vraie religion, à la loi d’Allah. A l’islam seul a été donné la
vérité. Hors de l’islam, point de salut ! Pour tout musulman, c’est un devoir sacré, une
obligation religieuse établie dans le Coran et dans les traditions que porter l’islam à toute
l’humanité. Le Jihad est une institution divine, décrétée dans le but de faire progresser
l’islam. Les musulmans doivent se battre et tuer au nom d’Allah ».
Il aborde aussi le problème de la frontière entre islam et islamisme et remarque si l’on
concède que les musulmans conservateurs ont interprété la charia afin de coller à leur vision
du monde, qu’est ce qui permettrait de dire que cette interprétation est erronée et que celle des
progressistes est la bonne ? « Qui peut dire ce qu’est l’islam authentique ? Pour beaucoup
de spécialistes, la charia demeure l’essence de la civilisation islamique » note t-il.
La conclusion de l’auteur, à la fin de son ouvrage, est d’une grande pertinence et reprend la
ligne conductrice du présent essai. Ibn Warraq écrit en effet que « L’Occident ne doit pas
jouer avec la démocratie et doit renoncer à des politiques qui compromettent ses principes
pour des gains à court terme aussi bien chez lui qu’à l’étranger. L’essor du fascisme et du
racisme en Occident est la preuve que tout le monde n'est pas amoureux de la démocratie.
Par conséquent, la bataille finale ne sera pas nécessairement entre l’islam et l’Occident
mais entre ceux qui attachent du prix à la liberté et ceux qui n’en attachent aucun ».
Taslima Nasreen
Taslima Nasreenn, tout comme Ibn Warraq, critique l’islam rationnellement tel un Voltaire
moderne. Menacée de mort par un fatwa lancée par les fondamentalistes de son pays,
l’écrivain bangladaise se bat pour améliorer le sort des femmes dans le monde musulman.
A 14 ans, elle découvre une version du Coran traduit en bengali et comprend alors que
« c’était bien Allah qui déclarait les femmes inférieures, qui prônait la polygamie, le divorce
uniquement pour les hommes, le droit de battre leurs épouses, l’interdiction faite aux femmes
de porter témoignage en justice, l’inégalité en matière d’héritage, le port du voile…. »199.
Quand on lui pose la question de savoir si ce n’est pas les fondamentalistes qui interprètent le
Coran et que le véritable islam n’a jamais prescrit d’assassiner les incroyants, elle rétorque
198
199
Les citations sont tirées de son ouvrage.
« Le monde musulman face à la pression islamiste », L’Express, 10 avril 2003.
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« C’est faux ! C’est bien l’islam, le vrai islam, l’authentique islam, qui prescrit de tuer les
apostats et les incroyants. Cela est explicite dans le Coran […] ».
Et lorsque le journaliste lui fait remarquer qu’il existe des versets contradictoires elle répond
« Oui, mais c’est uniquement parce que, lorsque Mahomet n’avait pas le pouvoir, il
recherchait des alliances politiques avec les non­musulmans. Il se voulait tolérant. Mais
dès qu’il eut le pouvoir, il changea radicalement et commença à parler de massacrer les
non­musulmans… ».
Taslima Nasreen pose ici une véritable question historique qui ne peut être débattue ici. En
revanche, la cohabitation de versets contradictoires est intéressante puisque les islamistes sont
certains qu’ils appliquent les « bons » versets. Pour comprendre leur position, il faut ici
rappeler le principe du verset « abrogeant » (nâsikh) et du verset « abrogé » (mansûkh) qui
figure dans le Coran. Dans l’hypothèse où deux versets se contredisent, le principe est que le
verset révélé en dernier abroge le verset révélé en premier. Toute la question est donc de
savoir quel est le verset révélé en dernier, le problème étant que le Coran ne classe pas les
versets chronologiquement mais par taille de sourates décroissantes (de la plus grande à la
plus petite, sauf pour la première sourate).
On comprend mieux comment les fondamentalistes arrivent à justifier les actes ignobles des
djihadistes puisque la vérité historique concernant la date de révélation d’un verset n’est bien
évidemment jamais absolue.
L’auteur répond aussi à une question essentielle : le Coran n’est-il pas un prétexte dont
certains extrémistes se servent plutôt que la cause du problème ? Pour elle, « c’est parce que
le texte existe qu’ils peuvent s’en servir. Si ce texte n’était pas considéré comme provenant
d’Allah, intangible pour tous les temps passés et à venir, alors le Coran ne serait pas
important. En réalité, les fondamentalistes peuvent justifier leurs crimes du seul fait que ce
texte est considéré comme saint ». Il faut noter que l’intangibilité du Coran est l’un des
éléments le plus critiqué par les musulmans progressistes et d’aucun en souhaiterait une
réforme rapidement comme nous le verrons ultérieurement. Pour Taslima Nasreen, la solution
serait de considérer le Coran uniquement comme un document historique et de définir une
séparation entre l’Eglise et l’Etat.
Tout comme Ibn Warraq, Taslima Nasreen considère qu’il n’y a pas de conflit entre
l’Occident et l’islam mais bien un conflit entre sécularisation et fondamentalisme, entre ceux
qui valorisent la liberté et ceux qui ne la cherchent pas.
Irsahd Manji
Irsahd Manji est musulmane et fière de l’être. Pourtant, elle est menacée, elle aussi, par des
islamistes. Son tort ? Elle est lesbienne, féministe et n’hésite pas à critiquer l’islam sur les
points qui lui semblent inadmissibles.
Dans son ouvrage « Musulmane mais libre »200 elle s’interroge sur l’antisémitisme
obsessionnel qu’elle rencontre dans le monde musulman. A la madrasa (École coranique) où
elle étudiait, son professeur lui enseigne que les juifs vénèrent l’argent et non Dieu et que leur
idolâtrie polluerait sa piété. Elle s’interroge aussi sur la condition des femmes dans le monde
200
Irsahd Manji, « Musulmane mais libre », Grasset, 2003.
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musulman. Comme elle le souligne, « Non seulement depuis le 11 septembre, mais de toute
urgence depuis ce jour fatidique, nous devons mettre fin au totalitarisme de l’islam,
notamment aux grossières violations des droits de l’homme, des minorités religieuses et des
femmes »201.
Irsahd Manji est à l’origine d’un projet tout à fait indispensable dans cette volonté de réforme
de l’islam. Celui-ci, appelé « Ijtihad », a pour objet de créer un centre réunissant toutes les
femmes ayant un esprit de réforme pour coopérer ensemble et proposer des solutions pour
s’opposer au conformisme de l’islam. Selon Irsahd Manji : « Il n’ y a pas de plus grande idée
dans le monde musulman aujourd’hui que l’ouverture des portes de la pensée autonome ou
« Ijtihad ». C’est l’idée essentielle de mon livre pour montrer que l’islam a été une tradition
pluraliste autorisant un débat critique et contradictoire et que nous Musulmans nous devons
retrouver cette tradition ancienne pour moderniser l’islam du 21ème siècle. Ceci n’a rien de
subversif ; c’est l’essence de la foi »202.
En conclusion de son ouvrage, elle appelle l’Occident à plus d’honnêteté intellectuelle, à
affirmer ses principes sans craindre le désaccord de certains fondamentalistes, à cesser
d’accuser de racisme ceux qui tirent les sonnettes d’alarmes et à mener la charge pour le
changement.
Sa vision de l’Occident est d’ailleurs d’une incroyable pertinence bien que virulente pour
nous. « Tant que les occidentaux rampent devant le multiculturalisme, ils agissent comme si
de rien n’était. Nous considérons notre capacité à nous accommoder de tout comme une force
– et même une forme de supériorité culturelle (même si peu d’entre nous veulent bien
l’admettre). Mais les fondamentalistes voient dans notre instinct d’inclusion une faiblesse qui
nous rend mous, languides, déboussolés. Les fondamentalistes détestent la faiblesse. Ils
considèrent que le faible doit être vaincu. Paradoxalement, plus nous nous accommodons
pour apaiser, plus leur mépris pour notre faiblesse s’accroît. Le paradoxe étant que, pour
défendre notre diversité, il nous faille un jour devenir moins tolérants. En tous cas, beaucoup
plus vigilants. »
b) Vers une réforme de l’islam ?
