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l e m o n d e d e l ’ i n s t i t u t g é o g r a p h i q u e n at i o n a l / N 5 6 / N O V E M B R E - D É C E M B R E 0 9 / w w w. i g n . f r
O
IGN MAGAZINE
:: solutions VOS QUESTIONS ET NOS RÉPONSES :: infos géo JOUVENCE POUR LES FONTAINES DE VERSAILLES
::zoom sur… LA GÉODÉSIE AU TEMPS DES SATELLITES ::rencontre CHRISTIAN CLÈRES, L’AVENTURE DES DÉCOUVERTES
IGN FRANCE INTERNATIONAL,
20 ANS D’ACTION EN TERRES D’ÉGYPTE
Bilan et perspectives d’une fructueuse coopération autour des ressources agricoles, vitales pour ce pays.
:: édito
DÉCEMBRE 2009
Le 2
FORUM OGC
Saint-Mandé (Val-de-Marne)
© dr
amine abaza,
ministre de l’Agriculture
de la République arabe d’Égypte.
Dans l’Antiquité, déjà, l’Égypte et son phare d’Alexandrie
rayonnaient sur la Méditerranée. Ce lustre, qui n’a jamais
vraiment cessé depuis, est à nouveau mis en exergue
avec le lancement en juillet 2008, à l’initiative du président
de la République française Nicolas Sarkozy, de l’Union
pour la Méditerranée. Bien avant, la France et l’Égypte
ont construit une relation forte, étayée de nombreuses
collaborations techniques, notamment dans le domaine
agricole. La coopération exemplaire que mène le ministère
de l’Agriculture, dont j’ai la charge, avec IGN France International
en est un bon exemple car, pour atteindre ses objectifs, l’Égypte
doit mener une politique ambitieuse. L’information géographique
est un apport déterminant dans sa politique environnementale
et agraire. Elle a permis, depuis vingt ans, de doter le pays
d’outils d’aide à la décision très performants. Mais ce rôle
de précurseur ne signifierait rien sans un partage d’expériences
avec d’autres pays confrontés aux mêmes questions.
C’est le sens de la création du réseau pour l’information
géographique que plusieurs pays méditerranéens appellent
de leurs vœux. Le phare n’existe plus mais l’Égypte a toujours
une carte maîtresse à jouer dans l’espace méditerranéen.
AGENDA
une coopération phare
Rencontre Open Geospatial
Consortium des acteurs
du partage de données
géographiques, à l’IGN.
Les 3 et 4
30E RENCONTRE DE LA FNAU
Nancy (Meurthe-et-Moselle)
Manifestation de la Fédération
nationale des agences
d’urbanisme, qui coïncide
avec la 8e Biennale des villes
et des urbanistes européens,
sous le titre « Europe,
le génie des villes ».
Du 4 au 13
NAUTIC 2009
Paris XVe
Salon nautique de la porte
de Versailles, pour les passionnés
des loisirs de pleine eau.
FÉVRIER 2010
Du 3 au 5
IMAGINA 2010
Monaco
IGN MAGAZINE
Le rendez-vous européen de
la simulation et de la visualisation
3D, au Grimaldi Forum.
:: sommaire
Pour découvrir les offres
de formation en géomatique
de l’École nationale
des sciences géographiques.
n o 5 6 / n ov e m b r e . d é c e m b r e 0 9 / w w w. i g n . f r
:: actualités
06
Le 13
PORTES OUVERTES DE L’ENSG
Marne-la-Vallée (Seine-et-Marne)
03 Nouveautés, livres, bons plans, informations…
:: grand angle
06 Depuis plus de vingt ans, IGN France International collabore
avec l’Égypte pour rationaliser la production agricole du pays.
:: solutions
18
15
Posez vos questions par téléphone ou par courriel :
l’IGN vous répond.
:: Géoportail
16
Un site enrichi d’informations géologiques et maritimes.
Bimestriel de l’Institut géographique national.
Direction générale : 9, avenue
de Paris, 94300 Vincennes.
Siège social : 73, avenue de Paris,
94165 Saint-Mandé Cedex.
Tél. : 01 43 98 80 00.
ISSN : 1624-9305. CPPAP : 0211 B 07727.
Directeur de la publication : Patrice Parisé.
Directrice de la rédaction : Véronique Lehideux.
Rédacteur en chef : Philippe Truquin.
Rédacteur en chef adjoint : Jean-Marc Bornarel.
Comité de rédaction : E. Aracheloff, M. Bacchus,
B. Bèzes, S. Carvalheiro, C. Cecconi, J.-E. David,
X. Della Chiesa, P. Guhur, A. Lamendour, M. Laniesse,
F. Lecourt, G. Martinoty, C. Molina, C. Sabah, J.-M. Viglino.
Ont participé à ce numéro : J. Charmoille,
T. Clévédé, P. Guhur, G. Hochet, R. Loyant, D. Van Santen
:: infos géo
18
20
Quatre étudiants de l’ENSG recensent les fontaines
du château de Versailles.
:: zoom sur…
20 La géodésie à l’heure de l’observation spatiale.
:: rencontre
26 Christian Clères, la vie des sans-grade de la mer.
Conception éditoriale et graphique :
146, rue du Fg-Poissonnière, 75010 Paris. Tél. : 0153212100.
Couverture : CNES 2006 - distribution Spot Image /
Bertrand Gardel - hemis.fr
Impression : IGN - Dépot légal : décembre 2009.
POUR TÉLÉCHARGER
GRATUITEMENT
IGNMAGAZINE,
rendez-vous sur
www.ign.fr
Portail des Alpes-Maritimes
///« Découvrir la totalité des territoires
du département en trois dimensions,
ses villages, ses lieux-dits. Trouver en quelques clics
de souris une parcelle cadastrale. Visualiser
en relief un itinéraire de randonnée. Localiser
des défibrillateurs, situer les réseaux routiers,
ferrés ou câblés… Tout cela est désormais possible
et gratuit en se connectant au nouveau portail
numérique des territoires des Alpes-Maritimes.
Destiné aux entreprises, aux collectivités mais
aussi au grand public, il est le premier de ce genre
à voir le jour en France. Mis au point conjointement
par les services d'informations géographiques
(SIG) de la communauté urbaine Nice - Côte d’Azur
et du conseil général, ces applications – aujourd'hui
mises en ligne sur Internet – ont été élaborées,
au départ, pour illustrer le dossier de candidature
de Nice aux jeux Olympiques de 2018. Plutôt que
de les laisser dans un tiroir, les collectivités
ont préféré les mettre à la disposition du plus
grand nombre. “Cette innovation numérique,
selon Éric Ciotti, président du conseil général, a été
saluée par Patrice Parisé, directeur de l’IGN
présent pour le lancement officiel du portail.” »
Nice Matin, 13 septembre 2009.
i + i www.carto-cg06.fr
NOUVEAUTÉS CARTOGRAPHIE
PRESSE
© czech tourism.com
:: actualités
Tchèque up
/// Avec la collection « Découverte
du monde – Pays », l’IGN propose
actuellement la gamme la plus
large du marché avec pas moins
de soixante-dix-sept cartes différentes,
qui fourmillent d’informations pratiques,
touristiques et routières, avec des légendes
en plusieurs langues. Ces cartes deviendront
très rapidement indispensables
lors de vos voyages à l’étranger. La nouvelle
carte au 1 : 750 000 de la République
tchèque et de la Slovaquie bénéficie bien
sûr de tous ces avantages et intègre en plus
une mise à jour tenant compte des dernières
nouveautés cartographiques et touristiques.
république tchèque et slovaquie,
collection « découverte du monde - pays »,
IGN i 5,30 €.
LIVRE
CARTES ROUTIÈRES DE FRANCE
Gravité sur orbite
/// Saurons-nous répondre « aux besoins
du présent sans compromettre la capacité
des générations futures de répondre aux leurs »?
Quelles contributions les techniques spatiales
peuvent-elles apporter pour mieux comprendre
et décider? Sous-titré « L’œil du satellite
au service des hommes et de leur planète »
et réalisé par le Cnes dans la collection « Ciels
du monde », cet ouvrage présente les réponses
d’experts internationalement reconnus, illustrées
par des images de la Terre prises depuis l’espace.
de l’espace pour la terre, collectif
sous la direction de jacques arnould
et d’aline chabreuil, cnes - le cherche midi,
novembre 2006 i 28 €.
bonne tenue de routes
/// Simplicité, lisibilité et précision sont les maîtres mots
de la nouvelle gamme de cartes routières IGN. Mises à jour chaque
année, celles-ci ont été conçues pour faciliter vos déplacements
à travers l’Hexagone et la préparation de vos itinéraires.
Légendée en plusieurs langues (français, anglais, allemand,
italien et espagnol), la carte nationale s’adresse aux Français
comme aux visiteurs étrangers. Quant aux cartes régionales,
elles vous invitent à la découverte de la France avec une grande
richesse d’informations touristiques (églises, châteaux,
curiosités géographiques…). Le millésime 2010 change
de look et s’appuie sur une nouvelle charte de couleurs,
pour une meilleure lisibilité et un plus grand confort visuel.
cartes routières ign : carte nationale i à partir de 4,20 € ; cartes régionales i 5,70 €
chacune; atlas routier touristique i à partir de 9,95 €.
contacts presse ign / Thomas Klimek 0143988591 / [email protected]
IGN MAGAZINE _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ 3
© ign - matis
:: actualités
> Imagerie panoramique à 360° réalisée sur Paris à partir des clichés pris par le véhicule Stéréopolis.
MANIFESTATION
PORTES OUVERTES À L’IGN
/// L’Institut géographique national a ouvert
au public les portes de son site de Saint-Mandé
(Val-de-Marne) le samedi 19 septembre,
dans le cadre des Journées européennes
du patrimoine. Au programme : la découverte
des trésors cartographiques et photographiques
de l’IGN, mais aussi des nouvelles technologies
qui y sont développées. Une sélection
de documents issus de la cartothèque,
qui conserve précieusement 500 000 cartes,
4 _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ IGN MAGAZINE
et de la photothèque nationale, qui archive
quelque 4,5 millions de clichés aériens, a été
présentée aux visiteurs. Plusieurs temps forts
ont suscité l’intérêt du public, comme
les démonstrations d’impressions de cartes
en taille douce sur plaque de cuivre ou la visite
de la galerie des instruments anciens. Côté
innovation, les dernières réalisations — tels
Géoportail, BATI-3D® et Litto3D® — ont permis
de dévoiler les toutes dernières techniques
utilisées par l’IGN en matière d’aménagement
du territoire. Le véhicule Stéréopolis, système
mobile d’acquisition photographique d’objets
urbains, a emporté un vif succès grâce aux
démonstrations réalisées par les ingénieurs
et chercheurs de l’IGN. Avec deux mille visiteurs
motivés et enthousiastes, cette journée restera
dans les mémoires des organisateurs
comme un moment privilégié de contact
avec le public. Une expérience à renouveler.
