Briser le silence – Le choix de Nathalie Simard

Transcription

Briser le silence – Le choix de Nathalie Simard
La pathémisation dans
Briser le silence : Le choix de Nathalie Simard
Par Maxime Houle
Présenté dans le cadre du cours
Stratégies à l'oral de Guylaine Martel – Université Laval
LE GENRE COMMUNICATIONNEL.......................................................................................4
L’INTERACTION........................................................................................................................ 4
IDENTITÉ DES ACTEURS DE L’ÉMISSION..........................................................................6
NATHALIE SIMARD : DE VICTIME À FEMME FORTE..................................................................................6
IDENTITÉ DES AUTRES ACTANTS..............................................................................................................8
PROCÉDÉS.................................................................................................................................. 9
STRUCTURE DE L’ÉMISSION — TECHNIQUES NARRATIVES.......................................................................10
INTRODUCTIONS DE CLAUDE CHARRON................................................................................................11
PARALANGAGE DES ACTANTS................................................................................................................
12
DES SILENCES PUISSANTS….................................................................................................................13
UN VOCABULAIRE CONNOTÉ.................................................................................................................13
TECHNIQUES D’ENTREVUES..................................................................................................................14
PROCESSUS DE DÉNONCIATION D’UN AGRESSEUR SEXUEL.........................................................................15
MONTAGE..........................................................................................................................................
16
PLANS DE CAMÉRA..............................................................................................................................
17
MUSIQUE ET SONS..............................................................................................................................18
CONCLUSION........................................................................................................................... 19
BIBLIOGRAPHIE......................................................................................................................20
Briser le silence est l’une des émissions qui s’inscrit dans la foulée des événements
concernant le procès de Guy Cloutier. Elle prend place quelques mois après la révélation
de la victime, Nathalie Simard, au public. Toutefois, contrairement aux entrevues
traditionnelles comme celle que Nathalie Simard a accordée à Paul Arcand quelques mois
auparavant, Briser le silence déroge les règles traditionnelles.
Il s’agit d‘une émission spéciale. Ce que le public désire, c’est en savoir le plus possible
sur cette histoire d’agression sexuelle. Il a été stupéfait par les révélations des derniers
mois et il est avare de détails croustillants. Le rôle de cette communication est donc
essentiellement de conforter les opinions du public en renforçant la victimisation de
Nathalie Simard. Toutefois, dans le cadre de notre analyse, nous verrons surgir d’autres
rôles connexes de l’émission comme la promotion de la Fondation Nathalie Simard, la
description du processus de dénonciation d’un agresseur sexuel et l’encouragement à
d’autres victimes d’abus sexuels de dénoncer leur agresseur.
Pour parvenir à ces fins, les producteurs de TVA optent donc pour une reconstitution des
événements, où le montage des entrevues effectuées par l’animateur Claude Charron
côtoie des visites sur les lieux, des scènes narratives et émotives et une musique
spécialement composée pour cette émission.
La présente analyse observera tous les moyens mis en œuvre par les producteurs de
l’émission pour créer ce que Patrick Chareaudeau appelle la pathémisation. Des plans de
caméras à la musique, en passant par le montage, les techniques narratives et les tons
utilisés, nous tenterons de faire ressortir ce qui contribue à émouvoir le public.
Le genre communicationnel
Comme dit en introduction, Briser le silence s’inscrit dans la foulée des événements
autour de l’affaire de Guy Cloutier. Il s’agit d’une émission spéciale. Contrairement à
l’entrevue que Nathalie Simard a accordée à Paul Arcand et où le public s’attendait à une
entrevue suivant une certaine forme, le public ne sait trop à quoi s’attendre concernant le
cadre formel de cette émission.
Dans les derniers mois, le public a été complètement dérouté. Alors qu’il a cru pendant de
nombreuses années à une Nathalie Simard heureuse, pure et protégée par son agent Guy
Cloutier, celui-ci a été dernièrement confronté à une vision différente de celle qu’il avait
imaginée. Le spectateur réalise avec stupéfaction qu’elle a été agressée sexuellement
pendant toute son enfance, l’un des crimes les plus condamnés dans les médias
québécois, et par nul autre que son agent. L’implication personnelle du récepteur est donc
grande puisque sa construction passée qu’il avait de Nathalie Simard est mise en doute
par les dernières révélations. En résulte un déséquilibre que le spectateur cherche à
résoudre. L’émission Briser le silence apparaît alors aux yeux du spectateur comme un
divertissement, certes, mais surtout comme une manière de réduire ce fossé entre ce qu’il
croyait être Nathalie Simard et ce qu’il s’est réellement passé.
Pour répondre à l’attente du public d’en savoir le plus possible sur cette affaire, les
producteurs ont donc décidé d’explorer une forme rarement utilisée au réseau TVA et au
Québec, soit un documentaire qui allie entrevues et reconstitutions d’événement. Cette
façon de faire donne à Briser le silence toutes les qualités d’une fiction, mais avec la
crédibilité et l’impact d’un événement réellement vécut. De plus, diverses images
d’archives contribuent à mettre en valeur la construction passée de Nathalie Simard et
ainsi, comme nous l’avons exposé dans le paragraphe précédent, augmenter l’implication
du public par rapport au message.
L’interaction
Dans Briser le silence, deux types d’interaction doivent être pris en compte. L’interaction
entre les actants médiatiques et l’interaction avec le public.
Contrairement à l’entrevue conventionnelle de type question-réponse, Briser le silence se
démarque par un montage qui fait, la plupart du temps, abstraction des questions. L’ordre
des témoignages s’inscrit, comme nous le verrons plus loin, dans une logique narrative. Il
s’agit surtout d’un montage visible des réponses de Nathalie en alternance avec les autres
témoignages. Nous pouvons d’ailleurs souvent deviner la présence d’une question effacée
au montage comme lorsque Nathalie répond : « Si je songe à revenir dans le showbusiness? ». L’intervieweur, Claude Charron, se fait plus présent lors de la visite de lieux
comme la chambre d’hôtel et la scène de la confession. Dans ce cas, l’intervieweur est
présent afin de faciliter la présentation des lieux et des événements qui y ont pris place.
CC
Il devait s’asseoir ?
NS
(Pointe la chaise) Là
CC
(Pointe la chaise) Ici.
NS
Oui
Aussitôt que cela devient possible, le montage reprend les formes qui permettent
l’abstraction de questions. Cette abstraction des questions permet aussi de créer une
interaction harmonieuse puisqu’aucun des actants n’est mis en doute par rapport à ce
qu’il dit.
Soulevons qu’il y a aussi rarement des interactions entre les participants. Il s’agit avant
tout de témoignages filmés de façon séparée. Lorsqu’il y a interaction entre Nathalie
Simard et les participants, par exemple avec Denise Filliatrault ou Claude Dubois, c’est
lorsque les images ont été prises sur le vif lors d’événements.
Un deuxième type d’interaction a lieu avec le public. Celle-ci vise bien sûr à prendre en
compte le public et à répondre à ses attentes. Un grand nombre des personnes
interviewées appartient au monde du spectacle afin de ne pas trop dérouter le public. De
plus, des marques de ressemblances de Nathalie envers le public peuvent être soulevées,
comme dans l’exemple suivant : « Faut que je fasse vivre ma fille, faut que m, ma fille
mange. J’veux juste au moins être capable de payer mon compte d’Hydro, mon compte
de Bell, […] ». Ces préoccupations dans lesquelles probablement toute mère de famille se
reconnaît renforcent l’identification à Nathalie Simard, et donc l’implication par rapport
au message. L’attention du récepteur devient donc beaucoup plus forte.
Nous pouvons aussi faire ressortir des adresses au public lorsqu’il s’agit d’encourager les
victimes à dénoncer leur agresseur. « Oui, ça en vaut vraiment la peine de dénoncer.
Faites-le ». Ces adresses sont parfois directes lorsque les actants regardent directement la
caméra et parlent directement au public. Mais elles sont aussi indirectes comme lorsque
Sylvie Tardif parle de ce qui incite les victimes à dénoncer : « Quand, euh notre enfant,
on le voit évoluer pis ki arrive à l’age où nous on a commencé à subir les abus, euh ça
nous montre à quel point, ben c’est juste un enfant pis que c’est pas correct, là ». Ces
derniers propos ne s’adressent pas directement au public, mais le spectateur qui se sent
concerné par le sujet sera attentif et pourrait faire de la projection sur lui-même.
Finalement, l’utilisation du « tu » dans certaines réponses accentue l’implication du
public par rapport à Nathalie. « Mais si, j’ai j’ai dû vivre ça pour pouvoir éviter ça à mon
enfant, là, ben qu’est-ce que tu veux. Pas drôle là, mais ça aura servi à quelque chose ».
Même si, à ce moment Nathalie, s’adresse à l’intervieweur, l’absence de celui-ci amène le
public à se sentir encore plus interpellé par de telles marques. Comme dit plus tôt, le
spectateur qui a été victime d’une agression sexuelle et donc directement concerné par ce
discours sera beaucoup plus interpellé grâce à l’utilisation de ce « tu ».
Identité des acteurs de l’émission
L’observation de l’identité des acteurs présents dans la communication se fera en deux
parties. Tout d’abord, en observant spécifiquement Nathalie Simard et son identité qui est
graduellement construite au fil de l’émission. Par la suite, en observant l’identité des
autres acteurs médiatiques de cette communication.
Nathalie Simard : De victime à femme forte
Pendant notre analyse, nous avons observé les différentes identités que l’émission réussit
à créer par rapport à Nathalie Simard et comment ces identités évoluent à l’intérieur de
l’émission. Tour à tour sont développées trois identités : la mère de famille, la victime et
la femme combattante. Mais avant de parler de ces identités, observons comment
s’articulent les identités professionnelles et personnelles à l’intérieur de l’émission.
Tout le battage médiatique concernant cette histoire est avant tout justifié par l’identité de
nature professionnelle de Nathalie Simard. Comme nous avons dit, plusieurs Québécois
ont eu l’occasion de la voir grandir à travers le petit écran et c’est avec surprise qu’ils ont
appris toute cette histoire. Cette identité professionnelle est donc avant tout l’image que
possédait le public de Nathalie avant le dévoilement de l’affaire Cloutier. Elle rappelle au
public comment Nathalie Simard s’est inscrite dans leur quotidien à une certaine époque.
L’exposition de cette identité professionnelle dans Briser le silence vise une chose :
augmenter l’impact des événements relatés en créant chez le spectateur une sorte de
contraste par rapport à l’être et le paraître, c’est-à-dire entre ce que le spectateur savait et
ce qu’il se passait réellement à l’époque. Alors que nous croyions à l’époque cette jeune
fille heureuse par les médias, celle-ci souffrait au contraire le martyre. C’est donc pour
cette raison que de nombreuses images d’archives qui rappellent la carrière artistique
passée de Nathalie Simard sont utilisées et que de nombreux passages d’entrevues
relatent les événements connus du public.
Toutefois, les événements relatés dans Briser le silence sont, pour la plupart, rattachés à
son identité privée. On y dévoile et expose les différents événements qui ont secoué sa
vie durant toutes ces années et son long processus de dénonciation et de guérison. La
narration des événements vise donc à nous faire découvrir le côté inconnu de sa carrière
artistique que nous n’osions imaginé ainsi que les événements qui ont conduit à sa
dénonciation et qui se sont passés alors que le public suivait avec intérêt l’affaire
Cloutier. Les événements relatés visent donc à répondre aux différentes interrogations du
public et à le surprendre par rapport à ce qu’il croyait être Nathalie Simard.
