Comment-devenir-avocat-aux-Etats-Unis

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Comment-devenir-avocat-aux-Etats-Unis
Comment devenir avocat aux Etats-Unis
(Ou comment étudier le droit aux Etats-Unis)
par
Pierre Grosdidier
Avocat
Haynes and Boone, LLP
Houston, Texas
Le 15 mars 2011
Mis à jour le 31 août 2012 (passim)
Mis à jour le 7 septembre 2012 (note 6)
Mis à jour le 13 février 2013 (note 6)
Mis à jour le 30 avril 2013 (note 1)
Mis à jour le 1 octobre 2015 (passim)
Nul ne saurait puiser dans ce document le moindre conseil juridique.
Termes de recherches : études, étudier, droit, avocat, Etats-Unis, USA, barreau, LL.M., Texas
(French-language article on how to become an attorney in the United States.)
Jadis, c’était très simple. Un jeune homme intégrait un cabinet d’avocat où il travaillait comme
clerc (law clerk) pendant quelques années. Un matin, se sentant prêt, il se présentait devant le juge de
son district. Celui-ci lui posait quelques questions sur les commentaires de Blackstone et, si les
réponses étaient satisfaisantes, l’assermentait. Notre homme, un peu moins jeune, était avocat.
Les choses se sont compliquées après la Guerre de Sécession, quand les barreaux ont voulu
« remonter la barre », et que les universités s’en sont mêlé.
Aujourd’hui, les critères d’admission à un barreau aux Etats-Unis sont relativement uniformes. 1
D’emblée, il faut préciser que les barreaux relèvent des Etats. 2 Il n’y a pas de barreau fédéral, 3 mais il
faut être membre du barreau d’un Etat pour être admis à plaider devant les tribunaux fédéraux de cet
Etat.
A quelques variantes près, les barreaux exigent les éléments suivants pour admettre un
candidat 4 :
1.
Un diplôme universitaire basé sur un programme de quatre ans ;
2.
Un diplôme de droit d’une faculté accréditée ;
3.
Un casier judiciaire en ordre et la citoyenneté des Etats-Unis (ou le statut de résident
permanent ou, dans certains Etats, un visa de travail) ;
4.
Une note suffisante à l’examen de responsabilité professionnelle ;
5.
Une note suffisante à l’examen du barreau ;
6.
La prestation de serment, le paiement des frais, et la formation continue.
Le programme universitaire. Le diplôme universitaire exigé est le bachelor’s degree, qui
correspond à peu près à la licence en France. Ce diplôme demande quatre années d’études après la fin
du high school, qui lui-même correspond au lycée.
Le diplôme universitaire peut être dans n’importe quel domaine. Un diplôme en théologie
qualifie autant le candidat qu’un diplôme en ingénierie ou en langues mortes. Il n’y a pas d’école de
préparation au droit.
Un diplôme universitaire français peut qualifier le candidat selon l’Etat, l’université, et le
diplôme. Le candidat doit se renseigner auprès du barreau de l’Etat auquel il désire s’inscrire. 5
1
Voyez aussi la page Wikipedia : http://en.wikipedia.org/wiki/Admission_to_the_bar_in_the_United_States.
Voyez, par exemple, le site du barreau du Texas: www.texasbar.com.
3
A part certains barreaux spécialisés comme, par exemple, le barreau des brevets (patent bar).
4
Pour le Texas, voyez les détails à: http://www.ble.state.tx.us/Rules/NewRules/CurrentRuleBook.pdf.
