Pages de jurisprudence sociale n°22
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Pages de jurisprudence sociale n°22
URISPRUDENCE SOCIALE Publication du Barreau de Lyon - Avril 2004, n°22 SOMMAIRE LIBRES PROPOS SUR LE HARCELEMENT MORAL L Procédure prud’homale oi nécessaire « pour qu’émerge du silence, du non dit, la souffrance d’hommes et de femmes niés en tant qu’êtres humains et réduits au rôle de vulgaires machines productives et qu’enfin le législateur considère comme condamnables des pratiques portant atteinte à l’intégrité et à la dignité des salariés… » (Bulletin d’information du Secteur Egalité de la Confédération FORCE OUVRIERE - Janvier 2002 – N°8) et pour aider au « processus de guérison pour les victimes de harcèlement », (selon l’expression de certaines associations) ; ou loi « fondée sur un concept flou, élastique et globalisant qui alimente des raisonnements paranoïaques, induit un climat délétère en créant une suspicion généralisée en encourageant les gens à préférer le statut de victimes impuissantes à celui du citoyen responsable… » (Jean-Pierre LE GOFF – Sociologue au Laboratoire Georges FRIEDMANN – PARIS I – C.N.R.S. in L’EXPRESS du 13 Mars 2003) ; les débats provoqués par l’entrée en vigueur des articles 168 à 180 de la loi du 17 janvier 2002 ont quelquefois été vifs. L Aujourd’hui, c’est-à-dire instruit par une expérience de presque deux ans, le praticien ne peut que constater le bien fondé de l’analyse que certains faisaient dès l’origine, à savoir que l’on se trouve en présence d’une loi mal rédigée, dangereuse (I) et inutile (II). L’article L. 122-49 a mis un terme à cette harmonie consensuelle semant un vent de panique dans les consciences. ’article L. 122-49 du Code du travail vient prohiber, de manière parfaitement banale, toute «expression déviante du pouvoir de subordination » (1). Il ne viendrait, au fond, à l’idée de personne de ne pas approuver la sanction d’un comportement qui n’a pas sa place dans la relation de travail. Il n’était d’ailleurs pas venu à l’idée de quiconque de s’insurger contre la jurisprudence de nombreuses Cours d’appel qui, antérieurement à la loi de modernisation sociale, avaient, sur le fondement de l’article 1134 alinéa 3 du Code civil auquel renvoie l’article L. 121-1 du Code du travail, rappelé que « le respect du salarié marque les limites du pouvoir de l’employeur. » (2). Mandat de l’avocat - Formalisme du désistement CA Lyon, 19/12/02 Licenciement pour motif personnel CA Lyon, 18/12/02 Licenciement pour inaptitude physique Charge de la preuve de l’impossiblité de reclassement CA Lyon, 22/01/03 Clause de non concurrence Absence de contrepartie pécuniaire à une clause contractuelle de non concurrence CA Grenoble, 06/01/03 Application d’une convention collective Employeur non adhérant à un syndicat patronal signataire - Convention collective étendue - Avenant ultérieur non étendu CA Lyon, 13/05/03 Sociologues, médecins et juristes s’accordaient alors à stigmatiser les méfaits du « mobing » pour le plus grand plaisir des médias. Fonction publique Tout allait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes tant que le champ lexical restait anglo-saxon et n’avait pas pris place dans nos sacrosaints codes Napoléon par le biais d’un texte spécifique. Agent SNCF Loi instituant une nouvelle bonification indiciaire - Décret d’application - Illégalité CAA Lyon, 27/12/01 Inaptitude à l’emploi - Juge compétent CAA Lyon, 01/10/02 Elections professionnelles I - Une loi mal rédigée et dangereuse a) Le nouvel article L.122-49 du Code Suite page 2 .........................Joseph AGUERA De nombreuses voix s’élèvent désormais pour juger l’apport de la loi de modernisation sociale au mieux superfétatoire, au pire imprécis et dangereux. La réalité et les pratiques n’ont Suite page 2 ............................. Pascale REVEL Vote par correspondance généralisée à une catégorie du personnel (non) TI Villeurbanne, 28/11/02 TI Lyon, 23/02/03 Accord d’entreprise Dénonciation - Obligation de motivation (non) TGI Grenoble, 09/01/03 Syndicat professionnel Action en justice - RecevabilitéReprésentant du syndicat - Condition TA Lyon, 08/04/03 D É B A T C O N T R A D I C T O I R E du travail est, pour l’essentiel, rédigé dans les termes suivants : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel… ». pourtant pas changé et la nécessité de canaliser les « déviances » reste tout aussi prégnante. Une loi était donc nécessaire (I), même si le législateur ou plutôt les législateurs successifs (et l’on pense à la regrettable réforme Fillon du 3 janvier 2003) restent souvent trop timides (II). I – Une loi nécessaire : Cette définition, si tant est que le terme ne soit pas impropre, laisse pantois le juriste, surtout si l’on considère que le texte est assorti de sanctions pénales. La notion d’agissements dont la connotation péjorative n’échappe à personne, est à peu près la plus floue qui puisse se concevoir : l’exigence de répétition ne vient en rien tempérer les craintes qu’elle suscite. En indiquant que ces agissements doivent avoir « pour objet ou pour effet », le législateur s’est inscrit à contrecourant d’une tendance législative voulant, à juste titre, réhabiliter la notion d’intention en droit pénal : désormais, on peut être harceleur malgré soi puisque la définition s’articule non au regard de l’acte et de son auteur, mais du point de vue de la victime et des conséquences de l’acte. Lesdites conséquences sont aussi floues puisque le législateur parle de «dégradation » (des conditions de travail) « susceptibles » de porter atteinte. Ainsi, les conséquences de la dégradation des conditions de travail n’ont pas à être constatées et établies mais simplement être « susceptibles » de l’être et elles doivent porter sur des concepts tout aussi flous comme, notamment, la « santé mentale » ou encore « l’avenir professionnel ». Le juriste attaché aux libertés publiques et donc au principe de « légalité des délits et des peines » et le praticien confronté à la réalité ne peuvent que considérer, à ce stade du raisonnement, que la loi est mal rédigée et dangereuse. b) S’inscrivant dans une démarche de plus en plus prisée en droit du travail, le législateur, sans oser le dire franchement, a ensuite mis en place un système probatoire qui aboutit de facto à une inversion de la charge de la preuve : on ne peut être, à cet égard, que frappé de constater qu’aucun de ceux qui font habituellement référence aux droits de la défense et à la notion de présomption d’innocence, n’a protesté, au moment du vote de la loi, considérant, selon l’expression du professeur J.-E. RAY que le droit processuel est un droit mineur qui peut être, en Droit du travail, écarté au motif d’opportunité. On rappellera ici en effet que dans le texte d’origine le salarié devait simplement « présenter des faits laissant supposer le harcèlement moral » : on avait, à l’époque, évité de justesse la simple exigence d’une « allégation » ; situation qui a conduit, fort heureusement, le Conseil constitutionnel à édicter de « strictes réserves d’interprétation » dans une décision du 12 janvier 2002, trouvant à s’appliquer dans le procès civil et à indiquer que cette inversion de la charge de la preuve ne s’appliquait pas en matière pénale. Les pages de JURISPRUDENCE SOCIALE, n° 22 Avril 2004 - II a) Pour affiner les concepts : Il est désormais de bon ton de se gausser des références légales en matière de « santé mentale » du salarié. Passé l’effet ironique irrésistible, peut-être faut-il se souvenir de quelle manière les Romains appréhendaient l’être humain « Mens sana in corpore sano ». Peut-être, faut-il aussi avoir en mémoire la fin du 19ème siècle où la psychanalyse explorait les arcanes du champ mental de l’humain dans sa complétude. Telle n’était toutefois pas l’évolution du juriste social pour lequel « la santé mentale » demeurait un tabou à bouter hors de l’enceinte de l’entreprise. Jusque là, en effet, le Droit du travail, comme celui de la sécurité sociale, « se sont développés à partir d’une vision mécanique de l’être humain ». « C’est d’abord le corps qu’il a fallu protéger des agressions du travail industriel » (3). C’est cette santé mentale qui fait donc son entrée tardive dans l’entreprise opérant ainsi au plan législatif « un changement d’angle au travers d’une approche globale de l’être humain » (4). C’est donc le salarié, en tant qu’individu à part entière, qui est désormais protégé du comportement du harceleur. L’approche de la personnalité du harceleur s’est aussi affinée au travers de la loi. N’est pas harceleur qui veut. Les coups de gueule, les coups de stress restent permis pour l’employeur à tout le moins - puisque ces agissements, avant d’être constitutifs de harcèlement, doivent être caractérisés au plan temporel (répétés) et objectivés en terme de conséquences (un comportement ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail…). Mieux, le harceleur n’est plus uniquement celui qui s’en donne la peine. Il est aussi celui qui, comme Monsieur JOURDAIN, fait du harcèlement sans le savoir, découvrant à l’occasion du procès que même l’enfer peut être pavé de bonnes intentions. Mais la loi n’a pas voulu enchâsser le conflit dans une vaine dualité de protagonistes -harceleur-harcelé- et a tenté, pour éviter précisément toute approche manichéenne, de donner la parole à d’autres acteurs du travail. b) Pour accroître les pouvoirs : Le médecin du travail a vu ses pouvoirs renforcés par l’article L. 241-10-1 du Code du travail qui lui permet de « proposer des mesures individuelles telles que mutation ou transformation de poste, justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, à la résistance physique ou à l’état de santé physique et mentale des travailleurs ». Les salariés pourront avoir accès à leur dossier en application des