PDF Saclay Le Journal n°54 Hors Série
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PDF Saclay Le Journal n°54 Hors Série
HORS SERIE SPÉCIAL 60 ANS 3e trimestre 2012 science est aventure La une Hall des guides du réacteur Orphée, instrument de recherche fondamentale dédié à l’étude de la structure de la matière. édito La science est une aventure. Intellectuelle et humaine. Au CEA de Saclay, celle-ci a commencé il y a tout juste 60 ans. Et cela méritait bien un numéro spécial ! Pour vous faire partager cette aventure, la rédaction du Journal de Saclay a revisité les codes de la bande dessinée des années 1950. Place donc à la « ligne claire ». Ce langage graphique retranscrit la complexité du réel dans une forme simple – en termes scientifiques, on pourrait presque parler de modélisation. Les contours sont nets, soulignés par des aplats de couleurs vives qui renforcent la lisibilité du dessin. Les cases ordonnées, le trait maîtrisé traduisent bien le rapport de confiance que l'époque entretenait avec la science. On sortait d’un conflit pour le moins dévastateur, et on comptait sur elle pour rebâtir… en mieux. Cette part d’utopie ancrée dans la rationalité scientifique a donné à la société l’énergie nécessaire pour se reconstruire. Aujourd’hui, notre rapport à la science est plus complexe. Le champ des possibles qu’elle ouvre suscite autant d’attentes que d’inquiétudes. Détricoté, le mythe du Progrès porté par la technique ? À nous de tisser à mailles resserrées une autre relation entre science et société, plus modeste, plus mature. Mais qu’elle ne boude ni le rêve, ni l’enthousiasme, ni le plaisir, qui sont de puissants moteurs de l’action. Et puisqu’un anniversaire donne l’occasion de puiser dans le passé pour mieux se projeter dans l’avenir, réactivons les optimismes l’espace de ces quelques pages… et au-delà. Marie Vandermersch Rédactrice en chef HORS SERIE SPÉCIAL 60 ANS En couverture : expédition au Groenland dans le cadre des recherches sur le climat. Les scientifiques effectuent des carottages afin d’analyser la composition de l’air emprisonné dans les couches de glace. Crédit illustrations : CEA/Delius « L’audace va de pair avec l’équilibre » « L’audace va de pair avec l’équilibre » Jacques Vayron a été nommé Directeur du CEA Saclay le 19 mars 2012, un centre qu’il connaît bien puisqu’il y a exercé la fonction de Directeur-adjoint pendant un an et demi. Il nous présente ici sa perception du site, dans une période où la recherche française est en pleine mutation, où le plateau de Saclay se transforme, comme ce fut le cas au moment de la création du centre, voici 60 ans. Journal de Saclay : Selon vous, qu’est-ce qui fait la spécificité du centre CEA de Saclay ? Jacques Vayron : Sa spécificité, c’est sa diversité. Ce qui impressionne ici, c’est d’abord la grande pluridisciplinarité des activités de recherche que le centre abrite : des énergies bas-carbone aux technologies pour l’information et la santé, en passant par la physique et la chimie fondamentales, tous les domaines de recherche du CEA civil sont représentés. À côté des sciences de la matière et de l’énergie nucléaire qui constituent plus de la moitié des effectifs, les sciences du vivant et la recherche technologique rassemblent, chacune, tout de même 300 à 400 personnes. Par ailleurs, la Direction générale et l’ensemble des pôles fonctionnels du CEA sont implantés sur le centre, ce qui contribue à le mettre en visibilité. Ce qui frappe aussi à Saclay, c’est qu’on y rencontre des chercheurs de toutes origines, preuve de la dimension internationale du site. JdS : Comment cette dimension internationale est-elle prise en compte ? Jacques Vayron : Ce sont les instituts et les départements qui font la renommée internationale du centre de Saclay. L’expertise scientifique et technique de leurs chercheurs et de leurs ingénieurs est reconnue et attire de nombreux scientifiques internationaux. Le centre se CENTRE CEA DE SACLAY LE JOURNAL doit d’être à la hauteur et souhaite les accueillir le mieux possible. Nous venons de créer dans cette optique un bureau d’accueil international, afin de les accompagner dans les diverses démarches administratives qu’ils doivent effectuer lorsqu’ils arrivent en France. JdS : Dans un environnement si complexe, comment concevez-vous la fonction de Directeur de ce centre ? Jacques Vayron : Mon rôle n’est pas d’orchestrer la politique scientifique du centre mais de porter les recherches qui sont menées sur le site en offrant aux salariés un cadre de travail de qualité. En tant que Directeur de centre, je suis responsable de la sécurité du site, qui comporte notamment des installations nucléaires. Je suis aussi en charge de tout ce qui touche au quotidien des salariés : rénovation des bâtiments, organisation des transports, restauration, services divers… Dans la mesure du possible, j’essaie de consulter les unités, d’obtenir leur adhésion sur les projets que nous impulsons lorsque ceux-ci peuvent avoir des répercussions sur leur quotidien. Probablement un héritage de mon expérience passée dans les ressources humaines. Diriger le centre SPÉCIAL 60 ANS HORS SÉRIE 3 « L’audace va de pair avec l’équilibre » de Saclay, c’est le gérer efficacement au présent en préparant son avenir, spécialement à ce moment de son histoire où il va connaître des changements importants. JdS : À ce propos comment, après 60 ans d’existence, le centre CEA de Saclay se projette-t-il dans l’avenir ? Jacques Vayron : Le centre de Saclay a été créé par des hommes et des femmes qui ont fait l’histoire des sciences, voire l’histoire tout court. Avec la reconstruction de l’après-guerre, l’aventure du nucléaire, le contexte de l’époque était à la fois plus difficile, car il fallait tout construire, et plus simple du point de vue du cadre et des contraintes qui, aujourd’hui, demandent une inventivité différente de celle des illustres pionniers des années 1950. Dans les dix ans à venir, l’ensemble du plateau de Saclay va se trouver dans une phase qui va ressembler à ce qu’a été la création du centre CEA de Saclay. Nous La route des grandes piles du CEA de Saclay. Quatre réacteurs de recherche y ont été construits : EL2, EL3, Osiris et Orphée. Ces deux derniers réacteurs sont toujours exploités aujourd’hui. 4 HORS SÉRIE SPÉCIAL 60 ANS préparons activement cette étape. Il y a 60 ans, le site a été développé avec le souci d’organiser l’espace, de créer un cadre favorable aux activités de recherche. L’architecte Auguste Perret a joué un rôle crucial à l’époque. Yves Caristan, mon prédécesseur, a lancé une étude pour voir comment ce centre, marqué par un souci d’équilibre, d’harmonie, pourrait évoluer de façon à favoriser l’ouverture sur les autres acteurs du plateau. Car tous comptes faits, le centre de Saclay est bien une affaire d’équilibre et d’harmonie : équilibre entre les différentes disciplines, entre activités locales et dimension internationale, harmonie entre équipes de recherche et équipes fonctionnelles, équilibre entre excellence scientifique et exigences quotidiennes de protection des personnels et des riverains, de l’environnement et des installations. Pour moi, l’équilibre va de pair avec l’audace. Les scientifiques n’obtiennent pas de résultats exceptionnels sans esprit d’initiative. Et être audacieux, ce n’est pas éviter les risques, c’est les prévenir et les maîtriser. Avec toutes les équipes du centre, nous sommes là pour donner un cadre qui permette aux chercheurs de Saclay de mener leur activité au meilleur niveau scientifique et d’exprimer leur créativité en toute sécurité. Propos recueillis par Aline Curtoni Éclaireurs du