La puissance et la mer - Rapport d`accessibilité

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La puissance et la mer - Rapport d`accessibilité
La puissance et la mer.
Article publié dans le N° 14 de la revue Questions internationales
de La Documentation Française
La puissance d’un État, capacité d’influer sur la politique des autres États et donc d’empiéter
sur leur souveraineté tout en conservant pour soi-même une souveraineté maximale, est
conditionnée par l’étendue du territoire de l’État considéré, par sa démographie, par sa
cohésion nationale, par le dynamisme de son économie, par son avance dans la maîtrise des
technologies nouvelles et, bien entendu, par sa supériorité militaire tant qualitative que
quantitative. À partir de la fin du XIXème siècle, les géopoliticiens « historiques », à
commencer par Friedrich Ratzel, ont théorisé ces notions avec des bonheurs variables.
À la même époque, la pensée stratégique s’enrichissait, avec l’amiral Alfred Mahan, de la
notion de puissance maritime. L’idée en soi n’était pas nouvelle, on connaissait depuis
l’antiquité le pouvoir que confère la maîtrise des routes maritimes. Ce qu’apportait Mahan,
c’était à la fois une réflexion stratégique et une analyse géopolitique aboutissant à la
« destinée manifeste » des États-Unis, appelés à dominer le monde par la maîtrise des océans.
Cette destinée, les Américains l’ont accomplie. Non pas seulement par la puissance maritime,
cela est vrai : il ne faut pas négliger le rôle joué par l’avance économique et surtout
technologique de ce pays dans la conquête du leadership mondial. On ne peut pour autant nier
que la mer est à la fois source, enjeu et arène de la puissance : celle-ci s’alimente de la
maîtrise des espaces maritimes, qui sont eux-mêmes la pomme de discorde des conflits de
puissance régionaux ou locaux, et l’outil aéronaval apparaît le mieux adapté pour prévenir ou
régler les crises qui menacent la prospérité et la sécurité de l’État.
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La mer, source de puissance
Depuis que l’homme s’est aventuré hors des estuaires, la mer est devenue route d’échanges et
source de provende. Combien de temps lui a-t-il fallu pour en faire également un itinéraire de
raids contre ses concurrents ?
1.1 Le commerce maritime
La richesse est le principal facteur de la puissance. Or, il existe deux moyens de s’enrichir :
produire au-delà de ses besoins propres ce qui est susceptible d’intéresser des tiers ou faire le
négoce du produit de l’artisanat des autres. Dès l’époque du néolithique, on observe que des
lames d’obsidienne ont voyagé sur des milliers de kilomètres. Ces échanges se sont faits par
voie terrestre, puis très vite le long des cours d’eau, enfin par cabotage. L’avantage de ce
dernier moyen était que l’on s’affranchissait des multiples trocs puis, plus tard, des
innombrables octrois qui enchérissaient le produit.
Le commerce maritime était source d’enrichissement, donc de conflits de monopoles. Des
Phéniciens aux Carthaginois et aux Romains, de ces derniers à la Sérénissime et à la Sublime
Porte, les fortunes se sont bâties sur la maîtrise de la Méditerranée. Celle-ci étant la plaque
tournante terminale d’un commerce qui allait jusqu’à la Chine, la conquête par les Portugais
des routes maritimes de l’océan Indien a anéanti le riche négoce terrestre du Moyen-Orient et,
par répercussion, ruiné le commerce méditerranéen de Venise et de la Turquie.
Dès lors, la puissance navale a quitté l’espace confiné de la Méditerranée pour s’alimenter du
riche commerce transocéanique. Durant le XVIIème siècle et jusqu’aux traités d’Utrecht qui
ont mis fin à la guerre de succession d’Espagne, l’Angleterre, la France et la Hollande ont
lancé leurs corsaires à la poursuite des convois espagnols et portugais qui rapportaient l’or des
Amériques.
Nul État n’étant en mesure d’imposer sa souveraineté sur les mers, les puissances
européennes se sont entendues à partir du XVIIIème siècle sur la notion de mare liberum,
chacune exerçant sa souveraineté sur les eaux côtières jusqu’à la limite de portée du canon.