:: actualités
SALON
/// Annoncé en février 2009 par Jean-Louis Borloo,
alors ministre du Développement durable, le Grenelle
de la mer devait permettre de compléter les engagements
du Grenelle de l’environnement sur les questions relatives
à la mer et au littoral. Dans ce contexte, il était naturel
que l’IGN participe au premier Salon européen du littoral (SEL),
du 6 au 8 octobre à Lorient (Morbihan), destiné aux acteurs
de l’aménagement, des technologies et des services
liés à l’économie du littoral. Ce rendez-vous a donné lieu à de
nombreuses conférences sur des thèmes aussi variés que les
directives européennes, les comportements écoresponsables
ou la gestion de l’espace côtier. Une occasion pour le Shom
et l’IGN de valoriser auprès des professionnels les apports
de Litto3D®, composante de base du référentiel géographique
du littoral, par des exemples concrets d’applications.
CONFÉRENCES
Le pari photogrammétrie
© maxime perrotey - service communication - ville de saint-dié-des-vosges
Côtes de popularité
FESTIVAL
www.ign.fr
L’appel du large
© ign
/// Du 1er au 4 septembre 2009, la Société française
de photogrammétrie et télédétection (SFPT) et l’IGN,
à travers son laboratoire de recherche Matis, ont organisé,
à Paris, deux conférences jumelées pour la Commission III
de l’International Society of Photogrammetry and Remote
Sensing (ISPRS). Ces deux conférences, « Laserscanning »
et « CMRT 2009 » — centrées autour de l’analyse 3D
de scènes satellitaires pour la génération de modèles
de paysages et l’extraction automatique d’objets
cartographiques à partir d’images spatiales, aériennes
ou terrestres — regroupent deux thématiques importantes
pour le futur de l’IGN, dans ses activités de recherche
aussi bien que de production. Cette manifestation préfigure
le symposium 2010 « Photogrammetric Computer Vision
and Image Analysis », qui aura lieu à Paris. Il regroupera
l’ensemble des travaux de la Commission III. Au-delà,
la communauté française et l’IGN espèrent avoir l’opportunité
d’organiser le congrès quadriennal de l’ISPRS en 2016.
i + i laserscanning2009.ign.fr/index.php?proceedings=1
/// L’IGN était présent, du 1er au 4 octobre, au Festival international de géographie
de Saint-Dié-des-Vosges (Vosges), qui fêtait cette année ses vingt ans, sur le thème
« Mers et océans : les géographes prennent le large ». Fidèle au festival depuis
longtemps, l’Institut a proposé d’installer un agrandissement de 48 m2 de la carte littorale
de Brest sur le sol de la gare de Saint-Dié. Cette carte unifie les données cartographiques
de l’IGN et les informations figurant sur les cartes du Service hydrographique
et océanographique de la marine (Shom). Sur le stand IGN, la visualisation de Litto3D®,
modèle numérique continu terre-mer en trois dimensions (réalisé en commun
par l’IGN et le Shom) a retenu toute l’attention du public. Une conférence sur ce thème,
animée par les ingénieurs des deux établissements publics, a permis de débattre
sur le sujet de « la délicate rencontre entre la mer et la terre ». Par ailleurs,
une présentation d’EDUGEO®, service en ligne à vocation pédagogique, a eu lieu
au Salon de la géomatique, parallèlement à des démonstrations d’applications nouvelles
sur Géoportail. L’École nationale des sciences géographiques (ENSG) était aussi présente
pour faire découvrir la richesse de ses filières de formation. De son côté, le Salon du livre
a permis à l’IGN de montrer la pluralité de son offre cartographique.
IGN MAGAZINE _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ 5
© cnes 2006 - distribution : spot image
© bertrand gardel- hemis.fr
:: grand angle
6 _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ IGN MAGAZINE
:: grand angle
IGN FI EN ÉGYPTE
Échanges fertiles
L’autosuffisance alimentaire de l’Égypte
est un défi permanent. Pour le relever,
ce pays mène, depuis les années 1980, des réformes ambitieuses pour moderniser le secteur
agricole. L’information géographique en est un axe fort. Depuis vingt ans, IGN France International
accompagne les décideurs égyptiens dans leurs réflexions sur cette thématique.
www.ign.fr
IGN MAGAZINE _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ 7
:: grand angle
EN CHIFFRES
> L’agriculture en Égypte
u’elles soient « terres anciennes »
— les « terres noires », riches de
limon dans la vallée du Nil et du delta
— ou « terres nouvelles » — les « terres
jaunes » du désert, bonifiées dès les années 1950
—, elles nourrissent quelque quatre-vingts millions d’Égyptiens. En 2050, ceux-ci devraient
être deux fois plus nombreux. C’est dire si la
longue oasis alimentée par le fleuve, d’Assouan
à la Méditerranée, mais aussi celles qui ont été
créées par les hommes, sont un enjeu vital pour
le pays. Aux menaces millénaires de désertification s’ajoutent aujourd’hui une urbanisation accélérée et, déjà, les premiers effets du réchauffement climatique. Il s’agit donc pour les autorités
d’affiner leur connaissance des ressources agricoles, de les protéger, d’en améliorer le rendement et d’en maîtriser les évolutions.
Le gouvernement du président Mohammed Hosni
Moubarak entreprend dès 1987 une grande
réforme du secteur agricole. Si la production de
coton, par ailleurs soumise à une forte concurrence, en pâtit, l’autosuffisance du pays en blé,
en maïs et en riz est rapidement assurée. Au
même moment, Spot Image révèle le potentiel
et l’accessibilité des données satellites. IGN France
International propose alors de lancer, grâce aux
financements de la coopération française, un
premier programme : Agricultural Land Information System (Alis). Développé à l’époque pour
> Dans le désert égyptien, sept oasis apportent leur contribution à l’agriculture du pays. Al-Dakhla est la plus grande.
le Soil and Water Research Institute (SWRI), département de l’Agricultural Research Center (ARC)
du ministère égyptien de l’Agriculture et de la
Bonification des terres, aujourd’hui devenu SWERI
(avec ajout du E pour Environnement), il s’agit
d’un premier système d’information sur les parcelles agricoles et appliqué à l’ensemble du delta
et de la vallée du Nil.
Abdallah Shafie, ex-directeur des affaires européennes au ministère de l’Agriculture égyptien
et codirecteur du bureau de liaison agricole francoégyptien (Blafe), aujourd’hui représentant d’IGN
France International au Caire, se souvient du premier projet : « C’était en 1990, j’étais venu à Paris
en vue d’un projet exploitant les données de Spot
Image. À cette époque, notre institut géographique national, créé il y a près d’un siècle, poursuivait des activités cartographiques, mais avec
des moyens limités. Nous manquions de savoirfaire. Il faut se souvenir du contexte : on sortait
© ign
Q
• 5 à 7 : en pourcentage de la superficie
du pays, la proportion des « terres noires »
dans la vallée du Nil et du delta.
• 1 : rang mondial occupé par l’Égypte
pour la production de lin. Elle est aussi le 5e pays
producteur d’ânes, le 10e d’oranges, d’olives
et de sorgho, et le 11e de coton.
© bertrand rieger - hemis.f
• 95 : pourcentage de terres cultivées
par des agriculteurs exploitant 1 feddan (environ
0,4 hectare). Seulement 5 % des terres arables
appartiennent à de grands propriétaires.
• 94 : pourcentage de terres désertiques.
• 15 : pourcentage du PIB réalisé par l’agriculture,
après les services (47,5 %) et l’industrie (37,5 %).
de philae à karnak
l’ign est depuis longtemps présent en égypte. exemples.
> Relevé photogrammétrique du temple nubien
d’Abou-Simbel réalisé par l’IGN pour l’Unesco.
8 _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ IGN MAGAZINE
/// Philae : pour sauver
les temples de Philae
(IVe siècle avant J.-C.),
menacés d’engloutissement
par la construction du haut
barrage d’Assouan au début
des années 1970, il fut
décidé de les transférer
et de les reconstruire sur l’île
d’Aguilkia, à 300 mètres au nord
de leur emplacement d’origine.
L’IGN participa activement
à ce sauvetage en réalisant
le cadastre photogrammétrique
du site, exécutant environ
600 enregistrements,
soit environ 95 % de toutes
les surfaces des temples.
/// Ramsès II : sa momie
a été restaurée en 1976
à Paris avec le concours
de l’IGN et grâce à sa maîtrise
de la stéréophotogrammétrie.
/// Cartographie : l’IGN
a coopéré, en 1977-1978,
à la réalisation des relevés
des villes du canal de Suez,
du Caire et d’Alexandrie.
/// Karnak : d’avril à mai 2008,
des élèves géomètres
de l’ENSG ont effectué
un stage de photogrammétrie
architecturale à Karnak.
Ils ont réalisé le relevé
photogrammétrique
des épigraphies et hiéroglyphes
des 134 colonnes
de la grande salle hypostyle
du temple d’Amon Rê.
© sweri - ign fi - cap gemini
:: grand angle
DÉCRYPTAGE
> L’ARC en bref
Créé dans les années 1970, et actuellement
présidé par le professeur Ayman Farid Abou
Hadid, l’Agricultural Research Center (ARC)
a pour objectif principal l’amélioration
de la productivité agricole. Tenant compte
de la rareté des ressources naturelles
et de la pression démographique, l’activité
de l’ARC tient une place importante
dans les stratégies nationales agricoles.
© dr
• 16 instituts, 13 laboratoires,
10 unités régionales et 36 unités
de recherche spécifique…
i + i www.arc.sci.eg
> Vue satellitaire de l’emprise urbaine sur les terres d’Assouan en 1998.
TRANSFERT DE TECHNOLOGIE SYSTÉMATIQUE
Le développement durable ne fait pas encore l’ouverture des actualités au cours des années 1980,
mais la politique engagée par l’Égypte à cette
époque s’inscrit déjà dans cette logique. C’est en
effet dans une approche globale du développement agricole que se mettent en place les systèmes d’information géographique, pour aider les
décideurs à agir sur la production, sur la gestion
de l’eau ou sur l’urbanisation. En 1994, grâce au
fonds français de contrepartie de l’aide alimentaire, IGN France International développe le programme Dems (Desert Environmental Mapping
System). Ce système d’information permet la production de relevés de campagne (nature du sol,
hydrologie et géologie) et de cartes d’aide à la
décision pour la remise en culture de terres arides,
à partir d’images spatiales ou aériennes.
