Véronique Dupont Institut de Recherche pour le Développement

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Véronique Dupont Institut de Recherche pour le Développement
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Enseignants, Chercheurs, Experts sur l’Asie et le Pacifique
Scholars, Professors and Experts on Asia and the Pacific
LES BIDONVILLES DES MÉTROPOLES INDIENNES FACE AUX GRANDS PROJETS
URBAINS ET À LA PROMOTION IMMOBILIÈRE : TENDANCES RÉCENTES À DELHI
SLUMS IN INDIAN METROPOLISES CONFRONTED WITH LARGE-SCALE URBAN
PROJECTS AND REAL ESTATE DEVELOPMENT: RECENT TRENDS IN DELHI
Véronique Dupont
Institut de Recherche pour le Développement (IRD)
Thématique F : La ville asiatique contemporaine
Theme F: New Urban Figures
Atelier F 02 : Les nouvelles figures de la production immobilière dans les
mégalopoles asiatiques
Workshop F 02: New patterns of property development in Asian megacities:
Standardisation of construction projects and change in spatial and social balance
4ème Congrès du Réseau Asie & Pacifique
4th Congress of the Asia & Pacific Network
14-16 sept. 2011, Paris, France
École nationale supérieure d'architecture de Paris-Belleville
Centre de conférences du Ministère des Affaires étrangères et européennes
© 2011 – Véronique Dupont
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Les bidonvilles des métropoles indiennes face aux grands projets urbains et
à la promotion immobilière: tendances récentes à Delhi
Véronique Dupont
Directeur de recherche, Institut de Recherche pour le Développement (IRD)
UMR « Développement et sociétés » –Université de Paris I - Panthéon Sorbonne & IRD
L’ambition de développer les grandes métropoles indiennes en « villes globales » trouve ses
racines dans les réformes de libéralisation économique et d’ouverture aux investissements
étrangers initiées dans les années 1990. Une telle ambition a entraîné des restructurations
majeures de l’espace urbain, y compris des démolitions de bidonvilles de grande ampleur. Le
cas de Delhi est exemplaire à cet égard : en tant que capitale nationale et vitrine du pays, cette
ville a toujours reçu une attention particulière de la part des dirigeants et des urbanistes. En
outre, la préparation des Jeux du Commonwealth ces dernières années et leur déroulement en
octobre 2010 offraient un moment privilégié pour examiner les transformations en cours. Si
les Jeux du Commonwealth n’ont pas la même portée et la même importance que les Jeux
Olympiques, comme ces derniers pour d’autres villes dans le monde, ils ont été utilisés par le
gouvernement de Delhi comme un catalyseur et une vitrine internationale pour renforcer la
réputation et l’image de la ville au niveau mondial (Essex & Chalkey 1998).
Dans ce cadre général, cette contribution tentera d’analyser plus précisément le double rôle de
la pression du marché foncier et des projets de renouveau urbain dans l’accès au logement
pour les habitants des bidonvilles de Delhi.
Dans un premier temps, j’analyserai le rôle destructeur du processus de re-mobilisation
foncière et de la promotion immobilière dans l’éradication de l’habitat précaire, à partir des
questions suivantes. Dans quelle mesure les terrains rasés de leurs bidonvilles ont-ils servi à
l’édification de grands projets d’infrastructure ou de promotion immobilière ? Quels types de
projets urbains ont justifié des démolitions au nom de l’intérêt public ? Quel a été l’impact des
Jeux du Commonwealth ?
Dans un second temps, j’analyserai le rôle potentiel du secteur immobilier privé dans la
nouvelle politique de réhabilitation des bidonvilles, initiée très récemment à Delhi, et qui
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prévoit des programmes de relogement dans des immeubles collectifs construits dans le cadre
d’un partenariat public-privé. Il s’agit d’un modèle déjà expérimenté à Mumbai depuis les
années 1990, et qui a vocation à se généraliser dans le cadre de la nouvelle stratégie nationale
de planification de ville sans bidonville (Slum-free city planning) lancée en 2010.
I - DELHI, UNE CAPITALE ASPIRANT AU STATUT DE VILLE GLOBALE
Delhi, capitale de l’Inde et au coeur d’une région métropolitaine très dynamique, a connu des
restructurations urbaines majeures au cours des quinze dernières années.