C’est l’origine du concept actuel de mer territoriale. Bien sûr, la liberté des mers, c’est le droit
du plus fort, le triomphe de la puissance maritime, celle de la France, de l’Angleterre, des
États-Unis enfin. Celle-ci ne sera limitée que par un droit maritime qui sera complété
progressivement jusqu’à la Convention de Montego Bay en 1982.
1.2 L’appropriation des ressources
Le problème de l’appropriation des ressources de la mer ne s’est réellement posé que depuis
la fin de la seconde Guerre mondiale.
1.2.1 Les ressources vivantes
Jusqu’en 1945, on ne s’intéressait guère qu’aux ressources vivantes : poissons, crustacés et
coquillages (y compris les précieuses huîtres perlières). Celles-ci se renouvelant sans
intervention de l’homme, il n’y avait pas là matière à revendication de territoires de pêche et
on ne dépassait guère le niveau des querelles de voisins. La course des thoniers français,
anglais et américains pour être présents les premiers lors de l’apparition annuelle de leurs
proies dans les eaux de Terre-neuve tenait de la compétition sportive.
C’est après 1945 que s’est développée aux États-Unis, en Urss et au Japon l’industrie de la
pêche lointaine exploitant de façon intensive, avec des moyens de plus en plus perfectionnés,
les zones les plus riches du Pacifique d’abord, puis des deux autres océans. Sur ces zones puis
au niveau global, il est rapidement apparu que l’exploitation de la ressource dépassait sa
capacité de reproduction, laissant les pays côtiers impuissants à protéger leurs propres
intérêts.
En 1952, le Chili, le Pérou et l’Équateur ont revendiqué, par la Déclaration de Santiago, la
« seule souveraineté et juridiction » sur une zone s’étendant jusqu’à 200 nautiques de leurs
côtes. Ainsi commençait l’affrontement des pays pauvres et des pays riches, pudiquement
appelé « dialogue Nord-Sud ». Les trois pays armateurs de la pêche lointaine s’accrochaient à
la notion de mer « res nullius », n’appartenant à personne, tandis que la décolonisation
multipliait les pays ayant intérêt à défendre leur ressource halieutique (de la pêche). Dès 1976,
la France proclamait ses droits souverains sur un immense territoire maritime et l’Union
européenne créait une zone de pêche commune allant jusqu’à 200 nautiques des côtes de ses
États membres.
Montego Bay a défini en 1982 le statut juridique des zones économiques exclusives (ZEE).
Les pays tiers y conservent le droit de transit, celui de passage inoffensif et celui de pose de
câbles et tubes sous-marins. Les États-Unis ont été les derniers, en 1987, à reconnaître les
ZEE et à établir les leurs propres.
1.2.2 Les ressources du fond et du sous-sol
La gestion des ressources vivantes a d’abord été une revendication des pays pauvres face aux
pays riches. Au contraire, ce sont les pays riches qui ont pris l’initiative de revendiquer
l’exploitation des fonds et des sous-sols, à commencer par les Américains. En 1945, par la
« proclamation Truman », ceux-ci affirmaient leurs droits sur les ressources minérales du fond
et du sous-sol du plateau continental adjacent à leurs côtes. On pensait, à l’époque, aux dépôts
métallifères autant qu’au pétrole et au gaz. Depuis 1970, les prix du brut ont pris un essor tel
que l’exploitation off shore des hydrocarbures est devenue réellement rentable.
La convention de Montego Bay, encore elle, a défini le plateau continental comme une zone
pouvant s’étendre jusqu’à 100 nautiques au-delà de la ligne de profondeur (isobathe) de 2.500
m. ou jusqu’à 300 nautiques des côtes. On devine les querelles de souveraineté qui ont été
entraînées par cette définition, notamment en mer de Chine méridionale. Le contrôle du
plateau continental est devenu source de puissance.
Quant aux ressources des fonds marins au-delà des limites du plateau continental, elles ont
généré des espérances qui n’ont pas encore trouvé de réalisation concrète (nodules
polymétalliques notamment). Classées patrimoine commun de l’humanité, elles sont gérées
par une organisation qui accorde aux pays qui le demandent des concessions sur des zones
immenses. Cependant, les cours des métaux varient avec une amplitude telle qu’aucune
exploitation de ces minerais n’a encore été jugée rentable.
