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Simulation ou simulacre ? Simulation ou Simulacre ? Décembre 2009 Josée Des Granges Zimmermann Page 1 Simulation ou simulacre ? Table des matières Introduction pour les internautes p. 4 Remerciements p. 5 Partie théorique Introduction du travail p. 6 Concepts et relations p. 9 La pensée critique p. 9 Les raisonnements vus dans une perspective de recherche en psychologie cognitive chez les médecins p. 10 L’organisation des connaissances p. 13 Définition du jugement clinique p. 13 L’importance du jugement clinique dans la pratique professionnelle p. 14 Les stratégies permettant de développer le jugement clinique p. 15 Laboratoire d’habiletés cliniques et moyens audiovisuels p. 17 Patients simulés p. 21 Examen clinique objectif structuré (E.C.O.S.) p. 23 Pratique réflexive p. 24 Le modèle C.E.P.S.S. p. 26 Josée Des Granges Zimmermann Page 2 Simulation ou simulacre ? Partie pratique/expérimentation p. 29 Description de l’expérience p. 29 Atelier pilote 1 : Module M3 « jugement clinique » p. 29 Travail préparatoire des étudiants p. 30 Le choix des situations p. 31 Présentation des situations A B C p. 33 Présentation du module M3 aux étudiants p. 35 Répartition et organisation p. 36 La simulation D et ses particularités p. 37 Analyse du module M3 p. 42 Atelier pilote 2 : Module Réanimation présentation et analyse p. 46 Les principaux obstacles p. 49 Les moments de satisfaction et d’espoir p. 51 Économie et faisabilité p. 52 Nos visions pour le futur p. 55 Bibliographie p. 58 Annexes Annexe 1 : Consignes réflexives p. 65 Annexe 2 : Poste formatif et consigne étudiante p. 68 Annexe 3 : Rédaction aux consignes par une étudiante p. 71 Décembre 2009 Josée Des Granges Zimmermann Page 3 Simulation ou simulacre ? Introduction pour les internautes Ce document a été réalisé dans le cadre d’un projet interne à la Haute école cantonale Vaudoise de la santé H.E.C.V. située à Lausanne en Suisse. Il se présente sous forme d’un rapport, témoignant de deux ateliers pilotes s’inscrivant dans un projet interne à l’école de développement d’un centre des pratiques simulées entre nos différentes filières de formation : infirmiers, physiothérapeutes, sages-femmes, et techniciens en radiologie médicale. Ce projet portait le nom de « C.E.P.S.S. » soit centre d’enseignement des pratiques simulées en santé. Le projet C.E.P.S.S. s’est échelonné entre septembre 2006 et juillet 2008. Le projet C.E.P.S.S. a été suivi par un projet de développement plus important impliquant : le Centre hospitalier universitaire vaudois (C.H.U.V), la Haute école de soins infirmiers La Source (H.E.L), la faculté de médecine et de biologie de l’université de Lausanne (U.N.I.L.), le Centre d’enseignement médical et communication audiovisuelle (C.E.M.C.A.V.) et la H.E.C.V. santé. Ce dernier projet inter-institutions a été nommé C4 : Centre Coordonné de Compétences Cliniques. Le rapport du projet sera rendu en fin décembre 2009. Le document original « Simulation ou simulacre » a été légèrement modifié pour permettre sa compréhension à un plus large public. Quelques documents sont annexés à titre d'exemple, néanmoins la plus grande partie des documents annexes sont à usage interne et ne sont donc pas communicables. Les opinions et positions prises dans ce document n’engagent que son auteur. 20 juin 2009 Josée Des Granges Zimmermann Page 4 Simulation ou simulacre ? Le document original comporte ce texte ainsi que quatre cahiers d’annexes qui permettent de consulter l’ensemble du travail réalisé dans les ateliers pilotes « réa » et « jugement clinique M3 ». Remerciements Nos remerciements s’adressent particulièrement aux Professeurs Duguay et Politis Mercier pour leurs discussions, leurs critiques et leur soutien dans le cadre du projet C.E.P.S.S. ainsi qu’à nos collègues réanimatrices de l’équipe « Réa 144 », les Professeurs Lawrence, Maio et Tagand. Le module M3 a été réalisé en collaboration avec le Professeur Thierry Luthringer qui était aussi le chef de projet C.E.P.S.S. Nous remercions aussi les autres membres de l’équipe C.E.P.S.S., les Professeurs Ferrandez, Franco, et Portuesi. Les « patients simulés » doivent aussi être remerciés : les Professeurs Bernouillis, Follonier, Jarne-Top, Kampel, et Lilla. À Mesdames Sibleyras et Beylers pour leur travail de corrections et de mise en page et de vérifications bibliographiques. Notre regard se tourne également vers le Canada, vers notre ancienne doyenne, le Docteur en didactique, Margot Phaneuf et le Dr Claire-Andrée FrenetteLeclerc qui ont accepté en toute dernière minute de relire notre texte. Le Dr Leclerc a été un modèle lors de notre formation initiale en soins infirmiers et a influé favorablement sur notre parcours professionnel vers la pratique clinique, son expertise et la recherche d’excellence. La photo en couverture a été autorisée par la patiente simulée ainsi que par l’étudiante. Elles n’ont cependant pas souhaité voir leurs noms publiés. Josée Des Granges Zimmermann Page 5 Simulation ou simulacre ? Partie théorique Introduction La rédaction de ce travail répond à plusieurs demandes émanant de notre direction, du décanat de la filière de soins infirmiers, ainsi que de plusieurs de nos collègues enseignants et infirmiers. Ce texte présente une approche critique qui n’engage que l’auteur. La première demande émanant de notre directrice, Mme Mireille Clerc, concerne le projet C.E.P.S.S. Nous tenterons ainsi d’apporter des éléments de réponses aux questions abordant la pertinence du modèle C.E.P.S.S., de nos ateliers pilotes, de leurs effets dans l’apprentissage et vérifierons leur faisabilité d’un point de vue économique. Une revue des écrits nous a aussi été demandée; elle figure à la fin du document. La lecture de cet article en son entier n’apparaît pas indispensable pour la prise de décisions. Notre direction peut dès lors se référer directement aux aspects pragmatiques formulés sous forme de propositions dans les dernières pages du document. Ce texte a été rédigé dans une logique « recherche » dans la mesure où nous avons cherché à étayer nos propos par des références que nous croyons crédibles. Il ne s’agit cependant pas d’une recherche au sens strict, car notre travail ne correspond pas aux critères de rigueur nécessaires à la méthodologie de recherche. Un autre élément justifiant l’importance de ce texte est la réalisation d’un mandat qui nous a été confié pas notre doyen. M. Van Gele, et qui visait à faire la promotion du jugement clinique et de la guidance des équipes enseignantes dans le cadre de la filière infirmière. Nous croyons avoir partiellement atteint cet objectif et nous souhaitons par ce texte en rende compte. Le dernier élément, et non le moindre, est de pouvoir répondre de façon plus précise à plusieurs questions posées par nos collègues enseignants, praticiens formateurs et cliniciens qui souhaitent développer le jugement clinique en soins infirmiers. Ces personnes attendent de nouvelles pistes de réflexion. Nous tenterons d’y apporter nos expériences, qui devraient nous conduire vers des discussions au sein de l’institution et vers une ouverture aux différentes pratiques. Josée Des Granges Zimmermann Page 6 Simulation ou simulacre ? Nous débuterons notre article en tentant de cerner notre sujet, soit le jugement clinique dans les professions de la santé. Cette partie du texte sera référencée de façon importante, afin de permettre aux lecteurs de s’affranchir du présent document et d’aborder les textes fondateurs des différents courants. Cette partie répondra aux deux questions suivantes: qu’est-ce que le jugement clinique ? Quels sont les cadres théoriques qui le sous-tendent ? Nous aborderons par la suite quelques stratégies permettant de le développer. Nous présenterons ensuite le modèle que nous avons expérimenté dans le cadre du projet C.E.P.S.S. et deux ateliers relatifs à ce modèle. Il s’agit du module optionnel « jugement clinique » inscrit dans le cursus H.E.S. non Bachelor 4e année et de l’atelier réanimation BLS qui lui, est inscrit dans le programme obligatoire Bachelor 2e année. Nous terminerons notre travail par des propositions qui, nous le souhaitons, pourront faire avancer le développement du jugement clinique dans les professions de la santé. De nombreuses annexes permettront aux lecteurs de consulter les objectifs des modules, les consignes, les grilles E.C.O.S, les modélisations organisationnelles, les préparations des briefings, les debriefings et autres documents. Toutefois, les documents vidéo ne seront pas disponibles, car nous nous sommes engagés auprès des étudiants à ne pas les diffuser sans une autorisation écrite de leur part. Définitions Les études sur le raisonnement médical ont suscité de nombreuses recherches dans des domaines aussi différents que la psychologie, la philosophie, ou encore la pédagogie. Les termes employés en médecine sont variés : on parle de « sens clinique », de « jugement clinique », de « processus de décision médicale » ou encore « d’analyse décisionnelle ». Dans le contexte médical, deux approches essentielles ont été identifiées (Elstein, Schwarz, 2002) (McGuire, 1985) : Josée Des Granges Zimmermann Page 7 Simulation ou simulacre ? l’approche descriptive, issue de la psychologie cognitive, qui vise à révéler comment les médecins résolvent naturellement des problèmes cliniques (clinical problem solving); l’approche normative, qui vise à définir le processus menant à la meilleure décision dans des conditions d’incertitude et à analyser comment la démarche décisionnelle peut s’écarter des standards (medicals decisions making). Dans la discipline infirmière, nous retrouvons aussi des concepts et des termes variés concernant le « jugement clinique ». L’ouvrage de Thompson et Dowding (2002) présente notamment plusieurs termes pour le désigner. Certains auteurs parlent de décisions cliniques (Field, 1987; Ford et al., 1979; Luker et Kenricck, 1992), d’autres de jugement clinique (Benner & Tanner, 1987; Itano, 1989), d’inférences cliniques (Hammond, 1964), de raisonnement clinique (Grobe et al.) ou encore de raisonnement diagnostique (Carnevali et al., 1984) (p. 7). Cette multitude de concepts, définitions et vocables sont autant de facteurs positifs pour le développement de la profession infirmière. Rodgers (1989) relève toutefois que lorsqu’une définition ou un attribut d’un concept n’est pas clair, sa capacité d’intervenir positivement dans certaines tâches est grandement diminuée. Nous nous trouvons ainsi confrontés à une littérature infirmière très abondante et souvent confuse, car les théoriciens utilisent les concepts de façon interchangeable. De plus, l’inclusion des différents modèles de soins, des cartes conceptuelles ou encore de différents cycles de réflexivité rend les écrits complexes, voire hermétiques. Nous tenterons dès lors de préciser les concepts centraux du « jugement clinique en soins infirmiers », afin de permettre au lecteur de comprendre ultérieurement les dispositifs didactiques développés et expérimentés dans le cadre du projet C.E.P.S.S. Josée Des Granges Zimmermann Page 8 Simulation ou simulacre ? Pour ce faire, nous utiliserons des recherches en sciences infirmières issues pour la plupart du paradigme naturaliste et employant des méthodologies quantitatives et qualitatives. Celles-ci intégreront les éléments subjectifs, les narrations, l’importance du contexte et les différentes cultures professionnelles liées aux sous-champs disciplinaires (par exemple : santé mentale, soins somatiques aigus ou chroniques). Les recherches issues de la psychologie cognitive concernant le raisonnement des médecins nous permettront de circonscrire les concepts et de préciser notre compréhension du jugement clinique. Ces recherches s’inscrivent dans le paradigme postpositiviste qui reste le courant dominant de la recherche scientifique actuelle. Concepts et relations Comme nous l’avons vu précédemment, « les concepts interchangés » rendent la compréhension difficile. Par souci de clarté, nous nous appuierons sur les écrits d’Alfaro-Lefevre (2008) pour préciser les liens entre « pensée critique », « raisonnement clinique » et « jugement clinique ». Cette auteure tend à démontrer que les cliniciens utilisent la pensée critique et le raisonnement clinique pour élaborer leur jugement clinique. En d’autres mots, le jugement clinique s’apparenterait plus à « un résultat » qu’à un « processus ». Les termes ne sont donc pas synonymes. Tanner (2006) adopte la même position. Ainsi le raisonnement clinique sous-tend le jugement clinique, d’où son importance. La pensée critique. Certains théoriciens de « la pensée critique » comme Watson et Glaser (1980), McPeck (1981), Facione (1990), Boychuck Duchster (1999) et Simpson et Courtney(2002) la définissent comme une analyse incluant l’évaluation et les inférences. Bitner et Tobin (1998) incluent l’interprétation, l’explication et l’auto-régulation comme éléments centraux de la pensée critique. Le questionnement socratique est souvent proposé pour discerner, examiner les hypothèses, en faire ressortir les contradictions et les points de vue multiples. Ce type de questionnement nous permet aussi de différencier connaissances et croyances. Josée Des Granges Zimmermann Page 9 Simulation ou simulacre ? Les raisonnements vus dans une perspective de recherche en psychologie cognitive chez les médecins Le premier chapitre du livre publié par Junod, A.F. (2007) Décision médicale ou la quête de l’explicite, propose une revue des écrits traitant du raisonnement. Nous l’avons sélectionné pour la qualité de sa synthèse. Nous postulons ainsi que le raisonnement des infirmières est similaire à celui des médecins. Nous n’avons pas de recherche pour appuyer ce postulat; notre seule expérience clinique permet de fonder ce choix. Le raisonnement clinique et ses différents processus D’après Junod (2007), les processus se déclinent selon trois perspectives. 1. Les processus analytiques de raisonnement de type hypothético-déductif. 2. Les processus non analytiques de raisonnement. 3. Les processus mixtes, analytiques et non analytiques de raisonnement. 1. Les processus analytiques de raisonnement Junod (2007) cite les recherches effectuées dans les années 1970 par l’équipe d’AS Elstein à l’Université du Michigan et appelées « Medical Inquiry project », ainsi que les travaux de Kassirer, J. Gorry, G.(1978) et de Barrows, H.S.(1972). Ces recherches démontrent que les médecins résolvant un problème clinique utilisent systématiquement une stratégie comprenant plusieurs étapes définissant un processus appelé hypothético-déductif. Dès que la plainte est énoncée par le patient, naissent dans l’esprit du médecin une ou plusieurs hypothèses diagnostiques, qui servent dès lors de cadre à la recherche d’informations supplémentaires. Les données cliniques sont interprétées pour juger si elles sont compatibles avec l’hypothèse testée, puis l’hypothèse est elle-même évaluée pour être, soit retenue, soit écartée, soit vérifiée par des données supplémentaires. Ce processus recommence avec de nouvelles hypothèses, jusqu’à ce que le médecin atteigne le diagnostic clinique de présomption. Les hypothèses générées peuvent être d’abord générales puis spécifiques, ou d’emblée spécifiques; la première hypothèse est générée très tôt, après moins de Josée Des Granges Zimmermann Page 10 Simulation ou simulacre ? cinq données cliniques, le nombre d’hypothèses considérées en même temps varie de deux à quatre, et le nombre total d’hypothèses émises, varie de quatre à sept. Ce même processus hypothético-déductif est également utilisé lorsque les sujets reçoivent comme instruction de ne pas générer d’hypothèses avant la fin de la consultation. (…) Les médecins compétents ne se distinguent, ni par le nombre d’hypothèses générées, ni par la quantité de l’information recherchée, mais plutôt par la collecte de données clés et par l’interprétation et l’évaluation de leurs hypothèses, ainsi que la qualité des hypothèses testées. C’est ce que confirment certains auteurs (Barrows, H.S. 1982) (Norman, G.R & al 1985). L’application de règles causales ou conditionnelles Patel et coll. (1986, 1991) concluent que la connaissance peut être représentée comme un réseau de propositions reliées par des règles causales ou conditionnelles (si le symptôme A est présent (…) alors cela implique le diagnostic B). Le raisonnement consiste donc en un processus dans lequel les médecins reconnaissent un ensemble de données critiques et appliquent correctement les règles stockées dans leur mémoire. Le processus part donc des données cliniques et aboutit au diagnostic, ce qui est opposé au processus hypothético-déductif qui part des hypothèses pour chercher les données pertinentes. 