Limiteur de puissance hyperfréquence à diodes à
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Limiteur de puissance hyperfréquence à diodes à
LIMITEUR DE PUISSANCE HYPERFREQUENCE A DIODES A VIDE DISTRIBUEES Alain Phommahaxay1, Gaëlle Lissorgues1, Pierre Nicole2 1 Université Paris–Est – ESIEE – ESYCOM, 2 boulevard Blaise Pascal, 93162 Noisy le Grand 2 Thales Systèmes Aéroportés, 2 avenue Gay-Lussac, 78851 Elancourt E-mail: [email protected] [email protected] Résumé. L’étude d’un limiteur de puissance hyperfréquence destiné à la protection des systèmes radio communicants contre des impulsions électromagnétiques de forte puissance est traitée dans cet article. Un nouveau type de composants basés sur les phénomènes d’émission électronique a été développé afin de faire face à des scénarios émergents où les solutions de protection classiques s’avèreraient inefficaces. La période de répétition de ces signaux trep est généralement beaucoup plus grande par rapport à la durée des impulsions tpul. De plus la relation liant la tension Vmax générée avec la puissance crête P est donnée par : V2 P = max Z0 où Z0 est l’impédance caractéristique du système. Forme d'onde impulsionnelle I. INTRODUCTION Récepteur Limiteur Antennes Amplificateurs Filtres Emetteur Fig. 1 – Position d’un limiteur de puissance dans une chaîne de transmission radio. II. MICRO-ONDES DE FORTE PUISSANCE L’évolution des sources micro-onde de puissance au cours du temps permet d’envisager de nouveaux scénarios d’emploi, notamment l’utilisation de sources puissantes et compactes à très courte distance. Des générateurs impulsionnels de forte puissance, dont un exemple de forme d’onde est représenté sur la Fig. 2, peuvent générer des puissances crêtes P de l’ordre du gigawatt à des fréquences f supérieures au gigahertz pendant des durées d’impulsion tpul très faibles [1-4]. t rep Tension (u.a.) Les futurs systèmes d’écoute pour la guerre électronique auront à résoudre des problèmes de plus en plus ardus liés à deux types de contraintes : - détecter et reconnaître des signaux de plus en plus variés en puissance et en fréquence, - se protéger contre les dispositifs de brouillage. La fonction d’un limiteur de puissance, placé immédiatement après une antenne réceptrice comme indiqué sur la Fig. 1, est d’éviter la saturation ou la mise hors fonction des éléments sensibles situés en aval, en particulier la chaîne d’amplification à faible niveau. V max t pul Temps (u.a.) Fig. 2 – Forme d’onde de puissance De telles sources comme les systèmes basés sur une bombe à compression de flux magnétique ou sur des sources magnétrons commencent à poser des problèmes de sécurité en particulier vis-à-vis des équipements électroniques embarqués dans le domaine de l’aéronautique. Le Tableau I récapitule les caractéristiques des sources impulsionnelles les plus communes. Tableau I – Caractéristiques des sources de puissance Type de source P (GW) f (GHz) tpul (ns) Klystron [1] 15 1 100 Magnétron [2] 5 1-3 100-500 >1 40 1 0,1-1 100 0,04 UWB <200 Laser à électron libre [3] Compression de flux [4] Source solide [4] III. INFLUENCE SUR LES SYSTEMES Les matériels aéronautiques civils et militaires doivent rester opérationnels sous des champs électriques de fortes intensités. Ainsi ils doivent supporter respectivement 3kV/m ou 20kV/m à 10 GHz suivant les recommandations de l’aviation civile (FAA N8110.71) ou des normes militaires (MIL-STD-464). Or ces valeurs peuvent être dépassées dans des scénarios terroristes ou militaires [5], générant ainsi des interférences avec des équipements embarqués tels que le GPS ou les systèmes d’anti-collision. De manière générale la relation reliant les puissances émises Pe et reçues Pr par deux antennes de gain respectifs Ge et Gr séparées par une distance d est donnée par : GG Pr = Pe e r 2 λ 2 ( 4π d ) où λ est la longueur d’onde du signal de fréquence f (λ=c/f) avec c la vitesse de la lumière dans le vide. En négligeant l’atténuation atmosphérique, il est possible d’obtenir le réseau de courbes de la Fig. 3 pour des gains d’antennes de 30 dB et une puissance d’émetteur de 1 GW. La puissance reçue à 