Les auteurs précédemment évoqués critiquent, parfois très durement, l’islam. D’autres
auteurs, notamment des musulmans progressistes vont plus en avant dans leur réflexion et
donnent leur vision des réformes à effectuer afin que l’islam entre dans la modernité.
A titre de premier exemple, citons Tahir Aslam Gora, écrivain pakistanais exilé au Canada,
auteur de l’ouvrage « Pourquoi les terroristes sont-ils musulmans ? » qui écrit : « Examinons
donc la réelle cause première du terrorisme islamique : l’islam actuel. Les leaders
mondiaux, afin de maintenir une certaine harmonie du culte, déclarent que l’islam est une
religion de paix. Alors qu’il existe en réalité plusieurs failles fondamentales dans les
enseignements dispensés par le Coran : inégalité des sexes, intolérance envers les non
musulmans et libertés personnelles limitées (y compris la liberté d’expression et la créativité
artistique). S’il est vrai que l’organisation du terrorisme islamique relève d’un petit
pourcentage d’extrémistes, ce terrorisme ne semble pas pour autant fortement condamné
par la majorité des autres musulmans. […] Les théoriciens progressistes soutiennent que
201
Citée par Danielle Laurin, « Pour en finir avec l’islamisme » Le soleil, 28 novembre 2004.
Cité par Thomas L. Friedman, « Brave, Jeune et Musulmane, » New York Times, 03 mars 2005, traduit par
Albert Soued.
202
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l’islam a été « détourné » et clament que les musulmans ordinaires n’encouragent pas le
terrorisme. Si cette déclaration est véridique, comment alors justifier qu’Oussama Ben
Laden soit un héros dans la plupart des contrées islamiques ? […] Cette dévotion ne résulte
ni de l’illettrisme ni de la pauvreté. Mais de plutôt de la manière dont l’islam est
enseigné »203.
Tahir Aslam Gora est le fondateur d’un mouvement pour l’islam qui insiste sur la démocratie,
la liberté d’expression, l’égalité des sexes, la suppression de la conception du Djihad et la fin
de la supériorité de l’islam sur les autres religions.
Rachid Benzine, dans un ouvrage recensant ces courants de pensées204 réformistes, cite
notamment le cas de l’écrivain égyptien Taha Hussein qui considérait l’Egypte comme devant
être rattaché au monde méditerranéen et occidental. Il fut un des précurseurs d’une critique
littéraire du Coran. Nous examinerons plus en détails d’autres penseurs réformistes.
Il cite aussi Abdul Karim Soroush, intellectuel iranien considéré comme un des plus grands
penseurs contemporains. Pour ce dernier, il faut distinguer la religion de son interprétation.
Ainsi, si la religion est divine, son interprétation est, quant à elle, humaine. Il prône une
pluralité d’interprétations : « Ce n’est pas une bonne idée que de forcer la communauté
religieuse à s’abandonner à une interprétation particulière » écrit-il. Abdul Karim Soroush a
aussi très bien en évidence une des causes de la montée de l’islam militant. Comme cela a été
expliqué en introduction de cet essai, c’est une recherche identitaire qui est une des causes de
la résurgence de l’islam militant dans le monde. « L’utilisation de la religion à des fins
autres que la réalisation de la volonté divine est une déviation récurrente des religions.
Mais ce phénomène s’est accéléré dans le monde musulman depuis les années 1960. La
crise d’identité des musulmans face à la modernité a abouti, en effet, à la montée en
puissance d’un islam de l’identité ».
Amin Al-Khûli et Muhammad Khalafallâh, quant à eux, se sont penchés plus particulièrement
sur les possibilités d’interprétation scientifique du Coran. Ils ont mis ainsi en évidence
certaines incohérences du texte notamment dans les noms des personnages, des lieux et dates
des évènements. Malheureusement, Muhammad Khalafallâh dû renoncer à sa thèse sur le
sujet et fit l’objet d’une fatwa pour apostasie, tout comme son directeur de thèse Amin AlKhûli .
Abdelmajid Charfi, universitaire tunisien s’est intéressé à l’institutionnalisation de la religion
musulmane. Il souligne notamment le décalage entre l’objectif de la religion et les pratiques
des musulmans. Selon lui, trois étapes ont conduit la société musulmane à s’écarter du
message du prophète. La première est la croyance selon laquelle la communauté musulmane
est supérieure au reste de l’humanité. La deuxième a été la trop grande préoccupation du sens
littéral du texte au détriment de sa dimension spirituelle. La troisième est la transformation de
la religion en institution qui a eu pour corollaire un « raidissement des règles définissant la
croyance, où on a déclaré apostats ceux qui croyaient autrement que les pouvoirs qui se sont
octroyé la définition de l’orthodoxie et de l’orthopraxie ».
D’autres auteurs très importants suivent ce courant réformiste. Parmi eux, il faut citer
Mohamed Bechri et surtout Latif Lakhdar.
203
204
« L’islam a besoin d’évoluer », Tahir Aslam Gora, www.newislam.org, 21 juillet 2005.
Rachid Benzine, « les nouveaux penseurs de l’islam », Albin Michel, 2004.
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Mohamed Bechri
Mohamed Bechri est l’ancien président de la section tunisienne d’Amnesty international.
Selon lui, « seules les forces laïques arabes et musulmanes peuvent ébranler efficacement
l’islamisme » qui pour lui n’est qu’un énorme mensonge205.
Pour l’auteur, il faut démasquer ce mensonge, comme Ronald Reagan l’a fait pour le
communisme. Or, remarque t-il, c’est l’inverse qui se produit aujourd’hui. De trop nombreux
gouvernements arabes/islamiques s’associent avec les islamistes en couvrant ainsi les propres
abus qu’ils pratiquent sur leur population. L’Occident a fait de même en soutenant les
islamistes à certaines périodes de l’histoire (notamment les Etats-Unis dans leur lutte contre le
communisme). De même, la seule réponse militaire n’est pas suffisante, c’est une guerre
d’idées qu’il faut mener avant tout. Et cette guerre sera avant tout menée par les musulmans
laïques eux-mêmes.
Latif Lakhdar
Le tunisien Latif Lakhdar a publié de nombreuses tribunes sur la nécessité de réforme dans le
monde arabo-musulman. Son apport est primordial car il a su cerner parfaitement les
mécanismes de blocage dans l’islam et les moyens pour y remédier.
Il décrit d’abord la situation des minorités en terre d’islam, femmes ou non-musulmans, et
remarque que ces derniers sont encore traités comme des dhimmis de fait en totale situation
d’infériorité juridique et financière.
Selon l’auteur, le problème vient du fait que l’islam, contrairement au judaïsme et au
christianisme, n’a pas encore connu sa réforme. « Une religion moderne qui reconnaît la
séparation de la religion et de l’Etat et accepte de se limiter à la sphère spirituelles, cédant à
l’Etat la gestion des affaites temporelles. » écrit-il206. Ce n’est qu’en adoptant la laïcité que
l’islam pourra rompre avec ses aspects négatifs et renouer avec les pensées rationalistes
mutazilite, druze et soufi qui ont permis au Moyen Age la séparation de la religion et de l’état,
ont remis en cause la charia ou ont favoriser une critique rationaliste du Coran.
La réforme de l’islam doit passer par l’enseignement du fait religieux mais avec l’apport des
sciences telles que l’histoire des religions, la sociologie des religions, l’anthropologie, la
linguistique, la philosophie, etc…Cet enseignement doit se moderniser par le biais, par
exemple, de la création de chaînes télévisées laïques qui seraient diffusées dans le monde
musulman et qui pourrait concurrencer les chaînes djihadistes comme Al-Jazira.
A cette réforme doit s’ajouter le refus de tout narcissisme religieux. « Le judaïsme et le
christianisme ne seraient rien de plus que deux lois religieuses ayant préparé le terrain à
l’avènement de la loi islamique, et l’islam les auraient abrogés et prise leur relève [...]
Cette attitude de narcissisme religieux […] explique en grande partie le terrorisme
islamique et la résistance d’un nombre important de musulmans d’Occident à s’adapter
aux valeurs des sociétés laïques de tradition chrétienne où ils vivent […] », remarque t-il.
205
Mohamed Bechri, « Adolph Hiter et la conception d’un mensonge réussi », traduit par le
Memri (www.memri.org), 26 janvier 2005.
206
Cette citation et les suivantes sont tirées de l’article « Un penseur tunisien réformateur : La laïcité est vitale
pour l’avenir du monde arabe et musulman », traduit par le Memri (www.memri.org), 6 juin 2005.