2. Les processus non analytiques Bien que l’existence d’un modèle hypothético-déductif ait été largement confirmée par les auteurs suivants : Kassirer, J. Gorry, G. (1978), Neufeld, V.R. Norman, G.R. Barrows, H.S. Feightner, J.W. (1981). Gruppen, L.D. Wooliscroft, JO. Wolf, F.M. (1988), d'autres ont constaté que, dans des situations familières, les médecins n’énoncent pas spécifiquement des hypothèses, mais semblent reconnaître directement un tableau clinique, de manière inconsciente et automatique à travers des processus non analytiques. Les lecteurs pourront ainsi se rapporter aux écrits de Norman, G.R. Rosenthal, D. Brooks, L.R. Allen SW, Muzzin, L.J. (1989). Josée Des Granges Zimmermann Page 11 Simulation ou simulacre ? Ce dernier type de processus consiste à identifier au sein d’un cas clinique soit des configurations caractéristiques de signes (pattern recognition), Groen, G.J, Patel V.L. (1985), soit une similarité avec des cas rencontrés précédemment. Selon le modèle dit de cas concrets (instances) de Schmidt, H.G. Norman, G.R. Boshuizen,H.P.(1990)., les catégories diagnostiques sont représentées comme une collection de situations cliniques individuelles déjà rencontrées. Lorsque le clinicien est face à un nouveau patient, il compare sa présentation clinique à celle stockée dans sa mémoire pour l’associer à un diagnostic donné. Ces cas concrets peuvent être stockés comme ils ont été vécus, sans abstraction, et l’apprentissage consiste ainsi en l’addition de nouvelles expériences cliniques à la base de données logée dans la mémoire. Nous relions les processus non analytiques déclinés plus haut aux processus intuitifs des « experts » décrit par les travaux de Benners et Tanner (1987). 3. Une catégorie intermédiaire de processus est aussi énoncée dans les travaux de Junod (2007). L’intrication entre processus non analytique et analytique est plus complexe qu’un simple choix inconscient selon la situation clinique qui se présente. La reconnaissance d’une similarité peut représenter le moyen d’activation en mémoire d’une solution (une hypothèse et un réseau de connaissances relatif à cette hypothèse). Cette première étape d’activation peut ensuite être suivie d’une étape de confirmation sur le mode hypothético-déductif. Cette combinaison « reconnaissance de similaritéconfirmation hypothético-déductive » est très courante et a été démontrée formellement par Kalatunga-Moruzi, C., Brooks, L.R., Norman, G.R. (2001) ainsi que par Norman, G.(2001). Si l’approche « mixte » semble rencontrer un intérêt important chez les experts, l’approche hypothético-déductive reste l’approche employée quand certaines données ne peuvent plus être reliées entre elles. Ainsi le modèle hypothético-déductif reste-t-il incontournable pour les novices comme pour les experts. Passons maintenant aux connaissances et à leur organisation. Josée Des Granges Zimmermann Page 12 Simulation ou simulacre ? L’organisation des connaissances Le processus de raisonnement lui-même ne permet pas d’expliquer la compétence à résoudre des problèmes cliniques. Cette dernière est également liée à la connaissance que le médecin possède dans un domaine particulier et à la manière dont celle-ci est organisée suite à l’exposition clinique. Les recherches suivantes confirment cette position : Patel, V.L., Groen, G.J. (1986), Groen, G.J., Patel, V.L. (1985), Gale, J., Marsden, P. (1982), Grant, J., Marsden, P. (1988). C’est donc vers l’étude de l’organisation des connaissances et de leur activation que la recherche s’est orientée à ce stade. Plusieurs modèles d’organisation des connaissances ont été élaborés : parmi eux, les cas concrets (instances), les prototypes, et les réseaux complexes comprenant les scripts, les réseaux sémantiques et les schémas. Nous pouvons relier ces remarques à nos propres observations quotidiennes auprès des étudiants. Les processus sans les connaissances ne permettent pas, en effet, de formuler des jugements cliniques crédibles. Nous proposons maintenant une définition du jugement clinique après en avoir analysé les différentes composantes : Le jugement clinique est la résultante d’une combinaison de plusieurs activités procédurales et cognitives complexes. Nous pensons ici à l’observation, aux raisonnements, aux réflexions et aux processus décisionnels. Ces différentes activités prennent « sens » en relation avec les connaissances interreliées du professionnel. Cet ensemble d’activités s’articule avec la position, voire la posture critique qu’adopte le soignant, ceci en se soumettant aux règles éthiques et déontologiques professionnelles. Le jugement clinique permet ainsi aux professionnels de la santé de construire et d’évaluer les problématiques principales des clients, la gravité des situations, les priorités de soins et de surveillance, et de prendre des décisions contextualisées. Il est à remarquer que la notion de jugement est associée à l’absence de certitudes et que ce même jugement évolue en fonction des différents stades de l’expertise. Dans notre compréhension et Josée Des Granges Zimmermann Page 13 Simulation ou simulacre ? en référence aux travaux de Kataoka-Yahiro, M. & Saylor, C. (1994), le jugement clinique est un jugement professionnel qui se réalise en situation directe de soins. Ainsi, si les jugements cliniques sont toujours des jugements professionnels, les jugements professionnels ne sont pas nécessairement des jugements cliniques. Le jugement clinique est une thématique importante pour la profession. Nous la retrouvons dans plusieurs axes de la formation ainsi que dans les compétences requises pour exercer la profession. L’importance du jugement clinique dans la pratique professionnelle Le développement du jugement clinique représente un défi éducationnel et professionnel important. En effet, depuis plusieurs années, les situations de soins se complexifient, les populations vieillissent, le temps d’hospitalisation raccourcit, les contraintes économiques et organisationnelles s’amplifient et nécessitent de la part des professionnels des compétences de raisonnement et de jugement en adéquation avec ces situations. De plus, les référentiels de compétences édictés par les instances de formation intègrent formellement le jugement professionnel. Cette compétence est centrale au rôle autonome du professionnel soignant, notamment au regard de l’examen clinique. Pour Doyon, Brûlé & Cloutier (2002), « l’avenir de l’examen clinique dans la pratique infirmière se traduit par l’accroissement de l’autonomie professionnelle de l’infirmière et le développement de sa capacité à poser un jugement clinique solide » (p. 13). Encore maintenant et malgré les recherches, le jugement clinique est présenté comme une forme moderne du processus de soins infirmiers et enseigné comme tel. À cet égard, Dupuis, A. et Lefebvre, M. (1993) définissent le jugement clinique de la façon suivante : En soins infirmiers, porter un jugement clinique signifie poser un diagnostic infirmier et déterminer des interventions infirmières afin de résoudre des problèmes. Pour y parvenir, l'infirmière utilise un processus de résolution de problèmes qu'on appelle la démarche de soins infirmiers (p. 228). Josée Des Granges Zimmermann Page 14 Simulation ou simulacre ? Les recherches conduites depuis la fin des années 1970 ont révélé l’inadéquation à présenter le processus de soins infirmiers comme seul représentatif des processus de raisonnement clinique et de leur résultante que sont les jugements cliniques (Corcoran, 1986; Tanner, 1987; Tanner et al.,1987; Tanner, 2006).Ainsi, en fonction des résultats de ces recherches, la formation du « jugement clinique » a évolué. Les stratégies permettant de développer le jugement clinique D’une unique centration sur le processus de soins appelé aussi « démarche systématique », les théoriciens et les formateurs ont progressivement intégré des variétés de stratégies, permettant de développer les habiletés multiples et complexes qui composent le « jugement clinique ». Précisons néanmoins que même si l’enseignement de la démarche systématique est d’une grande importance pour la profession, elle ne représente cependant plus « la » seule et unique façon de procéder. Tanner (2006) précise par ailleurs qu’une entière confiance en ce seul modèle pour guider la formation infirmière serait un mauvais service à rendre aux étudiants. Corcoran-Perry, S. et Narayan, S. (2000) (p. 249-254) décrivent quelques stratégies éducationnelles permettant de développer ce qu’elles désignent sous le vocable de « raisonnement clinique ». Certaines stratégies insistent sur les processus cognitifs, d’autres sur l’organisation des connaissances. Quelques stratégies mettent encore en tension les processus cognitifs et l’organisation des connaissances. À titre d’exemples, mentionnons les stratégies suivantes : La formulation d’analogies; Le processus hypothético-déductif et le testing des hypothèses; Le modèle interactif qui se fonde sur la théorie des schèmes; Penser à haute voix (Thinking aloud); La réflexivité à propos de l’action; Les simulations en laboratoire d’habiletés cliniques; L’aide au raisonnement avec des moyens informatiques. Josée Des Granges Zimmermann Page 15 Simulation ou simulacre ? Ces auteurs nous encouragent à développer un répertoire de stratégies et à l’enrichir de nouveaux éléments en fonction des objectifs visés. Dans le cadre du projet C.E.P.S.S., nous avons utilisé plusieurs stratégies permettant de développer le « jugement clinique » : 1. 2. 3. 4. 5. 6. les simulations filmées en laboratoire d’habiletés cliniques; l’utilisation de « patient simulé »; l’utilisation d’une grille Examen clinique objectif structuré (E.C.O.S.); la réflexivité à propos de l’action; le processus hypothético-déductif et le testing des hypothèses; penser à haute voix (Thinking aloud). Nous présenterons les trois premières stratégies, qui sont peu connues de certains de nos collègues professeurs, et aborderons le modèle C.E.P.S.S. ainsi que la réalisation des ateliers pilotes « jugement clinique » et « réanimation ». Nous reviendrons ensuite très brièvement sur la quatrième stratégie, soit la réflexivité, cette stratégie étant déjà bien connue de nos collègues. Nous signalons aux lecteurs que nous avons été très attentive à ne pas confondre les buts et les moyens. Les stratégies sont au service de l’apprentissage; elles ne sont pas des finalités. Nous utilisons par exemple « la simulation » afin d’aider les étudiants à se professionnaliser par l’action. Ce n’est donc pas pour le plaisir de faire du théâtre. Néanmoins, si l’exercice est agréable, il restera mieux inscrit dans la mémoire de l’étudiant. Nous donnerons encore un exemple de la sixième stratégie. Les quatre premières stratégies Laboratoire d’habiletés cliniques et moyens audiovisuels L’utilisation de « patient simulé » L’utilisation d’une grille Examen clinique objectif structuré (E.C.O.S.) La pratique réflexive Josée Des Granges Zimmermann Page 16 Simulation ou simulacre ? Laboratoire d’habiletés cliniques et utilisation des moyens audiovisuels Nous avons eu l’opportunité, en juin 2007, de visiter les laboratoires d’habiletés cliniques de l’Université de Maastricht en Hollande. Notre interlocuteur, M. Van Dalen, nous a présenté l’ensemble des laboratoires d’habiletés (Skillslab) et les concepts pédagogiques fondant les laboratoires. Un rapport rédigé par notre doyen, M. Van Gele, résume cette visite et est disponible sur le réseau informatique de la HECVSanté. Nous retiendrons de l’expérience hollandaise que les habiletés cliniques se développent et s’organisent du simple au complexe. Nous expliquerons de façon détaillée ce principe qui nous a passablement interpellées et qui a posé un obstacle à la transposition didactique des simulations. Depuis de nombreuses années, la discipline infirmière positionne ses pratiques dans le paradigme de la complexité. Les recherches disciplinaires effectuées ont démontré la complexité de nos pratiques, ainsi que la complexité des situations des patients et de leurs familles. De plus, l’approche pédagogique de la HECVSanté repose sur le constructivisme où les situations de soins sont d’emblée présentées dans leur intégralité afin d’en conserver la complexité. N’est-ce pas un retour en arrière que de poser ce principe de construction ? Dans un certain sens oui, si nous réduisons les situations à « des formats pédagogiques » et croyons que cela est une reproduction du « réel ». Dans un autre sens non. Nous continuons alors à nous inscrire dans le paradigme de la complexité et relevons l’expérience des laboratoires de pratiques comme des entités différentes de celles de la pratique. Dans cette perspective, les laboratoires de pratiques ne sont pas de « pâles copies » des vraies pratiques sur le terrain. Nous pensons par ailleurs que rien ne peut remplacer la richesse de l’expérience professionnelle. Ainsi, les laboratoires ne remplacent pas la pratique. Ils peuvent la préparer, la compléter, mais pas la remplacer. Ce sont des lieux d’apprentissage privilégiés où il peut même être possible d’apprendre autant, voire plus que dans la pratique si les conditions didactiques sont Josée Des Granges Zimmermann Page 17 Simulation ou simulacre ? respectées. Le « patient simulé » ne disparaîtra pas pour aller au scanner au moment du recueil de données, par exemple. Nous pensons qu’il est pertinent d’inscrire en début de formation des habiletés faussement qualifiées de « simples » sous la catégorie « moins complexe ». À titre d’exemple, mentionnons la mesure de la pression artérielle. Cette technique, souvent mal reconnue dans sa complexité, est présentée comme une habileté de base permettant d’évaluer la fonction cardio-vasculaire. Elle a été régulièrement pratiquée en milieu de stage. Elle est indispensable au jugement clinique lors de certaines simulations. Néanmoins, nous avons observé que cette mesure est encore mal maîtrisée par nos étudiants en fin de formation. Nous souhaitons démontrer par cet exemple que le jugement clinique doit reposer sur des données fiables et crédibles. L’étudiant doit être capable de réaliser un recueil de données « sensé » et suffisamment précis et fiable pour échafauder une construction mentale comme le jugement clinique. Ainsi, dans les ateliers d’habiletés, il est pertinent de développer les habiletés dites « moins complexes » ou « de base » ou encore « constitutives », en prérequis des ateliers de jugement clinique. Ceci dans une perspective où les situations sont complexes, mais l’apprentissage échelonné selon des gradients de difficulté. Cela ne veut néanmoins pas dire qu’il faut interdire aux étudiants de penser ou de chercher à formuler des hypothèses, ce qui semble par ailleurs impossible (se référer aux travaux D’Elstein (1978)). Il faut plutôt organiser les activités de formation autrement. Au vu de ce qui précède, nous pensons qu’il est difficile de demander à un étudiant en tout début de formation de formuler des jugements cliniques. Il doit d’abord commencer par maîtriser les habiletés cliniques de base et connaître les normes. Il doit apprendre au préalable à récolter des données de façon précise. Nous insisterons par conséquent sur le principe du « moins complexe au plus complexe » dans la formation des activités dites « pratiques ». Abordons maintenant les moyens audiovisuels, très appréciés des étudiants et des professeurs. Josée Des Granges Zimmermann Page 18 Simulation ou simulacre ? Les moyens audiovisuels Nos étudiants sont de la génération « internet » où l’image et les sons sont médiatisés. L’utilisation des caméras et autres moyens audiovisuels est perçue comme un moyen dynamique, novateur permettant d’apprendre en s’observant et en s’écoutant. L’observation d’un document vidéo numérisé permet à l’étudiant de s’auto-informer et plus spécifiquement de : confronter ses impressions subjectives et son analyse avec des images et des paroles « relativement objectives »; les angles de prise de vue et la qualité des images et du son pouvant influer sur l’objectivité; découvrir de nouveaux éléments de la simulation réalisée; vérifier l’organisation, la priorité des actions et leur inscription temporelle (timing); observer la position du corps dans l’espace; observer les réactions du patient simulé. Les professeurs trouvent aussi des avantages à l’utilisation des moyens audiovisuels. S’ils sont présents lors des tournages, ils peuvent revérifier l’évaluation des prestations de l’étudiant et rechercher de nouveaux éléments. Lors de la simulation, l’étudiant peut, par exemple, se présenter au patient de façon incomplète. Malgré une grille d’évaluation bien construite, il est possible d’oublier certains éléments ou d’être distrait par un bruit dans la salle ou un problème de caméra. De plus, après plusieurs simulations, une diminution de la concentration du professeur est envisageable. La