En collaboration avec la société de services en ingénierie informatique CAP Sesa, IGN France International installe à cette occasion une unité de carto-
www.ign.fr
graphie au sein du Desert Research Center (DRC),
laboratoire du ministère de l’Agriculture. Il lance
la production de vues 3D, d’un modèle numérique de terrain (MNT), ainsi que d’applications
thématiques sur diverses zones du nord du Sinaï,
de l’est du désert et de certaines oasis de la nouvelle vallée. Comme pour tous les projets francoégyptiens, le transfert de technologie est l’une
des clés de la longévité de cette coopération, selon
Abdallah Shafie : « Nous n’avons jamais considéré IGN France International comme un fournisseur de cartes mais comme une société partenaire au savoir-faire très pointu, savoir-faire
dont nous avons largement bénéficié. »
Effectivement, les programmes menés par des
équipes pluridisciplinaires et mixtes, en majorité au Caire, se succèdent, et les Égyptiens, très
technophiles, accumulent de nouvelles compétences. Éric Broussouloux, directeur régional
d’IGN France International, explique : « Le projet Alis a permis de transférer notre savoirfaire en matière de cartographie de base au
1 : 50 000, et de cartographie thématique au
1:100000 mais a aussi permis la prise en main
d’un SIG permettant de tenir à jour les données agricoles. L’appropriation lors des projets est réelle. On peut citer aussi que l’unité
de cartographie créée au sein du DRC, dans
le cadre du Dems, produit désormais ses propres
cartes. » Le projet Alis a été le début d’une
> Formation sur le terrain dans le cadre du projet Cipa.
© drc - ign fi
de trois guerres, avec les graves problèmes d’organisation et de communication qu’elles avaient
provoqués. Nous avions besoin d’un appui technique pour bâtir un système d’information géographique agricole… Un besoin urgent, car, dans
ces années d’après-guerre, on pouvait acquérir
des terres désertiques à très bas prix pour y cultiver n’importe quoi. »
© drc - ign fi
> Le professeur Ayman Farid Abou Hadid.
> Étude d’un réseau hydrographique dans le cadre
du projet Waresys.
IGN MAGAZINE _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ 9
EN DATES
© cnes 2006 - distribution : spot image
:: grand angle
> Vingt ans de coopération
• 1989 : premières interventions
d’IGN France International en Égypte
(prises de vue aériennes).
• 1991-1992 : Alis (Agricultural
Land Information System), système
d’information foncière centré
sur les parcelles agricoles (IGN FI - SWERI).
• 1994-1995 : Dems (Desert Environmental
Mapping System), SIG d’aide
à la décision pour la remise en culture
de terres arides (IGN FI - DRC).
• 1997-1998 : USIS (Urban encroachment
Survey and Information Systems),
SIG destiné à l’étude et à l’évolution
de l’urbanisation dans le delta
et la vallée du Nil (IGN FI - SWERI).
• 1999-2000 : Western Desert Project,
programme de modernisation des outils
de cartographie dans les zones à forts
enjeux, dont la production de spatiocartes
du désert dans le cadre de l’irrigation
de la vallée de Toshka (IGN FI - ESA).
> Extrait d’une image Spot-5 acquise dans le cadre du projet Alma (IGN FI - SWERI).
• 2003-2004 : Waresys (Water Research
System), définition d’une méthode
associant télédétection et hydrogéologie
pour trouver de l’eau stockée dans
les aquifères en plein désert (IGN FI - DRC).
série de programmes recourant à de nouvelles technologies, comme la télédétection,
pour commencer l’étude de l’urbanisation dans
la vallée et le delta.
• 2005-2007 : Alma (Arable Land Monitoring
and Assessment), pour le suivi de l’évolution
de la surface de terres arables dans le delta
et la vallée du Nil sur une période de vingt ans.
• 2007 : Water Jacinth Project
(voir encadré page 12).
© ign fi
• 2008-2010 : Cipa (Comprehensive
Investigation on Productivity of Agriculture
in the Nile Valley and the Delta),
cartographie de statistiques fiables
des productions de blé, de coton,
de produits maraîchers, etc. (IGN FI- OAC).
> Éric Broussouloux, directeur régional
pour l’Afrique de l’Ouest, le Moyen-Orient et l’Asie.
i + i [email protected]
10 _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ IGN MAGAZINE
URBANISATION SOUS SURVEILLANCE
Les terres noires ne représentent qu’une part
minime — de 5 à 7 % — du territoire égyptien, sur
laquelle se concentre la majeure partie d’une
population en croissance constante. Devant l’urgence de maîtriser l’urbanisation sur ces précieuses parcelles, le SWERI lance, en 1997, USIS
(Urban encroachment Survey and Information
Systems), système d’information et de surveillance
de l’étalement urbain sur certaines zones de la
vallée du Nil et du delta, conjuguant cartographie, télédétection et la création d’historiques
sur des zones spécifiques.
Dix ans plus tard, Abdallah Shafie en dresse le
bilan : « La menace qui pèse sur les parcelles
agricoles est toujours là. Il faut savoir que
vendre un feddan [0,4 hectare] rapporte sept
fois plus que de le cultiver, et que les modestes
exploitations d’un feddan ne permettent pas
à un fermier de nourrir une famille nombreuse.
Dans les provinces, beaucoup de zones agricoles sont ainsi devenues des villes à cause
des constructions illégales, sans garantie sanitaire, engendrant des risques pour la population mais aussi des pollutions des cultures par
les écoulements des canalisations. La cartographie produite par USIS a permis d’élaborer
des cartes d’occupation des sols et des réglementations pour limiter l’étalement urbain. On
en contrôle la conformité par satellite. Qu’il s’agisse
de constructions ou de cultures illicites, les informations sont transmises au ministère de l’Intérieur, qui peut désormais poursuivre les contrevenants sur la base d’éléments tangibles. »
Autosuffisance alimentaire, aménagement du territoire, santé publique, sécurité sanitaire des aliments, sécurité civile… autant de politiques pour
lesquelles les Systèmes d’information géographique
(SIG) apportent des informations stratégiques. L’accès et le partage de ces informations, à la fois quantitatives et qualitatives, grâce au SIG développé
par IGN France International, sont l’un des facteurs
du succès de cette coopération, explique Amine
Abaza, ministre égyptien de l’Agriculture :
« Les systèmes d’information géographique ont
aidé à évaluer la perte des terres fertiles. Ces
informations ont été partagées avec d’autres
ministères, à commencer par celles relatives à
l’irrigation, et se sont finalement révélées utiles
à tous. D’autant que les programmes conduits
avec IGN France International sont d’une grande
diversité : cartographie du désert, étude diachronique de la progression de l’urbanisation par rapport aux terres arables, inventaire des sources
d’eau, inventaires agricoles, etc. »
RECHERCHE DE NOUVELLES TERRES ARABLES
L’équilibre entre les anciennes terres perdues par
l’urbanisation et celles qui ont été gagnées sur le
désert demeure crucial. C’est l’objet du programme
Western Desert, mené entre 1999 et 2002 en collaboration avec l’Egyptian Survey Authority pour
la modernisation des outils de cartographie dans
© hemis.fr
:: grand angle
le programme cipa
étude des surfaces agricoles et de la production de certaines cultures
MESURER LES CHANGEMENTS
Une fois les progrès réalisés en matière d’irrigation, reste à affiner la connaissance de l’utilisation des terres cultivables. C’est l’objectif d’Alma
(Arable Land Monitoring and Assessment), programme lancé en 2005 avec le SWERI sur fonds
français et européens. Pour mesurer l’évolution
de la surface de terres arables dans le delta et la
vallée du Nil sur une période de vingt ans, IGN
France International a choisi de s’appuyer
www.ign.fr
© cnes 2005-2006 - ign fi
les zones à forts enjeux, qui a commencé par
la production de spatiocartes du désert dans
le cadre de l’irrigation de la vallée de Toshka
(« nouvelle vallée »).
Il a été prolongé par le programme Waresys (Water
Research System) en 2003 avec le DRC. Associant système d’information géographique et
traitement d’images satellite, ce projet vise à optimiser la méthode traditionnelle d’investigation
des hydrogéologues qui parcourent le terrain
pour déterminer les zones les plus favorables au
forage. La nouvelle méthode a été expérimentée sur trois zones de 60x60 kilomètres — dans
le Sinaï, sur les bords de la mer Rouge et dans le
nord près de la frontière israélienne — définies
par les responsables égyptiens en fonction du
potentiel hydrologique mais aussi de leurs besoins.
Elle croise plusieurs types de données : le taux
d’humidité et les traces de végétation révélés
par télédétection, la convergence des thalwegs,
l’affleurement d’aquifères repérés sur les images
et confirmé par les hydrogéologues sur le terrain, puis modélisés au retour en 3D.
Couvrant la période 2009-2010, le programme Comprehensive Investigations of Productivity
Agriculture (Cipa) dans le delta et la vallée du Nil consiste en un suivi des surfaces agricoles,
de plus d’une trentaine de cultures et des rendements de plusieurs d’entre elles. Cipa utilise,
lui aussi, l’approche statistique, dite « méthode Teruti », issue de l’expérience française et européenne
et dont Michel Bertin, expert du ministère français de l’Agriculture, est l’un des concepteurs.
IGN France International a joué un rôle d’ensemblier en fournissant un expert qualité
détaché sur toutes les étapes du protocole opératoire et la totalité des spécialistes (agronomes,
statisticiens, experts SIG…) nécessaires au projet.
Il a également assuré toute la gestion du projet et a, notamment, supervisé
le recrutement des enquêteurs locaux. Menée par une équipe d’ingénieurs agronomes
égyptiens, cette enquête, sous forme de questionnaires très détaillés, a permis d’évaluer
divers thèmes, tels les surfaces agricoles, le rendement du blé et du coton, le phénomène
d’urbanisation, la contamination des canaux par la jacinthe d’eau…
Il a, enfin, fourni une assistance technique permanente et a veillé à l’appropriation
par les Égyptiens de la méthode mise en place. Le projet a donné lieu à l’édition d’un livret
d’instruction détaillant l’ensemble de la méthode, en trois langues (arabe, français et anglais).
> Cipa, né de la volonté d’Ayman Farid Abou Hadid, président de l’ARC, et d’Amine Abaza, ministre de l’Agriculture, permet
de faire l’inventaire de certaines cultures de la vallée du Nil et du delta et d’évaluer leurs superficies et leurs rendements.