Une capitale nationale au coeur d’une région métropolitaine très dynamique
L’expansion spatiale de Delhi englobe de facto des villes périphériques en croissance rapide,
situées au-delà des limites administratives du Territoire de Delhi. Cette agglomération urbaine
polycentrique compte à présent environ 24 millions d’habitants. Selon les premiers résultats
du recensement de 2011, la population du seul Territoire de Delhi atteint 16,8 millions, contre
13,8 en 2001. Ces chiffres révèlent un ralentissement très net du taux de croissance (de 3,9 %
par an entre 1991 et 2001, à 1,9 % de 2001 à 2011), avec une diminution absolue de la
population dans le district de New Delhi et le District Central, attribuée en grande partie aux
démolitions massives de bidonvilles (Joshi 2011).
Les transformations rapides du paysage urbain
L’influence de la « globalisation » sur le développement de Delhi est particulièrement visible
dans le paysage urbain et ses transformations rapides, suivant un modèle international de
modernisation qui tend à induire une certaine répétition et uniformisation des formes
urbaines : développement de grands complexes résidentiels, multiplication des tours,
prolifération des malls – grand centres commerciaux et de loisirs, ainsi que des centres
d’affaires. Initialement, les changements les plus spectaculaires ont
affecté les villes
périphériques, à l’instar de Gurgaon et Noida, situées dans les Etats limitrophes de l’Haryana
et de l’Uttar Pradesh. Dans Delhi même, la Delhi Development Authority (DDA) a maintenu
son monopole sur les acquisitions de terrain et son contrôle sur leur aménagement. C’est
seulement récemment que l’implication du secteur privé comme promoteur et constructeur a
été approuvée, comme le souligne le dernier schéma directeur (Master Plan for Delhi 2021 –
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voir DDA 2007). En conséquence, des opérations immobilières importantes affectent
maintenant des terrains récupérés au sein de la capitale. Ces opérations de renouveau urbain
concernent notamment d’anciens terrains bâtis reconvertis (friches industrielles et bidonvilles)
ainsi que des zones écologiquement fragiles (les collines boisées et protégées de la Ridge, les
berges et le lit de la rivière Yamuna qui traverse la ville).
La modernisation et le développement des infrastructures de transport ont aussi profondément
altéré le paysage urbain. Concernant les infrastructures routières, on retiendra en particulier la
construction de nombreux toboggans et échangeurs autoroutiers, de ponts sur la Yamuna, de
voies rapides, ainsi que l’élargissement d’axes. Un système de transport rapide de masse a
également été mis en place ; il comprend un métro aérien et souterrain, ainsi qu’un réseau
d’autobus à grande capacité, avec des couloirs dédiés. Enfin, l’aéroport international a été
agrandi, avec la construction d’un nouveau terminal et de nouvelles pistes.
Un contexte spécifique : les Jeux du Commonwealth d’octobre 2010
Cet événement sportif international a représenté pour le gouvernement et les planificateurs
une occasion majeure –voire un prétexte– et une date butoir pour parachever
« l’embellissement » de la capitale et la refaçonner afin de répondre aux exigences de son
internationalisation. La commission pour les investissements (créée en 2004 au sein du
Ministère des Finances pour promouvoir les investissements étrangers en Inde) espérait ainsi
que les Jeux donneraient une forte impulsion aux investissements étrangers, tout en renforçant
la fierté nationale. De nombreux travaux d’infrastructure et projets de renouveau urbain ont
ainsi été poussés pour pouvoir être achevés à temps pour 2010. Si certains de ces travaux
d’infrastructures auraient de toute façon été entrepris ou étaient déjà en cours (comme la
construction du métro), d’autres projets de construction ont été directement motivés par
l’avènement des Jeux (par exemple, de nouveaux stades climatisés, de vastes parkings, le
complexe du Village des athlètes, des voies de circulation réservées pour relier différents
lieux, etc.).
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II- DÉMOLITION DES BIDONVILLES ET CHANGEMENTS DANS L’OCCUPATION DU SOL
Le revers de la médaille, le coût social de la construction de ces infrastructures modernes et
opérations d’embellissement, plus particulièrement avant les Jeux, ce sont des démolitions de
bidonvilles de grande ampleur et des déplacements de population. Tous les grands projets et
toutes les démolitions de bidonvilles ne sont cependant pas imputables aux Jeux du
Commonwealth, ni toutes les restructurations socio-spatiales imputables aux effets de la
globalisation. Delhi avait déjà une histoire de « nettoyage urbain » pour faciliter son
développement : en 1975-77, pendant l’Etat d’Urgence, plus de 150 000 familles ont été
déplacées des taudis de la vieille ville et des bidonvilles vers des trames d’accueil en
périphérie ; les Jeux Asiatiques de 1982 ont également été précédés par des opérations
d’embellissement et d’éradication des bidonvilles. Cela dit, l’impact de la globalisation sur le
modèle de ville désirable et le contexte des Jeux du Commonwealth ont certainement joué un
rôle d’accélérateur dans les opérations de renouveau et d’embellissement urbain, aux dépens
des habitants des bidonvilles (Dupont 2011).