5
En général, un étranger voulant devenir avocat aux Etats-Unis peut suivre deux parcours. Soit suivre d’abord un
programme universitaire (item 1 ci-dessus) dans son pays d’origine, puis essayer d’intégrer une faculté de droit américaine
pour rejoindre le parcours classique (items 2–6 ci-dessus). Le candidat devra avant tout s’assurer que son programme
universitaire étranger sera reconnu par la faculté de droit et le barreau de l’Etat qu’il aura choisi. Alternativement, le
candidat devra d’abord devenir avocat dans son pays d’origine, accumuler quelques années d’expérience comme avocat,
faire un LL.M. aux Etats-Unis, puis se présenter à l’examen d’un barreau (voir Le programme LL.M. en dernière page de
2
2
Le diplôme juridique. C’est un programme de trois ans, divisé en 6 semestres. L’admission se fait
sur dossier. Un de ces semestres peut être pris à l’étranger si la faculté dispose d’un programme
d’échange avec d’autres universités. Le diplôme doit généralement venir d’une université accréditée.
Ce ne peut pas être un programme d’études sur Internet où, moyennant $100 et quelques sessions
interactives sur un clavier, vous recevez votre diplôme par la poste. Dans la plupart des cas, ce
diplôme est un doctorat en jurisprudence, d’où le suffixe J.D. que les avocats américains ajoutent
parfois à leur nom. Les candidats au barreau d’un Etat ne sont pas tenus de fréquenter les facultés de
droit de cet Etat. Un diplômé d’une faculté texane, par exemple, peut se présenter au barreau de
n’importe quel autre Etat du moment que sa faculté est accréditée.
Il n’est pas nécessaire de faire ses études de droit immédiatement après son programme
universitaire. Beaucoup de candidats travaillent plusieurs, voir de nombreuses années, avant de se
lancer en droit. Pour certains, comme moi, le droit est une seconde carrière. Ces candidats sont une
source de richesse intellectuelle pour la profession. Ils font des avocats qui peuvent faire état de
solides carrières en finance, en affaires, en ingénierie, etc., avec toute l’expérience, l’expertise et la
crédibilité professionnelle que cela représente.
Le casier judiciaire et la citoyenneté. Chaque barreau mène une enquête assez complète, semble-t-il,
sur chaque candidat. Au Texas, les étudiants sont encouragés à initier cette enquête dès le début de la
première année de droit. L’enquête peut prendre du temps et doit être achevée avant que le candidat
puisse se présenter à l’examen du barreau. Bien sûr, plus le casier judiciaire du candidat est étoffé,
plus sa candidature est problématique. La bonne foi et la transparence du candidat comptent pour
beaucoup à ce stade. Les petites bêtises de jeunesse sont pardonnables tant que le candidat ne cherche
pas à cacher les faits. Dissimuler que l’on s’est fait arrêter un soir pour avoir consommé une bière 6 est
beaucoup plus porteur de conséquences (néfastes pour la candidature) que l’acte de consommation luimême. Ici encore, comme ailleurs, le temps referme les plaies, en deçà de certaines limites.
Jusqu’à récemment, les candidats au barreau du Texas devaient avoir la citoyenneté américaine,
le statut de résident permanent (c’est-à-dire être détenteur de la « carte verte »), ou un visa de travail.
D’autres Etats, comme la Californie, le New York, et depuis 2014 le Texas, autorisent les étrangers à
cet article). Le candidat non-anglophone devra se soumettre au TOEFL dans les deux cas. Ni l’un, ni l’autre de ces
parcours ne résout la question de l’autorisation de travail aux Etats-Unis. Le candidat devra être citoyen américain, résident
permanent, ou (dans certains Etats) détenteur d’un visa de travail pour accéder au barreau et exercer son métier. Le
candidat espérant suivre un autre parcours devra se renseigner auprès des barreaux et des facultés de droit. Voyez en
particulier les conditions d’admission au barreau du New York, qui sont réputées être les plus disposées envers les
candidats étrangers : http://www.nybarexam.org/Foreign/ForeignLegalEducation.htm. Le Texas à récemment assoupli les
règles d’admission pour les étrangers. Voyez : http://www.ble.state.tx.us/pdfs/Forms/FAQs_Rule_%20XIII_Final.pdf.
Voyez aussi The Unofficial Guide to Legal Studies in the U. S. for Foreign Lawyers (Albert Vincent Y. Yu Chang &
Johana Mantilla Gómez Eds., 2012) (American Bar Association Product Code 5210219, ISBN: 978-1-61438-673-5).