IGN MAGAZINE _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ 11
fleur du mal
une prolifération à enrayer
> Image satellitaire Spot-5 acquise dans le cadre du projet Alma.
sur la méthode statistique du ministère français de l’Agriculture, dite « Teruti » (pour « utilisation du territoire »). Cette méthode, adoptée
par l’Union européenne sous le nom de TerutiLucas (Land Use Cover Area Frame Statistical Survey), repose sur une approche statistique. En
France, elle permet chaque année, grâce à l’observation directe par des enquêteurs de plus de
550000 points repérés avec précision (ramenée,
depuis 2004, à 150000 points), de connaître l’occupation de l’ensemble du territoire français tant
sur le plan physique (céréales, routes, bâti) que
fonctionnel (agriculture, réseau routier, habitat).
© christian lévêque - ird
La légende raconte que la jacinthe d’eau
est arrivée dans les bagages du roi d’Égypte
de retour du Japon, au début du XXe siècle.
Ce cadeau de l’empereur s’est rapidement
révélé empoisonné car cette plante
ornementale (Eichhornia crassipes)
a rapidement envahi les cours d’eau.
Aujourd’hui, elle forme d’épais tapis
végétaux asphyxiant les profondeurs du Nil
et obstruant les canaux d’irrigation. Les suivis
assurés dans le cadre des programmes Alma
et Cipa permettent de constater
que sa prolifération touche aujourd’hui 5 %
des rivières, lacs et canaux d’Égypte.
Après l’échec des barges et des produits
chimiques, le ministère de l’Agriculture
a expérimenté la lutte biologique sur quatre
grands lacs au nord du delta avec un charançon
importé de Colombie, dont la larve se nourrit
des feuilles de la jacinthe d’eau.
IGN France International a réalisé
une étude d’impact de la lutte biologique par
télédétection à partir d’images Spot 5 de 2005
et 2008 sur deux étendues d’eau. Elle révèle
une baisse de 21 % de la prolifération sur le lac
d’al-Manzana et de 37 % sur celui d’al-Borollos.
© cnes 2005 - distribution : spot image
la jacinthe d’eau,
© hemis.fr
:: grand angle
12 _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ IGN MAGAZINE
ADAPTABLE À D’AUTRES DOMAINES
« L’adaptation de cette méthode à la problématique égyptienne s’est réalisée avec l’expertise de son concepteur, Michel Bertin, se
félicite Gabriel Jaffrain, écologue géographe
et chef de projet au sein d’IGN France International. À partir des cartes cadastrales de
1995, des images Spot 5 de 2005 à 2,5 mètres
de résolution (orthorectifiées par l’IGN) et
des enquêtes de terrain, l’étude sur plus de
78 000 points a permis de déterminer des
flux : pourcentage d’extension urbaine et
d’accroissement des terres agricoles sur le
désert, part de conversion des marais en
fermes piscicoles (perche du Nil) dans la zone
nord du delta, etc. »
Une efficacité qui a conduit à appliquer la même
méthode à l’évaluation des productions agricoles. L’un des enjeux est la régulation du prix
du blé, véritable facteur de paix sociale. Dans
cet esprit, Gabriel Jaffrain souligne : « Seules des
statistiques fiables des productions de blé, mais
aussi de produits maraîchers, permettent de prévoir les besoins en produits d’importations. »
En 2009, pour corriger les approximations fondées
sur le déclaratif des agriculteurs, le programme
Cipa (Comprehensive Investigation on Productivity
of Agriculture in the Nile Valley and the Delta), réalisé sur fonds européens pour le Central Laboratory for Agricultural Climate, reprend la méthode
du programme Alma sur environ 25 000 points.
Cent vingt enquêteurs équipés de GPS se rendent
sur le terrain quatre fois par an et remplissent un
questionnaire très détaillé, précisant les superficies et les rendements de certaines cultures.
« Cette méthode totalement transparente a la
caution d’un expert international du ministère
français de l’Agriculture », souligne Amine Abaza,
qui y voit les prémices de nouvelles applications :
L’union des producteurs agricoles est intéressée
par des informations précises sur des aires de culture de produits spécifiques, telles les fèves, ou
pour détecter les maladies causées par les insectes
à certains arbres fruitiers. Les autorités de pêche
sont également intéressées par ce type de bases
de données sur la situation des lacs, des lagons,
des canaux, à l’exemple des données que nous
avons déjà collectées sur la jacinthe d’eau (voir
encadré ci-contre). » D’autres secteurs sont aussi
en attente, en particulier les dispositifs d’alerte de
phénomènes liés au réchauffement climatique –
hausse du niveau de la mer et évaluation de la salinité des eaux du delta –, qui sont au cœur des préI
occupations du gouvernement égyptien.
:: grand angle
DÉCRYPTAGE
> Le Nil en bref
© hemis.fr
• longueur : 6670 kilomètres depuis sa source
principale, la rivière Ruvyironza (Burundi),
jusqu’à son delta sur la mer Méditerranée.
• débit : le rendement du Nil varie d’une année
à l’autre. Le plus bas débit annuel enregistré
a été de 42 milliards de mètres cubes, le plus
haut s’est élevé à presque 150 milliards
de mètres cubes. Son rendement annuel moyen
au XXe siècle a été proche de 84 milliards
de mètres cubes, à Assouan (Égypte).
> Le Nil à Louxor.
• IGN Mag. : Quel est l’apport de l’information géographique dans votre
politique de modernisation du secteur
agricole ?
• A. A. : Notre priorité est de développer les nouvelles technologies pour éclairer les décideurs grâce
aux systèmes d’information et aux données statistiques. Déjà, les cartes de classification des terres
ou l’utilisation de la télédétection ont permis d’améliorer l’utilisation de nos ressources naturelles. Parmi
les nombreux projets à développer, le programme
On Farm Water Management va, dès 2010, participer à une meilleure gestion locale de l’eau et à une
meilleure efficacité de l’irrigation en Égypte. Le SIG
va y contribuer à tous les stades du programme :
calcul des besoins en eau par télédétection, estima-
www.ign.fr
• IGN Mag. : De quels enseignements
de l’expérience égyptienne les pays
de la zone Méditerranée pourraientils tirer parti ?
• A. A. : Les projets menés en coopération avec
IGN France International, le Centre de recherche
du désert (DRC) et le Soil, Water and Environment Research Institute (SWERI) en matière d’hydrogéologie comme d’information géographique
agricole peuvent évidemment être très utiles
pour les pays qui ont les mêmes problématiques
dans les domaines de l’agriculture et de la pisciculture. Il faut souligner que le centre de recherche
en agriculture de mon ministère, tablant sur cette
expérience, peut jouer un rôle actif dans l’Union
pour la Méditerranée créée sur l’initiative du président Sarkozy. Nous proposons ainsi de créer
un réseau entre pays méditerranéens pour l’information géographique au service de problématiques communes : la lutte contre les insectes
ravageurs comme la sauterelle du désert (locuste)
ou la mouche méditerranéenne des fruits (cératite), le contrôle maritime pour combattre la
pêche illégale en Méditerranée, les mesures
I
contre la désertification…
© ign
la productivité de notre agriculture — des produits
céréaliers, mais aussi des fruits, des produits maraîchers et de l’élevage — et d’en soutenir la compétitivité sur les marchés locaux et internationaux.
Cette politique s’inscrit dans une logique de développement durable, soucieuse de rationaliser l’usage
de l’eau et des terres comme d’améliorer la qualité
de vie des Égyptiens. Nous visons aussi de hauts
niveaux de sécurité alimentaire et l’amélioration
des conditions de vie dans les zones rurales.
> Carte IGN des pays bordant la mer Rouge,
dont l’Égypte.
© ign fi
• IGN Magazine : Quels sont les grands
objectifs de ce plan pour 2009-2030 ?
• Amine Abaza : Notre objectif est d’améliorer
tion de la longueur totale des mesqa, marwa
[canaux] et drains, information des fermiers
comme des managers régionaux sur l’irrigation…
jusqu’à l’évaluation de l’efficience du programme.
À terme, les SIG permettront de définir les plans
stratégiques pour une meilleure localisation des
productions en fonction de la pénurie d’eau sous
l’effet du changement climatique, de surveiller
l’élévation du niveau de la Méditerranée et la vulnérabilité du delta du Nil, et de développer des
systèmes de gestion du risque de catastrophes.
© ign fi
SAVOIR POUR MIEUX GÉRER
Amine Abaza, ministre égyptien
de l’Agriculture et de la Bonification des terres, explique les enjeux
du plan stratégique pour l’agriculture et l’apport de l’information géographique dans ce cadre.
• bassin hydrographique : il couvre
3,4 millions de kilomètres carrés, soit près
de 10 % de la superficie de l’Afrique. Dix pays
le bordent (Burundi, République démocratique
du Congo, Égypte, Érythrée, Éthiopie, Kenya,
Ouganda, Rwanda, Soudan et Tanzanie).
Sur plus de 330 millions de personnes
vivant dans ces États riverains, 160 millions
sont installées dans son bassin versant.
> Carte satellitaire d’El-Bouhyra permettant
une approche statistique des changements
d’occupation des sols entre 1985 et 2006.
IGN MAGAZINE _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ 13
:: grand angle
DÉCRYPTAGE
• mission : fondé en 1986, IGN France
International est une société d’ingénierie
géographique privée, destinée à développer
et promouvoir le savoir-faire de l’Institut
géographique national à l’exportation.
© ign
> IGN FI en bref
• actionnaires : IGN, EADS Astrium,
Environmental Systems Research
Institute Inc. (ESRI, États-Unis et France)
et le Centro nacional de información
geográfica (CNIG, Espagne).
> Travaux de surélévation du temple nubien d’Abou-Simbel au milieu des années 1960, avec l’aide de l’IGN.
UNE COOPÉRATION HISTORIQUE
© dr
• chiffres clés : 2 millions d’euros de capital,
15 millions d’euros de chiffre d’affaires moyen
par an, une centaine de projets menés à bien,
une présence dans plus de cinquante pays.
Directeur de l’Afrique du Nord
et du Moyen-Orient au ministère des Affaires étrangères
de 2006 à 2008, Jean FélixPaganon a été nommé ambassadeur d’Égypte en août 2008.
© olivier ouisse
• IGN Magazine : Comment évolue l’aide
que la France apporte à l’Égypte dans
le cadre de la coopération technique?
• Jean Félix-Paganon : Cette coopération est
> Station de pompage et canal d’irrigation
© bertrand rieger - hemis.fr
sur le barrage d’Assouan.
> Le temple d’Assouan.
historique. La France et l’Égypte jouissent d’une
relation politique excellente, expliquant en partie
l’importance de notre coopération : l’Égypte est
l’un des pays prioritaires pour l’aide bilatérale. Près
de trois milliards d’euros de financements concessionnels ont été mis en place par le ministère des
Finances français en un peu plus de trente ans pour
accompagner l’Égypte dans la réalisation de projets structurants, principalement les infrastructures et services (eau, transports urbains, aviation…). Les entreprises françaises comme IGN
France International y ont participé : il faut se féliciter de l’excellent transfert de savoir-faire au bénéfice de leurs partenaires égyptiens. Puis, le Premier ministre français a indiqué que les objectifs
d’engagement de l’Agence française de développement (AFD) seraient de 150 millions d’euros par
an ces trois prochaines années. L’AFD devient l’un
des acteurs majeurs de projets de développement
en Égypte. Enfin, la coopération est dynamisée par
l’initiative d’Union pour la Méditerranée, qu’Égypte
et France coprésident depuis juillet 2008.
