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10 – MEDIAS 1
Michel Berne, Charles-Henri Froment, Sébastien Nini
Nous constatons que l’actualité 2005, dans ce chapitre encore, a été dominée par
la technologie : télévision numérique terrestre, quotidiens en ligne, musique à
télécharger… Comme nous l’avons déjà dit dans le chapitre qui lui était consacrée, la
convergence est de retour. Mais on constatera que les grands groupes de médias pensent
plutôt à éclater qu’à élargir leur champ d’activité… Et nous continuons notre saga des
grands patrons, encore bien plus flamboyants dans les médias que dans les autres
secteurs.
Les grands groupes de médias
Les grands groupes de médias sont en effet confrontés à la convergence et se
demandent comment il faut qu’ils se configurent : créer des ensembles multimédias,
comme ils avaient tenté de le faire dans les années 1990, avec peu de succès à l’époque ?
Ou se scinder en entités plus petites et plus réactives ?
Autre question lancinante, celle du modèle économique. Le low cost, la recherche
des coûts les plus bas, voire la gratuité sont partout, tantôt proposés par des nouveaux
venus, tantôt permis par les nouvelles technologies : dans les journaux, la musique, le
cinéma et naturellement la télévision… Faut- il suivre le mouvement ou au contraire
essayer de défendre un monde où la valeur est reconnue et payée ?
Ces interrogations, nous les retrouvons par exemple chez Time Warner, qui s’était
illustré en fusionnant avec le fournisseur en ligne AOL en 2001. Malgré une vigoureuse
reprise en main (et des rumeurs récurrentes de vente d’AOL, dont le dirigeant historique,
Steve Case, a quitté le groupe en novembre 2005), le groupe a fait l’objet d’une attaque
en règle du raider américain Carl Icahn qui a pris 2,7 % du capital en août 2005. Pour se
défendre, Time Warner a cherché des alliés et annoncé, en octobre, que Google achetait 5
% d’AOL pour 1 milliard de dollars. Début 2006, Carl Icahn n’était toujours pas parvenu
à ses fins.
Pour Viacom, la conclusion a, en revanche, été évidente et le groupe s’est scindé
en deux en 2005 sous la présidence du toujours gaillard Sumner Redstone, 82 ans. D’un
côté, on trouve sous la marque CBS, la chaîne de télévision CBS, l’affichage, l’édition, la
radio ; de l’autre, le studio de cinéma Paramount et les chaînes du câble (MTV,
Nickelodeon) gardent le nom Viacom. Ce dernier ensemble a acheté le studio
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Dreamworks SKG pour 1,6 milliards de dollars en décembre 2005. Dreamworks, créé en
1994 par le grand cinéaste Steven Spielberg, Jeffrey Katzenberg et David Geffen, avait
une base économique fragile. Longtemps lié à Universal, Dreamworks a donc finalement
préféré rejoindre Viacom.
Même conclusion pour InterActiveCorp (IAC) dirigé par Barry Diller. Le groupe
a d’abord acheté Ask Jeeves (moteur de recherche) pour 1,8 milliards de dollars en ma rs
2005 et vendu en juillet à NBC la part qu’il détenait dans Vivendi Universal pour 3,4
milliards de dollars. Puis le groupe a été scindé en deux : Expedia, qui est un géant du
voyage en ligne d’une part et d’autre part IAC, comprenant Ask Jeeves.
Chez Sony et Disney, 2005 a vu des changements de dirigeants à la suite de
périodes médiocres. Sony s’est donné, pour la première fois, un président américain en la
personne de Howard Stringer qui a pour mission de redynamiser ce conglomérat aux
performances décevantes. H. Stringer avait redressé Columbia, acheté MGM et réalisé la
fusion BMG-Sony. En septembre 2005, le groupe a annoncé un plan de restructuration
supprimant 10 000 emplois et fermant 11 usines. En effet, Sony perd régulièrement du
terrain : par exemple, alors que c’est l’inventeur du baladeur, il a perdu le leadership de la
nouvelle génération d’appareils musicaux portatifs face au iPod d’Apple.
Chez Disney, il s’agissait de tourner la page du règne controversé et « impérial »
de Michael Eisner, qui a été remplacé par Bob Iger en mars 2005. Ce dernier a renoué les
liens avec les studios Pixar qui avaient menacé de trouver un autre partenaire que Disney.
Par ailleurs, le groupe a racheté tout Miramax, et son catalogue de 550 films, pour 130
M$. Disne y en était actionnaire depuis douze ans. Les fondateurs de Miramax, les frères
Weinstein ont recréé aussitôt un nouveau studio.
Ce changement de génération se fait par contre attendre chez NewsCorp dont le
président est toujours Rupert Murdoch. Son fils et dauphin, Lachlan Murdoch, a quitté
pendant l’été 2005 le groupe. NewsCorp a aussi prolongé la durée de validité d’une
« pilule empoisonnée » pour prévenir les risques d’OPA. Et après avoir longuement
hésité sur le sujet, NewsCorp s’est enfin lancé en grand dans Internet en achetant pour 1,3
milliards de dollars IGN (jeux) et Intermix (blogs, sport).
Enfin, Vivendi est un ensemble disparate depuis l’abandon des grands rêves de
son ancien patron, Jean-Marie Messier, débarqué sans ménagement en 2002. Son
successeur, Jean-René Fourtou, a serré tous les boulons, ce qui fait que le groupe est
profitable en 2005 dans chacun de ses grands métiers : la téléphonie (SFR, Maroc
Télécom), la télévision (Canal Plus), la musique (Universal Music) et les jeux (VUE).
Mais les synergies entre ces entités sont faibles et, alors que J.-M. Fourtou prend en avril
2005 la présidence du conseil de surveillance et cède la management opérationnel du
groupe à Jean-Bernard Lévy, on peut imaginer plusieurs scénarios allant de l’éclatement à
l’OPA. Signe de l’abandon de ses ambitions planétaires, le groupe a retiré son action de
la cote à Wall Street.
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Le gouvernement Raffarin avait créé une commission de réflexion sur la concentration
dans les médias. Son rapport, présenté début janvier 2006 par son président Michel
Lancelot, ne croit pas qu’une menace sérieuse pèse sur le pluralisme à cause de la
concentration des acteurs des médias en France. Il propose d’assouplir le régime
actuel, mais de mieux prendre en compte la présence des groupes dans plusieurs
médias.