6
Il faut avoir 21 ans ou plus pour avoir le droit de consommer de l’alcool au Texas, à moins que la consommation se fasse
en la présence visible de son parent, son tuteur, ou son époux(se). Tex. Alco. Bev. Code §§ 106.01, 106.04((a)-(b). Cette
loi est appliquée en général et surtout dans les milieux universitaires.
3
se présenter à leur barreau, même sans visa. 7 Mais le simple fait de devenir membre du barreau d’un
Etat ne donne pas pour autant le droit de travailler aux Etats-Unis. Pour cela, il faut la citoyenneté, la
carte verte, ou un visa de travail.
L’examen de responsabilité professionnelle. Dans presque tous les Etats, le candidat au barreau doit
réussir un examen de responsabilité professionnelle, le Multistate Professional Responsibility
Examination, qui est administré par la National Conference of Bar Examiners. C’est le même examen
pour tout le monde, quel que soit l’Etat, bien que chaque Etat ait son propre code de conduite
professionnelle. 8 L’examen comprend 60 questions à choix multiples, auxquelles on doit répondre en
deux heures et cinq minutes. En général, les étudiants en droit se présentent à cet examen au cours de
leur troisième année d’étude, après avoir suivi un cours (souvent obligatoire) de responsabilité
professionnelle. Les sujets traités sont l’éthique, le devoir de confidentialité, les conflits d’intérêt,
comment gérer l’argent des clients, etc. 9 Le barreau du Texas exige du candidat une note normalisée
de 85 sur 150 ou plus (la moyenne des notes de tous les candidats est normalisée statistiquement à
100).
L’examen du barreau. Presque tous les Etats imposent un examen d’admission au barreau (bar
exam). Mais le Visconsin, 10 par exemple, admet automatiquement à son barreau les diplômés de ses
universités. 11 Le format et la difficulté de l’examen varient d’un Etat à l’autre. Je ne mentionnerai que
celui du Texas, qui est réputé comme étant l’un des plus difficiles, 12 et qui est administré par le Texas
Board of Law Examiners. 13
L’examen, qui prend place deux fois par an, se déroule sur trois jours, du mardi au jeudi, et
comprend quatre épreuves :
1. Le Multistate Performance Test (MPT), qui se déroule le mardi matin. C’est une rédaction de
90 minutes sur un problème juridique dont tous les éléments sont donnés au candidat sous la
forme d’un dossier. Cette épreuve mesure la capacité du candidat à traiter ce dossier et à
produire un mémoire cohérent et bien argumenté en 90 minutes. Le candidat peut utiliser son
ordinateur portable pour rédiger sa réponse en y installant un logiciel spécial.
7
Chaque barreau de chaque Etat ayant ses propres conditions d’admission, il faut se renseigner au cas par cas auprès des
autorités compétentes. Ces informations sont aujourd’hui presque toujours disponibles sur Internet. Pour le Texas voyez la
règle II(a)(5)(E), supra note 4.
8
Voyez pour le Texas : https://www.legalethicstexas.com/Ethics-Resources/Rules/Texas-Disciplinary-Rules-ofProfessional-Conduct.aspx.
9
Pour une bonne source de référence sur ce sujet, voyez : Ronald D. Rotunda & John S. Dzienkowski, Legal Ethics: The
Lawyer’s Deskbook on Professional Responsibility (Thomson Reuters 2015−16).
10
On dit Visconsin comme on dit Limousin ; Illinois comme Iroquois ; et Michigan comme Mohican.
11
Il s’agit plus particulièrement des étudiants des facultés de droit de l’Université du Visconsin, et de l’Université
Marquette. Voyez : http://www.wicourts.gov/services/attorney/bardiploma.htm.
12
Avec celui de la Californie.
13
Pour plus d’informations, voyez : http://www.tyla.org/tyla/assets/File/Passing_the_Bar_Final.pdf.