articles L. 1111-1 et suivants du Code de la santé publique. Le médecin du travail peut, a fortiori dans un conflit ayant trait au harcèlement, « permettre au travailleur souffrant de s’inscrire dans une dynamique de suivi/accompagnement pour sa propre réhabilitation et, La loi dite « FILLON » du 3 janvier 2003 a à peine modifié les règles probatoires en indiquant que le salarié devait « établir » les faits allégués. d’autre part, proposer à l’employeur une transformation de l’environnement global du travail dans lequel la souffrance psychique de l’individu a pu se cristalliser. » (5) On notera que sous le prétexte peu convainquant que le contentieux administratif a ses règles propres, le régime probatoire ci-dessus exposé n’a pas été étendu à la fonction publique qui, pourtant selon le Ministre du travail de l’époque, représentait un tiers des cas de harcèlement moral signalés (Rapport Sénat N°275 – Tome I – p. 321). Le CHSCT peut proposer des actions de prévention en matière de harcèlement (article L. 236-2, §6), et le CHSCT peut demander la nomination d’un expert pour faire identifier la situation de harcèlement moral. Marie-Ange MOREAU va même plus loin en précisant : « le CHSCT peut demander ensuite au juge sur le fondement de l’obligation de prévention prévue à l’article L. 122-51 la mise en œuvre de mesures sous astreinte. » (6) Les délégués du personnel qui ont déjà la possibilité de saisir l’employeur en cas d’atteinte aux droits fondamentaux (art. L. 422-1-1) interviennent désormais en matière de harcèlement. On soulignera aussi qu’à partir du moment où la définition légale s’articule autour du ressenti de la « victime – salariée», rien n’est dit sur l’identité de l’auteur potentiel qui peut donc être un supérieur hiérarchique, un collègue, un subordonné, voire un client qui parlerait mal à une standardiste ou qui harcèlerait le préposé d’un service d’administration des ventes pour se plaindre de retards. Une dernière incongruité peut être signalée, à savoir, celle qui résulte du fait que la loi instaure deux sanctions pénales, une dans le Code pénal et l’autre dans le Code du travail, l’amende visée dans l’un étant différente dans son quantum de celle visée dans l’autre. II – Une loi inutile a) S’agissant de l’inutilité de la loi, qu’il soit permis au rédacteur de ces quelques lignes de faire état de deux expériences vécues et qui l’illustrent parfaitement. Etudiant pour la première fois la matière, au moment de l’entrée en vigueur de la loi, il fut surpris de trouver dans l’introduction d’un article de doctrine, la référence à trois décisions de justice dont l’auteur indiquait qu’elles constituaient un précédent jurisprudentiel par lequel il était déjà fait état de la notion de harcèlement moral. Parmi ces espèces, il en avait plaidé deux, l’une concernant le licenciement d’un cadre dont l’attitude vis à vis de ses collaborateurs était excessive et, l’autre un débat hélas classique de licenciement pour insuffisance professionnelle venant après plusieurs avertissements. Une fois ces deux dossiers exhumés des archives, l’évidence s’imposa : sans qu’il n’ait eu besoin de loi pour ce faire, le juge avait effectivement parlé de harcèlement moral pour rejeter la demande du cadre dans le premier dossier et accueillir celle du salarié dans le second, et les parties avaient donc débattu de cette notion comme Monsieur JOURDAIN faisait de la prose, c’est-à-dire, sans le savoir. Affrontant, quelques temps après, à la barre prud’homale un plaideur qui se présentait sans avocat et qui contestait trois avertissements successifs, il entendit l’intéressé demander un renvoi pour pouvoir modifier son argumentation et solliciter, non plus, l’annulation des sanctions, mais des dommages et intérêts pour harcèlement moral. b) Ces exemples illustrent l’inutilité de la loi puisque avant même l’entrée en vigueur du nouvel article L. 120-4 du Code du travail, le contrat de travail, soumis aux règles de droit commun de par l’effet des dispositions de l’article L. 121-1 du Code du travail devait s’exécuter de bonne foi, au sens de l’article 1134 du Code civil, de sorte que les juges n’étaient pas désarmés et n’hésitaient pas à sanctionner tous les comportements excessifs qui Le médiateur, dont l’intervention est désormais posée par l’article L. 122-54, peut être saisi d’un double recours : par le salarié s’estimant victime du harcèlement ou par la personne mise en cause. L’inspection du travail peut enfin intervenir tant à titre préventif qu’à titre répressif (Editions Francis LEFEBVRE, Théma Le Harcèlement Moral ; CA Bordeaux, 3 mars 2000, RJS 12/00, n° 1218). Ainsi, loin de cantonner les protagonistes du harcèlement dans un micro-conflit, la loi de modernisation sociale a eu à cœur d’ouvrir au mieux le dialogue social. Elle est allée ainsi, bien au-delà des timides constructions prétoriennes préexistantes jusqu’alors. Néanmoins cette loi n’est pas suffisante. II. Une loi insuffisante : 1) Quant à la charge de la preuve Le Droit du travail tend, au fil des années, à s’émanciper de l’administration d’une preuve civiliste, obsolète et inadéquate à la vie sociale. Pour établir l’existence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement, d’heures supplémentaires ou de discrimination syndicale, la charge de la preuve est partagée entre les parties. Mais le législateur du 3 janvier 2003 en a décidé autrement pour le salarié qui se prétend harcelé. Pour lui, la preuve sociale doit être rendue plus ardue. Qui sait ? Peut-être une manière un peu déviante de tenter d’étouffer le procès dans l’œuf… Il faut dire que paradoxalement, le salarié qui se prétend harcelé est suspect. Il dérange, l’impudique, qui vient dire sa souffrance au Tribunal, déverser son mal-être en audience publique. Ne serait-ce pas plutôt un paranoïaque qui promène d’entreprise en entreprise, malgré de vaines années de thérapie, sa fragilité psychologique incurable ? Ne serait-ce pas non plus un coupable simulateur désireux de couvrir à tout prix sa béante incompétence professionnelle ? Ne serait-ce pas enfin un naïf, ignorant que les rapports de travail sont régis par le jeu des pouvoirs hiérarchiques et disciplinaires ? C’est pourquoi, le salarié qui se prétend harcelé doit littéralement faire ses preuves et la réforme probatoire érige cette suspicion au plan législatif. Pour le salarié harcelé, la preuve n’est plus une charge, c’est D É B A T C O N T R A D I C T O I R E Les pages de JURISPRUDENCE SOCIALE, n° 22 Avril 2004 - III s’affranchissaient de cette exigence élémentaire. D É C I S I O N S C O M M E N Certains ont dit que le principal intérêt de la loi réside dans le fait qu’elle permettait d’attirer l’attention sur un phénomène de société : curieuse conception de l’action législative que celle qui place la loi au rang d’une campagne publicitaire. En réalité, la véritable raison d’être de la loi, issue d’une proposition du Groupe Communiste à l’Assemblée Nationale, est à rechercher dans le souci qu’avait le Gouvernement de l’époque d’obtenir l’adhésion dudit Groupe à la loi de modernisation sociale. Voici un nouvel exemple d’un travers bien connu : on légifère pour complaire à tel groupe politique de l’Assemblée Nationale ou à tel groupe de pression, voire à des fins médiatiques. Ensuite, portée par « l’effet fonds de commerce » d’associations ad hoc, et grâce à l’imprécision législative, déferle la vague jusqu’au juge vers qui la société déverse les problèmes qu’elle ne sait pas résoudre, lequel, et il faut le plaindre, aura à discerner ce qui relève de la projection dans la sphère professionnelle de problèmes de la vie personnelle, la simple mauvaise humeur ou le mauvais caractère, des cas de véritable perversité dont nul ne saurait contester qu’ils existent et qui, quant à eux, méritent des sanctions sévères. Il est à craindre qu’à l’instar de « Pierre et le loup » la victime réelle de comportements blâmables ait du mal à faire distinguer par le juge sa situation de celles, pour reprendre ici l’expression de Monsieur LE GOFF qui sont incitées par la loi à « décoder leurs problèmes en termes de perversité morale ou de pathologie psy au lieu de les affronter comme des rapports de force ou des conflits inhérents aux groupes humains ». Terminons cette analyse sur une note optimiste : alors que le premier livre de Madame HIRIGOYEN ne traite du harcèlement moral dans le cadre de l’entreprise que parmi d’autres (famille, voisins), le législateur n’a-t-il pas rendu un fantastique hommage à l’entreprise en en faisant l’unique objet de son attention. Celle-ci devrait être, selon lui, une sphère idyllique où n’existerait ni mauvaise humeur, ni mauvais caractère, ni stress, le tout sous le contrôle bienveillant des organisations syndicales, de l’inspecteur du travail, voire d’un médiateur, et enfin, en dernier lieu, du juge, tous devant sans doute être recyclés pour acquérir des compétences en matière de « santé mentale ». Joseph AGUERA Avocat au Barreau de LYON un véritable fardeau. Rappelons-nous qu’il s’agit d’un salarié discrédité, marginalisé atteint dans son intégrité et sa dignité, isolé dans sa souffrance. Et bien c’est celui là même qui va devoir prouver plus qu’un autre. Il sera chanceux si son harcèlement a été grossièrement objectivé dans la relation de travail (rétrogradation, irrespect du minimum conventionnel etc.). A défaut, il devra verser aux débats les attestations de ses collègues souvent muets. Le certificat de son médecin traitant sera écarté car non établi par un spécialiste. Le certificat de son psychiatre (« il consulte un psychiatre, c’est bien la preuve qu’il est fou ») sera également passé à l’étrille : ce professionnel ne connaît rien à l’entreprise. Peut-être pourra-t-il obtenir au plus une mesure d’expertise judiciaire. Aussi, seul le harcèlement notoire pourra être établi et sanctionné, la réforme du 3 janvier 2003 laissant impuni le harceleur habile et discret. 