Briser le silence – Le choix de Nathalie Simard
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Briser le silence – Le choix de Nathalie Simard
La pathémisation dans Briser le silence : Le choix de Nathalie Simard Par Maxime Houle Présenté dans le cadre du cours Stratégies à l'oral de Guylaine Martel – Université Laval LE GENRE COMMUNICATIONNEL.......................................................................................4 L’INTERACTION........................................................................................................................ 4 IDENTITÉ DES ACTEURS DE L’ÉMISSION..........................................................................6 NATHALIE SIMARD : DE VICTIME À FEMME FORTE..................................................................................6 IDENTITÉ DES AUTRES ACTANTS..............................................................................................................8 PROCÉDÉS.................................................................................................................................. 9 STRUCTURE DE L’ÉMISSION — TECHNIQUES NARRATIVES.......................................................................10 INTRODUCTIONS DE CLAUDE CHARRON................................................................................................11 PARALANGAGE DES ACTANTS................................................................................................................ 12 DES SILENCES PUISSANTS….................................................................................................................13 UN VOCABULAIRE CONNOTÉ.................................................................................................................13 TECHNIQUES D’ENTREVUES..................................................................................................................14 PROCESSUS DE DÉNONCIATION D’UN AGRESSEUR SEXUEL.........................................................................15 MONTAGE.......................................................................................................................................... 16 PLANS DE CAMÉRA.............................................................................................................................. 17 MUSIQUE ET SONS..............................................................................................................................18 CONCLUSION........................................................................................................................... 19 BIBLIOGRAPHIE......................................................................................................................20 Briser le silence est l’une des émissions qui s’inscrit dans la foulée des événements concernant le procès de Guy Cloutier. Elle prend place quelques mois après la révélation de la victime, Nathalie Simard, au public. Toutefois, contrairement aux entrevues traditionnelles comme celle que Nathalie Simard a accordée à Paul Arcand quelques mois auparavant, Briser le silence déroge les règles traditionnelles. Il s’agit d‘une émission spéciale. Ce que le public désire, c’est en savoir le plus possible sur cette histoire d’agression sexuelle. Il a été stupéfait par les révélations des derniers mois et il est avare de détails croustillants. Le rôle de cette communication est donc essentiellement de conforter les opinions du public en renforçant la victimisation de Nathalie Simard. Toutefois, dans le cadre de notre analyse, nous verrons surgir d’autres rôles connexes de l’émission comme la promotion de la Fondation Nathalie Simard, la description du processus de dénonciation d’un agresseur sexuel et l’encouragement à d’autres victimes d’abus sexuels de dénoncer leur agresseur. Pour parvenir à ces fins, les producteurs de TVA optent donc pour une reconstitution des événements, où le montage des entrevues effectuées par l’animateur Claude Charron côtoie des visites sur les lieux, des scènes narratives et émotives et une musique spécialement composée pour cette émission. La présente analyse observera tous les moyens mis en œuvre par les producteurs de l’émission pour créer ce que Patrick Chareaudeau appelle la pathémisation. Des plans de caméras à la musique, en passant par le montage, les techniques narratives et les tons utilisés, nous tenterons de faire ressortir ce qui contribue à émouvoir le public. Le genre communicationnel Comme dit en introduction, Briser le silence s’inscrit dans la foulée des événements autour de l’affaire de Guy Cloutier. Il s’agit d’une émission spéciale. Contrairement à l’entrevue que Nathalie Simard a accordée à Paul Arcand et où le public s’attendait à une entrevue suivant une certaine forme, le public ne sait trop à quoi s’attendre concernant le cadre formel de cette émission. Dans les derniers mois, le public a été complètement dérouté. Alors qu’il a cru pendant de nombreuses années à une Nathalie Simard heureuse, pure et protégée par son agent Guy Cloutier, celui-ci a été dernièrement confronté à une vision différente de celle qu’il avait imaginée. Le spectateur réalise avec stupéfaction qu’elle a été agressée sexuellement pendant toute son enfance, l’un des crimes les plus condamnés dans les médias québécois, et par nul autre que son agent. L’implication personnelle du récepteur est donc grande puisque sa construction passée qu’il avait de Nathalie Simard est mise en doute par les dernières révélations. En résulte un déséquilibre que le spectateur cherche à résoudre. L’émission Briser le silence apparaît alors aux yeux du spectateur comme un divertissement, certes, mais surtout comme une manière de réduire ce fossé entre ce qu’il croyait être Nathalie Simard et ce qu’il s’est réellement passé. Pour répondre à l’attente du public d’en savoir le plus possible sur cette affaire, les producteurs ont donc décidé d’explorer une forme rarement utilisée au réseau TVA et au Québec, soit un documentaire qui allie entrevues et reconstitutions d’événement. Cette façon de faire donne à Briser le silence toutes les qualités d’une fiction, mais avec la crédibilité et l’impact d’un événement réellement vécut. De plus, diverses images d’archives contribuent à mettre en valeur la construction passée de Nathalie Simard et ainsi, comme nous l’avons exposé dans le paragraphe précédent, augmenter l’implication du public par rapport au message. L’interaction Dans Briser le silence, deux types d’interaction doivent être pris en compte. L’interaction entre les actants médiatiques et l’interaction avec le public. Contrairement à l’entrevue conventionnelle de type question-réponse, Briser le silence se démarque par un montage qui fait, la plupart du temps, abstraction des questions. L’ordre des témoignages s’inscrit, comme nous le verrons plus loin, dans une logique narrative. Il s’agit surtout d’un montage visible des réponses de Nathalie en alternance avec les autres témoignages. Nous pouvons d’ailleurs souvent deviner la présence d’une question effacée au montage comme lorsque Nathalie répond : « Si je songe à revenir dans le showbusiness? ». L’intervieweur, Claude Charron, se fait plus présent lors de la visite de lieux comme la chambre d’hôtel et la scène de la confession. Dans ce cas, l’intervieweur est présent afin de faciliter la présentation des lieux et des événements qui y ont pris place. CC Il devait s’asseoir ? NS (Pointe la chaise) Là CC (Pointe la chaise) Ici. NS Oui Aussitôt que cela devient possible, le montage reprend les formes qui permettent l’abstraction de questions. Cette abstraction des questions permet aussi de créer une interaction harmonieuse puisqu’aucun des actants n’est mis en doute par rapport à ce qu’il dit. Soulevons qu’il y a aussi rarement des interactions entre les participants. Il s’agit avant tout de témoignages filmés de façon séparée. Lorsqu’il y a interaction entre Nathalie Simard et les participants, par exemple avec Denise Filliatrault ou Claude Dubois, c’est lorsque les images ont été prises sur le vif lors d’événements. Un deuxième type d’interaction a lieu avec le public. Celle-ci vise bien sûr à prendre en compte le public et à répondre à ses attentes. Un grand nombre des personnes interviewées appartient au monde du spectacle afin de ne pas trop dérouter le public. De plus, des marques de ressemblances de Nathalie envers le public peuvent être soulevées, comme dans l’exemple suivant : « Faut que je fasse vivre ma fille, faut que m, ma fille mange. J’veux juste au moins être capable de payer mon compte d’Hydro, mon compte de Bell, […] ». Ces préoccupations dans lesquelles probablement toute mère de famille se reconnaît renforcent l’identification à Nathalie Simard, et donc l’implication par rapport au message. L’attention du récepteur devient donc beaucoup plus forte. Nous pouvons aussi faire ressortir des adresses au public lorsqu’il s’agit d’encourager les victimes à dénoncer leur agresseur. « Oui, ça en vaut vraiment la peine de dénoncer. Faites-le ». Ces adresses sont parfois directes lorsque les actants regardent directement la caméra et parlent directement au public. Mais elles sont aussi indirectes comme lorsque Sylvie Tardif parle de ce qui incite les victimes à dénoncer : « Quand, euh notre enfant, on le voit évoluer pis ki arrive à l’age où nous on a commencé à subir les abus, euh ça nous montre à quel point, ben c’est juste un enfant pis que c’est pas correct, là ». Ces derniers propos ne s’adressent pas directement au public, mais le spectateur qui se sent concerné par le sujet sera attentif et pourrait faire de la projection sur lui-même. Finalement, l’utilisation du « tu » dans certaines réponses accentue l’implication du public par rapport à Nathalie. « Mais si, j’ai j’ai dû vivre ça pour pouvoir éviter ça à mon enfant, là, ben qu’est-ce que tu veux. Pas drôle là, mais ça aura servi à quelque chose ». Même si, à ce moment Nathalie, s’adresse à l’intervieweur, l’absence de celui-ci amène le public à se sentir encore plus interpellé par de telles marques. Comme dit plus tôt, le spectateur qui a été victime d’une agression sexuelle et donc directement concerné par ce discours sera beaucoup plus interpellé grâce à l’utilisation de ce « tu ». Identité des acteurs de l’émission L’observation de l’identité des acteurs présents dans la communication se fera en deux parties. Tout d’abord, en observant spécifiquement Nathalie Simard et son identité qui est graduellement construite au fil de l’émission. Par la suite, en observant l’identité des autres acteurs médiatiques de cette communication. Nathalie Simard : De victime à femme forte Pendant notre analyse, nous avons observé les différentes identités que l’émission réussit à créer par rapport à Nathalie Simard