vidéo peut ainsi apporter des éléments supplémentaires. En revanche, si les professeurs sont absents du tournage, ils peuvent découvrir les prestations des étudiants avec les réserves que nous émettons plus loin. Les vidéos étant numérisées et le timing affiché, il est intéressant de pouvoir situer les actions dans le temps. Nous pourrons par exemple découvrir qu’après seulement 2 minutes, l’étudiant s’est présenté, s’est désinfecté les mains, a Josée Des Granges Zimmermann Page 19 Simulation ou simulacre ? installé confortablement son patient, tout en écoutant ses demandes et ses craintes. L’enchaînement, l’organisation et la priorité des actions sont intéressants à regarder pour identifier les schèmes d’action de l’étudiant. La vidéo est une aide à l’apprentissage. Elle ne doit donc pas être vue uniquement comme un moyen de surveillance et de contrôle. Par ailleurs, si le visionnement des séquences apporte des compléments d’information aux professeurs, il nous apparaît cependant impossible, pour le moment du moins, d’évaluer somativement des prestations sur la seule base d’enregistrement vidéo. Les angles de vue peuvent être trompeurs et désavantager l’étudiant. La qualité sonore étant pour l’instant médiocre, il est fort possible que des propos soient inaudibles ou que des « bruits parasites » rendent l’audition difficile. De plus, le cadrage choisi par le caméraman donne une dimension et une ambiance particulières. L’image n’est ainsi probablement pas toujours le reflet exact de ce qui s’est déroulé. Elle reste néanmoins un complément très intéressant et très apprécié des étudiants et des professeurs. Passons maintenant à l’approche des « patients simulés » appelés aussi « patients standardisés ». Josée Des Granges Zimmermann Page 20 Simulation ou simulacre ? Les patients simulés L’implantation progressive des patients simulés s’est développée surtout dans le monde anglo-saxon (U.S.A., Canada, Australie, Angleterre), mais aussi en Hollande dans le courant des années 1980. Elle répondait au besoin de préparer les étudiants à la pratique clinique tout en réduisant la variabilité et le manque de contrôle de la formation clinique. Les textes rédigés par Barrows et son équipe (1971) sont considérés comme les textes fondateurs de l’approche « patient simulé ». Certains auteurs parlent de « patient standardisé » insistant ainsi sur les bases scientifiques de cette approche pédagogique. Le terme « patient simulé » sera toutefois préféré dans nos écrits. Les principaux avantages de cette approche par simulation sont les suivants : la sécurité pour l’étudiant et pour le patient; la possibilité de choisir les situations simulées en fonction du niveau de formation des étudiants; la possibilité de simplifier ou de complexifier les situations; la possibilité de modifier l’environnement du laboratoire selon les objectifs pédagogiques; la possibilité d’offrir aux étudiants des situations standardisées, assurant ainsi à chaque étudiant de se confronter également aux mêmes familles de situation; la possibilité de rendre plus homogènes les expériences cliniques d’un même cursus. Cette approche présente aussi des limites et des contraintes. Les patients doivent correspondre à un profil particulier, énoncé dans la situation. Il s’agit ici de l’âge, du sexe, de certaines caractéristiques physiques comme la corpulence. Ainsi, si la simulation porte sur une démarche informative chez une personne devant subir une mastectomie, nous ne pourrons avoir que des patientes simulées et probablement d’un âge déterminé en fonction de données épidémiologiques. Josée Des Granges Zimmermann Page 21 Simulation ou simulacre ? Les patients simulés étant des « citoyens lambda », ils sont souvent indisponibles en période de vacances. Les enfants peuvent difficilement apprendre des rôles et les jouer sur une longue durée. Toutes les situations ne sont pas simulables. Demander à un patient simulé d’hyperventiler est impossible sur une période excédant deux ou trois minutes. Ainsi, certaines situations se prêtent plus facilement aux simulations que d’autres. Nous pensons aux démarches d’enseignement aux patients et aux entretiens en santé mentale. De plus, ce type de simulation demande moins de décors que la reconstitution d’une unité de soins continus. Cela ne doit toutefois pas signifier l’abandon de ces dernières. La formation des patients simulés doit être assurée par une personne compétente. Les patients simulés doivent apprendre un rôle et être formés sur plusieurs périodes. Ces mêmes patients simulés sont payés pour assurer leurs prestations. Les professeurs souhaitant se familiariser avec cette approche pourront consulter le document « Projet pilote : Centre d’Enseignement des Pratiques de la Santé par Simulation. C.E.P.S.S. Rédigé en date du 20 septembre 2007 par le Professeur Luthringer et l’équipe C.E.P.S.S. Passons maintenant aux examens cliniques objectifs structurés, termes abrégés sous l’appellation « E.C.O.S. ». Josée Des Granges Zimmermann Page 22 Simulation ou simulacre ? Examen clinique objectif structuré (E.C.O.S.) ou en anglais Objective structured clinical examination (OSCE) Les « E.C.O.S » ont été décrits en 1975 par R. Harden, un médecin écossais. Ses travaux initiaux portaient sur l’évaluation des compétences et des habiletés cliniques chez des étudiants finalistes de médecine. Harden et ses collaborateurs trouvaient que dans le cadre de la pratique clinique, il y avait trop de différences dans l’évaluation des étudiants, trop d’éléments subjectifs et de biais pour garantir l’équité entre les étudiants, la validité et la fiabilité des évaluations. Ainsi se développèrent progressivement, surtout dans le monde anglo-saxon, les évaluations de type « E.C.O.S. ». Ce type d’évaluation pratique a pris une telle ampleur dans le monde médical et infirmier, que des régions entières (états, provinces) valident les formations pratiques professionnelles sur cette base. Les « E.C.O.S. » peuvent être « sommatifs », c’est-à-dire à visée certificative, ou « formatifs » à visée éducationnelle. Les « E.C.O.S. » se déroulent généralement en présence d’un patient simulé et peuvent aussi être organisés pour des simulations plus partielles comme la pose d’un cathéter veineux sur un mannequin d’exercice. Leurs avantages sont décrits de la façon suivante par Rushfort (2007) une plus grande objectivité dans la plupart des situations cliniques; la possibilité d’utiliser un plus grand collectif d’évaluateurs réduisant ainsi les biais éventuels; la réduction du risque que les étudiants soient évalués sur des critères différents; mode d’évaluation vu positivement par les étudiants et les professeurs; une possibilité de tester une très large palette d’habiletés; motivant pour l’apprentissage; haut niveau de fiabilité et de validité. Pour terminer cette présentation, nous apporterons quelques précisions sur la pratique réflexive. Josée Des Granges Zimmermann Page 23 Simulation ou simulacre ? La pratique réflexive Les précisions apportées dans cette section seront probablement superflues pour plusieurs professeurs aguerris à cette pratique depuis de nombreuses années. Néanmoins, nos nouveaux collègues pourront, je l’espère, trouver quelques pistes de compréhension. Pensée et pratique réflexive En 1933, John Dewey a introduit le concept de pensée réflexive et son importance dans la pensée critique. Plus tard, les travaux de Schön (1983) ont apporté une nouvelle contribution à la compréhension de la pratique professionnelle et du jugement professionnel à l’aide de la réflexion dans et sur l’action. Mais que signifie « pensée réflexive » et de quoi est fait ce type de pensée ? Pour Pallascio, Daniel et Lafortune (2004) in « Pensée et réflexivité » : Le concept de pensée réflexive n’est pas récent. Dewey, dans son ouvrage How we Think (1933), utilisait l’expression « pensée réflexive » en opposition à la pensée spontanée, voulant désigner par là « une manière de penser consciente de ses causes et de ses conséquences ». Connaître l’origine de ses idées libère l’individu d’une rigidité intellectuelle; pouvoir choisir entre plusieurs possibilités et agir sur elles est source de liberté intellectuelle. Connaître les conséquences des idées, c’est connaître leur sens puisque, comme Dewey (1933), pragmatiste et disciple de Pierce, en était convaincu, ce sens réside dans leur application pratique, dans l’effet qu’elles ont sur le comportement individuel et sur le monde (p. 3). La pensée réflexive dans le cadre d’activités argumentatives est, selon AuriacPeyronnet (2004), constituée de trois composantes importantes : Nous postulons que la pensée réflexive est une forme de pensée multimodale et élaborée qui articule de manière flexible différentes composantes. Si penser n’est, après tout, qu’être capable d’échafauder une représentation lambda du réel, penser de façon réflexive, c’est mettre en œuvre : Josée Des Granges Zimmermann Page 24 Simulation ou simulacre ? 1) une pensée critique qui impose à cette représentation du réel l’édification de critères qui peuvent être ainsi débattus; 2) une pensée créative qui pousse l’individu à rechercher des contrepoints, des dépassements du cadre original de sa pensée, des éléments originaux qui peuvent aussi faire l’objet de controverse; 3) une pensée métacognitive qui suppose que l’individu peut faire retour sur tout ou partie des éléments cognitifs engagés dans le processus dynamique de sa pensée (p. 153). Dans le cadre de nos lectures sur la pratique réflexive, nous nous sommes interrogées sur son caractère généralisable. En d’autres termes, si un professionnel est capable de réflexivité et de pensée critique dans son champ disciplinaire spécifique, qu’en est-il dans un autre domaine annexe et quelle place occupent les connaissances professionnelles ? Nous avons trouvé une ébauche de réponse dans les écrits de Pallascio, Daniel, et Lafortune (2004), in « Pensée et réflexivité » : Par ailleurs, McPeck (1984) cité par Kennedy, Fischer et Ennis (1991) a soulevé un débat intéressant sur le caractère généralisable ou non des habiletés de pensée critique. Selon lui, il est vain d’enseigner la pensée critique en général ou de croire qu’elle pourra être transférée d’un domaine à un autre. Chaque discipline possède non seulement des savoirs distincts, mais aussi des normes épistémologiques différentes. Or, un individu qui ignore les normes sémantiques, conceptuelles et épistémologiques d’un champ sera incapable de faire preuve de pensée critique, même s’il a démontré de telles capacités dans un autre domaine. Évidemment, il existe des positions intermédiaires entre ces deux extrêmes. Cependant, McPeck (1984) cité par Kennedy, Fischer et Ennis (1991) a le mérite d’attirer l’attention sur une limite contextuelle importante à l’exercice de la pensée critique (p. 6). Ces dernières citations mettent à nouveau en évidence l’importance de l’articulation entre les processus et les connaissances. Josée Des Granges Zimmermann Page 25 Simulation ou simulacre ? Le modèle « C.E.P.S.S. » : Après avoir abordé les avantages des diverses stratégies, nous présenterons le modèle « C.E.P.S.S. » pour les ateliers M3 « jugement clinique » et « réanimation ». Ce modèle intègre d’abord l’analyse de l’activité des acteurs, soit dans notre cas les infirmières, pour pouvoir déterminer les contenus de l’enseignement. Il sert ensuite à mobiliser les théories de l’action, afin de mieux conceptualiser les pratiques. Nous postulons ici la « transférabilité » des processus, ce qui se matérialise sous la forme suivante : L’analyse des situations singulières d’étudiants en stage pour déterminer les contenus des modules de formation. Cette première étape étant réalisée par les professeurs, elle permettait par la suite de « calibrer » les situations en fonction des besoins de formation et demandant une transposition didactique importante. Une préparation théorique et pratique des étudiants permettant la réalisation des simulations. Nous l’appellerons « briefing ». Des simulations filmées et évaluées en laboratoire des pratiques. Un travail de réflexion « sur » l’action. Ce travail étant réalisé par l’étudiant après la simulation sur la base de consignes écrites et de l’observation de sa vidéo. Cette dernière étape permet de faire émerger les schèmes d’action de l’étudiant et de les questionner. Nous visons ici la deuxième boucle d’apprentissage présentée par Schön et Argyris. Nous questionnons les objectifs et les fondements de l’action, ainsi que ses représentations. Nous encourageons de cette manière l’étudiant à une identification et à une compréhension de ces processus. Josée Des Granges Zimmermann Page 26 Simulation ou simulacre ? Nous postulons ici que pour aider les étudiants, les professeurs ont atteint la troisième boucle d’apprentissage, soit la dimension métacognitive, et « savent comment ils savent ». Le « debriefing » construit par les professeurs sur la base de l’analyse des productions réflexives, des évaluations et des visionnements des vidéos. Cette importante étape du modèle, réalisée en « groupe classe » permet de réinvestir l’action et de comprendre « les faits » qui s’y sont déroulés. Nous cherchons à poursuivre la construction des schèmes d’action, à les argumenter à l’aide de connaissances procédurales et déclaratives. Les émotions qui participent aux processus décisionnels sont évoquées. Dans cette étape, il est courant de rejouer des passages-clés de la simulation, de remettre l’étudiant dans une réflexion dans l’action. Cela permet d’envisager concrètement ce qui aurait pu ou dû se passer. Nous cherchons à conceptualiser l’action en partant de la singularité des expériences; notre position est inductive. La singularité nous permet d’illustrer la complexité des situations professionnelles, en référence aux modèles de Schön et de Benner. D’autres exemples de situations similaires sont recherchés pour comprendre les différentes règles de l’action. Nous encourageons les étudiants à reconnaître « des familles de situations » et leurs caractéristiques cliniques, dans le but de les transférer ultérieurement. Dans notre propos, il n’est pas question « d’appliquer un protocole » et de le reproduire. Le formateur doit pouvoir aider l’étudiant à adopter une posture réflexive lui permettant de conscientiser les savoirs en actes; cette posture étant reconnue comme un important instrument d’apprentissage. Dans ce modèle, les relations entre les savoirs théoriques et les savoirs d’action (liens théorie-pratique) ne se conçoivent pas dans une relation applicative. La pratique n’est pas comprise comme une « théorie appliquée ». Elle est trop riche, trop complexe et trop singulière pour être complètement expliquée par des théories, aussi sophistiquées soient-elles. Josée Des Granges Zimmermann Page 27 Simulation ou simulacre ? Si l’univers académique est régi par la logique du discours, l’univers professionnel est soumis à des valeurs comme l’efficacité de l’action et l’idiosyncrasie. L’action a donc ses propres règles et valeurs. Schön dans ses écrits parle de « conversation » avec l’action, donnant une dimension vivante, mouvante et incertaine des situations professionnelles. Après cette présentation, visant à informer nos collègues professeurs, nous allons maintenant décrire plus en détail l’expérience concernant la filière infirmière. Dans un premier temps, nous présenterons et analyserons l’atelier pilote « jugement clinique M3 » et dans un deuxième temps, l’atelier « réanimation ». Josée Des Granges Zimmermann Page 28 Simulation ou simulacre ? Partie pratique/expérimentation Description de l’expérience Atelier pilote 1 : Présentation du module M3 « jugement clinique » Le module « jugement clinique » est un module optionnel comportant 3 crédits E.C.T.S., soit 75 heures de travail. Il est offert aux étudiants de 4e et dernière année du cursus en soins infirmiers H.E.S. (non Bachelor). Dans le cadre du projet « C.E.P.S.S. », il représente un atelier pilote conséquent en termes de temps et de complexité des simulations. Il s’agit de quatre situations simulées à pleine échelle. Ces simulations font référence aux mécanismes psychophysiologiques sous-tendant les activités professionnelles reproduites (habiletés sensori-motrices, habiletés perceptives, habiletés de raisonnement, de jugement, de diagnostic, habiletés personnelles et sociales, etc.). Ce module a eu lieu durant les derniers mois du cursus de formation, période où les étudiants terminent les cours obligatoires et rédigent leur mémoire de formation. Ces étudiants ont tous préalablement participé à des ateliers de « jugement clinique », dans le cadre du dernier semestre de formation (l’unité 4). Ils avaient terminé leur dernier stage obligatoire à la fin du mois de décembre 2007. Le module optionnel M3 a été