Comme nous avons dit plus haut, trois images sont construites pour l’identité personnelle
de Nathalie. Par tous les procédés que nous verrons plus tard, une victimisation est mise
en place dans la première moitié de l’émission. Progressivement, cette identité se
transformera dans la narration afin d’atteindre celle d’une femme forte, guide pour toutes
les femmes qui désirent dénoncer leur agresseur. Comme dans un film, le procédé
consiste à passer des deux extrêmes, du mal vers le bien, du statut le plus bas au statut le
plus glorifiant.
Outre ces deux identités, une identité beaucoup plus commune est mise en place, soit
celle de la mère de famille. Jacques Bouchard cite l’amour des enfants dans ses 36 cordes
sensibles des Québécois (Bouchard, 1978 : 177). Dans toute l’émission, différentes
scènes sont mises en place avec sa jeune fille Ève. Après l’introduction, sa fille Ève est le
premier thème abordé et il s’agit des dernières images qui ferment l’émission. De plus,
plusieurs passages visent à mettre en évidence que, malgré les difficultés, Nathalie prend
soin de sa fille : « Mais au moins, l’important, c’est que ma petite fille mangeait, tsé ». Il
semble donc évident que les producteurs ont voulu mettre de l’avant cette identité afin de
banaliser Nathalie Simard et ainsi créer une identification beaucoup plus forte des
téléspectateurs. De nombreux passages ont d’ailleurs été retenus dans le montage afin de
renforcer cette impression,comme lorsqu’elle parle de payer ses comptes et lorsqu’elle
parle de sa fille.
Identité des autres actants
Claude Charron est l’animateur et il est celui auquel le public accorde de la crédibilité à
cause des nombreuses autres émissions auxquelles il a participé. Il est présent pour ses
qualités d’animateur et de journaliste, mais aussi en tant qu’homme que le public voit
comme intelligent et humain. Ce dernier ne partage pas la même identité aux yeux du
public qu’un Paul Arcand.
Concernant les autres participants, les producteurs n’ont de toute évidence pas voulu
dérouter le public en présentant un trop grand nombre de personnes inconnues du public.
Sur les 18 autres personnes interviewées, six n’appartiennent pas au monde du spectacle.
De ces six, quatre sont des professionnels, un est membre de la famille et une est une
amie.
Les personnalités médiatiques sont des gens qui ont connu de proche ou de loin Nathalie
Simard par le passé. Ils témoignent pour la plupart de leur expérience avec Nathalie et ils
apportent des commentaires par rapport à elle. Ils sont donc là à cause de leur identité
professionnelle, mais ce dont ils parlent est essentiellement leur expérience personnelle
avec Nathalie Simard. Certains aussi comme Paul Arcand s’improvisent spécialistes en
matière de victimes d’abus sexuels et apportent recommandations et avis.
Les professionnels interviennent de deux façons. Certains comme Pierre Hardy et Pierre
Lapointe viennent témoigner de leur expérience avec Nathalie à l’intérieur de son
processus de dénonciation. D’autres comme Sylvie Tardif viennent enrichir l’émission
par des considérations sur les victimes d’abus sexuel. Ces professionnels ne sont là que
pour leur identité professionnelle.
Finalement, les deux autres invités agissent en tant que membres « normaux » du public.
Martin Simard fait office de représentant de la famille qui est plutôt absente depuis le
début de l’affaire. Marie-France Lussier, amie et voisine de Nathalie, est quant à elle la
femme comme tout le monde, non membre du show-business. Elle est d’ailleurs l’une des
seules personnes, outre sa fille Ève, avec qui l'on voit Nathalie interagir dans le cadre de
sa vie personnelle. En effet, nous voyons Nathalie et Marie-France qui se promènent dans
une remorque. Cette mise en scène s’inscrit dans la banalisation de Nathalie.
Notons aussi la présence de la fille de Nathalie Simard, Ève. Même si celle-ci ne parle
pas, elle contribue par sa présence à former l’identité de mère de famille que nous avons
fait ressortir dans la partie précédente.
En dernier lieu, comment faire abstraction de l’arlésienne de cette émission, Guy
Cloutier, que nous apercevons seulement à l’intérieur des images d’archives. Son ombre
plane pendant toute l’heure de l’émission analysée, mais outre dans les images
d’archives, celui-ci n’est mentionné qu’à de très rares reprises. Son nom n’est prononcé
qu’à une reprise par Nathalie Simard, mais celle-ci parle de « il » à quelques reprises. Les
producteurs ont visiblement choisi d’en parler le moins possible et de seulement compter
sur l’identité déjà construite de Guy Cloutier chez le public.
Procédés
Tout au long de l’émission, de nombreux procédés sont mis en œuvre afin de créer
quelque chose qui s’approche beaucoup plus d’une fiction que d’un documentaire
traditionnel. Dans cette partie, nous observerons les procédés utilisés pour créer la
pathémisation et comment ceux-ci entrent en œuvre pour servir les buts de la
communication.
Structure de l’émission — Techniques narratives
Ce qui apporte de l’impact dans la mise en scène du discours, c’est avant tout la trame
narrative qui est mise en place par la structure de l’émission afin de placer le spectateur
comme s’il était dans une fiction.
Premièrement, l’émission est fragmentée en cinq blocs et chacun porte un titre : « Ève »,
« Briser le silence », « La Confrontation », etc. Ces titres guident le spectateur et créent
un certain nombre d’attentes par rapport à ce qu’il va voir. Un titre comme La
Confrontation crée une attente chez le spectateur, qui ne s’attend alors pas à entendre
parler de la relation de Nathalie avec sa fille Ève dans ce bloc. De plus, chacun de ces
blocs est précédé par une courte introduction de Claude Charron dont nous observerons
les effets plus loin.
À l’intérieur de chacun de ces blocs, nous retrouvons le montage d’entretiens avec
différents actants. Ces entrevues sont généralement placées de façon à recréer l’ordre des
événements, comme lorsque Daniel Beaudry raconte la scène de la chambre d’hôtel en
interaction, grâce au montage, avec le témoignage de Nathalie. « Donc euh, entre dans
ma chambre, on s’installe et là elle me dit : “Çé la fameuse phrase, que je te disais. Si je
pouvais te dire tout ce que j’ai envie de te dire, tu comprendrais. Ah dit : Ben là assis toi :
faut que j’te parle” ». D’autres participants rapportent les sentiments de Nathalie Simard
à certains moments précis de la trame narrative, comme Julie Snyder : « Ch, chu aller à
Magog, dans un p’tit restaurant, pis chu tomber sur Joel Legendre et elle. [ CP] Pis on
parlait, on bavardait pis j’voyais dans son, j’voyais qu’elle avait quelque chose de voilé
dans le regard […]».
D’un autre côté, nous retrouvons dans ces blocs plusieurs séquences de reconstitutions
des événements qui viennent créer une fiction. Elles sont directes lorsqu’elles visent à,
soit recréer l’événement et son ambiance comme pendant le prologue où nous pouvons
suivre sa route vers le tribunal, ou soit à construire l’identité de Nathalie, comme dans les
scènes avec Ève qui construisent son identité de mère de famille. Nous les qualifions de
directes, car elles visent à faire croire au spectateur qu’il suit, par exemple, réellement
Nathalie vers le procès. Il y a aussi des visites sur les lieux qui sont des reconstitutions
indirectes. À la différence des reconstitutions directes, ces dernières tentent de recréer
l’ambiance des événements par le montage des interviews et la description des
événements comme lorsque Nathalie Simard et Claude Charron revisitent la chambre
d’hôtel et le Palais de Justice.
Des images d’archives comme les extraits du téléjournal de TVA participent aussi à la
construction de la trame narrative. Mais en plus, elles permettent de rappeler les
événements au public et de replacer le spectateur en contexte par rapport à ce qu’il savait
avant d’être en présence des nouveaux faits dans Briser le silence. Ces images, sorte de
flash-back pour le public, sont donc utiles pour leurs effets en tirant le fil des expériences
antérieures du spectateur pour faire ressortir, par exemple, l’indignation qu’il a vécue
lorsqu’il a appris les faits.
Introductions de Claude Charron
Les introductions de Claude Charron misent avant tout à résumer le contenu du prochain
bloc. Toutefois, lorsque nous observons celles-ci plus proche, nous voyons qu’elles ont
un important impact dans la construction identitaire de Nathalie Simard.
Ces introductions visent à créer l’atmosphère du bloc qui suit. Ainsi, la première
introduction accumule les événements pour brosser un portrait catastrophique de la
situation de Nathalie Simard.
L’année 1994 a été catastrophique pour Nathalie Simard. Il y a tout d’abord
eu cette arrestation pour tentative de fraude et la publicité négative, bien sûr.
Puis, sa volonté d’un retour professionnel s’est soldée par un échec. Et puis,
pour finir le tout, quelques jours avant Noël, son condo de l’Île des sœurs a
été saisi.
Ces introductions résument aussi les sentiments que vit Nathalie à l’époque des
événements comme dans la deuxième introduction. « La souffrance est trop grande, la
douleur trop vive. Elle n’en peut plus de vivre dans le mensonge et surtout d’être seule à
porter le fardeau de son terrible secret ». En en exposant les sentiments de Nathalie au
public, les introductions peuvent donc créer une compassion à l’égard de Nathalie.
Donc, en plus de résumer ce qui suit, ces introductions construisent dans une certaine
mesure l’attitude du public par rapport à Nathalie Simard et par rapport aux événements.
L’opinion du public par rapport aux événements se trouve alors de prime abord biaisée en
faveur de Nathalie et de la victimisation mise en place.
Paralangage des actants
Tout au long du documentaire, le paralangage des actants vient appuyer leur discours.
Même si ce type de paralangage va de soi dans le type de discours tenu, les producteurs
ont quand même effectué des choix lors du montage afin de conserver les passages
marquants sur ce point. Nous pouvons faire ressortir deux types de paralangage, soit le
paralangage lié aux émotions vécues et le paralangage lié à la justification du discours.
Nous avons un exemple frappant de paralangage lié aux émotions lorsque Joel Legendre
raconte la façon dont il a appris les événements : « Je me rappelle que cette nuit ::
[Silence de 7 secondes. Larmes] j’ai été : [toussement] incapable de dormir. ::: Parce
qu’en plus, je savais que :: que mon amie : avait même pas été capable de m’en parler ».
Son long silence suivi de larmes est éloquent. Il frappe le spectateur qui est certes habitué
de voir des larmes dans le cadre de fictions, mais beaucoup moins lorsqu’il s’agit de
discours réels. De plus, au contraire d’une fiction, ces larmes sont réelles, instinctives et
non prévues, du moins théoriquement. Dans plusieurs des scènes comme à l’hôtel, nous
pouvons remarquer que Nathalie se referme beaucoup sur elle. Ses gestes sont orientés
vers son visage, elle recroqueville ses jambes sur elle, etc. Ces gestes sont porteurs d’une
souffrance. Toussements, hésitations, sanglots, larmes, soupirs : toutes des marques
émotives qui peuvent être observées dans Briser le silence et qui touchent le spectateur
par empathie. Mais il n’y a pas que les signes de tristesse. Si la première partie du
documentaire met surtout d’avant ces signes, la deuxième met beaucoup plus de l’avant
les signes de joie et d’espoir. Là aussi, un puissant paralangage émotif vient appuyer le
langage, surtout par les sourires et la conviction dans les yeux. Le mouvement et la
position des mains sont particulièrement puissants lors de la dernière intervention de
Nathalie (« Mais si, j’ai j’ai dû vivre ça pour pouvoir éviter ça à mon enfant, là, ben
qu’est-ce que tu veux. Pas drôle là, mais ça aura servi à quelque chose »), lorsque les
mains sont placées l’une contre l’autre, comme pour une prière.