et comment ces identités évoluent à l’intérieur de l’émission. Tour à tour sont développées trois identités : la mère de famille, la victime et la femme combattante. Mais avant de parler de ces identités, observons comment s’articulent les identités professionnelles et personnelles à l’intérieur de l’émission. Tout le battage médiatique concernant cette histoire est avant tout justifié par l’identité de nature professionnelle de Nathalie Simard. Comme nous avons dit, plusieurs Québécois ont eu l’occasion de la voir grandir à travers le petit écran et c’est avec surprise qu’ils ont appris toute cette histoire. Cette identité professionnelle est donc avant tout l’image que possédait le public de Nathalie avant le dévoilement de l’affaire Cloutier. Elle rappelle au public comment Nathalie Simard s’est inscrite dans leur quotidien à une certaine époque. L’exposition de cette identité professionnelle dans Briser le silence vise une chose : augmenter l’impact des événements relatés en créant chez le spectateur une sorte de contraste par rapport à l’être et le paraître, c’est-à-dire entre ce que le spectateur savait et ce qu’il se passait réellement à l’époque. Alors que nous croyions à l’époque cette jeune fille heureuse par les médias, celle-ci souffrait au contraire le martyre. C’est donc pour cette raison que de nombreuses images d’archives qui rappellent la carrière artistique passée de Nathalie Simard sont utilisées et que de nombreux passages d’entrevues relatent les événements connus du public. Toutefois, les événements relatés dans Briser le silence sont, pour la plupart, rattachés à son identité privée. On y dévoile et expose les différents événements qui ont secoué sa vie durant toutes ces années et son long processus de dénonciation et de guérison. La narration des événements vise donc à nous faire découvrir le côté inconnu de sa carrière artistique que nous n’osions imaginé ainsi que les événements qui ont conduit à sa dénonciation et qui se sont passés alors que le public suivait avec intérêt l’affaire Cloutier. Les événements relatés visent donc à répondre aux différentes interrogations du public et à le surprendre par rapport à ce qu’il croyait être Nathalie Simard. Comme nous avons dit plus haut, trois images sont construites pour l’identité personnelle de Nathalie. Par tous les procédés que nous verrons plus tard, une victimisation est mise en place dans la première moitié de l’émission. Progressivement, cette identité se transformera dans la narration afin d’atteindre celle d’une femme forte, guide pour toutes les femmes qui désirent dénoncer leur agresseur. Comme dans un film, le procédé consiste à passer des deux extrêmes, du mal vers le bien, du statut le plus bas au statut le plus glorifiant. Outre ces deux identités, une identité beaucoup plus commune est mise en place, soit celle de la mère de famille. Jacques Bouchard cite l’amour des enfants dans ses 36 cordes sensibles des Québécois (Bouchard, 1978 : 177). Dans toute l’émission, différentes scènes sont mises en place avec sa jeune fille Ève. Après l’introduction, sa fille Ève est le premier thème abordé et il s’agit des dernières images qui ferment l’émission. De plus, plusieurs passages visent à mettre en évidence que, malgré les difficultés, Nathalie prend soin de sa fille : « Mais au moins, l’important, c’est que ma petite fille mangeait, tsé ». Il semble donc évident que les producteurs ont voulu mettre de l’avant cette identité afin de banaliser Nathalie Simard et ainsi créer une identification beaucoup plus forte des téléspectateurs. De nombreux passages ont d’ailleurs été retenus dans le montage afin de renforcer cette impression,comme lorsqu’elle parle de payer ses comptes et lorsqu’elle parle de sa fille. Identité des autres actants Claude Charron est l’animateur et il est celui auquel le public accorde de la crédibilité à cause des nombreuses autres émissions auxquelles il a participé. Il est présent pour ses qualités d’animateur et de journaliste, mais aussi en tant qu’homme que le public voit comme intelligent et humain. Ce dernier ne partage pas la même identité aux yeux du public qu’un Paul Arcand. Concernant les autres participants, les producteurs n’ont de toute évidence pas voulu dérouter le public en présentant un trop grand nombre de personnes inconnues du public. Sur les 18 autres personnes interviewées, six n’appartiennent pas au monde du spectacle. De ces six, quatre sont des professionnels, un est membre de la famille et une est une amie. Les personnalités médiatiques sont des gens qui ont connu de proche ou de loin Nathalie Simard par le passé. Ils témoignent pour la plupart de leur expérience avec Nathalie et ils apportent des commentaires par rapport à elle. Ils sont donc là à cause de leur identité professionnelle, mais ce dont ils parlent est essentiellement leur expérience personnelle avec Nathalie Simard. Certains aussi comme Paul Arcand s’improvisent spécialistes en matière de victimes d’abus sexuels et apportent recommandations et avis. Les professionnels interviennent de deux façons. Certains comme Pierre Hardy et Pierre Lapointe viennent témoigner de leur expérience avec Nathalie à l’intérieur de son processus de dénonciation. D’autres comme Sylvie Tardif viennent enrichir l’émission par des considérations sur les victimes d’abus sexuel. Ces professionnels ne sont là que pour leur identité professionnelle. Finalement, les deux autres invités agissent en tant que membres « normaux » du public. Martin Simard fait office de représentant de la famille qui est plutôt absente depuis le début de l’affaire. Marie-France Lussier, amie et voisine de Nathalie, est quant à elle la femme comme tout le monde, non membre du show-business. Elle est d’ailleurs l’une des seules personnes, outre sa fille Ève, avec qui l'on voit Nathalie interagir dans le cadre de sa vie personnelle. En effet, nous voyons Nathalie et Marie-France qui se promènent dans une remorque. Cette mise en scène s’inscrit dans la banalisation de Nathalie. Notons aussi la présence de la fille de Nathalie Simard, Ève. Même si celle-ci ne parle pas, elle contribue par sa présence à former l’identité de mère de famille que nous avons fait ressortir dans la partie précédente. En dernier lieu, comment faire abstraction de l’arlésienne de cette émission, Guy Cloutier, que nous apercevons seulement à l’intérieur des images d’archives. Son ombre plane pendant toute l’heure de l’émission analysée, mais outre dans les images d’archives, celui-ci n’est mentionné qu’à de très rares reprises. Son nom n’est prononcé qu’à une reprise par Nathalie Simard, mais celle-ci parle de « il » à quelques reprises. Les producteurs ont visiblement choisi d’en parler le moins possible et de seulement compter sur l’identité déjà construite de Guy Cloutier chez le public. Procédés Tout au long de l’émission, de nombreux procédés sont mis en œuvre afin de créer quelque chose qui s’approche beaucoup plus d’une fiction que d’un documentaire traditionnel. Dans cette partie, nous observerons les procédés utilisés pour créer la pathémisation et comment ceux-ci entrent en œuvre pour servir les buts de la communication. Structure de l’émission — Techniques narratives Ce qui apporte de l’impact dans la mise en scène du discours, c’est avant tout la trame narrative qui est mise en place par la structure de l’émission afin de placer le spectateur comme s’il était dans une fiction. Premièrement, l’émission est fragmentée en cinq blocs et chacun porte un titre : « Ève », « Briser le silence », « La Confrontation », etc. Ces titres guident le spectateur et créent un certain nombre d’attentes par rapport à ce qu’il va voir. Un titre comme La Confrontation crée une attente chez le spectateur, qui ne s’attend alors pas à entendre parler de la relation de Nathalie avec sa fille Ève dans ce bloc. De plus, chacun de ces blocs est précédé par une courte introduction de Claude Charron dont nous observerons les effets plus loin. À l’intérieur de chacun de ces blocs, nous retrouvons le montage d’entretiens avec différents actants. Ces entrevues sont généralement placées de façon à recréer l’ordre des événements, comme lorsque Daniel Beaudry raconte la scène de la chambre d’hôtel en interaction, grâce au montage, avec le témoignage de Nathalie. « Donc euh, entre dans ma chambre, on s’installe et là elle me dit : “Çé la fameuse phrase, que je te disais. Si je pouvais te dire tout ce que j’ai envie de te dire, tu comprendrais. Ah dit : Ben là assis toi : faut que j’te parle” ». D’autres participants rapportent les sentiments de Nathalie Simard à certains moments précis de la trame narrative, comme Julie Snyder : « Ch, chu aller à Magog, dans un p’tit restaurant, pis chu tomber sur Joel Legendre et elle. [ CP] Pis on parlait, on bavardait pis j’voyais dans son, j’voyais qu’elle avait quelque chose de voilé dans le regard […]». D’un autre côté, nous retrouvons dans ces blocs plusieurs séquences de reconstitutions des événements qui viennent créer une fiction. Elles sont directes lorsqu’elles visent à, soit recréer l’événement et son ambiance comme pendant le prologue où nous pouvons suivre sa route vers le tribunal, ou soit à construire l’identité de Nathalie, comme dans les scènes avec Ève qui construisent son identité de mère de famille. Nous les qualifions de directes, car elles visent à faire croire au spectateur qu’il suit, par exemple, réellement Nathalie vers le procès. Il y a aussi des visites sur les lieux qui sont des reconstitutions indirectes. À la différence des reconstitutions directes, ces dernières tentent de recréer l’ambiance des événements par le montage des interviews et la description des événements comme lorsque Nathalie Simard et Claude Charron revisitent la chambre d’hôtel et le Palais de Justice. Des images d’archives comme les extraits du téléjournal de TVA participent aussi à la construction de la trame narrative. Mais en plus, elles permettent de rappeler les événements au public et de replacer le spectateur en contexte par rapport à ce qu’il savait avant d’être en présence des nouveaux faits dans Briser le silence. Ces images, sorte de flash-back pour le public, sont donc utiles pour leurs effets en tirant le fil des expériences antérieures du spectateur pour faire ressortir, par exemple, l’indignation qu’il a vécue lorsqu’il a appris les faits. Introductions de Claude Charron Les introductions de Claude Charron misent avant tout à résumer le contenu du prochain bloc. Toutefois, lorsque nous observons celles-ci plus proche, nous voyons qu’elles ont un important impact dans la construction identitaire de Nathalie Simard. Ces introductions visent à créer l’atmosphère du bloc qui suit. Ainsi, la première introduction accumule les événements pour brosser un portrait