1 km et à 10 GHz est par exemple supérieure à 5kW, valeur qui sera retenue dans un scénario de référence. De telles valeurs sont nettement supérieures aux puissances admissibles par les amplificateurs faibles bruits typiques. Ces derniers peuvent en effet être détruits par de telles impulsions et doivent donc être protégés par des dispositifs adéquats. Puissance en sortie et dissipée (u.a.) Caractéristiques d'un limiteur de puissance idéal Puissance en sortie Pertes Sans limiteur Puissance incidente (u.a.) Fig. 4 – Puissances en réception pour différentes fréquences et distances. Ces dispositifs doivent présenter des pertes minimes pour des signaux incidents de faible niveau. L’évolution de ces pertes à plus forte puissance doit ensuite être proportionnelle à la puissance incidente au-delà d’un certain seuil. Les limiteurs actuels sont principalement basés sur la déviation d’une partie du courant d’une ligne de transmission par des diodes discrètes de type Schottky ou PIN en utilisant des topologies similaires à la Fig. 5 constituée d’une mise en cascade de cellules de type « écrêteur de tension ». Puissance crête en réception lors d'une attaque 1 GW Fig. 5 – Topologie classique de limiteur à semiconducteur. Puissance 1 MW 1 kW 1W 1 mW 100 MHz 1m 10 m 100 m 1 km 10 km 100 km 1 GHz 10 GHz 100 GHz Fréquence Fig. 3 – Puissances en réception pour différentes fréquences et distances. IV. METHODES DE PROTECTION Outre le blindage électromagnétique, difficilement mis en œuvre dans les applications embarquées, une méthode de protection des systèmes radiorécepteurs est l’utilisation d’un dispositif de limitation de puissance, dont les caractéristique idéales sont illustrées sur la Fig. 4, placé entre l’antenne et les amplificateurs faible bruit. Ces différentes cellules vont chacune dissiper une fraction de la puissance incidente, la dissipation maximum étant assurée par le premier étage. Or leur survie à ces impulsions de forte puissance n’est pas garantie [6-8]. Des études de Thalès Air Defence [6], Raytheon [7], TNO [8] ont en effet montré une défaillance de ce type de dispositifs pour des puissances RF CW de 10 W maximum au-delà de 1 GHz ou de plusieurs centaine de watts avec des impulsions de plusieurs centaines de microsecondes. Les diodes semiconductrices sont en effet détruites par échauffement dû au passage d’un courant de forte intensité. De nouvelles technologies de composants doivent donc être développées. L’utilisation de matériaux à large bande interdite comme le nitrure de gallium pourrait permettre d’améliorer la tenue en puissance des limiteurs actuels dans une certaine mesure. En effet, leur survie n’est pas garantie dans les scénarios envisagés dans nos applications. Il est donc nécessaire d’envisager des solutions alternatives aux semi-conducteurs. V. LIMITEUR DE PUISSANCE PROPOSE -20 S11 (dB) Mesure -30 Simulation -40 -50 0 5 10 15 20 Fréquence (GHz) 0.0 Simulation S21 (dB) Pour faire face à ces puissances, le limiteur proposé et faisant l’objet d’un dépôt de brevet est basé sur la dissipation progressive de l’onde électromagnétique le long d’une ligne de transmission chargée par des diodes à vide comme indiqué sur la Fig. 6. Il s’agit alors d’exploiter les phénomènes d’émission électronique et les interactions entre une onde électromagnétique et un plasma. Dans notre cas, le courant ne circule pas dans un semi-conducteur mais entre deux électrodes métalliques séparées par le vide ou un gaz neutre. Il n’y a donc aucun risque de destruction d’une jonction semi-conductrice par exemple. Tout phénomène disruptif pouvant apparaître (décharges électriques hyperfréquences par exemple) est dans ce cas réversible et n’entraîne pas de dégradation du dispositif. -0.1 Mesure -0.2 0 5 10 15 20 Fréquence(GHz) Fig. 8 – Performances hyperfréquences petits signaux Fig. 6 – Topologie de limiteur distribué à émission électronique. Ces composants sont réalisés en salle blanche à l’ESIEE en utilisant des méthodes de micro fabrication dérivées des microsystèmes. Des réalisations ne nécessitant qu’un niveau de masque sont ainsi illustrées sur la Fig. 7. Les performances de