Approche médicale de l`hormono-résistance
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Approche médicale de l`hormono-résistance
APPROCHE MEDICALE DE L'HORMONO-RESISTANCE Bernard Malavaud Hôpital de Rangueil Service d'Urologie et Transplantation Rénale 1, avenue Jean-Poulhès 31403 Toulouse Cedex 4 [email protected] I) Définition de l'Hormono-résistance Depuis les travaux d'Huggins, on connaît à la fois la sensibilité de l'adénocarcinome prostatique à divers types de manipulations hormonales et le caractère transitoire de cette sensibilité(1, 2). Ainsi définie, l'hormono-résistance se caractérise par l'élévation de l'antigène spécifique de la prostate (APS), précédant en moyenne de six mois l'apparition des signes cliniques témoignant de l'évolutivité tumorale locale et générale. L'évolution se fait alors de manière constante vers le décès après une médiane de survie de l'ordre de l'année (3). Nous disposons de moyens efficaces pour préserver chez nos patients et leurs proches une qualité de vie acceptable alors que diverses innovations thérapeutiques laissent espérer un gain de survie (4, 5). Après avoir décrit les moyens d'évaluation initiale de la maladie métastatique nous insisterons sur le traitement de la douleur, signe constant de l'évolution métastatique. Seront ensuite abordées, les molécules dont l'usage est validé en France et qui fondent le renouveau d'intérêt pour les approches chimiothérapeutiques ou les manipulations hormonales. Dans la mesure où les indications théoriques des différents moyens de traitement se recoupent très largement un schéma récapitulatif est proposé avec pour seul objectif d’illustrer que le traitement des formes hormono-résistantes ne se résume pas au « cocktail automatique » Taxotère° Zométa°. II) Evaluation initiale et Facteurs Pronostiques L'importance pronostique de la masse tumorale métastatique ("tumor burden"), est une donnée presque constante en cancérologie générale et l'adénocarcinome prostatique n'échappe pas à cette règle, tant aux stades initiaux d'hormonosensibilité (6)qu'après échec des traitements à visée hormonale. Divers travaux ont ainsi mis en évidence l'impact de l'état général et de la masse tumorale métastatique évaluée selon des critères biologiques ou morphologiques(7). Dans la mesure où ces différents critères explorent différentes facettes d'un même élément - la masse métastatique - la méthodologie d'analyse doit tenir compte d'éventuelles relations fortes entre chacun des paramètres en associant analyses univariées et multivariées. Sabbatini et al. ont ainsi montré en analyse multivariée l'importance et la relative indépendance de l'age, du taux d'hémoglobine, des valeurs des lactico-dehydrogénase, et de la diffusion métastatique estimée par scintigraphie osseuse. Il est à noter que des valeurs élevées de l'APS, clairement identifiées comme étant de mauvais pronostic en analyse univariée, n'étaient plus associées à une diminution de la survie quand on tenait compte des éléments précédents par analyse multivariée (3). Plus récemment l'équipe du Radium Hospital d'Oslo a montré l'influence des caractéristiques de la tumeur primitive sur la survie. Ainsi, un faible marquage de la tumeur primitive pour l'antigène Ki-167 (faible prolifération cellulaire) ou pour p53 (maintien de la fonction de régulation du cycle cellulaire de la protéine p53 normale) étaient-ils associés à une meilleure survie, de même d'ailleurs qu'un nombre limité (<10) de métastases(8). L'évaluation initiale des patients aura donc pour objectif d'estimer le retentissement général de la masse métastatique pour mieux préciser la durée de survie. Par exemple dans l'étude déjà citée de Sabbatini, des médianes de survie de 10 et de 19 mois étaient observées selon que l'hémoglobine circulante était inférieure ou non à un seuil de 13 g/dL. On devra de plus tenir compte de ces facteurs pronostiques (stratification) dans