nucléaire Éclaireurs du nucléaire Il y a 60 ans, les premiers bâtiments du CEA venaient rompre la ligne d’horizon du plateau de Saclay. Les pieds dans la boue mais l’esprit aiguisé, les chercheurs posaient les fondements du nucléaire civil français. Aujourd’hui, l’édifice est solide et sa renommée internationale n’est plus à faire. À la pointe de la connaissance, les équipes de Saclay avancent toujours en éclaireur. N ous sommes en 1939. L’Allemagne nazie est aux portes du pays. Dans leur laboratoire du Collège de France, le Prix Nobel Frédéric Joliot et ses collaborateurs, Lew Kowarski et Hans Halban, viennent de publier secrètement trois brevets d’invention décrivant les principes d’un « dispositif de production d’énergie » qui utiliserait la fission nucléaire . CENTRE CEA DE SACLAY LE JOURNAL Les applications peuvent être civiles… ou militaires . Un an plus tard, la France rend les armes. L’équipe se disperse pour mettre ses découvertes hors de portée des nazis. C’est finalement Fermi, aux États-Unis, qui fera diverger la première pile atomique en 1942. Lorsque le CEA est créé trois ans plus tard, il ne dispose pas des mêmes moyens financiers et informatiques, mais en SPÉCIAL 60 ANS HORS SÉRIE 5 Éclaireurs du nucléaire « En quelques années, une réelle " école française " va voir le jour, qui connaîtra bientôt un renom incontestable à l’étranger. » quelques années, une réelle « école française » va voir le jour, qui connaîtra bientôt un renom incontestable à l’étranger. C’est bien souvent à Saclay 1 que germeront les concepts, les premiers jalons expérimentaux qui seront ensuite testés à plus grande échelle sur d’autres centres du CEA. Le nucléaire primordial Dans cette période de reconstruction, l’heure est à l’union nationale dans le pays et à l’interdisciplinarité à Saclay. Physiciens, chimistes, mathématiciens, biologistes travaillent de concert à l’élaboration du socle de connaissances indispensables aux applications nucléaires. Tandis que les théoriciens se livrent à un défrichage intellectuel intense, les ingénieurs conçoivent les premières piles atomiques afin de pouvoir tester différentes filières de réacteur. Quand l’aventure commence, les scientifiques français ne maîtrisent pas les procédés d’enrichissement de l’uranium. Ces piles doivent donc pouvoir fonctionner à l’uranium naturel : la filière eau lourde 2 s’impose. Les deux premiers réacteurs construits à Saclay , EL2 et EL3, utilisent ce modérateur. Mais l’approvisionnement en eau lourde étant complexe et coûteux, les physiciens explorent d’autres pistes, testent d’autres sortes de combustible, d’autres modérateurs. C’est finalement la filière graphite-gaz, capable de fonctionner également à l’uranium naturel, que privilégient les équipes en place. Le CEA se lance dans la phase industrielle avec la construction de trois réacteurs, G1, G2 et G3, sur son centre de Marcoule. De l’art d’enrichir Si le CEA concentre ses efforts sur les filières fonctionnant à l’uranium naturel, maîtriser l’enrichissement de l’uranium3 est un objectif prioritaire, et ce dès les années 1950. L’enjeu qui se cache derrière ce verrou technique ? « L’indépendance nationale », estime le gouvernement du général de Gaulle. Car enrichir est une 6 HORS SÉRIE SPÉCIAL 60 ANS étape préalable à la fabrication d'une arme thermonucléaire. Pour le nucléaire civil, l’emploi d’un combustible enrichi autoriserait la conception de réacteurs à eau ordinaire plus compacts et moins coûteux. Nouveau défi pour les chercheurs de Saclay qui doivent trouver un moyen de séparer isotopes fissiles et non fissiles de l’uranium. Deux procédés de séparation, la diffusion gazeuse et l’ultracentrifugation, sont explorés dans les installations pilotes de Saclay. Ces études aboutiront, au début des années 1960, à la construction dans la Drôme de l’usine de Pierrelatte, qui s’appuie sur le procédé de diffusion gazeuse, plus mature 4. À Saclay, les études sur la séparation isotopique ne s’interrompent pas pour autant, l’idée étant de mettre au point des méthodes plus sélectives et moins consommatrices. Tournant industriel La maîtrise de l'enrichissement de l’uranium est une victoire… mais un coup de semonce pour la filière graphite-gaz. En 1969, la France abandonne définitivement cette voie et choisit d’adapter la technologie des réacteurs à eau pressurisée de l’américain Westinghouse . Pour le CEA, ce tournant industriel est aussi un tournant culturel. Désormais, les équipes de Saclay travaillent à la francisation des licences américaines et apportent leur soutien scientifique et technologique aux industriels. Suite au choc pétrolier de 1973, 1/ Une partie des recherches est également menée à Fontenay-aux-Roses, où démarre en 1948 la première pile française, Zoé. 2/ L’eau lourde est composée d’oxygène et de deutérium, un isotope de l’hydrogène. Tout en transportant la chaleur, elle joue le rôle de modérateur : en ralentissant les neutrons, elle favorise la fission de l’uranium 235. 3/ L’uranium naturel n’est composé qu’à 0,7 % d’uranium 235, fissile. Les 99,3 % restants sont de l’uranium 238, non fissile. Le but de l’enrichissement de l’uranium est d’augmenter la part d’uranium 235 dans le combustible. 4/ Cette technologie sera également mise en œuvre dans la première usine Georges-Besse 1 en 1973 sur le site du Tricastin. Dans un réacteur de recherche « de type piscine », l’eau qui recouvre le cœur permet de refroidir le réacteur, de ralentir les neutrons et d’arrêter les rayonnements. CENTRE CEA DE SACLAY LE JOURNAL SPÉCIAL 60 ANS HORS SÉRIE 7 Éclaireurs du nucléaire Simulation numérique : quand les équations s’animent... Dans la salle obscure, sur l’écran de verre de 16 m2, une sorte de kaléidoscope géant se déploie en 3D sous les yeux des chercheurs. Un test cognitif nouvelle génération pour observer l'activité du cerveau ? Non, mais l’expérience n’est pas moins fascinante. Ce qu’ils visualisent, ce sont les conséquences d’un accident sur un cœur de réacteur… qui n’existe pas encore. Fiction ? Réalité ? Chaque point sur l’écran a une valeur scientifique, car ces images sont la traduction graphique des simulations numériques que la Direction de l’énergie nucléaire utilise pour décrire le comportement d’un système. À la vue de ces séquences fluides, on ne soupçonne pas le travail complexe fourni en amont par les équipes du Département de modélisation des systèmes et structures (DM2S), qui tissent les codes de calcul, entrelacent les équations et les algorithmes. « Ces codes de calcul constituent un vrai tour de force : ils peuvent s'appliquer à n’importe quelle filière de réacteur et sont un outil tant pour les industriels que pour les chercheurs », raconte Richard Lenain, adjoint du DM2S. Mais comment s’assurer de la fiabilité de la simulation ? En neutronique, pour recouper les données, les chercheurs combinent deux méthodes. La première, déterministe, résout toutes les équations du système jusqu’à l’obtention d'une solution globale ; la seconde, probabiliste, prend un neutron, « joue » son parcours dans le réacteur, et accumule des milliards de « parties » jusqu’à l’obtention d’une image nette. D’un côté la photographie que le révélateur fait apparaître en une fois ; de l’autre, le tableau pointilliste construit point par point. Le réacteur Orphée, en service depuis 1980 à Saclay, a ainsi pu être conçu sans maquette, en croisant les résultats obtenus sur les codes de calcul Apollo, déterministe, et Tripoli, probabiliste. Depuis, les progrès réalisés sont considérables et c’est maintenant dans le détail que toutes les composantes d’un système nucléaire peuvent être calculées. La simulation