2) Quant au préjudice subi Sur cette question, la loi est restée silencieuse. Pourtant, plus que dans tout autre domaine social, l’évaluation du préjudice du salarié harcelé pose problème. Quelle juste indemnisation solliciter ? Comment évoquer même le préjudice, certes irrecevable, mais ô combien existant subi par l’entourage et les proches du salarié ? La loi aurait peut-être dû également se pencher sur le sort du licenciement prononcé en suite de l’inaptitude constatée par le médecin du travail du fait d’un harcèlement. A cet égard, la loi aurait pu, dans un souci de cohérence, retenir comme la Cour d’appel de Besançon dans un arrêt du 17 septembre 2002 que : « La faute de l’employeur étant à l’origine de l’inaptitude, celle-ci ne saurait constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. » (Cour d’appel de Besançon, 17 septembre 2002, arrêt n° 384 102). *** Le refus farouche de certains à admettre l’existence du harcèlement moral dans les relations de travail, la timidité du législateur à donner au salarié les véritables moyens pour faire établir ce harcèlement passeront par d’autres réformes. A quand une reconnaissance officielle plus globale de ce type d’agissements dans d’autres sphères que la seule sphère du travail ? Pascale REVEL Avocat au Barreau de LYON T É E S (1) Harcèlement moral et Droit commun de la responsabilité civile par Cédric Bouty, Droit Social, juillet/août 2002. (2) CA Grenoble, 6 mai 1992, Société Acore/Naili, RJS 8-9/92, n° 1053. (3) Travail et santé : le point de vue d’une juriste par Nicole MAGGI GERMAIN, Droit Social, mai 2002. (4) et (5) Travail et santé : le point de vue d’un médecin par Colette JACQUES, Droit Social, mai 2002. (6) Pour une politique de santé dans l’entreprise, Marie-Ange MOREAU, Droit Social, Sept./Oct. 2002. Les pages de JURISPRUDENCE SOCIALE, n° 22 Avril 2004 - IV PROCÉDURE PRUD’HOMALE Mandat de l’avocat - Formalisme du désistement Cour d’appel de Lyon, Chambre sociale, 19 décembre 2002 D É C EXPOSE DES FAITS M. L. saisit le Conseil de prud’hommes pour contester la cause réelle et sérieuse de son licenciement. Quelques mois plus tard, un courrier de son avocat informe le greffe que son client se désiste de l’intégralité de ses demandes. C’est également par courrier que son ancien employeur accepte ce désistement. Mais à l’audience de jugement, et par l’intermédiaire de son nouvel avocat, M. L. conteste s’être désisté. Le Conseil, dans une première décision, déclare non valable le désistement intervenu par écrit et dans une seconde dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, octroyant à M. L., indemnités de rupture et dommages et intérêts. L’employeur forme appel de ces deux décisions et demande à la Cour de reconnaître valable le désistement et subsidiairement, de dire le licenciement fondé sur un juste motif. Son ancien salarié demande la confirmation des condamnations en soutenant que son premier avocat n’était investi que d’une mission d’assistance en justice et qu’il ne pouvait dès lors mettre fin à l’instance. La Cour rejette ses prétentions en considérant que le désistement formulé par l’avocat a bien entraîné l’extinction de l’instance. S’agissant du désistement, l’article 417 dudit code instaure toutefois envers les tiers au mandat que sont le juge et la partie adverse un effet d’engagement irrévocable : « La personne investie d’un mandat de représentation en justice est réputée, à l’égard du juge et de la partie adverse, avoir reçu pouvoir spécial de faire ou accepter un désistement…. » Mais, aux termes de l’article 412 du NCPC, le rôle de l’avocat peut aussi se limiter à une mission d’assistance en justice. Il se contente alors de conseiller son client, voire de présenter sa défense mais sans l’engager. On comprend dès lors l’intérêt de M. L. de voir la Cour considérer que son premier avocat n’était investi que de cette mission aux contours limités. Celle-ci ne répond pas à ses attentes : elle estime au contraire à l’analyse des actes accomplis par l’avocat avant sa révocation (représentation à une première audience de jugement où le client ne comparaissait pas, signature du document informant de la date de renvoi, réinscription au rôle après une radiation de l’affaire), qu’il avait bien un mandat ad litem. La Cour ainsi, nonobstant l’absence de mandat écrit conféré par le salarié à son conseil, retient l’existence d’un mandat de représentation. Tirant les conséquences des prescriptions de l’article 417 précité, elle valide le désistement d’instance, lequel, en matière prud’homale, eu égard au principe d’unicité de l’instance, emporte désistement d’action. OBSERVATIONS Dans cette espèce, la Cour était conduite, d’une part, à apprécier l’existence d’un mandat de représentation et, d’autre part, à s’interroger sur le formalisme du désistement. Le mandat de l’avocat L’intervention de l’avocat peut avoir pour fondement un mandat de représentation en justice qui emporte pouvoir et devoir d’accomplir au nom de son client les actes de la procédure (art. 411 du Nouveau Code de Procédure Civile). Sont exclus par exception du périmètre de ce mandat général certains actes considérés comme plus graves et nécessitant un pouvoir spécial, par exemple récuser un juge ou, comme en l’espèce, se désister d’une action en justice. Le formalisme du désistement Le caractère oral de la procédure prud’homale empêche t-il un désistement formalisé par écrit de produire son effet extinctif ? Les premiers juges, retenant la prédominance du principe d’oralité, répondent par l’affirmative et écarte le désistement. La Cour quant à elle retient la validité du désistement et s’inspire pour ce faire d’une décision rendue par la chambre sociale de la Cour de cassation concernant un désistement d’appel (Cass. soc., 25 novembre 2001). Cette dernière (en cassation d’un arrêt rendu par la Cour d’appel de Lyon) valide le désistement par écrit au motif que les règles du Nouveau Code de Procédure Civile qui régissent le désistement d’instance ne trouvent aucune dérogation dans celles édictées par le Code du travail dans I S I O N S C O M M E N T É E S Les pages de JURISPRUDENCE SOCIALE, n° 22 Avril 2004 - V D É C I S I O le domaine de la procédure prud’homale. PRINCIPAUX ATTENDUS Or, le Nouveau Code de Procédure Civile n’impose nullement l’oralité en la matière. A cette occasion la Cour de cassation précise également que le désistement d’appel n’est pas soumis à l’acceptation de l’intimé dès lors que ce dernier n’a pas formé appel incident dans le délai d’appel (un mois à compter de la notification du jugement). N S Philippe GAUTIER Avocat au Barreau de Lyon "Attendu que la Cour, en se reportant aux mentions figurant sur le dossier établi par le Conseil de prud’hommes, constate que devant le bureau de jugement, à l’audience du 9/11/1998, Mr LAGRAND était non comparant, et représenté par Me SEON, lequel a pris connaissance de la date à laquelle l’affaire était renvoyée en apposant sa signature sur le dossier (le greffe n’a pas adressé de nouvelle convocation à Mr LAGRAND) ; qu’à l’audience de renvoi du 28/6/1999, le Conseil de prud’hommes, constatant l’absence des parties, a prononcé la radiation de l’affaire ; que Me SEON est intervenu pour demander la réinscription de l’affaire au rôle avant d’informer le greffe que son client se désistait de toutes ses demandes. Attendu qu’il résulte de ces constatations que Me SEON n’était pas chargé d’une simple mission d’assistance et avait bien été investi d’un mandat de représentation en justice de telle sorte qu’il est présumé avoir reçu le pouvoir spécial de faire un désistement, conformément aux dispositions de l’article 417 du NCPC. Attendu que le désistement d’instance est régi par les dispositions du Nouveau Code de Procédure Civile communes à toutes les juridictions, auxquelles il n’est pas dérogé par les dispositions du Code du travail particulières aux juridictions statuant en matière prud’homale. C’est donc à tort que le premier juge a considéré que le désistement et son acceptation, faits par écrit avant les débats, n’avaient pu entraîner l’extinction de l’instance faute d’avoir été exprimés oralement à l’audience de jugement. Le jugement du 10/11/2000 qui a déclaré non valable le désistement et déclaré recevables les demandes formées par Mr LAGRAND doit par conséquent être infirmé, de même que le jugement sur le fond du 2/3/2001. Le désistement de Monsieur LAGRAND, rendu parfait du fait de son acceptation par la partie adverse, a emporté extinction de l’instance, et fait obstacle, comme le rappelle l’appelante, par l’effet de la règle de l’unicité de l’instance, à la recevabilité d’une nouvelle demande fondée sur des causes connues du demandeur avant sa demande initiale. » Cour d’appel de Lyon, Chambre sociale 19 décembre 2002 Régie départementale des voies ferrées du Dauphine VFD c/ Lagrand C O LICENCIEMENT POUR MOTIF PERSONNEL M Etablissement par un salarié proche collaborateur du cessionnaire, d’une attestation comportant au moins une erreur de date dans le cadre d’un conflit opposant le cédant à son cessionnaire M Etablissement du document entraînant la détérioration des relations ne permettant pas la poursuite du contrat de travail - Cause réelle et sérieuse de licenciement (oui) E Cour d’appel de Lyon, Chambre sociale, 18 décembre 2002 N EXPOSE DES FAITS la Cour d’appel a confirmé le jugement du Conseil de prud’hommes considérant que : Monsieur Boisset est licencié par la société Créastyl par lettre motivée ainsi : « Le fait pour un proche collaborateur de faire une telle attestation constituait manifestement un fait objectif de nature à ruiner la confiance que l’employeur devait pouvoir placer en lui, caractérisant ainsi « la détérioration des relations » telle que visée dans la lettre de licenciement ». T E E S « La détérioration de nos relations ne permet pas la poursuite d’une collaboration confiante au sein de l’équipe de direction dans une petite structure comme la nôtre ». Le salarié, dans le cadre d’un conflit opposant le cessionnaire de la société Créastyl à son cédant, a témoigné en établissant une attestation en faveur du cédant. Or, il s’est avéré que cette attestation comportait au moins une erreur de date, Monsieur Boisset n’ayant pu être témoin des faits à la date indiquée. Le salarié portait l’affaire devant les juridictions lyonnaises ; Les pages de JURISPRUDENCE SOCIALE, n° 22 Avril 2004 - VI OBSERVATIONS De premier abord, cet arrêt peut paraître surprenant quant à son énoncé car faisant allusion à la notion de perte de confiance, notion en apparence totalement prohibée par la Chambre sociale de la Cour de cassation. En effet, la perte de confiance ne peut jamais constituer en tant que telle une cause de licenciement, même quand elle repose sur des éléments objectifs. Seuls ces éléments objectifs peuvent, le cas échéant, constituer une cause de licenciement (Soc., 29 mai 2001, Dubois Couverture c/ Cardon, RJS 8-9/01, n° 999 ; Soc., 3 avril 2002, n° 1274, F.D Mandelier c/ Association Agence Intercommunale pour le développement de l’emploi). Certains ont cru voir à la lecture de ces arrêts de la Haute Cour, la prohibition de l’utilisation des termes « perte de confiance » dans une lettre de licenciement. Dans notre espèce, la Cour a pris soin d’examiner les faits reprochés au salarié in concreto et a apprécié ceux-ci au regard de la taille de l’entreprise et des responsabilités du salarié. Elle en a déduit que ces faits objectifs étaient de nature à ruiner la confiance de l’employeur, justifiant ainsi un licenciement pour cause réelle et sérieuse. La Cour d’appel a parfaitement fait application de la jurisprudence de la Haute Cour. Philippe GROS Avocat au Barreau de Lyon PRINCIPAUX ATTENDUS « Le fait pour un proche collaborateur de faire une telle attestation constituait manifestement un fait objectif de nature à ruiner la confiance que l’employeur devait pouvoir placer en lui et caractérisait dès lors, telle que la vise la lettre de licenciement, « la détérioration des relations ne permettant pas la poursuite d’une collaboration de confiance au sein de l’équipe de direction dans la petite structure » que constituait la société Créastyl… ». Cour d’appel de Lyon, 18 décembre 2002, Monsieur Boisset c/ Sté Créastyl D É C I S I LICENCIEMENT POUR INAPTITUDE PHYSIQUE O Charge de la preuve de l’impossibilité de reclassement N Cour d’appel de Lyon, Chambre sociale, 22 janvier 2003 EXPOSE DES FAITS Une salariée travaillait dans une entreprise de nettoyage industriel, occupant un emploi d'ouvrière nettoyeuse. A la suite d'un accident du travail ayant entraîné une longue période d'arrêt de travail de 18 mois, celle-ci était examinée par le médecin du travail dans le cadre de la visite de reprise, qui constatait l'inaptitude de l'intéressée à occuper son emploi. Le médecin du travail l'examinait alors une nouvelle fois deux semaines plus tard conformément à l'article R. 241-51-1 du Code du travail, et rendait à cette occasion un avis d'inaptitude à son poste de travail, ainsi qu'à tous postes de nettoyage. Il préconisait dans ce même avis, un reclassement à un poste excluant les travaux manuels pénibles. Dès le lendemain de cet avis d'inaptitude, la société informait sa salariée de l'impossibilité de procéder à son reclassement, et lui notifiait son licenciement pour inaptitude physique aux travaux de ménage, 8 jours plus tard. Cette salariée décidait alors de contester le bien fondé de son licenciement devant le Conseil de prud'hommes de Lyon, au motif que l'entreprise n'avait pas respecté son obligation de reclassement. Concernant la mise en œuvre d'un tel reclassement, la Cour de cassation a pu poser plusieurs règles dont les deux suivantes : Par jugement du 29 octobre 1999, la juridiction prud'homale jugeait le licenciement conforme aux exigences de l'article L. 122-32-7 du Code du travail et déboutait la demanderesse de ses prétentions. Le périmètre de reclassement ne se limite pas à la seule entreprise employant le salarié inapte, mais inclut l'ensemble des sociétés du groupe auquel appartient l'entreprise concernée, et dont les activités et l'organisation permettent la permutation de tout ou partie du personnel (Cass. soc., 24 octobre 1995, Décolletage Plastique c/ JADAULT ; Cass. soc., 16 juin 1998, Sté Paragerm c/ Castenet). La Cour d'appel de Lyon, saisie par la salariée déboutée en première instance, confirmait par arrêt du 22 janvier 2003 le jugement critiqué en estimant notamment que la salariée n'indiquait pas quel poste, adapté à ses capacités, aurait pu lui être proposé. OBSERVATIONS Qu'il s'agisse d'inaptitude faisant suite à un accident ou à une maladie de droit commun d'une part (article L. 122-21-7 du Code du travail), ou à caractère professionnel d'autre part (article L. 12232-5 du Code du travail), il incombe à l'employeur une obligation de reclassement. Par cette obligation, l'employeur est ainsi tenu de proposer tout emploi vacant, compatible avec les capacités physiques et professionnelles du salarié. La charge de la preuve de l'impossibilité de reclassement incombe à l'employeur (Cass. soc., 7 juillet 1988, pourvoi n° 8612.530 ; Cass. soc., 20 octobre 1993, pourvoi n°90-41.661), ces règles étant transposables à l'identique dans la mise en œuvre de l'obligation de reclassement à laquelle est également tenu l'employeur en matière de licenciement pour motif économique. C'est au regard de cette seconde règle que l'arrêt commenté mérite l'attention, car semblant être un infléchissement de la jurisprudence précitée. Ainsi, sans aller jusqu'à inverser la S C O M M E N T É E S Les pages de JURISPRUDENCE SOCIALE, n° 22 Avril 2004 - VII D É C I S I O N charge de la preuve, la Cour d'appel vient préciser, pour constater la réalité de l'impossibilité de reclassement par l'employeur, que la salariée « n'indique pas quel poste adapté à ses capacités, aurait pu lui être proposé ». On peut penser qu'une telle prise de position s'explique par la spécificité des faits dont la Cour avait été saisie dans la mesure où il est vrai qu'une entreprise de nettoyage aura bien du mal à faire travailler du personnel inapte à des emplois de «nettoyeurs», et correspondant par nature, à la grande majorité des emplois existants dans ce type d'entreprise. La chronologie des faits laisse toutefois circonspect quant à la réelle volonté de l'employeur de reclasser l'intéressée : l'avis d'inaptitude précisant par ailleurs le reclassement à envisager, est prononcé le 22 juillet : or, la salariée est informée de l'impossibilité de reclassement dès le … 23 juillet, soit le lendemain. Il est ainsi clair que la charge de la preuve de l'impossibilité de reclassement pesant sur l'employeur doit être préservée, dès lors que le salarié, par hypothèse parti de l'entreprise, est le plus souvent démuni pour justifier des postes disponibles au sein de l'entreprise et a fortiori au sein d'un Groupe. Inversement, prouver le respect de son obligation de reclassement par l'employeur est aisé puisqu'il lui suffit de produire le ou les registres d'entrées et sorties du personnel afin qu'il soit constaté l'absence d'embauche sur des emplois compatibles avec les capacités physiques et professionnelles du salarié inapte, et ce sur les semaines suivant la notification du licenciement. Pascale REVEL Avocat au Barreau de Lyon S PRINCIPAUX ATTENDUS « La Cour, adoptant les motifs du premier juge, constate que compte tenu de son activité (l’entretien de locaux industriels) et de la qualification de la salariée, la société Abilis, qui avait recueilli l’avis des délégués du personnel, était effectivement dans l’impossibilité de lui proposer une mesure de reclassement Madame Bedhiaf n’indique d’ailleurs pas quel poste, adapté à ses capacités, aurait pu lui être proposé. » Cour d’appel de Lyon, chambre sociale, 22 janvier 2003 Bedhiaf c/ SA Abilis Sud-Est CLAUSE DE NON CONCURRENCE C L’absence de contrepartie pécuniaire à une clause contractuelle de non concurrence contraint l’employeur à réparer le préjudice subi par le salarié O Cour d’appel de Grenoble, Chambre sociale, 6 janvier 2003 M M E N T É E S EXPOSE DES FAITS Un moniteur d’auto-école est engagé le 3 septembre 1996 avec un contrat écrit comportant une clause de non concurrence limitée à la zone géographique d’exercice de son activité et pour une durée d’un an. Pas plus que la convention collective régissant les relations entre les parties, le contrat de travail ne prévoyait de contrepartie pécuniaire. Le salarié démissionne le 26 mai 1997 et n’est pas libéré de la clause. Il exerce son métier pendant quelques jours au service d’une auto-école sise en dehors du champ géographique de la clause. Il saisit le Conseil de prud’hommes de Grenoble le 15 décembre 1998 pour voir déclarer nulle la clause de non concurrence et obtenir réparation de son préjudice qu’il fixe à 1 524,49 euros. Le Conseil le déboute. La Cour vise l’arrêt du 10 juillet 2002, retient le caractère illicite de la clause contractuelle, qui oblige l’employeur à réparer le préjudice subi par le salarié, et fixe les dommages intérêts à la somme de 800,00 euros. OBSERVATIONS Cette fois, le virage jurisprudentiel est bien de 180° ! Dans un premier temps la Cour de cassation a opéré un virage à 90° consistant à affirmer qu’une clause de non concurrence sans contrepartie pécuniaire était illicite au regard des dispositions de l’article L. 120-2 du Code du travail selon lequel «nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de Les pages de JURISPRUDENCE SOCIALE, n° 22 Avril 2004 - VIII