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Il faut donc encourager le dialogue des religions en organisant des colloques, des
manifestations culturelles et en médiatisant ces évènements, préconise t-il.
De manière plus radicale - mais le terrorisme n’appelle t-il pas une réponse plus ferme ? –
Latif Lakhdar appelle les organisations mondiales et internationales à « considérer
l’instruction religieuse de la plupart des pays arabes et islamiques comme vivier du
terrorisme, et beaucoup de médias religieux comme incitant à la haine et à la
discrimination religieuse ». Il souhaite également une résolution du Conseil de sécurité des
Nations unies prévoyant une intervention militaire dans les cas où les islamistes une fois au
pouvoir recourent à la force contre les femmes, les minorités ou ils refusent l’alternance
démocratique.
Laïcité, modernisation de l’enseignement religieux, interprétation critique du Coran et
discours interreligieux sont les clefs de voûte de la modernisation de l’islam qui entraînera par
cascade la chute de l’islam militant.
On peut ne pas être d’accord avec toutes les réflexions de ces penseurs. Mais le plus important
reste qu’ils constituent un mouvement réformateur très important, qui pourrait être à même
de faire entrer l’islam dans la modernité. Or, comme cela a été précédemment noté, ces
penseurs sont souvent condamnés à mort dans leur propre pays ou interdits de parole.
L’Occident à tout intérêt à favoriser ce mouvement, à mener une guerre idéologique à leur
côté en mettant en avant leurs !uvres, qui sont salutaires tant pour le monde musulman que
pour les musulmans vivant en Occident, tentés vers un repli communautaire inquiétant. Nos
islamologues et autre spécialistes de l’islam autoproclamés devraient encore plus tenir compte
des franches critiques apportées par ces intellectuels à leur propre religion. Cela leur
permettrait peut-être d’éviter le ridicule en affirmant que l’Occident est le seul responsable de
la recrudescence de l’islamisme ou encore en soutenant que les médias créent l’islamophobie
en Europe en interprétant à tort l’islam véritable…
D’aucuns objecteront que vouloir moderniser l’islam est utopique. Il est vrai que l’histoire
leur donne raison. Le mutazilisme, courant rationaliste de l’islam, après avoir été la doctrine
officielle de l’islam sous le calife Ma’mûn en 827, n’est-il pas peu à peu tombé en
désuétude ? Son enseignement n’a-t-il pas été interdit et ses partisans pourchassés ? On ne
compte d’ailleurs plus le nombre de réformateurs ayant subis la peine d’apostasie pour avoir
tenté de moderniser l’islam. Les penseurs actuels subissent le même sort. Certes. Mais
derrière le système politico-religieux de l’islam, existent des individus. Et discuter avec un
musulman d’Istanbul, chef d’entreprise adepte du libéralisme, ou avec une jeune musulmane
française qui n’est pas pratiquante, avec un saoudien ou un mollah iranien permet de
comprendre que les fidèles font de leur religion ce qu’ils en veulent. Que certains déclarent
que ce n’est pas le véritable islam ne changera pas le fait que certains musulmans se sont
détachés des textes fondateurs en modernisant leur religion. Le Maroc a modernisé le statut de
la femme en droit de la famille alors même que le Coran prône l’inégalité entre l’homme et la
femme. L’Iran, où la lapidation est encore présente, a accordé aux femmes le droit d’exiger le
divorce. Anne-Marie Delcambre, dans son dernier ouvrage207, apporte l’exemple d’un
professeur d’Arabie Saoudite, accusé de s’être moqué de la religion musulmane. Pour cette
offense, il a été condamné à 50 coups de fouet. Comme le souligne l’auteur, la sentence est
légère par rapport aux textes islamiques. Cela démontre que l’Arabie Saoudite, dont on
connaît l’influence fondamentaliste, n’a pas suivi les textes fondateurs de l’islam pour
207
Anne-Marie Delcambre, « La schizophrénie de l’islam », Desclée de Brouwer, 2006.
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sanctionner, certes de façon aberrante pour un occidental, une personne qui risquait
l’apostasie. Cela signifie que « le respect strict de la charia ne peut plus ignorer totalement
l’éthique universelle des droits de l’homme » conclut l’auteur. Cela signifie que l’islam peut
s’écarter des textes fondateurs et s’imprégner de valeurs étrangères. Il est évident que tout
changement ne se fera pas rapidement, il est évident aussi que ces changements seront
combattus par les plus fondamentalistes. Il n’en reste pas moins que d’une manière générale,
l’islam sera ce que voudront en faire les musulmans. Les individus auront toujours la
possibilité de surpasser un système, il en a toujours été ainsi. La mondialisation permettra à la
modernité d’imprégner de plus en plus l’islam. C’est dans cette optique que l’Occident devra
appuyer cette force de modernité pour qu’elle prenne le dessus sur la force conservatrice qui
tient l’islam depuis des siècles. Il s’agit d’un véritable combat d’idées qui durera
vraisemblablement de très longues années.
Par ailleurs, quelles autres solutions propose t-on une fois que l’on a dit que l’islam ne pourra
jamais être réformé ? Doit-on, comme le souhaite Ann Coulter, journaliste et figure de l’aile
la plus dure des conservateurs américains, envahir tous les pays musulmans et les convertir au
christianisme ? L’argument est tellement absurde, méprisant, irréalisable et dangereux qu’il
n’y a pas lieu de s’attarder dessus.
D’autres solutions ont le vent en poupe, notamment parmi les courants identitaires et
d’extrême droite, en France en particulier. Puisque le problème vient de l’islam, la solution
consisterait à bouter hors de France tous les musulmans, à supprimer la nationalité française à
ceux qui l’ont obtenu et à interdire l’islam. Cela résoudrait le problème du terrorisme et de
l’islamisme, prophétisent les tenants de cette solution. Mis à part l’évidente xénophobie et du
racisme qui se dégagent de ces arguments208, on se heurte à d’évidentes questions
pragmatiques ? Comment reconnaître les musulmans de France ? Faudra t-il créer une police
spéciale destinée à vérifier si une personne est bien musulmane ? Devra t-on vérifier les 60
millions de français ou devra t-on se fier au faciès des gens ? Toute personne un peu mate
sera-t-elle tenue de prouver qu’elle n’est pas musulmane ? Mais dès lors, quid des convertis,
ces émirs aux yeux bleus qui ne ressemblent pas au musulman fantasmé par ces gens
haineux ? Peut-être devrait-on renvoyer chez eux toutes les personnes ayant un nom à
consonance maghrébine ou africaine ? Mais avec ce système nous pourrions renvoyer des
personnes comme Mohamed Sifaoui, Rachid Kaci, Messaoud Bourras, Kebir Jbil et tous les
autres qui luttent contre l’islamisme bien plus que ces graines de racistes. Et puis où les
renvoyer ? Dans un pays qui n’est pas le leur ? Les pays maghrébins ou africains accepterontils par ailleurs de recevoir les quelques millions d’individus musulmans peuplant la France ?
Et après ? Faudra t-il fermer les frontières ? Faudra t-il utiliser une police aux frontières
spéciale pour vérifier si une personne désirant entrer sur le territoire national n’est pas
musulmane ? Comment en être sûr ?
Il est inutile de continuer plus loin car ces « solutions » n’en sont pas. Elles exigeraient la
mise en place d’un système fermé surveillant les moindre gestes des citoyens pour déceler le
musulman et le bouter hors du pays. Non seulement ce système est impossible car ingérable,
208
Tout comme l’antisionisme est devenu l’habit politiquement correct de la nouvelle judéophobie, on peut sans
peine avancer que le « musulman » a remplacé l’« arabe » dans la dialectique raciste. Sous couvert de critique de
l’islam, les courants xénophobes et racistes ont trouvé une nouvelle façon de propager leur haine. Ce qui est
d’autant plus dommageable pour ceux qui tentent de rationaliser le débat et de critiquer de façon constructive
une religion qui a grand besoin d’entrer dans la modernité. Cela a permis également aux tenants de l’islam
militant de faire croire qu’une critique de l’islam est assimilable au racisme, empêchant ainsi tout débat sur la
question.