est aussi utilisée dans le cadre de l’exploitation des installations : le code Apollo constitue le socle des chaînes de calcul d’Areva et nourrit les simulateurs qu’EDF utilise pour former ses opérateurs. Peut-on imaginer un jour la mise au point la France décide d'accélérer son programme électronucléaire. Les nombreuses compétences acquises dans des domaines fondamentaux tels que la physique des réacteurs, la mécanique, les matériaux, le combustible permettront au CEA de jouer un rôle prépondérant dans le processus d’amélioration continue de la technologie des réacteurs à eau pressurisée français. Saclay : concentration de matière… grise Depuis cette époque, le centre de gravité des activités nucléaires du CEA s’est déporté vers le sud de la France : c’est à Cadarache et à Marcoule que sont implantés les moyens expérimentaux les plus lourds. À Saclay, 8 HORS SÉRIE SPÉCIAL 60 ANS d’un réacteur virtuel qui se prêterait à tous les tests ? Certains phénomènes, en chimie notamment, résistent à la mise en équation : les données sont imparfaites ; l’expérimentation reste une nécessité. Mais aujourd’hui, le recours aux supercalculateurs démultiplie le champ des possibles. Les chercheurs sont désormais capables d’articuler les équations de la neutronique avec celles de la thermodynamique et du combustible, de raccorder les échelles entre la physique du cœur et celle du réacteur. « La précision des simulations est telle que la résolution des écrans d’ordinateur ne suffit plus », constate Richard Lenain. « Or pour interpréter ces résultats, nous avons besoin de faire appel à nos sens, de brancher notre cerveau à l’image. Une incohérence dans la simulation saute immédiatement aux yeux ». Le mur d’image est aussi un puissant outil collaboratif : devant l’écran, les mots prennent le relais des formules mathématiques. Dans la salle obscure, nos chercheurs activent intensément les deux hémisphères de leur cerveau… Le test cognitif n’est pas si loin finalement. la Direction de l’énergie nucléaire (DEN) conserve ses recherches amont et ses moyens de simulation numérique (cf. encadré). « L'objectif de nos travaux est d'avoir une compréhension fine des phénomènes de base qui entrent en jeu dans un réacteur nucléaire », explique Sylvestre Pivet, Directeur délégué aux affaires nucléaires de Saclay. Trois installations nucléaires de base dédiées aux recherches sur le nucléaire restent implantées sur le centre : le réacteur Osiris, qui, depuis 1966, permet d’irradier sous hauts flux de neutrons des éléments de structure ou de combustible, le Leci (Laboratoire d’essais sur combustibles irradiés) qui scrute au microscope les conséquences de cette irradiation intensive sur le comportement mécanique et métallurgique des matériaux et du combustible, et un petit irradiateur Poséidon. Mais la « À Saclay, la Direction de l'énergie nucléaire concentre ses recherches amont et ses moyens de simulation numérique. » plupart des recherches liées au nucléaire sont finalement menées dans des installations de taille plutôt modeste ou sur des plateformes qui ne font intervenir aucune réaction nucléaire. Au sein de Tamaris, les équipes reproduisent les contraintes mécaniques qu’exerce un CENTRE CEA DE SACLAY LE JOURNAL séisme sur une structure. Dans l’accélérateur Jannus, on parvient à simuler les effets d’une irradiation neutronique grâce à un couplage de trois faisceaux ; sur la plateforme Corona, ce sont les phénomènes physico-chimiques de corrosion qui sont étudiés ; sur Mistra, l’attention des Le mur d’image est un outil collaboratif grâce auquel les chercheurs peuvent visualiser et analyser les données obtenues par simulation numérique. SPÉCIAL 60 ANS HORS SÉRIE 9 Salle de conduite d’un réacteur de recherche. Une équipe est présente en permanence afin de surveiller les paramètres de fonctionnement du réacteur. « Le va-et-vient entre théorie, expérimentation et conception est constant et c’est aussi ce qui fait l’intérêt de ces recherches. » chercheurs se porte sur la cinétique de production et de recombinaison de l’hydrogène. Le va-et-vient entre théorie, expérimentation et conception est constant et c’est aussi ce qui fait l’intérêt de ces recherches. « Lorsque je demande aux doctorants de définir leur motivation principale pour venir travailler chez nous, la réponse qui revient très régulièrement est la suivante : 10 HORS SÉRIE SPÉCIAL 60 ANS nos laboratoires leur donnent l’occasion de mener une recherche de fond, nourrissante intellectuellement, et en connexion avec les industriels », conclut Sylvestre Pivet. Marie Vandermersch Marier robotique et réalité virtuelle Marier robotique et réalité virtuelle Observer un milieu confiné très irradiant et y intervenir sans exposer l’opérateur : 1 cette exigence du secteur électronucléaire a conduit les équipes du CEA-List à développer des capteurs, des bras télémanipulateurs, des robots autonomes, etc. Enrichies par l’essor des technologies numériques, ces compétences intègrent aujourd’hui les potentialités de la réalité virtuelle, ce qui permet d’étendre leur champ d’applications au spatial, au prototypage industriel, à la compensation du handicap ou à la chirurgie. D ès son origine, le CEA s’est doté d’un département de robotique pour mettre au point des outils d’intervention en « milieu hostile », notamment pour manipuler des substances radioactives dans ce que les gens du métier appellent des « labos chauds ». Ces matières sont confinées dans des enceintes étanches aux rayonnements ionisants dans lesquelles personne ne pénètre. Les opérateurs travaillent par télémanipulation à l’extérieur de ces caissons, derrière d’épais verres au plomb, aussi protecteurs que les parois de béton adjacentes. « Ils actionnent un bras maître qui transmet la commande à un bras esclave, muni de pinces articulées », explique Philippe Gravez. Chercheur du laboratoire de simulation inter active du CEA-List, il a participé à l’évolution de la robotique au CEA. De la télémanipulation à la téléopération « Ces systèmes mécaniques, toujours utilisés, ont l’inconvénient d’être fixes et n’ont qu’un rayon d’action de quelques mètres. » Première évolution, la partie esclave de ces dispositifs, montée sur un véhicule ou un pont roulant, a permis de les rendre mobiles. La télé manipulation s’est ainsi progressivement transformée 1/ CEA-List : Institut de la Direction de la recherche technologique dédié aux systèmes numériques intelligents. Exosquelette inspiré d’un cobot (robot collaboratif) développé par le CEA-List et ses partenaires. Il accompagne « intelligemment » les mouvements de l’utilisateur pour faciliter le transport de lourdes charges. CENTRE CEA DE SACLAY LE JOURNAL SPÉCIAL 60 ANS HORS SÉRIE 11 en téléopération. Dans les années 1980, le rapprochement entre les spécialistes de la robotique et ceux de la téléopération a permis de démultiplier les projets. « Nous avons exploré d’autres milieux hostiles, comme l’espace ou les fonds marins, dont les besoins en robotique ont explosé avec l’exploitation du pétrole sous la mer ». La robotique a ensuite abouti à des applications industrielles, puis de santé, notamment pour la compensation du handicap. À la fin des années 1990, les projets de robotique du futur CEA-List se partageaient déjà pour moitié entre le nucléaire et d’autres secteurs industriels. Des images à la place des yeux Une contrainte fréquemment rencontrée en milieu hostile oblige à associer une caméra aux « robots » téléopérés. « L’absence de vision directe ajoute une difficulté 12 HORS SÉRIE SPÉCIAL 60 ANS supplémentaire à la gestuelle déjà très laborieuse de la télémanipulation derrière un hublot