ces dispositifs sont comparables à celles de lignes de transmission, à savoir : - une bonne adaptation (paramètre S11 inférieur à -20 dB) sur une large bande de fréquence - de faibles pertes d’insertion (environ 0,1 dB soit 1,6 dB/cm). A titre de comparaison, les limiteurs classiques présentent des pertes d’insertion sur tranche supérieures à 1,5 dB aux alentours de 10 GHz [8]. V.2 Caractérisation en puissance Ces composants de 5 mm de longueur ont ensuite été encapsulés et mis en boîtier manuellement comme présenté sur la Fig. 9. Les pertes d’insertion après cette étape sont alors de 1,8 dB à 12 GHz dont 0,8 dB provienne de la mise en boîtier elle-même. Le limiteur présente donc des pertes inférieures à 1 dB soit 2 dB/cm. Fig. 7 – Vue au microscope électronique d’un limiteur de puissance distribué V.1 Performances hyperfréquences Ces dispositifs de 600 µm de longueur ont été caractérisés sur tranche à l’aide d’un analyseur de réseau vectoriel jusqu’à 20 GHz à basse puissance (1 mW). Les différents paramètres S correspondants se trouvent sur la Fig. 6 et ont été comparés à des simulations électromagnétiques effectuées à l’aide de Lorentz-HF d’Integrated Engineering Software. Fig. 9 – Démonstrateur mis en boîtier Ce type de dispositif présente donc des performances hyperfréquences d’ores et déjà supérieures aux limiteurs à semi-conducteurs pour le type d’applications visées dans les domaines de l’aéronautique et de la défense. Les dispositifs ont ensuite été caractérisés au GERAC, une filiale de Thalès spécialisée dans les essais de compatibilité électromagnétique. Le banc de caractérisation en puissance est illustré sur la Fig. 10. Un générateur RF permet de générer une porteuse hachée par un signal basse fréquence. Ce signal est ensuite injecté dans un amplificateur à tube à onde progressive. Un isolateur permet de protéger l’amplificateur des retours de puissance tandis que deux coupleurs directionnels permettent de prélever une partie des signaux réfléchis et transmis. Les formes d’onde associées sont ensuite enregistrées par des détecteurs à diodes reliés à un oscilloscope. La chaîne est enfin terminée par un atténuateur et une charge. Oscilloscope Détecteur VI. CONCLUSION Un démonstrateur a permis de valider le concept de limiteur de puissance à émission électronique. Les performances hyperfréquences de ce type de dispositifs sont supérieures aux solutions à semiconducteurs actuellement connues pour les applications visées. REMERCIEMENTS Cette étude est financée par une bourse doctorale de la DGA ainsi que par le projet Recherche Exploratoire et Innovation n°0634033. Nous tenons à remercier Bernard Sutra et Serge Blasquez de Thalès Systèmes Aéroportés pour avoir permis les caractérisations au GERAC. Détecteur REFERENCES Limiteur Isolateur Coupleur Coupleur Générateur BF Atténuateur Charge Générateur RF Amplificateur RF Puissancemètre Fig. 10 – Banc de mesure en puissance Un exemple de réponses temporelles (issues des détecteurs de crête) à une impulsion de 2 kW et 1 µs à 12 GHz est illustré en Fig. 11 en utilisant ce banc de caractérisation. Le dispositif limite bien la puissance en sortie à 250 W après un transitoire à 600 W. Compte tenu de la puissance réfléchie (150 W) en régime établi, le composant a permis de dissiper une puissance de 1600 W sur une longueur de ligne de 5 mm et comportant 170 diodes à vide. 150 W Puissance Reflected réfléchie power 250 W Puissance Transmitted transmise power 600 W 150 ns Temps de Reaction réponse Time 150 ns incluant également le banc de mesure 1 µs 1 µs pulse Fig. 11 – Réponse à une impulsion de 2 kW à 12 GHz [1] D. Shiffler, T.K. Statom, T.W. Hussey, O. Zhou, P. Mardahl, “High-power Microwave Source”, in Modern Microwave and MillimeterWave Power Electronics, pp. 691-730, 2005, Wiley Interscience. [2] F. Sabath, M. Backstrom, B. Nordstrom, D. Serafin, A. Kaiser, B. Kerr, D. Nitsch, “Overview of four European high-power microwave narrow-band test facilities”, IEEE Transactions on Electromagnetic Compatibility, vol. 46, (no. 3), pp. 329-334, 2004. [3] G. Ni, B. Gao, J. 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