4
2. Les questions de procédure et de preuve (procedure and evidence, P&E), qui sont aussi posées
le mardi matin. Ce sont deux épreuves écrites de 90 minutes chacune sur les procédures civile
et pénale texanes. Chaque épreuve comporte 20 questions (donc 40 au total), auxquelles il faut
répondre en cinq lignes manuscrites ou moins (pas d’ordinateur).
3. Le Multistate Bar Examination (MBE), qui se déroule le mercredi. Cet examen consiste en 200
questions à choix multiples, auxquelles le candidat doit répondre en deux sessions de trois
heures et 100 questions chacune. Les questions traitent de six sujets : le droit constitutionnel
fédéral, les contrats (y compris les Articles 1 et 2 du Code Uniforme de Commerce (U.C.C.)),
le droit pénal et sa procédure, les règles de la preuve, le droit de la propriété foncière, et les
obligations (torts).
4. Enfin, l’épreuve texane de dissertations (Texas Essay Questions), qui se déroule le jeudi. Il faut
rédiger 12 dissertations de 30 minutes chacune, en deux sessions de trois heures et six questions
chacune. Les questions concernent les matières juridiques suivantes, axées sur le droit texan :
la relation mandant-mandataire (agency), les associations, les sociétés, les faillites
(bankruptcy), les instruments financiers, les gages, la communauté, les trusts, la tutelle, les
successions, la consommation, la famille, les impôts, le droit du pétrole, les ventes, les loyers.
Il est possible de rédiger les réponses sur son ordinateur portable.
Un candidat doit obtenir au minimum une note de 675 sur 1000 pour être admis au barreau
texan.
La prestation de serment et les frais. Une fois admis au barreau, le candidat doit prêter serment
devant un juge. Celui-ci lui fait promettre, entre autres, de défendre les constitutions des Etats-Unis et
du Texas. 14 Cependant, nul n’est avocat au Texas tant que la cotisation au barreau n’est pas réglée. Ce
n’est qu’une fois ces frais dûment payés que l’on reçoit sa carte, et il est même interdit d’exercer la
profession si l’on a un arriéré de paiement.
Les barreaux relèvent des Etats et l’admission au barreau d’un Etat n’autorise pas pour autant
un avocat à exercer son métier ailleurs. Pour exercer dans un autre Etat, un avocat doit aussi se faire
admettre à son barreau. Là encore, il y a beaucoup de variantes. Certains Etats, comme la Californie
et la Floride, forcent tout le monde à se présenter à leur examen. D’autres, comme par exemple le New
York et le Texas, accueillent à leur barreau par « réciprocité » les avocats de certains autres Etats. 15 Le
candidat à l’admission par réciprocité doit parfois avoir été actif professionnellement (comme avocat)
pendant au moins cinq ans au cours des sept années précédant sa demande. Il doit aussi être en règle
avec son barreau d’origine.
L’appartenance à plusieurs barreaux se justifie en général par une logique professionnelle. Un
avocat s’occupant de successions à Washington D.C. trouvera avantage à s’inscrire aux barreaux de
14
Tex. Gov. Code § 82.037.
Pour le New York, par exemple, voyez http://www.nybarexam.org/AOM/AdmissiononMotion.htm. La carte des
réciprocités n’est pas symétrique. Le Texas accepte les avocats californiens, mais pas l’inverse. Voyez le site
http://barreciprocity.com/texas-bar-reciprocity/.
15
5
Washington, du Maryland, et de la Virginie, afin de pouvoir répondre à la plus large clientèle possible
dans l’agglomération de la capitale. 16 Un avocat texan qui s’occupe de titres (securities) aurait
avantage à s’inscrire au barreau du New York étant donnée l’importance des tribunaux et de la
jurisprudence de cet Etat dans ce domaine. On peut accumuler les inscriptions aux barreaux tout
comme les diplômes, mais cela revient cher car il faut chaque année payer des cotisations
substantielles.
Il est aussi possible de se faire admettre au barreau d’un Etat étranger de façon ponctuelle, par
exemple pour un procès, en s’associant avec un avocat de ce barreau. C’est la procédure pro hac vice.