Presse
En France, près de 7 milliards d’exemplaires de publications sont mis à la
disposition du public dont plus de 5 milliards pour la seule presse grand public. Les
magazines (44 %) arrivent très largement en tête, suivis de la presse quotidienne
régionale ou départementale (37 %) et de la presse quotidienne nationale (12 %). La
disparition de la presse « papier » n’est donc pas pour demain.
La presse quotidienne nationale (PQN)
La situation est très contrastée selon les types de publications. Avec 167
quotidiens (nationaux et régionaux) diffusés pour 1000 habitants adultes en 2003, la
France se situe au 31ème rang mondial, loin derrière le Japon (650 quotidiens pour 1000
habitants), le Royaume-Uni (393), l’Allemagne (322), ou les Etats-Unis (263), et juste
devant l’Italie (158) et l’Espagne (122)1 . Mais, touchée de plein fouet par la récession et
la crise du marché publicitaire, la presse française doit trouver de nouveaux axes de
développement pour reconquérir ses lecteurs. En effet, entre janvier et octobre 2005, les
ventes au numéro (hors abonnements) des quotidiens ont chuté de 4,3 %. Le recul du
Monde, avant le lancement de sa nouvelle formule, atteignait 9,2 % sur la période, suivi
par Libération (- 6,3 %), Le Figaro (- 4,5 %) et L’Equipe (- 4 %).
Avec une diffusion en baisse régulière et une situation financière très fragile, la
presse quotidienne française traverse donc l’une des plus graves crises de son histoire.
Nous avons régulièrement décrit dans cette série d’ouvrages les causes de cette évolution
préoccupante :
• Modification des modes de vie qui rend l’achat et la lecture des quotidiens de
moins en moins faciles et nécessaires ; ainsi le nombre de kiosques à journaux
baisse de manière inexorable ;
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Association mondiale des journaux, http://www.wan-press.org
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•
Information en continu et largement gratuite disponible sur la télévision et sur
Internet ;
• Apparition d’une presse quotidienne gratuite de qualité honorable dans les
grandes villes.
Pourtant les Français déclarent faire plus confiance à la presse quotidienne qu’aux autres
médias : mais cela ne suffit pas à relancer les ventes. Les jeunes achetant et lisant moins
que les plus âgés, l’avenir ne paraît donc pas rose du tout.
Les quotidiens français ont réagi vigoureusement en 2005, mais les résultats se
verront seulement en 2006. Les principales politiques portent sur le lancement de
nouvelles formules, le développement d’une offre combinée papier-web et,
inéluctablement, des mesures d’économie.
Le Monde et Le Figaro ont ainsi lancé à l’automne 2005 de nouvelles formules.
Partant du constat que les quotidiens n’étaient plus les uniques pourvoyeurs de nouvelles
fraîches, les deux journaux ont lancé des formules qui intègrent des articles dans une
approche « magazine » : reportages d’une page (voire plus), grandes photos… le journal
est là pour décrypter, apporter des éclairages inédits, etc. Les journaux développent ou
rénovent leurs magazines et produits dérivés. Ainsi, Le Monde a lancé avec succès un
supplément de fin de semaine, Le Monde 2 en 2004. Le Figaro a couplé son édition du
week-end avec la vente d’une encyclopédie et on ne compte plus les collections de livres,
CD et DVD édités par les groupes de presse.
La deuxième piste suivie par les quotidiens français porte sur le couplage des
éditions papier et web. Si Le Monde a une longueur d’avance, avec le site web de
référence français en la matière, les développements les plus intéressants de 2005 ont eu
lieu ailleurs. Mardi 18 octobre, Libération a lancé un nouveau concept de presse. En
présentant la nouvelle mouture de son site Internet – la quatrième depuis son lancement
en 1995 – , le journal annonçait sa volonté de devenir « le premier quotidien français
véritablement bimédia »2 .
« C’est un paradoxe : l’audience de Libération se développe, mais les recettes de
l’entreprise diminuent, du fait de la crise publicitaire qui frappe le journal papier »,
constate M. July, le patron de Libération. La solution : « Jeter les fondements d’un
quotidien bimédia, à la fois papier et ‘on line’, différents et complémentaires, cohérents
et aussi indispensables l’un que l’autre. »
En 2004, le journal a fait le choix de la rédaction unique. L’équipe de liberation.fr,
qui compte une dizaine de personnes, a été intégrée à la rédaction du journal papier.
Mais, au sein de celle-ci, « une partie se refuse à travailler pour le site, une autre partie y
est favorable, tandis que le reste n’a pas vraiment d’avis », résume un journaliste. Mais,
s’il se revendique comme « le second site d’informations généralistes de la presse
2
Serge July, Libération à l’heure du bimédia, Liberation.fr, 27-10-05, http://www.liberation.fr
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française – le premier étant celui du Monde –, avec plus de 6 millions de visites en
septembre, et 27 millions de pages vues », liberation.fr ne représente actuellement que
quelques pour cent du chiffre d’affaires du journal. Il a donc été décidé d’introduire sur le
site une zone payante pour les abonnés, à partir du premier trimestre 2006, et de jouer
davantage sur les synergies de la « marque » Libération. Les sites web de Libération et
du Monde sont rentables grâce à la publicité.
lemonde.fr
Le Monde a une approche différente de celle de Libération. Le premier estime
en effet que les rédactions d’un quotidien et d’un site Web ont des savoir-faire
différents. Bruno Patino, le président de la société Le Monde Interactif, a déclaré à ce
sujet : "L’imprimé, le numérique sont deux médias complémentaires. L’écrit se fonde
sur la hiérarchie de l’information et la mise en perspective, Internet est fondé sur la
réactivité et l’illustration. Une rédaction Web est dans le factuel, la réactivité,
l’illustratif, tandis qu’une rédaction papier est structurée sur les horaires du
bouclage."
Le Monde s’adresse à trois populations également réparties : un tiers lit et
achète le quotidien papier sans jamais aller sur le site, un tiers consomme les deux
médias, et un tiers ne va que sur le site. La population qui utilise les deux médias ne
les utilise pas au même moment et pour faire la même chose.