construit dans une perspective d’approfondissement et repose sur les mêmes bases conceptuelles et la même documentation que les ateliers obligatoires de l’unité 4. Treize rencontres de quatre périodes, soit cinquante-deux périodes, ont été organisées entre le 22 janvier et le 23 mai 2008. Vingt-cinq étudiants de la volée « Asoka » ont choisi ce module optionnel et ont participé avec beaucoup de bonne volonté à cet atelier pilote « C.E.P.S.S. ». L’enseignement de ce module a été réalisé en collaboration avec le Professeur Thierry Luthringer. Les vingt-cinq étudiants ont été répartis en deux groupes. Les demi-groupes n’étaient pas attitrés à l’un ou l’autre des professeurs, mais plutôt répartis en fonction des simulations à construire. Nous étions responsables des situations A, D et B pour l’organisation et la méthodologie, notre collègue Thierry Luthringer des situations C et D. La situation B a été confiée aux Professeurs Louise Grégoire et Patrick Waeny pour leurs compétences en santé mentale. Josée Des Granges Zimmermann Page 29 Simulation ou simulacre ? La réalisation audiovisuelle a été assurée par le Professeur Bernard Ferrandez, ainsi que par l’équipe informatique représentée par MM. Mancino et Charpilloz. Le travail préparatoire des étudiants et la détermination des contenus du module M3 Avant la première rencontre, les étudiants nous avaient fait parvenir par écrit un travail préparatoire sur la base de consignes. Le but de ce travail était de préparer les situations de simulation. Son contenu allait déterminer les thématiques des quatre situations simulées et la rédaction du module. Le délai était fixé au 7 janvier 2008, soit 15 jours avant le début du module, représentait un délai très court pour nous. Ce travail préparatoire devait porter sur une situation vécue et concernant leur pratique clinique. Il s’agissait pour l’étudiant de décrire une situation, qui avait été appréciée par lui comme difficile à gérer d’un point de vue professionnel. Nous avons postulé qu’une réflexion sur la pratique était souvent déclenchée par une rupture dans la situation clinique, par un incident « qualifié de critique ». La situation devait avoir un titre, être formulée à la première personne et comporter les éléments significatifs pour sa compréhension. Des données cliniques, paracliniques et psychosociales du patient étaient attendues en annexe du texte. Le contexte devait être intégré et sa temporalité établie. Les émotions et perceptions engendrées par la situation devaient aussi être intégrées à la rédaction. Cette dernière devait comporter une « intrigue » et déboucher sur des questions, et non sur le dénouement qui avait effectivement eu lieu au cours du stage clinique. Elle ne devait pas dépasser deux pages, sans les annexes. Nous avons appelé ces situations des « scénarios », même si elles ne correspondaient pas aux règles et caractéristiques appliquées dans la production cinématographique. Cette consigne impliquait une double logique pour l’étudiant. La première, celle de la « logique des récits et des narrations » exigeait de l’étudiant qu’il adopte une position autocentrée, lui permettant d’accéder à la description de son vécu. Elle était forcément « impliquante », puisque formulée à la première personne. Elle était dès lors plus émotionnelle et engageante d’un Josée Des Granges Zimmermann Page 30 Simulation ou simulacre ? point de vue personnel. Cet aspect devait relever de la singularité de l’expérience de l’étudiant. La deuxième, celle de la « logique de l’analyse de situation » du patient demandait une mobilisation des connaissances et nécessitait un regard externe, centré sur celui-ci. Souvent, des catégories de diagnostics médicaux caractérisaient la situation du patient. Plusieurs situations questionnant l’éthique ont aussi été présentées et auraient mérité d’être traitées à cause de leur richesse et de leur complexité. Les 25 étudiants inscrits au module avaient effectué des stages finaux dans des milieux de soins très divers. Ainsi : 9 étudiants avaient effectué un stage en milieu hospitalier de type urgence/ soins continus/soins intensifs, auprès d’une clientèle adulte; 5 étudiants, en milieu hospitalier adulte (gynécologie, chirurgie plastique, oncologie); 3 étudiants, en milieu hospitalier pédiatrique; 4 étudiants avaient effectué des stages en milieu hospitalier et/ou ambulatoire dans le champ disciplinaire de la santé mentale adulte; 4 étudiants avaient effectué des stages extrahospitaliers (C.M.S., écoles, entreprises). Malgré un cursus de formation « généraliste », les étudiants se présentaient déjà comme très profilés en fonction d’un champ disciplinaire spécifique. Nous avons alors été confrontés à diverses questions et surpris tout au long de ce module. Cette « pré-spécialisation » comportait en effet des obstacles à l’apprentissage. Le choix des situations par les professeurs Après avoir effectué une synthèse de chaque expérience singulière, nous avons recherché les similitudes et les différences entre les productions écrites. Les écrits étaient de qualité hétérogène en termes de description et de données Josée Des Granges Zimmermann Page 31 Simulation ou simulacre ? exploitables pour la construction d’une « simulation pleine échelle ». Certains textes comportaient peu d’intrigue ou les situations n’étaient pas suffisamment « emblématiques » pour être significatives et transférables pour le plus grand nombre d’étudiants. De plus, ces situations n’étaient pas toutes jouables dans une approche simulée. Chacune de ces situations représentait une expérience unique pour l’étudiant et suffisamment importante pour qu’il décide de la rédiger et de nous la confier. Des « morceaux de vie » qui faisaient sens pour leurs auteurs n’ont cependant pas pu être choisis pour des raisons didactiques. Ces situations restent pour nous des « cadeaux » nous permettant d’avoir accès à des « savoirs cachés » importants à connaître et à reconnaître, dans le cadre d’une ingénierie de la formation professionnelle en soins infirmiers. Elles sont précieuses et rejoindront de ce fait notre banque de données. Après une discussion avec nos collègues, dont la Professeure Louise Grégoire qui a choisi la situation de santé mentale, nous avons arrêté les critères de décision suivants : - Les problèmes présentés par les étudiants devaient être : emblématiques pour la profession, ainsi que pour le contexte sociosanitaire suisse; centrés sur l’examen clinique; suffisamment riches en données exploitables; formulés autour « d’une intrigue ». - Et surtout, réalisable en situation de simulation à pleine échelle. - De plus, différents milieux de soins devaient pouvoir être représentés. Les 3 premières simulations (À, B, C) ont été complètement construites, jouées et évaluées par les étudiants. La quatrième et dernière simulation (D) a été construite et évaluée par les professeurs et jouée par des patients simulés formés par nos soins. Josée Des Granges Zimmermann Page 32 Simulation ou simulacre ? Nous avions prévu un enseignement « spiralé » allant d’une situation moins complexe vers des situations toujours plus complexes avec des contraintes temporelles plus importantes, soit des évolutions cliniques toujours plus rapides et comportant toujours plus de variables. Nous sommes revenues plusieurs fois sur des schèmes d’action similaires, mais en les approfondissant davantage. Voici les synopsis des quatre situations choisies. Le lecteur pourra consulter en annexe un descriptif complet des simulations. Les situations A, C et D sont des situations à visée « diagnostique », la situation B exploitant plus spécifiquement la prise de décision. Présentation des situations de simulation - ABC Situation de simulation A Auteure de la situation : M. G. Synopsis : Coralie Schmidt (nom fictif), jeune apprentie, perd connaissance sur son lieu de travail dans des circonstances peu claires. Elle se présente, accompagnée d’une collègue, au service de santé de l’entreprise en boitant. Elle a un important hématome sur le front. Elle sera accueillie par un étudiant H.E.S. sous la supervision indirecte de la praticienne formatrice du stage. Titre du scénario : « Perte de connaissance au travail ». Contexte de soins : Santé communautaire dans une entreprise internationale (Bobst). Situation de simulation B Auteure de la situation : J. S. Synopsis : Éric Halamasse (nom fictif), homme soigné de 56 ans, se présente ce matin à la consultation ambulatoire de psychiatrie. Il vient chaque mois, depuis plusieurs années, s’entretenir avec une professionnelle de la santé et recevoir ses ordonnances. Il souffre d’une schizophrénie paranoïde. Il sera ce matin en entretien avec un étudiant H.E.S. Monsieur Halamasse parle beaucoup. Josée Des Granges Zimmermann Page 33 Simulation ou simulacre ? Titre du scénario : « Abus de confiance ». Contexte de soins : Consultation ambulatoire en santé mentale. Situation de simulation C Auteure de la situation : L. T. Synopsis : Madame Dubuis (nom fictif), 40 ans, est en fin de vie. Elle souffre d’un cancer avancé et d’importantes douleurs nécessitant une antalgie péridurale. L’anesthésiste la visite pour adapter son traitement. Elle sonne vingt minutes plus tard. Titre du scénario : « Douleurs en soins continus » Contexte de soins : Soins continus de Médecine interne. Situation de simulation D Auteurs de la situation : A. P. et E. S. Modifications, réécriture et « reformatage » : Thierry Luthringer et Josée Des Granges Zimmermmann. Synopsis : Madame Dubois (nom fictif), 57 ans, est hospitalisée pour subir une coronarographie. Elle sonne durant la toilette du visage, car elle ne se sent pas très bien. Titre du scénario : « J’ai une douleur dans le thorax ». Contexte de soins : Soins continus de Cardiologie d’un grand centre hospitalier universitaire. Après la présentation des situations de simulation, intéressons-nous maintenant au début du module M3. Josée Des Granges Zimmermann Page 34 Simulation ou simulacre ? Présentation du module M3 et première rencontre avec les étudiants Lors de la première rencontre, nous avons présenté aux étudiants les buts, les objectifs, les didactiques et le mode de validation du module. Notre collègue Thierry Luthringer a présenté le projet « C.E.P.S.S. », les différents ateliers, et plus spécifiquement l’atelier pilote « M3 ». Nous avons expliqué les concepts centraux du module soit : les 5 stades de l’expertise selon Benner (1984); les principales lois de la science-action selon Schön et Argyris (1974) ainsi que les boucles d’apprentissage et les processus de réflexivité « dans » et « sur » l’action; les composantes essentielles de l’examen clinique selon Brûlé et Cloutier (2002); la simulation définie en référence aux travaux de Barrows (1987) et de Pastré (2005). Les buts du module sont : d’adopter une posture réflexive permettant la « professionnalisation » et une progression vers les différents stades de l’expertise; d’exercer des jugements professionnels, des raisonnements et des jugements cliniques; de conceptualiser ses pratiques; de favoriser le transfert des compétences. Nous avons fourni une bibliographie permettant aux étudiants de connaître nos sources et de se préparer aux ateliers. Le livre de référence principal est celui de Brûlé, M. & Cloutier, L. (2002), « L’examen clinique dans la pratique infirmière ». Le mode d’évaluation et de validation permettant d’obtenir 3 crédits E.C.T.S. se composait : Josée Des Granges Zimmermann Page 35 Simulation ou simulacre ? de la présence active lors des ateliers et de leur préparation à l’aide des consignes; de la constitution d’un scénario selon des standards attendus; de démarches réflexives lors des quatre situations. La répartition des groupes d’étudiants Après avoir présenté les principaux éléments du module et répondu aux questions, les situations ont été distribuées et les étudiants se sont répartis en trois groupes distincts (À, B, C) pour débuter la construction des simulations. Ils ont intégré les différents groupes pour investir leurs champs disciplinaires préférés ou encore pour en connaître de nouveaux. Les trois auteurs des situations A, B et C n’ont pas eu le choix puisqu’ils étaient détenteurs de la situation initiale. L’organisation du module La phase préparatoire. Les huit premières périodes étaient des périodes de supervision directe (coaching) permettant aux étudiants de construire les simulations, les grilles d’évaluation et les dossiers. Un travail de recherche et de discussion était attendu des étudiants en dehors des périodes de coaching. Les simulations et le travail de réflexivité. 4 périodes étaient consacrées à la simulation et à son analyse réflexive. Dans un premier temps, chaque étudiant devait réaliser une simulation filmée et évaluée en laboratoire. La situation devait durer environ 15 minutes. L’étudiant ne recevait pas son évaluation (réalisée par un autre étudiant) à ce stade, mais à la fin du debriefing, soit la semaine suivante. Puis après la simulation, il devait réaliser les deux premières étapes du travail réflexif avant de regarder sa vidéo qui se trouvait sur le réseau informatique de Josée Des Granges Zimmermann Page 36 Simulation ou simulacre ? l’école. La troisième étape le confrontait à sa prestation filmée. La quatrième et dernière étape consistait pour l’étudiant à faire une synthèse des trois premières étapes et à prendre des décisions permettant d’améliorer sa pratique future. Ce travail réflexif nécessitait environ deux heures de travail. Le debriefing. 4 périodes étaient consacrées au debriefing de la dernière simulation. 3 périodes portaient uniquement sur la simulation précédente. Le professeur animait à cet égard la séance en compagnie du groupe ayant préparé la simulation. La quatrième et dernière période était consacrée à la préparation de la prochaine simulation. Ce sont les étudiants responsables de la simulation qui préparaient leurs collègues à réussir le prochain exercice, sous la supervision du professeur. Ce cycle s’est répété trois fois pour les simulations A, B et C. La dernière simulation, la simulation D et ses particularités Cette dernière simulation était différente des trois premières. Elle disposait de moyens plus importants que les précédentes. Elle se voulait plus aboutie dans la mesure où elle tenait compte de l’expérience des trois premières, mais aussi de l’expertise acquise durant les ateliers de jugement clinique obligatoires. Elle a été construite par les deux professeurs responsables du module M3. Cette « construction » repose sur deux récits rapportés par les étudiants en début de module. La rédaction de la simulation a été supervisée dans un premier temps par Mme Carine Layat Burn, responsable du programme « patient simulé » à la faculté de Médecine et de Biologie de l’Université de Lausanne. Nous avons aussi soumis cette situation à M. Jérôme De La Torrente, infirmier, praticien formateur et expert clinique en cardiologie, travaillant au Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV). Cinq patients simulés non étudiants ont été formés par nos soins durant trois heures. Normalement, nous aurions dû bénéficier d’un groupe de Josée Des Granges Zimmermann Page 37 Simulation ou simulacre ? patients simulés travaillant pour la faculté de Médecine et de Biologie. Malheureusement, pour des raisons d’organisation, cela n’a pas été possible. Ce sont nos collègues professeurs qui ont accepté de « jouer le jeu ». Mme Layat Burn est restée disponible pour nos questions. Elle n’a cependant pas supervisé la formation de « nos » patients simulés. Nos cinq collègues « patients simulés » avaient préalablement appris et répété leur rôle avant de venir à la séance de « répétition générale ». Ils étaient curieux et enthousiastes à l’idée de participer à une simulation. Nous les avons formés en leur demandant de se mettre dans la peau d’un « citoyen lambda » et non dans celle d’un professeur en soins infirmiers. Le collectif de cinq personnes comprenait également un réserviste. Lors de la formation des patients simulés qui a duré trois heures, nous avons aussi vérifié la faisabilité de la simulation. À cette fin, nous avons testé dans l’action la validité de la situation et de la grille d’évaluation, ainsi que le temps imparti. Une grille E.C.O.S., différente du canevas utilisé dans les situations A, B, et C a été construite par les deux professeurs concernés. Elle se caractérisait par une plus grande précision évaluative. La préparation des étudiants à la simulation D Nous avions organisé un « briefing » de quatre périodes plutôt que d’une période. L’expérience nous ayant démontré qu’une seule période en laboratoire n’était pas suffisante pour préparer les étudiants. À cette fin, nous avons utilisé différentes stratégies. Nous avons utilisé la stratégie « Thinking aloud » pour expliciter le processus hypothético-déductif et les étapes du jugement clinique. L’analyse portait sur l’étude comparative de deux trousses de toilette. Deux étudiantes devaient poser des hypothèses sur le contenu des trousses. Elles devaient déterminer le sexe du propriétaire, son appartenance sociale, ses problèmes de santé possibles (les trousses contenaient des médicaments différents). Nous avons insisté sur la qualité des indices, la pertinence des hypothèses et la possibilité de les infirmer Josée Des Granges Zimmermann Page 38 Simulation ou simulacre ? ou des les confirmer. Nous avons aussi abordé la différence entre les liens de causalité et les corrélations. Les deux étudiantes réfléchissaient à voix haute. Le groupe les questionnait et apportait des compléments à leur réflexion. Puis les étudiants, par groupe de trois, se sont livrés à un exercice. Ils avaient déjà effectué des lectures concernant la méthode PQRST dans le livre de référence. Ils ont eu l’occasion de s’exercer à recueillir des données entre eux sur leurs propres problèmes de santé. Nous en avons fait une mise en commun. Le principal obstacle relevé était que les étudiants ne voulaient pas suivre une seule méthode. Ils préféraient questionner au « feeling », puis vérifier avec la méthode s’ils n’avaient rien oublié. Nous leur avons spécifié que le temps de simulation était de 15 minutes. Nous sommes revenus sur les grandes lignes de l’évaluation de la fonction cardiocirculatoire. Nous n’avons pas nommé la maladie dont souffrait la patiente simulée, ni donné de la documentation sur l’infarctus ou l’angor. Nous souhaitions maintenir l’intrigue. De plus, nous avons constaté lors des trois premières simulations que, lorsque les réponses sont pratiquement données avant la simulation, les étudiants formulent moins d’hypothèses. Cette observation est étayée par deux recherches citées par Junod (2007) qui relèvent que donner une suggestion diagnostique décroît la perception et le poids relatif des signes qui orientent vers des alternatives diagnostiques. Junod (2007) cite les travaux de Brooks, L. LeBlanc,V.Norman, G.