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non seulement il est liberticide et porte atteinte à tous les citoyens et en premier lieu les
musulmans qui vivent en France en toute tranquillité, mais surtout il reflète une idéologie
franco-française de repli de soi. Il n’est d’ailleurs pas étonnant de constater que, souvent, ces
arguments anti-musulmans s’accompagnent également d’arguments antiaméricains, anti-juifs,
anti-mondialistes illustrant ce repli identitaire. Il est une chose de lutter contre l’islam militant
ou de mettre en évidence les scories de la religion musulmane mais il en est une autre de voir
dans toutes personnes s’affichant de religion musulmane un ennemi qu’il faudrait éliminer.
Cela étant, cet extrémisme ne vient pas du fait que les français sont tous intrinsèquement
racistes, comme voudraient le faire croire les démolisseurs de la République. Non, de
nombreux français sont excédés par une délinquance, en majorité maghrébine et africaine, qui
sape leur quotidien209. Les français sont excédés par cette hypocrisie ambiante qui consiste à
refuser de voir en face les problèmes liés à une immigration que la société française n’arrive
plus à assumer, économiquement et socialement. Les français sont excédés par le dénigrement
perpétuel des valeurs qui ont construit leur pays. Les français sont excédés par la perte
graduelle de leur identité et par la part croissante de l’islam dans leur société. Vouloir ouvrir
le débat sur ces problématiques est une attitude saine et responsable. Mais cela ne doit pas
servir d’exutoire à tous les prêcheurs de haine dont les thèses sont les bases de systèmes
liberticides prônant la haine de l’autre à l’instar des islamistes qu’ils disent combattre.
La lutte contre l’islam militant exige en outre que l’on agisse à un niveau planétaire et pas
seulement à un niveau franco-français. Agir sur l’immigration en France ou interdire l’islam
en France - raisonnement étrange venant de ceux-là même qui éructent contre les lois antiracistes qui sont pour eux liberticides - ne fera pas diminuer la menace islamiste qui, elle, est
planétaire. Cela reviendrait à agir sur les symptômes et pas sur les causes profondes du
problème. Seule une réponse globale sur les origines du phénomène sera à même de faire
reculer l’islam militant. Par la même, les problématiques françaises s’estomperont d’ellesmêmes, en tous cas, celles liées à l’islam militant.
Pour ce faire, l’Occident a besoin d’un Europe forte, qui abandonne ses réflexes néomunichois, et d’une alliance américano européenne beaucoup plus vigoureuse.
G/ Pour une Europe réintégrée dans le processus historique
a) Le nécessaire sursaut européen
La vieille Europe est victime de ses propres principes de tolérance et de pacifisme. Elle est
également victime d’un profond sentiment de culpabilité qui l’empêche de cerner le
phénomène de l’islam militant et les mesures à adopter pour endiguer ce nouveau
totalitarisme.
L’Europe doit prendre conscience de la menace qui pèse sur elle et ne plus croire qu’elle peut
rester en dehors de l’Histoire, spectateur de la destruction de la civilisation à laquelle elle
appartient.
Les évènements dramatiques qui se sont produits aux Pays-Bas, en Belgique, en Espagne ou
en Angleterre, pays les plus tolérants, préconisant le multiculturalisme depuis de longues
209
Les émeutes de la fin 2005 en France, celles plus calmes de mars 2006 où le racisme anti-blanc était à peine
voilé dans les actes barbares de certains manifestants, ont montré que cette délinquance n’était pas un fantasme
mais bien une dure réalité.
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99
années et qui ont fait les frais de tant de laxisme, ont légèrement ouvert les yeux aux
européens en leur faisant comprendre que l’islam militant s’était installé depuis longtemps
dans leur pays, sapant peu à peu les fondements de leur sociétés.
L’Europe doit se débarrasser de sa culpabilité et réfléchir aux limites du multiculturalisme
prôné par les bien pensants. Les politiques doivent prendre position contre toutes les
tentatives des islamistes cherchant à instaurer la charia comme principe de vie supérieur aux
autres. Les européens ne doivent pas céder à certaines revendications comme le refus de la
mixité, de la laïcité, de l’égalité entre hommes et femmes.
Nos politiques doivent favoriser l’intégration de tous les musulmans souhaitant vitre leur
religion dans le respect de nos valeurs, sans prosélytisme comme tous les autres de leurs
coreligionnaires. L’Europe doit cesser l’utilisation de la langue de bois, doit abandonner son
relativisme culturel prônant que toutes les cultures se valent. L’Europe doit réaffirmer avec
force les valeurs de l’Occident qui sont les siennes.
Il faut également faire cesser ce chantage à l’islamophobie. Tant que la question de l’islam,
tout comme celle de l’immigration resteront l’apanage des discours de partis extrémistes,
synonyme d’opprobre, aucun débat ne pourra être engagé efficacement.
L’Europe doit surtout lancer un débat public afin d’affirmer clairement l’incompatibilité de
certains dogmes de l’islam véhiculés par les tenants de l’islam militant.
Plus que des interdictions, c’est un véritable contrepoids idéologique qui doit être mis en
place, et ce nonobstant les enjeux électoraux et économiques.
b) Le crépuscule français
La France est l’exemple même de cette sclérose intellectuelle qui touche la vieille Europe et
qui l’empêche de percevoir tous les aspects, notamment idéologique, de l’islamisme et du
terrorisme djihadiste. Si la France veut gagner cette bataille idéologique, elle devra au
préalable se débarrasser de certains de ses réflexes intellectuels.
L’Occident toujours coupable
Pascal Bruckner l’avait prophétisé dans son « sanglot de l’homme blanc ». Pour de nombreux
intellectuels français, l’islamisme ne serait qu’une réponse à une domination de l’Occident sur
le reste de la planète. Par conséquent, bien que dénonçant le recours à cette violence, ils en
comprennent les motifs et les légitiment par la même occasion puisque nous ne subirions
qu’un juste retour des choses. Nous paierions pour nos fautes, réelles ou imaginaires.
Le paradigme de ce sentiment de culpabilité s’est illustré en première page du quotidien « Le
Parisien » au lendemain des attentats de Londres de juillet 2005. « Al-Qaïda punit Londres »
pouvait-on lire à la Une. Ainsi, la mort d’hommes, de femmes et d’enfants dans ces sanglants
attentats ne serait, dans l’inconscient collectif français, qu’une punition en réaction à nos
mauvaises actions. Les victimes deviennent ainsi des bourreaux justement exécutés.
Cette aberration mentale est quelquefois montrée du doigt par des esprits éclairés. Alain
Marsaud, ancien magistrat antiterroriste déclarait au Figaro Magazine après les attentats de
Londres « Il serait temps que les responsables politiques cessent de dire que tout le
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100
monde est gentil et que la société occidentale aurait perverti un certain nombre
d’individus. Les attentats ne résultent pas de cela. Nous sommes en plein syndrome de
Stockholm ! Or, nous ne sommes pas ces « salauds » qui devraient « expier ». 210
Cachez cette réalité que je ne saurais voir
Durant les élections présidentielles françaises de 2002, Jean-Marie Le Pen est arrivé au
deuxième tour créant un séisme politique sans précédent. Les sociologues « officiels » de la
République comme la majorité des intellectuels n’ont pas cru bon de s’interroger sur les
motivations qui poussaient l’électorat du Front National à voter ainsi. Ils ont préféré décréter
que si le Front National avait obtenu un tel score, c’était tout simplement parce que les médias
mettaient trop l’accent sur l’augmentation de la violence, notamment dans les banlieues. Pour
éviter un nouveau cataclysme, il suffirait simplement de ne pas en parler. C’est d’ailleurs pour
cela que nos sociologues officiels sortent de l’ombre à chaque montée de délinquance pour
nous rassurer avec de beaux discours lénifiants nous jurant sur l’honneur que la délinquance à
toujours existé, qu’il n y a pas de quoi s’inquiéter, et ce, au mépris des statistiques et de
l’actualité qui prouvent le contraire. Les émeutes de l’automne 2005 et celles de mars 2006
liées aux manifestations contre le gouvernement français montrent à quel point leurs discours
sont faux.
Ce même mécanisme s’applique à l’islam militant. Car en parler implique que l’on parle de
l’islam. Or, aborder ces sujets en France devient tabou car, dit-on, cela serait faire le jeu du
Front National. Par le mécanisme du « reductio ad hitlerum », toute analyse impliquant une
réflexion sur ces sujets est immédiatement diabolisée.