Lemonde.fr a une rédaction d’une vingtaine de personnes. La zone payante, qui
existe depuis 2002, compte 67 000 abonnés, dont la moitié est aussi abonnée au
journal papier.
Mais l’initiative la plus radicale a été celle de l’Agefi, quotidien financier qui a
carrément supprimé son édition papier et livre uniquement une version électronique au
format PDF depuis septembre 2005. Cette manœuvre lui a permis de diviser le prix de
l’abonnement par trois puisque les économies de production et distribution sont
substantielles. Les clients ont suivi, dans un premier temps. Reste à voir, dans la durée,
comment seront gérés les problèmes de piratage, car rien n’est plus facile à copier qu’un
fichier PDF…
Enfin, la recherche d’économies se poursuit, rendue plus impérative par l’arrivée
de nouveaux actionnaires (comme à Libération ou au Figaro) ou de nouvelles directions
(Le Monde, Le Parisien). Le Monde, le Parisien, Libération laissent (ou font) partir du
personnel pour alléger leurs coûts. Quant à France Soir, sa longue agonie s’est poursuivie
en 2005 avec dépôt de bilan et effondrement du lectorat.
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Ailleurs, la situation n’est pas très différente. Ainsi, Business Week a décidé à la
fin de 2005 de supprimer ses éditions papier européenne et asiatique et de concentrer ses
efforts sur le web pour les lecteurs de ces zones géographiques. Le New York Times a
annoncé l’intégration des 80 journalistes du site NYTimes.com à sa rédaction, mais le
projet ne sera effectif qu’à la fin de 2007. Et les deux équipes conserveront chacune un
rédacteur en chef. En changeant de format, le Wall Street Journal a annoncé son souhait
de travailler en synergie avec le site wsj.com. En revanche, le Chicago Tribune, qui avait
intégré la rédaction Web, a fait marche arrière.
La bonne santé de la presse magazine
Les résultats d’audience de la presse magazine en France publiés par l’APPM3
pour la période de juillet 2004 à juin 2005 sont bons pour toutes les périodicités. Ils
portent sur 166 titres et la presse magazine voit son audience croître de 3,0 %.
On peut aussi noter le chiffre record de 7,26 titres lus par personne. Ce chiffre
résulte de la bonne santé de certains titres : cinq maga zines notamment enregistrent ainsi
un accroissement de leur audience de plus de 10 % (Entrevue, Infobébés, Maison
créative, Le Point, ou Psychologies) mais aussi de l’apport des nouveaux titres lancés
depuis dix-huit mois et intégrés dans les résultats de l’étude en 2004/2005 : les
quinzomadaires TV ou non TV, les people ... Le succès de publications plus anciennes se
confirme aussi : Capital, par exemple, enregistre une forte croissance. Le numéro de
septembre 2005 s’est écoulé à plus de 509 000 exemplaires, un record depuis le
lancement du titre en 1991.
Le lectorat féminin (8 femmes sur 10 en France) est particulièrement suivi avec
une diffusion en légère baisse pour les publications traditionnelles. Le segment people
apparaît comme prometteur et on a assisté en 2005 à une vraie guerre avec le lancement
de Closer par EMAP. Par contre, la déclinaison de Psychologies pour les adolescentes
(Mood), même accompagnée d’un site web, a été un échec. Signalons que L’Equipe a
lancé un supplément féminin en partenariat avec Elle.
La presse masculine peine quant à elle à s’imposer en France. Cette famille de
presse qui a fait son apparition dans l’Hexagone en 1999-2000 compte aujourd’hui
presque autant de titres disparus que de magazines encore vendus en kiosque. Il,
Kromozom, Quo, M Magazine, Jonas et le dernier en date, Men’s Health, ont cessé de
paraître ces cinq dernières années. La diffusion de FHM s’érode. Ces difficultés
proviendraient notamment du fait que les annonceurs n’ont jamais été convaincus par la
presse masculine en France. Pour toucher un public masculin, des titres beaucoup plus
puissants comme certains magazines spécialisés ou les news, dont le lectorat est à 60 %
masculin, sont déjà à leur disposition. La France détient par ailleurs trois à quatre
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Association pour la promotion de la presse magazine, http://www.aepm.fr
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hebdomadaires d’actualité quand la plupart des pays n’en ont que deux. Il s’agit donc
d’une exception française, d’ailleurs Men’s Health est présent dans 40 pays – avec 33
éditions – et rassemble chaque mois près de 8,5 millions de lecteurs. C’est sans doute en
Grande-Bretagne que ce concept de presse fonctionne le mieux. Deux titres, Nuts et Zoo,
sont même vendus depuis 2004 au rythme hebdomadaire et dépassent les 200 000
exemplaires.
Etat des lieux de la presse américaine
La presse américaine traverse une des périodes les plus difficiles de son existence.
La diffusion est en baisse, les lecteurs perdent confiance en la crédibilité des nouvelles,
les revenus publicitaires chutent, les licenciements et les révoltes d’actionnaires se
multiplient, les cours de Bourse sont au plus bas. La mise en vente du deuxième groupe
de journaux du pays, Knight-Ridder, éditeur de 32 quotidiens, dont le Miami Herald et le
San Jose Mercury News, illustre ce climat de crise.
Le groupe Knight-Ridder s’est pourtant illustré ces dernières années par une
gestion rigoureuse, marquée par de nombreuses réductions d’effectifs. Mais cela n’a pas
suffi au premier actionnaire du groupe, le fonds de pension Private Capital Management.
La vente des journaux est pour les investisseurs un moyen de faire fructifier leur
mise, du fait de la bonne valorisation des quotidiens américains. Knight-Ridder est ainsi
estimé à 6 milliards de dollars, soit le double de son chiffre d’affaires.
Le groupe pourrait être vendu d’un seul bloc, à un concurrent comme Gannett
(premier éditeur de journaux, propriétaire de USA Today) ou à un fonds
d’investissements, comme Carlyle ou KKR. Mais Tony Ridder chercherait en fait un
« chevalier blanc » qui lui permette de conserver le groupe fondé par sa famille.