En second lieu, nous pouvons aussi observer une forte présence d’un paralangage
directement associé au discours. Celui-ci vient appuyer le discours et faciliter sa
compréhension. Ainsi, lorsque Nathalie dit « L’important j’pense, dans vie, dans la vie
d’un être humain là, cé (CP) de pouvoir toute rattacher (Geste avec les mains) les
maillons de la chaîne, là », son geste avec les mains vient aider la compréhension du
discours en y ajoutant un impact supplémentaire. De même, à un autre moment, elle
prend le ton de son impresario pour rapporter son discours. « […] y dit “té forte en
maudit”, y dit “avec tout s’ke t’as vécu, pis toute, mettons ton condo à l’Île des sœurs”, y
dit, “de vivre dans un affaire de même”. L’attitude de mépris prise par Nathalie pour
rapporter le discours aide à apporter du poids à son discours, mais de plus appuyer ses
dires postérieurs (« Cé lui :: Le mépris :: Le mépris »).
Des silences puissants…
« Parle si tu as des mots plus forts que le silence, ou garde le silence », nous a dit
Euripide. Même si le titre est Briser le silence, force est d’avouer que le silence est
souvent beaucoup plus puissant que les paroles. Il apporte un malaise et il met le
spectateur en suspense.
Observons la séquence qui précède la première pause publicitaire, où Nathalie raconte
une rencontre avec Guy Cloutier. En environs 1min30, nous pouvons observer au moins
huit silences significatifs, dont un qui dure près de 7 secondes. Dans cette séquence,
ceux-ci totalisent en tout environ 23 secondes, ce qui n’est pas négligeable lorsque nous
constatons que plusieurs séquences ne contiennent aucune seconde de silence.
Les silences sont d’ailleurs savamment exploités. Dans la séquence que nous venons tout
juste d’observer, le volume sonore est beaucoup plus fort que celui des séquences
précédentes, ce qui augmente l’impact des moments de silences.
Un vocabulaire connoté
Tout au long de l’émission, nous pouvons noter l’utilisation d’un vocabulaire très connoté
pour décrire les événements. Ainsi, dans un passage de Nathalie Simard, nous pouvons
ressortir des expressions comme « dégueulasse », « j’étais d’là merde pour lui » et
« après s’être masturbé ». Ces expressions très crues augmentent l’impact du discours des
différents actants.
D’un autre côté, Claude Charron utilise un vocabulaire beaucoup plus recherché, voire
poétique, avec plusieurs métaphores. Le discours reste toutefois très simple de façon à ne
pas égarer trop le public. Ainsi, dans le dernier, Claude Charron utilise un discours très
simple, mais à la fois poétique pour décrire l’évolution de Nathalie :
À chacune de mes rencontres avec Nathalie, j’avais l’impression de
m’approcher d’une fleur à on aurait arraché un pédale, qu’un vent cruel aurait
faillit déraciné, qu’un insecte égoïste aurait rongé, mais qui, à travers pluies et
soleil, aurait mené sa fragilité jusqu’à son épanouissement.
Techniques d’entrevues
Les questions d’entrevues ont été pour la plupart du temps coupé au montage. Il est donc
difficile d’observer les techniques d’entrevues utilisées. Toutefois, à l’aide de quelques
présences de Claude Charron et de quelques éléments de réponses observables, nous
sommes en mesure de deviner quelques techniques utilisées.
Dans la séquence où Nathalie raconte sa confrontation à Claude Charron, nous pouvons
observer que Claude Charron demande à Nathalie d’apporter un élément supplémentaire
par rapport à ce qu’elle dit, de façon à ce qu’elle développe sur un élément susceptible
d’intéresser le public.
NS
Je l’avais jamais vu dans cet état là, premièrement
CC
Décris-moi ?
NS
Ben, ben y sentait que là, ça allait pas du tout, là.
Il lui demande aussi des questions par rapport à des éléments qu’elle n’aborde pas et qui
pourraient s’avérer pertinents pour le reportage.
CC
[C.D.P.] Comment était-il, lui ?
NS
Oufff.. : Très : très soumis
Par ses questions, Claude Charron oriente le discours de Nathalie sur des thèmes très
sensibles aux yeux du public, comme la famille. « NS : Si j’ai reçu le support que j’aurais
souhaité avoir de ma famille, non ». Dans le dernier exemple, même si la question a été
effacée au montage, nous pouvons la deviner par la reprise de la question dans la réponse.
Nous pouvons observer chose semblable dans le discours de Nathalie Petrowsky. « Je me
souviens par exemple, que, euh, dans Montréal m’attend, euh elle faisait, elle avait un
tout petit rôle, si j’me souviens bien, où elle avait effectivement pris du poids ». La
présence du marqueur « effectivement » révèle que la question posée par Claude Charron
touchait le poids de Nathalie Simard, autre point auquel le public accorde de
l’importance, même si la réponse s’inscrit dans un autre ordre d’idées. Il est d’ailleurs
intéressant de noter que, même s’il y a eu des questions à ce sujet, il n’y a aucune autre
mention du poids de Nathalie dans le reportage, ce qui sauvegarde la face de Nathalie.
Finalement, notons l’utilisation tout au long de l’entrevue du pronom tu avec Nathalie
Simard. Ce pronom est beaucoup plus puissant que le « vous », puisque qu’il crée une
intimité supplémentaire avec le public. Ce dernier serait beaucoup plus porté à utiliser le
« tu » que le « vous » s’il posait des questions à Nathalie Simard.
Processus de dénonciation d’un agresseur sexuel
Dans Briser le silence, les événements rapportés visent essentiellement à raconter les
événements plus marquants des dernières années de Nathalie Simard. Toutefois,
lorsqu’on y regarde de plus près, la plupart des éléments décrivent au public le processus
de dénonciation d’un agresseur sexuel en misant sur la procédure à suivre et sur l’état
psychologique dans lequel se retrouve une victime tout au long du processus. Observons
l’effet possible que pourraient avoir ces éléments sur le public.
En relatant chacune des étapes du processus, Briser le silence décrit dans un premier lieu
les étapes à suivre et dans quel ordre les faires. La victime qui pense éventuellement
dénoncer aura alors beaucoup moins peur de se retrouver dans l’inconnu. De plus, celleci est rassurée par rapport aux principales questions qu’elle se pose comme : « Vont-ils
me prendre pour une folle ? », « Vont-ils appeler mon agresseur avant de venir me voir
pour vérifier », etc. Aussi, la personne qui est en présence d’une victime sait beaucoup
plus quoi faire. « Daniel Beaudry : Une victime, quand a prend la décision : de dénoncer,
faut que ça se fasse : au moment présent. Ça peut pas, a peut pas prendre la décision,
dire : “j’va le faire demain” ».
En décrivant le processus psychologique, la victime est préparée aux éventuelles
difficultés auxquelles elle fera face. Mais surtout, la description de ce processus pourra
rassurer la personne en processus et lui rappeler que, même si elle vit des moments
difficiles, il y a une lumière au bout du tunnel.
Finalement, en plus de décrire le processus, l’émission contient plusieurs éléments qui
encouragent directement une victime à dénoncer son agresseur. « NS : […] Faites-le ». La
femme, ou l’homme, qui écoute cette émission et qui a été victime d’abus sexuels se sent
directement interpellé par ces phrases. Même s’il nous est impossible d’évaluer les
impacts de cette émission sur des victimes, nous pouvons affirmer qu’elle contient tout ce
qui est nécessaire pour inciter à l’action.
Montage
Les techniques narratives et le montage sont interdépendants : l’un dicte l’autre. Le
montage est tout ce qui concerne la mise en place technique des images et des entretiens
et de quelle façon la mise en scène est créée grâce à ce dernier.
Le choix des producteurs a été clair : enlever le plus possible les questions de Claude
Charron et centrer l’émission sur les réponses. Mais cette technique permettait aussi de
faciliter le montage des réponses. En effet, lorsque nous portons attention, nous
remarquons que plusieurs coupures sont présentes dans le montage, notées CP dans la
transcription : « Et cé là qui m’a dit : [CP] Nathalie : Faut que tu dénonces : [CP] à la
police ». Quelques fois, les producteurs mettent des images significatives (comme des
photos de famille) en lien avec le thème afin de rendre le montage moins visible. Les
producteurs utilisent aussi pour ce faire des plans de caméras sur le visage de Claude
Charron qui réagit au discours de Nathalie comme dans la séquence de la chambre
d’hôtel.
Ces coupures visent à garder l’essentiel et le plus percutant du discours. Elles peuvent
aussi servir à effacer le contenu plus décevant et le contenu qui a été repris. Avec cette
technique, il est toujours possible de faire reprendre un petit bout à Nathalie parce qu’elle
n’a pas assez pleuré dans une séquence. Toutefois, il serait imprudent d’affirmer que cette
technique a effectivement été utilisée à ces fins et nous pouvons seulement affirmer que
ce type de montage aurait pu être utilisé à ces fins.
À plusieurs moments comme dans la séquence de la chambre d’hôtel, le montage est
utilisé afin de créer une alternance entre les différents témoignages. Dans ce cas, le
montage participe à la mise en scène et vise à ajoute de la vie et de la crédibilité au
témoignage des actants. Dans d’autres cas, le montage fait aussi suivre le discours des
actants par des discours de professionnels qui viennent appuyer et enrichir le contenu de
l’émission.
Plans de caméra
L’utilisation des plans de caméras est un élément non négligeable de la mise en scène. À
l’intérieur de Briser le silence, nous pouvons remarquer que plusieurs plans de caméras
créent une intimité entre Nathalie Simard et le public.
Notons dans un premier lieu l’utilisation des gros plans, c'est-à-dire un plan rapproché sur
un élément afin que celui-ci occupe la totalité de la surface de l’écran. Les principaux
plans rapprochés sont sur le visage de Nathalie. Ce type de plan créé une intimité
supplémentaire avec Nathalie et nous invite à partager ses sentiments. À un moment, un
zoom est fait sur son visage alors qu’elle commence à pleurer, ce qui augmente l’impact
de la scène. Nous pouvons aussi remarquer les gros plans sur ses mains et celles de sa
fille qui créent eux aussi une intimité supplémentaire.
À l’inverse, certaines séquences utilisent des plans éloignés comme lorsque Nathalie
Simard marche à l’extérieur. Ce type de plan vise alors à mettre l’accent sur le contexte.
Lorsqu’elle marche à l’extérieur, seule, par une journée enneigée, le spectateur y associe
la solitude à cause du vide qui l’entoure.
Les angles de vues utilisés sont aussi porteurs de sens. La plupart du temps, la caméra est
face au personnage ou adopte un léger angle pour que Nathalie semble s’adresser à
Claude Charron. Toutefois, lors des séquences de reconstitution comme le prologue, la
caméra se place parfois derrière Nathalie Simard ou du moins, dans un angle dans lequel
nous ne sommes pas habitués de la voir. Par exemple, lors de la conférence de presse, la
caméra se trouve sur le côté. Nous voyons Nathalie qui fait face aux nombreuses caméras
des journalistes. Cet angle de caméra est particulier, en ce sens qu’il est presque voyeur.
Le spectateur se trouve alors à se retrouver dans la peau d’un spectateur privilégié, en
coulisse. Ce type de plan contribue alors à renforcer l’implication du spectateur par
rapport à l’émission et à Nathalie Simard.