l'évaluation de l'efficacité de tout traitement chimiothérapique ou radiothérapique dont l'objectif serait d'améliorer la survie. Rappelons enfin qu’une étude française a simplifié la quantification scintigraphique de la masse métastatique en montrant que l’existence lors de la mise en œuvre du traitement hormonal de métastases en dehors de l’axe médian (crâne, axe rachidien, bassin) était un critère simple mais puissant permettant de séparer deux groupes de médianes de survie différentes (29 mois en cas de métastase non axiale (cote, os longs) contre 53 mois pour les lésions axiales exclusives)(9). La réalisation d'un bilan biologique simple (Hémoglobine, LDH) et d'une scintigraphie osseuse semble ainsi actuellement suffisante, pour estimer le pronostic de manière valide, alors que de plus en plus d’outils prédictifs sont proposés en situation d’hormonodépendance ou d’hormonorésistance (10). Il faut enfin confirmer le caractère optimal du traitement hormonal et la présence de taux de castrats de testostérone plasmatique. Dans les formes métastatiques du cancer de la prostate, l'utilisation en monothérapie d'analogues de la LH-RH, voire d'anti-androgènes est fréquente et l'élévation sous traitement de l'APS doit faire compléter le traitement hormonal sous la forme d'un blocage androgénique complet. Si des traitements agissant par l'intermédiaire du récepteur aux androgènes sont associés à un traitement par analogue de la LH-RH ou à une castration chirurgicale et que l'on observe des signes objectifs de progression, ils devront être impérativement interrompus(11). On sait en effet que ce retrait peut améliorer les signes cliniques métastatiques et entraîner une diminution transitoire (durée médiane de réponse 3-5 mois) de l'APS, comme observé d'abord avec le flutamide (11)("Flutamide withdrawal syndrome", Eulexine°) puis élargi à d'autres principes comme le bicalutamide (Casodex°) les oestrogènes ou les dérivés de l'acide rétinoïque (12). Ces observations faisant naître de nombreux espoirs quant au caractère partiellement réversible de l'"hormono-résistance". III) Prise en charge médicale Prévenir et traiter la douleur, maintenir une qualité de vie acceptable pour le patient et ses proches sont les objectifs principaux de la prise en charge du patient métastatique (13, 14). Il faut en rappeler le poids économique car on estime à 7000 € les dépenses induites par la douleur et la prise en charge des évènements osseux dans les 24 derniers mois de vie des formes métastatiques du cancer de prostate (15). III-A: Traitement de la douleur Traitement antalgique classique On estime que dans 30 à 80 % des douleurs métastatiques le traitement antalgique est insuffisant alors que des moyens thérapeutiques sont disponibles et que les conditions de leur usage ont été clairement définies tant par l'Organisation Mondiale de la Santé que par l'ANDEM en France, ces recommandations sont accessibles sur le réseau électronique. http://www.med.univrennes.1/uv/snfcp/pratique/recommandations/recommandations-douleurcancer.htm), les lignes suivantes en présentent les points essentiels. Signalons enfin l'existence d'un réseau national de référents en traitements antalgiques avec des consultations spécifiques multi-disciplinaires dans la plupart des Centres Hospitaliers Universitaires et les Centres de Lutte Contre le Cancer. Le traitement symptomatique des douleurs cancéreuses doit utiliser en priorité la voie orale, suivant trois paliers thérapeutiques successifs selon l'intensité de la douleur. Palier I: antalgiques non opioïdes (paracétamol, AINS), Palier II: antalgiques opioïdes faibles (Codéine, dextropropoxyphène) associés aux non-opioïdes (Codéine + paracétamol), Palier III: antalgiques opioïdes forts(agonistes morphiniques purs, partiels ou agonistesantagonistes). Lors du passage au palier III, la prescription d'antalgiques opioïdes forts doit tenir compte des