La France a même importé le néologisme « islamophobie », crée en Grande-Bretagne en 1996
par la « Commission d’étude sur les musulmans britanniques et l’islamophobie ». Alors que la
France a connu le siècle des lumières et enseigne encore à ses élèves les textes de Voltaire
particulièrement virulent face à la religion chrétienne, il est presque impossible au 21ème siècle
de critiquer l’islam en tant que religion sans être taxé de raciste et être traîné devant les
tribunaux ! A titre de sinistre exemple, le rapport Obin, qui a notamment dénoncé les dérives
religieuses de certains musulmans dans les écoles, a été taxé d’islamophobe. Décrire la réalité
deviendrait presque un délit en France.
Certains intellectuels s’évertuent même à prouver que ce sont nos médias, en osant diffuser
des reportages sur des prêches anti-occidentaux d’imams appelant à la guerre sainte, qui
créent l’islamophobie en France. Nos médias devraient donc taire cette réalité pour ne pas
faire le jeu d’extrémistes, qui il est vrai, se servent de certaines de ces analyses pour alimenter
leur xénophobie. On note d’ailleurs une confusion dans l’interprétation donnée au mot
islamophobie. Daniel Pipes l’a très bien exprimé : « Deuxièmement, s’il existe certainement
des préjugés contre les Musulmans, l’ « islamophobie » fait un amalgame trompeur entre
deux phénomènes distincts : la peur de l’Islam et la peur de l’Islam radical »211.
Ce que n’ont visiblement pas compris ces dictateurs de la pensée, c’est que la dissimulation
des actions islamistes en France ne fera qu’augmenter le décalage entre le discours officiel de
nos médias et la réalité vécue par les français, ce qui engendrera par la même la montée des
extrémismes politiques.
210
Entretien avec Alain Marsaud, «Les islamo-fascistes nous ont déclaré la guerre », Le Figaro Magazine, 30
juillet 2005.
211
Daniel Pipes, « Islamophobie », New York Sun, 25 octobre 2005.
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101
En outre, les musulmans progressistes ont besoin de notre appui idéologique si l’on souhaite
que l’islam se modernise. Nos peurs et notre silence coupable ne font que renforcer la position
des islamistes et décourager les musulmans qui ne souhaitent qu’une seule chose, vivre leur
religion en paix tout en bénéficiant de la modernité ce qui ne pourra se faire que par une
réforme de l’islam.
Il est d’ailleurs tout à fait symptomatique de voir que des spécialistes musulmans de l’islam
peuvent critiquer leur religion dans leur pays alors qu’en France tous nos islamologues
« officiels » parlent la langue de bois et n’osent pas affronter un débat ouvert et dépassionné
sur le sujet. C’est dire le terrorisme intellectuel qui sévit en France.
La France, et par extension l’Europe, doit cesser de trouver des substituts aux réelles causes
de l’islam militant et cesser cette langue de bois si désastreuse. Cette langue de bois, qui
comme l’indique André Grjebine « permet, elle, de renoncer à notre faculté de juger, pour
nous réfugier dans le conformisme ouaté du politiquement correct. Elle nous dispense ainsi
d’affronter un problème angoissant qui exige clairvoyance et courage. » 212.
H/ Une guerre de représentation pour les Etats­Unis
Les Etats-Unis sont les seuls à l’heure actuelle à avoir les ressources humaines et financières
pour agir sur le plan militaire. La force aura peut-être permis d’instaurer la démocratie en Irak
et créer un nouvel ordre géopolitique propre à lutter contre l’obscurantisme religieux.
Toutefois, cela ne suffira pas. Il faudra que l’influence occidentale et les gouvernements prooccidentaux qui naîtront dans ces régions apportent plus de liberté notamment en donnant plus
de pouvoirs aux musulmans progressistes. Eux seuls auront la légitimité de faire entrer l’islam
dans la modernité, pas les occidentaux.
Le risque majeur, très présent en Irak, est que la déstabilisation des régimes dictatoriaux du
Moyen-Orient n’aboutisse temporairement du moins à une influence grandissante de l’islam
militant dans ces sociétés. C’est pourquoi les Etats-Unis devront agir sur deux axes :
!
!
Favoriser la libéralisation économique et politique des pays musulmans. Le
développement économique s’accompagnera alors d’un développement culturel des
populations notamment par le biais d’une meilleure instruction et d’une plus grande
ouverture sur le monde.
Favoriser l’expansion des musulmans progressistes et la diffusion de leurs idées dans
les médias.
a) L’image des Etats-Unis dans le monde, une difficulté à surmonter
Mais le plus important reste que les Etats-Unis modifient leur image dans le monde et
notamment dans le monde musulman. La haine antiaméricaine, triste rançon de leur
suprématie, n’a jamais été aussi grande, si bien que toute action de leur part est suspectée
d’objectifs égoïstes et impérialistes cachés. Tant que les Etats-Unis n’auront pas réglé ce
problème de crédibilité et ne prendront pas assez en compte l’opinion musulmane, leur
politique perdra en efficacité. En outre, la compréhension de l’idéologie qui se cache derrière
ce nouveau totalitarisme doit être au c!ur de leur lutte qui ne doit pas s’analyser comme un
simple déficit politique et économique.
212
« Du bon usage de langue de bois », André Grjebine, le Figaro, 11 novembre 2004.
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102
b) Une nouvelle approche de l’islam militant
On note d’ores et déjà une évolution dans la lutte anti-terroriste des américains. La maison
blanche commence à comprendre que la démocratisation par la force ne sera pas suffisante.
Pour reprendre les termes de Daniel Pipes213, Washington comprend enfin l’islam radical. Elle
s’intéresse désormais aux racines du phénomène, non pas la pauvreté, ni la politique étrangère
des Etats-Unis mais bien à cette idéologie politique séduisante issue de l’islam. L’objectif est
désormais d’encourager l’expansion d’un islam inoffensif en promouvant les efforts des
musulmans modérés dans le monde.
C’est ainsi que Washington finance maintenant des programmes de radio et de télévision
islamiques, des cours dans des écoles musulmanes, des ateliers de travail politiques et d’autres
actions promouvant un islam modéré. Au Kirghizstan, les Etats-Unis ont aidé à restaurer un
lieu saint du soufisme, doctrine ésotérique de l’islam très éloignée de l’orthodoxie sunnite. Au
Pakistan, les fonds américains servent à créer des madrasas modèles en y introduisant des
disciplines comme les sciences, les mathématiques, etc.
Sur les 21 milliards de dollars de fonds de l’Agence américaine pour le développement
international, plus de la moitié sont alloués au monde musulman et servent à la création de
projets tels que décrits précédemment. Dans le cadre du projet Grand Moyen-Orient,
l’administration Bush a alloué 207 millions de dollars aux réformes du système éducatifs
arabe214.
Cette évolution de politique à l’égard de l’islam militant s’est également concrétisée par la
mise en place du programme Start (Centre national pour l’étude du terrorisme et de a réponse
au terrorisme) : « Un de nos objectifs principaux est de comprendre comment la rue
musulmane perçoit le message terroriste, comment une frange se radicalise et passe à la
terreur » explique le directeur du programme215.
Mais il n’y a pas qu’à l’extérieur des Etats-Unis que cette compréhension de l’islam radical se
fait sentir. Preuve en est l’émergence d’un islam progressiste qui souhaite rompre avec l’islam
conservateur. Amina Wadud, afro-américaine musulmane a suscité une vive polémique en
dirigeant une prière mixte à New York216. On peut également citer l’organisation « Free
Muslim against terrorism » dont le fondateur, Kamal Nawash, américain d’origine
palestinienne, se bat depuis des années contre la résurgence d’un islam conservateur.
Un véritable mouvement de liberté est en train de voir le jour et qui doit être encouragé par
tous les moyens tant dans les pays occidentaux que dans les pays musulmans.
I/ Un nouvel axe euro­américain
Tous les grands spécialistes de la politique étrangère américaine actuels, de Brzezinski à
Lawrence F. Kaplan, insistent sur le fait que les Etats-Unis doivent s’unir avec le reste du
monde pour combattre ce nouveau totalitarisme. Les récents discours du Président Bush,
demandant à tous les pays musulmans de combattre l’islam militant vont dans ce sens. Reste à
213
« Washington comprend enfin l’islam radical », Daniel Pipes, FrontPageMagazine.com, 25 avril 2005.