1.3 La capacité de projection
Si la mer est source de richesses, elle est surtout un espace de projection. La principale
préoccupation de Washington durant les quatre conférences des Nations Unies sur le droit de
la mer a été non tant de protéger les intérêts de ses pêcheries que de défendre le droit de libre
circulation pour leur marine de guerre. À Montego Bay comme durant les trois conférences
précédentes, on n’a pas traité que de droit de la mer mais aussi de droit maritime.
La haute mer, c’est à dire tous les espaces maritimes qui ne sont juridiquement ni des eaux
intérieures, ni une mer archipélagique, ni une mer territoriale (limite des 12 nautiques), est un
espace de libre circulation où les navires sont soumis à la seule juridiction de leur État de
pavillon. Font exception les faits de piraterie, de terrorisme en mer et les délits de pollution,
n’importe quelle marine étant en droit d’arraisonner les criminels ou contrevenants.
Les puissances, les Américains en tête, ont obtenu que la création des ZEE ne soit nullement
une entrave à la libre circulation maritime tant marchande que militaire. Le point délicat était
l’extension des mers territoriales à 12 nautiques, dont la conséquence était que de nombreux
détroits internationaux passaient sous la souveraineté du ou des États qui les bordaient.
Montego Bay a confirmé le droit de passage en transit des navires et aéronefs marchands et de
guerre sous condition d’un transit rapide et continu et de l’abstention par les navires de toute
menace ou usage de la force.
Les autres détroits peuvent également être empruntés pour accéder à la mer territoriale d’un
pays tiers en vertu du droit de passage inoffensif, il est vrai plus contraignant.
La puissance maritime n’est donc guère affectée par les règles récentes du droit maritime :
toute entrave au commerce entre deux pays ayant une façade côtière est une infraction à celuici, tandis que les États disposant d’une force aéronavale conséquente sont en mesure
d’intervenir à partir de toutes les mers du globe sans avoir à négocier des accords de transit.
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La mer, enjeu des conflits de puissance
2.1 La dialectique de la mer et de la terre
Déjà Friedrich Ratzel (1844-1904), considéré comme le premier géopoliticien, énonçait parmi
les critères d’analyse de la puissance la « position » du territoire, soulignant l’avantage
qu’offre une position côtière donnant accès à l’ensemble du monde et mettant en exergue les
avantages de la position insulaire qui met le pays à l’abri des attaques.
À la même époque, dans le contexte de l’expansion des États-Unis dans le Pacifique nord et
dans les Caraïbes, Alfred T. Mahan (1840-1914), historien des guerres navales, introduisait la
notion de sea power, la puissance maritime, dans la pensée stratégique. Une cinquantaine
d’années plus tard, pendant le second conflit mondial, son disciple Nicholas J. Spykman
(1893-1943) devait élaborer une théorie de l’opposition entre la puissance maritime et la
puissance continentale et de leur lutte pour le contrôle des marges continentales de l’Eurasie,
véritable enjeu de la puissance.
N’était-ce pas déjà, au XIXème siècle, le « Grand Jeu » de Rudyard Kipling ? N’était-ce pas,
un siècle plus tard, le nouveau « grand jeu » de la guerre froide et de l’endiguement ? La
Grande-Bretagne a réussi à contenir la poussée de la Russie vers les mers chaudes. Les ÉtatsUnis ont vaincu l’Urss sans coup férir, autant par leur défi technologique que par leur
stratégie globale. Aujourd’hui, seule demeure la puissance américaine face à des alliés rétifs
parfois mais trop faibles toujours et à des adversaires maîtrisant surtout l’anathème et la force
du faible, l’insaisissable nébuleuse du terrorisme.
2.2 Les luttes pour la puissance régionale
Quoi que l’on en veuille, le souci des Américains n’est pas de dominer le monde : qu’ont-ils
donc à gagner à une suprématie encore plus grande, si ce n’est davantage de problèmes à
résoudre ? L’objectif, c’est la prospérité de leur pays. Or, cette prospérité est liée à la sécurité
du territoire national (la dramatique découverte de septembre 2001), à la stabilité des cours
des matières premières, à commencer par le pétrole, à la sûreté des routes maritimes et, d’une
façon générale, à la paix et à la stabilité dans les diverses régions du monde.