La population des bidonvilles et l’ampleur des démolitions depuis 1990
En 1998, la population résidant dans les bidonvilles – désignant ici les camps de squatters –
était estimée à 3 millions dans la ville même de Delhi, éparpillée dans environ 1100 camps de
taille variée, n’épargnant aucun secteur de l’agglomération. Ces trois millions de squatters
représentaient environ 27 % de la population de Delhi, mais occupaient moins de 6 % de la
superficie urbaine, essentiellement des terrains publics. Ces chiffres soulignent la très grande
inégalité dans l’accès au foncier, au détriment des plus pauvres. Telle était la situation avant
le lancement des grandes campagnes de démolitions des années 2000 à 2010.
De 1990 à 2008, au moins 221 camps de squatters ont été démolis, et 65 000 familles – soit
environ 325 000 personnes, ont été transférées sur des trames d’accueil en périphérie.
Derrière ces chiffres officiels, on doit également évaluer le nombre, considérablement plus
élevé, de familles qui ont été délogées de leur lieu de vie, et dont les maisons, si précaires
soient-elles, ont été démolies. L’application d’une date butoir d’installation (sur le site initial)
dans tout programme de réinstallation exclut nécessairement un grand nombre de familles
considérées comme « non éligibles ». En outre, si les familles éligibles ne sont pas en mesure
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de satisfaire toutes les conditions posées, en particulier le versement de charges, elles perdent
de facto leur droit d’accès à une parcelle.
Graphique : Nombre de camps de squatters démolis à Delhi et de ménages transférés dans
des lotissements de réinstallation de 1990 à 2008 1
Ces données officielles montrent l’évolution des démolitions de camps de squatters
accompagnées d’un transfert des familles délogées sur des trames d’accueil. L’intensification
des évictions à la fin des années 1990 et au début des années 2000 correspond au lancement
d’un ambitieux plan d’embellissement du front de la rivière Yamuna. Le second pic, en 200607, reflète l’accélération des travaux publics et des aménagements pour les Jeux du
Commonwealth. Le ralentissement des démolitions depuis 2008, comme l’indiquerait ce
graphique, est cependant trompeur : cela ne signifie pas que les démolitions de bidonvilles se
sont arrêtées, mais plutôt que des démolitions de « dernière minute » avant les Jeux de 2010
ont été effectuées sans programme de réinstallation.
Carte : Camps de squatters démolis de 1990 à 2008 à Delhi, et lotissements de réinstallation
Les démolitions se sont produites sur l’ensemble de l’aire urbaine. Les plus importantes ont
affecté les zones centrales et sud de l’agglomération, où les quartiers de classes aisées sont
concentrés, ainsi que le voisinage de l’aéroport international, c’est-à-dire les zones où la
restructuration de l’espace urbain est la plus ostensible. Les démolitions ont également affecté
les bidonvilles situés sur les berges de la Yamuna, pour la mise en œuvre du plan de redéveloppement du front de rivière et la construction du village des athlètes, et ce en dépit des
protestations des environnementalistes, car ces aménagements se situent dans la zone
inondable et de recharge des eaux souterraines.
Les lotissements de réinstallation aménagés au cours des 20 dernières années pour les
habitants des bidonvilles éradiqués sont nettement plus éloignés que les précédentes trames
d’accueil, ainsi que des sites d’habitat initiaux, jusqu’à 30 km du centre ville. La logique
économique sous-jacente à ces démolitions et au transfert des habitants en zones
périphériques réside dans la valeur des terrains occupés par les bidonvilles centraux,
beaucoup plus élevée que celle des terrains dans les zones de relocalisation. Dans le processus
1
Source: Slum and Jhuggi-Jhompri Department, Municipal Corporation of Delhi.
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de transformation de Delhi en « ville globale », des espaces autrefois délaissés et occupés par
les pauvres sont devenus des terrains recherchés, comme les berges de la rivière (Baviskar
2007).
Reconversion de l’usage des terrains anciennement occupés par des bidonvilles
Une enquête effectuée en 2007 sur un échantillon de sites de bidonvilles démolis depuis 1990
(Dupont, 2008), avec un suivi en mars 2011, a mis en évidence les tendances générales quant
aux reconversions de l’usage des terrains ainsi « libérés ». De fait, certains sites majeurs
n’étaient toujours pas aménagés après une dizaine d’années. Sur les terrains non laissés
vacants, le type d’aménagement et de construction, achevé ou en cours, souligne des résultats
attendus des restructurations à l’oeuvre dans une ville aspirant à un rang mondial. Ainsi, des
bidonvilles ont été démolis pour construire des ensembles résidentiels de luxe, des centres
commerciaux ou d’affaires, des infrastructures de transport, y compris des voies de circulation
spéciales pour les Jeux du Commonwealth. D’autres ont été rasés uniquement en raison de
leur proximité avec les sites de nouveaux projets : station de métro, hôtel de luxe, village des
athlètes et stades pour les Jeux. Enfin, de nombreux terrains récupérés ont été aménagés en
parcs ou pour dégager des zones vertes, ce qui illustre la priorité donnée à une image de la
ville “clean, green & beautiful”, aux dépens du droit au logement des plus pauvres.