au plomb. La durée nécessaire à un geste peut ainsi être multipliée par dix ». Le geste est d’autant plus délicat que l’opérateur ne ressent que peu, voire pas du tout, l’effet de son action. Le retour d’effort direct du bras, développé par les chercheurs, a permis de restituer cette sensation par l’intermédiaire de moteurs électriques. Une nouvelle discipline : l’haptique Pour guider le téléopérateur, des simulations informatiques en trois dimensions des milieux de travail ont été développées. Il peut ainsi accéder à la fois à l’image fournie par la caméra et à celle issue du modèle 3D sur ordinateur. Les bras à retour d’effort, devenus en quelques années très performants, complètent les informations utiles à la téléopération. « Dès les Robot téléopéré et monté sur chenilles permettant d’intervenir à distance en ambiance fortement radioactive. « Dans les années 1980, le rapprochement entre les spécialistes de la robotique et ceux de la téléopération a permis de démultiplier les projets. » années 1990, nous avons eu l’idée de coupler ces bras à retour d’effort au modèle virtuel de l’ordinateur, pour aller plus loin dans la réalité virtuelle. Ainsi est née une nouvelle discipline, l’haptique 2, qui s’ajoute à nos activités en robotique », explique Philippe Gravez. Prototypage virtuel « Application majeure de l’haptique, le prototypage virtuel permet aujourd’hui à un constructeur automobile de tester un nouveau modèle bien plus vite que par le passé : l’opérateur perçoit en réalité virtuelle l’ensemble du véhicule et peut ainsi en tester les contraintes grâce à un bras maître haptique qui lui renvoie les sensations tactiles comme s’il était à l’intérieur. » Toujours grâce à l’haptique, l’ergonomie d’un poste de travail peut être évaluée avant sa création et la formation aux gestes techniques peut être assurée 2/ L’haptique (du grec haptomai) désigne la science du toucher, et plus généralement la perception du corps dans l’environnement. CENTRE CEA DE SACLAY LE JOURNAL Bras à retour d’effort pouvant être utilisé en milieu médical pour la rééducation post-traumatique. grâce à des bras haptiques, dans des ambiances de travail entièrement virtuelles. Une robotique « coopérative » La robotique, de son côté, a donné naissance à une nouvelle discipline, la cobotique ou robotique « coopérative ». Un « cobot » prend par exemple la forme d’un « exosquelette », sorte d’armature articulée que l’opérateur enfile comme un harnais : dans l’industrie, il permet, en amplifiant le geste, de soulever une lourde charge sans en supporter le poids ; en médecine, il peut rendre plus sûr et précis le geste d’un chirurgien. « Comme toujours, nous sommes très près des besoins de l’industrie et des métiers. Nos projets sont tous collaboratifs. C’est indispensable pour obtenir les meilleurs résultats technologiques », insiste Philippe Gravez. Les projets en partenariat industriel représentent aujourd’hui l’essentiel de l’activité du CEA-List. Charlotte Samson SPÉCIAL 60 ANS HORS SÉRIE 13 Les explorateurs de la matière Les explorateurs de la matière La mise en évidence d’une nouvelle particule, qui pourrait bien être le fameux boson de Higgs, vient de mettre la physique des particules sous le feu des projecteurs. Les chercheurs de l’Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu) du CEA Saclay ont largement participé à cette découverte scientifique majeure. Depuis sa création, le CEA de Saclay est un haut lieu de la recherche française sur la matière à toutes les échelles, d’espace et de temps, et dans ses états les plus complexes. Cette expertise va de pair avec le développement de technologies capables d’atteindre des niveaux de performance inédits. M ercredi 4 juillet 2012, 11h, les porteparoles des deux expériences Atlas et CMS du Large Hadron Collider (LHC) annoncent la découverte d'une nouvelle particule qui pourrait être le boson de Higgs, particule nécessaire pour expliquer la notion de masse dans le modèle standard. La nouvelle revêt une telle importance que la conférence est retransmise à Saclay, en direct depuis le Cern. La salle de conférence de l’Irfu est pleine à craquer. À l’annonce des résultats, le public laisse éclater son émotion. Effervescence toute légitime puisque des équipes de l’Irfu traquent cette particule depuis plus de 20 ans et ont œuvré à la conception de l’accélérateur et des détecteurs géants qui ont permis de la dénicher. « Les principaux quadripôles 1 du LHC ont été conçus par des ingénieurs de l’Irfu, ainsi que des éléments importants des détecteurs Atlas et CMS », rappelle Antoine Daël, chef du Service des accélérateurs, de la cryogénie et du magnétisme. Aujourd’hui, c’est au sein de cet institut que sont conçus et testés les éléments d’accélérateurs et les éléments de détecteurs qui permettent d’explorer la matière à l’échelle subatomique. L’Institut est également spécialisé dans l’accélération haute intensité de protons et de deutons et l’accélération au moyen de cavités supraconductrices. D’où viennent ces spécialités du CEA, aujourd’hui reconnues sur la scène internationale ? Produire de l’énergie 14 HORS SÉRIE SPÉCIAL 60 ANS à partir de réactions nucléaires, en optimiser les rendements, nécessitait de comprendre la nature des phénomènes mis en jeu. Construire les futures installations industrielles exigeait la maîtrise du comportement des matériaux. Au CEA Saclay, les sciences de la matière se sont donc déployées dès l’origine, pour accompagner les développements de l’énergie nucléaire. Elles sont rapidement devenues une discipline à part entière. Théoriciens et expérimentateurs qui se sont succédé sur le centre ont contribué à améliorer nos connaissances de la matière, avec le même enthousiasme que celui des physiciens qui ont découvert le boson de Higgs. Du Van de Graaff au LHC La communauté des accélérateurs et des détecteurs existe au CEA Saclay depuis sa création. Elle est née auprès des tout premiers accélérateurs du site, mis en service en 1952 : un Van de Graaf à électrons et un cyclotron 2. Deux accélérateurs ont particulièrement contribué à la réputation de Saclay : l’accélérateur linéaire de Saclay (ALS) et le synchrotron Saturne2. 1/ Éléments magnétiques permettant de focaliser les particules chargées, en particulier aux points de collision. 2/ Accélérateur circulaire dans lequel les particules chargées, placées dans un champ magnétique, sont accélérées par un champ électrique alternatif, suivant ainsi une trajectoire en spirale. « Déployées dès l’origine pour accompagner les développements de l’énergie nucléaire, les sciences de la matière sont rapidement devenues une discipline majeure du CEA Saclay. » L’ALS, mis en service en 1968, était un accélérateur d’électrons spécialisé dans l’étude de la structure des noyaux. Il a fonctionné jusqu’en 1990. Saturne2, successeur de Saturne inauguré en 1958, a été conçu au début des années 1970 3. C’était un synchrotron 4 à protons, spécialisé dans la physique hadronique 5 qui offrait la possibilité d’accélérer les ions légers. Démarré en 1980, son exploitation s’est arrêtée en 1997, date à laquelle a commencé son démantèlement, jusqu’au déclassement en 2005. CENTRE CEA DE SACLAY LE JOURNAL Depuis, les bâtiments qui abritaient Saturne accueillent la plateforme qui regroupe la quasi-totalité des compétences du CEA en matière de recherche et 3/ Dans le cadre d’un laboratoire national, en collaboration avec l’Institut national de physique nucléaire et de physique des particules du CNRS. 4/ Accélérateur dans lequel les particules gardent une trajectoire circulaire grâce à une succession de cavités accélératrices et d’aimants de courbure répartis sur un anneau. 