la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché». Cet article avait été introduit par une loi du 31 décembre 1992 sans pour autant que pendant les années qui suivirent, la Cour de cassation ne juge nécessaire d’infléchir sa jurisprudence constante selon laquelle, sauf disposition conventionnelle plus favorable, une clause de non concurrence pouvait être parfaitement opposée au salarié même sans contrepartie pécuniaire, et ce, jusqu’au coup de tonnerre dans le ciel de juillet 2002. On rappellera d’ailleurs que dans cette procédure le salarié n’avait pas demandé à la Cour Suprême de déclarer illicite la clause, persuadé que ce combat était perdu d’avance, c’est ellemême qui soulèvera le moyen d’office. L’arrêt de la Cour de Grenoble poursuit et achève ce revirement : sous couvert de la réparation du préjudice subi, le salarié a donc bien droit finalement à la contrepartie pécuniaire qui n’était pas prévue au contrat. Dans un arrêt plus récent, cette même Cour a fixé à la moitié du salaire brut le montant de l’indemnité due à une salariée qui n’avait été déliée qu’au bout de 8 mois, et sur sa demande, d’une clause illicite (BEYLIE c/ SIRCAM, 17 novembre 2003). On sait que la Cour de cassation a suivi la même démarche (Cass. soc., 18 mars 2003). On soulignera enfin la nature indemnitaire des sommes allouées à la différence de la contrepartie pécuniaire qui est considérée comme un salaire, ce qui laissera indifférents ni l’employeur ni le salarié, dès lors que ce dernier a vocation à percevoir l’équivalent de la moitié de son salaire brut. Jean Pierre COCHET Avocat au Barreau de Saint-Etienne D É C I PRINCIPAUX ATTENDUS "Attendu que le contrat de travail de M. L. comportait une clause de non concurrence d’une durée d’une année après la cessation de son activité pour le compte de la Sté CAFS AUTO ECOLE." Monsieur L. a respecté cette clause puisque l’activité exercée durant quelques jours pour le compte de l’AUTO ECOLE « Les Horizons », à Vizille étant hors du champ géographique de la clause de non concurrence. Attendu que cette clause n’était assortie d’aucune contrepartie financière. Or, en vertu du principe de libre exercice d’une activité professionnelle et des dispositions de l’article L.120-2 du Code du travail, une clause de non concurrence qui n’est pas assortie d’une contrepartie financière n’est pas licite (Cassation sociale 10 juillet 2002, M. B. c/ STE MAINE AGRI SA). En conséquence, la clause de non concurrence du contrat de travail de Mr LEONE n’est pas licite. Le caractère illicite de la clause de non concurrence a causé un préjudice à Mr LEONE. La Cour dispose des éléments pour fixer le montant des dommages et intérêts dus à M. L. à 800.00 € Cour d’appel de Grenoble, Chambre sociale 6 janvier 2003 CAFS Auto Ecole c/ Leone S I O N S APPLICATION D’UNE CONVENTION COLLECTIVE Employeur non adhérent à un syndicat patronal signataire – Convention collective étendue - Avenant ultérieur non étendu Cour d’appel de Lyon, Chambre sociale, 13 mai 2003 EXPOSE DES FAITS Une salariée embauchée en qualité d’aide soignante par un établissement médicalisé pour personnes âgées est licenciée par cet établissement. Suite à son licenciement, la salariée réclame, outre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, un certain nombre de sommes en vertu des dispositions prévues par divers avenants (intervenus postérieurement à la conclusion de la convention collective originelle) à la convention collective applicable (convention collective FEHAP du 31/10/1951) soit : - une prime spéciale de sujétion et congés payés y afférents, - une prime d’assiduité et de ponctualité, - une prime pour travail le dimanche et jours fériés, - une prime forfaitaire mensuelle. Le Conseil de prud'hommes de Lyon condamne l’établissement à verser les sommes dues en vertu des avenants (à la convention collective) relatifs à ces diverses primes et indemnités. La Cour d’appel de Lyon, dans son arrêt du 27 septembre 2002, réforme la décision du Conseil de prud’hommes au motif que si la convention collective dite FEHAP (Fédération de l’hospitalisation privée à but non lucratif) conclue le 31 octobre 1951 a bien été étendue par arrêté ministériel du 27 février 1961 (ainsi que les avenants intervenus entre le 31 octobre et le 15 juin 1959), les avenants postérieurs ne l’ont pas été. C O M M E L’établissement concerné n’étant pas adhérent à la Fédération des Etablissements d’Hospitalisation et d’Assistance Privés à but non lucratif, les avenants non étendus ne pouvaient donc lui être opposés. N OBSERVATIONS T Le régime des conventions collectives est réglé en Droit du travail par les articles L. 332-1 et suivants du Code du travail. A – On connaît la distinction première (et fondamentale) qui sépare les deux types de conventions collectives : convention collective ordinaire, convention collective étendue. É E S Sans entrer dans les détails du contenu et des matières Les pages de JURISPRUDENCE SOCIALE, n° 22 Avril 2004 - IX D É C I S I O N S C O M M E N T É E S obligatoirement traitées par les conventions collectives ordinaires ou étendues, on rappellera pour mémoire que les conventions collectives ordinaires s’appliquent aux seules entreprises qui : - les ont signées elles-mêmes (on parle alors plus fréquemment d’accord d’entreprise), - qui sont membres d’un syndicat, groupement ou association patronale signataire, - ou qui ont adhéré ultérieurement à la convention collective ou à un groupement signataire. Les conventions collectives (ou accords) étendues s’appliquent, quant à elles sous réserve de l’exclusion dans l’arrêté de l’extension de telle ou telle clause de la convention collective ou de telle ou telle sous branche, à l’ensemble du secteur d'activité professionnel concerné. Il est alors totalement indifférent que l’employeur ait signé ou non la convention collective, qu’il y ait adhéré, ou soit membre ou non d’un syndicat ou groupement patronal signataire, ou non signataire. On dit par commodité de langage, la formule est très expressive, que la convention collective devient la « Loi » de la branche professionnelle. B – Reste alors posée la question de l’évolution de la convention collective étendue. Quel est le sort ou plutôt le champ d’application des avenants intervenus postérieurement à la conclusion, (et aussi à l’extension) de la convention collective d’origine ? Les avenants ou annexes intervenus postérieurement à la conclusion d’une convention collective suivent le régime juridique de la convention collective à laquelle ils se rattachent. - S’agissant d’une convention collective ordinaire, les avenants et annexes ne sont appliqués qu’aux seules entreprises ayant elles-mêmes signé la convention collective, membres d’un organe ou groupement d’employeurs signataires de la convention ou y ayant adhéré. S’agissant d’une convention collective étendue, les avenants et annexes suivent le régime juridique des conventions collectives étendues : la convention collective étendue s’applique à toutes les « entreprises » (au sens organisationnel) de la branche, sauf exclusion toujours possible, dans le cadre de l’extension, de telle ou telle disposition de la convention collective qui serait contraire au texte législatif et réglementaire en vigueur, ou encore, qui ne répondrait pas à la situation de la branche ou des branches (ou souvent à l’activité dans le champ d’application considéré). Le Juge administratif a ainsi décidé (CE, 8 décembre 2000, Groupement Hippique National, RJS 4/01, n° 480) que le Ministre avait le pouvoir de subordonner l’extension d’un avenant à une réserve ayant pour effet de s’opposer à l’application de stipulations qui seraient incomplètes ou contraires aux textes législatifs et réglementaires. - S’agissant donc des avenants à une convention collective étendue, ils conservent – tant qu’ils ne sont pas étendus – leur nature de convention collective ordinaire. Ils ne s’appliquent donc que dans la limite et la mesure des dispositions d’une convention collective ordinaire. Les pages de JURISPRUDENCE SOCIALE, n° 22 Avril 2004 - X Dans un arrêt de principe (Cass. Ass. Plén., 6 avril 1990, CSB 1990, A34), la juridiction suprême a jugé que les avenants non étendus d’une convention collective étendue, n’étaient pas applicables aux entreprises non signataires et non adhérentes à une organisation patronale signataire. L’application à l’égard de toutes les « entreprises », d’une convention collective étendue ne vise donc que les seules dispositions qui ont fait l’objet d’un arrêté d’extension : le texte d’origine et les avenants ultérieurs (le cas échéant). C – On doit cependant réserver l’hypothèse de l’application volontaire de la convention collective. On sait en effet qu'un employeur, ne relevant pas d’une convention collective ordinaire (absence d’adhésion à un groupement patronal signataire), peut décider d’appliquer tout ou partie des dispositions d’une convention collective qui ne lui est pas « juridiquement » applicable. - Cette application doit résulter d’une volonté claire et non équivoque de l’employeur ; elle peut être seulement partielle (Cass. soc., 27 avril 1988), ne concerner qu’une certaine catégorie de salariés (Cass. soc. 5 octobre 1993, RJS 93, n° 122). - Cette application volontaire d’une convention collective ne vaut pas nécessairement engagement d’appliquer pour l’avenir les avenants ultérieurs (Cass. soc., 21 octobre 1998, RJS 98, n° 1517 ; Cass. soc., 17 décembre 1998, Droit Social 99, page 195). On doit donc constater à ce stade de l’analyse que la Cour d’appel de Lyon n’a fait qu’appliquer une position parfaitement établie en la matière : les effets de l’extension du 27 septembre 2002 d’une convention collective sont limités strictement au texte soit de l’accord initial, soit aux avenants ultérieurs, s’ils ont été étendus. D – Se pose le problème particulier, mais