Musique et sons
Briser le silence se rapproche d’une fiction par l’utilisation de la musique. Celle-ci est
paralangagière, c’est-à-dire qu’elle contribue à créer l’atmosphère déjà présente par les
témoignages et la narration. Ainsi, lorsque l’atmosphère à créer est triste ou troublante, la
musique contribue à renforcer l’émotion du spectateur par rapport aux faits relatés.
Cette musique ne laisse aussi qu’une faible place à l’ambiguïté. Par l’utilisation de
sonorités électroniques, le compositeur parvient à recréer une atmosphère troublante qui
peut difficilement être associée à des images joyeuses et vice versa. Les instruments de
musique utilisés sont aussi très révélateurs. Nous pouvons noter une nette prédominance
de la voix et du piano, deux instruments très proches de l’être humain. La voix est
probablement l’instrument le plus accessible à tous. Une voix féminine reflète la pureté,
l’humanité. Comme le dit Elliot Goldenthal, compositeur de musique de film, le piano,
quant à lui, « transcende une certaine notion d'humanité. […] [Il] est de loin l'instrument
le plus attaché à la notion du "chez soi" » (Traxzone, 2001). Cette familiarité confère au
piano une sonorité que tout le monde reconnaît et à laquelle est rattachée des souvenirs.
L’utilisation de ces deux instruments très communs contribue donc à la création de
l’atmosphère désirée.
Notons aussi l’utilisation de certaines chansons de Nathalie Simard. Les paroles de
celles-ci contribuent fortement à augmenter la pathémisation : « Blessée, ne peux-tu un
peu m’aider. Humiliée, besoin de prendre le large ». De plus, ces paroles sont directement
reliées à une expérience que le public connaît maintenant très bien, ce qui est différent
des chansons traditionnelles où le public interprète les paroles en fonction de sa propre
expérience.
Certains sons utilisés contribuent aussi à la création d’une atmosphère particulière,
comme lorsqu’un son très grave est entendu lorsqu’on voit la page titre du Journal de
Montréal qui annonce la condamnation de Guy Cloutier ou les bruits de bas dans le
prologue. Ces sons ajoutés, non naturels, contribuent à créer un univers fictionnel
beaucoup plus puissant, presque onirique.
Conclusion
Nous avons donc observé dans les dernières lignes quelques procédés qui ont été utilisés
dans Briser le silence et les effets possibles de ces derniers. Nous avons aussi relevé une
forte utilisation de la mise en scène presque fictionnelle au service des différents objectifs
de la communication : au premier chef, divertir le public et le conforter dans ses opinions,
mais aussi inciter quelques spectateurs concernés à l’action.
Et c’est d’ailleurs là où Briser le silence se différencie : l’émission incite à l’action. Les
femmes qui ont été victimes d’abus sexuels et qui ont regardé cette émission se sont
inévitablement senties interpellées par le témoignage de Nathalie. Et les témoignages
recueillis ne se contentent pas seulement d’exposer le problème. La structure narrative de
l’émission expose la démarche de dénonciation d’une agression sexuelle et les actants
s’adressent directement au public afin de les inciter à agir. Un cas unique pour une
histoire qui a été autant couverte par les médias et qui rejoint autant le public.
Julie Snyder dit : « Son entrevue, pour moi, sera historique en ce sens que, dans les cours
en communication, y’a des professeurs qui vont montrer cette entrevue-là à leurs
étudiants, étudiantes, vont dire : “Voici une entrevue qui a changé les perceptions et qui a
changé, un peu, la société québécoise” ». À défaut de démontrer que cette entrevue a été
performante en changeant les perceptions et la société québécoise, nous sommes au
moins en mesure d’affirmer que tout a été mis en œuvre pour interpeller et inciter à
l’action des centaines de femmes ce soir là.
Bibliographie
Traxzone.com. 2001. « Elliot goldenthal: le neuvième esprit de final fantasy ». En ligne.
<http://www.traxzone.com/textes/index.asp?id=1817>. Consulté le 27 mars 2006.
Bouchard, Jacques. 1978. « Les 36 cordes sensibles des Québecois » . En ligne.
http://www.desnotables.com/36cordes. Consulté le 27 mars 2006.
Evene.fr – Toute la culture. 2006. « Euripide ». <http://www.evene.fr/celebre/biographie/
euripide-653.php>. En ligne. Consulté le 27 mars 2006.
Transcription de l’émission Libérée : Le choix de Nathalie Simard
Légende :
Italique : Indication d’action
Gras et italique : Musique et bruits.
Souligné et italique : Changement de plan et caméra.
C-D-P : Changement de plan sans fondu.
Cp : Montage visible dans le témoignage.
Diff : Changement d’endroit pour l’interview.
NS : Nathalie Simard.
CC : Claude Charron.
Ouverture :
Musique troublante
Plan d’une maison
Jambes de Nathalie Simard qui sort d’une maison. Bruits de pas. Fondu noir.
Jambes de Nathalie Simard et d’un homme (Claude Charron ?) marchent en direction
d’une voiture et y entrent. Fondu noir.
Voiture sur une route. Ciel très clair. Voiture qui disparaît à la fin du plan. Fondu noir.
Autre plan de la voiture qui tourne un coin. C-D-P
Éclairage sombre. Mains de N. S. C-D-P.
Éclairage sombre. Plan ¼. Yeux de N. S. regardant au loin. Fondu noir.
Sur fond noir, image en noir et blanc se détachant. Pendant toute cette période, sons
associés aux images et chansons de Nathalie Simard.
Vidéo amateur de N. S. à 4-6 ans qui tape des mains.
Vidéo de la publicité des poudings Laura Secord avec N. S. jeune.
Vidéo d’une femme inconnue (Mère ?)
Enchâssement d’une image fixe de N. S. (?), René Simard (?) et Guy Cloutier (?).
Vidéo de N. S. qui chante. 8-9 ans ?
Vidéo de N.S. qui chante. 10 ans ?
Vidéo de N. S. qui rit, avec quelque chose dans la main.
Éclairage sombre. Retour sur les mains de N. S. dans la voiture. C-D-P.
Plan presque profil. Éclairage sombre. Yeux de N. S. regardant au loin. C.D.P.
Plan à partir de l’intérieur de la voiture, vers l’avant, sur un pont inconnu. Temps
pluvieux. C.D.P.
Plan à partir de l’intérieur de la voiture, sur le côté, pilier du pont. Temps pluvieux.
Fondu noir.
Plan à partir de l’intérieur de la voiture, vers l’avant, légèrement vers la gauche. Temps
pluvieux. C.D.P.
Plan à partir de l’intérieur de la voiture, vers l’avant, légèrement vers la droite. On
aperçoit le Palais de justice de Montréal. Temps pluvieux. C.D.P.
Plan sur l’entrée du Palais de justice de Montréal. C.D.P.
Plus gros plan sur les mains de N. S. Les mains traduisent un trouble. Les mains bougent
et se mettent ensemble. Fondu noir.
Retour du fond noir, image noir et blanc qui se détache de ce fond et qui s’enchevêtrent.
Pendant toute cette période, sons associés aux images et chansons de Nathalie Simard.
Vidéo de N. S., jeune, qui chante. 7-8 ans ?
Vidéo de N. S. et G.C. qui reçoivent un disque d’or.
Vidéo de N.S. qui chante Une poupée de cire. 13-14 ans ?
Vidéo du Monde de Nathalie ? Musique associée à l’émission.
Vidéo de Nathalie Simard et ? dansant pour l’émission Les Mini-Stars.
Fondu noir. Minifourgonette qui entre dans le stationnement d’un édifice. C.D.P.
Plan au ras le sol de la voiture qui passe. Fondu noir.
Plan au ras du sol des jambes de trois personnes. Fondu noir.
Plan flou, sombre de jambes. Caméra qui remonte vers N. S., de dos.
Retour du fond noir, image noir et blanc qui se détache de ce fond et qui s’enchevêtrent.
Pendant toute cette période, sons associés aux images et chansons de Nathalie Simard.
Vidéo de N.S., plus âgée, qui chante
Vidéo de N.S. qui chante avec René Simard.
Image du Journal de Montréal annonçant la fraude de Nathalie Simard. Voix
d’un lecteur de nouvelle : La chanteuse Nathalie Simard et son conjoint, Alain
Decelle, devront répondre à trois accusations de… [son devient inaudible]
Vidéo de N.S. qui danse.
Vidéo de N.S. et G.C. en interview. Souriants.
Vidéo de N.S. et son enfant.
Reconstitution de N.S. et deux autres personnes dans un ascenseur. Habillés en noir.
Porte qui s’ouvre. Ils avancent. C.D.P.
Plan de Nathalie Simard qui arrive à la salle d’audience. Policiers et foule. Ralenti à la
fin. C.D.P.
Plan des policiers et des photographes. Lectrice de nouvelle : Guy Cloutier plaide
coupable. C.D.P.
Plan de photographes. Bruit de photos. L-N : à des accusations. C.D.P.
Matériel télévisuel de Guy Cloutier accompagné d’avocats. L.N. : d’agressions sexuelles.
C.D.P.
Plan de Nathalie Simard qui sort du procès : N.S. :Le plus dure c’est de vivre dans le
mensonge.
Plan de Nathalie Simard qui sort du procès, très souriante. N.S. :Aujourd’hui je marche
dans la rue, là, pis j’me, j’me sens libre. Fondu blanc, très lumineux.
Apparition du titre : Libérée. Le choix de Nathalie Simard. Fond blanc, écriture bleu.
Signe en bleu derrière. Musique plus reposante, plus optimiste. Femme qui chante.
Claude Charron. Salle de spectacle. Il se déplace vers la droite.
CC
L’année 1994 a été catastrophique pour Nathalie Simard. Il y a tout d’abord eu cette
arrestation pour tentative de fraude et la publicité négative, bien sûr. Puis, [il s’arrête et
regarde la caméra en face] sa volonté d’un retour professionnel s’est soldée par un échec.
Et puis, pour finir le tout, quelques jours avant Noël, son condo de l’Île des sœurs a été
saisi. De sa période de gloire où elle faisait pleuvoir des millions dans les coffres de son
gérant, il ne reste plus rien. Même sa réputation y a passé. Quant aux perspectives
d’avenir, elles ne pas reluisantes. Son gérant ne s’intéresse plus à elle et son mariage bat
déjà de l’aile. C’est pourtant dans cette période de grande noirceur qu’une lueur d’espoir
va apparaître dans la vie de Nathalie. Fondu blanc.
Ève écrit en bleu, sur fond blanc. C.D.P.
Musique lumineuse, enfantine.
NS
[Sourire. Ton très joyeux, empreint d’espoir] Le bilan de ces années là, là, quatre vingt,
quatre vingt quatorze, quatre vingt treize, quatre vingt quatorze. [CP] Y’a eu une des plus
belles choses qui m’est arrivée, c’est la naissance de ma fille.
Photo de NS et de sa fille devant un arbre de Noël.
Photo de sa fille assise devant l’arbre de Noël avec des poupées.
Photo de NS qui embrasse sa fille.
NS
[Vidéo d’archive. Entrevue à Ad Lib (1994) avec Jean-Pierre Coalier] On s’imagine que
c’est les enfants qui ont besoin de nous. <rires de JPC> Mais là, tu te rends compte
jusqu’à quel quel point que c’est… hum… que, que c’est nous qui avons besoin d’eux.
Alors, c’est, c’est vraiment ça, là. Y’a une p’tite nuance, mais elle a été là pendant mes
moments difficiles, elle m’a beaucoup aidée. [CP]
Fin de la musique
NS
[ Ton plus troublé, plus pensif.] C’est sûr qu’il y a beaucoup de choix professionnels suite
à ses années négatives là que j’ai, j’ai, j’ai fait pour, pour vivre. : Vraiment pour vivre. Et
ma petite Ève a fait en sorte que j’ai mis l’énergie à la bonne place.