La chute de la diffusion touche la plupart des grands quotidiens, à l’exception du
New York Times, qui progresse faiblement. En vingt ans, les journaux américains ont
perdu près de dix millions d’acheteurs quotidiens. Les journaux ne parviennent pas à
attirer les jeunes et cela ne devrait pas changer dans le futur. L’enjeu est pour eux de les
faire se connecter à leurs sites, ce qui est possible car ce sont des marques connues au
niveau local. Un sondage, réalisé par Nielsen, montre que les sites de quotidiens ont une
plus forte croissance que les autres sites. 22 % des visiteurs lisent le journal uniquement
sur Internet.
Comme les lecteurs, de plus en plus d’annonceurs se tournent vers le Web pour
faire passer leur publicité. Internet est déjà responsable de la baisse des petites annonces
dans les journaux. Du coup, la plupart des groupes de presse se diversifient sur la Toile.
Le New York Times a acquis About.com et le Washington Post le magazine Slate. Lancée
en septembre, la partie payante du New York Times, dénommée TimesSelect, et coûtant
49,95 $/an, a attiré 130 000 abonnés en ligne.
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Musique
C’est triste à dire, mais l’heure n’est pas à la musique, mais à la surveillance des
chiffres de vente. L’industrie musicale est en train de basculer d’un modèle basé sur la
vente de disques en magasin à un modèle dominé par la vente en ligne, avec un passage
fort inquiétant par le modèle du P2P. Dans un secteur dominé par quelques majors, les
préoccupations artistiques passent donc – au moins temporairement – au deuxième plan.
Universal Music, Sony-BMG, Warner Music et EMI sont les grands du monde de
la musique mondiale. Ils ont connu une année moins pire que ce qu’ils craignaient, sauf
pour Sony-BMG qui a du mal à fusionner sa triple culture japonaise, américaine et
allemande. La major a annoncé, par exemple, un plan social portant sur 185 suppressions
de postes en France en février 2005 et en Allemagne, un emploi sur quatre disparaît.
EMI, fort mal en point les années précédentes puisque ses ventes avaient reculé de 25 %
en quatre ans, a commencé à remonter la pente en 2005. Ce bon résultat est dû à la sortie
de deux best-sellers.
Les signaux envoyés par les marchés traditionnels sont très clairs. Aux Etats-Unis,
les ventes de disques ont baissé de 8 % en 2005. En France, le marché continue de baisser
selon le SNEP. En volume, il est passé de 136 millions de disques en 2004 à 131 millions
en 2005. En valeur, les ventes ont baissé de 950 M€ (HT) en 2004 à 930 M€ en 2005. La
baisse des prix de détail atteint 15 % en deux ans. A côté des albums vendus
classiquement 14,99 €, la FNAC a, par exemple, soldé 1500 albums à 6,99 € pendant
l’été 2005 (500 000 exemplaires vendus). Conséquence : les labels font attention aux
coûts et limitent la prise de risque. Ainsi, le nombre de nouvelles signatures d’artistes
reste inférieur de 30 % à celui du début des années 2000 et les investissements en
marketing ont chuté de 27 % en un an, tout en se concentrant sur un nombre limité
d’albums.
En revanche, la croissance du marché de la musique en ligne est toujours très
soutenue. Selon l’IFPI4 , 420 millions de morceaux de musique auraient été téléchargés
dans le monde en 2005 (sans tenir compte du téléchargement sur les téléphones mobiles),
pour un chiffre d’affaires de 1,1 milliard de dollars. C’est-à-dire, deux fois plus de
morceaux qu’en 2004 et trois fois plus de revenus. Les ventes de musique en ligne
pourraient représenter jusqu’à 25 % des ventes totales d’ici cinq ans, selon certains
analystes indépendants. D’ailleurs les grands labels ont créé des filiales qui ne
commercialisent qu’en ligne : Universal avait lancé UMe dès 2004, Warner a suivi en
2005 avec Cordless Recordings. Pour promouvoir les groupes qui signent avec ces labels
4
IFPI:06 Digital Music Report, International Federation of the Phonographic Industry, 2006
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« numériques », on utilise les blogs et les sites de communauté comme MySpace.com.
Les petits labels se servent volontiers de ces moyens détournés pour promouvoir leurs
productions et inondent les forums de louanges (anonymes)5 . Les grands labels ont aussi
des relations compliquées avec le monde des pirates. Le dernier album Human after all
de Daft Punk s’est retrouvé sur certains sites illégaux avant sa sortie officielle en mars
2005. Mais certains des fichiers, ainsi disponibles, étaient- ils des « leurres » expédiés par
l’éditeur, EMI, qui ferait du spoofing pour égarer les pirates et aiguiser l’intérêt des
amateurs ? Il existe aussi des intermédiaires, agrégateurs de labels indépendants (comme
The Orchard aux Etats-Unis) ou fournisseurs de services en marque blanche (Loudeye,
toujours aux Etats-Unis).
Des chiffres pas très étonnants si on considère que 60 millions d’appareils
portatifs musicaux (lecteurs de MP3, etc.) ont été achetés en 2005. Deux millions de
morceaux sont disponibles en ligne sur 335 plate-formes commerciales « légales » qui ont
recensé 2,8 millions d’abonnés. De même, iTunes d’Apple devrait atteindre au printemps
2006 un milliard de morceaux téléchargés depuis son ouverture en 2003. Le marché
américain domine encore le secteur avec presque 85 % des téléchargements mondiaux.
Le marché européen croît deux fois plus vite que le marché américain (355 % contre 142
% selon l’IFPI), mais il est encore six fois plus petit en 2005. Selon le SNEP, le marché
de la musique en ligne en France était de 32 M€ en 2005. Cela représentait 8,4 millions
de titres vendus en ligne à l’unité 6 (à comparer à des ventes de 24,7 millions de singles en
magasin). On en vient même à se demander si le CD va survivre : « Si, dans une dizaine
d’années, une bibliothèque numérise toutes les musiques enregistrées de la planète, vous
n’aurez plus besoin de CD. Il survivra seulement comme support de sauvegarde de la
musique » selon l’éditeur du site Génération MP3, Tariq Krim 7 .