catastrophique de la situation de Nathalie Simard. L’année 1994 a été catastrophique pour Nathalie Simard. Il y a tout d’abord eu cette arrestation pour tentative de fraude et la publicité négative, bien sûr. Puis, sa volonté d’un retour professionnel s’est soldée par un échec. Et puis, pour finir le tout, quelques jours avant Noël, son condo de l’Île des sœurs a été saisi. Ces introductions résument aussi les sentiments que vit Nathalie à l’époque des événements comme dans la deuxième introduction. « La souffrance est trop grande, la douleur trop vive. Elle n’en peut plus de vivre dans le mensonge et surtout d’être seule à porter le fardeau de son terrible secret ». En en exposant les sentiments de Nathalie au public, les introductions peuvent donc créer une compassion à l’égard de Nathalie. Donc, en plus de résumer ce qui suit, ces introductions construisent dans une certaine mesure l’attitude du public par rapport à Nathalie Simard et par rapport aux événements. L’opinion du public par rapport aux événements se trouve alors de prime abord biaisée en faveur de Nathalie et de la victimisation mise en place. Paralangage des actants Tout au long du documentaire, le paralangage des actants vient appuyer leur discours. Même si ce type de paralangage va de soi dans le type de discours tenu, les producteurs ont quand même effectué des choix lors du montage afin de conserver les passages marquants sur ce point. Nous pouvons faire ressortir deux types de paralangage, soit le paralangage lié aux émotions vécues et le paralangage lié à la justification du discours. Nous avons un exemple frappant de paralangage lié aux émotions lorsque Joel Legendre raconte la façon dont il a appris les événements : « Je me rappelle que cette nuit :: [Silence de 7 secondes. Larmes] j’ai été : [toussement] incapable de dormir. ::: Parce qu’en plus, je savais que :: que mon amie : avait même pas été capable de m’en parler ». Son long silence suivi de larmes est éloquent. Il frappe le spectateur qui est certes habitué de voir des larmes dans le cadre de fictions, mais beaucoup moins lorsqu’il s’agit de discours réels. De plus, au contraire d’une fiction, ces larmes sont réelles, instinctives et non prévues, du moins théoriquement. Dans plusieurs des scènes comme à l’hôtel, nous pouvons remarquer que Nathalie se referme beaucoup sur elle. Ses gestes sont orientés vers son visage, elle recroqueville ses jambes sur elle, etc. Ces gestes sont porteurs d’une souffrance. Toussements, hésitations, sanglots, larmes, soupirs : toutes des marques émotives qui peuvent être observées dans Briser le silence et qui touchent le spectateur par empathie. Mais il n’y a pas que les signes de tristesse. Si la première partie du documentaire met surtout d’avant ces signes, la deuxième met beaucoup plus de l’avant les signes de joie et d’espoir. Là aussi, un puissant paralangage émotif vient appuyer le langage, surtout par les sourires et la conviction dans les yeux. Le mouvement et la position des mains sont particulièrement puissants lors de la dernière intervention de Nathalie (« Mais si, j’ai j’ai dû vivre ça pour pouvoir éviter ça à mon enfant, là, ben qu’est-ce que tu veux. Pas drôle là, mais ça aura servi à quelque chose »), lorsque les mains sont placées l’une contre l’autre, comme pour une prière. En second lieu, nous pouvons aussi observer une forte présence d’un paralangage directement associé au discours. Celui-ci vient appuyer le discours et faciliter sa compréhension. Ainsi, lorsque Nathalie dit « L’important j’pense, dans vie, dans la vie d’un être humain là, cé (CP) de pouvoir toute rattacher (Geste avec les mains) les maillons de la chaîne, là », son geste avec les mains vient aider la compréhension du discours en y ajoutant un impact supplémentaire. De même, à un autre moment, elle prend le ton de son impresario pour rapporter son discours. « […] y dit “té forte en maudit”, y dit “avec tout s’ke t’as vécu, pis toute, mettons ton condo à l’Île des sœurs”, y dit, “de vivre dans un affaire de même”. L’attitude de mépris prise par Nathalie pour rapporter le discours aide à apporter du poids à son discours, mais de plus appuyer ses dires postérieurs (« Cé lui :: Le mépris :: Le mépris »). Des silences puissants… « Parle si tu as des mots plus forts que le silence, ou garde le silence », nous a dit Euripide. Même si le titre est Briser le silence, force est d’avouer que le silence est souvent beaucoup plus puissant que les paroles. Il apporte un malaise et il met le spectateur en suspense. Observons la séquence qui précède la première pause publicitaire, où Nathalie raconte une rencontre avec Guy Cloutier. En environs 1min30, nous pouvons observer au moins huit silences significatifs, dont un qui dure près de 7 secondes. Dans cette séquence, ceux-ci totalisent en tout environ 23 secondes, ce qui n’est pas négligeable lorsque nous constatons que plusieurs séquences ne contiennent aucune seconde de silence. Les silences sont d’ailleurs savamment exploités. Dans la séquence que nous venons tout juste d’observer, le volume sonore est beaucoup plus fort que celui des séquences précédentes, ce qui augmente l’impact des moments de silences. Un vocabulaire connoté Tout au long de l’émission, nous pouvons noter l’utilisation d’un vocabulaire très connoté pour décrire les événements. Ainsi, dans un passage de Nathalie Simard, nous pouvons ressortir des expressions comme « dégueulasse », « j’étais d’là merde pour lui » et « après s’être masturbé ». Ces expressions très crues augmentent l’impact du discours des différents actants. D’un autre côté, Claude Charron utilise un vocabulaire beaucoup plus recherché, voire poétique, avec plusieurs métaphores. Le discours reste toutefois très simple de façon à ne pas égarer trop le public. Ainsi, dans le dernier, Claude Charron utilise un discours très simple, mais à la fois poétique pour décrire l’évolution de Nathalie : À chacune de mes rencontres avec Nathalie, j’avais l’impression de m’approcher d’une fleur à on aurait arraché un pédale, qu’un vent cruel aurait faillit déraciné, qu’un insecte égoïste aurait rongé, mais qui, à travers pluies et soleil, aurait mené sa fragilité jusqu’à son épanouissement. Techniques d’entrevues Les questions d’entrevues ont été pour la plupart du temps coupé au montage. Il est donc difficile d’observer les techniques d’entrevues utilisées. Toutefois, à l’aide de quelques présences de Claude Charron et de quelques éléments de réponses observables, nous sommes en mesure de deviner quelques techniques utilisées. Dans la séquence où Nathalie raconte sa confrontation à Claude Charron, nous pouvons observer que Claude Charron demande à Nathalie d’apporter un élément supplémentaire par rapport à ce qu’elle dit, de façon à ce qu’elle développe sur un élément susceptible d’intéresser le public. NS Je l’avais jamais vu dans cet état là, premièrement CC Décris-moi ? NS Ben, ben y sentait que là, ça allait pas du tout, là. Il lui demande aussi des questions par rapport à des éléments qu’elle n’aborde pas et qui pourraient s’avérer pertinents pour le reportage. CC [C.D.P.] Comment était-il, lui ? NS Oufff.. : Très : très soumis Par ses questions, Claude Charron oriente le discours de Nathalie sur des thèmes très sensibles aux yeux du public, comme la famille. « NS : Si j’ai reçu le support que j’aurais souhaité avoir de ma famille, non ». Dans le dernier exemple, même si la question a été effacée au montage, nous pouvons la deviner par la reprise de la question dans la réponse. Nous pouvons observer chose semblable dans le discours de Nathalie Petrowsky. « Je me souviens par exemple, que, euh, dans Montréal m’attend, euh elle faisait, elle avait un tout petit rôle, si j’me souviens bien, où elle avait effectivement pris du poids ». La présence du marqueur « effectivement » révèle que la question posée par Claude Charron touchait le poids de Nathalie Simard, autre point auquel le public accorde de l’importance, même si la réponse s’inscrit dans un autre ordre d’idées. Il est d’ailleurs intéressant de noter que, même s’il y a eu des questions à ce sujet, il n’y a aucune autre mention du poids de Nathalie dans le reportage, ce qui sauvegarde la face de Nathalie. Finalement, notons l’utilisation tout au long de l’entrevue du pronom tu avec Nathalie Simard. Ce pronom est beaucoup plus puissant que le « vous », puisque qu’il crée une intimité supplémentaire avec le public. Ce dernier serait beaucoup plus porté à utiliser le « tu » que le « vous » s’il posait des questions à Nathalie Simard. Processus de dénonciation d’un agresseur sexuel Dans Briser le silence, les événements rapportés visent essentiellement à raconter les événements plus marquants des dernières années de Nathalie Simard. Toutefois, lorsqu’on y regarde de plus près, la plupart des éléments décrivent au public le processus de dénonciation d’un agresseur sexuel en misant sur la procédure à suivre et sur l’état psychologique dans lequel se retrouve une victime tout au long du processus. Observons l’effet possible que pourraient avoir ces éléments sur le public. En relatant chacune des étapes du processus, Briser le silence décrit dans un premier lieu les étapes à suivre et dans quel ordre les faires. La victime qui pense éventuellement dénoncer aura alors beaucoup moins peur de se retrouver dans l’inconnu. De plus, celleci est rassurée par rapport aux principales questions qu’elle se pose comme : « Vont-ils me prendre pour une folle ? », « Vont-ils appeler mon agresseur avant de venir me voir pour vérifier », etc. Aussi, la personne qui est en présence d’une victime sait beaucoup plus quoi faire. « Daniel Beaudry : Une victime, quand a prend la décision : de dénoncer, faut que ça se fasse : au moment présent. Ça peut pas, a peut pas prendre la décision, dire : “j’va le faire demain” ». En décrivant le processus psychologique, la victime est préparée aux éventuelles difficultés auxquelles elle fera face. Mais surtout, la description de ce processus pourra rassurer la personne en processus et lui rappeler que, même si elle vit des moments difficiles, il y a une lumière au bout du tunnel. Finalement, en plus de décrire le processus, l’émission contient plusieurs éléments qui encouragent directement une victime à dénoncer son agresseur. « NS : […] Faites-le ». La femme, ou l’homme, qui écoute cette émission et qui a été victime d’abus sexuels se sent directement interpellé par ces phrases. Même s’il nous est impossible d’évaluer les impacts de cette émission sur des victimes, nous pouvons affirmer qu’elle contient tout ce qui est nécessaire pour inciter à l’action. Montage Les techniques narratives et le montage sont interdépendants : l’un dicte l’autre. Le montage est tout ce qui concerne la mise en place technique des