(2000). Eva, K.w. Brooks, L.R.(2000). Nous avons encouragé les étudiants à réviser la situation emblématique de M. Aubert. Cette situation réalisée en début de formation sous le mode « apprentissage par problème » portait sur une affection cardio-vasculaire et permettait la révision du système cardiocirculatoire. Nous avons terminé par l’observation d’un tracé ECG. Nous n’avons pas approfondi cette thématique en sachant que le temps d’apprentissage en électrophysiologie et en rythmologie demande plusieurs heures. Nous avons préféré proposer quelques clés de lecture comme la fréquence, la régularité du rythme et la largeur des complexes QRS. Davantage de précisions auraient entraîné un stress inutile pour les étudiants. Josée Des Granges Zimmermann Page 39 Simulation ou simulacre ? Le déroulement et l’organisation de la simulation D L’organisation de la simulation D se rapprochait de ce que nous avions vécu lors des E.C.O.S. de juin 2007 dans le cadre de notre collaboration avec la faculté de Médecine et de Biologie de Lausanne. Nous avons modélisé l’organisation en intégrant des contraintes temps très précises. Nous en livrons ici le détail tout en soulignant que l’organisation fine est consultable dans les annexes. Il y avait deux étudiants qui débutaient en même temps, mais dans des salles de pratiques différentes. Un « G.O. » gérait le temps à l’extérieur des salles et les professeurs avaient aussi le timing sous les yeux. L’application du modèle peut être résumée comme suit : 12 h 30 - Deux étudiants ont reçu la situation et ont eu 30 minutes pour la préparer individuellement. 13 h - 1er coup de sifflet. Les simulations ont débuté dans 2 salles simultanément. 13 h 04 - Une pancarte annonçait que l’étudiant devait sortir de la salle pour aller chercher une radiographie du thorax et devait revenir dans la salle rapidement. 13 h 12 - L’étudiant a été informé par un coup de sifflet que la simulation allait se terminer dans 3 minutes. 13 h 15 - Dernier coup de sifflet pour annoncer la fin de la simulation. Dans les 5 minutes suivant la simulation, l’étudiant a répondu à une question. Cette modélisation s’est répétée 13 fois avec un intervalle de 20 minutes, les deux étudiants suivants arrivant à 12 h 50. Une pause a été organisée pour effectuer le changement de patient simulé et d’évaluateur dans notre salle. Josée Des Granges Zimmermann Page 40 Simulation ou simulacre ? L’évaluation E.C.O.S. L’évaluation d’un des demi-groupes, soit 13 étudiants, a été réalisée par deux professeurs, dont un professeur externe au module, Mme Sophie Lawrence. Cette intervenante externe devait garantir une évaluation plus fiable à nos étudiants en anticipant quelques biais, dans la mesure où nous subissions une diminution de concentration après deux heures d’évaluation ininterrompue. Le deuxième argument en faveur d’une intervenante externe n’ayant pas participé au module M3, ni à la construction de la grille E.C.O.S., était de vérifier la compréhension et l’utilisation de cet outil d’évaluation. Nous avons choisi une professeure détenant une double expertise : une expertise clinique pointue et actuelle en soins intensifs adultes, ainsi qu’une expertise confirmée en pédagogie. Cette professeure fait partie de l’équipe d’habiletés cliniques. Elle est habituée au travail en laboratoire et est intéressée par la didactique professionnelle. Nous relevons ici qu’un des avantages des grilles E.C.O.S. est la possibilité d’utiliser un grand collectif d’évaluateurs. Le deuxième demi-groupe a été évalué dans son entier par Thierry Luthringer. La constitution des demi-groupes Nous avons constitué les demi-groupes de 12 et 13 étudiants en cherchant à intégrer des étudiants qui avaient effectué leur période de briefing chez notre collègue Thierry Luthringer et d’autres qui avaient suivi notre briefing. Un autre critère pour la constitution des groupes était de retrouver dans notre salle les quatre étudiants sur lesquels avait porté une analyse plus ciblée, nous permettant ainsi de la terminer. Le « debriefing » a été organisé sur trois périodes. La quatrième, mais aussi dernière période, était consacrée à évaluer le module et à offrir un apéritif à nos étudiants qui l’avaient bien mérité. Après ce descriptif nous passons à l’analyse du module. Josée Des Granges Zimmermann Page 41 Simulation ou simulacre ? L’analyse du module M3 Objectivement et subjectivement, l’expérience de l’ensemble du module M3 est positive. Néanmoins, nous relevons des points que nous n’avions pas suffisamment anticipés et plusieurs obstacles qui ont rendu le module compliqué et surtout lourd à gérer. Le travail préparatoire et la construction des simulations par les étudiants se sont révélés intéressants et féconds pour le développement du raisonnement. Ce travail était toutefois largement disproportionné face aux résultats obtenus. Les scénarios étaient valables, mais les grilles d’évaluation avaient un niveau de validité et de fiabilité trop faibles pour être crédibles. De plus, elles étaient très difficiles à utiliser à cause du nombre trop élevé d’items. Le « formatage » des trois premières situations n’a pas été suffisamment précis, ce qui a induit une compréhension différente des diverses simulations. Nous proposons de ne pas reproduire ce type d’exercice et de construire nousmêmes l’ensemble des simulations. Les étudiants pourront ainsi consacrer ce temps à une autre forme de préparation. Construction des simulations De manière optimale, les simulations doivent être construites par les professeurs experts du domaine en compagnie d’experts des terrains. Elles doivent répondre à des objectifs très précis et déterminés avec rigueur en fonction du stade d’étude des étudiants. Les simulations doivent provenir de situations rencontrées dans la pratique clinique et non être des « cas écoles ». Le « formatage » doit viser l’apprentissage et pas nécessairement la reproduction du réel dans son intégralité. Le travail de transposition didactique est du ressort des professeurs et non des étudiants ou encore des praticiens. Nous insistons pour poursuivre et développer la collaboration avec nos partenaires de la clinique dans le cadre des laboratoires, en respectant les rôles de chacun. Lors de la construction de la simulation D, notre expérience avec M. De La Torrente a été excellente et nous souhaitons la poursuivre. Néanmoins, les responsabilités sont différentes et, à notre sens, ce sont les professeurs qui connaissent les cursus de formation et ses exigences, les niveaux des étudiants et surtout les obstacles épistémologiques à dépasser. Josée Des Granges Zimmermann Page 42 Simulation ou simulacre ? Dans la perspective où nos dirigeants compteraient faire des économies en remplaçant les professeurs travaillant dans les laboratoires des pratiques et compétents dans ce type de didactique, par des professionnels moins payés, nous argumentons que l’acquisition des diverses habiletés ne peut se produire que par des répétions de procédures. La pratique clinique est une pratique réfléchie qui mérite des didactiques adaptées et performantes. Il ne suffit pas d’être expert de la pratique pour être expert en didactique, même des pratiques. Ainsi, la construction des grilles d’évaluation doit relever d’une approche collaborative. Encore ici, les professeurs sont garants d’assurer les niveaux taxonomiques requis pour la cohérence interne des cursus ainsi que la validité et la fiabilité des outils d’évaluation. La formation en laboratoires des pratiques reste sous la responsabilité entière des professeurs, ceci en valorisant une collaboration avec les cliniciens ou les praticiens formateurs dans le respect des rôles respectifs. Les moyens audiovisuels L’utilisation des moyens audiovisuels s’est révélée favorable pour l’apprentissage des étudiants. Malgré de trop nombreux problèmes liés au matériel, aux systèmes informatiques et autres problèmes techniques, la caméra a été un véritable plus pour les étudiants et pour les professeurs. Plusieurs problèmes techniques doivent cependant être réglés pour pouvoir bénéficier pleinement de ces moyens. Nous pensons ici aux très importants problèmes de son que nous avons rencontrés avec notre matériel, ainsi qu’à la capacité trop faible du système informatique pour gérer des fichiers très lourds. Dans le cadre du module M3, chaque étudiant a été filmé individuellement lors des quatre simulations durant 60 minutes. Nous avons filmé 25 heures de simulations pour l’ensemble du groupe. Nous estimons que ce temps est trop faible pour chaque étudiant en proportion des 52 périodes de laboratoire. Nous avons la possibilité d’améliorer ce moyen en organisant autrement les temps de laboratoire et en simplifiant l’organisation interne des modules. Il n’est par exemple pas indispensable d’évaluer chaque prestation. Dans le cadre du module M3, nous n’avons pas suffisamment utilisé les extraits de vidéo en classe. Josée Des Granges Zimmermann Page 43 Simulation ou simulacre ? D’autres moyens audiovisuels peuvent être utilisés, par exemple le magnétophone. Dans la dernière simulation, nous avons demandé aux étudiants d’enregistrer leurs appels téléphoniques au médecin. Cela permettait d’avoir une qualité audio adéquate et le fait de ne pas avoir d’image favorisait une centration différente. Nous avons aussi remarqué que le stress des étudiants face à la caméra diminuait avec son utilisation plus fréquente. L’outil réflexif L’analyse des démarches réflexives nous a permis d’avoir accès aux raisonnements des étudiants. Leur lecture nous a permis de déceler les principaux obstacles à l’apprentissage de chacune des situations. Nous avons eu l’occasion de constater la progression dans les divers processus liés aux jugements cliniques, notamment le transfert des apprentissages entre les quatre simulations. Il serait intéressant par la suite d’évaluer les transferts réalisés entre les laboratoires des pratiques et les lieux de pratique professionnelle. Nous relevons cependant que l’outil proposé était très complet, probablement trop, mais qu’il n’était pas suffisamment explicite. Plusieurs questions ont été mal comprises des étudiants. Ce document est donc à revoir; il reste néanmoins pertinent dans son essence. Les grilles d’évaluations non E.C.O.S. Les grilles d’évaluation ont été utiles aux étudiants. Elles ont permis de confronter leurs prestations et de discuter des points forts et des points à développer à l’intérieur du groupe. Les étudiants ont évalué leurs collègues avec beaucoup de bienveillance. Des discussions ont eu lieu et ont permis aux étudiants de se situer en terme de « prescrit professionnel ». Il était important que l’étudiant soit au clair sur ce qui devait évoluer par la suite. Il ne fallait donc pas le laisser dans une position où il n’y a « rien de vrai ni de faux ». Comme nous l’avons relevé précédemment, les grilles avaient un faible degré de fiabilité. Nous proposons que ce type de grille soit dorénavant construit par des experts. Nous pensons cependant que l’expérience évaluative entre étudiants est intéressante à poursuivre dans le cadre d’évaluations formatives. Les étudiants utiliseraient alors des grilles fiables construites par des professeurs pour évaluer leurs collègues. Josée Des Granges Zimmermann Page 44 Simulation ou simulacre ? La grille E.C.O.S. construite pour la dernière simulation s’est révélée particulièrement pointue et précise pour évaluer des actions déterminées. Elle présentait les caractéristiques de fiabilité et de validité décrites précédemment. La situation de simulation D ainsi que le dispositif d’évaluation sont directement réutilisables pour la construction du futur programme commun avec nos collègues de l’école La Source. Nous passerons maintenant à la présentation de l’atelier réanimation. Nous le présenterons plus brièvement que l’atelier jugement clinique, dès lors qu’il reprend les mêmes phases développées précédemment, soit une phase de préparation « briefing », une phase de « simulation » accompagnée d’un travail réflexif et une dernière phase de « debriefing ». Josée Des Granges Zimmermann Page 45 Simulation ou simulacre ? Atelier pilote 2 : Module Réanimation. L’atelier « réanimation » Cet atelier fut le premier des ateliers pilotes du projet C.E.P.S.S. Il concernait 75 étudiants du 3e semestre de la formation Bachelor (la volée Baraka). Cinq professeurs experts en réanimation et deux intervenants extérieurs étaient responsables d’assurer la formation Basic Life Support (B. L. S.) et les ateliers de simulation. Ce type d’atelier a été réalisé dans le cadre de la filière infirmière et fait partie des ateliers qui peuvent être très facilement proposés à d’autres publics cibles et aménagés en fonction des demandes des mandataires. Les professeurs ayant participé avec nous à cet atelier sont Mmes Armelle Tagand, Sophie Lawrence, Marisa Maio et M. Thierry Luthringer. Ce groupe de professeurs s’est constitué en équipe nommée « Réa 144 ». Les intervenants extérieurs sont un infirmier spécialisé en soins intensifs et travaillant comme ambulancier M. Thierry Valloton et son collègue Pierre-Alain Favey. La volée a été divisée en deux groupes de 37 et 38 étudiants (À et B). L’atelier de réanimation s’est déroulé sur deux jours pour chaque demi-groupe, soit les 16 janvier et 21 janvier 2008 pour la demi-volée A et les 21 novembre 2007 et 18 janvier 2008 pour la demi-volée B. Nous avons constaté que les deux mois d’écart entre le premier cours et le deuxième ont prétérité la demi-volée B. Le premier jour de formation se composait d’une présentation théorique de 40 minutes. Cet exposé interactif accompagné de démonstrations posait les grands principes du BLS. Elle a été réalisée par notre intervenant externe, Monsieur Thierry Vallotton. Après l’exposé, les étudiants se sont répartis en plusieurs sous-groupes pour pratiquer les habiletés BLS et leur organisation dans le cadre de la « chaîne de survie ». Les étudiants avaient un « plan de route » et des horaires précis pour circuler dans les diverses salles et réaliser les consignes sous supervision directe d’un professeur expert du domaine. Ce plan de route était indispensable pour assurer un roulement harmonieux entre les activités. Il témoignait d’une organisation stricte permettant d’optimiser les plages de laboratoire avec un minimum de temps d’attente pour les étudiants. Ce dernier point doit être retenu Josée Des Granges Zimmermann Page 46 Simulation ou simulacre ? comme un principe de fonctionnement des laboratoires : un maximum d’activités pour un minimum d’attente. Le matériel utilisé pour ces ateliers est du matériel de ventilation et des mannequins de marque Ambu de dernière génération. Les