Un avocat qui travaille au sein d’une entreprise (et non pas dans un cabinet) n’est pas astreint à
travailler uniquement dans son Etat de certification tant que son activité professionnelle ne dépasse pas
le cadre de l’entreprise ou des activités de celle-ci. 17 Ainsi, et par exemple, l’avocat d’une société
texane, résidant au Texas, et inscrit uniquement au barreau du New York pourra négocier un contrat
pour sa société à Houston ou Los Angèles (où ailleurs) sans enfreindre la loi.
Enfin, pour maintenir sa présence au barreau, il ne suffit pas de payer ses frais de cotisation, il
faut aussi suivre des cours de formation continue (continuing legal education).
Quelques détails supplémentaires
L’admission. L’admission à une faculté de droit se fait sur dossier. Une faculté de droit prestigieuse 18
reçoit facilement 15−30 applications pour chaque place disponible. Les facultés restent discrètes sur
leurs critères d’admission, mais on peut partiellement les deviner :
1. Les notes reçues par le candidat au cours de son cursus universitaire ;
2. La « valeur » du diplôme universitaire du candidat. A toutes choses égales, un diplôme summa
cum laude en relations internationales de Harvard placera son titulaire en meilleure position
qu’un candidat armé d’un diplôme plus ordinaire d’une université moins réputée ;
3. L’expérience et la réussite professionnelle. Une ex-ballerine accomplie du New York City
Ballet aura possiblement plus de chance qu’un candidat brillant armé de son diplôme en
épistémologie de la physique quantique, mais sans la moindre expérience professionnelle ;
16
Des avocats traitent les successions aux Etats-Unis. Ce sont les « probate attorneys ». Les Etats-Unis ne connaissent pas
l’équivalent des notaires français. Un notary public aux Etats-Unis est simplement une personne qui atteste de
l’authenticité d’une signature sur un document.
17
Aux Etats-Unis, un avocat qui travaille au sein d’une entreprise reste avocat membre d’un barreau. L’équivalent
américain du juriste d’entreprise français est le « in-house counsel ». C’est un avocat à part entière. Un avocat de cabinet
engagé par une entreprise est le « outside counsel » de celle-ci. L’avocat en chef d’une entreprise est le « General
Counsel » ou encore le « Chief Legal Officer ».
18
http://www.top-law-schools.com/rankings.html.
6
4. Et enfin, last but not least, la note du candidat au LSAT (Law School Admission Test). C’est
un paramètre capital car il est normalisé statistiquement pour tous les candidats de toutes les
origines, et permet de les comparer tous sur la même base.
Les comités d’admission recherchent aussi les éléments qui vont différencier les candidats. Un
candidat par ailleurs moyen qui aura dirigé avec succès une clinique du SIDA au fin fond de la brousse
sortira des rangs. Les dossiers des candidats titulaires d’un doctorat (Ph.D.) sont classés à part. Les
comités recherchent aussi la diversité, sous toutes ses formes.
Les cours. Pour obtenir son diplôme de droit à l’Université du Texas à Austin, par exemple, le
candidat doit accumuler un minimum de 86 unités de valeur (credits) en trois ans. Cela correspond à
environ 15 unités par semestre. Chaque cours compte en moyenne pour trois unités, d’où cinq cours
par semestre. Mais il y a aussi des cours de 1, 2, 4, et même 5 unités.
Certains cours sont obligatoires. Les étudiants les suivent pour la plupart la première année :
droit constitutionnel, droit pénal, droit des contrats, procédure civile, régime de la preuve (evidence, ce
qui est admissible ou pas dans un procès, tant civil que pénal), droit de la propriété (surtout foncière),
obligations (torts), responsabilité professionnelle, et méthodes de recherches juridiques. Les autres
cours sont au choix du candidat, et en fonction de ce que les professeurs décident d’enseigner chaque
semestre (certains semestres sont plus riches en choix que d’autres, au gré des circonstances).