La stabilité politique, nous aurions presque pu mettre ce mot en tête de liste. Il n’est
d’investissements sûrs que dans des pays dont le régime et l’ordre public ne sont pas menacés
et, surtout, qui n’ont pas avec leurs voisins de contentieux susceptibles de dégénérer en
conflits. Le risque provient également de la prolifération nucléaire et balistique, préoccupation
majeure de Washington.
Pour les États-Unis, l’existence dans chaque région du monde d’une puissance de second rang
sinon affidée, du moins ouverte au dialogue, est gage de stabilité. Le danger, c’est que
plusieurs États se disputent la suprématie régionale. Le risque n’est pas nécessairement un
conflit direct mais souvent des affrontements indirects de pays amis de l’un ou de l’autre.
Du fait de la domination américaine sur les mers, l’arène de l’affrontement est bien souvent
terrestre : Irak contre Iran, Inde contre Pakistan, Vietnam contre Cambodge… L’enjeu n’en
est parfois pas moins la conquête de la puissance maritime régionale. Cela apparaît clairement
en Asie orientale. La montée en puissance de la Chine, orientée autant vers les forces navales
que vers les missiles, a d’abord trouvé effet dans la concrétisation de la souveraineté chinoise
sur la mer de Chine méridionale et sur les hydrocarbures de son sous-sol. Aujourd’hui, elle
défie la puissance maritime du Japon, champion des États-Unis, et Pékin reste sourd aux
efforts de Washington visant à lui faire adopter sa diplomatie de stabilité régionale. Les
principales inquiétudes, la Corée, le détroit de Taiwan, l’Indochine, sont bien loin d’être
apaisées.
Les Américains sont plus heureux dans d’autres régions du monde. L’Australie, puissance
maritime de second rang affidée, se propose d’intervenir pour assurer la stabilité de l’Asie du
sud-est. Elle n’y est guère bienvenue mais son intérêt géopolitique est de sortir du cadre
économiquement stérile du Pacifique sud. Quant à l’Europe, qui parvient parfois à se faire
reconnaître comme puissance régionale pour la gestion des crises, elle dispose d’un outil
aéronaval d’autant plus intéressant pour Washington qu’il ne peut guère être utilisé que dans
le cadre de l’Otan.
2.3 Des menaces asymétriques
L’État qui détient la puissance reste vulnérable aux attaques indirectes. Elles ont pour noms
terrorisme, qui mine la confiance des citoyens dans leurs gouvernants et désorganise
l’économie ; trafic de drogue, qui ruine la santé de la société ; trafic d’armes, qui alimente
groupes terroristes et maquis ; immigration illégale, qui nuit à la cohésion nationale. Or,
toutes ces menaces ont une composante maritime : débarquement d’agents ou d’instructeurs,
trafics maritimes, infiltration par mer des clandestins. Les opérations de police confiées aux
forces navales participent donc à la sécurité du pays et, partant, à sa puissance.
Par ailleurs, la piraterie et le brigandage sont tout particulièrement florissants durant les
périodes et dans les zones où la puissance maritime décroît. C’est tout particulièrement le cas
dans le détroit de Malacca et en mer de Chine méridionale où ces formes de criminalité
étaient contenues tant que les marines soviétique et américaine disposaient de bases
importantes dans la région. Depuis la fermeture des bases navales de Camranh au Vietnam et
de Subic Bay aux Philippines, la piraterie coûte fort cher aux armateurs et menace
l’approvisionnement pétrolier du Japon aujourd’hui, de la Chine demain.
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La mer, arène privilégiée de la régulation des crises
La puissance navale n’est plus mise en œuvre aujourd’hui dans une logique d’anéantissement
de l’adversaire. L’effet recherché peut être, dans l’optique des Nations unies, la prévention
des crises, le maintien de la paix dans les régions en crise ou le rétablissement de la paix en
cas de conflit. Du point de vue américain, il peut aussi être le changement de régime politique
et économique d’un État (la Grenade, Afghanistan, Irak…).
Dans l’un et l’autre cas, le succès est question de dosage de la force et de liberté de
manœuvre. Quel outil est mieux adapté à ces missions qu’une force aéronavale ?