5/ Physique consacrée à l'étude de particules constituées de quelques quarks comme le proton. Installé à la frontière franco-suisse, le Large Hadron Collider (LHC) forme un anneau de 27 km de circonférence. Certaines pièces maîtresses de cet accélérateur ont été conçues par les équipes du CEA de Saclay. SPÉCIAL 60 ANS HORS SÉRIE 15 Les explorateurs de la matière Ganil, c’est du lourd ! Le Grand accélérateur national d’ions lourds (Ganil) implanté à Caen est rattaché au centre CEA de Saclay. Ses principaux axes de recherche sont la structure du noyau atomique, les interactions fondamentales, l’astrophysique nucléaire, les mécanismes de réaction et la physique théorique associée. Au début des années 1970, les physiciens qui travaillent sur l’étude du noyau, au CEA et à l’IN2P3, se trouvent de plus en plus limités dans leurs recherches. Ils préconisent alors la création d’un accélérateur d’ions lourds sur le sol français. Un Groupement d’intérêt économique est alors créé entre le CNRS et le CEA, et le Ganil est mis en service en 1983. Un Système de production d’ions radioactifs accélérés en ligne (Spiral) le complète depuis 2001. Un nouvel accélérateur, Spiral2, est en cours de construction. Le principal objectif de cette installation sera de produire des noyaux « exotiques », ces noyaux à durée de vie limitée qui présentent des structures inhabituelles, et de les étudier. À plus long terme, le Ganil est candidat pour accueillir Eurisol, la future génération d’accélérateurs qui permettra d’explorer la « terra incognita » développement sur les accélérateurs. Synergium, c’est le nom évocateur qu’Antoine Daël a donné à cette infrastructure, le développement d’accélérateurs nécessitant des compétences de plus en plus pointues et des infrastructures de plus en plus sophistiquées. « Aujourd’hui, nous travaillons pour le projet Spiral2 du Ganil à Caen, en collaboration avec le CNRS, en particulier sur l’injecteur de l’accélérateur linéaire et sur la construction et les tests des cavités accélératrices supraconductrices. Nous poursuivons également les développements d’aimants à fort champ magnétique pour les évolutions futures du LHC, tout en maintenant des activités de R&D dans la perspective d’accélérateurs d’énergies encore plus élevées ». À l’échelle internationale, on peut citer deux grands projets de machines destinées à l’étude des matériaux dans toute leur richesse et leur diversité : le laser à électrons libres XFEL et la source de spallation européenne ESS. La réputation acquise par ces équipes a conduit d’autres 6/ Centre de recherche sur les ions, les matériaux et la photonique, unité mixte de recherche CEA, CNRS, ENSICAEN et Université de Caen créée en 2008. 16 HORS SÉRIE SPÉCIAL 60 ANS de la carte des noyaux. Une des caractéristiques importantes du Ganil est que, dès sa conception, il a été prévu pour qu'y soient développées des recherches en physique non nucléaire. Ciril est la plateforme d’accueil des expériences de recherches interdisciplinaires auprès du Ganil. Elle est gérée par le Cimap 6. Son objectif est double : promouvoir les potentialités du Ganil auprès de communautés scientifiques extrêmement variées et offrir des équipements performants répondant aux objectifs scientifiques des utilisateurs extérieurs. communautés à s’adresser à l’Irfu : « Nous travaillons également pour la fusion nucléaire ou l’imagerie par résonance magnétique à haut champ ». D’Orphée à ESS Lorsqu’elle entrera en service, en 2019, ESS sera la source de neutrons la plus puissante du monde. Elle sera construite à Lund, en Suède. Pour l’heure, l’exploration de la matière au moyen de neutrons est une autre spécialité du CEA Saclay, et c’est auprès du réacteur expérimental Orphée, dédié à la recherche sur les matériaux, que ces études sont menées aujourd’hui. Opérationnelle depuis 1980, cette installation est remarquable par la qualité des faisceaux qu’elle délivre. « Nous avons soumis une proposition de collaboration pour la définition des spectromètres d’ESS », explique Alain Menelle, directeur-adjoint du Laboratoire Léon Brillouin (LLB) qui pilote ces études à Saclay. Ce laboratoire mixte CEA-CNRS est aujourd’hui chargé du développement des spectromètres qui exploitent les neutrons produits par le réacteur Orphée. Sa mission Quadripôle radiofréquence (RFQ) du futur accélérateur Spiral2. Conçue à Saclay, cette pièce sera placée en tête de l’accélérateur pour focaliser le faisceau, mettre les ions en paquets et les pré-accélérer. CENTRE CEA DE SACLAY LE JOURNAL SPÉCIAL 60 ANS HORS SÉRIE 17 Les explorateurs de la matière « Hall des guides du réacteur expérimental Orphée. Les neutrons produits par le réacteur permettent aux chercheurs d’étudier la structure et la dynamique de la matière à l’échelle de l’atome. La diffusion neutronique permet d’accéder à la structure de la matière à l’échelle de l’atome. » principale est d’accueillir et d’assister les expérimentateurs extérieurs, en mettant à leur disposition aussi bien les instruments nécessaires que les compétences de ses équipes en matière de diffusion neutronique. En parallèle, celles-ci poursuivent leurs propres programmes scientifiques, la plupart du temps au sein de collaborations. « La diffusion neutronique a commencé à Saclay dans les années 1950, auprès des premiers réacteurs de recherche du centre. Elle a été en vogue dans les années 1970-1980 », rappelle Alain Menelle. « Aujourd’hui, peu de jeunes chercheurs sont conscients de ses potentialités ». Et pourtant, elle permet d’accéder à la structure de la matière à l’échelle de l’atome, en complément des rayons X. Sa 18 HORS SÉRIE SPÉCIAL 60 ANS sensibilité aux éléments légers comme l’hydrogène la rend très performante pour étudier les polymères et la matière biologique. Elle est, par ailleurs, indispensable pour sonder les propriétés magnétiques des matériaux. Enfin, l’absence de charge des neutrons leur confère un pouvoir de pénétration dans la matière qui autorise l’utilisation d’échantillons de grande dimension, ce qui est particulièrement intéressant pour la recherche industrielle. « Dans la perspective du campus Paris-Saclay, nous allons augmenter notre offre de formation, par exemple en proposant des travaux pratiques aux étudiants du plateau ». Aline Curtoni Les sentinelles du climat Les sentinelles du climat Le changement climatique est l’un des grands défis que devra relever l’humanité dans les prochaines années. Cette prise de conscience suscite un important effort de recherche auquel prend largement part le Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE). I l est l’un des plus réputés au monde dans son domaine ! Créé en 1998, le Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE) est l’héritier d’une longue tradition de recherches innovantes sur le climat et les changements climatiques. « La recherche sur le climat et l’environnement a été CENTRE CEA DE SACLAY LE JOURNAL Recherche en climatologie : poste de conduite d’un forage au Groenland. développée au CEA à partir des années 1950 autour du savoir-faire acquis dans la mise en œuvre de méthodes d’analyse isotopiques et nucléaires » explique Philippe Bonté, Conseiller scientifique au LSCE. Une des figures tutélaires de cette époque est celle de Jacques Labeyrie, recruté par Frédéric Joliot-Curie pour développer et SPÉCIAL 60 ANS HORS SÉRIE 19 Les sentinelles du climat « L'expertise du LSCE sur le climat et le changement climatique est internationalement reconnue.» mettre en œuvre des méthodes de détection de l’uranium et de mesure de la radioactivité. Les techniques mises au point se révéleront rapidement