© hemis.fr
• IGN Mag. : Quels sont les projets
financés par l’aide bilatérale?
• J. F.-P. : Son objectif est avant tout d’accompa-
> Le Caire, capitale de l’Égypte.
14 _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ IGN MAGAZINE
gner les autorités égyptiennes dans la mise en
œuvre des priorités de développement qu’elles
ont définies. Aucune action de coopération ne
peut avoir lieu sans demande formelle de leur part.
Les secteurs en bénéficiant varient selon les années
et les priorités du gouvernement égyptien. Notre
coopération a donc porté sur des sujets variés:
agriculture, avec d’importants moyens mis en place
dans le cadre d’un bureau de liaison agricole francoégyptien, eau et assainissement, transports urbains
et ferroviaires, aviation civile, santé… Les entreprises
comme IGN France International ont vocation à participer pleinement à ces projets structurants, notamment lorsqu’ils sont réalisés sur financement bilatéral. Le transfert de savoir-faire et la pertinence de
l’expertise des entreprises françaises ont sûrement
été les clés de réussite de ces projets.
• IGN Mag. : 2010 sera l’année francoégyptienne de la science et de la technologie. Quels en seront les messages?
• J. F.-P. : En accord avec nos partenaires égyptiens,
cinq grands thèmes prioritaires ont été retenus, dont
les technologies de l’information et de la communication et le développement durable, incluant agronomie, agroalimentaire, énergies nouvelles, environnement, changement climatique… Le président
Moubarak a aussi annoncé que 2007-2016 serait la
décennie de la science et de la technologie en Égypte.
Ce pays se tourne de plus en plus vers les nouvelles
technologies, comme le montre la création de Smart
Village. La France peut contribuer au développement
scientifique et technologique de l’Égypte en apportant expertise, technologie et savoir-faire.
• IGN Mag. : Et où en est l’idée de réunir
des décideurs du pourtour méditerranéen ayant les mêmes problématiques?
• J. F.-P. : Il est évident que les activités d’IGN France
International, qui couvrent des domaines aussi importants pour le développement et utilisent des technologies de pointe, entrent bien dans le cadre des priorités de l’année. Ces vingt ans d’expérience en Égypte
méritent d’être valorisés et présentés aux décideurs
de la région, qui seraient intéressés par une coopération de ce type. Nous encourageons IGN France
International à présenter son expertise aux pays de
la région susceptibles d’avoir les mêmes problématiques agricoles. En tout cas, félicitations à IGN France
International et à ses partenaires égyptiens pour ces
I
vingt ans de coopération et de réussite!
:: solutions
L’IGN VOUS
RÉPOND
© ign
GÉOPORTAIL
CARTOGRAPHIE
• Comment transmettre à l’IGN
une demande de mise à jour de carte?
Depuis le 1er janvier 2005, l’Institut géographique
national a mis un service à la disposition
des professionnels et des particuliers. Si vous
constatez une anomalie sur une carte de l’IGN,
vous pouvez en informer ce service à l’adresse e-mail
[email protected] ou en écrivant à l’IGN (Service
client, 73, avenue de Paris, 94165 Saint-Mandé cedex).
Les corrections les plus fréquemment demandées
concernent l’altimétrie, les chemins de grande
randonnée ou bien la toponymie. En formulant
votre remarque explicitement et en l’accompagnant
d’un extrait de carte, éventuellement issu de Géoportail
(www.geoportail.fr), vous renseignerez précisément
le service cartographique chargé de la mise à jour
de la carte pour la région considérée. Dans un délai
d’un mois maximum, vous recevrez une réponse
personnalisée de la part du service client vous informant
des suites données à votre requête et des délais
de prise en compte sur la nouvelle version de la carte.
D’année en année, l’IGN améliore en parallèle
le rythme de mise à jour de ses produits cartographiques.
L’âge moyen des fonds au 1 : 25 000, par exemple,
est passé de 7,9 ans en 2006 à 6,5 ans en 2008.
• Comment se fait
© ign
la géolocalisation par adresse
sur Géoportail et quelles sont
les données sources ?
La recherche d’une position géographique à partir
d’une adresse littérale est effectuée par une requête sur
la composante adresse (BD ADRESSE®) du Référentiel
à grande échelle (RGE). Actuellement, Géoportail utilise
les bornes adresses à chaque carrefour pour localiser,
par interpolation, l’adresse recherchée. À terme,
la géolocalisation se fera directement sur la parcelle
et apportera donc une précision accrue dans
le positionnement. Récemment finalisée, la BD ADRESSE®
a pu être réalisée grâce au croisement de nombreuses
données émanant de l’IGN et de partenaires comme
la direction générale des finances publiques (DGFiP),
La Poste et les services départementaux d’incendie
et de secours (SDIS). Ces données adresses
partenariales permettent ainsi à l’IGN de constituer
une base nationale de données adresses contenant
des informations fiables, pertinentes et actualisées.
POSEZ VOS QUESTIONS
• Sur le site Internet de l’IGN, www.ign.fr, des professionnels
de l’Institut apportent des réponses claires et détaillées qui feront l’objet,
pour certaines, d’une publication dans IGN Magazine.
i + i www.ign.fr
www.ign.fr
IGN MAGAZINE _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ 15
GÉOPORTAIL, UN
OUTIL FEDERATEUR
Réunissant depuis cet été des informations géologiques et maritimes en complément
des cartes et photographies de l’IGN, Géoportail s’affirme aujourd’hui comme
la plate-forme de référence multithématique pour l’information géolocalisée.
G
éoportail a sensiblement enrichi
sa représentation du territoire
national : il ne se contente plus de
décrire la surface du sol, mais permet d’explorer le sous-sol et s’étend vers la
mer. Les cartes géologiques, réalisées et diffusées par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) localisent ainsi les
différents types de roches en France. Géoportail permet désormais de les représenter
DÉCRYPTAGE
> En savoir plus
i + i www.geoportail.fr i + i www.brgm.fr
i + i www.eea.europa.eu i + i www.shom.fr
> Pour réaliser le SCAN Littoral®, les images
numériques (scans) des cartes marines
du Service hydrographique et océanographique
de la marine (Shom) et des cartes terrestres
au 1 : 25 000 de l’IGN ont été assemblées
sur 10 kilomètres de part et d’autre du trait
de côte (limite entre les domaines maritime
et terrestre, définie en commun par les deux
établissements publics). Le SCAN Littoral®, affiché
sur Géoportail depuis juin 2009, n’est pas destiné
à la navigation mais est utile pour la pratique
des activités de loisir (kayak, par exemple) et pour
la sécurité civile (pompiers). Il indique, entre autres,
la profondeur, la nature des fonds, les signaux maritimes
(amers). Il présente aussi, côté terre, la richesse
de l’information topographique et toponymique
contenue dans les cartes au 1 : 25 000 de l’IGN.
16 _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ IGN MAGAZINE
© géoportail
SCAN LITTORAL®
sur un fond cartographique où apparaissent
routes, villes, courbes de niveau…
La carte littorale, constituée de l’assemblage des
cartes marines du Service hydrographique et
océanographique de la marine (Shom) et des
cartes terrestres de l’IGN, offre sur Géoportail
un nouvel outil de référence pour mieux connaître
et comprendre les zones côtières. Cette carte
indique, entre autres, la profondeur et la nature
I
des fonds.
© géoportail
CARTE GÉOLOGIQUE
> Les cartes géologiques du BRGM, disponibles
sur Géoportail depuis juin 2009, permettent
d’identifier et de localiser les différents types
de roches qui affleurent en France métropolitaine.
Ces données thématiques sont présentées
sur des fonds cartographiques IGN où apparaissent
routes, villes, courbes de niveau… Les cartes
géologiques qui s’affichent sur Géoportail sont :
la carte géologique générale au 1 : 1 000 000,
où différentes couleurs renseignent sur la nature
des roches et leur âge ; l'assemblage des cartes
au 1 : 50 000 couvrant la totalité du territoire
métropolitain, où – en plus des représentations
rocheuses en couleur, accompagnées de leur notation
conventionnelle – apparaissent différents symboles
graphiques indiquant les failles, les sondages,
les gisements fossiles, l’inclinaison des couches…
© géoportail
CORINE LAND COVER
www.ign.fr
> La base de données géographiques Corine Land
Cover est produite dans le cadre du programme
européen de Coordination de l’information
sur l’environnement (Corine). Les données,
réalisées à l’initiative du Service de l’observation
et des statistiques (SOeS), permettent d'analyser
l'occupation des sols et son évolution,
leur artificialisation, l’extension des villes,
le suivi des espaces protégés, l’évolution
de la forêt, l’impact des tempêtes… La couche Corine
Land Cover, accessible sur Géoportail depuis
septembre 2009, est un outil de référence pour mesurer
les impacts environnementaux liés aux activités
anthropiques et aux phénomènes naturels
sur le territoire métropolitain.
i + i www.statistiques.equipement.gouv.fr
IGN MAGAZINE _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ 17
:: infos géo
L’AVIS DE CHÂTEAU
Quatre étudiants de l’École nationale des sciences géographiques
se sont lancés dans un travail de longue haleine : recenser le réseau permettant
avril à octobre, le château de
Versailles (Yvelines) est le
théâtre de spectacles qui reposent sur les jeux d’eau des fontaines du parc. Ces représentations consomment de grandes quantités d’eau, accentuées
par des pertes ou l’évaporation. De fait, cela
pose rapidement un problème de limite des
réserves et nécessite la recherche de nouvelles ressources en eau en provenance des
réseaux extérieurs.
Le service des fontaines du château de Versailles s’intéresse ainsi à la mise en place d’un
projet de gestion du réseau assistée par ordinateur. Cet outil lui permettrait de gérer la planification des travaux des fontainiers. Une collaboration autour de ce projet s’est élaborée
entre le service des fontaines, l’École nationale supérieure d’architecture de Versailles, le
conseil général des Yvelines et l’ENSG.
Quatre étudiants du mastère « Management
des systèmes d’information et applications
géographiques » (MSIAG) ont regroupé leurs
compétences pour établir un diagnostic afin
de déterminer les besoins et les moyens à
mettre en œuvre pour tenter de répondre à
ces attentes. Une étude devrait ensuite être
lancée pour la conception du contenu de la
base structurant toutes ces données et opti-
D’
miser la synergie des ressources et des acteurs.