Plan de l’affiche de Demain matin, Montréal m’attend.
Denise Filliatrault
J’avais pas pensé à elle pour le rôle, c’est elle qui est venue auditionner. Elle est arrivée
préparée comme j’ai rarement vu ça. Préparer une audition : extraordinaire, où j’ai vu ses
dons d’actrice, de comédienne. J’ai dit : « Cette fille là, en plus de chanter, elle sait
jouer ». Elle était magnifique
[Images de la préparation de la pièce à l’Enfer, c’est nous autres]
NS, actrice
Heille, mêle toé dont de tes affaires, toé. J’te reproche tu tes séances privées avec Butch
dans douche d’la chambre rose, moé. Hein !
Nathalie Petrowsky, journaliste
Je me souviens par exemple, que, euh, dans Montréal m’attend, euh elle faisait, elle avait
un tout petit rôle, si j’me souviens bien, où elle avait effectivement pris du poids, mais
elle faisait ce petit rôle là avec beaucoup d’humilité, avec beaucoup de professionnalisme
aussi et [Photo de la production] elle elle passait très bien la rampe. J’avoue que quand je
l’ai vu à Demain matin, Montréal m’attend, tout à coup, [Retour sur Nathalie Petrowsky]
j’me suis dit : « Ah, y’a peut-être quelque chose là ». Dans le fond, elle est remontée dans
mon estime.
NS
[Ssur le divan, la main devant le visage. Ton troublée.] C’était pas constant, c’était pas le
théâtre, c’est pas là que tu fais ta fortune… [Présentation d’affiche. Ton plus optimiste.
Retour de la musique] eufff, mais au moins, l’important, [Retour sur NS] cé que ma
petite fille mangeait, tsé.
Donald Beaudry
Moi, a m’a répété souvent : « Je veux travailler plus souvent, j’ai besoin de m’accomplir,
j’ai besoin de faire plus que ce que je fais déjà ». Je pense que ça : (présentation de
photos) euh son niveau d’activité professionnel était très loin de ce qu’elle avait envie de
faire.
NS
[Session d’enregistrement. Elle chante] La vie me tue. J’ai peine à comprendre ma peine.
Je me suis tue, il fallait crier à tue tête.
Donald Beaudry
J’ai vu Nathalie fondre en larmes pour absolument rien, euh se recroqueviller dans un
coin de loge et incapable de bouger. Et j’avais pas de réponse. J’osais pas, d’une part,
poser les questions qu’est-ce qui se passe? qu’est-ce qui t’arrive? j’avais pas de réponse,
donc je refermais la porte pis j’la laissait.
Joel Legendre
Les répétions se terminaient, là je sentais qu’était : y’avais une tristesse, y’avais, y’avais
quelque chose qui, qui la traînait.
Julie Snyder
Ch, chu aller à Magog, dans un p’tit restaurant, pis chu tomber sur Joel Legendre et elle.
[CP] Pis on parlait, pis on bavardait pis j’voyais dans son, j’voyais qu’elle avait quelque
chose de voilé dans le regard, quelque chose de. J’me suis dit même en partant : « Cé
drôle, peut-être qu’elle est : peut-être qu’est en peine d’amour ou euhh, peut-être qu’a a
des problèmes ces temps-ci ». Parce qu’a parlait, à souriait, [CP] a racontait qu’elle était
au théâtre mais y’avais kek chose de ben triste dans son, son regard. Pis j’m’étais passé
cette réflexion là.
Donald Beaudry
C’était, euh:: une montage russe d’émotions.
NS
[Session d’enregistrement. Elle chante, très émotive. Caméra face à son visage] Blessée,
ne peux tu un peu m’aider. Humiliée, besoin de prendre le large.
Michel Vastel
Elle touche vraiment le fond du baril vers 2001. [CP] Et là, bah elle déprime, tout
simplement. Une femme seule, là, qui a pas beaucoup d’argent, qui vit un petit
appartement à Sainte-Thérèse, etc. Et qui a honte un peu devant sa fille, là hein. Sa fille,
euh elle à sept-huit ans, à l’époque, elle voit bien que, euh, sa mère travaille pas, [ CP]
C’est là d’ailleurs qu’elle appelle l’impresario et que elle lui dit : j’pourrais travailler,
pour vous, dans votre bureau.
NS
[Se justifie, ton pathétique] Je, J’y demandais du travail, j’y dit « Faut que je fasse vivre
ma fille, faut que m, ma fille mange. J’veux juste au moins être capable de payer mon
compte d’Hydro, mon compte de Bell, [CP] pis euh, pouvoir mettre du gaz dans mon
auto, pis faire manger ma fille » [CP] pis y m’a regardé pis sais-tu s’ki m’a dit :: [CP. En
prenant le rôle, hochant la tête. Ton de mépris] Y dit « ouin » : y dit « té forte en
maudit », y dit « après tout s’ke t’as vécu, pis toute, mettons ton condo à l’Île des sœurs
que t’as eu », y dit, « de vivre dans un affaire de même » :: [long silence, 6-7 secondes.
Ton ensuite très poignant, beaucoup de silences] ça là ::: tsé, t’as une fierté pis tu veux
montrer que tu t’en sors, là : pis t’tu’t fais dire un affaire de même, là :: [hoche la tête] cé
dégueulasse, là. :[laisse tomber sa main sur sa cuisse] À tous les niveaux, là : cé lui, cé
lui, ça. : Cé lui :: Le mépris : Le mépris, le pfff. : Ah non r’garde j’étais, j’étais, J’étais
d’là merde pour lui. [CP] Ça, quand j’ai fermé la porte, j’me suis mis à pleurer pis j’étais
vraiment comme ça, là [penche la tête vers le bas], j’ai dit : « Ça. ça a pas de bon sang,
tsé. Qu’est-ce que j’va faire! » Y’é sorti en disant « J’va y penser à ton affaire ». [Ton
d’évidence] Après s’être masturbé, ben entendu. Ben oui. : Ouais, y’étais v’nu me donner
un coup de masse sua tête, pour m’achfer, là. [Fondu blanc]
Écran après la pause avec aperçu de ce qui suit. Musique triste, violoncelle.
NS
[Débit rapide, affolé] J’me disais : si jel dis à la police, le lendemain matin, tout, tout le
Québec va le savoir, ça va être terminé.
PAUSE PUBLICITAIRE
Écran Titre – Libérée : Le choix de Nathalie Simard. Fondu blanc.
CC
[Dans la salle de spectacle, caméra de face] Au début de 2002, Nathalie a atteint le fond
du baril. La souffrance est trop grande, la douleur trop vive. Elle n’en peu plus de vivre
dans le mensonge et surtout d’être seule à porter le fardeau de son terrible secret. N’ayant
plus rien à perdre, elle décide de briser le silence, se confiant d’abord à sa famille, en
commençant par ses frères.
Titre Briser le silence sur fond blanc.
Martin Simard
Pis entre Noël pis le jour de l’an, elle m’a avoué qu’elle avait été euhh abusée par son
gérant, agressée sexuellement par son gérant. Là ça a fait comme euh : un coup de bat de
base-ball sua tête, là.
NS
Par la suite, j’en ai parlé à mon frère Jean-Roger. Et mon frère Jean-Roger m’a dit : « Va
voir un psychologue ». : Donc, euhh, tout de suite, j’ai pris un rendez-vous d’urgence
avec le psychologue. Faque le lendemain, j’étais dans son bureau, là. Pis là, cé, j’ai
éclaté.
Pierre Hardy, psychologue de NS
En fait, y’avais une grande détresse psychologique [CP] et donc, elle voulait, euh, faire
en sorte que cette histoire là qui était arrivée, d’agression, euh soit moins euhh, ait moins
d’impact dans sa vie, j’pense que c’est ça.
Sylvie Tardif, intervenante
Pis elle était consciente que si elle allait chercher de l’aide, ça serait bien pour elle, mais
ça serait bien pour sa fille également.
Montage où l’on voit Nathalie Simard et sa fille sur des chevaux. Musique : Guitare,
musique douce
NS
[Sur les images des chevaux] Ève a été un élément déclencheur dans : les dernières
années là, pour la dénonciation que j’ai fait. [CP] Parce que je, j’me suis dit j’voulais
jamais que ça lui arrive. Pis j’la regardais, je regardais son petit corps d’enfant, j’me
disais : « sas peut pas : qui ai fait toute ces :: (3,5 secondes) ces ces ch, qui ait posé des
gestes aussi dégradants, des gestes aussi dégueulasses : que ça : alors que j’étais si
petite ». Et Ève est plus grande que moi, là, quand même, à cet âge là. Moi, j’étais mini
mini mini, là.
Sylvie Tardif
Quand, euh notre enfant, on le voit évoluer pis q’arrive à l’age où nous on a commencé à
subir les abus, euh ça nous montre à quel point, ben c’est juste un enfant pis que c’est pas
correct, là. Donc, ça peut ça aussi être [CP] un élément déclencheur pour euh, pas parler
de ce qu’on a vécu, mais c’est surtout un élément déclencheur pour que la, la souffrance
qu’on pu enfouir, mettre de côté, à revient pis à ce moment là, à veut pu repartir.
NS
Chaque séance, euh, chez le psychologue là, je souffrais tellement, là. J’y dit :
« Hypnotise moi, fais kekchose, j’en peu pu. J’veux juste cinq minutes là, être ailleurs.
J’veux juste : pu souffrir en dedans ». Parce que ça serrait tellement, pis ça, je pleurais
tellement, là. « J’veux dire, fais juste… Essay, Donne-moi des techniques là, [CP] un
truc, pour que je puisse : un moment là juste décroché pis pas être là, là. Pis d’pas avoir
ce que j’ai en dedans, pas avoir à vivre ce que j’ai en dedans, là, tsé avoir à vivre ce que
j’ai en dedans ». :: [CP] Pis un mem né, bon, tu regardes les, les,les t’es dans un
carrefour, là pis [Geste] tu regardes les avenues, tu dis : « y’a pu rien qui marche. La
seule cé ça ». Un passage obligatoire qu’on appelle. : Ben cé ça.
Donald Beaudry
Le :: 12 février, au matin, y’é 11 heure. J’suis euh dans ma chambre d’hôtel, au centre
ville de Montréal. Et je reçois un appel de Nathalie, qui me dit : « J’suis en route, là, j’me
viens, faut j’te parle ».
[Musique au piano, très triste] Vue de l’Hôtel Clarion. Couloir de l’hôtel. Numéro de la
chambre.
NS
[Dans la chambre d’hôtel] Et voilà. [Soupir] : La pièce, cé, c’était ici. [Vue sur la
chambre d’hôtel] 12 février 2004. Et ce matin là, moi chu parti de chez mon
psychologue. Pis là, j’y ai dit, à mon psy. « J’ai dis, j’peux juste te dire une chose, cé que
j’en peut pu de vivre comme ça ». [Plan sur CC et SS] Là, chu partie, pis j’ai appelé
Donald ry ça a bien adonné, parce que y’étais à Montréal, ça a bien adonné parce que
y’avais du temps, y’avais tout son après midi. Y « vient t’en mon amie, je t’attends ».
Donald Beaudry
[Autre tournage] Donc euh, entre dans ma chambre, on s’installe et là elle me dit : « Çé la
fameuse phrase, que je te disais. Si je pouvais te dire tout ce que j’ai envie de te dire, tu
comprendrais. Ah dit : Ben là assis toi : faut que j’te parle ».