Le marché du CD et celui de la musique en ligne correspondent naturellement à
des clientèles différentes, et donc à des artistes différents. Les meilleures ventes de CD
sont réalisées par des artistes populaires comme Johnny Hallyday, Michel Sardou et la
moitié des achats a lieu dans la grande distribution. Alors que, sur 2005, les deux
premières ventes d’iTunes France ont pour nom Coldplay et Moby, deux artistes plus
« branchés ». Les ventes de musique sur téléphones mobiles s’adressent à une clientèle
encore plus jeune, et donc mettent en avant d’autres artistes : chez SFR, les trois
morceaux les plus téléchargés sont Hung up de Madonna, Don’t Cha des Pussycat Dolls
et Burn it up de Robert Kelly. Le titre sur mobile est un vrai achat d’impulsion.
5
Sony avait fait quelque chose de similaire pour des films. En 2000 et 2001, son département marketing
avait concocté des avis favorables pour des films diffusés aux Etats-Unis en « inventant » un personnage
fictif, critique au périodique régional Ridgefield Press. Sony a été condamné à rembourser les spectateurs
floués (1,5 M$).
6
L’IFOP, pour sa part, estime le marché français à 18,6 millions de fichiers musicaux téléchargés en
2005… iTunes en aurait 40 %, VirginMega 20 % et la FNAC 20 %.
7
Bruno Lesprit, La révolution numérique aura-t-elle la peau du CD, Le Monde, 30-4-2005.
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Le problème de ce développement, c’est naturellement le poids du téléchargement
illégal. On a pu dire que le défi majeur de l’industrie phonographique ces dernières
années a été de rendre la musique en ligne plus facile à acheter qu’à voler. Selon l’IFPI,
20 000 actions en justice ont été initiées dans 17 pays contre les pirates de musique. Bien
que les résultats de ces procès soient très inégaux (en France, les tribunaux ne se sont
guère montrés répressifs en 2005), on voit bien que l’avenir est aux plate-formes légales
et sécurisées de vente de musique en ligne. Au Royaume-Uni et en Allemagne, il semble
qu’en 2005 les « pirates » soient maintenant plus nombreux que les acheteurs « légaux ».
Une autre voie pour empêcher la copie illégale de CD est de « protéger » les CD.
Or ces protections empêchent aussi parfois toute copie privée (légale), voire même la
simple lecture sur certains appareils à cause de la multiplicité des normes de lecteurs. En
novembre 2005, Sony-BMG a été obligé de retirer de la vente des millions de CD : ils
comportaient le logiciel de protection XCP qui pouvait causer des dommages aux
ordinateurs. Et début 2006, Warner Music France et la FNAC ont ainsi été condamnés
par le tribunal de grande instance de Paris pour avoir vendu en 2003 un CD de Phil
Collins qu’on ne pouvait pas lire sur Macintosh. Un phénomène identique touche aussi
les DVD.
Toutefois, le grand cafouillage autour de la licence globale en France à la fin de
2005 montre qu’il est toujours aussi difficile de légiférer en la matière comme on le verra
plus loin.
Au total, l’humeur est donc à un optimisme prudent, le secteur de la musique est
en train de réussir un pari difficile et, selon un rapport de l’OCDE, devrait retrouver la
croissance en 2006 8 .
Téléchargement
En 2005, la protection et la libre circulation des œuvres numérisées étaient
toujours au centre du débat économique, social et parlementaire.
En l’absence d’une réglementation unique en la matière, l’Union européenne
cherche une voie médiane entre le tout-répressif et le laxisme. Comme l’exprime le
président de Gaumont et de l’ALPA (Association de lutte contre la piraterie
audiovisuelle) : « Les banques ont réussi à régler le problème des chèques sans provision
sans poursuivre chaque mauvais payeur devant les tribunaux. Nous souhaitons que ceux
qui téléchargent des films illégalement perdent leur abonnement. Pour cela, il faut trouver
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OECD Report on Digital Music: Opportunities and Challenges, OECD, June 2005
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un accord avec l’ensemble des fournisseurs d’accès, sans quoi les pirates se tourneront
vers un concurrent. »9
Tout ceci pose des problèmes difficiles de concurrence et de protection de la vie
privée. Une charte avait été signée par les FAI en 2004 permettant une stratégie
« d’approche graduée », commençant par l’envoi de messages de prévention aux
internautes qui téléchargent illégalement des contenus. Mais la CNIL a interdit en octobre
cette pratique qui oblige à « tracer » les internautes.
Low cost musical : l’intégrale Mozart pour 99 €
En septembre 2005, Brillant Classics a sorti un coffret de 170 CD (169 heures de
musique) contenant l’intégrale de l’œuvre de Mozart. Soit un prix par CD de moins de
soixante centimes, pour des enregistrements de qualité ! Ce « coup » de marketing
exceptionnel a eu un retentissement aussi exceptionnel, juste avant le 250ème
anniversaire de la naissance de l’illustre compositeur. Cent mille coffrets ont été
vendus en France en quatre mois. Une controverse a éclaté dans Le Monde10 entre
plusieurs éditeurs de classique et Abeille Musique, le distributeur français du coffret.
Les premiers accusent le deuxième de « yaourtiser » la musique classique et de faire
croire aux mélomanes qu’elle peut ne pas être chère : il est clair que ce qu’on peut
faire avec Mozart ne peut pas être transposé pour des compositeurs moins connus.
Abeille Musique, qui dispose d’un très vaste catalogue classique, a répondu que les
profits du coffret serviront à financer le reste de son activité et pérenniser les réseaux
de distribution physique.
La question de la chronologie de sortie des films est cruciale dans ce contexte. Le
calendrier traditionnel commençait par les salles de cinéma, pays par pays, puis les DVD,
la télévision à péage (VOD, exclusivité), puis les télévisions gratuites. Mais 34,5 % des
films étaient disponibles illégalement avant leur sortie en salle et 92 % avant leur sortie
en DVD selon une étude du CNC portant sur la période 2004-2005. La riposte des
professionnels est double : d’une part, réaliser des « sorties mondiales » qui ne laissent,
en théorie, pas de délai que les pirates pourraient mettre à profit pour faire des copies ;
d’autre part, raccourcir le temps entre la première sortie et la sortie en VOD. En France,
les opérateurs de télécommunications, les diffuseurs et les professionnels du cinéma ont à
9
Nicole Vulser, Les ministres européens de la culture ont examiné le piratage des films sur Internet, Le
Monde, 19-5-2005
10
Patrick Zelnik, Louis Bricard, Mozart en tête de gondole, Le Monde, 21-12-2005
Yves Riesel, C’est moi l’assassin de Mozart, Le Monde, 5-1-2006
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11
ce sujet annoncé la signature du protocole d’accord sur le cinéma à la demande. Ce texte,
qui fixe la fenêtre d’exploitation de la VOD à 33 semaines après sa sortie en salles,
représente un progrès considérable pour la mise en place d’une offre légale de cinéma sur
Internet.