avoir des applications inédites dans bien d’autres domaines et notamment dans celui des sciences de la Terre et du climat. Le Centre des faibles radioactivités (CFR) qui voit le jour en 1961 sera ainsi « l’un des pionniers dans le développement des méthodes de datation au carbone 14 ». Les scientifiques ne vont plus cesser d’explorer les formidables possibilités offertes par les isotopes dans l’étude des variations climatiques. Connaître le climat passé, mieux anticiper le climat du futur Dans les années 80, de plus en plus de voix s’élèvent au sein de la communauté scientifique pour alerter l’opinion publique sur l’existence d’un réchauffement climatique planétaire et les risques inhérents. Cette prise de conscience aboutit notamment à la création, en 1988, du GIEC. Le CEA, dont les experts ont été largement sollicités par le Giec, décide alors de renforcer son activité dans ce domaine et crée en 1991 le Laboratoire de modélisation du climat et de l’environnement (LMCE). Sous l’impulsion de quelques 20 HORS SÉRIE SPÉCIAL 60 ANS personnalités exceptionnelles telles le climatologue Jean Jouzel, la contribution des équipes est majeure. « L’analyse des carottes de glace forées en Antarctique, par exemple, a permis de déterminer les variations climatiques durant les 800 000 dernières années. Les équipes de Saclay ont ainsi été les premières à mettre en évidence le lien entre la teneur en gaz à effet de serre de la glace et l’évolution de la température sur le globe ». En 1998, le LMCE et le CFR fusionnent pour donner naissance à l’actuel Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE), unité mixte de recherche CEA-CNRS-UVSQ. Aujourd’hui, le LSCE est un des laboratoires les plus reconnus pour l’étude du climat en général et du changement climatique en particulier. Ses 300 chercheurs, ingénieurs et techniciens ont des parcours très variés : physiciens, chimistes, biologistes, mathématiciens, géologues, glaciologues, océanographes... Que ce soit par l’expérimentation, la modélisation ou l’analyse de données spatiales, les travaux du LSCE contribuent largement à l'amélioration des connaissances que nous avons du climat et de son évolution, préalable nécessaire pour relever les nombreux défis à venir. Gaëlle Degrez Opération de carottage en cours pour étudier le climat du passé. Plus le forage est profond, plus la glace est ancienne et plus les chercheurs remontent dans le temps. voyage au centre de la vie Voyage au centre de la vie Il y a 60 ans, la biologie prenait place au CEA Saclay pour comprendre les effets des rayonnements ionisants sur le vivant, mais aussi comme domaine d’application de la radioactivité artificielle. À l’heure où la discipline évolue à une vitesse vertigineuse, le marquage radioactif demeure une de ses spécialités, au service de notre santé. E n 1935, un an seulement après avoir produit le premier élément radioactif artificiel 1, Irène et Frédéric Joliot-Curie obtenaient le prix Nobel de Chimie. Frédéric Joliot a perçu très vite l’impact que cette découverte aurait sur les sciences de la vie : lorsque, en 1946, il devient le premier HautCommissaire du CEA, il décide d’y implanter la biologie. Depuis près de 60 ans donc, des biologistes du CEA CENTRE CEA DE SACLAY LE JOURNAL sont chargés d’explorer les possibilités offertes par les radiotraceurs (molécules radioactives), tout en étudiant les effets des rayonnements ionisants sur le vivant. Aujourd’hui, le marquage radioactif est devenu un outil incontournable de la recherche médicale. À Orsay et 1/ Le phosphore 30, dont la demi-vie est de 156 s et qui se désintègre en silicium 31 en émettant un positon. Examen cérébral par tomographie par émission de positions (TEP). En médecine nucléaire, cette technique est notamment utilisée pour observer l’activité du cerveau. SPÉCIAL 60 ANS HORS SÉRIE 21 voyage au centre de la vie Principes de traques Le noyau d’un atome est constitué de protons et de neutrons. Un élément chimique est caractérisé par le nombre de ses protons. Les isotopes d’un même élément possèdent le même nombre de protons mais un nombre de neutrons différent. Certains isotopes sont radioactifs, c’est-à-dire qu’ils se désintègrent en émettant un rayonnement. On les appelle aussi radioéléments. La période radioactive ou demi-vie est le temps au bout duquel la moitié des noyaux radioactifs initialement présents a disparu. C’est une donnée spécifique à chaque radioisotope, qui varie dans des gammes de valeurs très vastes, de la fraction de seconde à plusieurs milliards d’années. Les noyaux radioactifs peuvent être détectés, localisés et même dosés à distance par le rayonnement qu’ils émettent. Un radiotraceur ou molécule marquée résulte de l’introduction, par voie chimique ou enzymatique, d’un élément radioactif dans sa structure chimique. Cette molécule est choisie pour sa capacité à « tracer » une fonction métabolique ou physiologique particulière. La méthode consiste à suivre le traceur, grâce à l’élément radioactif qu’il porte, le long des transformations physiques ou chimiques qu’il subit. L’imagerie nucléaire permet, en particulier, de déterminer in vivo et de manière atraumatique la distribution à Saclay, des équipes de chimistes et de radiochimistes, ont recours quotidiennement aux radiotraceurs, que ce soit pour étudier le fonctionnement du cerveau, pour évaluer un traitement anticancéreux ou pour appréhender la toxicité de nanoparticules. Dans l’avenir, nul doute que le marquage saura se révéler un allié sûr dans les développements prometteurs de la nano-médecine. In vivo veritas L’imagerie médicale constitue, sans doute, l’une des plus grandes révolutions de l’histoire de la médecine. Elle permet d’explorer in vivo le monde du vivant, l’Homme en particulier, tout en préservant l’intégrité du sujet étudié. Outil de diagnostic, elle est également largement utilisée dans la recherche biomédicale où elle contribue à la fois à la compréhension fondamentale du fonctionnement de l’organisme et aux développements pharmaceutiques. Le Service hospitalier Frédéric Joliot (SHFJ), établi dans les locaux de l’hôpital d’Orsay depuis la fin des années 1950, est spécialisé dans la médecine et l’imagerie nucléaires. Son cœur de métier est l’innovation en matière de développement de nouveaux radiotraceurs et de nouvelles méthodologies, en particulier autour de la tomographie par émission de positons (TEP). « À l’origine, la TEP était destinée à l’imagerie du cerveau, l’organe humain considéré depuis toujours comme le plus noble et le plus complexe », explique Frédéric Dollé, responsable du groupe de chimie et de radiochimie et 22 HORS SÉRIE SPÉCIAL 60 ANS du radiotraceur dans un organisme vivant et d’étudier l’interaction de cette molécule radioactive avec une cible pharmacologique déterminée. La tomographie par émission de positons utilise des molécules marquées par un isotope radioactif, souvent à vie brève, qui se désintègre en émettant un positon. Ce dernier se détruit en créant deux photons, d’énergie bien définie, qui sont détectés par un tomographe autour du patient. Le traitement des signaux collectés fournit ainsi une image en trois dimensions de la répartition du radiotraceur dans l’organisme avec une précision de l’ordre du millimètre. coordonnateur scientifique du SHFJ. « Le déploiement des neurosciences sur le plateau de Saclay est donc une opportunité stratégique pour nous ». Aujourd’hui, chercheurs et médecins exploitent principalement le [18F]-FDG 3, molécule marquée au fluor 18 4, comme traceur du métabolisme du glucose. En cancérologie, celui-ci sert à détecter et à localiser précisément des tumeurs secondaires mais également à évaluer et suivre l’efficacité de traitements thérapeutiques. « Mais nous nous appliquons aussi à développer de nouveaux radiotraceurs, marqués au fluor 18 ou au carbone 11, pour la recherche sur les maladies neurodégénératives (Parkinson, mais surtout Alzheimer 5). » Peu de gens savent que, lorsque les symptômes principaux de la maladie de Parkinson apparaissent chez un patient, un très grand nombre de neurones dits dopaminergiques sont déjà détruits. « À ce jour, il n’existe que peu de traitements pour ces maladies », déplore Frédéric Dollé, « mais lorsqu’un médicament sera disponible ou en voie de l’être, l’imagerie pourrait fournir des informations précieuses pour 3/ Fluorodésoxyglucose. 