mannequins sont pilotés par un logiciel informatique nous permettant de valider plusieurs paramètres comme la fréquence des massages, les ratios entre compression et décompression, les pressions de compression, les volumes de ventilation et encore d’autres paramètres en fonction des algorithmes internationaux choisis. Nous avons aussi la possibilité de créer nos propres algorithmes. Nous projetons ainsi de construire une grille E.C.O.S. informatisée. Nous devrons probablement demander l’assistance technique d’un spécialiste de la maison Ambu pour réaliser l’interface. Les ateliers du matin permettaient aux étudiants : de manipuler et se familiariser avec le matériel; d’exercer l’évaluation neurologique d’une personne inconsciente selon l’algorithme A.V.P.U. ( Alert, verbal, pain, unresponsive); d’exercer les gestes de positionnement latéral de sécurité (PLS); d’exercer les habiletés permettant la ventilation au masque et le massage cardiaque; d’exercer le massage cardiaque et la ventilation en respectant les cycles de 30 massages pour 2 ventilations; de compléter un questionnaire entre les exercices d’habiletés. L’après-midi était consacré à : la certification du Basic Life Support demandant de réanimer 5 minutes en groupe de 2 étudiants; des exercices de réanimation selon des vignettes situationnelles; Josée Des Granges Zimmermann Page 47 Simulation ou simulacre ? Ces vignettes ont été construites par le Professeur Armelle Tagand et par l’équipe « Réa 144 » sur la base d’une micro-analyse de l’activité. Les quatre vignettes permettaient d’exercer : l’évaluation neurologique d’une personne inconsciente au supermarché; la réanimation d’un patient ayant chuté dans la salle de bain en milieu hospitalier; la réanimation d’un patient en fauteuil en milieu hospitalier; la réanimation d’un patient au lit en milieu hospitalier dans une chambre à cinq lits; Une centration sur l’aspect évaluation clinique et l’exercice du jugement clinique était un point commun entre les quatre vignettes. Les étudiants effectuaient un trajet leur permettant d’exercer les différentes vignettes et de se préparer à la deuxième journée consacrée à la réanimation. Le deuxième jour de cours était centré sur la réalisation d’une simulation de réanimation filmée et évaluée sur la base d’un E.C.O.S. formatif. L’exercice de réanimation durait 4 minutes. Durant les trois premières minutes, l’étudiant était seul. Pour la dernière et quatrième minute, un collègue le rejoignait avec une planche de réanimation standardisée aux normes internationales. L’E.C.O.S. visait prioritairement à effectuer une évaluation clinique et à démarrer le massage cardiaque. La grille a été réalisée par l’entier de l’équipe « Rea 144 » puis soumise à M. Thierry Valloton, notre expert externe, ainsi qu’à Mme Carine Layat Burn, responsable du programme patient simulé. Les étudiants pouvaient visualiser leurs prestations filmées très rapidement sur les ordinateurs portables et réaliser leur auto-évaluation sur la base de consignes pour se préparer au « debriefing » de l’après-midi. Cette deuxième journée de formation s’est bien déroulée et les étudiants ont été particulièrement intéressés à se voir agir. L’occupation du temps n’a cependant pas été optimale, car les premiers étudiants filmés ont dû attendre assez longtemps avant le « debriefing » de l’après-midi. Josée Des Granges Zimmermann Page 48 Simulation ou simulacre ? Le « debriefing » s’est déroulé en se centrant sur les schèmes opératoires spécifiques à la réanimation et reprenant les algorithmes déjà expérimentés par les étudiants. Une micro-analyse des schèmes des étudiants a permis de les expliciter plus finement et de comprendre leurs fondements. Nous avons fait des liens avec le débit cardiaque et l’importance du métabolisme cellulaire minimal. Nos collègues ne faisant pas partie du groupe C.E.P.S.S., soit Mmes Tagand, Lawrence et Maio, ont reçu des explications leur permettant d’animer leurs périodes de « debriefing ». Un des obstacles constatés a été un obstacle verbal, soit le terme « debriefing ». Il est vrai que dans l’enseignement nous avons utilisé jusqu’à maintenant le terme « exploitation ». Les explications que nous avons fournies étaient suffisantes. Nous souhaitons toutefois à l’avenir pouvoir mieux soutenir nos collègues. Cette période de « debriefing » a en effet été vécue par ces dernières comme inutilement stressante, ce que nous ne souhaitions pas. Cependant, leur enthousiasme et l’esprit créé par ce groupe nous rappelaient avec plaisir notre pratique clinique en soins intensifs. Nous avons vécu leur soutien et leurs encouragements comme un facteur de réussite pour affronter les méandres du projet C.E.P.S.S. Les questionnaires d’évaluations distribués aux 75 étudiants et aux 5 professeurs ont été excellents. Ces personnes nous ont proposé de maintenir notre approche didactique pour le futur de la formation et de développer nos laboratoires des pratiques. Les obstacles à la réalisation des ateliers de la filière infirmière Passons maintenant aux obstacles que le projet C.E.P.S.S. a rencontrés durant les 22 mois de son existence. En voici les principaux : Le premier obstacle est lié au positionnement du projet C.E.P.S.S dans le cadre de la H.E.C.V.santé. Le C.E.P.S.S est un projet inter-filière. Il devait concerner tous les professeurs des différentes filières, mais n’a finalement concerné que peu de gens. Nous avons eu l’impression que le projet évoluait pour lui-même en périphérie sans pouvoir intéresser suffisamment de professeurs. Ce premier obstacle semble avoir été déterminant pour les suivants. Josée Des Granges Zimmermann Page 49 Simulation ou simulacre ? Doyens et collègues n’étaient pas suffisamment informés du projet luimême, ni de son avancement. Pour certains collègues, le C.E.P.S.S. correspondait simplement à l’affectation de nouveaux locaux. Un projet à visées pédagogiques et didactiques s’est alors presque transformé en un projet visant à aménager des locaux. Le projet C.E.P.S.S s’inscrivant dans une période de refonte des cursus de formation et de nouvelle collaboration avec une autre école de soins infirmiers, le projet à parfois pris du retard et il a été difficile pour le groupe de prévoir suffisamment à l’avance. Le document de référence produit par l’équipe C.E.P.S.S lors de l’été 2007 a été partiellement intégré par l’ensemble du groupe C.E.P.S.S. Son utilisation a été diverse entre les membres de l’équipe. Si plusieurs textes sont par ailleurs très valables, il faut remarquer que leur articulation et la technicité de l’ensemble rendent le tout peu accessible. La collaboration avec certains professeurs de l’institution s’est aussi révélée compliquée. Des modifications d’horaires ont dû être négociées âprement pour pouvoir réaliser un des ateliers, nos collègues ne comprenant pas les raisons et enjeux de ces demandes. Dans la cadre du module M3 et pour des causes organisationnelles, nous n’avons pas pu bénéficier des patients simulés de la faculté de Médecine et de Biologie. Pour les remplacer, nous avons dû recruter des professeurs de la HECVSanté et les former. Notre experte psychiatrique a été accidentée durant un mois. Nous avons partiellement dû la remplacer et engager un nouvel expert. Nous avons eu passablement de problèmes techniques avec du matériel audiovisuel inadapté et avec le système informatique. Ce système n’est pour le moment pas suffisamment performant pour gérer des documents aussi lourds que sont les documents audiovisuels. Josée Des Granges Zimmermann Page 50 Simulation ou simulacre ? Nous avons eu aussi des moments de satisfaction et d’espoir L’expérience s’est relevée passionnante et très riche. L’ensemble des ateliers a été réalisé malgré les difficultés énoncées précédemment. Les 100 étudiants qui ont participé aux ateliers de réanimation et au module M3 ont exprimé, sur la base d’un questionnaire, leur excellente satisfaction. Cela s’est ébruité dans les milieux de stage, et des praticiens formateurs nous ont téléphoné pour en savoir davantage et pour témoigner de leur intérêt. Nos collègues professeurs qui ont participé aux ateliers de réanimation et ceux qui ont joué les rôles de « patient simulé » ont manifesté une très vive attention à nos approches didactiques. Ainsi avons-nous reçu des « offres spontanées » de nos collègues pour joindre l’équipe. Et surtout, nous avons constaté des progrès significatifs chez les étudiants ayant participé aux modules. Ces progrès concernent entre autres : - les processus liés aux raisonnements; - les connaissances sémiologiques; - les diverses habiletés cliniques nécessaires à l’examen clinique. La rédaction de ce rapport nous a permis de repréciser certains concepts et d’analyser dans les détails un projet pour lequel l’institution nous a mandatés. Nous le considérons comme une formation continue en lien avec la thématique du jugement clinique et de son développement. Après avoir décliné les obstacles et les points de satisfaction, nous passerons à la « faisabilité économique » de l’atelier M3. Nous répondrons alors à la question « Est-ce réaliste ? » Josée Des Granges Zimmermann Page 51 Simulation ou simulacre ? Économie et faisabilité Notre investissement dans la construction des ateliers et dans la réalisation du projet C.E.P.S.S. a été très important et n’est absolument pas représentatif de ce qu’il serait maintenant pour nous ou pour un autre professeur. Nous avons abordé les ateliers avec un regard « recherche » et dans une perspective de « projet ». De la sorte, nous avons appris de nos expériences. Nous avons précédemment proposé la déclinaison suivante : 1. analyse des situations cliniques « terrains » dans une visée de construction didactique; 2. construction du dispositif didactique par des experts; 3. préparation des étudiants (briefing); 4. simulation et analyse de leur contenu; 5. debriefing. Nous remarquons à partir de cette déclinaison que la construction des situations de simulations et des grilles d’évaluation nécessite un travail important de transposition didactique. Néanmoins, si les équipes de professeurs ont l’opportunité de réutiliser la simulation plus d’une fois, l’investissement de départ devient très intéressant. De plus, changer une, voire deux données peut complètement transformer une simulation initiale, donc nul besoin de reconstruire chaque situation. Le coût pour former et employer de « vrais patients simulés » ne doit pas être négligé. Aussi l’indication à leur emploi doit être bien posée. Quand les rôles sont appris par des patients simulés, il est intéressant qu’ils soient rejoués plusieurs fois pour améliorer la qualité du jeu et pour avoir un retour sur l’investissement en formation. Nos collègues professeurs nous ont dépannés dans le cadre de la simulation D. Cependant, ce n’est économiquement pas intéressant et il s’agit surtout d’un stress inutile pour l’étudiant. Nous pouvons trouver d’autres alternatives, comme former des étudiants d’une école de théâtre dans la perspective que les jeux concernent des patients simulés jeunes. Josée Des Granges Zimmermann Page 52 Simulation ou simulacre ? L’analyse des traces écrites et vidéo est aussi un investissement à long terme, car les principaux obstacles sont récurrents dans les mêmes familles de situation. Ils permettent d’organiser les « debriefing » de façon ciblée et aux étudiants de se projeter dans ce qui est défini par la pratique professionnelle. Les coûts reliés au matériel technique sont très certainement à considérer. Ils sont abordés dans le rapport de notre collègue Bernard Ferrandez. Ainsi, nous évaluons qu’un professeur expert d’un domaine, mais qui débute dans ce type de didactique doit compter environ 5 à 6 heures de préparation pour sa première heure de cours. Ce temps doit lui permettre d’intégrer les règles didactiques et de construire : les simulations avec les scénarios; la formation des patients simulés; les grilles E.C.O.S. et les tester; l’organisation des activités en réduisant les temps d’attente et en maximisant l’utilisation des locaux; apprivoiser le matériel audiovisuel; des debriefings sur la base des traces. L’investissement de départ est certes lourd, mais justifié sur le moyen et le long terme. Le lecteur peut bien imaginer que le « produit » proposé n’est pas de la reproduction à la chaîne d’actes isolés. Il se veut un produit de qualité permettant d’améliorer et d’accélérer l’acquisition des habiletés cliniques dans un cursus proposant de moins en moins de stages pratiques. Dans la perspective où le programme ne change pas dans l’intervalle, une nouvelle répétition du cours doit permettre de faire chuter le ratio à 2 ou 3 heures par heure de cours. Ce ratio correspond à celui d’un cours théorique. Les pratiques cliniques ont dans notre conception la même valeur que la théorie, ceci dans une profession centrée sur la pratique clinique. Josée Des Granges Zimmermann Page 53 Simulation ou simulacre ? Il nous paraît aussi judicieux de relever que la préparation préalable du matériel des laboratoires et son rangement nécessitent généralement environ 45 à 60 minutes par séance. Il nous paraît alors rationnel de grouper les cours sur une journée pour éviter un gaspillage de temps. Josée Des Granges Zimmermann Page 54 Simulation ou simulacre ? Nos visions pour le futur Nous entrevoyons le futur avec optimisme. Nous avons la certitude que le développement des laboratoires de pratique se réalisera dans les années à venir. Nous ne savons néanmoins pas comment, ni avec qui. Les expériences réalisées par l’équipe C.E.P.S.S. sont dans l’ensemble intéressantes malgré les nombreuses difficultés énoncées précédemment. Nous imaginons le développement de ce projet dans une perspective inter-filière et certainement supra-filière. Il s’inscrirait ainsi dans le prometteur projet « campus-santé ». Nous pensons que le groupe actuel C.E.P.S.S. doit se dissoudre pour se reconstituer sur des bases et une dynamique différentes. Le cadre de référence doit être réécrit en équipe dans un langage clair et abordable aux professeurs de l’institution. Il doit pouvoir respecter les règles de la propriété intellectuelle et mettre en valeur le travail de tous les membres participant à sa rédaction, dans une rigueur définissant notre fonction de professeur H.E.S. Nous souhaitons pour diriger ce futur groupe une personne capable de travailler en équipe, disposant de capacité de leadership ainsi que d’une autonomie intellectuelle confirmée. Il nous faut poursuivre le développement des didactiques des pratiques ceci en accord avec les théories de l’action. Nous postulons que les professeurs enseignant dans ces laboratoires sont compétents pour effectuer les transpositions didactiques nécessaires au formatage des situations de simulation et à l’exercice d’autres stratégies. Nous rappelons au lecteur que les simulations sont des moyens et non des fins. Ces professeurs doivent pouvoir aider leurs collègues à se former à ce type d’approche afin qu’ils deviennent autonomes. Le soutien que nous souhaitons leur offrir vise les didactiques et non les contenus. Nos collègues sont experts de différents sous-champs disciplinaires (santé mentale, urgences, etc..). Dans notre propos, ce dernier point n’est pas questionnable. Nous ne voyons pas la nécessité pour le moment de demander de coaching extérieur. Nous avons les ressources nécessaires à l’interne et rien ne nous empêche de créer de nouvelles Josée Des Granges Zimmermann Page 55 Simulation ou simulacre ? collaborations avec des centres de simulation déjà installés de longue date en Suisse ou à l’étranger. Le développement des habiletés cliniques et leur conceptualisation en laboratoire des pratiques doivent se développer dans des perspectives jeunes, dynamiques et attractives pour nos étudiants. À cette fin, nous comptons sur l’aide de didactiques issues de l’ingénierie professionnelle, de laboratoires bien équipés, performants et utilisant les technologies multimédias. La représentation désuète de l’enseignement des « techniques de soins » par une « vieille monitrice en fin de course » et sur un mode de reproduction à la chaîne doit pouvoir évoluer et se dépoussiérer. Ainsi, nous espérons une connaissance et une reconnaissance de ce type d’activités. Activités qui rencontrent un vif intérêt chez les étudiants, mais qui restent moins valorisées que la dimension théorique du monde académique. Nous insistons encore sur l’importance de la sémiologie et de l’examen clinique dans la pratique infirmière et sur leur intégration formalisée dans les cursus de formation. La sémiologie n’est en effet pas déductible de la physiopathologie ou de la physiologie. Nous relevons aussi qu’un des attraits supplémentaires du travail en laboratoire est qu’il se rapproche de la pratique clinique. N’ayant pratiquement plus accès aux terrains de stage depuis que l’encadrement des étudiants est assuré par des praticiens formateurs, les professeurs appréciant la clinique pourront ainsi continuer d’exercer, mais dans les milieux des laboratoires. La nécessité d’équiper les laboratoires avec des équipements de simulation à la fine pointe de la technologie nous paraît incontournable pour aider nos étudiants à se former, ainsi que pour positionner la HECVSanté aux niveaux régional, national et international. Les lecteurs curieux pourront se faire une idée de l’offre internationale en tapant « simulation learning center » sur leur moteur de recherche favori. Une collaboration avec les cliniciens et les praticiens dans une reconnaissance et un respect mutuel des compétences doit être envisagée. Nous ne la concevons pas sur un mode de remplacement des professeurs pour des arguments Josée Des Granges Zimmermann Page 56 Simulation ou simulacre ? économiques. L’expertise en didactique professionnelle doit être reconnue pour son efficience dans la formation des étudiants. Les perspectives de recherches et de publications sont des plus prometteuses et seraient en phase avec le développement de ce type de centre de formation au niveau mondial. Pour terminer, nous préciserons que les stratégies comportant des simulations ne peuvent pas être comparées aux situations réelles. Elles ne sont pas des simulacres de la réalité, mais des entités distinctes à visées éducatives. Utilisées à bon escient et construites dans les règles de l’art, elles peuvent égaler, voire dépasser les situations réelles que, cependant, elles ne remplaceront jamais. Jouxtens-Mézery, le 20 juin 2008. Josée Des Granges Zimmermann Page 57 Simulation ou simulacre ? Bibliographie. Alfaro-Lefevre, R. (2008).Critical thinking and clinical jugdment : A pratical approach to outcom-focused thinking. Saint-Louis : Saunders Book Company. Auriac-Peyronnet, E. (2004). Pensée réflexive et habiletés argumentatives. In R. Pallascio, M.F. Daniel & L. Lafortune. 