cependant fort classique, des effets de la mention sur le bulletin de paie d’un salarié, de la convention collective ordinaire et étendue, en son texte d’origine et non en ses avenants ultérieurs. La Cour de cassation a depuis longtemps jugé que la mention d’une convention collective sur le bulletin de paie vaut reconnaissance de l’application de cette convention collective à « l’entreprise ». L’employeur ne peut invoquer l’erreur qu’il aurait ainsi commise (jurisprudence réaffirmée de manière marquée : Cass. soc., 18 novembre 1998 ; Cass. soc., 18 juillet 2000). Cette question tranchée depuis longtemps laisse intacte la réalité et le contenu de l’obligation de l’employeur : doit-il appliquer toute la convention collective considérée ou peut-il se borner à n’appliquer que telle(s) ou telle(s) disposition(s) ? Dans un récent arrêt du 10 juin 2003, la Cour de cassation a jugé que l’indication sur le bulletin de salaire d’une convention collective valait engagement d’appliquer celle-ci, mais à hauteur seulement des dispositions de la convention collective qui sont évoquées dans le contrat de travail : salaire, indemnité de licenciement, indemnisation de la maladie… Ceci veut dire très clairement que la convention collective visée au bulletin de salaire ne l’est qu’à titre d’information. Pour son application concrète, il faut se référer au contrat de D travail qui donc l’emporte sur la convention collective. C’est en tout cas en ce sens que doit être interprété l’arrêt du 13 mai 2003. Il reste que cet arrêt n’a pas tranché la question suivante : Un salarié engagé sans contrat de travail écrit peut-il invoquer à son profit l’application de toutes les dispositions d’une convention collective dont l’existence et le titre sont rappelés sur son bulletin de salaire ? Jean Pierre DUPRILOT Avocat au Barreau de Lyon PRINCIPAUX ATTENDUS É « Dans la mesure où l’association Santé et Bien Etre n’est pas membre de la Fédération des Etablissements Hospitaliers et d’assistance privés à but non lucratif dite FEHAP, elle n’est assujettie qu’à la partie étendue de la convention collective ; en conséquence les demandes de Madame Giroud fondées sur des avenants qui ne sont pas opposables à l’association Santé et Bien Etre ont été accueillies à tort par le Conseil de prud'hommes. » C Cour d’appel de Lyon, chambre sociale, 13 mai 2003 Association Santé et Bien Etre Résidence Cardinal Morin c/ Giroud S I I FONCTION PUBLIQUE Loi instituant une nouvelle bonification indiciaire – Décret d’application - Illégalité Cour administrative d’appel de Lyon, formation plénière, 27 décembre 2001 EXPOSE DES FAITS La loi 91-73 du 18 janvier 1991 a créé une nouvelle bonification indiciaire des fonctionnaires et a précisé (article 27) qu'elle est attribuée pour certains emplois comportant une responsabilité ou une technicité particulière dans des conditions fixées par décret. Monsieur Piélot, occupait, en qualité de secrétaire d'administration scolaire et universitaire stagiaire, un emploi d'attaché chargé de la gestion matérielle au sein d'un lycée. Cet emploi bénéficiait de la bonification indiciaire. Le recteur de l'académie de Dijon en a cependant refusé le bénéfice à Monsieur Piélot en se fondant sur le décret d'application du 6 décembre 1991 qui le réservait aux seuls fonctionnaires titulaires. Le Tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision de refus, et la Cour administrative d'appel de Lyon, statuant en formation plénière a rejeté le recours du ministre de l'Education Nationale. temps, interprété la volonté du législateur ("le législateur doit être regardé comme ayant entendu" ...) et, dans un second temps, réaffirmé le principe qu'un décret d'application ne pouvait limiter la portée des dispositions législatives qu'il s'agit d'appliquer. Elle a jugé que l'article 1er du décret n°91-1229 du 6 décembre 1991 était illégal en tant qu'il réservait le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire aux seuls "fonctionnaires titulaires" alors qu'en prévoyant qu'elle pouvait être attribuée aux fonctionnaires le législateur devait être regardé comme ayant entendu en ouvrir le bénéfice non seulement aux agents titulaires mais aussi aux agents stagiaires occupant les emplois ouvrant droit au bénéfice de cette mesure. Cette décision a le mérite de rappeler que l'illégalité par voie d'exception d'un décret d'application est un moyen utile qu'il ne faut pas hésiter à soulever, et pas seulement en matière sociale. OBSERVATIONS La Cour, statuant en formation plénière, a, dans un premier Michel RIVA Avocat au Barreau de Lyon O N S PRINCIPAUX ATTENDUS « Considérant qu'aux termes de l'article 27 de la loi du 18 janvier 1991 susvisée : "I. La nouvelle bonification indiciaire des fonctionnaires, instituée à compter du 1er août 1990 est attribuée pour certains emplois comportant une responsabilité ou une technicité particulière dans des conditions fixées par décret ;", Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'article 27 précité que le bénéfice de la bonification indiciaire qu'il institue est lié aux seules caractéristiques des emplois occupés, mesurées au regard des responsabilités qu'ils impliquent ou de la technicité qu'ils requièrent ; ... que par suite, en prévoyant qu'elle peut être attribuée aux "fonctionnaires", le législateur doit être regardé comme ayant entendu en ouvrir le bénéfice non seulement aux agents titulaires, mais aux agents stagiaires, lesquels, appelés à exercer dès leur entrée en service l'ensemble des responsabilités attachées à l'emploi qu'ils occupent, sont, au regard des critères d'attribution de cette bonification, placés dans la même situation que les agents titulaires ; C O M M E N T Considérant qu'il suit de là que, s'il appartenait au pouvoir réglementaire de déterminer les conditions d'attribution de la bonification indiciaire aux personnels de l'éducation nationale, il ne pouvait pas sans méconnaître la portée des dispositions législatives précitées en limiter le bénéfice aux agents titulaires. » É Cour administrative d’appel de Lyon, formation plénière, 27 décembre 2001 Ministre de l’éducation nationale c/ Pielot S E Les pages de JURISPRUDENCE SOCIALE, n° 22 Avril 2004 - XI D AGENT SNCF É Inaptitude à l’emploi – Juge compétent – Pouvoirs de l’administration du travail C I S I O N S C O M M E N T É E S Cour administrative d’appel de Lyon, 3ème chambre, 1er octobre 2002 EXPOSE DES FAITS Monsieur G. bénéficiait d'un recrutement provisoire par la SNCF, sous réserve de son aptitude. Il a été déclaré médicalement totalement inapte à l'exercice des fonctions d'agent commercial trains. Le directeur adjoint du travail des transports a par décision du 1er octobre 1997 estimé qu'il devait être considéré comme apte à l'embauche. Le Ministre des transports, sur recours hiérarchique a annulé cette décision. Monsieur G. a saisi le Tribunal administratif d'une requête contre cette décision, qui a été rejetée par une ordonnance du président comme portée devant une juridiction incompétente, au motif qu'elle concernait un litige du travail avec la SNCF. Il a interjeté appel de cette ordonnance et la Cour a retenu que le juge administratif était compétent, a évoqué le fond et a rejeté la requête comme non fondée. OBSERVATIONS En ce qui concerne la compétence, le président du Tribunal administratif a rejeté la requête sans instruction, c'est à dire sans la notifier aux défendeurs éventuels comme le permet le code de justice administrative, en considérant que les rapports de la SNCF avec ses agents sont des rapports de droit privé. La cour rappelle que l'intervention d'un acte administratif est détachable des rapports de droit privé et que la compétence reste celle du juge administratif pour connaître des litiges éventuels qu'il peut soulever. Il en va ainsi notamment pour les autorisations administratives de licenciement d'un salarié protégé. Sur le fond, elle précise que les pouvoirs de proposition du médecin du travail ne peuvent s'appliquer qu'en cas d'inaptitude partielle du salarié : si l'article L. 2 4 1 - 1 0-1 du code du travail habilite le médecin du travail à proposer à l'entreprise des mesures individuelles"telles que mutations ou transformations de postes", ce texte ne trouve pas à s'appliquer en cas d'inaptitude physique totale du salarié ou du candidat à l'embauche (à rapprocher : CE 6 juillet 1984 Ministre du travail c/ M.CHAUVET, recueil page 305). Enfin une autre particularité de la procédure administrative contentieuse peut être soulignée. La Cour a retenu que le ministre, ayant constaté la violation de la loi, était en situation de compétence liée, c'est à dire qu'il était tenu d'annuler l'acte qui lui avait été déféré par la voie du recours hiérarchique. Dans cette situation de compétence liée, le juge n'a pas à examiner les autres moyens qui lui sont soumis à l'appui du recours contre la décision, raison pour laquelle ils sont qualifiés d'inopérants (c'est-à-dire quelle que soit leur pertinence par ailleurs). Michel RIVA Avocat au Barreau de Lyon Les pages de JURISPRUDENCE SOCIALE, n° 22 Avril 2004 - XII PRINCIPAUX ATTENDUS « Considérant que le litige qui met en cause la légalité d'un acte administratif relève par sa nature du contentieux administratif en l'absence de toute loi en disposant autrement ; que si les rapports entre la direction de la SNCF et ses agents sont des rapports de droit privé, la décision prise par le ministre des transports et du logement le 25 mars 1998 sur le recours hiérarchique formé par la SNCF contre la décision du directeur adjoint du travail des transports de Lyon I constitue un acte administratif détachable des rapports susmentionnés ; que le litige né de cette décision relève, dès lors, de la compétence de la juridiction administrative ; que par suite, M.G. est bien fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance rendue, le président de la 3ème chambre du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, au motif qu'elle concernait un litige du travail avec la SNCF ; que ladite ordonnance doit en conséquence être annulée. Considérant qu'aux termes de l'article L.240-10-1 du code du travail : << Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique et à l'état de santé des travailleurs. Le chef d'entreprise est tenu de prendre en considération ces propositions, et en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. En cas de difficulté ou de désaccord, la décision est prise par l'inspecteur du travail après avis du médecin-inspecteur du travail >> ; qu'il résulte de ces dispositions que l'inspecteur du travail ne peut intervenir en vertu de l'article L.240-10-1 précité qu'en cas de désaccord entre un chef d'entreprise et le médecin du travail sur la mutation ou l'adaptation du poste de travail d'un travailleur atteint d'une inaptitude partielle ; Considérant que le 1er octobre 1997 le directeur adjoint du travail des transports de Lyon I a décidé que M. G. qui bénéficie d'un recrutement provisoire sous réserve de son aptitude et qui avait été déclaré médicalement d'une inaptitude totale à l'exercice des fonctions d'agent commercial trains devait être considéré comme apte à l'embauche pour un poste d'agent commercial trains ; que les dispositions susmentionnées de l'article L.240-10-1 ne lui permettaient pas de se prononcer légalement sur l'aptitude à l'embauche de M. G. dès lors que ce dernier, avait déjà été déclaré totalement inapte à l'embauche par le médecin du travail ; que partant sa décision était entachée d'excès de pouvoir ; que pour annuler ladite décision, le ministre s'est borné à constater qu'elle était dénuée de tout fondement légal ; qu'il était tenu, après avoir constaté cette violation de la loi, d'annuler, sur recours hiérarchique de la SNCF, la décision du directeur adjoint du travail des transports ; que par suite tous les autres moyens de la demande de M. G. sont inopérants. » Cour administrative d’appel de Lyon, 3ème chambre, 1er octobre 2002, Gillet D ELECTIONS PROFESSIONNELLES Vote par correspondance généralisé à une catégorie de personnel (non) Illégalité – Principes généraux du droit électoral - Discrimination Tribunal d’instance de Villeurbanne, 28 novembre 2002 Tribunal d’instance de Lyon, 23 février 2003 EXPOSE DES FAITS Lors du renouvellement des délégués du personnel et des membres du comité d’établissement au sein d’une usine de la Société Rhodia Organique, un protocole d’accord préélectoral était signé entre divers partenaires sociaux. Ce texte instituait un vote par correspondance généralisé du personnel ingénieurs et cadres. Une organisation syndicale non signataire devait saisir le Tribunal d’instance, notamment pour demander l’annulation de cette disposition. Le Tribunal d’instance de Villeurbanne fait droit à cette requête en se fondant sur les principes généraux du droit électoral. OBSERVATIONS Cette décision ne peut être qu’approuvée dans la mesure où elle rétablit une règle fondamentale de la démocratie électorale, à savoir la possibilité pour tout électeur d’exercer un choix qui va se porter sur certains candidats en bénéficiant du principe égalitaire quant aux modalités d’exercice de ce choix. La Cour de cassation rappelle de manière permanente que le vote physique des électeurs est le principe et que le vote par correspondance, qu’elle considère comme licite, ne peut être utilisé que dans des circonstances exceptionnelles (salariés malades, salariés absents ou éloignés de leur travail.Cass. soc., 21 octobre 1998, RJS 12/98, n°1516). De la même façon, la jurisprudence considère qu’en l’absence d’accord des partenaires sociaux, un tribunal peut compléter l’accord préélectoral par une disposition qui prévoit que les salariés malades pourront voter par correspondance malgré les dispositions de la convention collective applicable qui limitent le vote par correspondance aux salariés se trouvant dans l’impossibilité de voter par suite d’une décision de leur employeur les éloignant de leur lieu de travail (Cass. soc., 14 février 1984, Bull. V, p. 51, n° 65). En fait, il n’est pas rare de voir un certain nombre de protocoles prévoyant un vote par correspondance généralisé alors que ce type de vote n’est admis que pour certains salariés ne pouvant pas matériellement se trouver sur le site au jour fixé pour les opérations électorales. C’est l’intérêt de cette décision qui rappelle le caractère exceptionnel du vote par correspondance et par voie de conséquence, l’impossibilité de le généraliser à toute une catégorie de salariés, en l’espèce les cadres. Le Tribunal d’instance de Lyon a d’ailleurs annulé une clause du protocole, sur un autre fondement juridique qui lui avait été soumis, à savoir la discrimination dans la mesure où tous les cadres pouvaient voter par correspondance sans qu’ils aient besoin d’avoir à justifier d’un empêchement alors que les autres salariés ne pouvaient voter par correspondance que dans l’hypothèse où ils faisaient état d’une impossibilité (Tribunal d’instance de Lyon, 3ème et 4ème sections, jugement du 21 février 2003, n°162, RG n°11-03000462, FO personnel de la SLTC c/ SLTC). En conséquence, même si le législateur (art. L. 423-18 et L. 433-13 du CT) et la jurisprudence accordent une importance particulière à la négociation entre les partenaires sociaux dans le cadre des accords préélectoraux, il ne peut être dérogé aux principes généraux du droit électoral, à savoir les circonstances exceptionnelles, et à l’égalité de toutes les catégories professionnelles de salariés devant le scrutin. De la même façon, ni l’employeur ni le juge ni un accord ne peuvent imposer un vote par correspondance aux salariés présents le jour du scrutin. ROBERT GILBERT Avocat au Barreau de Lyon PRINCIPAUX ATTENDUS “...Il résulte des principes généraux du droit électoral que le vote par correspondance, s’il doit être admis pour favoriser la participation aux opérations électorales de certains salariés dans l’impossibilité de se déplacer dans les bureaux de vote, doit rester exceptionnel. Il ne saurait donc concerner toute une catégorie de salariés, tels que les ingénieurs et cadres en l’espèce, mais ne peut être admis que pour certains salariés placés dans une situation les empêchant matériellement de se trouver sur le site au jour fixé pour les opérations électorales, ces situations devant être limitativement énumérées.” . Tribunal d’instance de Villeurbanne, 28 novembre 2002, CGT RHODIA c/ Sté RHODIA ORGANIQUE “...Que les modalités de vote par correspondance pour tous les cadres sans qu’il soit besoin d’un empêchement constituent effectivement une forme de discrimination vis-à-vis des autres salariés non sédentaires qui travaillent en continu ; ...” Tribunal d’instance de Lyon, 3° et 4° sections, 23 février 2003, FO SLTC c/ SLTC É C I S I O N S C O M M E N T É E S Les pages de JURISPRUDENCE SOCIALE, n° 22 Avril 2004 - XIII D SYNDICATS PROFESSIONNELS É Action en justice - Recevabilité - Représentation du syndicat - Conditions Absence de qualité du secrétaire pour engager l’action C Tribunal administratif de Lyon, 8 avril 2003 I S I O N S EXPOSE DES FAITS Le syndicat général C.G.T. des sapeurs pompiers de Saint-Etienne, représenté par son secrétaire, a saisi le Tribunal administratif de Lyon aux fins d’annuler deux délibérations du conseil d’administration du Service Départemental d’Incendie et de Secours concernant diverses dispositions sociales en matière de régimes de travail, de régimes indemnitaires, de conditions de prise en charge des logements… Le Tribunal administratif rejette cette requête la considérant comme irrecevable au motif que le secrétaire qui l’avait signée, bien qu’habilité par la commission exécutive, n’avait pas qualité pour la former en l’absence de disposition prévue dans les statuts du syndicat. OBSERVATIONS C O M M E N T É E S La présente affaire pose la question de la recevabilité d’une action en justice intentée par un syndicat professionnel et plus précisément de la qualité pour agir d’un représentant du syndicat. L’article L. 411-11 du code du travail permet aux syndicats professionnels qui jouissent de la personnalité civile « d’ester en justice » devant toutes les juridictions civiles, pénales et administratives. Encore faut-il que le syndicat respecte la réglementation concernant notamment sa constitution. Ainsi, une chambre syndicale professionnelle ne disposant pas de « statuts propres » donc non régulièrement constituée, ne peut prétendre bénéficier de la personnalité civile et est irrecevable à intenter une action en justice (Cass. Soc., 21 janvier 1998). De même, un syndicat n’ayant pas effectué le dépôt légal de ses statuts ne peut agir en justice, ne bénéficiant pas des droits reconnus aux syndicats (Cass. Crim., 14 mars 1989). Aucune disposition législative ou réglementaire ne détermine pour des personnes morales comme les syndicats et également les associations, l’organe compétent pour l’exercice d’une action en justice et pour leur représentation à cet effet. Ce sont donc en principe les statuts qui fixent la procédure de décision d’engagement de l’action en justice et de la représentation de la personne morale pour la mettre en œuvre. En pratique les statuts Les pages de JURISPRUDENCE SOCIALE, n° 22 Avril 2004 - XIV déterminent la personne physique appelée à la représenter ; le mandat peut être permanent ou au contraire impliquer au cas par cas une délibération spéciale d’un organe du syndicat ou de l’association. Selon la jurisprudence administrative (CE, 3 avril 1998), en l’absence de dispositions statutaires réservant à un autre organe la capacité de former une action devant le juge administratif, celle–ci est régulièrement engagée par l’organe