4/ Cet élément est produit par transmutation nucléaire, dans un cyclotron qui fournit des protons. Le SHFJ réunit trois compétences importantes : la production des isotopes dans le cyclotron, la synthèse chimique et la radiochimie, qui permettent d’obtenir et de caractériser la molécule marquée prête à être injectée. 5/ Les premiers marqueurs de la maladie d’Alzheimer sont arrivés pour l’homme : le C11PIB et le 18F-AV-45. le développement pharmaceutique puis permettre une prise en charge plus précoce des patients, notamment avant l’apparition des signes cliniques ». Sur la piste des nanoparticules À la fin des années 1950, un autre service s’installe sur le site de Saclay, le Service des molécules marquées. Il a pour mission de fournir des molécules d’intérêt biologique marquées par un atome radioactif aux laboratoires de recherche scientifique, médicaux ou industriels. Dans les années 1990, après de nombreuses années consacrées à la production, ses activités se sont recentrées sur la recherche. « Le marquage est une activité d’autant plus précieuse qu’elle est unique en France et très peu répandue dans le monde, tout au moins dans la recherche publique », précise Frédéric Taran, directeur-adjoint du Service de chimie bioorganique et de marquage (SCBM). Les radiochimistes du SCBM synthétisent des molécules marquées, essentiellement au tritium ou au carbone 14 6, qui sont utilisées comme outils d’investigation par des partenaires biologistes. Le service a ainsi développé des collaborations avec des équipes prestigieuses et a contribué à des avancées scientifiques importantes, telles que la découverte d’un nouveau récepteur sérotoninergique. Leur objectif est de développer de nouvelles 6/ Tritium et carbone 14 ont des demi-vies respectives de 12 ans et de plus de 5000 ans. Ils se désintègrent en émettant un électron. 7/ Assemblage d’atomes de carbone constitué de plusieurs feuillets de graphène enroulés les uns autour des autres. CENTRE CEA DE SACLAY LE JOURNAL méthodes de marquage tout en continuant à synthétiser des molécules, aussi bien pour la recherche académique que pour l’industrie pharmaceutique. « Malgré l’apparition d’autres types de marquage, tels que le marquage par fluorescence, le marquage radioactif se révèle souvent indispensable ». Aujourd’hui, les équipes du CEA Saclay utilisent cette technique du marquage radioactif en toxicologie, pour pister le trajet de nanoparticules dans un organisme. La taille de ces particules les rend difficilement détectables, sauf si on leur confère une propriété particulière : la radioactivité. L’équipe de Frédéric Taran s’est plus particulièrement intéressée aux nanotubes de carbone multifeuillets 7. « Nous avons développé un procédé chimique qui permet de substituer du carbone 14 à des atomes de carbone 12 stable, directement sur la paroi des nanotubes ». Les molécules obtenues sont identiques du point de vue chimique. Injectées par voie intraveineuse à une population de rongeurs, elles peuvent être traquées dans leur organisme, quelques heures, voire plusieurs mois après l’injection. Les premiers résultats ont déjà permis d’établir que, 24 heures après l’exposition, les nanotubes s’accumulaient dans le foie et les poumons des rongeurs sous forme d’agrégats. Ces recherches devraient se poursuivre, avec un financement de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) et du programme transversal Toxicologie du CEA. Le résultat de l’ensemble des études pourrait aider à la mise en place d’une législation sur la commercialisation des nanoparticules. La technique du marquage radioactif au carbone 14 est notamment employée dans les études de toxicologie. Aline Curtoni SPÉCIAL 60 ANS HORS SÉRIE 23 Laboratoire d’expérimentation architecturale et urbanistique Le centre de Saclay Laboratoire d’expérimentation architecturale et urbanistique Le centre CEA de Saclay est une pièce importante de la mosaïque que dessine le campus Paris-Saclay. La petite cité scientifique édifiée après-guerre est en pleine mutation. Pour grandir, elle peut s’appuyer sur les bases solides et innovantes posées voilà 60 ans. L e 18 octobre 1945, le général de Gaulle crée, par ordonnance, le Commissariat à l’énergie atomique. Frédéric Joliot-Curie et Raoul Dautry sont nommés respectivement Haut-Commissaire et Administrateur général du CEA. Dès la première réunion, au printemps 1946, le Comité à l’énergie atomique aborde le sujet de la construction d’un grand centre de recherche. Ce sera Saclay. Les origines Proche de la capitale, joignable par « la ligne de Sceaux » (aujourd’hui le RER B), faiblement peuplé, le plateau de Saclay répond aux caractéristiques souhaitées par l’équipe de Frédéric Joliot-Curie pour installer un « Centre d’études nucléaires ». À partir de 1948, le projet prend corps, avec l’achat de 175 hectares sur le plateau. Les premières équipes prendront possession des lieux en 1952, il y a juste 60 ans. La conception du centre est confiée à l’architecte Auguste Perret (1874-1954), l’orfèvre du béton, qui travaille à l’époque à la reconstruction de la ville du Havre 1. Perret doit répondre à la commande des scientifiques en imaginant un site capable d’évoluer au rythme des innovations techniques et des besoins en instruments. Les découvertes du début de la première moitié du xxe siècle ont profondément transformé la science, qui change d’échelle. Les instruments sont de plus en plus grands et puissants. L’architecte doit se projeter dans le futur, inventer un site capable d’évoluer, de s’agrandir, d’héberger plus de personnels, sans déborder de ses clôtures Perret imagine un bâti capable d’accompagner le progrès scientifique sans perdre ses qualités architecturales 1/ Classée en 2005 par l’Unesco au Patrimoine mondial de l’Humanité. 24 HORS SÉRIE SPÉCIAL 60 ANS « La composition est l’art de faire tenir les services les plus compliqués dans le volume le plus simple. » Auguste Perret et esthétiques. La charpente et le toit seront pérennes, et bien lisibles ; sous cet « abri souverain » – un concept qui lui est cher –, les volumes et les espaces seront modulables, les façades modifiables autant que de besoin. Saclay, ville rose L’architecte, en collaboration avec les scientifiques du CEA, élabore un projet à la fois architectural et urbanistique. « Le Palais de l’atome », comme il l’appelle, sera une petite cité. La composition de l’ensemble fait par ailleurs référence à l’urbanisme versaillais : bâtiments de deux ou trois étages, environnement paysager, pièces d’eau. Les bâtiments sont percés de portes monumentales, ornés de corniches, de frontons, de chapiteaux et de pilastres, exécutés dans un style sobre. Laboratoire d’expérimentation architecturale et urbanistique À Saclay comme au Palais d’Iéna, au Théâtre des Champs Élysées, à l’Église du Raincy, au Havre, Perret emploie son matériau de prédilection : le béton armé. Robuste, économique, celui-ci permet de créer