NS
[Dans la chambre d’hôtel] Alors, ben là, moi, j’étais assis [s’assois] comme ça et lui
y’étais assis là.
Donald Beaudry
[Autre tournage] Alors, j’me suis assis et elle a commencé à me parler des, euh :: de sa
relation avec Guy et cé là qu’elle est entrée dans les détails.
NS
[Dans la chambre d’hôtel] J’ai été agressée sexuellement :: par mon impresario.
CC
[Avec Nathalie] Pendant des années
NS
Ouais : ben là, cé, j’ai commencé à lui expliquer.
Donald Beaudry
[Ibid] Donc pendant deux heures et demi, j’ai entendu les détails : abjectes d’une relation
entre une petite fille de dix ans et un monsieur de quarante. :: Pffff… Çé, euh : ça
désarme beaucoup.
NS
[Ibid] Dans ma tête, j’ai besoin de, de, de, j’ai besoin d’appui, j’ai : vraiment de conseils
pis de savoir qu’est ce que dois faire parce j’ai, y me fait peur, énormément peur pis j’me
disais « comment j’vais faire ». Et cé là qui m’a dit : [CP] « Nathalie : Faut que tu
dénonces : [CP] à la police ».
CC
Est-ce que c’était la première fois que kek un s’est attaqué [ah oui !], que quelqu’un te
donnait ce conseil <ouais>, mais que toi-même tu envisageais que tu devais aller jusque
là.
NS
Ben, ça m’a rentré dedans. Ça m’a vraiment rentré dedans quand y m’a dit ça.
Donald Beaudry
[Ibid] Une victime, quand a prend la décision : de dénoncer, faut que ça se fasse : au
moment présent. Ça peut pas, a peut pas prendre la décision, dire : « j’va le faire
demain ». Alors faut que ça se fasse au moment présent.
NS
[Ibid] Cé là qui m’a dit, garde, on va, on va faire des téléphones. Là, y’avais un meuble
où y’a déposer son cellulaire sur mains libres. Alors j’entendais tous les conversations.
J’y dis : tu dis pas chu qui. J‘avais tellement peur parce que…
Donald Beaudry
[Ibid] J’ai, j’ai décidé d’utiliser toujours la même phrase : très simple. De me présenter,de
dire : « J’ai une amie avec moi : au moment où je vous parle, qui est une personnalité du
monde artistique, qui veut porter plainte contre une autre personnalité du monde
artistique pour agression sexuelle ».
NS
J’me disais : « Si jel dit à police, le lendemain matin, tout, tout le Québec va le savoir, ça
va être terminé ». Tsé, je : je, et je savais telle, je savais telement pas dans quoi je
m’embarquais.
Donald Beaudry
Là, on me dit : « e veux le nom de la personne. Cé qui ton amie ». :: (2,75 sec) Alors, je
me tourne vers Nathalie et je vois dans ses yeux une, comme une petite bête qui est pris
au piège.
NS
Là, Y m’a regardé, j’ai faite [Prend une respiration, silence de 3 secondes. Mouvement
du bras de lachement]. AAHH, vas-y. Un mom né, j’ai faite : « Vas-y, dis le. Dis le ». Et
là, y l’a dit. Là, j’me suis pogné à tête [Fais le geste] J’me disais : « Qu’est ce que ça va
faire. Qu’est-ce qui ». Pis là, on veut savoir cé qui l’agresseur. Y m’a pas demandé mon
avis, y l’a dit tout suite. :: [3 sec. Claque les mains. Caméra qui s’approche. Regarsd très
pathétique] Cé là que on était rendu. Que j’étais rendu.
Donald Beaudry
[Début de musique fragile] Alors y prend mon numéro de téléphone en note pis y dit
bouge pas, on te rappelle. :: (2,5 sec.) J’raccroche, je regarde Nathalie et euh, s’en suis un
scénario, s’t’un, cé, cé apocalyptique, là. Elle pleure, a cri, cé l’hystérie. : a :: Et là, ce qui
revient tout le temps sans sa bouche, cé : « Tu réalises tu ce que tu viens de faire ».
NS
Dans ma tête, ça a toujours été de ma faute ce qui est arrivé. : C’était moi la coupable.
Alors j’allais brisé des vies. J’avais peur de paraître pour une folle aux yeux des policiers.
Donald Beaudry
À
mon grand réconfort, le téléphone sonne, et euh, on découvre quelqu’un
d’extraordinaire. Daniel Lapointe. Et Daniel dit : « Bougez pas, on va être là dans une
vingtaine de minutes, on s’en vient ».
NS
Un mem né, j’ai dit « moi, j’m’en va, là. Cé trop long, ça sent mauvais, j’me sens pas
bien. J’ai un mauvais feeling ». J’avais peur. J’avais peur qu’entre temps, qu’entre temps
y’appelle Guy pour vérifier.
Donald Beaudry
J’y dit : « S’k’on va faire, pour te rassurer, on s’en va dans le lobby [Plan sur le lobby].
Tu vas t’installer à l’écart, tu vas mettre ton domino pour pas que personne te
reconnaisse. Moi j’vais accueillir les deux personnes de la sûreté dans le hall d’entrée ».
NS
[Sur une chaise, en petite boule, dans un coin à l’écart dans le lobby] Moi, j’tais caché
pis un moment donné, Donald est venu jusqu’ici et y m’a dit : « Viens t’en ».
CC
Parce qu’il avait vu que c’était des policiers.
NS
Ouais
CC
Y’étais assuré de ça.
NS
Exactement [CP] J’me suis relevé d’ici. Pis là, cé, j’avais pas la tête haute comme ça.
CC
Est-ce qu’il t’on saluer, les policiers.
NS
Non, y’ont juste, y ont pas parlé, y m’ont fait ça comme ça. Pis là y’ont fait un [geste]
une genre de barrière pour que j’puisse entrer dans l’ascenseur, pour s’assurer que
personne qui, qui nous suive.
Daniel Lapointe, enquêteur, Sureté du Québec
Donc, probablement qui s’était faite un code que, que j’peux pas dire. Mais on est entré
dans l’hôtel, cé sûr qu’on était surpris. [CP] On est monté dans la chambre d’hôtel et là,
on s’est présenté. Donc la rencontre s’est fait, la première rencontre s’est faite dans la
chambre de l’hôtel.
NS
Là, on a commencé, on s ‘est assis. Donald s’est assis à côté de moi. Je lui tenais la main
très très fort.
Donald Beaudry
C’était. Je pense : avoir jamais vécu l’étreinte de quelqu’un comme ça. Ça faisais mal,
c’était pas agréable du tout, du tout, du tout. Était sur un stress monumental : et les deux
gars, en l’espace de dix minutes, on réussit à créer : un ambiance : euh sereine, de bien
être
Daniel Lapointe
Au début, cé de l’écouter, de nous montrer rassurant avec elle. [CP] On lui a expliqué
mes, mes fonctions, à moi, et euh cé de savoir jusqu’où elle est prête à aller dans sa
démarche. Est-ce qu’elle est prête à témoigner, est-ce qu’elle est prête à, à dire son
histoire à, à un procureur, à un juge. Et si la personne est prête, on va aller dans une autre
étape.
NS
J’me souviens, un moment donné, on était dans le salon : pis j’tais rendu à. Parce qui
m’ont dit, « on va gratter dans le p’ti tiroir ». :: Et y’on gratter dans le ti tiroir. [Plan sur
CC] Là, j’l’é ai [Retour sur Nathalie] regardé, j’leur ai dit : « J’peux pas vous dire ça, pis
j’pleurais vous me croirez pas, pis vous allez dire que j’exagère, que j’suis une folle ». Pis
là, j’ai, un moment donné, comme eu une faiblesse tsé. Pis là, chu aller me coucher sur le
sofa. Pis là, le policier est parti, y’é aller cherchez un linge pour m’éponger le front, j’tais
couchée. J’avais la face accotée sur le sofa, pis j’les regardais. Pis je fixais Donald
Lapointe dans les yeux. :: Je souhaitais tellement qui me croit, là. [Larmes, silence de 4,5
sec.. Mets ses mains sur ses yeux] Pis là, après ça, chu aller dire c’que j’dirai pas, parce
que c’est trop dégueulasse. : [2,5 sec] Même il l’a écrit joliment, parce que c’était : [6
sec] c’était trop écoeurant, tsé :: [3 sec] [Plan sur CC] Pis j’ai, j’ai de la difficulté à croire
[Retour sur NS] qu’aujourd’hui que chu rendue là. : [CP] Pis cé pour ça qu’aujourd’hui,
j’me, j’me bats pour la Fondation, les victimes, pis les aider, pis leur dire dire que ça se
peut : Ayez confiance. :: [3 sec] J’y croyais tellement pas, là. Pfff. Mon dieu.
CC
:: [3 sec] Et pourtant, ça a marché.
NS
[Soupir] Y’a des anges, sur cette Terre.
[Musique : Femme qui chante avec piano. Fondu blanc. Écran après la pause]
NS
J’pense qui m’a vraiment : sous estimée.
PAUSE PUBLICITAIRE
Écran Titre – Libérée : Le choix de Nathalie Simard. Fondu blanc.
CC
[Dans la salle d’un musée] Au lendemain de leur rencontre avec Nathalie, les agents de la
Sureté du Québec ont ouvert une enquête qui va leur permettre de corroborer une grande
partie des déclarations de Nathalie. Et voyant que celle-ci prend de plus en plus
d’assurance avec l’enquête qui avance, ils lui proposent de procéder à l’établissement
d’une preuve par écoute électronique. Le 17 mars 2004, Nathalie invite son agresseur à
lui rendre visite et cette rencontre va changer le cours de leurs deux destins.
Titre La Confrontation. Fondu blanc.
Plan devant la fenêtre d’une porte. Nathalie ouvre la porte.
CC
Voici la pièce. :
NS
Voilà :
C.D.P. Plan général sur la pièce
CC
Il devait s’asseoir ?
NS
(Pointe la chaise) Là
CC
(Pointe la chaise) Ici.
NS
Oui
CC
Pourquoi ici précisément.
NS
Parce que la caméra était là [pointe à gauche] : Donc, euh, y’avait, on le voyait bien.
CC
[C.D.P. Plan sur la table] Et toi, tu devais
NS
Moi, là, en face.
CC
En face
NS
En face de lui. [Retour sur Nathalie et CC] Les deux chaises ici, c’était bien bien occupé,
aussi. Donc euh. : Ben, y m’a demandé un café. Pis ça a pas ben ben été compliqué. J’y ai
fait son café, j’y ai mis ici. [Fais le geste]
CC
(assure pour s’asseoir) Tu permets que je reprenne <ben oui> la conversation, cette
chaise.
Daniel Lapointe
[C.D.P.] Y’ont verbalisé sur les agressions qui c’étaient passé depuis qu’était jeune.
Alors, ça a pas été facile pour elle, elle a démontré un courage, un grand courage. Et
l’émotion qu’elle avait, elle l’a bien contrôlée.
CC
[C.D.P.] Comment était-il, lui ?
NS
Oufff.. : Très : très soumis :: Euh, Là, c’était, cé cé. Je l’avais jamais vu dans cet état là,
premièrement
CC
Décris-moi ?
NS
Ben, ben y sentait que là, ça allait pas du tout, là. Que là. Y’avais vraiment peur pour sa
vie. Et on l’a entendu, avec ce qui a été dit à la cour, euh. « S’il te plait, je t’en supplie,
fais moi pas arrête. Je, je, je vais t’offrir tout ce que veux, euh tsé »
CC
Pourquoi était-il devenu nerveux et anxieux comme ça.