doses d'antalgique opioïdes prescrites au palier II selon des coefficients de conversion approximatifs, repris dans les recommandations de l'ANDEM. La dose initiale habituelle est de 30 mg deux fois par jour de morphine orale à libération prolongée (sulfate de morphine LP, Moscontin° 10,30,60,100mg), l'efficacité sera évaluée quotidiennement et la dose adaptée par incréments de 50% de la doses précédente jusqu'à parfaite sédation. La prescription de laxatifs est obligatoire, les médicaments co-antalgiques comme les anti-inflammatoires ou les corticoïdes sont souvent utiles. L'examen clinique doit permettre de définir le mécanisme de la douleur et son étiologie, lesquels influent sur la sensibilité aux antalgiques et peuvent indiquer le recours à d'autres molécules. Les douleurs par excès de nociception sont les plus classiques, de rythmicité mécanique (augmentation à l'effort) ou inflammatoire (majoration nocturne) elles n'ont pas de topographie neurologique systématisée et l'examen neurologique en est normal. Ces douleurs sont en règle facilement prises en charge selon les trois paliers décrits. En revanche les douleurs secondaires à la lésion de structures nerveuses centrales ou périphériques, dites neurogènes ou par désafférentation sont souvent de sensibilité médiocre aux antalgiques. La sémiologie fonctionnelle en est très variable (brûlure, décharges, fourmillements) avec souvent une topographie compatible avec la systématisation neurologique et des signes d'hypo ou d'hyperesthésie dans les territoires concernés. L'application des trois paliers devra souvent être complétée par des traitements à visée neurologiques comme de faibles doses d' antidépresseurs tricycliques (sensations de brûlures ou de fourmillements; Laroxyl°) ou anti-épileptiques (décharges électriques, Tégrétol °, Rivotril°, Di-Hydan°, Depakine°). Par essence la douleur cancéreuse métastatique est évolutive dans son expression, et le traitement devra être réévalué à intervalles réguliers, le schéma thérapeutique s'enrichissant à mesure de l'évolution. C'est dire intérêt du recours à des consultations multidisciplinaires dès que l'on atteint des doses de l'ordre de 3-600 mg par jour de morphine orale, le relais peut alors être assuré par des dispositifs injectables, sous-cutanés ou rarement en cas de douleurs de l'hémi-corps inférieur par injections intrathécales. Enfin on ne doit pas négliger la lourde charge émotionnelle et physique que supporte l'environnement familial dont le soutien matériel (aide à domicile) ou médicamenteux (antidépresseurs) participe pleinement au traitement palliatif du cancéreux. Action directe par irradiation ou inhibition de la résorption osseuse On peut diminuer les stimulus nociceptifs originaires de l'os métastatique, soit en agissant directement sur les cellules tumorales qui s'y trouvent comme le réalise l'irradiation externe ou métabolique(16) soit en limitant la résorption ostéoclastique par l'utilisation de bisphosphonates (17). Irradiation externe et métabolique L’irradiation externe « classique » reste à ce jour un moyen essentiel dans le contrôle palliatif de la maladie métastatique douloureuse ou menaçante(17) tout particulièrement quand les métastases sont peu nombreuses. Pour notre part nous retenons la règle simple de proposer pour irradiation externe toute localisation unique au vu d’un excellent rapport bénéfice/risque. Les radio-isotopes, d'effet antalgique certain, sont d'une grande facilité d'utilisation sous couvert de l'accès à un centre de médecine nucléaire. L'injection doit cependant suivre la mise en œuvre d'un traitement antalgique classique et les indications doivent être discutées en cas d'antécédents récents de traitement myélotoxique (chimiothérapie, radiothérapie externe). Le Strontium 89 est un émetteur bêta à fort tropisme osseux, tout particulièrement au niveau des métastases ostéocondensantes, son utilisation est