3.1 Un outil de prévention des crises
Pour prévenir une crise il importe d’abord d’évaluer avec précision la situation. Le
renseignement, dès cette étape, est essentiel : déploiement de moyens techniques d’écoute et
de surveillance des mouvements sur mer, sur terre et dans les airs. Grâce aux moyens
proprement navals et à ceux embarqués sur des aéronefs décollant de porte-avions, la marine
est particulièrement apte à acquérir le renseignement jusqu’à une grande profondeur dans les
terres sans l’astreinte de l’accord de pays voisins. Les sous-marins, pour leur part, participent
discrètement à la surveillance des mouvements maritimes.
La seconde phase de la prévention est le déploiement préventif. Là encore, la marine offre la
solution la plus souple et la mieux graduée : elle peut assurer une présence durable sans avoir
à obtenir des accords diplomatiques, hausser le ton en exerçant ostensiblement le contrôle
aéromaritime, aller jusqu’à mettre en place un embargo (on a vu l’efficacité de celui imposé à
la Serbie) ou même déployer des forces aéronavales imposantes pour intimider l’adversaire.
La prévention passe aussi par le soutien ostensible de pays amis. La marine, là aussi, est
l’instrument tout trouvé : visite dans les ports, exercices navals communs…
3.2 Un outil de projection de puissance
Lorsque la prévention a échoué, il peut être nécessaire d’intervenir dans des conflits locaux
pour assurer la stabilité régionale (Bosnie, Kosovo), pour contrôler des zones refuges de
terroristes (Afghanistan) ou pour renverser un régime « voyou » (la Grenade, Irak). Par
nature, de telles actions sont interarmées mais elles impliquent presque toujours l’emploi des
forces aéronavales. La projection par voie de mer est souvent la seule façon d’accéder à une
zone de crise, surtout quand les États voisins ne sont pas favorables et même si le théâtre
d’opérations est enclavé. L’aviation embarquée est moins astreinte que l’armée de l’air à
l’obtention d’autorisations de survol.
La projection de puissance consiste à porter le feu chez l’adversaire grâce à des systèmes
d’armes aériens ou balistiques sans déploiement de troupes au sol. Les forces navales, surtout
après une phase de prévention, sont en mesure de se porter très rapidement en position
d’attaque. Elles seront donc les premières à intervenir et bien souvent les seules si l’on ne
dispose pas de bases terrestres à portée de tir.
Par ailleurs, les forces navales disposent de leur propre système logistique qui leur permet de
maintenir leur action le temps nécessaire.
3.3 Un outil de projection de forces
La projection de forces se caractérise par l’envoi de troupes au sol. Elle peut commencer par
un assaut aéroporté à partir de bases à terre mais le plus souvent même cette première vague
sera transportée par des navires. Une fois à pied d’oeuvre, la composante terrestre aura besoin
de ses moyens lourds, blindés et artillerie, et d’une logistique que seule sera en mesure
d’assurer la force navale.
Le transport sur zone des forces d’intervention et de leurs moyens lourds peut être assuré par
des navires de transport civils, qui constituent eux aussi une composante de la puissance
maritime.
La projection de forces est indissociable de la projection de puissance par l’appui-feu, la
couverture aérienne, les avions d’attaque au sol, le renseignement opérationnel, voire les
capacités de défense antimissile de théâtre, tous appuis qu’est en mesure de fournir la force
navale.
On le voit, la gestion des crises reste l’apanage des États qui détiennent ou partagent la
puissance maritime, le sea power de Mahan.
Conclusion
Et l’Europe ? Elle n’est certes pas une puissance puisque ce terme désigne un État. Est-elle
pour autant dépourvue de puissance ? Absolument pas. Elle dispose d’une puissance
économique considérable dont une part procède de la puissance maritime de certains des États
qui la composent. Elle dispose également d’une puissance militaire dont la composante
aéronavale est loin d’être négligeable. Le problème est qu’elle ne dispose que très
partiellement de cette puissance, les forces étant conçues pour un emploi combiné au sein de
l’Otan. L’outil a besoin d’être perfectionné, d’être complété des éléments qui lui permettraient
d’agir de façon autonome tout autant qu’au sein de l’alliance. La puissance maritime existe au
sein de l’Europe, mais elle reste partagée entre plusieurs pouvoirs nationaux. Ces derniers ne
sont pas près de se départir de leurs prérogatives en matière de défense. Mais, après tout, estce si dramatique ? Que les fragments de cette puissance s’unissent autour d’un objectif
commun et l’on découvrira la puissance maritime de l’Europe.