Les élèves de l’ENSG ont ainsi proposé la mise
en place d’un système d’information conforme
aux standards de la directive européenne Inspire pour le partage des données entre établissements publics.
Ce système devrait permettre de visualiser
les fonds cartographiques anciens numérisés et géolocalisés, afin d’en tirer des informations liées au réseau d’eau. Il devrait aussi
servir à cataloguer toutes les références d’objets et offrir une visualisation tenant compte
de leur localisation dans l’espace et le temps.
Il est aussi envisagé de l’utiliser pour préparer les recherches sur le terrain afin de tenter de reconstituer l’histoire du réseau et de
procéder à une analyse historique de son
fonctionnement, et faciliter ainsi l’utilisation
des données collectées sur place.
La reconstitution demandera beaucoup de
temps compte tenu de la superficie couverte
(le réseau s’étend sur trois départements et
deux régions différentes). Mais elle participe
au travail préalable à la connexion des réseaux
hydrauliques extérieurs au château.Elle sera
à mener en parallèle avec la conception et le
développement du futur système d’information géographique du service des fontaines
I
du château de Versailles.
EN CHIFFRES
> Histoire d’eau
• 24 : en hectares, la superficie du Grand Canal, situé
au point le plus bas du parc du château de Versailles.
Long de 1,5 kilomètre, large de 62 mètres
et d’une périphérie totale de 5,5 kilomètres, il constitue
un grand réservoir contenant 295 000 m3 d’eau.
• 30 : en kilomètres, la longueur du réseau actuel
de canalisations, en plomb ou en fonte,
dont 90 % datent de l’époque de Louis XIV.
• 50 : le nombre de fontaines du parc, qui compte aussi
62 bassins et 700 jets.
• 820 : en hectares, la superficie des étangs artificiels
créés pour retenir 8,5 millions de mètres cubes d’eau,
acheminée dans le parc par 40 kilomètres d’aqueducs
souterrains et 170 kilomètres de rigoles.
• 1666 : l’année de l’inauguration des Grandes Eaux,
le 17 avril, après cinq années de travaux.
Elles nécessitent 12 000 m3 d’eau pour fonctionner.
18 _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ IGN MAGAZINE
© jean-marc manaï / château de versailles
aux fontaines du château de Versailles de mieux fonctionner.
> Le bassin de Latone a été aménagé entre 1668 et 1670 par
André Le Nôtre, avant d’être modifié par Jules Hardouin-Mansart.
LATONE
:: infos géo
> Le char d’Apollon est l’œuvre de Jean-Baptiste Tuby.
> Dernier bosquet créé par Le Nôtre, de 1678 à 1682.
GRAND CANAL
APOLLON
SALLE DE BAL
© christian milet / château de versailles
© christian milet / château de versailles
© christian milet / château de versailles
> La plus célèbre pièce d’eau du château, réalisée de 1667 à 1672.
> Minute originale d’état-major de 1819 sur la zone du château (collection cartothèque IGN).
© ign
PLAN
> Le bosquet des Trois Fontaines, dessiné par Louis XIV en personne et aménagé par Le Nôtre en 1677.
© christian milet / château de versailles
TROIS FONTAINES
www.ign.fr
IGN MAGAZINE _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ 19
:: zoom sur…
GÉODÉSIE
Le temps des satellites
L’une des missions
de l’IGN est
la définition de la référence géodésique nationale. L’Institut doit en donner l’accès
par des réseaux qu’il établit, entretient et dont il assure la pérennité.
a nouvelle triangulation de la France
(NTF), système géodésique français élaboré historiquement par mesures terrestres, était entaché de déformations
locales et n’offrait plus la précision et l’homogénéité
nécessaires pour répondre aux besoins actuels de
positionnement. La géodésie devait prendre le virage
technique du spatial. L’ETRS89, nouveau système
européen de référence adapté à la précision du GPS,
est créé en 1989. Se déplaçant avec la plaque Eurasie, il permet d’obtenir des coordonnées quasiment
L
20 _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ IGNMAGAZINE
fixes sur l’Europe, au contraire du système mondial
ITRS (voir IGN Magazine n° 53) dans lequel elles
varient de presque trois centimètres par an. De nombreux pays européens commencent alors à réaliser
l’ETRS89 sur leur territoire. Le RGF93 est la composante française de ce système.
L’établissement du RGF (réseau géodésique français) débute donc en 1989 dans le contexte d’une
vaste campagne d’observations européennes.
Les vingt-trois sites français observés par techniques
spatiales (VLBI, laser, GPS) jusqu’en 1993 consti-
tuent le RRF (réseau de référence français). De 1994
à 1996, l’IGN entreprend une densification du réseau
par l’observation GPS d’un millier de sites géodésiques, qui forment le RBF (réseau de base français).
Les coordonnées de tous ces sites sont publiées en
1997. Suite aux recommandations du CNIG, deux
décrets (2000-1276, 2006-272) déclarent le RGF93
référence nationale légale et obligatoire à partir de
mars 2009. La France prend ainsi de l’avance sur la
législation européenne, dont la directive Inspire préconise l’ETRS89 comme référence pour les échanges
© ign
© ign
:: zoom sur…
de données géoréférencées en Europe. Enfin, les
coordonnées des points de la NTF sont recalculées dans le nouveau système RGF93. Ils constituent le RDF (réseau de détail français) qui, bien
que moins précis (environ dix centimètres) que
le RRF ou le RBF (environ deux centimètres), présente l’avantage de densifier de ses 80000 points
le nouveau réseau.
Mais ces réseaux servent aussi, entre autres, à
l’établissement de cartes et de plans, ce qui nécessite l’utilisation d’une projection. Dans le cadre
de groupes de travail du CNIG, deux projections
sont créées par l’IGN. La première, Lambert-93,
couvre la France entière et permet de représenter de manière continue le territoire métropolitain. La seconde, coniques conformes neuf zones,
minimise les altérations linéaires et permet à
chaque département d’être entièrement couvert
par une zone. Elle est utile pour les mesures graphiques de distance sur les plans à grande échelle.
www.ign.fr
DÉCRYPTAGE
> Géodésie et climat
• les études climatiques et météorologiques
font régulièrement appel aux paramètres
troposphériques calculés toutes
les heures par l’IGN (voir « Météorologie »,
IGN Magazine nos 48 et 51).
• la géodésie spatiale a en effet
besoin de ces données pour corriger
les mesures des effets atmosphériques
qui perturbent la propagation
des ondes entre le satellite et le sol.
• les délais zénithaux calculés
sur le RGP toutes les heures permettent
de connaître le taux d’humidité de l’air
plus rapidement et à moindre coût
que les traditionnels ballons-sondes.
À l’écoute des utilisateurs par l’intermédiaire du
CNIG, l’IGN a développé les outils nécessaires à la
transformation des données géolocalisées, qu’il
s’agisse de données vecteurs ou rasters.
le réseau gnss permanent (rgp)
Jusqu’en 1997, l’IGN matérialisait les réseaux sur le
terrain. Pour accéder à la référence nationale à l’aide
de ces réseaux, l’utilisateur doit se déplacer sur des
bornes géodésiques afin d’effectuer les mesures de
rattachement de ses points à déterminer. Les premières stations GPS permanentes du RGP sont installées en 1998. Les observations continues des stations sont récupérées par des centres opérationnels,
qui en vérifient la qualité, puis, toutes les heures,
mettent à disposition sur Internet les observations
et les produits issus de leurs calculs. L’utilisateur
peut, dès lors, effectuer ses mesures avec son propre
équipement GPS et calculer précisément sa position dans le système de référence nationale,
IGNMAGAZINE _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ 21
© ign
© david ducros - cnes 2005
:: zoom sur…
© cnes
> Vue d’artiste du satellite altimétrique Jason-2.
> Carte de distribution des hauteurs de vagues (de 0,50 à
6 mètres) sur la planète obtenue avec le satellite Jason.
> Station laser ultramobile, en Tasmanie (Australie).
Tir sur le satellite Jason.
22 _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ IGNMAGAZINE
© ign
> Very Long Baseline Interferometry (VLBI), radiotélescope
dirigé vers un quasar.
© thomas abbot / hartebeesthoek radio astronomy observatory
> Mesures effectuées par les géomètres de l’IGN sur une station GPS dans le Beaufortin.
en récupérant les observations des stations
permanentes proches. Le RGP, développé dans
un large partenariat public-public et public-privé,
est constitué à présent d’environ deux cents stations (voir IGN Magazine n° 49), appartenant à
l’IGN (11,6 %), à ses partenaires publics (25,8 %)
ou privés (62,6 %). Il est fédéré par l’IGN afin de
mutualiser les équipements GPS et d’en diffuser
les données sur un portail unique.
En outre, la stabilité des stations du RGP est contrôlée en continu et à distance par les calculs horaires
de leurs coordonnées. Le très grand nombre d’observations des stations du RGP a permis d’améliorer le RGF93 jusqu’à une précision et une compatibilité avec ETRS89 de quelques millimètres.
De nouvelles coordonnées plus précises du RRF
et du RBF sont actuellement calculées et seront
publiées lau premier trimestre 2010. Le RGP suit
l’évolution des constellations satellitaires GNSS
et, dès fin 2009, toutes les stations IGN seront
bisystèmes (GPS-Glonass). Pour Galileo, les stations IGN seront mises à niveau dès 2011 et pourront à nouveau évoluer avec l’arrivée de nouvelles
constellations, comme Compass (Chine).
Dans le cadre du remplacement de leur matériel,
les partenaires du RGP ont entamé la même
démarche. L’avenir du RGP est maintenant tourné
vers le flux continu : les observations pourront être
mises à disposition en temps réel plutôt que sous
la forme d’un fichier contenant une heure d’observations. De nombreuses applications sont déjà
prêtes à utiliser ce nouveau mode de diffusion. Dans
le principe du temps réel, les mesures des stations
servent à calculer des paramètres de correction que
l’utilisateur reçoit automatiquement par Internet,
dans son récepteur GNSS équipé d’une carte de télécommunication. L’utilisateur accède au service sans
devoir se soucier de la situation des stations. Il faut
toutefois noter que, au mieux, la précision de ce mode
est centimétrique (de un à cinq centimètres). En
France, ce service est proposé à titre payant par des
prestataires. Trois d’entre eux — Teria, S@t-Info et
Lel@ (île de la Réunion) — sont des partenaires du
RGP. À ce titre, les observations de leurs stations sont
traitées en continu par l’IGN, qui en assure aussi la
diffusion sur Internet en temps différé.
vers toujours plus de précision
Un nouveau mode de positionnement, dit « PPP »
(positionnement ponctuel précis), donne actuellement de bons résultats. Les orbites et des corrections d’horloge des satellites GNSS sont calculées
précisément grâce aux observations des stations
des réseaux permanents. Ces paramètres sont transmis à l’utilisateur, à la place des observations ellesmêmes. Il peut alors les utiliser afin de calculer sa
position précise en absolu. Cette technique est déjà
utilisée à l’IGN, en temps différé, pour calculer les
trajectoires des avions qui effectuent les prises de
vue aériennes et les mesures lidar embarquées.
