le compte rendu de l`édition 2007 - Bibliothèques de l`Université d

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le compte rendu de l`édition 2007 - Bibliothèques de l`Université d
Service commun de la documentation de l’Université d’Artois
Lecture étudiante : le Prix du Premier Roman 2007
de l'Université d'Artois
Selon le constat de Christine GOMEZ (Livre Hebdo n° 652, juin 2006) « les jeunes
romanciers de cette rentrée se détachent de leur propre histoire pour revenir à la
fiction pure, souvent inspirée de faits divers et d'actualités ». Globalement la
production de premiers romans reste stable avec 97 titres en cette rentrée 2007.
Les auteurs excitent la curiosité de leurs lecteurs et ne ménagent pas leurs
personnages, qui sont souvent gravement perturbés.
Cet état de perturbation se retrouve assurément chez les héros de Nicolas
BEAUJON dans Le Patrimoine de l'humanité, sélectionné par le jury d'étudiants pour
le 14ème Prix du Premier roman de l'Université d'Artois, « car si la noble
profession de gardien de musée ressemble au tableau qu'en dresse l'auteur,
l'humanité a tout à craindre pour son patrimoine » (réflexion d'une étudiante de
lettres).
Le jury était composé cette année de 67 étudiants émanant de tous les pôles
de l'Université d'Artois, qui se sont attachés à lire et à analyser les 97 titres de
cette rentrée.
◊
De nombreux critiques ont apprécié l'humour et la légèreté du texte de Nicolas
BEAUJON, tel ce lecteur étudiant de littérature :
« Je fus plus qu'agréablement surpris à la lecture de cet ouvrage, qui se lit
facilement. L'histoire est prenante et passionnante et on s'imagine très bien le lieu
de l'action, un musée parisien comme le Louvre ».
Ecoutons en écho le jugement de cette étudiante en master 2 :
« J'ai trouvé le Patrimoine de l'humanité drôle et loufoque. Il relate le
parcours d'un gardien de musée ou "agent de contact" de manière très amusante et
décalée. Il s'agit de faire sourire le lecteur en mettant en scène des situations
invraisemblables. Cela n'empêche pas l'auteur d'aborder en filigrane des sujets
graves, tels que la drogue ou le vol... J'ai apprécié ce livre autant pour le fond que
pour la forme, qui sont tous deux très originaux ».
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C'est
bien
la fantaisie du texte qui a aussi séduit cette jeune critique,
historienne : « Cette histoire "d'agent de contact" m'a surprise par son originalité et
m'a poussée à la lecture, ce roman n'étant pas trop "intellectuel". J'ai bien aimé le
personnage, son humour, sa dérision. L'auteur a su donner au narrateur une ironie
mordante, mise en relief par de nombreuses métaphores ».
◊
Des violences de la banlieue à un univers plus luxueux, les critiques ont distingué
quelques romans comme L'Illusionniste de Virginie CADY. La narratrice s'adresse à
la femme de son amant en lui retraçant sa vie amoureuse avec cet homme, entre
séduction, douleur et espérance.
Voici le témoignage d'une jeune lectrice :
« Un livre qui m'a particulièrement "accrochée". Je ne voulais pas le rendre avant
de l'avoir terminé. La narratrice nous emmène dans une histoire qui tout d'abord ne
semble être fondée que sur le sexe, puis le scénario bascule vers un ton beaucoup
plus dramatique, et l'on suit les angoisses d'une jeune femme tiraillée entre son
amant et son désir de devenir mère.
J'ai aussi beaucoup apprécié le style d'écriture : le choix des phrases
courtes, assez judicieux dans ce genre de récit, car elles expriment bien les
sentiments de l'héroïne, l'angoisse en particulier. La fin m'a bouleversée ».
Une autre étudiante de lettres confirme :
« Virginie CADY m'a beaucoup émue à travers L'Illusionniste. Si je devais choisir un
livre parmi tous, ce serait celui-là. Tout est dit avec vérité, réalité. Pour moi, c'est
au-delà des mots ; j'ai vraiment eu un coup de cœur ».
Certains romans ont été diversement interprétés, entre plaisir et rejet, tel
Kostas et Djamila, d'Isabelle PANDAZOPOULOS. Une étudiante de lettres affirme :
« Je n'ai pas aimé la lecture du roman de cet auteur. J'ai trouvé le livre peu
intéressant. L'histoire est banale, les personnages révèlent peu d'épaisseur, de
profondeur. L'écriture est simple, sans recherche stylistique ; en lisant ce livre on a
une sensation de "déjà vu" ».