images et des entretiens et de quelle façon la mise en scène est créée grâce à ce dernier. Le choix des producteurs a été clair : enlever le plus possible les questions de Claude Charron et centrer l’émission sur les réponses. Mais cette technique permettait aussi de faciliter le montage des réponses. En effet, lorsque nous portons attention, nous remarquons que plusieurs coupures sont présentes dans le montage, notées CP dans la transcription : « Et cé là qui m’a dit : [CP] Nathalie : Faut que tu dénonces : [CP] à la police ». Quelques fois, les producteurs mettent des images significatives (comme des photos de famille) en lien avec le thème afin de rendre le montage moins visible. Les producteurs utilisent aussi pour ce faire des plans de caméras sur le visage de Claude Charron qui réagit au discours de Nathalie comme dans la séquence de la chambre d’hôtel. Ces coupures visent à garder l’essentiel et le plus percutant du discours. Elles peuvent aussi servir à effacer le contenu plus décevant et le contenu qui a été repris. Avec cette technique, il est toujours possible de faire reprendre un petit bout à Nathalie parce qu’elle n’a pas assez pleuré dans une séquence. Toutefois, il serait imprudent d’affirmer que cette technique a effectivement été utilisée à ces fins et nous pouvons seulement affirmer que ce type de montage aurait pu être utilisé à ces fins. À plusieurs moments comme dans la séquence de la chambre d’hôtel, le montage est utilisé afin de créer une alternance entre les différents témoignages. Dans ce cas, le montage participe à la mise en scène et vise à ajoute de la vie et de la crédibilité au témoignage des actants. Dans d’autres cas, le montage fait aussi suivre le discours des actants par des discours de professionnels qui viennent appuyer et enrichir le contenu de l’émission. Plans de caméra L’utilisation des plans de caméras est un élément non négligeable de la mise en scène. À l’intérieur de Briser le silence, nous pouvons remarquer que plusieurs plans de caméras créent une intimité entre Nathalie Simard et le public. Notons dans un premier lieu l’utilisation des gros plans, c'est-à-dire un plan rapproché sur un élément afin que celui-ci occupe la totalité de la surface de l’écran. Les principaux plans rapprochés sont sur le visage de Nathalie. Ce type de plan créé une intimité supplémentaire avec Nathalie et nous invite à partager ses sentiments. À un moment, un zoom est fait sur son visage alors qu’elle commence à pleurer, ce qui augmente l’impact de la scène. Nous pouvons aussi remarquer les gros plans sur ses mains et celles de sa fille qui créent eux aussi une intimité supplémentaire. À l’inverse, certaines séquences utilisent des plans éloignés comme lorsque Nathalie Simard marche à l’extérieur. Ce type de plan vise alors à mettre l’accent sur le contexte. Lorsqu’elle marche à l’extérieur, seule, par une journée enneigée, le spectateur y associe la solitude à cause du vide qui l’entoure. Les angles de vues utilisés sont aussi porteurs de sens. La plupart du temps, la caméra est face au personnage ou adopte un léger angle pour que Nathalie semble s’adresser à Claude Charron. Toutefois, lors des séquences de reconstitution comme le prologue, la caméra se place parfois derrière Nathalie Simard ou du moins, dans un angle dans lequel nous ne sommes pas habitués de la voir. Par exemple, lors de la conférence de presse, la caméra se trouve sur le côté. Nous voyons Nathalie qui fait face aux nombreuses caméras des journalistes. Cet angle de caméra est particulier, en ce sens qu’il est presque voyeur. Le spectateur se trouve alors à se retrouver dans la peau d’un spectateur privilégié, en coulisse. Ce type de plan contribue alors à renforcer l’implication du spectateur par rapport à l’émission et à Nathalie Simard. Musique et sons Briser le silence se rapproche d’une fiction par l’utilisation de la musique. Celle-ci est paralangagière, c’est-à-dire qu’elle contribue à créer l’atmosphère déjà présente par les témoignages et la narration. Ainsi, lorsque l’atmosphère à créer est triste ou troublante, la musique contribue à renforcer l’émotion du spectateur par rapport aux faits relatés. Cette musique ne laisse aussi qu’une faible place à l’ambiguïté. Par l’utilisation de sonorités électroniques, le compositeur parvient à recréer une atmosphère troublante qui peut difficilement être associée à des images joyeuses et vice versa. Les instruments de musique utilisés sont aussi très révélateurs. Nous pouvons noter une nette prédominance de la voix et du piano, deux instruments très proches de l’être humain. La voix est probablement l’instrument le plus accessible à tous. Une voix féminine reflète la pureté, l’humanité. Comme le dit Elliot Goldenthal, compositeur de musique de film, le piano, quant à lui, « transcende une certaine notion d'humanité. […] [Il] est de loin l'instrument le plus attaché à la notion du "chez soi" » (Traxzone, 2001). Cette familiarité confère au piano une sonorité que tout le monde reconnaît et à laquelle est rattachée des souvenirs. L’utilisation de ces deux instruments très communs contribue donc à la création de l’atmosphère désirée. Notons aussi l’utilisation de certaines chansons de Nathalie Simard. Les paroles de celles-ci contribuent fortement à augmenter la pathémisation : « Blessée, ne peux-tu un peu m’aider. Humiliée, besoin de prendre le large ». De plus, ces paroles sont directement reliées à une expérience que le public connaît maintenant très bien, ce qui est différent des chansons traditionnelles où le public interprète les paroles en fonction de sa propre expérience. Certains sons utilisés contribuent aussi à la création d’une atmosphère particulière, comme lorsqu’un son très grave est entendu lorsqu’on voit la page titre du Journal de Montréal qui annonce la condamnation de Guy Cloutier ou les bruits de bas dans le prologue. Ces sons ajoutés, non naturels, contribuent à créer un univers fictionnel beaucoup plus puissant, presque onirique. Conclusion Nous avons donc observé dans les dernières lignes quelques procédés qui ont été utilisés dans Briser le silence et les effets possibles de ces derniers. Nous avons aussi relevé une forte utilisation de la mise en scène presque fictionnelle au service des différents objectifs de la communication : au premier chef, divertir le public et le conforter dans ses opinions, mais aussi inciter quelques spectateurs concernés à l’action. Et c’est d’ailleurs là où Briser le silence se différencie : l’émission incite à l’action. Les femmes qui ont été victimes d’abus sexuels et qui ont regardé cette émission se sont inévitablement senties interpellées par le témoignage de Nathalie. Et les témoignages recueillis ne se contentent pas seulement d’exposer le problème. La structure narrative de l’émission expose la démarche de dénonciation d’une agression sexuelle et les actants s’adressent directement au public afin de les inciter à agir. Un cas unique pour une histoire qui a été autant couverte par les médias et qui rejoint autant le public. Julie Snyder dit : « Son entrevue, pour moi, sera historique en ce sens que, dans les cours en communication, y’a des professeurs qui vont montrer cette entrevue-là à leurs étudiants, étudiantes, vont dire : “Voici une entrevue qui a changé les perceptions et qui a changé, un peu, la société québécoise” ». À défaut de démontrer que cette entrevue a été performante en changeant les perceptions et la société québécoise, nous sommes au moins en mesure d’affirmer que tout a été mis en œuvre pour interpeller et inciter à l’action des centaines de femmes ce soir là. Bibliographie Traxzone.com. 2001. « Elliot goldenthal: le neuvième esprit de final fantasy ». En ligne. <http://www.traxzone.com/textes/index.asp?id=1817>. Consulté le 27 mars 2006. Bouchard, Jacques. 1978. « Les 36 cordes sensibles des Québecois » . En ligne. http://www.desnotables.com/36cordes. Consulté le 27 mars 2006. Evene.fr – Toute la culture. 2006. « Euripide ». <http://www.evene.fr/celebre/biographie/ euripide-653.php>. En ligne. Consulté le 27 mars 2006. Transcription de l’émission Libérée : Le choix de Nathalie Simard Légende : Italique : Indication d’action Gras et italique : Musique et bruits. Souligné et italique : Changement de plan et caméra. C-D-P : Changement de plan sans fondu. Cp : Montage visible dans le témoignage. Diff : Changement d’endroit pour l’interview. NS : Nathalie Simard. CC : Claude Charron. Ouverture : Musique troublante Plan d’une maison Jambes de Nathalie Simard qui sort d’une maison. Bruits de pas. Fondu noir. Jambes de Nathalie Simard et d’un homme (Claude Charron ?) marchent en direction d’une voiture et y entrent. Fondu noir. Voiture sur une route. Ciel très clair. Voiture qui disparaît à la fin du plan. Fondu noir. Autre plan de la voiture qui tourne un coin. C-D-P Éclairage sombre. Mains de N. S. C-D-P. Éclairage sombre. Plan ¼. Yeux de N. S. regardant au loin. Fondu noir. Sur fond noir, image en noir et blanc se détachant. Pendant toute cette période, sons associés aux images et chansons de Nathalie Simard. Vidéo amateur de N. S. à 4-6 ans qui tape des mains. Vidéo de la publicité des poudings Laura Secord avec N. S. jeune. Vidéo d’une femme inconnue (Mère ?) Enchâssement d’une image fixe de N. S. (?), René Simard (?) et Guy Cloutier (?). Vidéo de N. S. qui chante. 8-9 ans ? Vidéo de N.S. qui chante. 10 ans ? Vidéo de N. S. qui rit, avec quelque chose dans la main. Éclairage sombre. Retour sur les mains de N. S. dans la voiture. C-D-P. Plan presque profil. Éclairage sombre. Yeux de N. S. regardant au loin. C.D.P. Plan à partir de l’intérieur de la voiture, vers l’avant, sur un pont inconnu. Temps pluvieux. C.D.P. Plan à partir de l’intérieur de la voiture, sur le côté, pilier du pont. Temps pluvieux. Fondu noir. Plan à partir de l’intérieur de la voiture, vers l’avant, légèrement vers la gauche. Temps pluvieux. C.D.P. Plan à partir de l’intérieur de la voiture, vers l’avant, légèrement vers la droite. On aperçoit le Palais de justice de Montréal. Temps pluvieux. C.D.P. Plan sur l’entrée du Palais de justice de Montréal. C.D.P. Plus gros plan sur les mains de N. S. Les mains traduisent un trouble. Les mains bougent et se mettent ensemble. Fondu noir. Retour du fond noir, image noir et blanc qui se détache de ce fond et qui s’enchevêtrent. Pendant toute cette période, sons associés aux images et chansons de Nathalie Simard. Vidéo de N. S., jeune, qui chante. 