restreinte aux services de médecine nucléaire. Après injection intraveineuse (20 MBq/Kg) on observe de manière retardée (10 j) une réduction des douleurs chez plus d'un patient sur deux avec un arrêt de la prise d'antalgiques majeurs dans environ 30% des cas, l'association aux corticoïdes est systématique. L'effet est de longue durée, se maintenant en moyenne pendant 4 mois. Pour des raisons de myélotoxicité (thrombopénie modérée chez 30% des patients) le traitement ne peut être renouvelé avant 3 mois. Au vu du caractère retardé de l'effet antalgique et de la recrudescence initiale des douleurs signalée par une minorité des patients, il est essentiel d'assurer la sédation des douleurs par des antalgiques généraux avant l'injection de Strontium. Le Quadramet° est un composé original formé de la liaison d'un radio-isotope bêta et gama, le Samarium 153 sur un dérivé biphosphonate permettant la liaison du complexe sur l'hydroxyapatite osseux. La liaison est relativement spécifique du tissu osseux métastatique (concentration 5-6 fois supérieure aux concentrations au niveau de l'os sain) et la combinaison de deux types d'émission isotopique permet d'assurer à la fois l'effet antalgique (émission bêta) et d'en définir la localisation (émission gamma). L'effet antalgique et les effets secondaires sont comparables à ceux du Strontium 89(18). La place des Bisphosphonates La stimulation de la résorption osseuse par les ostéoclastes est constante au niveau des métastases osseuses(19), même celles radio-condensante comme dans l'adénocarcinome prostatique. L'utilisation systémique de bisphosphonates a d’abord été autorisée (2001) dans le traitement des hypercalcémies malignes (calcémie >3 mmol/l). De manière parallèle, les premières preuves de leur intérêt antalgique ont été obtenues avec des agents de la classe des « non-amino bisphosphonates », comme le Clodronate dont l’avantage était après un traitement d’induction par voie IV(300 mg/j pendant 5 jours) la facilité du traitement d’entretien par voie orale(20). Le Zolédronate, molécule de troisième génération de la famille des amino-bisphosphonates dont le mode d’action original (inhibition de la prénylation) améliore de manière considérable (x100-1000) l’efficacité anti-ostéoclastique in vitro et en clinique. En effet dans le cancer de prostate métastatique par rapport au placebo, la prise de 15 mois de Zometa° (4mg toutes les 3 semaines pendant 15 mois) réduit de manière certaine mais modeste le nombre de complications osseuses (hypercalcémie exclue, 33% contre 44%) et en retarde surtout l’apparition (délai médian 421 j contre 321 j) (21) Selon la commission de transparence (5/2/2003) l’acide Zolédronique (Zometa°) peut ainsi être prescrit « dans la prévention des complications osseuses – fractures pathologiques, compression médullaire, irradiation ou chirurgie osseuse, hypercalcémie induite par des tumeurs – chez des patients atteints de pathologie maligne à un stade avancé avec atteinte osseuse ». Un essai piloté par l’Association Européenne d’Urologie (étude ZEUS) en étudie l’intérêt chez le patient non métastatique (http://www.trialregister.nl). La prescription de Zometa° se fait à la dose de 4mg par perfusion de 15 minutes toutes les 3-4 semaines habituellement en association à la prise orale de Vitamine D3 et de calcium pendant un nombre très variable de cycles selon les protocoles ou articles (toutes les 3 semaines pendant 15 mois selon Saad, tous les 3 mois pendant 48 mois dans le protocole ZEUS). Plusieurs éléments restent à clarifier dans l’utilisation de routine tout particulièrement la fréquence des injections, la durée ou le nombre total d’injections nécessaires, l’intérêt d’adapter la séquence thérapeutique au stade clinique, voire aux marqueurs sous traitement du métabolisme osseux (17). Il est obligatoire de vérifier la fonction rénale avant chaque cycle et prudent de retarder le traitement