« Les USA allouent 270 millions de dollars aux réformes du système éducatif arabe afin de détourner la
jeunesse de l’extrémisme », www.proche-orient.info, 22 avril 2005.
215
« Une nouvelle approche pour cerner l’ennemi », Le Figaro, 30 juillet 2005.
216
« Aux Etats-Unis, la naissance d’un nouvel islam », Liberation, 18 mars 2005.
214
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103
savoir si l’Europe choisira cette voie plutôt que de profiter de cette haine antiaméricaine pour
créer un contrepoids à cet ennemi héréditaire.
Certains analystes français qui mettent en avant un nouvel axe euro-américain envisagent
d’ores et déjà un éloignement d’avec les Etats-Unis : « Les relations entre les Etats­Unis et
les peuples du Moyen­Orient arabe sont actuellement si mauvaises qu’il y a lieu pour els
européens comme pour les américains de s’interroger sur l’opportunité, ou plutôt
l’inopportunité, d’une convergence euro­américaine autour des grands problèmes qui se
posent dans la région. Une association trop étroite entre l’Europe et les Etats­Unis risque de
confirmer aux yeux de l’opinion arabe ce que martèlent les groupes djihadistes : le pays de la
mécréance constitue un tout, les juifs et les croisés étant décidés à poursuivre l’humiliation
des vrais croyants » 217.
Cette stratégie serait intéressante si l’Europe ne poursuivait pas sa realpolitik à l’égard du
Moyen-Orient et ne souhaitait continuer sa politique de stabilité qui, nous l’avons vu, n’est
pas une solution pour lutter contre l’islam militant. En outre, ce détachement des Etats-Unis,
censé apaiser le monde musulman et créer un effet de sanctuarisation de l’Europe, est
totalement illusoire. Le cas de la France, dont la politique « pro arabe » et antiaméricaine
aurait dû permettre cette sanctuarisation, est édifiant puisque nonobstant cette scission d’avec
les Etats-Unis, cela n’a en rien empêché les menaces islamistes et djihadistes sur son sol.
D’autres analystes218 ont vu dans le second mandat du Président Bush un pragmatisme plus
important. Ce pragmatisme permettrait de rapprocher les Etats-Unis de l’Europe dans la lutte
contre le terrorisme. Relevons d’abord que le pragmatisme affiché de l’administration Bush
depuis 2004 n’a rien à voir avec la realpolitik européenne. Le néoconservatisme est, selon
l’expression d’Yves Roucaute, un moral-réalisme. L’Europe n’a absolument pas intégré
l’élément moral, et si sur le plan de la politique étrangère certains dossiers présents et futurs,
comme le dossier iranien ou celui de la Syrie, ont rapproché l’Europe des Etats-Unis, on ne
peut absolument pas en dire autant de la lutte anti-terroriste sauf peut-être dans son aspect
policier, qui, comme cela a été précédemment indiqué n’est pas suffisant. Pour se convaincre
du fossé encore important entre les Etats-Unis et l’Europe, il suffit de rappeler les principaux
extraits du « Discours sur l'état de l'Union » prononcé par George W. Bush le 31 janvier 2006.
« Personne ne peut nier le succès de la liberté, mais il provoque la colère et l'opposition de
certains hommes. L'une des principales sources de réaction et d'opposition est l'islam
fondamentaliste, la perversion par un petit nombre d'une foi noble en une idéologie de
terreur et de mort. Des terroristes comme ben Laden sont sérieux au sujet des assassinats
de grande ampleur ­ et nous tous devons prendre au sérieux leurs intentions déclarées. Ils
cherchent à imposer un système cruel de contrôle totalitaire dans tout le Moyen­Orient et à
se doter d'armes de destruction massive. Leur but est de s'emparer du pouvoir en Irak et de
se servir de ce pays comme d'une base sûre pour lancer des attaques contre les États­Unis
et le reste du monde. N'ayant pas la puissance militaire nécessaire pour nous défier
directement, les terroristes ont choisi l'arme de la peur. Quand ils assassinent des enfants
dans une école de Beslan ... ou qu'ils font exploser des trains de voyageurs à Londres ... ou
qu'ils décapitent un prisonnier aux mains liées ... les terroristes espèrent que ces horreurs
briseront notre volonté et permettront aux violents de se rendre maîtres de notre monde. Ils
ont cependant fait un mauvais calcul car nous chérissons notre liberté et nous lutterons
pour la conserver. […]En laissant l'islam fondamentaliste faire ses quatre volontés, en
217
218
François Heisbourg, op.cit
Justin Vaïsse, « L’hiver du néoconservatisme », Politique internationale, 110 hiver 2006.
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104
laissant un monde agressé se débrouiller tout seul, nous indiquerions à tous que nous ne
croyons plus à nos idéaux ni même à notre courage. Nos ennemis et nos amis peuvent
cependant être certains que les États­Unis ne se retireront pas du monde et qu'ils ne
capituleront pas devant le mal. »
Présenter l’islam fondamentaliste comme source du terrorisme, oser mettre en avant les actes
abjects de ces terroristes, parler d’idéaux et de non capitulation face au mal, voilà un discours
qui ne sera jamais prononcé en Europe, sans doute trop attachée à consacrer son projet
Eurabia. La différence de réaction entre l’Europe et les Etats-Unis après la victoire des
terroristes du Hamas est également significative du fossé qui sépare ces deux pôles de
l’Occident :
D’un côté, une Europe qui souhaite toujours financer des palestiniens dirigés par des
terroristes, ajouté à la déclaration normande du Président Chirac « La France souhaite que le
prochain gouvernement palestinien fasse le choix de la paix, qui passe par le renonciation à
la violence, la reconnaissance d’Israël et le respect des accords internationaux. C’est ainsi
que pourront s’établir les relations avec l’Union européenne ». Cette volonté politique s’est
traduite en avril 2006 par l’invitation par le conseil de l’Europe de parlementaires palestiniens
y compris un représentant du Hamas, organisation qualifiée par l’Europe même de terroriste .
La France aurait même déjà entamé des pourparlers avec le Hamas durant le mois de mars
2006.
De l’autre, une réponse claire et directe des Etats-Unis : « Notre politique est très claire :
nous ne donnons pas d’argent aux organisations terroristes. Nous allons devoir revoir tous
les aspects de notre programme d’aide aux palestiniens ». Bien que pragmatique, le
néoconservatisme de l’administration Bush est donc toujours bien présent dans les faits et
bien éloigné de la politique de l’Europe sur le terrorisme. Gageons donc que la politique
américaine ne se rapproche pas de celle européenne au risque d’entraîner l’Occident derrière
elle.
Un autre danger serait un retour à une politique isolationniste des Etats-Unis. Le peuple
américain, si la guerre en Irak devenait trop meurtrière, serait tenté, comme certaines
tendances le font sentir actuellement, de se refermer sur lui-même, ce qui serait une
catastrophe pour l’Europe. Le Président Bush, dans son « Discours sur l'état de l'Union » a
clairement rejeté cet appel à l’isolationnisme en déclarant :
« L'Amérique rejette le confort trompeur de l'isolationnisme. Nous sommes la nation qui a
préservé la liberté en Europe, libéré les camps de la mort, aidé à construire les démocraties
et qui a fait face à un empire diabolique. Une fois de plus, nous acceptons l'appel de l'histoire
pour libérer les opprimés et faire avancer ce monde vers la paix. ». Toutefois, il n’est pas
certain qu’un nouvel attentat, l’arrivée au pouvoir des démocrates ou une déconfiture en Irak
et/ou en Iran, ne ravive cet élan. Le mouvement néoconservateur, parce qu’il a osé secouer le
statu quo si cher aux tenants de politique réaliste, est attaqué de toute part tant par les
démocrates que par les conservateurs américains qui ne voient que les résultats négatifs
(difficultés en Irak, antiaméricanisme mondial, etc…) de la politique de l’administration Bush
sans en appréhender les conséquences positives sur le long terme et sans réaliser que leur
politique, qui a guidé l’Occident pendant des décennies, est responsable de la situation
actuelle. Le retour à une politique réaliste permettrait sans doute un retour au calme
diplomatique, une meilleure image des Etats-Unis sur le court terme, mais en aucune façon
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105
cela ne règlerait le problème de l’islam militant, ce dernier se nourrissant de la complaisance
de l’Occident à l’égard des sociétés corrompus de la région Proche ou Moyen-Orientale.