7-8 ans ? Vidéo de N. S. et G.C. qui reçoivent un disque d’or. Vidéo de N.S. qui chante Une poupée de cire. 13-14 ans ? Vidéo du Monde de Nathalie ? Musique associée à l’émission. Vidéo de Nathalie Simard et ? dansant pour l’émission Les Mini-Stars. Fondu noir. Minifourgonette qui entre dans le stationnement d’un édifice. C.D.P. Plan au ras le sol de la voiture qui passe. Fondu noir. Plan au ras du sol des jambes de trois personnes. Fondu noir. Plan flou, sombre de jambes. Caméra qui remonte vers N. S., de dos. Retour du fond noir, image noir et blanc qui se détache de ce fond et qui s’enchevêtrent. Pendant toute cette période, sons associés aux images et chansons de Nathalie Simard. Vidéo de N.S., plus âgée, qui chante Vidéo de N.S. qui chante avec René Simard. Image du Journal de Montréal annonçant la fraude de Nathalie Simard. Voix d’un lecteur de nouvelle : La chanteuse Nathalie Simard et son conjoint, Alain Decelle, devront répondre à trois accusations de… [son devient inaudible] Vidéo de N.S. qui danse. Vidéo de N.S. et G.C. en interview. Souriants. Vidéo de N.S. et son enfant. Reconstitution de N.S. et deux autres personnes dans un ascenseur. Habillés en noir. Porte qui s’ouvre. Ils avancent. C.D.P. Plan de Nathalie Simard qui arrive à la salle d’audience. Policiers et foule. Ralenti à la fin. C.D.P. Plan des policiers et des photographes. Lectrice de nouvelle : Guy Cloutier plaide coupable. C.D.P. Plan de photographes. Bruit de photos. L-N : à des accusations. C.D.P. Matériel télévisuel de Guy Cloutier accompagné d’avocats. L.N. : d’agressions sexuelles. C.D.P. Plan de Nathalie Simard qui sort du procès : N.S. :Le plus dure c’est de vivre dans le mensonge. Plan de Nathalie Simard qui sort du procès, très souriante. N.S. :Aujourd’hui je marche dans la rue, là, pis j’me, j’me sens libre. Fondu blanc, très lumineux. Apparition du titre : Libérée. Le choix de Nathalie Simard. Fond blanc, écriture bleu. Signe en bleu derrière. Musique plus reposante, plus optimiste. Femme qui chante. Claude Charron. Salle de spectacle. Il se déplace vers la droite. CC L’année 1994 a été catastrophique pour Nathalie Simard. Il y a tout d’abord eu cette arrestation pour tentative de fraude et la publicité négative, bien sûr. Puis, [il s’arrête et regarde la caméra en face] sa volonté d’un retour professionnel s’est soldée par un échec. Et puis, pour finir le tout, quelques jours avant Noël, son condo de l’Île des sœurs a été saisi. De sa période de gloire où elle faisait pleuvoir des millions dans les coffres de son gérant, il ne reste plus rien. Même sa réputation y a passé. Quant aux perspectives d’avenir, elles ne pas reluisantes. Son gérant ne s’intéresse plus à elle et son mariage bat déjà de l’aile. C’est pourtant dans cette période de grande noirceur qu’une lueur d’espoir va apparaître dans la vie de Nathalie. Fondu blanc. Ève écrit en bleu, sur fond blanc. C.D.P. Musique lumineuse, enfantine. NS [Sourire. Ton très joyeux, empreint d’espoir] Le bilan de ces années là, là, quatre vingt, quatre vingt quatorze, quatre vingt treize, quatre vingt quatorze. [CP] Y’a eu une des plus belles choses qui m’est arrivée, c’est la naissance de ma fille. Photo de NS et de sa fille devant un arbre de Noël. Photo de sa fille assise devant l’arbre de Noël avec des poupées. Photo de NS qui embrasse sa fille. NS [Vidéo d’archive. Entrevue à Ad Lib (1994) avec Jean-Pierre Coalier] On s’imagine que c’est les enfants qui ont besoin de nous. <rires de JPC> Mais là, tu te rends compte jusqu’à quel quel point que c’est… hum… que, que c’est nous qui avons besoin d’eux. Alors, c’est, c’est vraiment ça, là. Y’a une p’tite nuance, mais elle a été là pendant mes moments difficiles, elle m’a beaucoup aidée. [CP] Fin de la musique NS [ Ton plus troublé, plus pensif.] C’est sûr qu’il y a beaucoup de choix professionnels suite à ses années négatives là que j’ai, j’ai, j’ai fait pour, pour vivre. : Vraiment pour vivre. Et ma petite Ève a fait en sorte que j’ai mis l’énergie à la bonne place. Plan de l’affiche de Demain matin, Montréal m’attend. Denise Filliatrault J’avais pas pensé à elle pour le rôle, c’est elle qui est venue auditionner. Elle est arrivée préparée comme j’ai rarement vu ça. Préparer une audition : extraordinaire, où j’ai vu ses dons d’actrice, de comédienne. J’ai dit : « Cette fille là, en plus de chanter, elle sait jouer ». Elle était magnifique [Images de la préparation de la pièce à l’Enfer, c’est nous autres] NS, actrice Heille, mêle toé dont de tes affaires, toé. J’te reproche tu tes séances privées avec Butch dans douche d’la chambre rose, moé. Hein ! Nathalie Petrowsky, journaliste Je me souviens par exemple, que, euh, dans Montréal m’attend, euh elle faisait, elle avait un tout petit rôle, si j’me souviens bien, où elle avait effectivement pris du poids, mais elle faisait ce petit rôle là avec beaucoup d’humilité, avec beaucoup de professionnalisme aussi et [Photo de la production] elle elle passait très bien la rampe. J’avoue que quand je l’ai vu à Demain matin, Montréal m’attend, tout à coup, [Retour sur Nathalie Petrowsky] j’me suis dit : « Ah, y’a peut-être quelque chose là ». Dans le fond, elle est remontée dans mon estime. NS [Ssur le divan, la main devant le visage. Ton troublée.] C’était pas constant, c’était pas le théâtre, c’est pas là que tu fais ta fortune… [Présentation d’affiche. Ton plus optimiste. Retour de la musique] eufff, mais au moins, l’important, [Retour sur NS] cé que ma petite fille mangeait, tsé. Donald Beaudry Moi, a m’a répété souvent : « Je veux travailler plus souvent, j’ai besoin de m’accomplir, j’ai besoin de faire plus que ce que je fais déjà ». Je pense que ça : (présentation de photos) euh son niveau d’activité professionnel était très loin de ce qu’elle avait envie de faire. NS [Session d’enregistrement. Elle chante] La vie me tue. J’ai peine à comprendre ma peine. Je me suis tue, il fallait crier à tue tête. Donald Beaudry J’ai vu Nathalie fondre en larmes pour absolument rien, euh se recroqueviller dans un coin de loge et incapable de bouger. Et j’avais pas de réponse. J’osais pas, d’une part, poser les questions qu’est-ce qui se passe? qu’est-ce qui t’arrive? j’avais pas de réponse, donc je refermais la porte pis j’la laissait. Joel Legendre Les répétions se terminaient, là je sentais qu’était : y’avais une tristesse, y’avais, y’avais quelque chose qui, qui la traînait. Julie Snyder Ch, chu aller à Magog, dans un p’tit restaurant, pis chu tomber sur Joel Legendre et elle. [CP] Pis on parlait, pis on bavardait pis j’voyais dans son, j’voyais qu’elle avait quelque chose de voilé dans le regard, quelque chose de. J’me suis dit même en partant : « Cé drôle, peut-être qu’elle est : peut-être qu’est en peine d’amour ou euhh, peut-être qu’a a des problèmes ces temps-ci ». Parce qu’a parlait, à souriait, [CP] a racontait qu’elle était au théâtre mais y’avais kek chose de ben triste dans son, son regard. Pis j’m’étais passé cette réflexion là. Donald Beaudry C’était, euh:: une montage russe d’émotions. NS [Session d’enregistrement. Elle chante, très émotive. Caméra face à son visage] Blessée, ne peux tu un peu m’aider. Humiliée, besoin de prendre le large. Michel Vastel Elle touche vraiment le fond du baril vers 2001. [CP] Et là, bah elle déprime, tout simplement. Une femme seule, là, qui a pas beaucoup d’argent, qui vit un petit appartement à Sainte-Thérèse, etc. Et qui a honte un peu devant sa fille, là hein. Sa fille, euh elle à sept-huit ans, à l’époque, elle voit bien que, euh, sa mère travaille pas, [ CP] C’est là d’ailleurs qu’elle appelle l’impresario et que elle lui dit : j’pourrais travailler, pour vous, dans votre bureau. NS [Se justifie, ton pathétique] Je, J’y demandais du travail, j’y dit « Faut que je fasse vivre ma fille, faut que m, ma fille mange. J’veux juste au moins être capable de payer mon compte d’Hydro, mon compte de Bell, [CP] pis euh, pouvoir mettre du gaz dans mon auto, pis faire manger ma fille » [CP] pis y m’a regardé pis sais-tu s’ki m’a dit :: [CP. En prenant le rôle, hochant la tête. Ton de mépris] Y dit « ouin » : y dit « té forte en maudit », y dit « après tout s’ke t’as vécu, pis toute, mettons ton condo à l’Île des sœurs que t’as eu », y dit, « de vivre dans un affaire de même » :: [long silence, 6-7 secondes. Ton ensuite très poignant, beaucoup de silences] ça là ::: tsé, t’as une fierté pis tu veux montrer que tu t’en sors, là : pis t’tu’t fais dire un affaire de même, là :: [hoche la tête] cé dégueulasse, là. :[laisse tomber sa main sur sa cuisse] À tous les niveaux, là : cé lui, cé lui, ça. : Cé lui :: Le mépris : Le mépris, le pfff. : Ah non r’garde j’étais, j’étais, J’étais d’là merde pour lui. [CP] Ça, quand j’ai fermé la porte, j’me suis mis à pleurer pis j’étais vraiment comme ça, là [penche la tête vers le bas], j’ai dit : « Ça. ça a pas de bon sang, tsé. Qu’est-ce que j’va faire! » Y’é sorti en disant « J’va y penser à ton affaire ». [Ton d’évidence] Après s’être masturbé, ben entendu. Ben oui. : Ouais, y’étais v’nu me donner un coup de masse sua tête, pour m’achfer, là. [Fondu blanc] Écran après la pause avec aperçu de ce qui suit. Musique triste, violoncelle. NS [Débit rapide, affolé] J’me disais : si jel dis à la police, le lendemain matin, tout, tout le Québec va le savoir, ça va être terminé. PAUSE PUBLICITAIRE Écran Titre – Libérée : Le choix de Nathalie Simard. Fondu blanc. CC [Dans la salle de spectacle, caméra de face] Au début de 2002, Nathalie a atteint le fond du baril. La souffrance est trop grande, la douleur trop vive. Elle n’en peu plus de vivre dans le mensonge et surtout d’être seule à porter le fardeau de son terrible secret. N’ayant plus rien à perdre, elle décide de briser le silence, se confiant d’abord à sa famille, en commençant par ses frères. Titre Briser le silence sur fond blanc. Martin Simard Pis entre Noël pis le jour de l’an, elle m’a avoué qu’elle avait été euhh abusée par son gérant, agressée sexuellement par son gérant. Là ça a fait comme euh : un coup de bat de base-ball sua tête, là. NS Par la suite, j’en ai parlé à mon frère Jean-Roger. Et mon frère Jean-Roger m’a dit : « Va voir un psychologue ». : Donc, euhh, tout de suite, j’ai pris un rendez-vous d’urgence avec le psychologue. Faque le lendemain, j’étais dans son bureau, là. Pis là, cé, j’ai éclaté. Pierre Hardy, psychologue de NS En fait, y’avais une grande détresse psychologique [CP] et donc, elle voulait, euh, faire en sorte que cette histoire là qui était arrivée, d’agression, euh soit moins euhh, ait moins d’impact dans sa vie, j’pense que c’est ça. Sylvie Tardif, intervenante Pis elle était consciente que si elle allait chercher de l’aide, ça serait bien pour elle, mais ça serait bien pour sa fille également. Montage où l’on voit Nathalie Simard et sa fille sur des chevaux. Musique : Guitare, musique douce NS [Sur les images des chevaux] Ève a été un élément déclencheur dans : les dernières années là, pour la dénonciation que j’ai fait. [CP] Parce que je, j’me suis dit j’voulais jamais que ça lui arrive. Pis j’la regardais, je regardais son petit