si des soins dentaires sont prévus (risque d’ostéonécrose de la mâchoire majoré par le prescription concomitante de corticoïdes). Les effets secondaires doivent être connus car ils ne sont pas rares, comme la recrudescence initiale des douleurs osseuses, un syndrome pseudo-grippal avec parfois fièvre, nausées, myalgies et céphalées. Les bisphosphonates présentent un autre intérêt théorique qui est de prévenir ou de corriger la diminution de densité osseuse observée sous traitement hormonal. L’effondrement des taux circulants de testostérone et l’absence de conversion périphérique en oestrogènes induisent en effet une diminution rapide de la densité osseuse (# 10% en 1 an) avec une augmentation du risque de fracture vertébrale (+20%) et surtout du col du fémur (+80%) sous castration (22). Ce risque très significatif d’un point de vue statistique n’a pas de traduction évidente en pratique clinique. Cependant, par référence avec le traitement de l’ostéoporose féminine de physiopathologie comparable, il semble logique de surveiller la densité osseuse lors d’un traitement hormonal et en l’absence d’un recours de principe aux bisphosphonates d’insister sur l’intérêt d’un apport complémentaire de Vitamine D et de calcium et du maintien d’une activité physique régulière. Ainsi, l’utilisation des bisphosphonates tend à devenir un traitement de référence de l’os métastatique de par la prévention combinée de l’ostéoclastose maligne et de la perte de densité osseuse par castration (21). D'un point de vue physiopathologique la résorption osseuse favorise expérimentalement la dissémination des cellules tumorales (23) alors que les bisphosphonates ont une action inattendue sur l’angiogénèse (24) et que l'association d'un biphosphonates à une chimiothérapie générale(Taxane) en potentialise l'action antitumorale sur des métastases osseuses (25) rendant logique l’association Chimiothérapie-bisphosphonates (protocoles en cours disponibles sur http://www.ifpma.org/clinicaltrials.html). Enfin, d’autres voies pharmacologiques apparaissent, au premier rang desquelles les couples RANK/RANKligand/Ostéoprotégérine et Endotheline I et son récepteur (26) devraient très prochainement élargir nos possibilités d’action dans le volet osseux de la maladie métastatique prostatique (27). III-B: Traitements spécifiques Manipulations Hormonales Inhibition de la sécrétion d'androgènes surrénaliens Après castration médicale ou chirurgicale, il persiste moins de 10% d'androgénes circulants. Ceux-ci sont d'origine médullo-surrénalienne et il était autrefois d'usage de compléter la castration chirurgicale par une surrénalectomie bilatérale. Nous disposons actuellement de traitements médicaux à même de diminuer la synthèse surrénalienne d'androgènes "faibles " (androstenedione, dehydroepiandrosterone) comme l'aminoglutethamide, le ketoconazole et par rétrocontole négatif hypothalamique, comme de faibles doses de corticoïdes(28) Les effets secondaires de l'aminoglutethamide (hypotension orthostatique, ataxie, asthénie) en limitent l'utilisation. Les agents de la famille des imidazoles agissent en inhibant l'hydroxylation par la 17aHydroxylase de la progestérone et de la prégnénolone en androstenedione et DHEA. En association à de faibles doses d'hydrocortisone, ils peuvent entraîner une diminution transitoire de plus de 50% du PSA dans une majorité de patients témoignant de la persistance d'une relative hormonosensibilité, même dans les cas avancés considérés comme réfractaires à toute manipulation hormonale(29). Sous surveillance hépatique (toxicité immunoallargique), le kétoconazole (Nizoral°comprimés, 2-400mg lors des 3 repas) est habituellement bien toléré. Anti-Oestrogènes et Oestrogènes L'existence de récepteurs aux oestrogènes à la surface des cellules tumorales prostatiques a été rapportée. Le tamoxifène qui se lie au récepteur aux oestrogènes inhibe la sécrétion de certains