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Il s’agira de répondre à la question « comment j’ai fait ? » Dans une deuxième étape, vous analyserez les situations simulées (À, B, C, D). Vous chercherez à identifier la présence des données, leur pertinence ainsi que leur hiérarchisation. Les hypothèses et les problématiques de soins prioritaires devront être dégagées et énoncées, ainsi que les décisions réalisées lors de la séance de simulation. Vous serez dans une étape explicative cherchant à comprendre « le pourquoi ». Cette étape valorisera la précision, la pertinence et la mise en lien de vos ressources (connaissances). La conceptualisation théorique sera recherchée. La troisième étape permettra le visionnement de votre vidéo, cette étape vous permettra d’enrichir les deux premières. Vous pourrez ainsi comparer vos perceptions initiales avec les données filmées. Vous découvrirez alors de « nouveaux indices » sur vous-même, sur vos prestations, ainsi que des données concernant le « patient simulé ». Par exemple : des expressions non verbales, la tonalité des voix, les attitudes corporelles, les techniques de communication employées ou autres techniques. Cette étape, composée de nouveaux indices, vous aidera à confirmer ou infirmer vos hypothèses. Vous pourrez découvrir les actions d’autorégulation que vous avez réalisées « dans l’action ». La quatrième étape vous demandera de réaliser une synthèse écrite vous permettant de participer activement au débriefing de la prochaine séance. Vous recevrez l’évaluation de votre simulation (réalisée par vos collègues organisateurs de l’atelier) après la remise des quatre étapes et avant la séance de debriefing. Les quatre premières étapes seront communiquées aux professeurs (si possible par voie informatique). Cela nous permettra de cibler le débriefing selon vos besoins et de viser une conceptualisation ainsi qu’un transfert de vos apprentissages dans le milieu clinique. Merci à l’avance de votre participation et votre engagement. Thierry Luthringer / Josée Des Granges Zimmermann Josée Des Granges Zimmermann Page 65 Simulation ou simulacre ? Consignes post-simulation Pratique réflexive 1 Questionnaire Étape 1. Première étape, où il est question de prendre de la distance pour ressentir et expliciter ses affects, et réfléchir sur ses processus. Cette étape vous permet de vous auto-informer. Consignes : Ce texte doit être « porteur de sens ». Il sera rédigé en terme de « Je ». Isolez-vous et prenez le temps de laisser venir et de revivre « les impressions » et « les perceptions » concernant cette séance de simulation. N’oubliez pas les signaux sensoriels que votre corps vous a transmis. Même les « petits signes » peuvent être aidant pour comprendre vos stratégies d’action. Cela concerne l’ensemble (début à la fin) de la séquence de simulation. Décrivez dans vos mots, les impressions et perceptions que vous avez ressenties et comment elles se sont manifestées (ceci, même si elles sont imprécises). Pour les questions de 2 à 6, vous quittez vos impressions et perceptions pour aborder vos pensées. Ces questions vous permettront d’aborder le jugement clinique Nommez les actions principales que vous avez réalisées. Décrivez « le fil rouge » que l’on nomme aussi « principe(s) directeur(s) » qui a guidé et organisé vos actions. Décrivez, les éléments de cohérence et les logiques internes. Décrivez les moments où vous avez autorégulé vos actions pour vous adapter à la situation spécifique. Cherchez à comprendre les motifs de vos actions et nommez-les. À quoi reconnaissez-vous dans le résultat de vos actions ce qui est réussi, moyennement réussi ou non réussi ? Étape 2 Deuxième étape, où il est question d’être centrée sur l’analyse de la situation simulée. Nous vous demandons de chercher à expliquer et à comprendre cette situation de soins. Vous Josée Des Granges Zimmermann Page 66 Simulation ou simulacre ? mobilisez alors des habiletés cognitives permettant la réflexivité, le travail dans l’abstraction, le raisonnement clinique et la conceptualisation théorique. 1) Utiliser la grille : Atelier de jugement clinique centré sur une « posture réflexive ». Prenez position de façon critique sur les items no 3a, 3b, 3c, 4a, et 5 ab. Décrivez et donnez des exemples concrets permettant d’objectiver vos propos. 2) Nommer vos questions et vos incompréhensions face à cette situation. Étape 3 Troisième étape, où il est question de recueillir de nouveaux indices en visionnant la vidéo. Nous vous demandons de confronter vos perceptions, vos impressions et de commenter votre auto-évaluation Vous ne pouvez débuter le visionnement sans avoir parcouru les deux premières étapes Débuter le visionnement de vos prestations en cherchant à compléter l’étape 1 avec vos nouvelles observations. Soyez attentif-attentive à votre « fil rouge ». Avez-vous réussi à le suivre ? Y-a-t-il eu des moments où vous avez « autorégulé » vos actions ? Si cela est le cas, souvenez-vous de votre dialogue interne « dans l’action » et notez-le. Pouvez-vous identifier un écart entre vos intentions de départ et ce que vous avez réalisé ? Si oui, décrivez cet écart. Étape 4 Quatrième étape, où il est question de faire une synthèse en considérant les questions cidessous : 1- Quelles sont les actions et leurs principes directeurs que vous réutiliseriez dans une prochaine situation de ce type ? 2- Quelles sont les actions que vous modifieriez et comment ? 3- Quelles sont les priorités de soins et de surveillances à retenir dans cette famille de situation et pourquoi ? Le délai pour rendre l’entier de cette démarche de réflexivité est fixé au : à 8 heures. Merci à l’avance de votre participation et votre engagement. Josée Des Granges Zimmermann Page 67 Simulation ou simulacre ? Annexe 2 - Poste formatif avec patients standardisés : HECVS Filière infirmière – étudiants de 4e année HES Cours option M3 Situation D. Situation de départ et consignes des étudiant(e)s. Des Granges Zimmermann J., Luthringer T. Collaboration clinique : De Torrente,J. Infirmier spécialiste clinique en cardiologie. Praticien formateur. Formation H.E.S. Module option M3 « Jugement clinique ». Projet C.E.P.S.S. 21 avril 2008. Module M3 Avril 2008. Situation de départ pour l’étudiant(e) Nom de la patiente Madame Dubois (nom fictif) de 57 ans. Mariée, mère de deux enfants. Lieu : Centre hospitalier universitaire, service de Soins continus de cardiologie. Contexte de soins : Ce matin, Madame Dubois est très anxieuse, car elle doit subir une coronarographie. En effet, depuis deux semaines, elle se plaint de palpitations occasionnelles qui lui procurent une sensation d’oppression dans la poitrine, ce qui l’inquiète de manière importante. Elle signale aussi qu’elle est souvent « essoufflée » lors de ces épisodes. Elle consulte alors son médecin traitant, le docteur Bussi, qui l’hospitalise pour des investigations dans le service de Soins continus de Médecine Cardiologique. Madame Dubois est arrivée hier soir, le 19 mai, vers 16 heures. Après l’anamnèse médicale, une V.V.P au membre supérieur droit a été posée et qui est verrouillée ce matin. Le rasage au pli inguinal gauche a été réalisé par votre Praticienne formatrice. Josée Des Granges Zimmermann Page 68 Simulation ou simulacre ? Le lit strict et le minimum d’effort ont été prescrits jusqu’à la fin des examens programmés. La coronarographie est prévue pour aujourd’hui, 20 mai à 9 heures. Les constantes hémodynamiques, dont le rythme cardiaque, sont surveillées à l’aide d’un monitoring. Le médecin a prescrit de l’oxygène en réserve. Traitement prescrit : Epril® (énalapril) 5 mg. 2X / jour. Beloc mite® 25 mg 1 X / jour. Plavix® (clopidogrel) 75 mg. 1 X / jour. Aspirine cardio ® (acide acétylsalicylique) 100 mg. 1 X / jour. Sortis® (atrorvastine) 40 mg. 1X/ jour. Lasix® (furosémide) 20 mg. 1X/jour Réserve : Nitroglycerine 1 capsule sublinguale si douleur. Antécédents : Status post cholécystectomie par laparoscopie en 2002. HTA traité. Hypercholestérolémie traitée par statines et régime. Infarctus transmural et antéroseptal sur maladie monotronculaire en février 2007. Pose de stent non actif sur la coronaire gauche. Ancien tabagisme stoppé en 2005. Aucune allergie connue. Anamnèse familiale positive. Père et frère décédés avant 60 ans d’un infarctus du myocarde. Situation socio-familiale : Madame Dubois est mariée. Elle a un fils de 18 ans et une fille âgée de 22 ans qui sont en bonne santé et qui font des études. Monsieur Dubois est aussi en bonne santé et travaille dans une grande surface vendant des produits alimentaires. Madame Dubois travaille à 100% à l’aérodrome militaire. En ce moment, il y a des changements importants dans l’organisation du service et il y a une très mauvaise ambiance de travail. Elle a peur de perdre son emploi alors que les revenus du couple ne sont pas très importants et que les frais scolaires des enfants sont lourds à assumer. Consignes. Situation D. Vous êtes étudiant(e) en 4e année HES, en stage dans le service de Soins continus de cardiologie, vous êtes dans votre dernière semaine de stage. Ce dernier s’est très bien déroulé pour vous. Il est validé. L’effectif du service : L’équipe du matin est composée de deux infirmières (1 et 3 ans d’expérience professionnelle), d’une infirmière « intérimaire », d’une aide soignante et de vous-même. Le service est complet. Il est occupé par 6 patient(e)s, dont 3 ont une hémodynamique Josée Des Granges Zimmermann Page 69 Simulation ou simulacre ? instable et un est très confus, qui veut se lever régulièrement. Ce dernier donne passablement de difficultés à vos collègues. Madame Dubois est donc la patiente la plus stable de l’unité. L’ambiance est particulièrement « animée » et « tendue » en ce matin de mai. Les médecins ne sont pas encore arrivés dans le service pour le moment. Votre praticienne formatrice vous demande d’assurer seul(e) les soins et surveillances de Madame Dubois que vous avez déjà rencontrée brièvement la veille en fin d’horaire en aidant votre praticienne formatrice à faire son « entrée ». Ce matin, l’objectif est d’aider Madame Dubois à faire sa toilette au lit et à se préparer à vivre sa coronarographie qui est prévue à 9 heures. Elle est à jeun depuis minuit, et a reçu ses médicaments du matin. Epril®, Beloc mite® ,Plavix®, Aspirine cardio ® et Lasix® ont été administrés à 7 h 15. Le Valium® 5 mg sera administré per os quand le transporteur viendra chercher la patiente. Constantes du jour données lors du rapport : 20 mai 2008. Paramètres mesurés à 7 h 15. TA : 125/70 Fréquence respiratoire : 12/min, rythme régulier; amplitude moyenne. Respiration silencieuse. FC : 90. Pulsations régulières. Amplitude +2 en radial. Température tympanique : 36,4 Celsius. Il est 7h30, vous vous apprêtez à aider Madame Dubois à faire sa toilette au lit, en sachant que vous devrez la quitter une fois que vous l’aurez installée pour la toilette du visage. En effet, la veilleuse a signalé qu’il manquait des radiographies qui devaient être jointes au dossier. Elles se trouvent dans le bureau des Médecins. Vous devrez vous absenter que quelques instants, 1 minute au maximum. Consignes 20 mai 2008,7h30 Durée totale de la simulation 15 minutes. Vous avez 4 minutes pour prendre contact et installer Mme Dubois pour sa toilette. Après l’installation, vous sortirez de la chambre pour chercher la radiographie qui manque au dossier médical. À votre retour, vous aurez 10 minutes, seule pour gérer la situation. 3 minutes avant la fin de la séquence, soit à la 12e minute un coup de sifflet vous avertira de la fin de la simulation. À la 15e minute, le sifflet retentira pour vous annoncer la fin de votre séquence. Vous sortirez de la salle pour répondre par écrit à une 1 question portant sur vos actions prioritaires. Vous aurez 5 minutes pour répondre à cette question et la remettre à l’organisatrice. Attention, c’est à vous de gérer ces 5 minutes. Hors délai, cet item n’est pas validé. Josée Des Granges Zimmermann Page 70 Simulation ou simulacre ? Annexe 3 - Rédaction par une étudiante des consignes réflexives concernant la simulation D Pratique réflexive Étape 1 Description des impressions et perceptions ressenties tout au long de la simulation et leurs manifestations. J’étais stressée par les conditions générales qui ressemblaient à celles d’un examen. Je me suis sentie perdue de part ma méconnaissance des lieux (ex : emplacement matériel). Je me suis sentie incompétente vis-à-vis de l’accompagnement de la patiente concernant sa coronarographie. Je ne savais pas quoi lui dire comme si tout ce que j’ai pu apprendre sur la relation « aidante » s’était envolé. J’ai rencontré beaucoup de difficultés à me concentrer et à réfléchir. J’ai l’impression de ne pas avoir réagi adéquatement c’est-à-dire assez rapidement par rapport à la gravité de la situation. Les actions principales que j’ai réalisées. - Je me suis présentée tout en me désinfectant les mains. - J’ai questionné la patiente sur son état général. - Je lui ai expliqué que j’allais lui donner le matériel nécessaire pour qu’elle commence à faire sa toilette, que je devais m’absenter et que je revenais dans une minute. - J’ai levé la tête du lit afin qu’elle puisse commencer sa toilette et lui ai donné le matériel nécessaire. - À mon retour, j’ai observé que la patiente n’avait pas l’air bien et je lui ai demandé ce qu’il se passait. - J’ai évalué sa douleur en lui demandant si c’était les douleurs qu’elles avaient déjà connues auparavant, leur intensité sur une échelle de 0 à 10, à partir de quel moment elles avaient débuté. - Je lui ai demandé si elle avait déjà reçu de la Nitroglycérine®. - Je lui ai pris la tension artérielle et lui ai demandé comment était la douleur. - Je lui ai demandé de se tranquilliser. - Je lui ai pris la saturation. - J’ai observé le tracé du scope. - Je lui ai pris la fréquence cardiaque et lui ai demandé si la douleur avait changé. Josée Des Granges Zimmermann Page 71 Simulation ou simulacre ? - Je lui ai, à nouveau, demandé l’intensité de la douleur et si elle avait changé. - Je lui donné un comprimé de Nitroglycérine® et lui ai expliqué que c’était un médicament que le médecin avait mis en réserve au cas où elle aurait des douleurs thoraciques. Lui explique qu’il faut le laisser fondre sous la langue et que c’est un médicament qui agit très vite et que dans 1-2 minutes, il faudra voir si la douleur a diminué ou pas. - J’ai observé, à nouveau, le tracé du scope. - Je lui ai demandé si le médicament changeait quelque chose au niveau de la douleur. - Je lui ai demandé si elle avait toujours de la peine à respirer. - Je lui ai demandé si elle avait déjà reçu de l’oxygène et lui ai administré un litre d’oxygène aux lunettes. - Je lui ai, à nouveau, demandé s’il y avait des changements au niveau de la douleur. - J’ai