tenant des statuts le pouvoir de représenter en justice ce syndicat. La Cour de cassation adopte une position identique considérant que le pouvoir accordé par les statuts au Président d’une association de la représenter devant les tribunaux implique également celui d’intenter une action en justice (Cass. Soc., 2 mars 1999). En tout état de cause, le mandataire est tenu de justifier devant les juridictions administratives comme devant les juridictions judiciaires de sa qualité ; le tribunal appréciant l’existence et la validité du mandat. Ainsi, est irrecevable la requête présentée devant les juridictions administratives par une organisation syndicale qui ne produit pas la délibération du conseil syndical, compétent statutairement pour engager une action en justice, habilitant le secrétaire général à cet effet (CE, 21 février 1994). Les juridictions de l’ordre judiciaire apprécient de la même manière la qualité pour agir du représentant du syndicat. Est valablement annulée une assignation en justice faite par le secrétaire général d’un syndicat pourtant habilité par les statuts, dès lors que la preuve de sa nomination comme secrétaire général n’était pas rapportée (Cass. soc., 29 octobre 1998). De même, selon une jurisprudence constante, la seule qualité de délégué syndical ne peut, en l’absence de mandat spécial, permettre de représenter le syndicat en justice (notamment : Cass. soc., 6 février 2002). Mais qu’en est-il lorsque, comme dans la présente affaire, les statuts ne prévoient aucune disposition ni sur l’engagement de la l’action, ni sur la représentation pour l’exercer ? C’est à cette question que répond le Tribunal administratif de Lyon. Le Tribunal constate d’abord l’absence dans les statuts du syndicat de disposition réservant à un organe déterminé le pouvoir de décider de former une action en justice et D de représenter l’organisation en justice. Il en déduit que l’action ne pouvait être engagée que par l’assemblée générale du syndicat, et que celle-ci aurait dû autoriser expressément le secrétaire à former ce recours. Il est intéressant de noter que dans cette affaire, le secrétaire avait portant été habilité à engager cette action par la commission exécutive du syndicat. Sa requête est ainsi rejetée. PRINCIPAUX ATTENDUS "Considérant qu’en l’absence, dans les statuts d’un syndicat, de stipulation réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif, celle-ci est régulièrement engagée par l’organe tenant des mêmes statuts le pouvoir de représenter en justice cette association ; que dans le silence desdits statuts sur ce point, l'action ne peut être régulièrement engagée que par l’assemblée générale ; Considérant qu’aucune disposition des statuts du syndicat général C.G.T. des sapeurs pompiers de Saint-Étienne ne réserve à un organe de ce syndicat le pouvoir de former une action en justice en son nom ; qu’aucun organe dudit syndicat ne tient des mêmes statuts le pouvoir de le représenter ; que dès lors son secrétaire n’avait pas qualité pour former, au nom de celui-ci, un recours pour excès de pouvoir et ne pouvait y être régulièrement autorisé que par une délibération de l’assemblée générale ; que, par suite, la requête du syndicat général C.G.T. des sapeurs pompiers de Saint-Étienne, dans la mesure où elle est signée par son secrétaire qui n’avait été autorisé à la faire que par une habilitation de la seule commission exécutive, n’est pas recevable ;…. Cette décision démontre, s’il en était besoin, l’importance qu’il y a lieu d’accorder à la rédaction des statuts de personnes morales comme les syndicats ou les associations. Tribunal administratif de Lyon, 8 avril 2003, Syndicat général CGT des Sapeurs pompiers de Saint-Étienne Jean-Louis TURQUIN Avocat au Barreau de Lyon É C I S I O N S ACCORD D’ENTREPRISE Dénonciation - Obligation de motivation (non) Tribunal de grande instance de Grenoble, 9 janvier 2003 EXPOSE DES FAITS C être motivée en l’absence de dispositions spécifiques contenues dans l’accord d’entreprise. Le 13 septembre 2000, la Société A. a signé avec le délégué syndical CGT (Monsieur G.), et le délégué syndical CFECGC, un accord portant sur la réduction du temps de travail. O OBSERVATIONS M Cinq mois plus tard, l’Union Régionale Rhône Alpes CGT dénonce cet accord. L’article L. 132-8 du Code du travail précise que l’accord d’entreprise à durée indéterminée peut être dénoncé par les parties signataires. Dans les jours suivants, Monsieur G. dénonce à son tour cet accord au motif, semble-t-il, qu’il aurait constaté que la Société B. avait l’intention d’imposer les termes de cet accord à d’autres entreprises. La Société B. a saisi le Tribunal de grande instance de Grenoble aux fins d’obtenir l’annulation de ces dénonciations en soutenant que, d’une part, l’Union Régionale CGT n’a pas compétence pour dénoncer un accord qu’elle n’a pas signé et que, d’autre part, la dénonciation par l’Union Départementale CGT, représentée par Monsieur G., constituait un abus de droit. La Cour de cassation a jugé que sauf clause contraire de la convention ou de l’accord collectif, l’auteur de la dénonciation n’a pas à justifier sa décision de dénoncer (Cass. soc., 20 octobre 1993, n°89-18.949, Bull. Civ. V, n°243). Cet arrêt concernait cependant un « accord atypique » conclu avec le comité d’entreprise, mais la référence expresse de l’arrêt à l’article L. 132-8 du Code du travail permettrait de considérer que la solution vaut également pour les accords d’entreprise signés avec les syndicats. Le Tribunal de grande instance a jugé que l’Union Régionale CGT n’a pas compétence pour dénoncer un accord qu’elle n’a pas signé. L’intérêt du présent jugement est de confirmer une telle analyse dans un domaine où la jurisprudence reste rare, et de préciser que si la motivation de la dénonciation existe, il importe peu que cette dernière soit inexacte. En revanche, le Tribunal de grande instance a jugé que la dénonciation de l’accord par Monsieur G., délégué syndical CGT, était régulière et que cette dénonciation n’avait pas à Le Tribunal de grande instance a rejeté ainsi l’argument d’abus de droit développé par l’employeur, alors que la M E N T É E S Les pages de JURISPRUDENCE SOCIALE, n° 22 Avril 2004 - XV D dénonciation reposait sur une motivation peu explicite et que l’accord en cause avait reçu l’aval du comité d’entreprise et avait été ratifié par 92 % du personnel. La possibilité de dénonciation apparaît donc comme discrétionnaire. Cependant, lorsque l’initiative de la dénonciation est prise par l’employeur, elle constitue une mesure qui aura des conséquences sur l’emploi, la formation et les conditions de travail des salariés, au sens de l’article L. 432-1 du Code du travail. Une information-consultation du comité d’entreprise apparaît, dès lors, nécessaire au regard des dispositions précitées. Une dénonciation par l’employeur d’un d’accord d’entreprise non précédée de cette informationconsultation est sans effet, et le juge des référés est compétent pour faire injonction à l’employeur, s’il persiste à dénoncer, d’y procéder avant de notifier à nouveau sa dénonciation aux autres signataires. (Tribunal de grande instance de Paris, 18 octobre 2001). Par un arrêt en date du 6 mars 2002, la Cour d'appel de Paris a confirmé ce jugement du Tribunal de grande instance du 18 octobre 2001. Toutefois, nous ignorons si cet arrêt a fait l’objet d’un pourvoi en cassation. Il reste néanmoins que cette information-consultation du comité d’entreprise va nécessairement amener indirectement l’employeur à motiver sa décision de dénonciation. PRINCIPAUX ATTENDUS É "Attendu que l’Union Régionale est une personne morale déterminée, différente de l’Union de l’Isère, qu’elle n’administre ni ne gère, et sur laquelle elle n’a pas de pouvoir. C Dès lors que l’Union Régionale n’a pas été partie à l’accord de RTT signé avec AMSE, elle y est étrangère et ne peut valablement le dénoncer. I Sa dénonciation du 31 mai 2001 est nulle, elle a été faite par une personne morale dépourvue du droit d’agir. L’Union de l’Isère, sous la signature de Monsieur GO, délégué syndical, à la Société A, a dénoncé l’accord de RTT du 13 septembre 2000 par une lettre du 29 juin 2001, avec copie pour information au délégué syndical CGC (Monsieur ODDOLAYE) et à l’Inspection du Travail. S I La dénonciation est formelle, claire, sans équivoque. O L’Union de l’Isère motive cette dénonciation en exposant qu’elle avait constaté que la Société avait l’intention d’imposer cet accord à d’autres entreprises… N Il n’est pas contesté et il est établi que la dénonciation par l’Union de l’Isère respecte les modalités légales de la dénonciation. S La loi n’impose pas qu’il y ait un motif quelconque à la dénonciation, et dès lors que la convention elle-même ne l’impose pas, la dénonciation n’a pas à être motivée. Si la motivation existe, il n’importe pas que, comme le soutient la Société AMSE, elle soit inexacte, elle est superflue et inutile…” Afin de retrouver un certain équilibre, il semble souhaitable que les accords d’entreprise comportent des clauses sur l’obligation de motiver les dénonciations. Véronique MASSOT-PELLET Avocat au Barreau de Lyon C O Tribunal de grande instance de Grenoble, 9 janvier 2003 Société A. c/ Union Régionale CGT, Union Syndicale CGT de l’Isère, Monsieur Go, délégué syndical CGT P u blication : Ord re des Avocats au Barreau de Lyon et Le Tout Lyo n Directeur de la Publication : Eric JEANTET, Bâtonnier de l'Ordre des Avocats au Barreau de Lyon M M E N Président du comité de rédaction : Gérard VENET, Avocat Honoraire au Barreau de Lyon Directeurs de la rédaction : Yves FROMONT, Pierre MASANOVIC, Avocats au Barreau de Lyon T É E Ordre des Avocats - 42, rue de Bonnel - 69484 Lyon Cedex 03 Tél. 04 72 60 60 13 E-mail : [email protected] Les pages de JURISPRUDENCE SOCIALE, n° 22 Avril 2004 - XVI S