Il y a beaucoup de variantes dans le format des cours libres : cela peut être des cours classiques,
des projets de recherches, ou des « cliniques » qui sont ouvertes vers l’extérieur. Les participants à une
clinique d’immigration aideront des indigents à régler leur état civil. Il y a aussi des cliniques pénales
pour jeunes délinquants, des cliniques pour les violences conjugales, et même des cliniques
environnementales pour aider les populations (surtout rurales) vivant sur des sites contaminés.
Un cours de trois unités correspond à trois heures de cours par semaine plus le temps de
préparation. La forme varie avec le professeur, mais la plupart favorisent une forme ou une autre de
dialogue avec les étudiants. C’est ce que l’on appelle la méthode socratique, dont la version la plus
classique fut illustrée dans le film The Paper Chase. Un cours s’articule autour de la discussion de un
ou plusieurs arrêts, qui illustrent autant de points de droit. Les étudiants se préparent au cours en lisant
les arrêts, dont les extraits pertinents sont reproduits dans des recueils (casebooks). 19 Chaque extrait
est suivi de notes qui résument des variantes du problème en citant les arrêts correspondants. Certains
professeurs utilisent une méthode socratique rigoureuse, style Professeur Kingsfield (qui fait un peu
désuet aujourd’hui), et d’autres cherchent plus un dialogue décontracté avec la classe. Il est rare
d’assister à des cours « magistraux », où le professeur parle sans la moindre interaction avec les
étudiants, même dans un amphithéâtre où se tiennent plus d’une centaine d’entre eux.
19
Les étudiants doivent aussi souvent lire les lois ou statuts applicables, s’il y en a.
7
La présence aux cours est théoriquement obligatoire, ce qui ne veut pas dire que personne ne
sèche. Certains professeurs font pointer les étudiants ; la plupart non. Par contre, tous s’attendent à ce
que les étudiants viennent au cours préparés, c’est à dire ayant lu les arrêts et réfléchi à leurs
conclusions. Les professeurs posent souvent leurs questions au hasard dans l’amphi et l’étudiant
impréparé fait piteuse figure.
Les examens et les notes. Il y a un seul examen à la fin des cours, sur lequel repose entièrement la
note de l’étudiant. La forme de l’examen varie. Il peut y avoir des questionnaires à choix multiples,
des dissertations longues ou courtes, ou les deux. Certains professeurs donnent un mini-projet de
recherche à mener en 24 heures dont le résultat est présenté dans un mémoire. Quelle que soit la
formule, il est impossible de réussir sans une bonne connaissance de la matière au moment de
l’examen. L’étudiant doit soutenir un travail continu au cours du semestre pour espérer obtenir des
bons résultats à ses examens. De surcroît, les résultats des examens sont normalisés statistiquement. 20
Il ne suffit pas de savoir sa matière pour avoir une bonne note ; il faut la savoir mieux que les autres.
Un étudiant peut très bien maîtriser sa matière et terminer quand même avec une note quelconque si le
niveau de sa classe est très élevé.
Les entretiens de deuxième année. La première année est souvent la plus dure car tout est nouveau,
et les étudiants sont sous pression. Mais le premier semestre de la seconde année est aussi exigeant.
C’est le moment ou les cabinets d’avocats et les entreprises viennent sur le campus interviewer les
étudiants dans le but de les recruter. Chaque étudiant commence le processus en août en soumettant
son C.V. à tous les cabinets et entreprises qui l’intéressent. Ceux-ci font leur choix et les interviews
(de 30 minutes chacun) commencent dès la reprise des cours. Il faut donc jongler avec les deux.
Si l’interview sur le campus se passe bien, il peut être suivi d’une invitation à visiter les
bureaux pour une série d’entretiens plus approfondis. Si le cabinet en question est à l’autre bout du
pays, cela veut dire un voyage en avion, une nuit à l’hôtel, un diner au restaurant, etc., avec tout le
temps que cela ronge sur l’étude—mais c’est une sortie.