Elle pourra accéder au mode « temps réel » dès
que les récepteurs GNSS accepteront ce nouveau
type de données pour réaliser ainsi les calculs
nécessaires. Il est toutefois important de souligner que, quelle que soit la technique de mesure
choisie, et même s’il ne s’en rend pas compte,
l’utilisateur s’appuie toujours sur les données de
stations permanentes.
De prochaines évolutions sont attendues, liées
à l’évolution des GNSS. De plus en plus de satellites seront disponibles simultanément. L’amélioration des horloges atomiques embarquées
permettra de mieux prédire les corrections
d’horloge. Une troisième fréquence prévue sur
tous les systèmes GNSS améliorera grandement le traitement de la propagation du signal
dans l’ionosphère. Toutes ces évolutions laissent envisager un gain de précision et, surtout,
une plus grande rapidité d’obtention de coordonnées dans les années futures. Mais les opinions restent très partagées quant à l’accès prochain à la précision millimétrique en temps réel.
© daniel menet - ign
:: zoom sur…
le niveau des mers
la troisième dimension : l’altitude
www.ign.fr
un réseau d’observation densifié qui confirme la montée des eaux
La géodésie joue un rôle important dans l’étude de la variation du niveau
des mers, liée en particulier au réchauffement de la planète et à des phénomènes
océanologiques bien connus (El Niño). Des satellites (Topex-Poséidon, Jason, Envisat,
CryoSat, Smos…) mesurent la distance qui les sépare de la mer par réflexion d’une onde
sur l’eau ou la glace. Pour en déduire des variations du niveau de la mer, il faut
positionner le plus précisément possible le satellite dans le système de référence
mondial, ce que fait la géodésie spatiale (Doris, Laser-satellite, GNSS).
Par ailleurs, sur les côtes, des marégraphes mesurent le niveau de la mer.
Le couplage avec des stations permanentes GPS permet d’identifier si les variations
sont dues à des mouvements du marégraphe ou à ceux de l’océan.
Ainsi, l’IGN est responsable du marégraphe de Marseille qui, avec une série séculaire
d’enregistrements, met en évidence une hausse du niveau de la Méditerranée d’environ
douze centimètres en un siècle. Enfin, un réseau de nivellement scientifique confirme
la différence de niveau d’environ vingt centimètres entre la Méditerranée et la mer du Nord.
© thales alenia space - obrenovitch yoann, 2007
La géodésie spatiale donne de manière naturelle un positionnement dans l’espace. Mais sa
composante verticale est la hauteur au-dessus
de l’ellipsoïde. Elle ne correspond pas à la notion
physique d’« altitude », qui est associée à l’écoulement de l’eau, donc au champ de pesanteur.
Pour pouvoir convertir des hauteurs ellipsoïdales en altitude, une grille de conversion (RAF98)
a été élaborée à partir du quasi-géoïde gravimétrique QGF98. La précision de cette grille est
— à 95 % — de 3centimètres. Une nouvelle grille
de conversion (RAF09), compatible avec les nouvelles hauteurs ellipsoïdales du RBF et plus précise encore, sera disponible à la fin de cette année.
Le positionnement GNSS et la grille de conversion répondent donc bien aux applications qui
ont besoin d’une précision verticale centimétrique (de 1 à 5 centimètres). Mais la technique
la plus adaptée à la précision millimétrique
(également la plus productive) reste le nivellement direct, utilisant niveaux, mires et un
réseau de repères afin d’accéder à la référence
verticale. L’IGN s’est adapté aux nouvelles technologies (nivellement motorisé et assisté par
GPS) pour réaliser l’entretien du réseau de
nivellement national.
Il a également créé une nouvelle stratégie d’entretien : les triplets. Une enquête réalisée en
1998 auprès des utilisateurs a révélé que le
réseau était insuffisamment mis à jour et n’était
pas assez homogène. Depuis 2000, l’IGN entretient donc des triplets : des ensembles d’au
moins trois repères de nivellement situés à
moins d’un kilomètre les uns des autres sont
répartis dans les zones habitées de l’ensemble
du territoire, de façon à ce que tout utilisateur
soit à moins de cinq kilomètres du plus proche
triplet. Les zones dépourvues de triplet ont été
comblées de 2001 à 2008 par une technique
combinant GPS et nivellement. Aujourd’hui, toute
la France est couverte par 13 200 triplets.
> Marégraphe de Marseille (en haut). Tests effectués sur l’antenne Doris du satellite d’observation
altimétrique des océans Jason-2, avant sa mise sur orbite en juin 2008 (ci-dessus).
IGNMAGAZINE _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ 23
DÉCRYPTAGE
> Glossaire
© cnes - esa - arianespace/csg service optique, 2002
:: zoom sur…
• cnig : Conseil national de l'information
géographique, aide de l’État français sur les
questions touchant à l'information géographique.
• etrs89 : European Terrestrial Reference System 89
(système de référence terrestre européen).
• ggsp : Galileo Geodetic Service Provider
(géopositionnement par satellite Galileo).
• gnss : Global Navigation Satellite System
(système global de navigation par satellite),
ensemble des systèmes de positionnement (GPS
américain, Glonass russe, Galileo européen…).
• gtrf : Galileo Terrestrial Reference Frame
(repère de référence terrestre de Galileo).
• itrs : International Terrestrial Reference System
(système international de référence terrestre).
• niref : nivellement de référence.
• ntf : nouvelle triangulation française.
• ppp : positionnement ponctuel précis.
• qgf98 : quasi-géoïde français.
• rbf : réseau de base français.
• rdf : réseau de détail français.
• rgf93 : réseau géodésique français.
> Pose d’Envisat sur le lanceur Ariane-511. Ce satellite est destiné à accroître le potentiel européen dans
le domaine de l'observation de la Terre.
• rgp : réseau GPS permanent.
• rrf : réseau de référence français.
© cnes - cls
• vlbi : Very Long Baseline Interferometry
(interférométrie à très longue base).
> Représentation à partir de données satellite
© ign
du phénomène El Niño.
> Balise Doris.
24 _ n° 56 _ novembre.décembre.09 _ IGN MAGAZINE
L’entretien de ce réseau a commencé en
2008 : il consiste à vérifier la stabilité des repères
de chaque triplet les uns par rapport aux autres
avec un nivellement de précision et, à l’aide de
GPS et du RGP, à mettre en place une surveillance
de la stabilité absolue du triplet. À partir de 2009,
1 100 triplets par an seront entretenus, avec une
périodicité de douze ans. En outre, l’IGN participe à la définition et à la réalisation du système
vertical européen EVRS (European Vertical Reference System), en particulier avec son réseau de
nivellement de référence (Niref) et ses nouveaux
calculs du réseau de premier ordre ancien.
les services internationaux
Mais, au-delà de la dimension européenne, les
activités de la géodésie s’inscrivent toujours et
par nature dans un contexte mondial. L’IAG (International Association of Geodesy) a coordonné la
mise en place de nombreux services faisant appel
à la collaboration entre les acteurs des réseaux
permanents de toute la planète. L’IGN y contribue, comme nombre de ses homologues étrangers, en particulier sur l’IGS (International GNSS
Service) et l’IDS (International Doris Service).
L’IGS collecte les observations d’environ trois
cents stations GNSS de divers organismes (dont
une dizaine du RGP), les met à disposition sur
Internet et diffuse les produits issus des calculs
de ses sept centres d’analyse (éphémérides,
horloges, paramètres atmosphériques). Depuis que
ce service est entré en fonctionnement, en 1994,
l’IGN est responsable d’un de ses quatre centres
mondiaux de données. À partir de 2010, il sera aussi
chargé de la combinaison mondiale des jeux de
coordonnées fournis par les centres d’analyse.
L’IGN est également centre de données et de calcul de l’IDS. Il s’agit d’un service basé sur un système spécifique : Doris (« détermination d’orbite
et radiopositionnement intégré par satellite »).
Développé par le Centre national d'études spatiales (Cnes), il est constitué de balises émettrices
situées au sol et de récepteurs embarqués dans
les satellites. Il équipe notamment les satellites
altimétriques qui étudient les variations du niveau
des océans. Comme partenaire du Cnes, l’IGN a
installé depuis 1990 un réseau de soixante stations Doris et en assure la rénovation.
Le rôle de l’IGN, outre le fonctionnement du RGP
et l’entretien du RGF, est de préparer l’avenir. Les dix
prochaines années sont entièrement liées à l’évolution du système européen, et l’IGN doit s’investir toujours davantage dans les services internationaux. Après sa participation à un consortium
européen sur le projet GGSP (Galileo Geodetic Service Provider), l’IGN va probablement être, dès
2010, le centre de combinaison du GTRF (Galileo
Terrestrial Reference Frame) et devrait produire,
chaque semaine, un jeu de coordonnées pour les
I
trente stations de contrôle.
© ign
© david ducros - cnes 1998
:: zoom sur…
© ign
> Représentation d’un système de référence géodésique
avec le centre de gravité de la Terre pour origine.
> Vue d’artiste du principe de l’altimétrie satellitaire.
PRÉCISIONS SUR LA GÉODÉSIE
L
• IGN Magazine : D’où le mot « géodésie »
vient-il ?
• Françoise Duquenne : Il est d’origine grecque
et désigne la science et les techniques d’étude de
la forme et des dimensions de la Terre. Le mot
« géométrie » aurait sans doute été plus adapté
à la discipline, mais il avait déjà une autre signification en mathématiques. Les premiers géodésiens ont d’ailleurs été Pythagore et Thalès, que
l’on connaît en général plutôt pour leurs théorèmes. Seul le terme de « géomètre » est resté
pour désigner un opérateur de terrain.
• IGN Mag. : Comment le problème de
la forme de la Terre se pose-t-il ?
• F. D. : Lorsqu’on supprime les reliefs de la surface topographique, on obtient une surface irrégulière qui correspond au niveau moyen des mers :
le géoïde. Sa forme est proche d’une sphère aplatie aux pôles. Dès le XVIIIe siècle, il a été assimilé
à un ellipsoïde de révolution, modèle mathématique qui facilite les calculs de coordonnées à partir des observations. Mais ses dimensions ont été
déterminées par des mesures sur la surface topographique qui, bien sûr, ont donné des résultats
bien différents selon les endroits. De nombreux
ellipsoïdes existent donc à présent, mais le modèle
international GRS80, défini à partir du champ de
pesanteur, tend à devenir le standard. Très tôt,
les géodésiens ont étudié divers algorithmes de
projection de l’ellipsoïde pour représenter la Terre
selon un plan. Mais, comme toutes les projections
www.ign.fr
induisent des déformations, elles se sont également multipliées selon les besoins.