une architecture à la fois simple et élégante. La ligne austère des bâtiments est animée par le travail du béton. Les structures primaires (poteaux et poutres) sont laissées « brut de décoffrage », pour faire apparaître les veines du bois. Le revêtement des façades, bouchardé 2, coloré dans la masse, principalement en rose, prend l’aspect de la pierre. Perret se préoccupe aussi de l’éclairage : hauts plafonds, sheds 3, puits de lumières, lanternons, grandes baies vitrées laissent pénétrer la lumière naturelle. Pour le plan, le choix se porte sur la trame, ou plan en damier, un concept fréquemment utilisé depuis l’Antiquité 4. Un tracé orthogonal s’établit autour d’axes principaux et de routes secondaires, déterminant des îlots encore appelés pâtés de maisons ou quartiers. Pour relier les îlots, un « système de parcs » est mis en CENTRE CEA DE SACLAY LE JOURNAL Bâtiment de la première pile construite à Saclay, EL2, conçu selon les plans de l’architecte Auguste Perret. place, inspiré des conceptions du paysagiste américain Frederick Olmsted, créateur du premier campus de l’Université de Berkeley. Plus de 5 000 arbres, dont des espèces rares, seront plantés sur le « campus » de Saclay. Au début des années 1990, un arboretum viendra compléter cet aménagement paysager. Ce plan, par sa souplesse, permet de penser le futur à partir du présent. Il est facilement aménageable en densifiant des parties (ilots) sans avoir à modifier le tout. Il a permis au centre d’évoluer au fil du temps en fonction de ses activités et de ses besoins. 2/ Béton dont la surface a subi, après durcissement, un traitement mécanique par martelage à l’aide d’un outil à pointes, la boucharde. Ce traitement fait affleurer le granulat et donne au béton l’aspect de la pierre taillée. 3/ Le shed est la toiture en dents de scie avec un versant vitré sur sa longueur, couvrant en général un atelier industriel. 4/ La paternité du plan en damier, ou trame, est attribuée à l’architecte grec Hippodamos de Milet (V e siècle avant JC). SPÉCIAL 60 ANS HORS SÉRIE 25 26 HORS SÉRIE SPÉCIAL 60 ANS Laboratoire d’expérimentation architecturale et urbanistique Le château d’eau, emblématique de l’architecture Perret et du CEA de Saclay, avec sa structure poteaux-poutres apparente, ses corniches et ses parements en béton rosé. Dès l’origine, le projet doit tenir compte des besoins techniques des expérimentateurs : vastes halls pour les grands instruments, laboratoires, ateliers, bureaux, galeries techniques, ponts roulants, alimentation en fluides (eau, gaz, électricité…). Mais la petite cité de l’atome sera aussi une ville avec son château d’eau, sa chaufferie, sa station d’épuration, ses magasins centraux, ses restaurants, ses parkings… Auguste Perret meurt en 1954. Il a pu dessiner une trentaine d’édifices, dont une vingtaine sera construite : le château d’eau, le bâtiment de la pile EL2, le bâtiment du cyclotron, le bâtiment de l’accélérateur Van de Graaff, les grands ateliers de mécanique, le bâtiment de la Direction, le bâtiment « en H », qui abrite la bibliothèque 5, un restaurant… Le site évolue De nombreux bâtiments ont été construits à Saclay depuis 60 ans. Les caractéristiques principales imprimées par le « style Perret » ont été conservées jusqu’à une date récente : utilisation du béton et couleur rose, faible hauteur des constructions. Des annexes ont été implantées, pour des raisons techniques, hors du centre. C’est le cas du Service hospitalier Frédéric-Joliot (1958), par exemple, situé dans l’enceinte de l’Hôpital d’Orsay, ou encore du site de l’Orme des Merisiers (1968), où les physiciens se sont regroupés autour d’un grand instrument aujourd’hui démantelé : l’Accélérateur linéaire de Saclay (ALS). Depuis les années 1990, de nouveaux bâtiments ont été édifiés en rupture avec le style dominant : INSTN 6 (1990, architecte Michel Proux), Siège du CEA (2005) et NeuroSpin (2007, architecte Claude Vasconi). Plus récemment le bâtiment « Digiteo » a pris place à la bordure du site. Le bâtiment « Doseo » est en cours de construction. D’autres projets sont à l’étude. En 2012, 5/ La bibliothèque scientifique de Saclay offre des collections dans les différentes disciplines de recherche du CEA, notamment dans le domaine des Sciences et techniques nucléaires, pour lesquelles la Bibliothèque est Pôle Label associé de la Bibliothèque Nationale de France depuis 1996. Dans tous ces domaines la Bibliothèque acquiert et conserve un patrimoine de niveau doctoral et post-doctoral. Elle conserve plus de 90 000 livres papier et 12 000 livres électroniques, 900 000 rapports et thèses et plus de 7 000 revues. 6/ Institut national des sciences et techniques nucléaires. CENTRE CEA DE SACLAY LE JOURNAL Le Centre de Saclay en chiffres 220 ha 380 bâtiments 36 km de routes 4,6 km de clôture 1 1 km de galeries techniques enterrées 5 400 salariés CEA 8 000 personnes présentes par jour des équipes du CEA/Saclay se sont installées dans de nouveaux bâtiments rattachés au centre et construits sur le plateau « hors les murs » : Nano-INNOV. Saclay demain Sur le campus du site principal, entre pelouses et espaces plantés, les bâtiments Perret sont toujours là ; la plupart d’entre eux ont eu plusieurs vies. La modularité a parfaitement rempli son rôle. Les espaces intérieurs ont changé d’affectation. À l’extérieur, « l’abri souverain » a perduré. Le bâtiment du cyclotron héberge aujourd'hui les syndicats nationaux. Dans l'enceinte de l’accélérateur Saturne, démantelé, a pris place la plateforme Synergium. Le tunnel souterrain de l’ancien Accélérateur linéaire de Saclay (ALS), à l’Orme des merisiers, accueillera bientôt le laser Apollon, le plus puissant du monde. Dans les grands ateliers de mécanique est installé Artémis, Accélérateur pour la recherche en sciences de la Terre, environnement et muséologie, etc. Aujourd’hui, le centre, composante historique du campus Paris-Saclay, a entrepris de se doter d’un schéma directeur. L’objectif est de programmer les travaux et aménagements qui faciliteront une intégration harmonieuse du site à son nouvel environnement, lui-même en construction. Curieusement, les principes qui inspirent les architectes, urbanistes et paysagistes qui ont en charge les projets de développement du plateau de Saclay sont ceux-là mêmes qui ont présidé à la création du centre CEA il y a 60 ans, lui permettant d’évoluer au fil du temps, sans perdre son unité, tout en conservant la qualité de vie des personnels. La « cité atomique » de Joliot, Dautry et Perret est un haut lieu de la science. Elle est aussi, depuis sa création, un remarquable laboratoire d’expérimentation architecturale et urbanistique. Annemarie Gendre-Peter SPÉCIAL 60 ANS HORS SÉRIE 27 TOUTE l’actualité du centre cea de saclay www-centre-saclay.cea.fr Centre CEA de Saclay Le Journal / 3e trimestre 2012 / Hors Série 60 ans du centre / Éditeur CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives) Centre de Saclay 91191 Gif-sur-Yvette Cedex / Directeur de la publication Jacques Vayron / Rédactrice en chef Marie Vandermersch Ont contribué à ce numéro Aline Curtoni, Annemarie Gendre-Peter, Charlotte Samson, Gaëlle Degrez / Illustrations Delius (delius-dessinateur.blogspot.com). Conception graphique Efil communication (www.efil.fr). N° ISSN 1276-2776 Centre CEA de Saclay / Droits de reproduction, textes et illustrations réservés pour tous pays. Impression Vincent (Tours), imprimeur labellisé Imprim’vert (charte pour la réduction de l’impact environnemental, la traçabilité et le traitement des déchets). Papier certifié PEFC / 10-31-1087 (garantie d’une gestion durable des ressources forestières).