Les grands cabinets d’avocats recherchent les meilleurs étudiants un peu partout, et ne
résignent pas sur les moyens. Plus une faculté de droit est prestigieuse, plus nombreux et plus
prestigieux seront les cabinets qui y viendront interviewer, même si le cabinet est à un bout du pays et
la faculté à l’autre. Le processus débouche sur des offres de stages d’été. Traditionnellement, les
offres sont pour un stage de 10 à 12 semaines, et l’étudiant qui reçoit plusieurs offres doit en choisir
une et décliner les autres. Certains cabinets texans offrent deux stages de 6 semaines chacun. Cela
permet aux candidats de découvrir deux milieux de travail, dont chacun aura sa propre culture interne,
20
Les notes sont normalisées pour contrer « l’inflation des notes ». Les professeurs attribuent d’abord des notes brutes,
puis les normalisent à l’aide d’un logiciel. La normalisation permet de garantir qu’il n’y a pas plus de 15% d’étudiants qui
reçoivent un « A », pas plus de 25% un « B », et ainsi de suite (les pourcentages cités ici le sont à titre d’exemple). Donc
seuls les meilleurs 15% des étudiants auront une note « A », même si plus de 15% des étudiants ont rendu une excellente
copie à la fin de leur examen.
8
et éventuellement de faire un choix. En effet, si le stage se déroule bien, il se termine par une offre
d’emploi.
Ces stages d’été sont très prisés car ils sont très bien rémunérés, et ils ouvrent la porte aux
postes prestigieux d’avocats (associates) dans les cabinets. 21 Il est aussi possible d’obtenir des stages
dans des petits cabinets, dans des entreprises (en général les grandes), dans des parquets, et aussi dans
des tribunaux. Ces deux dernières catégories de stages ne sont pas aussi bien rémunérées, mais font
très bonne figure sur un C.V.
Les étudiants soumettent leurs C.V.s en août et reçoivent les offres de stage en octobrenovembre de leur deuxième année. Les stages se déroulent pendant l’été précédant la troisième année.
Les emplois sont offerts à la fin de cet été, pour un début de travail en septembre de l’année suivante,
après la fin des cours et l’examen du barreau. En somme, le processus prend deux ans entre la
première rencontre et le premier jour au travail. C’est un gros investissement de temps et d’argent
pour les employeurs, et aussi un gros pari pour les étudiants.
Le stage d’été. C’est une période d’essai qui n’est pas une sinécure, mais au cours de laquelle les
stagiaires s’amusent bien. Le but est de donner l’occasion au cabinet de jauger le stagiaire, et
l’inverse. Le stagiaire se voit assigner des projets qui permettent de tester sa capacité à élucider des
questions de droit, à rédiger un mémoire ou un contrat, à travailler en équipe, etc. Il y a aussi un
certain nombre d’événements « sociaux » (social events, soit des pots, des soirées, et des sorties) qui
permettent aux gens de se rencontrer (et de se mesurer) dans un contexte plus décontracté.
La préparation à l’examen du barreau. La plupart des candidats suivent un cours de préparation au
barreau donné par un organisme spécialisé. Les étudiants terminent leur cours début mai, se reposent
deux ou trois semaines, et suivent le cours (qui dure un mois) en juin-juillet avant de se présenter au
barreau. Les matinées sont consacrées aux cours et le reste du temps à l’étude individuelle. La facture,
qui n’est pas légère, est traditionnellement prise en charge par le cabinet ou l’entreprise qui attend la
nouvelle recrue.
Les stages judicaires (judicial clerckships). Certains étudiants choisissent de travailler un an dans un
tribunal comme clercs (judicial clerks) avant de commencer dans un cabinet. Ce sont des postes très
recherchés car les clercs travaillent directement avec les juges et accumulent beaucoup d’expérience
pendant leur année. Plus le tribunal est important, plus le stage est convoité. Les places de choix sont
bien sûr celles à la Cour suprême des Etats-Unis. Il n’y a jamais de conflit entre une offre de stage
dans un tribunal et une offre de travail dans un cabinet. Celui-ci attendra le stagiaire pendant un an
sans broncher car un judicial clerkship est toujours bien considéré.