corps d’enfant, j’me disais : « sas peut pas : qui ai fait toute ces :: (3,5 secondes) ces ces ch, qui ait posé des gestes aussi dégradants, des gestes aussi dégueulasses : que ça : alors que j’étais si petite ». Et Ève est plus grande que moi, là, quand même, à cet âge là. Moi, j’étais mini mini mini, là. Sylvie Tardif Quand, euh notre enfant, on le voit évoluer pis q’arrive à l’age où nous on a commencé à subir les abus, euh ça nous montre à quel point, ben c’est juste un enfant pis que c’est pas correct, là. Donc, ça peut ça aussi être [CP] un élément déclencheur pour euh, pas parler de ce qu’on a vécu, mais c’est surtout un élément déclencheur pour que la, la souffrance qu’on pu enfouir, mettre de côté, à revient pis à ce moment là, à veut pu repartir. NS Chaque séance, euh, chez le psychologue là, je souffrais tellement, là. J’y dit : « Hypnotise moi, fais kekchose, j’en peu pu. J’veux juste cinq minutes là, être ailleurs. J’veux juste : pu souffrir en dedans ». Parce que ça serrait tellement, pis ça, je pleurais tellement, là. « J’veux dire, fais juste… Essay, Donne-moi des techniques là, [CP] un truc, pour que je puisse : un moment là juste décroché pis pas être là, là. Pis d’pas avoir ce que j’ai en dedans, pas avoir à vivre ce que j’ai en dedans, là, tsé avoir à vivre ce que j’ai en dedans ». :: [CP] Pis un mem né, bon, tu regardes les, les,les t’es dans un carrefour, là pis [Geste] tu regardes les avenues, tu dis : « y’a pu rien qui marche. La seule cé ça ». Un passage obligatoire qu’on appelle. : Ben cé ça. Donald Beaudry Le :: 12 février, au matin, y’é 11 heure. J’suis euh dans ma chambre d’hôtel, au centre ville de Montréal. Et je reçois un appel de Nathalie, qui me dit : « J’suis en route, là, j’me viens, faut j’te parle ». [Musique au piano, très triste] Vue de l’Hôtel Clarion. Couloir de l’hôtel. Numéro de la chambre. NS [Dans la chambre d’hôtel] Et voilà. [Soupir] : La pièce, cé, c’était ici. [Vue sur la chambre d’hôtel] 12 février 2004. Et ce matin là, moi chu parti de chez mon psychologue. Pis là, j’y ai dit, à mon psy. « J’ai dis, j’peux juste te dire une chose, cé que j’en peut pu de vivre comme ça ». [Plan sur CC et SS] Là, chu partie, pis j’ai appelé Donald ry ça a bien adonné, parce que y’étais à Montréal, ça a bien adonné parce que y’avais du temps, y’avais tout son après midi. Y « vient t’en mon amie, je t’attends ». Donald Beaudry [Autre tournage] Donc euh, entre dans ma chambre, on s’installe et là elle me dit : « Çé la fameuse phrase, que je te disais. Si je pouvais te dire tout ce que j’ai envie de te dire, tu comprendrais. Ah dit : Ben là assis toi : faut que j’te parle ». NS [Dans la chambre d’hôtel] Alors, ben là, moi, j’étais assis [s’assois] comme ça et lui y’étais assis là. Donald Beaudry [Autre tournage] Alors, j’me suis assis et elle a commencé à me parler des, euh :: de sa relation avec Guy et cé là qu’elle est entrée dans les détails. NS [Dans la chambre d’hôtel] J’ai été agressée sexuellement :: par mon impresario. CC [Avec Nathalie] Pendant des années NS Ouais : ben là, cé, j’ai commencé à lui expliquer. Donald Beaudry [Ibid] Donc pendant deux heures et demi, j’ai entendu les détails : abjectes d’une relation entre une petite fille de dix ans et un monsieur de quarante. :: Pffff… Çé, euh : ça désarme beaucoup. NS [Ibid] Dans ma tête, j’ai besoin de, de, de, j’ai besoin d’appui, j’ai : vraiment de conseils pis de savoir qu’est ce que dois faire parce j’ai, y me fait peur, énormément peur pis j’me disais « comment j’vais faire ». Et cé là qui m’a dit : [CP] « Nathalie : Faut que tu dénonces : [CP] à la police ». CC Est-ce que c’était la première fois que kek un s’est attaqué [ah oui !], que quelqu’un te donnait ce conseil <ouais>, mais que toi-même tu envisageais que tu devais aller jusque là. NS Ben, ça m’a rentré dedans. Ça m’a vraiment rentré dedans quand y m’a dit ça. Donald Beaudry [Ibid] Une victime, quand a prend la décision : de dénoncer, faut que ça se fasse : au moment présent. Ça peut pas, a peut pas prendre la décision, dire : « j’va le faire demain ». Alors faut que ça se fasse au moment présent. NS [Ibid] Cé là qui m’a dit, garde, on va, on va faire des téléphones. Là, y’avais un meuble où y’a déposer son cellulaire sur mains libres. Alors j’entendais tous les conversations. J’y dis : tu dis pas chu qui. J‘avais tellement peur parce que… Donald Beaudry [Ibid] J’ai, j’ai décidé d’utiliser toujours la même phrase : très simple. De me présenter,de dire : « J’ai une amie avec moi : au moment où je vous parle, qui est une personnalité du monde artistique, qui veut porter plainte contre une autre personnalité du monde artistique pour agression sexuelle ». NS J’me disais : « Si jel dit à police, le lendemain matin, tout, tout le Québec va le savoir, ça va être terminé ». Tsé, je : je, et je savais telle, je savais telement pas dans quoi je m’embarquais. Donald Beaudry Là, on me dit : « e veux le nom de la personne. Cé qui ton amie ». :: (2,75 sec) Alors, je me tourne vers Nathalie et je vois dans ses yeux une, comme une petite bête qui est pris au piège. NS Là, Y m’a regardé, j’ai faite [Prend une respiration, silence de 3 secondes. Mouvement du bras de lachement]. AAHH, vas-y. Un mom né, j’ai faite : « Vas-y, dis le. Dis le ». Et là, y l’a dit. Là, j’me suis pogné à tête [Fais le geste] J’me disais : « Qu’est ce que ça va faire. Qu’est-ce qui ». Pis là, on veut savoir cé qui l’agresseur. Y m’a pas demandé mon avis, y l’a dit tout suite. :: [3 sec. Claque les mains. Caméra qui s’approche. Regarsd très pathétique] Cé là que on était rendu. Que j’étais rendu. Donald Beaudry [Début de musique fragile] Alors y prend mon numéro de téléphone en note pis y dit bouge pas, on te rappelle. :: (2,5 sec.) J’raccroche, je regarde Nathalie et euh, s’en suis un scénario, s’t’un, cé, cé apocalyptique, là. Elle pleure, a cri, cé l’hystérie. : a :: Et là, ce qui revient tout le temps sans sa bouche, cé : « Tu réalises tu ce que tu viens de faire ». NS Dans ma tête, ça a toujours été de ma faute ce qui est arrivé. : C’était moi la coupable. Alors j’allais brisé des vies. J’avais peur de paraître pour une folle aux yeux des policiers. Donald Beaudry À mon grand réconfort, le téléphone sonne, et euh, on découvre quelqu’un d’extraordinaire. Daniel Lapointe. Et Daniel dit : « Bougez pas, on va être là dans une vingtaine de minutes, on s’en vient ». NS Un mem né, j’ai dit « moi, j’m’en va, là. Cé trop long, ça sent mauvais, j’me sens pas bien. J’ai un mauvais feeling ». J’avais peur. J’avais peur qu’entre temps, qu’entre temps y’appelle Guy pour vérifier. Donald Beaudry J’y dit : « S’k’on va faire, pour te rassurer, on s’en va dans le lobby [Plan sur le lobby]. Tu vas t’installer à l’écart, tu vas mettre ton domino pour pas que personne te reconnaisse. Moi j’vais accueillir les deux personnes de la sûreté dans le hall d’entrée ». NS [Sur une chaise, en petite boule, dans un coin à l’écart dans le lobby] Moi, j’tais caché pis un moment donné, Donald est venu jusqu’ici et y m’a dit : « Viens t’en ». CC Parce qu’il avait vu que c’était des policiers. NS Ouais CC Y’étais assuré de ça. NS Exactement [CP] J’me suis relevé d’ici. Pis là, cé, j’avais pas la tête haute comme ça. CC Est-ce qu’il t’on saluer, les policiers. NS Non, y’ont juste, y ont pas parlé, y m’ont fait ça comme ça. Pis là y’ont fait un [geste] une genre de barrière pour que j’puisse entrer dans l’ascenseur, pour s’assurer que personne qui, qui nous suive. Daniel Lapointe, enquêteur, Sureté du Québec Donc, probablement qui s’était faite un code que, que j’peux pas dire. Mais on est entré dans l’hôtel, cé sûr qu’on était surpris. [CP] On est monté dans la chambre d’hôtel et là, on s’est présenté. Donc la rencontre s’est fait, la première rencontre s’est faite dans la chambre de l’hôtel. NS Là, on a commencé, on s ‘est assis. Donald s’est assis à côté de moi. Je lui tenais la main très très fort. Donald Beaudry C’était. Je pense : avoir jamais vécu l’étreinte de quelqu’un comme ça. Ça faisais mal, c’était pas agréable du tout, du tout, du tout. Était sur un stress monumental : et les deux gars, en l’espace de dix minutes, on réussit à créer : un ambiance : euh sereine, de bien être Daniel Lapointe Au début, cé de l’écouter, de nous montrer rassurant avec elle. [CP] On lui a expliqué mes, mes fonctions, à moi, et euh cé de savoir jusqu’où elle est prête à aller dans sa démarche. Est-ce qu’elle est prête à témoigner, est-ce qu’elle est prête à, à dire son histoire à, à un procureur, à un juge. Et si la personne est prête, on va aller dans une autre étape. NS J’me souviens, un moment donné, on était dans le salon : pis j’tais rendu à. Parce qui m’ont dit, « on va gratter dans le p’ti tiroir ». :: Et y’on gratter dans le ti tiroir. [Plan sur CC] Là, j’l’é ai [Retour sur Nathalie] regardé, j’leur ai dit : « J’peux pas vous dire ça, pis j’pleurais vous me croirez pas, pis vous allez dire que j’exagère, que j’suis une folle ». Pis là, j’ai, un moment donné, comme eu une faiblesse tsé. Pis là, chu aller me coucher sur le sofa. Pis là, le policier est parti, y’é aller cherchez un linge pour m’éponger le front, j’tais couchée. J’avais la face accotée sur le sofa, pis j’les regardais. Pis je fixais Donald Lapointe dans les yeux. :: Je souhaitais tellement qui me croit, là. [Larmes, silence de 4,5 sec.. Mets ses mains sur ses yeux] Pis là, après ça, chu aller dire c’que j’dirai pas, parce que c’est trop dégueulasse. : [2,5 sec] Même il l’a écrit joliment, parce que c’était : [6 sec] c’était trop écoeurant, tsé :: [3 sec] [Plan sur CC] Pis j’ai, j’ai de la difficulté à croire [Retour sur NS] qu’aujourd’hui que chu rendue là. : [CP] Pis cé pour ça qu’aujourd’hui, j’me, j’me bats pour la Fondation, les victimes, pis les aider, pis leur dire dire que ça se peut : Ayez confiance. :: [3 sec] J’y croyais tellement pas, là. Pfff. Mon dieu. CC :: [3 sec] Et pourtant, ça a marché. NS [Soupir] Y’a des anges, sur cette Terre. [Musique : Femme qui chante avec piano. Fondu blanc. Écran après la pause] NS J’pense qui m’a vraiment : sous estimée. PAUSE PUBLICITAIRE Écran Titre – Libérée : Le choix de Nathalie Simard. Fondu blanc. CC [Dans la salle d’un musée] Au lendemain de leur rencontre avec Nathalie, les agents de la Sureté du Québec ont ouvert une enquête qui va leur permettre de corroborer une grande partie des déclarations de Nathalie. Et voyant que celle-ci prend de plus en plus d’assurance avec l’enquête qui avance, ils lui proposent de procéder à l’établissement d’une preuve par écoute électronique. Le 17 mars 2004, Nathalie invite son agresseur à lui rendre visite et cette rencontre va changer le cours de leurs deux destins. Titre La Confrontation. Fondu blanc. Plan devant la fenêtre d’une porte. Nathalie ouvre la porte. CC