facteurs de croissance induite par les oestrogènes (TGFb, EGF). L’effet de haute dose (200mg/m2) dans les formes hormonorésistantes a été rapporté mais mérite confirmation [49]. Depuis les premiers travaux du VACURG, le distilbene (Distibene Gerda, comprimés enrobés de 1mg) reste dans la mémoire de la communauté urologique. Chez des patients métastatiques avant traitement hormonal, 3 mg de DES étaient d’efficacité comparable au Zoladex (30) et supérieure à l’Estracyt°, en termes de réponse biologique, de survies spécifique et globale(31). En deuxième ligne hormonale, de faibles doses (1mg/j) entraînaient une réponse biologique chez un patient sur deux au prix d'un seul accident thrombotique(32), illustrant son effet pro-thrombogéne par diminution de l’antithrombine III (33). Cette bonne tolérance est retrouvée lors de l’association à la prise orale de cyclophosphamide et de prednisone sous couverture anticoagulante avec des résultats assez comparables à ceux obtenus avec le standard « taxotère 75 mg/m2 toutes les 3 semaines »(réponse biologique chez 40% des patients, survie médiane 16 mois(34). Enfin, la littérature nord-américaine est riche de plusieurs essais portant sur un extrait végétal de forte action phyto-estrogène (PC-SPES) avec dans le seul essai comparatif, une réponse biologique supérieure à celle du DES pendant de 2 à 4 mois chez un patient sur deux(35). Au total, on doit rester attentif quant à l’utilisation des oestrogènes, d’autant plus que de nouvelles voies galéniques comme les patchs dermiques ont des résultats prometteurs non seulement sur le contrôle tumoral mais aussi les fonctions cognitives et la restauration de la mémoire à court et moyen terme (36). Chimiothérapies Générales La récente démonstration que la survie des formes métastatiques pouvait être améliorée par chimiothérapie ne doit pas masquer le caractère encore perfectible de ce résultat tant en termes d’amplitude du gain de survie (2 mois) que de toxicité induite. D’où le grand nombre actuel d’essais utilisant autant les agents classiques que les traitements ciblés(37, 38). Chaque fois que possible la participation à des essais structurés doit être privilégiée, d’autant plus qu’ils ont été simplifiés par l’introduction de critères de forte résonance clinique comme la décroissance de l'APS (>50%)(39) dont on sait maintenant qu’elle est annonciatrice d’une meilleure survie (40) ou la diminution de la douleur en complément du suivi de cibles mesurables au niveau des tissus mous, situation très inconstante et de signification pronostique distincte de celle des métastases osseuses (41). Trois agents classiques – mitoxantrone, taxanes, phosphate d’estramustine- sont reconnus dans la pharmacopée française. Deux association à base de Docetaxel (tableau 1) en comparaison avec le standard Mitoxantrone + Prednisone ont montré non seulement l’amélioration de la qualité de vie des formes métastatiques mais aussi l’augmentation de la survie globale (+2 mois). Ce bénéfice a pour contrepartie l’accentuation de la gravité des effets secondaires avec pour l’association utilisant le phosphate d’estramustine une surmortalité toxique malgré l’utilisation systématique d’antivitamine K et d’antiagrégants plaquettaires. Estramustine L'Estracyt° ou phosphate d'estramustine est un composé original associant oestradiol et moutarde azotée. Il est actif par voie orale selon deux mécanismes principaux d'action sur les cellules tumorales prostatiques. L'action antimitotique s'exerce par liaison sur les protéines des microtubules, sur la tubuline et les proteines de la matrice nucléaire. Contrairement aux taxanes cette action sur les microtubules ne fait pas intervenir l'inactivation par phosphorylation de la protéine anti-apoptotique bcl-2 (42). Estramustine a de plus une action antiandrogène directe s'exerçant par l'intermédiaire du récepteur aux androgènes(42). De manière distincte des deux