A l'opposé de ce jugement une historienne s'enchante :
« C'est de loin mon "coup de cœur". L'écriture de l'auteur m'a charmée ; poétique,
elle touche aux émotions du lecteur. On entre dans la tête de Kostas, ancien
cordonnier, silencieux. Une histoire singulière, une rencontre où l'auteur a su placer
sa sensibilité ».
Le récit de Laurence GRANET Charlotte et la pourriture noble a suscité de
nombreuses discussions, tant il est vrai qu'il a été diversement apprécié !
Une historienne met l'accent précisément sur son aspect historique, qu'elle a
trouvé particulièrement bienvenu :
« Le fait de juxtaposer deux événements historiques, l'Occupation et mai 68,
permet de comprendre les bouleversements qui ont pu affecter la société
durablement. A travers les yeux de Charlotte, on assiste à un changement de
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société qui ne concerne pas seulement la jeunesse, mais les générations
précédentes. Laurence GRANET parvient donc, dans cet ouvrage, à dresser deux
panneaux historiques. Mais au-delà de cette dimension, l'auteur nous raconte aussi
la vie d'une jeune fille sur le chemin de la maturité.
Ce livre, tout en offrant une lecture plaisante, permet de connaître la vision
d'un monde en plein bouleversement en alliant gravité et légèreté ».
En contrepoint cet étudiant n'a retenu de l'histoire que son côté touffu et
difficile à lire :
« Je suis persuadé que l'auteur a écrit la même thèse qu'entreprend Charlotte à la
page 294, et que le roman est issu de ce travail académique, d'où son manque de
vie. Une lecture dissonante en résulte ».
Les critiques ont aussi rencontré des récits mal écrits, qui se veulent « à la
mode ». C'est ce que relève avec beaucoup de force une étudiante en littérature : «
Je n'ai pas aimé l'ouvrage de Grégoire HERVIER Scream test. Le thème choisi
reprend la vogue de la télé-réalité, alliant internet à la violence. Loin du roman
d'anticipation de Georges ORWELL 1984, Scream test offre juste le constat de ce
que peut produire de plus horrible la société assoiffée de "gloire" ».
Ou bien encore, comme le note cette étudiante :
« Il s'agit dans ce roman, qui n'en est pas un, d'un saupoudrage à effet
marketing : un peu de suspens, d'appel aux bons sentiments et de cruauté. Sous
prétexte de dénoncer, il existe en fait beaucoup de complaisance, et il se dégage du
texte une vraie nocivité ».
Des thèmes récurrents comme les problèmes des banlieues se retrouvent
avec plus ou moins de bonheur dans les récits analysés par le jury.
Le jugement des étudiants est contrasté tout particulièrement pour Azima la
Rouge d'Aymeric PATRICOT (un étudiant de lettres) :
« Que dire de ce livre ? Je ne l'ai pas vraiment apprécié. Je me suis dit "Encore une
chronique sur la vie de la cité". Cela m'a tout de suite fait penser à Kiffe Kiffe
demain de Faïza GUENE, mais heureusement celui-ci est moins caricatural. Mais là
encore une vision négative, sale, de la banlieue. La fin m'a vraiment révolté : je
l'ai trouvée absurde ».
Cet autre étudiant déclare : « C'est un roman que j'ai lu avec une certaine
avidité : le côté "reportage" m'a passionné. La construction du livre donne à voir
plusieurs aspects de la personnalité d'Azima, de façon très vivante ».
Certains auteurs ont su écrire les mots qui atteignent véritablement leur
lectorat ; j'en veux pour preuve ce témoignage d'une jeune critique littéraire :
« Le livre de Stéphanie MARCIE
Prendre Bianca par la main se révèle
particulièrement poignant. L'écriture sensible de cet auteur m'a beaucoup touchée.
Ce genre de lecture, à mon sens, nous a fait grandir. On ne peut s'empêcher
d'éprouver de la compassion pour les personnages, tant leur destin est tourmenté
».