Une union occidentale est nécessaire car si l’on veut combattre l’islam militant
idéologiquement, il faut impérativement une union forte. Car, comment vouloir un
changement politique, économique et surtout idéologique si l’Occident n’est pas uni et
convaincu de ses propres actions et de ses propres valeurs ? Cette scission occidentale n’est en
réalité qu’un frein à cette lutte et ne fait que renforcer les attaques intérieures et extérieures
des ennemis de la liberté. Alexandre Del Valle résume très bien cette nécessité en écrivant :
« Qu’ils le veuillent ou non, les Européens d’Eurasie et ceux du nouveau monde sont tous
confrontés à la même menace : celle du terrorisme islamique. Ce nouvel ennemi a déjà
frappé à plusieurs reprises des Etats aussi différents que la France, les Etats­Unis, le
Royaume­Uni, l’Argentine, la Russie et Israël, véritable appendice occidental en plein c!ur
de l’océan arabo­islamique. Du point de vue islamiste, tous les pays occidentaux relèvent
de la catégorie des « infidèles­oppresseurs » et des « impérialistes » satanisés. A ceci près
que l’Europe est perçue comme le maillon le plus faible de cette entité, son « ventre mou »,
incapable de résistance et d’autonomie stratégique. D’où la nécessité d’arrimer la Russie à
l’Europe occidentale, la première apportant à la seconde son énergie, sa profondeur
stratégique et sa « force de frappe ».219
Une alliance entre l’Europe et les Etats-Unis serait donc souhaitable, non par simple
angélisme, mais tout simplement par intérêt. A l’heure actuelle, l’Europe reproduit l’erreur
jadis commise par les Etats-Unis. Elle essaie d’instrumentaliser l’Islam tout en se rapprochant
des états arabes. Il n’est pas certain que cette alliance soit fructueuse à moyen ou long terme.
Un rapprochement entre les Etats-Unis et l’Europe serait bien plus efficace, d’abord pour des
raisons civilisationnelles évidentes, et surtout parce que cette dissension fait le jeu des
islamistes et concoure à la mort de l’Occident.
Les Etats-Unis ont modifié leur politique étrangère avec l’ascension du courant
néoconservateur. Ils ont choisi de remodeler une région qui engendre la haine de l’Occident,
par la force s’il le faut. Cette solution n’était pas la plus rapide et la plus aisée, c’est une
évidence, mais elle commence à porter ses fruits. Le revers de la médaille est que l’image des
Etats-Unis dans le monde s’est dégradée très fortement délégitimant de facto ses actions ;
actions mal comprises ou caricaturées tant dans le monde musulman qu’au sein de la vieille
Europe. Cela ne peut-être qu’improductif. Le deuxième mandat du Président Bush a permis de
remédier à cela avec plus ou moins de succès. Toutefois la folie iranienne et l’ascension du
Hamas sont des mauvais signes pour l’avenir. Ils signifient que des décisions importantes
seront à prendre et ces décisions risquent, une fois encore, d’être mal perçues par les
européens et le monde musulman. Les Etats-Unis devront donc être très vigilants afin de
modifier cette perception avant d’agir s’ils ne veulent pas tomber dans le piège irakien.
L’Europe, quant à elle, a confirmé son statut d’entité hors de l’histoire. Par crainte, pas calcul
géopolitique, par relativisme, elle ne souhaite plus s’impliquer dans les relations du monde
continuant sa politique cynique qui est une des causes de la montée de l’islam militant dans
certaines régions. Le recours à la force, même s’il a des conséquences terribles, est parfois
219
Alexandre Del Valle, « Plaidoyer pour le pan-occidentalisme », Politique Internationale n°109, Automne
2005.
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106
nécessaire comme l’a montré la 2ème guerre mondiale qui a permis de stopper l’utopie
totalitariste du nazisme.
La division entre l’Europe et les Etats-Unis n’a rien eu de positif. Si des spécialistes français
ont vanté cette division, les faits viennent les contredire. Les Etats-Unis ont perdu
l’expérience du monde musulman que pouvait leur apporter l’Europe, expérience qui leur
aurait permis de mieux gérer l’après Saddam, point faible de l’administration Bush comme
elle l’a reconnue elle-même. Cette division a également ravivé l’antiaméricanisme séculaire
des européens qui est sans nul doute une des causes de la mauvaise perception de la menace
actuelle par nombre de personnes. Cet antiaméricanisme cumulé à la division politique entre
européens et américains est une aubaine pour les tenants de l’islam militant qui y voient un
moyen d’imposer les principes de leur totalitarisme en marche.
La position consistant à ne voir de ce phénomène qu’un problème de police, un déséquilibre
entre pays pauvres et pays riches ou encore une émanation du conflit israélo-palestinien est
suicidaire. Suicidaire car elle ne prend pas du tout en compte la donnée idéologique véhiculée
par l’islam militant. Confessionnalisme, communautarisme, islamisme et djihadisme sont
issus de la même réalité : la résurgence de l’islam et sa confrontation avec la modernité. La
cible privilégie reste donc l’Occident, moteur de cette modernité. Mais pas seulement, car des
courants modernistes existent au sein même de l’islam, faisant d’eux des victimes au même
titre que les occidentaux. L’enjeu est donc la place de l’islam dans le monde et son entrée
dans la modernité. L’enjeu est une lutte entre les tenants de la liberté et ceux qui la nient.
Comme le résume parfaitement Guy Millière220, c’est la bataille au c!ur de l’islam qui est en
jeu.
Plus que la politique étrangère des Etats-Unis, voire de l’Europe, c’est l’absence de liberté qui
a conduit le monde musulman à sa crise actuelle. Absence de liberté politique, absence de
liberté économique et absence de liberté intellectuelle sont un moteur de frustration pour les
peuples musulmans qui trouvent dans l’islam militant une autre voie pour expliquer le monde
actuel et mettre en place par la force une utopie meurtrière. Les musulmans progressistes ont
compris cet état de fait depuis longtemps déjà, les Etats-Unis en prennent conscience
également. L’Europe quant à elle n’a pas encore franchi ce pas. L’urgence est pourtant
évidente…
A l’Occident de favoriser les mouvements progressistes musulmans pour que l’islam militant
soit vaincu et que surgisse un islam moderne. Et si nous n’y arrivons pas ? Et si la
sécularisation de l’islam ne devient pas une réalité ? Et si la liberté ne s’étend pas dans le
monde ? Et si l’Europe continue son chemin de dhimmitude ?
Les scénarios sont ouverts. Le rapport du National Intelligence Council, organisme consultatif
formé d’agents de renseignement et de militaires, a effectué des analyses prospectives sur ce
que serait le monde en 2020221. Emergence de la Chine et de l’Inde, mutation d’Al-Qaïda en
plusieurs groupes islamistes ralliant pas la même les groupes ethniques et nationaux différents
pour réaliser une entité transnationale, insécurité omniprésente, tels sont les principaux traits
des années à venir. Une guerre totale est, selon ce rapport, très improbable. Toutefois,
l’émergence d’une alliance entre la Russie, la Chine et le monde musulman est envisageable
et pourrait conduire à des tensions importantes, notamment lorsque l’Iran officialisera son
arme nucléaire. C’est ce qui explique le rapprochement, début 2006, des Etats-Unis avec
220
221
Guy Millière, op.cit.
« Le rapport de la CIA, comment sera le monde en 2020 », Robert Laffont, 2005.
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107
l’Inde, puissance nucléaire, qui permettrait de faire contrepoids face à cette nouvelle alliance.
Eu égard à la volonté de puissance régionale de l’Iran, des conflits ne sont pas à exclure. Mais
il est en effet probable que cette alliance anti-occidentale préfère utiliser des moyens indirects,
comme un soutien accru aux acteurs du terrorisme, pour lutter contre les Etats-Unis et surtout
contre Israël (et dans une moindre mesure l’Europe qui pourrait se révéler un allié moins utile
que prévu), plutôt qu’une attaque frontale impliquant une guerre totale. L’évolution de la
région et notamment de l’Irak sera primordiale à cet égard.
D’autres scénarios semblent plus pertinents comme celui d’un califat mondial attisant la haine
anti-occidentale et les politiques identitaires ou bien celui d’une évolution vers une société
fondée sur la peur d’attaques terroristes à grande échelle. Bien entendu, ces scénarios peuvent
s’entremêlés. Rien n’est écrit, rien n’est inéluctable, d’où la nécessité de prendre conscience
dès à présent des dangers qui guettent l’Occident.