précédents mécanismes, elle inhiberait les processus de résistance multiple aux drogues cytotoxiques(43) rendant logique son utilisation en association avec d'autres drogues cytotoxiques comme l’illustre l’étude de Petrylak (5). Un autre essai s'est intéressé à l'association à un alcaloïde de la pervenche. Cette étude a montré que l'association Estramustine + Vinblastine améliorait de manière marginale mais significative la durée de l'intervalle avant progression avec de plus un effet de myéloprotection inattendu (44). Cette molécule utilisable par voie orale est d'utilisation très simple en pratique clinique (gélules de 140 mg, 2 gélules midi et soir à la fin des repas en association avec un anti-acide). Dans la mesure où la toxicité hématologique est modeste, on peut l'utiliser en monothérapie chez des patients ayant reçu au préalable diverses thérapeutiques aplasiantes. Elle peut ainsi constituer un traitement "compassionnel" de dernière ligne. L'association avec un traitement anticoagulant est recommandée du fait du haut risque thromboembolique chez des patients peu mobiles sous traitement oestrogène. Mitoxantrone La Mitoxantrone (Novantrone°) a reçu en 2000 une extension de son autorisation de mise sur le marché au traitement des patients symptomatiques en hormono-résistance en association à de faibles doses de Prednisone (Cortancyl°)(45). Cet agent appartient à la famille des inhibiteurs des topoisomerases II et limite la replication de l'ADN. D'autres actions par génération de radicaux libres, inhibition des microtubules ou action anti-angiogénique ont aussi été évoquées. Les travaux de Tannock ont montré que l'association Mitoxantrone + Prednisone s'accompagnait chez un patient sur trois d'une diminution de plus de 50% de l'APS avec réduction des douleurs métastatiques, l'efficacité sur la douleur se maintenant avec une médiane de 10 mois(45) .On note une amélioration globale de la qualité de vie et tout particulièrement des troubles de l'humeur, du sommeil et de l'appétit. Cependant 25% des patients environ se plaignent de pertes de cheveux, d'un goût déplaisant ou de troubles digestifs, sans que cela remette en cause l'amélioration objective des indices de qualité de vie. En pratique clinique, l'utilisation de doses conformes à l'AMM (12mg/m2, tous les 21j) est souvent bien tolérée, la toxicité la plus constante étant l'apparition d'une neutropénie dans environ 50% des patients, justifiant en cas d'association à une fièvre (<2% des cycles) la mise sous antibiotiques à large spectre. Taxanes La famille des Taxanes regroupe deux agents principaux le paclitaxel (Taxol°) alcaloïde naturel tiré de l'if et le docetaxel (Taxotére°), produit semi-synthétique d'origine française [38]. Bien qu'ayant des cibles moléculaires distinctes ces deux produits agissent à des niveaux similaires en prévenant la dépolymérisation des microtubules lors de la division cellulaire et en inhibant l'action anti-apoptotique de la protéine bcl-2(46). L'effet le plus habituellement observé est la diminution de plus de 50% de l'APS(#50% des patients), avec dans 30% des cas environ des réponses partielles au niveau des métastases des tissus mous. L’association à l'estramustine améliore les résultats tant sur les taux sériques d'APS que sur les douleurs métastatiques(5). Aux doses habituellement utilisées (Paclitaxel 135-250 mg/m2, Docetaxel 60-100mg/m2, perfusion tous les 21 jours), la toxicité est principalement hématologique (neutropénie de grade 3-4 dans 20% des cas). Les doses utilisées seront donc modulées en fonction des antécédents chimio et radiothérapiques du patient. Les œdèmes par rétention qui sont non exceptionnels avec le docetaxel sont bien prévenus par l'association de corticoïdes. La commission de la transparence a étendu en juillet 2005 au « cancer de la prostate métastatique hormono-résistant » l’AMM du docétaxel (Taxotère°) sur la base de l’étude TAX 