Le jury constate, comme chaque année, un nombre très important de
romans bâclés, mal construits, sans style et qui le laisse presque indifférent,
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comme le souligne cette étudiante :
« Fabienne SWINTLY, avec Gagner sa vie, a écrit un petit livre qui se lit
facilement, mais avec un peu trop d'indifférence. Ce qui est gênant, c'est que
l'héroïne de ce récit ne fait transparaître aucune émotion, aucun sentiment, d'où
mon indifférence. Le lecteur a du mal à se sentir touché par cette œuvre, car la
narratrice elle-même ne fait qu'une énumération de lieux ».
D'autres
récits
sont
repérés
par
les
critiques
comme
prétentieux,
faussement « intellectuels ». Une critique démonte ainsi le livre de Laurent LE CAM
La Théorie des dominos :
« La lecture m'a semblé longue, peu passionnante : l'auteur utilise des
citations de Flaubert, dont le portrait figure sur la couverture, comme une caution,
sans lien avec le récit ».
◊
Les critiques mettent l'accent sur la variété de thèmes abordés, même si ces
premiers romans dégagent, dans leur ensemble, une atmosphère plutôt sombre. Ils
constatent un peu partout dans ces récits, en toile de fond, une intrigue empruntée
aux romans policiers de même qu'une violence, entre fuite, errance et passage à
l'acte. Ils ont mis en exergue quelques romans de cette veine comme Corpus
Christine de Max MONNEHAY qui décrit le quotidien d'un homme séquestré par sa
femme, ou bien Matachine de Maurice BARON : pris de folie, un homme égorge
soudainement une passante dans un métro et se retrouve en prison.
Les étudiants sont frappés, au fil de ces histoires, par le nombre de
personnages qui se cherchent dans une sombre errance. Ainsi Marie FERRAN avec
La Terrasse livre un roman qui décrit l'égarement d'un homme après la mort de son
enfant, qui essaie de donner un sens à sa vie. Voici ce que pense une étudiante de
lettres :
« Ce livre est particulièrement poignant, car il soulève la question de
comment survivre après la mort accidentelle de son enfant et le poids de culpabilité
qu'il faut alors supporter. Marie FERRAN nous offre une leçon de vie, une réflexion
sur le sens de l'existence, avec beaucoup de tact et de maturité. Elle nous invite à
réfléchir sur la perte d'un être cher et sur le sentiment d'impuissance face à la mort
».
Les critiques ont salué un roman « écologique » avec le récit de Bruno
PACHENT Exil, parole de carpe : voici ce qu'en dit une littéraire de 3e année :
« Le livre présente un sujet singulier, voire farfelu, dans la mesure où
l'auteur imagine des pérégrinations d'une carpe qui souhaite se rapprocher du
monde des hommes. L'auteur effectue une réflexion sur le mutisme, sur un monde
voué au silence. C'est aussi une ouverture, une invitation aux humains à prendre
davantage conscience de l'existence d'une vie, d'un environnement et de sa
fragilité. Et c'est sûr qu'à la suite de la lecture de cette histoire, se profileront dans
nos comportements des actes écologiques. Si c'était l'objectif de l'écrivain, il a
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réussi son pari ».
Les lecteurs dénoncent aussi des thématiques à la mode, comme des «
passages obligés », mais qui n'ont pas de fondement réel : pour beaucoup d'entre
eux, Bernard SOUVIRAA est tombé dans le piège avec L'Œil du maître :
« Le thème de l'homosexualité naissante chez ce jeune n'est traité que sur le
mode de la sexualité et il donne l'impression de n'être utilisé que parce qu'il s'agit
d'un sujet à la mode ».
C'est aussi le cas de Julia BLANCHARD avec VIP Attitude, qui a suscité de
nombreux reproches. Ecoutons cette étudiante de lettres :
« J'ai trouvé ce roman très ennuyeux et sans originalité. On a l'impression
de lire un scénario de série télé, qui en outre, existe déjà ! Mélange entre "Sex and
the City", version "jeunes adolescents" à qui tout semble déjà acquis, et "Bridget
Jones" sans humour ! ».
Un historien vient conforter ce jugement :
« Hélas ! Quarante pages d'une histoire sotte et souvent de mauvais goût
m'ont navré au point que je n'ai pu continuer ».