Une hypothèse, celle d’un califat mondial, où l’Europe, voire les Etats-Unis auraient perdu
peu à peu leur identité occidentale, où l’islam militant aura gagné sa guerre, n’est pas une vu
de l’esprit. Le journaliste Guillaume Dasquié, qui a enquêté sur Al-Qaïda pendant de
nombreuses années, qui a su si bien mettre en évidence à la fois le fanatisme de nos
adversaires mais également l’endormissement occidental face à ce nouveau totalitarisme, écrit
de façon lucide et même poétique ce qu’il pourrait advenir de l’Occident :
« Je ne nourris plus le moindre espoir sur la capacité de nos sociétés à absorber cette onde
de choc ; encore moins sur l’efficacité de nos institutions judiciaires dans la lutte contre le
terrorisme islamiste. C’est aussi pour cela qu’ils nous vaincront, par forfait de ce
redoutable ennemi que nous devrions être pour eux, incapables d’opposer nos idées aux
leurs, effondrés sur nos propres genoux, affaissés avance même le début du combat. Nous
sautillons et nos poings gesticulent dans le vide, pour sauver les apparences, sans nous
confronter réellement, sans nous battre jusqu’à tomber d’épuisement, dégoulinants de
sueur, tapissés de bleus »222.
Le plus vraisemblable donc reste une érosion lente des valeurs occidentales, un lent suicide
parsemé de guerres civiles. A partir du moment où l’on ne croit plus à nos propres valeurs et
que l’on est incapable de les défendre face à nos ennemis, il y a bien peu de chances de
vaincre un ennemi qui, non seulement croit au sienne, mais les propage bien plus sûrement
que nous. André Glucksmann nous le rappelle : « La civilisation est un pari. Double. Contre
ce qui la nie et la menace d’annihilation. Contre elle­même, trop souvent complice passive ou
aventuriste de sa disparition »223. L’Europe nous le démontre chaque jour un peu plus…
222
223
Guillaume Dasquié, « Al-Qa’ida vaincra », Flammarion, 2005.
André Glucksman, « Ouest contre Ouest », Plon, 2003.
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108
Conclusion
Résumons la situation actuelle : les Etats-Unis, dont la suprématie n’a jamais été aussi
contestée, ont bouleversé le statu quo dans une région en proie à l’obscurantisme et la misère.
L’Europe, quant à elle, est à la traîne politiquement, militairement et diplomatiquement et ne
cesse de repousser son entrée dans l’Histoire en jouant le jeu des islamistes, celui d’une
scission de l’Occident.
Un nouveau totalitarisme a vu le jour, c’est un fait. L’actualité le démontre chaque jour plus
intensément. L’islam militant risque de déstabiliser non seulement l’Occident mais également
l’ensemble des pays musulmans par le biais d’un réflexe identitaire.
Les adeptes du « tout, tout de suite » risquent d’être déçus : la lutte contre l’islam militant
sera longue, très longue. Qu’ils n’espèrent pas obtenir des résultats concrets dans les quelques
années à venir. Il s’agit de modifier la vision du monde de certains illuminés, il s’agit
d’affronter la parole de Dieu. Ne pas comprendre cela leur fera prendre les mauvaises
décisions. Sharon n’est plus là, Bush achèvera son mandat présidentiel en 2008. Ceux qui
voient dans Israël et dans les Etats-Unis de Bush les véritables responsables du désordre
international actuel devront donc trouver d’autres boucs émissaires. Car les tenants de l’islam
militant n’en resteront pas là. Ils ont intégré une notion oubliée par les occidentaux, trop surs
d’eux et de leur acquis, celle de patience.
Mais il est un danger plus sournois que les attaques directes des islamistes, moins visible que
des attentats terroristes qui menacent l’Occident. Ce danger est représenté par l’émergence
d’un axe rouge-vert-brun au sein même de notre civilisation dont le trait commun est un haine
anti-occidentale sans précédent. Cet axe, qui sape peu à peu les fondements politiques et
intellectuels de l’Occident, est constitué d’intellectuels et de politiciens qui chaque jour
vomissent sur nos valeurs, qui attisent la haine envers les américains et les juifs en propageant
leurs mensonges les plus éhontés. Cette convergence des totalitarismes, notamment fondée sur
le relativisme, le tiers-mondisme et le déconstructionnisme tend à insinuer l’idée qu’en raison
des erreurs de notre civilisation (les deux premiers totalitarismes en sont malheureusement
une preuve), la solution consisterait à renier totalement nos principes. Mieux vaut notre
civilisation détruite entièrement ou remplacée plutôt que de devoir supporter le poids de ses
fautes passées. Ce sont eux qui risquent de faire tomber l’Occident, Europe en tête, par leur
nihilisme destructeur. Ceux-là même qui ressassent toujours les mêmes reproches : celui d’un
Occident esclavagiste, oubliant que l’Islam a été bien plus virulent sur ce point que notre
civilisation qui a été la première à l’abolir alors même que de nos jours, en terre d’islam
l’esclavage perdure . Celui d’un Occident conquérant oubliant que la majorité des
civilisations, y compris l’Islam, ont conquis leurs territoires par la violence. Les européens
l’ont oublié, pas les tenants de l’islam militant.
Alors, lorsque l’on ressasse l’histoire de façon partielle et biaisée, la haine de notre
civilisation fait son chemin donnant tout son sens à la citation de Sartre : « Abattre un
européen, c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un
opprimé ; restent un homme mort et un homme libre ». Le totalitarisme vert se nourrit de cette
haine de soi de l’Occident et se délecte du lent suicide de l’Europe.
Face à ces fossoyeurs, il convient de résister afin de ne pas leur laisser l’apanage de la vérité.
Tout amoureux de la liberté se doit de rappeler que nous sommes les héritiers de la pensée
philosophique gréco-romaine, de l’éthique biblique, de l’invention de la Cité, du droit, des
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109
libertés individuelles, de l’humanisme ou encore de l’argumentation rationnelle. Tout
amoureux de la liberté doit rappeler à ses ennemis que l’Occident, malgré ses imperfections
qu’elle ne cesse de corriger avec le temps, reste et restera probablement pendant encore
longtemps la civilisation la plus respectueuse de la dignité humaine, la plus soucieuse de
l’égalité entre l’homme et la femme et la plus tolérante vis-à-vis des différentes croyances de
ses populations. Puissent les générations futures s’en souvenir.
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110
Bibliographie
Le lecteur trouvera ci-dessous une sélection d’ouvrages qui ont guidé notre réflexion pour cet
essai, et ce, bien que nous ne partagions pas les thèses de certains auteurs.
*********
Ouvrage collectif, 11 septembre, Rapport de la Commission d’enquête, Editions des
Equateurs, 2004
Ouvrage collectif, Le rapport de la CIA, comment sera le monde en 2020, Robert Laffont,
2005
Ouvrage collectif, Le livre noir de Saddam Hussein, Oh ! Editions, 2005
Ouvrage collectif, Irak, An I, un autre regard sur un monde en guerre, Editions du Rocher,
2004
Ouvrage collectif, Les territoires perdus de la République, Antisémitisme, racisme et sexisme
en milieu scolaire, Mille et une nuits, 2002
Le Coran, GF Flammarion, 1970
************
Alexandre Adler, J’ai vu finir le monde ancien, Grasset, 2002 ; L’odyssée américaine,
Grasset, 2004
M. Alcader, Le vrai visage de l’islam, Kyrollos, 2004
Jeanne Assouly, Irak, la vérité, éditions Télémaque, 2006
Bat Ye’Or, Juifs et Chrétiens sous l’islam, Berg International, 1994
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armements, attentats, les scénarios de demain, JC Lattès, 2002
Soheib Bencheikh, Mariane et le Prophète, l’Islam dans la France laïque, Grasset, 1998
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islamiste : les vrais risques pour l’Hexagone, Ramsay, 2005
Sylvain Besson, La conquête de l’Occident : le projet secret des islamistes, Seuil, 2005
Guillaume Bigot, Le zombie et le fanatique, Flammarion, 2002
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Toute reproduction interdite sauf accord préalable de l’auteur
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Richard Clarke, Contre tous les ennemis, édition Albin Michel, 2004
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mensonge, thèse et foutaises sur les attentats du 11 septembre, La Découverte, 2002
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