NS
[C.D.P. Caméra sur Claude Charron] Ben cé j’voulais pu lui parler. Moi, j’essayais de
l’enlever de ma vie, [C.D.P sur Nathalie] cé sûr.
CC
Y savait que tu consultais un professionnel, un psychologue, et
NS
Ouais, je lui ai dit
CC
Ce jour là ?
NS
Ouais, ce jour là.
CC
Alors penses-tu qu’il a allumé en se disant que si un professionnel était dans le dossier, il
connaissait : ses actes, il te conseillerait de le dénoncer.
NS
[Hochement de la tête] Ouais
CC
Il te l’a dit ?
NS
Ben il m’a supplié de jamais dire ça à mon psychologue
CC
[C.D.P.] Est-ce qu’il a, durant cette conversation, là… qui comment ça a duré de temps,
au faite ?
NS
Deux heures.
CC
Deux heures.
NS
Ouais [Commence quelque chose d’incompréhensible. CC la coupe]
CC
Est-ce qu’il a menacé de se lever à un moment donné, de partir, il en pouvait plus ?
NS
J’en pouvais pu. Après une demi-heure, là, c’était assez. Et lui insistait. « Faut pas, faut
pas que tu me. Faut pas que tu m’envoies en prison. Nathalie, faut pas t’en parle, euh ».
Je : je savais plus quoi dire. J’ai essayé à plusieurs reprises de mettre fin à la
conversation : et il revenait toujours à la charge. « J’t’en supplie, euh, je » [Interrompue]
CC
Donc, y sentait la soupe chaude
NS
Oui :oui
CC
[C.D.P. Plan sur Nathalie qui se rapproche] S’est-il douté à moment donné que t’étais en
train de faire une opération qui allait lui coûter sa liberté.
NS
Ah, j’pense que non. J’pense qui m’a vraiment : sous-estimée. J’pense que <une fois de
plus> Y me croyait pas capable. Ouais, une fois de plus. Y m’aurait :: pas :: Y’aurait pas
pensé que je serais allé jusque là.
C.D.P. Extrait du téléjournal de TVA. Arrestation de Guy Cloutier.
Pierre Bruneau
Onde de choc dans le show-business. Le producteur Guy Cloutier accusé d’agression
sexuelle. [C.D.P. Plus tard dans le bulletin] En fait, on parle d’une seule présumée
victime.
Jean-François Guérin
Ouais, une seule présumée victime et des gestes qui auraient été commis sur une période
de 26 ans. Ça constitue certainement l’une des affaires judiciaires les plus marquantes :
des dernières années.
Me Sophie Beaudoin
[C.D.P. Commentaires au Palais de justice] Vous avez vu qu’il y a une ordonnance de
non-publication sur le nom de la plaignante. Cette ordonnance là doit être respectée.
Joel Legendre
Euh, j’ai appris, ce, cette, cette nouvelle tragique euh, comme tout le monde. Euh, par les
médias bon qui refusait de nous dire de qui il sagait… de qui il s’agissait mais ils
donnaient les initiales, alors euh j’ai, euh. Je me rappelle que cette nuit là :: [Silence de 7
secondes. Larmes] j’ai été euh : [toussement] incapable de dormir. ::: Parce qu’en plus, je
savais que :: que mon amie : avait même pas été capable de m’en parler. Alors, j’me
disais hey <hésitations> c’est profond, ce, cette douleur là et cette honte là doit être
tellement grande pour qu’elle n’ait même pas été capable de, de s’ouvrir euh à moi ou à
n’importe qui parce que j’parlais à des amis et disait que eux aussi n’avait jamais entendu
parler de quoi que ce soit.
Marie-France Lussier, amie de Nathalie
Quand j’ai su ça, j’ai : j’ai tombé en bas de ma chaise. J’en revenais pas. J’me disais cé
impossible, ça se peut pas. Comment ça se fait qu’on ait rien vu. [Toussement] J’étais là,
une semaine avant, moi ici, avec mes enfants, à la semaine de relâche, avant qui que
[hésitations] les policiers soient ici. J’me suis jamais rendu compte de rien. A la jamais
montré euh rien. A l’aurait du craquer, un moment donné, la maison est pleine comme ça,
les chiens, les enfants, euh.
NS
Donc, dès que j’me suis mise à parler, là, à briser le silence :: on dirait que tout revient à
la surface, là. Et là, j’ai compris beaucoup mon cheminement, j’ai compris les erreurs que
j’ai fait dans le passé, pourquoi je, je me garochais sur le hommes, pourquoi. Alors, Tout
ça vient, cé venu me r’chercher, cé venu, euh… : De réaliser les conséquences de ce
crime là, cé dur à avaler.
NS marche dehors, au loin, seule. Musique piano et guitare.
Évelyne Domini, psychologue
[On continue de voir NS marcher] Alors chez les familles qui voient éclater au grand jour
un histoire d’agressions sexuelles qui implique [C.D.P. sur Evelyne] une personne d’entre
elles, ça créé, j’vous dirais un tremblement de terre dans une cellule familiale
[Présentation de photos de famille] puisque c’est toute cette famille là qui, qui est
affectée, dans s, dans son sentiment de sécurité, dans ses croyances. On va avoir certains
individus [C.P.D. sur Évelyne] qui vont se sentir coupable, qui vont se dire « comment ça
se fait que j’ai pas vu, comment ça se fait que j’ai pas prévenu, comment se fait-il que j’ai
pas perçu certains indices qui peuvent revenir euh, en mémoire ». À l’inverse, y’a
d’autres individus qui vont avoir tendance à nier tout ça parce que c’est trop gros, parce
que c’est trop lourd, et on se retrouve avec des familles éclatées. On se retrouve avec des
familles traumatisées. On se retrouve avec des familles où y’a manifestement des clans et
donc de nouvelles déchirures qui émergent.
Fin de la musique
NS
:: Si j’ai reçu le support que j’aurais souhaité avoir de ma famille, non. Non. Et je ne suis
pas une exception à la règle. [CP] Quand y’a un éclatement comme ça, c’est dur après ça,
a , a ce que les choses reviennent comme avant. Je ne crois pas que ça va redevenir
comme avant, mais j’pense que le temps est, est un grand guérisseur, y faut laisser le
temps au temps, pis chacun faire son cheminement dans tout ça. [Fondu blanc]
Musique : Musique troublante. Écran après la pause
NS
Chui debout, j’suis capable de le dire s’que tu m’as fait maintenant.
PAUSE PUBLICITAIRE
Écran Titre – Libérée : Le choix de Nathalie Simard. Fondu blanc.
CC
Le 17 novembre 2004, Nathalie Simard s’est présentée en cour pour témoigner lors de
l’enquête préliminaire de son agresseur. Après 25 ans de silence, c’était à son tour de
parler. Mais allait-elle obtenir justice ?
Écran blanc – La Justice. Fondu. Musique troublante. Image du palais de justice.
Écriture Palais de Justice de Montréal. 17 novembre 2004. Fondu noir. Image d’une
foule à l’intérieur de Palais de Justice. Fondu noir. Image de policiers qui marchent.
Fondu noir. Image de Guy Cloutier avec les policiers. Fondu noir. Image d’une femme
(avocate?) avec des policiers. Fondu noir. Image de l’arrivée de NS cachée derrière
deux policiers. Fondu noir. NS et CC, de dos, entrent dans la salle du Palais de Justice.
CDP. On les voit de face dans la salle qui marchent.
NS
[En s’assoyant]
J’étais ici.
CC
Tu étais là,
NS
Ouais.
CC
Et ici, dans cette salle [CDP] quand tu étais assise là, <Hum> que ton agresseur était à
peine à : 5 mètres de toi, t’avais confiance.
NS
Ouais
CC
[CDP. Panorama sur la salle d’audience] On t’avait préparée à témoigner <Ouais>, c’est
une chose. [CDP. Retour sur Nathalie] Mais est-ce que toi tu souhaitais témoigner ?
NS
:: [4 secondes. Elle pense] À quelque part : je dirais que oui. :: (3 secondes) Euh :: (2,5
secondes) Parce que justement, j’avais été bien préparée. J’me disais, « ça va être un
autre moment où je vais pouvoir : enfin : tout dire : qu’est-ce qu’il m’a fait et de
montrer : devant lui là, : que j’avais pu peur de lui, que c’était fini ce temps là, c’est termi-né, là. R’garde, aujourd’hui, j’suis devenu ça, là, chu pas devenu s’que t’aurais aimé
que j’sois, à terre, chu debout, pis chu capable de dire ce que tu m’as fait, maintenant ».
[CDP sur CC] J’ai, j’étais tellement prête, [CDP sur NS] j’étais tellement prête à mettre
fin à tout ça que non. Lui, non, y s’est jamais gêné pour m’abuser, alors moi, pourquoi
j’me gênerais pour raconter qu’est-ce qu’il m’a faite.
CDP. Musique troublante. Image du bulletin de nouvelles de TVA. Guy Cloutier arrive
au Palais de Justice.
Présentatrice
Guy Cloutier plaide coupable.
Josée Grandchamp, procureure de la couronne
[CDP. Toujours image d’archives du procès] Alors Monsieur Cloutier a enregistré
aujourd’hui des plaidoyers de culpabilité pour des gestes de nature sexuelle sur deux
victimes.
GC
[CDP. Toujours images d’archives] Maintenant, mon sort est entre les mains du juge.
CDP. Femmes abordant des dossards avec des accusations envers Guy Cloutier. CDP.
Gros plan sur les chandails. CDP. Punch sonore avec l’image de la page titre du
Journal de Montréal annonçant la condamnation de Guy Cloutier. La caméra s’approche
du 42 mois de prison pour Guy Cloutier. Fin de la musique. CDP.
NS
[Pensive] Moi, l’important pour moi, c’est qu’il plaide coupable. Qui reconnaisse qu’estce qu’il a fait. Ça : c’était : très important pour moi. [CDP. Approbation de CC] Et pour
moi, [CDP sur NS] justice a été rendu. Comme je l’ai dit à quelques reprises, y’a pas une
sentence. Y’aurait, y’aurait eu 25 ans, ça m’aurait jamais r’donné ce que, s’qui m’a
enlevé. Tsé, un moment donné, là, y faut. Moi l’important pour moi, c’est que justice a
été rendue et qu’aujour’hui, y soit en prison.
Paul Arcand
[CDP] Le message le plus important que moi je perçois là dedans, c’est de dire : Si vous
vivez quelque chose qui ressemble à ça, parlez-en, parlez-en. Et euh, [CP] soyez
conscient que c’est pas facile, soyez conscient que y’a des moments difficiles à traverser,
si on va au bout des accusations, mais l’important, c’est d’en parler, tout simplement.
NS
[CDP] J’ai été impressionnée par l’aide que j’ai eue, : par l’écoute que j’ai eue. ::
J’trouvais ces gens là extraordinaires [CP] pis j’me suis dit faut , j’ai besoin, y faut que
j’fasse quelque chose, y faut que j’aide les victimes pis de montrer aux victimes que
même après une dénonciation, même si c’est très difficile, dénoncer, passer au travers le
processus judiciaire, : cé possible d’avoir une vie : pis d’être bien, d’être heureuse.
Sophie Thibault
[CDP. Image d’archives du bulletin de nouvelles] C’était un secret de Polichinelle.
Nathalie Simard, c’était elle la principale victime de Guy Cloutier. La cour avait interdit
de l’identifier, on devait cacher son visage durant le procès mais aujourd’hui, elle a
demandé et obtenu la levée de l’interdi [Coupure abrupte]
Jean-François Guérin
[CDP. Toujours images d’archives] Ce qu’a fait Nathalie Simard aujourd’hui, c’est
qu’elle a repris le contrôle. Désormais, elle pourra parler librement et ouvertement, peutêtre en faire profiter d’autres victimes.