327 de Tannock (tableau 1). Dans cette étude, le bras « Taxotère 75 mg/m2 toutes les 3 S » améliorait la survie globale de 2 mois avec un effet antalgique légèrement supérieur à celui du bras contrôle Mitoxantrone (réduction cliniquement significative des douleurs chez 35% des patients pour une durée médiane comparable d’environ 4 mois). La qualité de vie était transitoirement améliorée chez 20% des patients du groupe Taxotère 3 semaines » et 12% du groupe Mitoxantrone. En dehors de la toxicité cardiaque (35% dans le groupe Mitoxantrone, 26% dans le groupe Taxotère) la Mitoxantrone gardait un meilleur profil de tolérance. Plusieurs questions sont nées de ce succès, en particulier celle du moment optimal du traitement par Taxotère, doit-il être précoce en sachant que l’efficacité n’est que transitoire et qu’il n’y a pas de ligne validée ensuite (10-15% de rattrapage avec le standard Mitoxantrone Prednisone) ou au contraire réservé à l’échec des autres moyens comme les manipulations hormonales, les bisphosphonates, l’estracyt ° en monothérapie, l’effet ne semblant pas dépendre de l’état général (score de Karnofsky) ou des douleurs (Eisenberger, présentation ASCO 2004). L’association « taxotère 75 mg/m2 toutes les 3 semaines » est ainsi devenue la nouvelle référence quand le bon état général du patient autorise une prise de risque raisonnée dans l’objectif d’améliorer la survie et la qualité de vie. A l’inverse, les associations moins toxiques comme le « docetaxel 30 mg/m2 toutes les semaines » voire l’ancien standard Mitoxantrone Prednisone gardent tout leur intérêt quand l’objectif est de contribuer au maintien de la qualité de vie chez un patient altéré ou lourdement prétraité. Enfin, l’effet antalgique réel de ces associations ne doit pas retarder la mise en œuvre du traitement antalgique classique, la sédation immédiate et complète de la douleur restant au premier plan du traitement des formes métastatiques en échappement hormonal. Rappelons que la commission de transparence de la Haute Autorité de Santé, insiste sur le fait que l’utilisation du Docétaxel (Taxotère°) doit être « réservée aux unités spécialisées dans l’administration de cytotoxiques sous contrôle d’un médecin qualifié dans l’utilisation des chimiothérapies anticancéreuses ». n Tannock D : 75mg/m2, x3S (2004) 10 cycles TAX 327 Prednisone 10mg D : 30 mg/m2 x1S 5 cycles de 6S Prednisone 10mg Mitoxantrone Prednisone 10mg Petrylak D : 60mg/m2 x3S (2004) EMP : 180mgx3 AVK, AAS Dexamethasone 60mg Mitoxantrone Prednisone 10mg Survie médiane (mois) 335 18,9 Réponse biologique (↓APS >50%) 45 Réponse objective Toxicité (%) Grade 3-4 12 Neutropénie 32% décès toxiques (n) - 334 17,4 48 8 Neutropénie 22% 1 337 16,5 32 7 Neutropénie 1,5% 1 338 17,5 50 17 54% ppalt GI et vasculaire 8 336 15,6 27 11 34% 4 Tableau 1 : Tableau résumé des études pivots de Tannock et Pétrylak sur les associations à base de Docétaxel dans les formes hormonorésistantes de cancer de prostate. (D: docétaxel, AAS : acide acétyl salicilique). Confirmation des taux de castrats retrait des antiandrogènes Evaluation préthérapeutique OMS, LDH,Hb, Scintigraphie (manipulations hormonales) Lésion unique Radiothérapie externe (Bisphosphonates) peu de sites métastatiques Asymptomatique Taxotère 75mg/m2 q3S Bisphosphonates plusieurs sites métastatiques traitement antalgique si douleur Douleur = traitement antalgique Taxotère 75mg/m2 q3S ou Radiothérapie Métabolique Bisphosphonates Bon EG Taxotère 75mg/m2 q3S Bisphosphonates Reévaluation Mauvais EG Taxotère 30mg/m2 q1S ou MTX-Pred (Bisphosphonates) V) Références 1. Huggins C, Hodges CV. Studies on prostatic cancer: I. The effect of castration, of estrogen and of androgen injection on serum phosphatases in metastatic carcinoma of the prostate. 1941. J Urol 2002; 168:9-12. 2. Huggins C, Hodges CV. Studies on prostatic cancer. I. 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