appelé le médecin. (Je me suis présentée, ai dit au sujet de qui j’appelais ainsi que le service concerné; j’ai transmis que la patiente ne se sentait pas bien, qu’elle présentait des douleurs thoraciques à 3-4/10 ainsi que les résultats de la TA, du pouls et de la saturation. J’ai nommé les actions entreprises. Je lui ai demandé s’il pouvait venir la voir et ce que je pouvais faire en attendant.). - Selon ordre médical téléphonique, j’ai donné un deuxième comprimé de Nitroglycérine® à la patiente et lui ai à nouveau demandé l’état de sa douleur. - J’ai dit à la patiente que le médecin allait venir la voir. - Je lui ai à nouveau demandé si elle avait toujours de la peine à respirer. - Je lui ai demandé si elle se faisait du souci concernant l’examen qu’elle allait subir. - Je lui ai demandé si elle avait reçu toutes les informations qu’elle souhaitait de la part des médecins et si elle avait bien compris comment est-ce que ça allait se dérouler. Je lui ai dit qu’il n’y avait pas de raisons que cela se passe mal. Description du « fil rouge » que l’on nomme aussi « principe(s) directeur(s) » qui a guidé et organisé mes actions. Description des éléments de cohérence et des logiques internes. Mon but principal était d’évaluer la gravité de la situation afin de savoir si j’étais capable de la gérer seule ou s’il fallait que j’appelle le médecin. Le principe directeur sous-jacent était donc de trouver la cause des douleurs thoraciques. Josée Des Granges Zimmermann Page 72 Simulation ou simulacre ? Description des moments où j’ai autorégulé mes actions pour m’adapter à la situation spécifique. J’ai dû autoréguler mes actions dès que je suis rerentrée dans la chambre et que la patiente ne se sentait pas bien. J’ai essayé d’en investiguer les raisons. Selon mon investigation, la cause des douleurs paraissait être d’origine cardiaque ce qui m’a décidé à lui donner un comprimé de Nitroglycérine®. J’ai hésité à lui donner de l’oxygène, car ce n’était pas prescrit en réserve et que je n’ai pas tout de suite vu que sa saturation était à 92% (dans un premier temps, je n’ai pas vu la feuille, je pensais que la saturation était celle du scope), mais étant donné que les douleurs me semblaient être d’origine cardiaque et que la patiente ne présentait pas d’antécédents en lien avec une BPCO, j’ai décidé de lui en donner. Le fait que les douleurs diminuent après le premier comprimé de Nitroglycérine® a confirmé l’origine cardiaque et m’a décidé à appeler le médecin. Compréhension des motifs de mes actions. J’ai évalué les douleurs thoraciques de la patiente dans le but de trouver leur origine et d’évaluer la gravité de la situation. J’ai fait une évaluation hémodynamique et respiratoire succincte pour infirmer/confirmer une cause cardiaque et évaluer la gravité de la situation. J’ai administré de la Nitroglycérine® afin de soulager la douleur et de diminuer la souffrance cardiaque. Le mécanisme d’action consiste, entre autres, en une vasodilatation des coronaires ce qui permet un plus grand apport en oxygène au cœur. L’efficacité du médicament permet également d’infirmer/confirmer une cause cardiaque. C'est pourquoi j’ai demandé régulièrement à la patiente si les douleurs diminuaient. J’ai administré de l’oxygène afin d’en augmenter l’apport et par conséquent sa concentration sanguine ce qui permet de soulager la souffrance cardiaque. J’ai essayé d’évaluer le tracé électrocardiographique afin d’évaluer les changements, d’infirmer/confirmer une cause cardiaque et ainsi évaluer la gravité de la situation, mais je n’ai pas réussi. J’ai appelé le médecin, car j’estimais que la gravité de la situation dépassait mes compétences et qu’une prise en charge médicale du problème était nécessaire. À quoi je reconnais dans le résultat de mes actions ce qui est réussi, moyennement réussi ou non réussi ? Je n’ai pas fait une évaluation complète de la douleur ce qui aurait pu m’aider à confirmer une cause cardiaque. => moyennement réussi. Josée Des Granges Zimmermann Page 73 Simulation ou simulacre ? Je n’ai pas réussi à interpréter le tracé du scope, il me semblait qu’il y avait plusieurs ondes P non suivies d’un complexe QRS, que le R était anormal et qu’il y avait un décalage du segment ST mais je n’en étais pas sûre, je ne comprenais pas et n’arrivais pas à l’analyser, je n’ai donc pas pu en faire part au médecin. => non réussi. La douleur de la patiente a été soulagée par la prise de Nitroglycérine® et l’oxygène ce qui m’indique que j’étais sur la bonne piste. => réussi. Mais je pense que je ne les ai pas administrés assez rapidement. => moyennement réussi, voire non réussi. J’ai référé la patiente au médecin, car la situation dépassait mes compétences et que le problème nécessitait, selon moi, une prise en charge médicale. Je pense que j’aurais dû l’appeler plus rapidement. => moyennement réussi voire non réussi. L’état général de la patiente ne s’est pas péjoré pendant la durée du jeu de rôle ce qui peut être un bon indicateur. => Moyennement réussi ? Étape 2 3) Mon positionnement par rapport aux items n°3a, 3b, 3c, 4a, 5a et 5b 3. Le ou les problèmes de santé sont dégagés (il ne s’agit pas de diagnostics médicaux, éventuellement de diagnostics infirmiers). A. L’étudiant(e) nomme, explique et analyse les principales problématiques de soins de cette situation singulière. Je pense que la patiente présentait des douleurs rétro-sternales (de type angor) à 3-4/10 sous forme de brûlure et d’oppression non soulagées par le repos, mais cédant à la Nitroglycérine® provoquées par l’effort (toilette) ainsi que par de l’anxiété reliée à une situation stressante à venir (coronarographie) se manifestant par de la dyspnée, des étourdissements (« tête qui tourne »), de la diaphorèse, un sentiment d’inquiétude, un faciès douloureux (traits tirés, sourcils froncés) ainsi que par un mouvement réflexe (la patiente se frottait énergiquement la poitrine avec sa main droite) et au niveau hémodynamique et respiratoire, une hypotension, une bradycardie avec un rythme régulier et une saturation en oxygène à 92% à air ambiant. Malgré les informations recueillies, je ne sais pas si j’ai vraiment réussi à mettre en évidence les principales problématiques de soins de cette situation. B. L’étudiant(e) formule des hypothèses et des réflexions pertinentes sur et dans l’action. La construction théorique fait sens dans le cadre de l’exercice. Les antécédents de la patiente, sa situation actuelle ainsi que l’anamnèse que j’ai faite de la douleur m’ont permis de m’orienter vers une cause plutôt de type cardiaque. En effet les symptômes décrits par la patiente (douleur soudaine, moyenne de type oppression et brûlure située au niveau rétro-sternale qui se manifeste par des étourdissements et de Josée Des Granges Zimmermann Page 74 Simulation ou simulacre ? l’anxiété apparaissant lors de la toilette) corroborent avec une origine cardiaque. De plus, la patiente dit que ce sont des douleurs qui ressemblent à celles ressenties lors de son infarctus. Cela me permet donc presque d’exclure toutes les autres causes de douleurs thoraciques (gastrique, pulmonaire, aortique, musculo-squelettique). Néanmoins, pour exclure ces autres causes, j’aurais dû lui demander si les douleurs étaient respirodépendantes, si elles irradiaient et dans quelle région. De plus, si j’avais réussi à interpréter le tracé, cela aurait également été un bon indicateur (décalage du segment ST). Ce qui a confirmé l’origine cardiaque, et plus particulièrement l’angor, est l’action positive de la Nitroglycérine® sur les douleurs, celui-ci n’ayant pas d’effet sur les douleurs thoraciques d’origine autre que cardiaque. Je n’ai pas su interpréter les résultats des paramètres investigués par rapport à la situation globale et cela reste encore flou. C. L’engagement dans la situation est réalisé. Je pense que ma communication verbale et non verbale démontre de l’intérêt pour la patiente. Je me suis sentie concernée par la situation. Mon attitude et mes actions confirment que je prends la plainte de la patiente au sérieux. Je crois avoir utilisé un vocabulaire compréhensible. Néanmoins, je pense que j’aurais dû donner davantage d’informations à la patiente. 4. Le processus décisionnel est cohérent et adéquat avec la situation singulière de soins ainsi qu’avec les missions du service de soins. A. Une ou des décisions sont observables et respectent l’éthique professionnelle. J’ai rencontré des difficultés à prendre des décisions et je pense que c’est à cause de ces hésitations que je n’ai pas agit plus rapidement. J’ai pris l’initiative de donner un comprimé de Nitroglycérine®, un litre d’oxygène aux lunettes ainsi que d’appeler le médecin. Je pense que mes actions étaient cohérentes par rapport à la situation et au service de soins continus. Néanmoins, je pense que dans une situation de ce type, un litre d’oxygène n’est pas suffisant (min : 2-3 litres si pas de contre-indication). 5. La capacité d’argumentation des actions et des surveillances. A. L’argumentation témoigne de connaissances sûres, précises, interreliées et contextualisées. B. L’argumentation est pertinente et crédible; l’étudiant(e) démontre de la perspicacité dans sa réflexion. (Je ne développerai pas ici les différentes intentions poursuivies qui se retrouvent plus haut). Je crois que le choix concernant le type de surveillances et d’actions ainsi que les questions que j’ai posées à la patiente est pertinent par rapport à mes connaissances actuelles. Je pense que j’ai réalisé les bonnes actions, mais pas assez rapidement et peut-être de manière désordonnée et incomplète (anamnèse, tracé). Josée Des Granges Zimmermann Page 75 Simulation ou simulacre ? 4) Mes questions et mes incompréhensions face à cette situation. - Pourquoi la patiente était hypotendue et bradycarde ? - Comment devais-je interpréter le tracé du scope ? Étape 3 Confrontation de mes perceptions et de mes impressions par rapport au visionnement de la vidéo : Je trouve mon attitude calme même trop calme par rapport à l’urgence de la situation. Cela se voit que je suis un peu perdue et que j’ai de la difficulté à analyser toutes les données recueillies, car je fronce les sourcils et qu’il y a des moments d’hésitations. Par rapport à mon « fil rouge » : Ai-je réussi à le suivre ? Je crois que j’ai partiellement réussi à atteindre mon but qui était d’évaluer la cause des douleurs thoraciques ainsi que la gravité de la situation afin de décider s’il fallait que j’appelle ou non le médecin. Comme mon évaluation de la douleur et du tracé électrocardiographique était insuffisante, mon jugement a pu être faussé. Y a-t-il eu des moments où j’ai « autorégulé » mes actions ? Si oui, quel était mon dialogue interne « dans l’action » ? Lorsque je suis rerentrée dans la chambre et que la patiente ne se sentait pas bien, je me suis dit que les douleurs qu’elle ressentait n’étaient certainement pas anodines étant donné le motif d’hospitalisation et les antécédents. Après lui avoir pris les paramètres, je ne savais pas trop quoi penser des résultats. En effet, était-elle bradycarde et hypotendue en lien avec son traitement qu’elle avait reçu à 7 h 15, celui-ci avait-il eu le temps d’agir ? ou était-ce en lien avec les douleurs thoraciques. L’infarctus provoquant plutôt une tachycardie avec hypotension ou tension dans les normes et que l’angine de poitrine ne provoque dans la majorité des cas, selon mes connaissances, pas de perturbation de ces paramètres. Juste avant de lui donner la Nitroglycérine®, mon dialogue interne était le suivant : elle présente une hypotension à 100/60, est-ce que si je lui donne un comprimé de Nitroglycérine® cela va davantage faire chuter sa tension artérielle, quels sont les risques par rapport aux bénéfices ? mais étant donné que la limite est 90 mmHg de systole pour administrer ce médicament et qu’il était prescrit en réserve, j’ai décidé de le lui donner. J’ai hésité à lui administrer l’oxygène pour les raisons citées précédemment, mais étant donné que j’étais presque sûre de ne pas aggraver la situation en l’administrant, mais qu’au contraire Josée Des Granges Zimmermann Page 76 Simulation ou simulacre ? cela pourrait l’améliorer par rapport à la souffrance cardiaque, j’ai décidé de lui donner. Néanmoins, je ne pense pas qu’un litre soit suffisant. Quand la patiente m’a dit que ça allait mieux après le premier comprimé de Nitroglycérine®, je me suis dit que la cause des douleurs étaient par conséquent certainement d’origine cardiaque, que c’était grave et qu’il fallait donc qu’un médecin vienne la voir. D’autant plus que je n’arrivais pas à interpréter le tracé du scope. Puis-je identifier un écart entre mes intentions de départ et ce que j’ai réalisé ? Si oui, quel est cet écart ? Oui, car je m’étais préparée à être confrontée à ce type de situation et que j’avais imaginé mener des actions différemment comme par exemple : - investiguer la douleur de manière plus précise (PQRST). - donner de l’oxygène, si pas de contre-indication, le plus rapidement possible afin d’augmenter l’apport. - prendre le pouls avant la tension artérielle et pas forcément sur une minute étant donné que le la patiente était scopée mais juste pour vérifier la concordance entre la mécanique et le phénomène électrique. - prendre des décisions plus rapidement (Nitroglycérine®, appel au médecin). - donner toutes les informations nécessaires au médecin comme par exemple que la douleur cède à la Nitroglycérine®. Étape 4 4- Quels sont les actions et leurs principes directeurs que je réutiliserais dans une prochaine situation de ce type ? - L’évaluation de la douleur, hémodynamique et respiratoire pour infirmer/confirmer une cause cardiaque. - L’administration de Nitroglycérine® afin de soulager la douleur/diminuer la souffrance cardiaque par vasodilatation (= ↑ apport d’oxygène) et également pour infirmer/confirmer une cause cardiaque. - L’administration d’oxygène afin d’augmenter l’apport et de soulager la souffrance cardiaque. - L’appel au médecin afin qu’il puisse évaluer la situation et qu’une prise en charge médicale du problème puisse débuter. 5- Quelles sont les actions que je modifierais et comment ? - Je ferais une évaluation de la douleur plus complète (en plus de la quantité, la qualité, la région, les éléments déclencheurs, j’aurais dû lui demander si elle était respiroJosée Des Granges Zimmermann Page 77 Simulation ou simulacre ? - - - dépendante, si elle irradiait dans le cou, le bras ou la mâchoire et si la patiente présentait d’autres symptômes à part la diaphorèse et les étourdissements). Je prendrais la tension artérielle au deux bras pour infirmer une dissection aortique. J’évaluerais le tracé plus en détail. En fait, je n’avais pas de tracé de référence, car je ne l’ai pas regardé lorsque je suis rentrée pour la première fois dans la chambre ce qui est une erreur. Néanmoins, j’aurais dû être capable de l’interpréter sans tracé de référence. J’administrerais de l’oxygène avant même de prendre les contrôles (juste une saturation = résultat qui est presque instantané). J’administrerais la Nitroglycérine® plus rapidement. Dans le jeu de rôle, je l’administre après 8 minutes et je pense que je n’aurais pas dû attendre si longtemps (ex : env. 4 minutes). Par rapport à l’appel au médecin, j’aurais certainement dû l’appeler aussi plus rapidement. Je l’ai appelé 3 minutes après l’administration de la Nitroglycérine®, tant nécessaire à l’action du médicament. Je pense que d’attendre de voir si la douleur cède ou non à la Nitroglycérine® peut justifier de retarder un peu l’appel au médecin, mais dans ce cas, j’aurais dû lui faire part de cette information qui me semble importante pour évaluer la gravité de la situation. Je donnerais davantage d’explications à la patiente concernant les contrôles ainsi que mes hypothèses et j’essaierais de la rassurer. 6- Quelles sont les priorités de soins et de surveillances à retenir dans cette famille de situation et pourquoi ? - L’évaluation de la douleur (PQRST), hémodynamique et respiratoire pour infirmer/confirmer une cause cardiaque. - L’évaluation du tracé électrocardiographique afin d’évaluer les changements, d’infirmer/confirmer une cause cardiaque et ainsi évaluer la gravité de la situation. - L’administration de Nitroglycérine® afin de soulager la douleur/diminuer la souffrance cardiaque et également pour infirmer/confirmer une cause cardiaque. - L’administration d’oxygène afin d’augmenter l’apport et de soulager la souffrance cardiaque. - La référence au médecin afin qu’il puisse évaluer la situation et qu’une prise en charge médicale du problème puisse débuter. - Informer et rassurer la patiente. - La rapidité est également un élément très important à prendre en compte. Faire des liens et prendre des décisions rapidement. Josée Des Granges Zimmermann Page 78