• IGN Mag. : Qu’est-ce qu’un système
de référence géodésique ?
• F. D. : Il s’agit généralement d’un repère
dont l’origine est au centre de gravité de la
Terre. L’axe OZ est l’axe des pôles, le plan XOY
l’équateur et le plan XOZ le méridien origine.
Mathématiquement simple, cette notion est
difficile à réaliser en pratique : les axes ne sont
bien sûr pas directement observables, et l’axe
des pôles n’est pas fixe par rapport à la Terre.
Des observations permettent de calculer des
coordonnées de points géodésiques qui définissent alors conventionnellement le repère
et grâce auxquels l’utilisateur peut se positionner par rattachement. L’ancien système
de référence géodésique français, la nouvelle
triangulation de la France (NTF), a été réalisé
par des observations terrestres (angles, distances) et astronomiques. Par définition, l’origine de ce genre de système de référence est
décalée de plusieurs centaines de mètres du
centre de gravité de la Terre, alors que celle
du système de référence terrestre international (ITRS) en est beaucoup plus proche
(quelques millimètres).
> Station GPS intégrée au réseau GPS permanent
(RGP) sur le site de Brest.
© esa - stéphane corvaja , 2009
a géodésie est un domaine méconnu.
Françoise Duquenne, chef du service
géodésie et nivellement à l’IGN, en précise
certaines notions.
• IGN Mag. : Quel est le rôle de l’IGN
en matière de géodésie ?
• F. D. : Outre sa mission nationale, l’IGN a
joué ces vingt dernières années un rôle important au plan mondial et européen. Il a participé à la définition de l’ITRS et à ses différentes
réalisations (voir article « Repère mondial »,
I
IGN Magazine n° 53).
> Le satellite CryoSat-2, destiné à étudier l’évolution
des glaces polaires.
IGN MAGAZINE _ n° 56 _ novembre.décembre.09 _ 25
SON PARCOURS
1961 : naissance le 11 septembre
à Déville-lès-Rouen (Seine-Maritime).
1980 : bac scientifique D, puis inscription
à la faculté des sciences de Rouen
en mathématiques, musicologie et lettres.
1986 : entrée à Radio France.
1992 : Les Premiers Mots d’Adrien,
dans « Les nuits magnétiques » sur France Culture.
1992-1995 : « Marchands d’histoires »,
émission de Claude Villers sur France Inter
pour laquelle il rédige 225 récits.
1994-1999 : intervenant à l’IUFM de Rouen.
1995-1996 : « Les routes du rêve »,
émission de Claude Villers sur France Inter
pour laquelle il rédige 50 récits.
1996 : La Ballade de Jane B, avec Jane Birkin,
coproduction de Radio France et de la BBC,
dans la série musicale « La ballade des Français ».
Auteur et coconcepteur du CD-Rom
Louis XIV et Versailles (Arborescence-Havas),
raconté par Claude Villers.
1997-1999 : « Je vous écris du plus lointain
de mes rêves », émission de Claude Villers
sur France Inter pour laquelle il écrit 75 récits.
1999 : Alors, c’est ça la mer?, dramatique
sur Radio Bleue, avec Michel Creton.
2001 : « Île-de-France », le saint-bernard
des mers, documentaire réalisé par Jean-Pierre
Vedel, avec Olivier Guiton, diffusé sur la 5
et la Télévision suisse romande (Ancre d’argent
au Festival international du film maritime,
d’exploration et d’environnement de Toulon).
Depuis 2003 : membre de la commission
de la Scam (Société civile des auteurs
multimédia); vice-président de 2004 à 2006.
ENTRE AUTRES LIVRES
• Ports d’escales, MDV Maîtres du vent, 1996.
• « France », un rêve de géant (avec Claude Villers),
Glénat, 1996.
• Le Havre - New York, Hazan, 1997.
• Tempêtes en mer, Glénat, 2008.
• Terre! La petite histoire des grandes découvertes,
Glénat, 2009.
• Le Livre de la Lune, des mythes antiques à la conquête
spatiale (avec Renaud Alberny), Glénat, 2009.
26 _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ IGN MAGAZINE
© christine saillant-dao
:: rencontre
CHRISTIAN
CLERES
Pourquoi partaient-ils? Non pas les grands capitaines commissionnés par le roi, mais les marins,
les matelots, les boscos… C’est la question que pose Christian Clères dans son dernier ouvrage,
Terre! La petite histoire des grandes découvertes. Un nouveau regard sur l’aventure.
• IGN Magazine : Votre père était marin. Cela vous a-t-il
influencé ?
• Christian Clères : Il naviguait au long cours à bord des bananiers
de la Compagnie générale transatlantique entre les Antilles et Le Havre.
Je l’ai très peu connu. Dans les années 1960, les marins au long cours
partaient encore pour des périodes de six à neuf mois. Je vivais très
mal ces perpétuelles absences, et j’ai longtemps désavoué son travail.
Mais, beaucoup plus tard, lorsque j’ai commencé à écrire des récits
radiophoniques pour France Inter et Claude Villers, j’en ai rédigé un au
sujet des terre-neuvas, et mon passé m’est revenu comme un boomerang. J’ai commencé à apprécier ce monde des marins. Je ne ressens
pas cette urgence de partir qu’ils éprouvent, mais je me sens désormais
très à l’aise dans l’univers maritime, au point d’être devenu une sorte
d’« autorité » en la matière. J’ai ainsi la chance d’avoir conservé cette
distance qui me permet d’écrire.
• IGN Mag. : Paradoxalement, votre dernier ouvrage s’intitule Terre !…
• C. C. : C’est le cri des marins lorsqu’ils l’aperçoivent. Notre vision satellitaire du monde a tendance à nous faire oublier que c’est la mer qui
nous a permis de découvrir la Terre. Une longue succession de sauts de
puce et d’aventures épiques… Il faut bien comprendre – et c’est cela qui
est magnifique – que la curiosité n’était pas en question. Il s’agissait de
pouvoir, de conquête et de puissance. Des hommes sont partis, qui ont
réussi à maîtriser la mer, la route, la navigation, ce qui sous-entend qu’ils
avaient préalablement appris à maîtriser leur peur et surtout celle des
équipages. Ce qui est arrivé à Magellan : il a surmonté l’épreuve parce
qu’il avait fait la guerre aux Indes, mais, finalement, il n’est jamais revenu.
• IGN Mag. : Quel regard portez-vous sur ces gens ?
• C. C. : La question centrale que je pose est : pourquoi ? On comprend
les ambitions religieuses ou commerciales de ceux qui montent les équipages au nom du roi, ou du tsar pour Vitus Béring. On perçoit l’orgueil
d’un Colomb ou d’un Kerguelen… Mais les autres, les matelots, les marins,
les boscos [maîtres d’équipage], des huniers à ceux du fond de cale,
pourquoi partent-ils? La mer est une inconnue terrifiante à cette époque.
Ce sont ces hommes-là auxquels je tiens à donner vie : les oubliés de
l’aventure. On embarque aussi, à l’époque, des condamnés à mort. Ce
sont eux que l’on dépêche en avant-garde auprès des autochtones, prudence oblige ! Le premier explorateur de l’Inde est le condamné à mort
qui posa un pied à Calicut, avant tout le monde ! Moi, dans mon livre
www.ign.fr
www.ign.fr
Terre !, je lui ai donné un visage et une réalité. D’ailleurs, on oublie largement que l’Australie a été défrichée par des bagnards, les soldats qui
les gardaient et les putains qui les suivaient.
• IGN Mag. : Certains de ces personnages sont nos propres
icônes, d’autres non…
• C. C. : J’ai pensé qu’il serait intéressant d’enrichir la vision du lecteur, qui demeure souvent occidentale, et de proposer une histoire
différente : les Africains, les Chinois… C’est pourquoi l’ouvrage s’ouvre
sur Cheng Ho, dont beaucoup ignorent ici l’invraisemblable épopée.
Au tout début du XVe siècle, à l’époque même où les Occidentaux commencent à songer à conquérir de nouvelles routes menant à l’or et
aux épices, la flotte de l’amiral Cheng Ho, en route vers Mombassa et
Zanzibar, aborde la côte de Malinde, en Afrique. Des centaines de vaisseaux, dont les plus grands atteignent cent vingt à cent quarante
mètres de longueur sur cinquante de largeur et portant neuf mats,
composent l’une des armadas que l’empereur Zhu Di a fait construire
pour porter à la connaissance du monde le message de paix et de protection de l’empire du Milieu. Tentons seulement d’imaginer la stupeur des Africains devant une telle révélation de puissance et de
richesse. D’étrangeté, aussi, car les vingt-cinq mille hommes que transporte la flotte ont tous le teint jaune. En guise de bonne foi, ils vont
laisser de nombreux cadeaux de jade, de pierres précieuses et de
meubles laqués, ainsi que des ambassadeurs commissionnés par l’empereur. Pour des raisons de politique intérieure, ces incursions chinoises cessèrent très vite, mais j’ai néanmoins pensé qu’il était intéressant de les mentionner. Ce que je veux, c’est présenter au lecteur
français une autre vue de l’histoire.
• IGN Mag. : Quelle relation, selon vous, ces marins ontils pu entretenir avec la cartographie ?
• C. C. : J’ai toujours considéré que la carte, en tant qu’objet, est porteuse d’une beauté saisissante. Aussi bien aujourd’hui que jadis. Mais
j’ai découvert, en écrivant ce livre, qu’un certain état de fait perdure.
Dès qu’une carte est « sensible », elle est confisquée par les États. Dans
le Portugal du XVe siècle, sa diffusion était passible de la peine de mort.
Magellan a rencontré beaucoup d’obstacles avec ça. Notre approche
satellitaire n’a rien changé. Au contraire puisque l’on peut entrer dans
les détails. C’est exactement la même chose qu’avec les portulans des
Portugais, lorsque celui qui possédait la carte la plus précise détenait le
I
pouvoir : celui de conquérir et de s’enrichir.
IGN MAGAZINE _ no 56 _ novembre.décembre.09 _ 27
e
ABOU-SIMBEL > Le temple nubien (XIII
siècle av. J.-C.) a pu être sauvé des eaux du lac Nasser en étant démonté et reconstruit plus en hauteur grâce aux relevés photogrammétriques réalisés par l’IGN pour l’Unesco.© ign