Etats-Unis, Australie : la répression en marche
En juin 2005, la Cour suprême a jugé illégal l’échange gratuit de fichiers
musicaux entre particuliers dans un arrêt très attendu Metro-Goldwin-Mayer studios v.
Grokster. Sept services majeurs, dont e-Donkey et Grokster ont fermé à l’automne.
De même, Kazaa a été condamné par une cour australienne à installer un filtre
empêchant l’échange de fichiers commerciaux.
En attendant, le projet de loi sur les droits d’auteur et droits voisins dans la société
de l’information (DADVSI), issu d’une directive européenne de 2001, devait être
transposé par les pays de l’Union avant décembre 2002. Le projet de loi proposait,
classiquement, de limiter les droits de copie dans l’optique de la protection du droit
d’auteur avec un verrouillage technique des fichiers. Mais le 21 décembre 2005, à
l’Assemblée nationale, lors du débat sur le texte, deux amendements supportés par le PS
et une partie de l’UMP – contre l’avis du Gouvernement – étaient introduits pour instituer
une « licence globale ». Pour une somme mensuelle versée aux ayants droit (on a parlé de
4 à 7 €), cette licence globale permettrait de copier et d’échanger librement des fichiers
musicaux ou autres.
Cette innovation a été très bien accueillie par l’Alliance Public-Artistes
(regroupant les associations de consommateurs et certaines structures de recouvrement de
droits artistiques), qui l’avaient inspirée, mais en général désapprouvée par les artistes, et
honnie par les éditeurs phonographiques. Pascal Nègre, PDG d’Universal Music France
(35 % du marché français de la musique) a déclaré 11 : « si la licence globale est acceptée,
il y aura vingt fois moins d’argent dans la filière musicale, qui représente actuellement
180 000 emplois ». Les éditeurs estiment à 87 €/mois le montant acceptable pour cette
licence globale. Un système comparable existe déjà pour les supports vierges, qui sont
taxés à des niveaux variables. Ainsi la Commission d’Albis, qui décide du montant de la
taxe, a décidé de baisser celle sur les mémoires flash : pour le iPod d’Apple, elle passe de
51 à 8 € fin 2005.
Au-delà des intérêts immédiats des différentes parties prenantes, le débat a
passionné tout le monde, car on a bien senti qu’étaient en jeu, d’un côté, la survie de la
11
Interview, Le Parisien, 23-1-2006
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création artistique et intellectuelle en France, et de l’autre le partage à faible coût de la
connaissance (au sens large), deux piliers de la société de l’information. L’historien
Robert Chartier, souligne que le texte, ou le fichier électronique ne sont pas des œuvres
fermées, mais qu’ils sont facilement manipulables et modifiables et il pose même cette
question : « Le droit d’auteur est- il une parenthèse dans l’histoire ? »12 .
Le ministre de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres, a retiré le projet de loi et
promis de revenir devant le Parlement au printemps 2006 avec une version acceptable
pour tous.
Mesure d’audience : l’heure du changement a sonné
Quand un média fait appel aux revenus publicitaires, il a besoin, pour
convaincre les annonceurs, de chiffres fiables et détaillés sur son audience, qui sont
fournis en France par des organismes spécialisés comme Médiamétrie pour
l’audiovisuel et ODJ Diffusion Contrôle pour la presse. L’explosion du nombre de
canaux de diffusion bouleverse la donne : il faut prendre en compte les nouveaux
médias dans les mesures d’audience, souvent contre l’avis des acteurs établis ; de
plus, ces nouveaux médias ont des caractéristiques techniques qui rendent cette
mesure difficile, ou au moins difficile à comparer à celle des médias traditionnels. Il
en va ainsi pour la presse gratuite (pas de chiffres de vente) et pour la télévision sur
ADSL . Signalons que Free a ainsi lancé avec TNS Sofres un dispositif de mesure en
temps réel (http://audience.free.fr) : réactualisation toutes les minutes environ, une
base d’abonnés de plus d’un million de téléspectateurs.
Radio
2005 constitue une année difficile pour le média radio en France. En effet, les
audiences mesurées par Médiamétrie ne sont pas favorables à la FM française qui
enregistre ainsi une baisse d’audience cumulée de 84,5 % à 83,5 % soit une perte de
100 000 auditeurs sur un an.
Si les résultats confirment le leadership de NRJ et de RTL, ces stations
connaissent cependant un repli. Les jeunes entre 13 et 24 ans en particulier écoutent
12
Interview, Le Monde, 18-12-2005
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moins la radio. La troisième place du podium est occupée par France Info. L’avenir est au
numérique qui arrive sous deux formes très différentes. Dans sa version « classique », il
s’agit tout simplement d’une transition comparable à celle de la TNT : il existe des
normes de diffusion numérique de la radio (le DAB et sa variété DBM mais aussi le
DRM) et il suffit d’y passer. La France, en retard sur ses voisins sur ce plan, va s’y
lancer. Mais il ne faut pas trop attendre : avec le développement de la radio sur Internet et
sur mobile, le créneau est convoité.
Taux d’écoute des stations de radio en France
(Audience cumulée, sept.-oct. %)
2005
2004
NRJ
12,9
14,9
RTL
11,8
12,4
France Inter
9,5
10,1
France Info
10,0
10,0
Europe 1
9,6
9,7
Nostalgie
8,3
8,1
Skyrock
8,0
8,1
Source : Médiamétrie
L’autre mode de consommation numérique, c’est « l’écoute désynchronisée » que
permet le podcasting. Cette nouvelle méthode de diffusion, consiste à permettre aux
propriétaires de baladeurs numériques comme l’IPod de télécharger des heures de
programmation. Par exemple, Clear Channel Communications, propriétaire de 1200
stations de radio aux Etats-Unis (touchant 100 millions d’auditeurs par mois), offre
gratuitement ses émissions les plus populaires dans ce format, précédées d’une publicité
de 15 secondes. National Public Radio, la radio publique américaine, propose aussi
plusieurs de ses shows sous cette forme. Filiale de Disney, ABC News a choisi le
podcasting pour élargir l’audience de son magazine d’information. En Angleterre, la
BBC commence également à adopter ce nouveau mode de consommation.