Financement. C’est un secret pour personne que les études de droit coûtent cher, et que l’université
n’est pas gratuite pour les étudiants aux Etats-Unis. La plupart des étudiants empruntent aux banques
21
Nuance. Les avocats associés sont les « partners ». Les associates (en anglais) ne sont pas des associés (en français).
9
de quoi financer leurs études, à des taux d’intérêts subventionnés par les gouvernements. Les prêts
sont remboursables sur 10 ans après la fin des études. Nombreux sont les étudiants qui sortent de leurs
études fortement endettés. Pour les plus démunis, il y a des bourses.
Le programme LL.M. C’est un programme de un an, surtout suivi par des étudiants de pays
étrangers. 22 Le LL.M. est aussi la « porte d’entrée » aux Etats-Unis pour les avocats étrangers. Un
étranger inscrit au barreau de son pays d’origine, détenteur d’un LL.M. peut, sous certaines conditions,
se présenter à l’examen du barreau de certains Etats. 23 Les candidats au barreau devront faire bien
attention à ne pas se faire piéger par les conditions qui exigent X années de travail juridique au cours
des Y années précédant la demande. 24 C’est le sort qui peut guetter les conjoints avocats d’expatriés,
qui attendent un an après leur installation aux Etats-Unis pour commencer un LL.M., qui dure luimême presque un an. Ces candidats perdent donc deux années qu’ils passent « sans travail juridique »
(“actively and substantially engaged in the lawful practice of law”). 25 Il faut s’attendre à aucune
dérogation à ces règles, et donc faire preuve de prévoyance.
Aux étudiants étrangers préparant le LL.M., il est recommandé de bien réfléchir au choix de
cours. Choisissez des cours qui vous intéressent et enseignés par des bons professeurs. N’hésitez pas
à aller frapper aux portes de ceux-ci pour leur demander des détails sur leurs cours avant de choisir.
Les professeurs sont accueillants et cherchent à recruter les élèves pour leurs cours. Allez aussi
consulter les sites ou les fichiers qui résument les évaluations des cours faites par les étudiants.
Quoi qu’il en soit, prenez un, voir deux cours de formation à la recherche juridique (legal
research and writing ; brief writing). Vous apprendrez à exploiter les bases de données 26 pour trouver
les arrêts dont vous avez besoin pour soutenir ou réfuter une proposition juridique. Dans le système de
droit coutumier anglo-saxon où les arrêts font loi, c’est une compétence capitale. D’autre part, ces
cours contiennent aussi un élément de rédaction, et c’est un excellent moyen d’apprendre le style écrit
sobre et compact prisé par les milieux juridiques américains.
Pierre Grosdidier est avocat chez Haynes and Boone, LLP à Houston (Texas), où il exerce dans le
groupe Litiges Commerciaux (Business Litigation). Une partie importante de son activité provient de
litiges complexes commerciaux ou techniques (ingénierie, construction, logiciels). Le droit est pour lui
une deuxième carrière, après avoir travaillé dans le raffinage. Il est diplômé de la faculté de droit de
l’Université du Texas à Austin. Il est membre du barreau du Texas et plaide dans les tribunaux de
grande instance fédéraux et d’Etat.
22
Pour l’Université du Texas à Austin, voyez : http://www.utexas.edu/law/academics/degrees/llm/.
Pour les conditions exigées par le barreau du Texas, voyez la règle XIII(b) à:
http://www.ble.state.tx.us/Rules/NewRules/CurrentRuleBook.pdf. Pour le New York voyez la note 5, supra.
24
Pour le Texas, voyez la règle XIII(1)(A), qui exige cinq années de travail juridique au cours des sept années précédant la
demande, supra note 4.
25
Id.
26
Westlaw, Lexis, et Fastcase, pour ne nommer que celles-ci.
23
10

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