Images de préparation à l’entrevue avec Paul Arcand. Nathalie place sa chaise. CDP.
Paul Arcand de dos et NS de face.
Paul Arcand
[Voix par-dessus les images] Je l’ai trouvée a la fois nerveuse, j’pense que c’est normal
[CDP sur Paul Arcand en entrevue] mais en même temps, très sûre d’elle, très sûre de ce
qu’elle voulait faire, et de l’importance que ça avait pour elle de pouvoir enfin aller sur la
place publique, librmeent, sans que quelqu’un ne lui dise quoi faire.
Début de musique au piano.
Julie Snyder
Son entrevue, pour moi, va être historique en ce sens que, je suis sûr que dans les cours
en communication, y’a des professeurs qui vont montrer cette entrevue là, à leurs
étudiants, étudiantes, et vont dire : « Voilà une entrevue qui a changé les perceptions et
qui a changé, un peu, la société québécoise ».
Sylvie Tardif
C’est sur que nous, au Cavac, on beaucoup de clients qui nous ont parlé là du fait que
Mme Simard avait parlé de ce qu’elle avait vécu. Euh y’a des gens que c’était l’élément
déclencheur pour que eux aussi se décident à en parler. (CP) Et que quelque soit les
circonstances, on peut dénoncer et on peut avoir de l’aide.
Image d’archives où NS dévoile le logo de sa Fondation. Plan sur l’affiche.
NS
[À la conférence de presse. Caméra de côté. On voit les journalistes] Aujourd’hui, c’est
avec fierté [CDP. NS de face] que je vous annonce que la Fondation Nathalie Simard est
maintenant en opération et qu’elle se donne pour objectif de venir en aide aux victimes de
la pédophilie.
NS
[CDP] On est pas des psychologues, on est pas des policiers, on est pas des intervenants.
On est là pour guider les gens et faire des levées de fonds [ CDP. Voix de l’entrevue pardessus Affiche d’un tournoi de Golf. CDP. NS qui va saluer une autre personne. CDP.
Image de la salle] importantes pour pouvoir aider les organismes déjà existants. C’est ce
que la Fondation fait.
Claude Dubois, auteur-compositeur
[CDP. Nathalie en face de Claude Dubois] Tu disais, euh, moi, vous pouvez me faire
confiance, je vais consacrer ma vie.
NS
[CDP sur Nathalie] Ouais
Claude Dubois
[CDP sur Claude Dubois] Y sont chanceux, en tout cas, d’avoir une adulte de ta trempe
pour les défendre.
NS
[CDP sur NS] Merci Claude
Claude Dubois
Moi, je te dis ça.
NS
Merci
(La musique continue…)
Joel Legendre
[CDP. Dans une salle de spectacle] C’est une fille authentique qui a décidé de,
d’affronter [CP] ses démons : dans tous les sens du mot pour euh : pour vivre et pour
transporter ce message là. [CDP. Montage photo d’une couverture du Journal de
Montréal (« Nathalie a ému les enfants), photo de Nathalie avec des jeunes filles en face
d’une école et photo de Nathalie qui prend dans ses bras une jeune fille] Et là, elle le
transporte, mais en étant femme et pas nécessairement en nous chantant des chansons ou
[CDP. Retour sur Joel Legendre] en se cachant derrière un personnage. Elle nous
transporte juste par ce qu’elle est. Et c’est la plus grande force de Nathalie Simard, cé : cé
elle, cé ce qu’elle est.
Jacques Michel, co-auteur Le Village de Nathalie
[CDP. À l’extérieur] J’trouve, j’trouve y faut, y faut avoir des couilles pour faire ce
qu’elle a fait. [CP] Et je ne peux que : que l’admirer pour ça. Que d’avoir de l’estime
pour elle Et non seulement elle l’a fait pour elle, mais elle sert d’exemple pour tellement
d’autres gens.
Dan Bigras, autour-compositeur.
[CDP. Dans une salle de spectacle] J’pense environ très clairement à de nombreuses
personnes qui n’ont plus le contrôle sur leur propre, qui peuvent leur apprendre. Ça
m’impressionne beaucoup, beaucoup, beaucoup.
Marie-France Lussier, amie de Nathalie
[CDP. Salon d’une maison très éclairé.] A là, tellement changé c’te fille, en, j’vous dirais
[CDP. NS et Marie-France dans la remorque arrière d’un VTT avec des chiens[ en un an,
vraiment une année là. [CDP. Plan rapproché de NS et Marie-France dans la remorque]
Aujourd’hui, on, elle a vraiment sorti tout ce qu’elle avait à sortir, pis c’est la vraie
Nathalie qu’on a aujourd’hui. Pis tant mieux. Tant mieux.
Regis Simard
[CDP] Avait gagné la p’tite pis avait retrouvé sa vie. [Fin de la musique] :Avait retrouvé
sa vie.
NS
[CDP] Des gens, j’en rencontre tous les jours. : Y’a des gens qui me demande des
conseils, qui euh : « Qu’est-ce que je dois faire, ça en vaut-tu vraiment la peine? ». Oui,
ça vaut vraiment la peine de dénoncer. Faites le. Y’a un nœud en dedans, là. Faut le
défaire, ce nœud là. Quand on se retrouve avec un sac de nœud, là, t’as 25 nœuds, là, 25
années, faut défaire ça ses nœuds là, y faut dénoncer.
Fondu blanc. Écran après la pause. Denise Filliatrault et Nathalie Simard
Denise Filliatrault
Tu nous as touché beaucoup, comme d’habitude.
NS
Merci, t’es fine Denise. (Approche son bras de Denise Filliatrault)
Denise Filliatrault
Ben chu po fine. Cé le coeur, le cœur.
PAUSE PUBLICITAIRE
Écran Titre – Libérée : Le choix de Nathalie Simard. Fondu blanc.
CC
[Dans une salle de spectacle. Marche face à la caméra] À chacune des mes rencontres
avec Nathalie, j’avais l’impression de m’approcher d’une fleur : à on aurait arraché un
pédale, qu’un vent cruel aurait faillit déraciné, qu’un insecte égoïste aurait rongé, mais
qui, à travers pluies et soleil, aurait mené sa fragilité jusqu’à son épanouissement. Cet
enfant a eu conscience beaucoup trop tôt pour que ça s’efface de sa mémoire que le
monde pouvait être laid et [s’arrête, caméra maintenant de face] les adultes méchants.
Mais cette fleur, un peu comme celle que le petit prince avait trouvé sur une planète qu’il
visitait, vit désormais sous une coupole de verre. Son audace, son courage, sa
détermination, la protège à jamais, souhaitons le, d’une rechute dans les pensées noires de
jadis. Après Nathalie, la victime, voici Nathalie, la combattante.
« La vie » écrit en bleu, sur fond blanc. Fondu blanc. On entend une musique dans
laquelle chante Nathalie Simard.
Jean-Pierre Ferland, auteur-compositeur
J’ai hâte de la voir chanter ce soir pour la première avec sa voix de femme <CC : Oui>
pis hop, aller, recommencer à neuf.
Images d’archives d’une prestation à Star Académie le 25 septembre 2005. CDP. NS et
Denise Filliatrault.
NS
Merci
Denise Filliatrault
Ah oui, tu nous as touché beaucoup, comme d’habitude.
NS
Merci, t’es fine Denise. (Approche son bras de Denise Filliatrault)
Denise Filliatrault
Ben chu po fine. Cé le coeur, le cœur, cé tellement beau.
NS
Non j’le prend parce que.
Denise Filliatrault
Et pis continue maintenant que t’as cassé la glace.
NS
[CDP] Si je songe à revenir dans le show-business ? [Visage de mépris. Respiration]
PFFF. Cé euh, cé le mot show-business avec, j’ai tellement de misère avec ça. [CP] Le
plus extraordinaire avec le « show-business », cé de faire de la scène et d’avoir un contact
avec le public. [CP] On verra, peut-être, peut-être. : Mais à ma façon cette fois-ci.
[Sourire]
Sylvie Tardif
On ne peut pas oublier un événement comme ça. J’pense qu’on peut apprendre à vivre
avec on peut euh [CP] aller chercher des outils pour faire en sorte que ça prenne pas toute
la place dans notre vie, mais c’est sûr que c’est quelque chose qui sera toujours là, c’est
quelque chose qui, qui à certains moments va, va plus nous faire mal, un peu comme une
blessure ou une cicatrice.
Paul Arcand
[CDP] Si vous avez été victime d’abus sexuels pendant des années, si vous avez été
victime d’abus physique, de maltraitance pendant des années, vous avez beau avoir suivi
des thérapies, obtenu de l’aide pis d’avoir des gens qui vont vous aimer, vous encadrer, et
tout ça, y’en demeure pas moins qu’on a, à quelque part, massacré une partie, pis sans
doute la partie la plus importante de votre vie. Votre dépendeur. Et euh, ça on a beau être
capable [CP] de guérir mais y’a toujours des séquelles, j’pense.
Marie-France Lussier
[CDP] On n’efface pas, euh, : quelques années d’une vie là, vingt ans d’une vie : d’enfer,
du jour au lendemain, comme ça, pis cé finit, on passe d’autre chose. A va toujours avoir
un travail à faire sur elle-même : Mais j’dis que le pire est derrière elle, maintenant.
NS
[CDP] Maintenant là, : je sais exactement, qu’est que, qu’est-ce que j’ai, comme qu’estce que je dois travailler, pourquoi, tsé. L’important j’pense, dans vie, dans la vie d’un être
humain là, cé [CP] de pouvoir euh toute rattacher [Geste avec les mains] les maillons de
la chaîne, là. Ça cé, ça aide tellement à évoluer. : Comprendre. [Lève les mains en l’air].
CDP. Musique : « Ma mère chantait toujours », version très émotive au piano. Arrivée
d’une autobus scolaire et une jeune fille qui débarque. CDP. La jeune fille est plus
proche et Nathalie marche vers elle. CDP. Jeune fille de dos qui continue à avancer et
Nathalie qui la prend dans ses bras.
NS
(Voix par-dessus les images où elle prend sa fille dans ses bras) J’peux dire que j’va
profiter de la vie, j’va profiter de, de regarder ma fille grandir, d’être auprès d’elle.
Joel Legendre
[CDP. Salle de spectacle] Ce que j’ai : toujours senti de la relation de Éve et de Nathalie,
cé une grande complicité [CP] Pour Nathalie, sa vie, cé sa fille.
Denise Filliatrault
[CDP] Cé merveilleux de les voir toutes les deux, elles ont, cé son équilibre. Cé son
équilibre.
NS
[CDP] Ben moi, c’se que moi dit : « Cé vrai que ça a été l’enfer pis ça a pas été drôle.
[CP] Mais j’ai. Mais si, j’ai j’ai dû vivre ça pour pouvoir éviter ça à mon enfant, là, ben
qu’est-ce que tu veux. Pas drôle là, mais ça aura servi à quelque chose.
NS et sa fille font de la peinture. Caméra dos à sa fille. Fondu. Gros plan sur la main
d’Ève avec un pinceau. Fondu. Gros plan sur le visage de Nathalie qui parle à sa fille.
Sourire. CDP. Plan sur Nathalie et caméra qui se dirige vers ève. Fondu. Plan de haut.
Fondu. Gros plan sur la main d’Ève qui peinture. Fondu. Plan sur Nathalie, de côté.
Fondu. Plan sur Nathalie, de face, qui rit. Fin de la chanson. Fondu blanc. Début du
générique. Musique douce, relaxante.

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