Voici la pièce. : NS Voilà : C.D.P. Plan général sur la pièce CC Il devait s’asseoir ? NS (Pointe la chaise) Là CC (Pointe la chaise) Ici. NS Oui CC Pourquoi ici précisément. NS Parce que la caméra était là [pointe à gauche] : Donc, euh, y’avait, on le voyait bien. CC [C.D.P. Plan sur la table] Et toi, tu devais NS Moi, là, en face. CC En face NS En face de lui. [Retour sur Nathalie et CC] Les deux chaises ici, c’était bien bien occupé, aussi. Donc euh. : Ben, y m’a demandé un café. Pis ça a pas ben ben été compliqué. J’y ai fait son café, j’y ai mis ici. [Fais le geste] CC (assure pour s’asseoir) Tu permets que je reprenne <ben oui> la conversation, cette chaise. Daniel Lapointe [C.D.P.] Y’ont verbalisé sur les agressions qui c’étaient passé depuis qu’était jeune. Alors, ça a pas été facile pour elle, elle a démontré un courage, un grand courage. Et l’émotion qu’elle avait, elle l’a bien contrôlée. CC [C.D.P.] Comment était-il, lui ? NS Oufff.. : Très : très soumis :: Euh, Là, c’était, cé cé. Je l’avais jamais vu dans cet état là, premièrement CC Décris-moi ? NS Ben, ben y sentait que là, ça allait pas du tout, là. Que là. Y’avais vraiment peur pour sa vie. Et on l’a entendu, avec ce qui a été dit à la cour, euh. « S’il te plait, je t’en supplie, fais moi pas arrête. Je, je, je vais t’offrir tout ce que veux, euh tsé » CC Pourquoi était-il devenu nerveux et anxieux comme ça. NS [C.D.P. Caméra sur Claude Charron] Ben cé j’voulais pu lui parler. Moi, j’essayais de l’enlever de ma vie, [C.D.P sur Nathalie] cé sûr. CC Y savait que tu consultais un professionnel, un psychologue, et NS Ouais, je lui ai dit CC Ce jour là ? NS Ouais, ce jour là. CC Alors penses-tu qu’il a allumé en se disant que si un professionnel était dans le dossier, il connaissait : ses actes, il te conseillerait de le dénoncer. NS [Hochement de la tête] Ouais CC Il te l’a dit ? NS Ben il m’a supplié de jamais dire ça à mon psychologue CC [C.D.P.] Est-ce qu’il a, durant cette conversation, là… qui comment ça a duré de temps, au faite ? NS Deux heures. CC Deux heures. NS Ouais [Commence quelque chose d’incompréhensible. CC la coupe] CC Est-ce qu’il a menacé de se lever à un moment donné, de partir, il en pouvait plus ? NS J’en pouvais pu. Après une demi-heure, là, c’était assez. Et lui insistait. « Faut pas, faut pas que tu me. Faut pas que tu m’envoies en prison. Nathalie, faut pas t’en parle, euh ». Je : je savais plus quoi dire. J’ai essayé à plusieurs reprises de mettre fin à la conversation : et il revenait toujours à la charge. « J’t’en supplie, euh, je » [Interrompue] CC Donc, y sentait la soupe chaude NS Oui :oui CC [C.D.P. Plan sur Nathalie qui se rapproche] S’est-il douté à moment donné que t’étais en train de faire une opération qui allait lui coûter sa liberté. NS Ah, j’pense que non. J’pense qui m’a vraiment : sous-estimée. J’pense que <une fois de plus> Y me croyait pas capable. Ouais, une fois de plus. Y m’aurait :: pas :: Y’aurait pas pensé que je serais allé jusque là. C.D.P. Extrait du téléjournal de TVA. Arrestation de Guy Cloutier. Pierre Bruneau Onde de choc dans le show-business. Le producteur Guy Cloutier accusé d’agression sexuelle. [C.D.P. Plus tard dans le bulletin] En fait, on parle d’une seule présumée victime. Jean-François Guérin Ouais, une seule présumée victime et des gestes qui auraient été commis sur une période de 26 ans. Ça constitue certainement l’une des affaires judiciaires les plus marquantes : des dernières années. Me Sophie Beaudoin [C.D.P. Commentaires au Palais de justice] Vous avez vu qu’il y a une ordonnance de non-publication sur le nom de la plaignante. Cette ordonnance là doit être respectée. Joel Legendre Euh, j’ai appris, ce, cette, cette nouvelle tragique euh, comme tout le monde. Euh, par les médias bon qui refusait de nous dire de qui il sagait… de qui il s’agissait mais ils donnaient les initiales, alors euh j’ai, euh. Je me rappelle que cette nuit là :: [Silence de 7 secondes. Larmes] j’ai été euh : [toussement] incapable de dormir. ::: Parce qu’en plus, je savais que :: que mon amie : avait même pas été capable de m’en parler. Alors, j’me disais hey <hésitations> c’est profond, ce, cette douleur là et cette honte là doit être tellement grande pour qu’elle n’ait même pas été capable de, de s’ouvrir euh à moi ou à n’importe qui parce que j’parlais à des amis et disait que eux aussi n’avait jamais entendu parler de quoi que ce soit. Marie-France Lussier, amie de Nathalie Quand j’ai su ça, j’ai : j’ai tombé en bas de ma chaise. J’en revenais pas. J’me disais cé impossible, ça se peut pas. Comment ça se fait qu’on ait rien vu. [Toussement] J’étais là, une semaine avant, moi ici, avec mes enfants, à la semaine de relâche, avant qui que [hésitations] les policiers soient ici. J’me suis jamais rendu compte de rien. A la jamais montré euh rien. A l’aurait du craquer, un moment donné, la maison est pleine comme ça, les chiens, les enfants, euh. NS Donc, dès que j’me suis mise à parler, là, à briser le silence :: on dirait que tout revient à la surface, là. Et là, j’ai compris beaucoup mon cheminement, j’ai compris les erreurs que j’ai fait dans le passé, pourquoi je, je me garochais sur le hommes, pourquoi. Alors, Tout ça vient, cé venu me r’chercher, cé venu, euh… : De réaliser les conséquences de ce crime là, cé dur à avaler. NS marche dehors, au loin, seule. Musique piano et guitare. Évelyne Domini, psychologue [On continue de voir NS marcher] Alors chez les familles qui voient éclater au grand jour un histoire d’agressions sexuelles qui implique [C.D.P. sur Evelyne] une personne d’entre elles, ça créé, j’vous dirais un tremblement de terre dans une cellule familiale [Présentation de photos de famille] puisque c’est toute cette famille là qui, qui est affectée, dans s, dans son sentiment de sécurité, dans ses croyances. On va avoir certains individus [C.P.D. sur Évelyne] qui vont se sentir coupable, qui vont se dire « comment ça se fait que j’ai pas vu, comment ça se fait que j’ai pas prévenu, comment se fait-il que j’ai pas perçu certains indices qui peuvent revenir euh, en mémoire ». À l’inverse, y’a d’autres individus qui vont avoir tendance à nier tout ça parce que c’est trop gros, parce que c’est trop lourd, et on se retrouve avec des familles éclatées. On se retrouve avec des familles traumatisées. On se retrouve avec des familles où y’a manifestement des clans et donc de nouvelles déchirures qui émergent. Fin de la musique NS :: Si j’ai reçu le support que j’aurais souhaité avoir de ma famille, non. Non. Et je ne suis pas une exception à la règle. [CP] Quand y’a un éclatement comme ça, c’est dur après ça, a , a ce que les choses reviennent comme avant. Je ne crois pas que ça va redevenir comme avant, mais j’pense que le temps est, est un grand guérisseur, y faut laisser le temps au temps, pis chacun faire son cheminement dans tout ça. [Fondu blanc] Musique : Musique troublante. Écran après la pause NS Chui debout, j’suis capable de le dire s’que tu m’as fait maintenant. PAUSE PUBLICITAIRE Écran Titre – Libérée : Le choix de Nathalie Simard. Fondu blanc. CC Le 17 novembre 2004, Nathalie Simard s’est présentée en cour pour témoigner lors de l’enquête préliminaire de son agresseur. Après 25 ans de silence, c’était à son tour de parler. Mais allait-elle obtenir justice ? Écran blanc – La Justice. Fondu. Musique troublante. Image du palais de justice. Écriture Palais de Justice de Montréal. 17 novembre 2004. Fondu noir. Image d’une foule à l’intérieur de Palais de Justice. Fondu noir. Image de policiers qui marchent. Fondu noir. Image de Guy Cloutier avec les policiers. Fondu noir. Image d’une femme (avocate?) avec des policiers. Fondu noir. Image de l’arrivée de NS cachée derrière deux policiers. Fondu noir. NS et CC, de dos, entrent dans la salle du Palais de Justice. CDP. On les voit de face dans la salle qui marchent. NS [En s’assoyant] J’étais ici. CC Tu étais là, NS Ouais. CC Et ici, dans cette salle [CDP] quand tu étais assise là, <Hum> que ton agresseur était à peine à : 5 mètres de toi, t’avais confiance. NS Ouais CC [CDP. Panorama sur la salle d’audience] On t’avait préparée à témoigner <Ouais>, c’est une chose. [CDP. Retour sur Nathalie] Mais est-ce que toi tu souhaitais témoigner ? NS :: [4 secondes. Elle pense] À quelque part : je dirais que oui. :: (3 secondes) Euh :: (2,5 secondes) Parce que justement, j’avais été bien préparée. J’me disais, « ça va être un autre moment où je vais pouvoir : enfin : tout dire : qu’est-ce qu’il m’a fait et de montrer : devant lui là, : que j’avais pu peur de lui, que c’était fini ce temps là, c’est termi-né, là. R’garde, aujourd’hui, j’suis devenu ça, là, chu pas devenu s’que t’aurais aimé que j’sois, à terre, chu debout, pis chu capable de dire ce que tu m’as fait, maintenant ». [CDP sur CC] J’ai, j’étais tellement prête, [CDP sur NS] j’étais tellement prête à mettre fin à tout ça que non. Lui, non, y s’est jamais gêné pour m’abuser, alors moi, pourquoi j’me gênerais pour raconter qu’est-ce qu’il m’a faite. CDP. Musique troublante. Image du bulletin de nouvelles de TVA. Guy Cloutier arrive au Palais de Justice. Présentatrice Guy Cloutier plaide coupable. Josée Grandchamp, procureure de la couronne [CDP. Toujours image d’archives du procès] Alors Monsieur Cloutier a enregistré aujourd’hui des plaidoyers de culpabilité pour des gestes de nature sexuelle sur deux victimes. GC [CDP. Toujours images d’archives] Maintenant, mon sort est entre les mains du juge. CDP. Femmes abordant des dossards avec des accusations envers Guy Cloutier. CDP. Gros plan sur les chandails. CDP. Punch sonore avec l’image de la page titre du Journal de Montréal annonçant la condamnation de Guy Cloutier. La caméra s’approche du 42 mois de prison pour Guy Cloutier. Fin de la musique. CDP. NS [Pensive] Moi, l’important pour moi, c’est qu’il plaide coupable. Qui reconnaisse qu’estce qu’il a fait. Ça : c’était : très important pour moi. [CDP. Approbation de CC] Et pour moi, [CDP sur NS] justice a été rendu. Comme je l’ai dit à quelques reprises, y’a pas une sentence. Y’aurait, y’aurait eu 25 ans, ça m’aurait jamais r’donné ce que, s’qui m’a enlevé. Tsé, un moment donné, là, y faut. Moi l’important pour moi, c’est que justice a été rendue et qu’aujour’hui, y soit en prison. Paul Arcand [CDP] Le message le plus important que moi je perçois là dedans, c’est de dire : Si vous vivez quelque chose qui ressemble à ça, parlez-en, parlez-en. Et euh, [CP] soyez conscient que c’est pas facile, soyez conscient que y’a des moments difficiles à traverser, si on va au bout des accusations, mais l’important, c’est d’en parler, tout simplement. NS [CDP] J’ai été impressionnée par l’aide que j’ai eue, : par l’écoute que j’ai eue. :: J’trouvais ces gens là extraordinaires [CP] pis j’me suis dit faut , j’ai besoin, y faut que j’fasse quelque chose, y faut que j’aide les victimes pis de montrer aux victimes que même après une dénonciation, même si c’est très difficile, dénoncer, passer au travers le processus judiciaire, : cé possible d’avoir une vie : pis d’être bien, d’être heureuse. Sophie Thibault [CDP. Image d’archives du bulletin de nouvelles] C’était un secret de Polichinelle. Nathalie Simard, c’était elle la principale victime de Guy Cloutier. La cour avait interdit de l’identifier, on devait cacher son visage durant le procès mais aujourd’hui, elle a demandé et obtenu la levée de l’interdi [Coupure abrupte] Jean-François Guérin [CDP. Toujours images d’archives] Ce qu’a fait Nathalie Simard aujourd’hui, c’est qu’elle a repris le contrôle. Désormais, elle pourra parler librement et ouvertement, peutêtre en faire profiter d’autres victimes. Images de préparation à l’entrevue avec Paul Arcand. Nathalie place sa chaise. CDP. Paul Arcand de dos et NS de face. Paul Arcand [Voix par-dessus les images] Je l’ai trouvée a la fois nerveuse, j’pense que c’est normal [CDP sur Paul Arcand en entrevue] mais en même temps, très sûre d’elle, très sûre de ce qu’elle voulait faire, et de l’importance que ça avait pour elle de pouvoir enfin aller sur la place publique, librmeent, sans que quelqu’un ne lui dise quoi faire. Début de musique au piano. Julie Snyder Son entrevue, pour moi, va être historique en ce sens que, je suis sûr que dans les cours en communication, y’a des professeurs qui vont montrer cette entrevue là, à leurs étudiants, étudiantes, et vont dire : « Voilà une entrevue qui a changé les perceptions et qui a changé, un peu, la société québécoise ». Sylvie Tardif C’est sur que nous, au Cavac, on beaucoup de clients qui nous ont parlé là du fait que Mme Simard avait parlé de ce qu’elle avait vécu. Euh y’a des gens que c’était l’élément déclencheur pour que eux aussi se décident à en parler. (CP) Et que quelque soit les circonstances, on peut dénoncer et on peut avoir de l’aide. Image d’archives où NS dévoile le logo de sa Fondation. Plan sur l’affiche. NS [À la conférence de presse. Caméra de côté. On voit les journalistes] Aujourd’hui, c’est avec fierté [CDP. NS de face] que je vous annonce que la Fondation Nathalie Simard est maintenant en opération et qu’elle se donne pour objectif de venir en aide aux victimes de la pédophilie. NS [CDP] On est pas des psychologues, on est pas des policiers, on est pas des intervenants. On est là pour guider les gens et faire des levées de fonds [ CDP. Voix de l’entrevue pardessus Affiche d’un tournoi de Golf. CDP. NS qui va saluer une autre personne. CDP. Image de la salle] importantes pour pouvoir aider les organismes déjà existants. C’est ce que la Fondation fait. Claude Dubois, auteur-compositeur [CDP. Nathalie en face de Claude Dubois] Tu disais, euh, moi, vous pouvez me faire confiance, je vais consacrer ma vie. NS [CDP sur Nathalie] Ouais Claude Dubois [CDP sur Claude Dubois] Y sont chanceux, en tout cas, d’avoir une adulte de ta trempe pour les défendre. NS [CDP sur NS] Merci Claude Claude Dubois Moi, je te dis ça. NS Merci (La musique continue…) Joel Legendre [CDP. Dans une salle de spectacle] C’est une fille authentique qui a décidé de, d’affronter [CP] ses démons : dans tous les sens du mot pour euh : pour vivre et pour transporter ce message là. [CDP. Montage photo d’une couverture du Journal de Montréal (« Nathalie a ému les enfants), photo de Nathalie avec des jeunes filles en face d’une école et photo de Nathalie qui prend dans ses bras une jeune fille] Et là, elle le transporte, mais en étant femme et pas nécessairement en nous chantant des chansons ou [CDP. Retour sur Joel Legendre] en se cachant derrière un personnage. Elle nous transporte juste par ce qu’elle est. Et c’est la plus grande force de Nathalie Simard, cé : cé elle, cé ce qu’elle est. Jacques Michel, co-auteur Le Village de Nathalie [CDP. À l’extérieur] J’trouve, j’trouve y faut, y faut avoir des couilles pour faire ce qu’elle a fait. [CP] Et je ne peux que : que l’admirer pour ça. Que d’avoir de l’estime pour elle Et non seulement elle l’a fait pour elle, mais elle sert d’exemple pour tellement d’autres gens. Dan Bigras, autour-compositeur. [CDP. Dans une salle de spectacle] J’pense environ très clairement à de nombreuses personnes qui n’ont plus le contrôle sur leur propre, qui peuvent leur apprendre. Ça m’impressionne beaucoup, beaucoup, beaucoup. Marie-France Lussier, amie de Nathalie [CDP. Salon d’une maison très éclairé.] A là, tellement changé c’te fille, en, j’vous dirais [CDP. NS et Marie-France dans la remorque arrière d’un VTT avec des chiens[ en un an, vraiment une année là. [CDP. Plan rapproché de NS et Marie-France dans la remorque] Aujourd’hui, on, elle a vraiment sorti tout ce qu’elle avait à sortir, pis c’est la vraie Nathalie qu’on a aujourd’hui. Pis tant mieux. Tant mieux. Regis Simard [CDP] Avait gagné la p’tite pis avait retrouvé sa vie. [Fin de la musique] :Avait retrouvé sa vie. NS [CDP] Des gens, j’en rencontre tous les jours. : Y’a des gens qui me demande des conseils, qui euh : « Qu’est-ce que je dois faire, ça en vaut-tu vraiment la peine? ». Oui, ça vaut vraiment la peine de dénoncer. Faites le. Y’a un nœud en dedans, là. Faut le défaire, ce nœud là. Quand on se retrouve avec un sac de nœud, là, t’as 25 nœuds, là, 25 années, faut défaire ça ses nœuds là, y faut dénoncer. Fondu blanc. Écran après la pause. Denise Filliatrault et Nathalie Simard Denise Filliatrault Tu nous as touché beaucoup, comme d’habitude. NS Merci, t’es fine Denise. (Approche son bras de Denise Filliatrault) Denise Filliatrault Ben chu po fine. Cé le coeur, le cœur. PAUSE PUBLICITAIRE Écran Titre – Libérée : Le choix de Nathalie Simard. Fondu blanc. CC [Dans une salle de spectacle. Marche face à la caméra] À chacune des mes rencontres avec Nathalie, j’avais l’impression de m’approcher d’une fleur : à on aurait arraché un pédale, qu’un vent cruel aurait faillit déraciné, qu’un insecte égoïste aurait rongé, mais qui, à travers pluies et soleil, aurait mené sa fragilité jusqu’à son épanouissement. Cet enfant a eu conscience beaucoup trop tôt pour que ça s’efface de sa mémoire que le monde pouvait être laid et [s’arrête, caméra maintenant de face] les adultes méchants. Mais cette fleur, un peu comme celle que le petit prince avait trouvé sur une planète qu’il visitait, vit désormais sous une coupole de verre. Son audace, son courage, sa détermination, la protège à jamais, souhaitons le, d’une rechute dans les pensées noires de jadis. Après Nathalie, la victime, voici Nathalie, la combattante. « La vie » écrit en bleu, sur fond blanc. Fondu blanc. On entend une musique dans laquelle chante Nathalie Simard. Jean-Pierre Ferland, auteur-compositeur J’ai hâte de la voir chanter ce soir pour la première avec sa voix de femme <CC : Oui> pis hop, aller, recommencer à neuf. Images d’archives d’une prestation à Star Académie le 25 septembre 2005. CDP. NS et Denise Filliatrault. NS Merci Denise Filliatrault Ah oui, tu nous as touché beaucoup, comme d’habitude. NS Merci, t’es fine Denise. (Approche son bras de Denise Filliatrault) Denise Filliatrault Ben chu po fine. Cé le coeur, le cœur, cé tellement beau. NS Non j’le prend parce que. Denise Filliatrault Et pis continue maintenant que t’as cassé la glace. NS [CDP] Si je songe à revenir dans le show-business ? [Visage de mépris. Respiration] PFFF. Cé euh, cé le mot show-business avec, j’ai tellement de misère avec ça. [CP] Le plus extraordinaire avec le « show-business », cé de faire de la scène et d’avoir un contact avec le public. [CP] On verra, peut-être, peut-être. : Mais à ma façon cette fois-ci. [Sourire] Sylvie Tardif On ne peut pas oublier un événement comme ça. J’pense qu’on peut apprendre à vivre avec on peut euh [CP] aller chercher des outils pour faire en sorte que ça prenne pas toute la place dans notre vie, mais c’est sûr que c’est quelque chose qui sera toujours là, c’est quelque chose qui, qui à certains moments va, va plus nous faire mal, un peu comme une blessure ou une cicatrice. Paul Arcand [CDP] Si vous avez été victime d’abus sexuels pendant des années, si vous avez été victime d’abus physique, de maltraitance pendant des années, vous avez beau avoir suivi des thérapies, obtenu de l’aide pis d’avoir des gens qui vont vous aimer, vous encadrer, et tout ça, y’en demeure pas moins qu’on a, à quelque part, massacré une partie, pis sans doute la partie la plus importante de votre vie. Votre dépendeur. Et euh, ça on a beau être capable [CP] de guérir mais y’a toujours des séquelles, j’pense. Marie-France Lussier [CDP] On n’efface pas, euh, : quelques années d’une vie là, vingt ans d’une vie : d’enfer, du jour au lendemain, comme ça, pis cé finit, on passe d’autre chose. A va toujours avoir un travail à faire sur elle-même : Mais j’dis que le pire est derrière elle, maintenant. NS [CDP] Maintenant là, : je sais exactement, qu’est que, qu’est-ce que j’ai, comme qu’estce que je dois travailler, pourquoi, tsé. L’important j’pense, dans vie, dans la vie d’un être humain là, cé [CP] de pouvoir euh toute rattacher [Geste avec les mains] les maillons de la chaîne, là. Ça cé, ça aide tellement à évoluer. : Comprendre. [Lève les mains en l’air]. CDP. Musique : « Ma mère chantait toujours », version très émotive au piano. Arrivée d’une autobus scolaire et une jeune fille qui débarque. CDP. La jeune fille est plus proche et Nathalie marche vers elle. CDP. Jeune fille de dos qui continue à avancer et Nathalie qui la prend dans ses bras. NS (Voix par-dessus les images où elle prend sa fille dans ses bras) J’peux dire que j’va profiter de la vie, j’va profiter de, de regarder ma fille grandir, d’être auprès d’elle. Joel Legendre [CDP. Salle de spectacle] Ce que j’ai : toujours senti de la relation de Éve et de Nathalie, cé une grande complicité [CP] Pour Nathalie, sa vie, cé sa fille. Denise Filliatrault [CDP] Cé merveilleux de les voir toutes les deux, elles ont, cé son équilibre. Cé son équilibre. NS [CDP] Ben moi, c’se que moi dit : « Cé vrai que ça a été l’enfer pis ça a pas été drôle. [CP] Mais j’ai. Mais si, j’ai j’ai dû vivre ça pour pouvoir éviter ça à mon enfant, là, ben qu’est-ce que tu veux. Pas drôle là, mais ça aura servi à quelque chose. NS et sa fille font de la peinture. Caméra dos à sa fille. Fondu. Gros plan sur la main d’Ève avec un pinceau. Fondu. Gros plan sur le visage de Nathalie qui parle à sa fille. Sourire. CDP. Plan sur Nathalie et caméra qui se dirige vers ève. Fondu. Plan de haut. Fondu. Gros plan sur la main d’Ève qui peinture. Fondu. Plan sur Nathalie, de côté. Fondu. Plan sur Nathalie, de face, qui rit. Fin de la chanson. Fondu blanc. Début du générique. Musique douce, relaxante.