Le portail américain Yahoo! en a profité pour lancer un service gratuit servant de
répertoire aux amateurs de podcasting, les pionniers en la matière étant Odeo.com et
Podcast.net. Yahoo! estime que 5 millions de personnes ont déjà adopté le podcasting
car, désormais, 47 % des Américains de moins de 24 ans préfèrent écouter de la musique
sur Internet plutôt qu’à la radio, ce bouleversement des habitudes étant accéléré par la
hausse considérable du taux de pénétration des connexions à haut débit.
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Selon une étude publiée début juillet 2005 aux Etats-Unis par The Diffusion
Group, l’usage du podcasting devrait doubler chaque année d’ici 2010 pour atteindre la
barre des 60 millions de consommateurs américains téléchargeant des podcasts. Et ce
grâce à l’explosion des ventes des baladeurs numériques, Apple ayant écoulé 20 millions
de ses IPod !
En France, on oublie souvent que c’est le groupe Radio France qui s’est lancé le
premier sur le web. Après RTL, qui offre en particulier son émission phare Les grosses
têtes, Europe 1 a lancé en novembre une offre d’Europe 1, qui permet d’accéder à sept
florilèges thématiques de 15 à 35 minutes. Une fois qu’on s’est abonné gratuitement, un
logiciel spécifique récupère automatiquement les émissions tous les jours.
Cinéma
Le cinéma traverse une période difficile : baisse généralisée de la fréquentation
des salles – alors que le nombre et le budget des films produits augmentent, craintes liées
au piratage et passage à la technologie numérique.
Fréquentation des salles en baisse, production en hausse
La fréquentation des salles de cinéma avait connu des résul-tats particulièrement
flamboyants en 2004 : avec 194 millions de spectateurs, ils rejoignaient ceux de 1984,
c’est-à-dire une époque où la télévision payante était encore inconnue en France. En
revanche, en 2005, ils sont descendus à 174 millions (moins 10 %). La même évolution
est constatée dans les grands pays européens et aux Etats-Unis. Comme le demande
Thomas Sotinel, le critique du Monde : « Et si le cinéma quittait la salle ? »13 .
Pour le cinéma américain, cette désaffection est due à la concurrence d’Internet,
aux jeux vidéo et aux DVD, en version légale ou piratée. Brandon Gray, président et
éditeur du site de référence Box Office Mojo 14 , a un avis tranché sur le sujet : « Le
cinéma a toujours eu de la concurrence. La véritable raison est plus simple et plus
difficile à affronter : le public est las de films ennuyeux et mauvais. A force de suivre les
tendances au lieu de les créer, Hollywood n’a plus de vision à long terme. Il est temps de
se pencher à nouveau sur l’art d’inventer des histoires. »
Paradoxalement, le nombre de films augmente. Le Centre national de la
cinématographie en a agréé 240 en 2005, contre 203 en 2004. En dix ans, le nombre de
films produits en France a augmenté de 40 %. Et le nombre de films montrés en salle,
chiffre plus significatif encore, croît aussi. Il est devenu courant qu’une douzaine de films
nouveaux apparaisse sur les écrans français chaque semaine. Il est clair qu’un tel
13
14
Le Monde, 15-10-05.
http://www.boxofficemojo.com
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encombrement des écrans ne peut que se traduire par une très rapide carrière en salle de
la plupart des films, voués à des vies ultérieures à la télévision ou en DVD. D’ailleurs,
les Français ont acheté 142 millions de DVD en 2005 (+17 % en un an), mais leur prix a
baissé en France (16 % à moins de 3 €) selon GfK.
Le budget des films augmente aussi. Le film le plus cher de 2005 est King Kong,
aux recettes décevantes malgré son coût de 207 M$. En France, la palme revient à Oliver
Twist (50 M€) suivi des Bronzés 3 (35 M€).
La seule consolation de cette année est le fait que les films français se sont très
bien exportés en 2005 : ils ont eu plus de spectateurs à l’étranger qu’en France. La
marche de l’Empereur a ainsi eu plus de 16 millions de spectateurs hors de notre pays.
Box Office 2005 en France
Film
Origine
Entrées (millions)
1
Star Wars – Episode III
EU
7,2
2
Harry Potter et la coupe de feu
EU
7,0
3
Brice de Nice
FR
4,3
4
Charlie et la chocolaterie
EU
4,1
5
La guerre des mondes
EU
3,9
6
Madagascar
EU
3,2
7
Million dolla r baby
EU
3,1
8
Mr & Mrs Smith
EU
3,0
9
Les poupées russes
FR
2,9
10
Iznogoud
FR
2,5
Source : Le Film Français
EU = Etats-Unis
FR = France
L’évolution technique du cinéma
Les traditionnelles rencontres cinématographiques de Beaune ont permis, en 2005,
de faire le point sur les étapes prévisibles dans l’arrivée du cinéma numérique dans un
scénario présenté par l’ARP et le club HD15 :
• En 2010, 40 % des salles seront équipées de projecteurs numériques (l’Irlande a
annoncé en 2005 que la transition vers le numérique serait achevée dans un an) ;
• En 2015, un film pourra sortir simultanément sur 150 000 écrans dans le monde,
et sera exploité un seul jour ;
• En 2020, il faudra quatre semaines pour tourner un film, et le sortir avec le jeu
vidéo associé. 65 % des acteurs sont des clones numériques.
15
Nicole Vulser, Comment les films seront réalisés et consommés en 2010, Le Monde, 25-10-05
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Aux Etats-Unis, la Digital Cinema Initiative (DCI) a fixé les normes nécessaires au
déploiement de ces technologies, jusqu’au format dit 4K (4096 x 2160 pixels). En
novembre 2005, Thomson a signé un accord sur ce sujet avec sept des studios les plus
importants des Etats-Unis. Le coût par salle est de l’ordre de 70 000 à 100 000 dollars.