Deux ouvrages ont été repérés par le jury en raison de leur caractère «
universel » et de leur style recherché. Voici l'analyse d'une étudiante de langues
sur Pertes humaines de Marc MOLK :
« J'ai beaucoup apprécié ce livre, que, pour preuve, j'ai lu d'une traite ! Le
sujet abordé, les pertes, m'a semblé intéressant et universel. L'ouvrage est, par
ailleurs, écrit avec beaucoup de naturel, de sensibilité, d'intimité. Il est agréable à
lire. La forme fragmentaire, outre son originalité, permet des pauses. La plume de
l'auteur va droit aux sens, mais se révèle aussi métaphysique et poétique ».
Une critique littéraire confie à propos de Les Pieds blancs de Houda ROUANE
:
« J'ai aimé ce roman qui exprime avec beaucoup de simplicité et de sincérité
sa vie quotidienne, qu'elle parvient à rendre intéressante par les réflexions sur
l'éducation, la religion musulmane, la famille, l"amour, qui ponctuent son récit. Elle
aborde ces thèmes avec un regard ironique qui nous amène à sourire de nos
propres travers. Ce livre m'a permis de comprendre beaucoup de choses sur moimême, mais aussi sur les autres personnes qui m'entourent ».
◊
Nous constatons que la fréquentation étudiante à cette activité littéraire demeure
stable, qu'elle implique désormais tous les pôles de l'Université d'Artois, et que
même si le lectorat se montre essentiellement féminin, les étudiants n'en sont pas
absents.
Comme chaque année, le jury s'efforce de mettre en lumière des textes
exigeants, qui frappent par leur singularité, tout en privilégiant l'originalité de la
langue. Il est clair que, dans ce travail d'analyse, les critiques doivent écarter de
très nombreux textes se révélant plutôt des confessions « brutes » que des récits
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travaillés.
Les
participants
à
ce
jury
se
montrent
toujours
des
lecteurs
enthousiastes, heureux de découvrir de vrais talents, dans un contexte d'échange
et de questionnement.
En effet, selon le constat de Marie-Odile ANDRE et de Johan FAERBER dans
Premiers romans 1945-2003 :
« Le suspens lié à la parution d'un premier roman favorise chez nombre de
critiques le jeu des supputations : le petit écrivain deviendra-t-il grand ? L'écrivain
— au sens classificatoire de celui qui a pour qualité d'écrire — deviendra-t-il
"écrivain" — au sens axiologique, cette fois, de celui qui écrit des choses de qualité
?
Mais la sérénité n'est jamais complète car tout conte de fées a sa
part d'ombre. Et si ce premier roman n'était qu'un coup d'éclat sans lendemain, un
coup de chance ? ».
Il semble que, jusqu'alors, les étudiants du Prix du Premier Roman de
l'Université d'Artois aient su « débusquer » des écrivains au sens plein du terme. Il
nous est en effet apparu, lors de la Journée d'étude "Les étudiants et la littérature
contemporaine" (Arras, février 2007) que les lauréats avaient su, pour la plupart,
tracer un vrai chemin personnel au sein de cette littérature.
Lise BOIS
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MEMENTO :
LAUREATS DU PRIX DEPUIS SA CREATION
1.
- Christophe BATAILLE "Annam" (1994).
2.
- Eric-Emmanuel SCHMITT "La secte des égoïstes" (1995).
3.
- Béatrice HAMMER "La Princesse japonaise" (1996).
4.
- Stéphanie JANICOT "Les Matriochkas" (Zulma, 1997).
5.
- Samuel SANDRE "Une leçon de ténèbres" (L'esprit des Péninsules, 1998).
6.
- Marc DUGAIN "La chambre des officiers" (J.C. Lattès, 1999).
7.
- Marie-Hélène CONGOURDEAU "Le silence du roi David" (Presses de la Renaissance,
2000).
8.
- Muriel BARBERY "Une gourmandise" (Gallimard, 2001).
9.
- Anne-Sophie BRASME "Respire" (Fayard, 2002).
10. - Valentine GOBY "La note sensible" (Gallimard, 2003).
11. - Renaud MEYER "Les deux morts d'Hannah K." (Pauvert, 2004).
12. - Eric NATAF "Autobiographie d'un virus" (Odile Jacob, 2005).
13. - Sorj CHALANDON "Le petit Bonzi" (Grasset, 2006).
14. - Nicolas BEAUJON "Le Patrimoine de l'humanité" (Le Dilettante, 2007).
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