L’accord sur la vidéo à la demande
Le 20 décembre 2005, les trois parties concernées en France par la VOD (Video On
Demand), à savoir les industriels du cinéma, les groupes audiovisuels et les fournisseurs
d’accès à Internet, ont signé un accord, dont voici les grandes lignes :
• Des œuvres disponibles 33 semaines, soit 7 mois et demi, après la sortie au
cinéma (6 mois pour les DVD ou la location, et 12 mois pour la diffusion sur les
bouquets payants ).
• Un prix fixé à 4 € / film pour les nouveautés et 3 € / film pour le restant du
catalogue.
• Une limite de téléchargement fixée à 15 films par mois.
• Une interdiction pour les acteurs de proposer des offres gratuites.
• Une rémunération des ayants droit fixée à 50 % pour les nouveautés et 30 % pour
le restant du catalogue.
• Une participation financière au développement du cinéma européen, à hauteur de
5 %.
Cette offre constitue une sérieuse conc urrence pour le réseau de distribution
traditionnelle. Les analystes prévoient pour ce marché un chiffre d’affaires de 165 M€ en
2010, soit 70 € par an et par foyer équipé.
Différentes formules pourront être proposées par les prestataires de VOD : des
paiements à l’acte, des offres groupées et même des abonnements. Sur ce dernier point, il
s’agit d’une concession importante des studios de cinéma, qui s’étaient jusqu’à présent
toujours montrés hostiles au principe d’abonnement. En revanche, seuls les films de
catalogue (déjà diffusés à la télévision) pourront être proposés dans cette formule.
Pour finir, les opérateurs de cinéma à la demande s’engagent à contribuer au
financement « de la production d’œuvres cinématographiques européennes et
d’expression originale française ». Ils devront reverser un pourcentage défini de leur
chiffre d’affaires : 5 % pour des revenus oscillant entre 1,5 et 3 M€, et jusqu’à 10 % pour
des revenus dépassant 5 M€.
Cet accord est valable pour une période de douze mois. Un comité de suivi a été
mis en place pour suivre son application et les résultats du processus de riposte
graduée. De nouvelles négociations devraient démarrer courant 2006 pour prolonger ce
premier compromis.
L’année des TIC 2005
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Edition
Le marché du livre se transforme aussi. Après plusieurs années fastes, 2005 n’est
pas excellente pour l’édition française. Quelques best-sellers surnagent toutefois. Quant
à Internet, il entre en force dans le jeu avec le projet très contesté de bibliothèque
universelle virtuelle de Google.
Dans le monde de l’édition, on se trouve aussi confronté à la surproduction (de
l’ordre de 50 000 titres produits par an, 662 romans sortis à la rentrée 2005 en France),
alors qu’on craint que concurrence d’autres médias fasse reculer la pratique de la lecture.
Une étude de l’agence KR Media, que nous avons déjà citée, décrit le développement de
la consommation simultanée de plusieurs médias (musique + internet par exemple), peu
propice à la lecture « sérieuse » dans notre pays. Aux Etats-Unis, une étude montre que
moins de la moitié des Américains lit de la littérature.
En apparence non concerné par ce qui précède, le secteur traditionnel du roman
continue ses guerres pichrocholines. Michel Houellebecq, qui est édité dans plus de 30
pays, aurait reçu un à-valoir de 1 M€ quand il a quitté Flammarion pour Fayard-Hachette.
Mais son dernier roman, La possibilité d’une île, a reçu un accueil mitigé et le prix
Goncourt est allé à François Weyergans pour Trois jours chez ma mère (Grasset).
Cependant, il faut avoir à l’esprit que les plus gros tirages sont en fait trustés par quelques
écrivains plus « populaires » comme Dan Brown (Anges et démons, Da Vinci Code, chez
Lattes), Marc Levy (Vous revoir, chez Robert Laffont). Ce dernier aurait vendu 2,3
millions d’exemplaires de ses romans en 2005.
Les autres segments porteurs de l’édition sont le livre de jeunesse, et la BD. Le
succès ne se dément pas pour les aventures de Harry Potter dont 16 millions
d’exemplaires des tomes précédents avaient été vendus en France au moment de la sortie
du 6ème tome (Le prince du sang mêlé, chez Gallimard). L’offre de bande dessinée a
doublé depuis 2000. Le lancement de l’album d’Astérix (Le ciel lui tombe sur la tête, aux
éditions Albert-René) a pris des proportions gargantuesques : 8 millions d’exemplaires
tirés, sortie simultanée dans 27 pays. En matière de bande dessinée, la relève est assurée
par les mangas japonais ou coréens (1140 albums parus, soit 42 % du total du genre BD).
La France est devenue le deuxième marché mondial du genre (après le Japon) et on
considère qu’un jeune sur deux, entre 9 et 13 ans, lit des mangas.
Le livre et Internet, une relation compliquée
Nous avons relaté dans les éditions précédentes les malheurs du « livre
électronique », lancé trop tôt sans doute. Beaucoup de livres sont offerts en 2005 en
téléchargement payant ou gratuit et certains lecteurs utilisent pour cela leur PDA. Mais
dans l’attente d’écrans souples et de taille raisonnable, lire un livre est toujours plus
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commode sous sa forme papier traditionnelle, même s’il faut imprimer un fichier qu’on
doit télécharger. Dans une variante, les livres sont en fait à écouter : c’est l’offre
d’Audible.com (depuis 1997 aux Etats-Unis, 400 000 abonnés), qui a lancé sa version
française en 2005. Il faut 12,50 €, 20 minutes de téléchargement et 16 h 50 d’écoute pour
venir à bout du Da Vinci Code avec ce système.
Cela ne veut pas dire que les livres et la Toile mènent une vie séparée. Il existe
une foule de sites intéressants, qui éditent des inédits, proposent des extraits, des bonus,
des raretés, etc.
Les projets de bibliothèque virtuelle sont examinés dans le chapitre 11
consacré à In ternet.
W
WW
WW
W .. O
OS
ST
TIIC
C .. IIN
NF
FO
O
Télécommunications ~ Électronique ~ Informatique ~ Médias ~ Internet ~ Applications
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