III- UN NOUVEAU RÔLE POUR LES PROMOTEURS PRIVÉS DANS LA POLITIQUE DE
RÉHABILITATION DES BIDONVILLES
Nous avons vu comment la pression foncière accrue, résultant du développement rapide de la
promotion immobilière et de la mise en œuvre de projets d’infrastructure, a eu un impact
majeur sur la démolition des bidonvilles. Cependant, le contexte de globalisation et des
réformes néolibérales, qui a, d’un côté, favorisé de tels développements a, de l’autre, promu
un nouveau rôle pour les promoteurs privés dans les programmes de réhabilitation des
bidonvilles.
Dans cette dernière section, je questionnerai le potentiel de cette politique qui ambitionne de
fournir une solution durable aux besoins de logement des habitants des bidonvilles. Quelques
leçons peuvent être tirées de l'expérience de Mumbai, où l’implication du secteur privé dans
la réhabilitation des bidonvilles remonte aux années 1990. En revanche, à Delhi, une telle
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stratégie est beaucoup plus récente ; ce changement est en accord avec la politique nationale
du logement de 2007 (GOI 2007) et la nouvelle stratégie nationale de planification de « villes
sans bidonvilles » lancée en 2010 (Rajiv Awas Yojana – GOI 2010; Mathur 2009).
Pour répondre au défi des bidonvilles, le Schéma directeur d’urbanisme pour Delhi 2021
(notifié en 2007 – DDA 2007) envisage de remplacer les programmes de relocalisation sur
des trames d’accueil par des programmes de réhabilitation sur site. Cette nouvelle stratégie est
fondée sur un partenariat public-privé, avec fourniture de logements dans des immeubles à
plusieurs étages, en utilisant le foncier comme une ressource et selon le principe de
recouvrement des coûts. Concrètement, seule une partie du terrain occupé par un bidonville
est utilisée pour reloger ses habitants, et le reste du terrain est libéré pour des constructions
résidentielles ou commerciales destinées à la vente sur le marché libre. La DDA a ainsi
identifié une première liste de bidonvilles en vue de leur réhabilitation in situ.
A Delhi, les premiers projets de réhabilitation en partenariat public-privé en sont encore à un
stade préliminaire qui n’en permet pas l’évaluation. De fait, la progression a été très lente, et
quelques problèmes émergent déjà :
-
Une difficulté majeure pour mettre en œuvre les projets de réhabilitation in situ est de
trouver des terrains publics vacants pour le transfert temporaire des familles du bidonville
–un problème déjà rencontré à Mumbai.
-
La contribution financière et les versements mensuels réguliers, pour rembourser les prêts
au logement, qui sont attendus des familles risquent d’entraîner l’exclusion des plus
pauvres du programme;
-
Les critères d'éligibilité pour accéder à un logement dans le cadre du programme de
réhabilitation sont susceptibles d'exclure un pourcentage important des habitants des
bidonvilles, et donc de perpétuer les camps de squatters dans la ville.
Sur la base de l'expérience de Mumbai (Burra 2005 ; Nijman 2008), d'autres problèmes
potentiels peuvent être identifiés :
-
Les constructeurs privés ne sont intéressés que par certains emplacements lucratifs, ce qui
laissera à l’écart des programmes de réhabilitation de nombreux bidonvilles « mal »
situés.
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-
Le succès des programmes de réhabilitation en partenariat avec le secteur privé se fonde
sur des prix des terrains très élevés ; en cas de récession ou de stagnation sur le marché
foncier, ce type d’investissement ne sera plus attractif pour les promoteurs privés.
-
La recherche par les constructeurs de marges de profit maximum se traduit par des
constructions de mauvaise qualité et la congestion des immeubles, créant ainsi des
«bidonvilles verticaux».
*
Pour conclure, dans le cadre de la politique mise en œuvre à Delhi, il ne faut pas attendre de
l’implication des promoteurs privés dans les programmes de réhabilitation des bidonvilles de
solution générale et durable au problème de logement des plus pauvres.
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Références
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2007. Vide S.O. No 141 published in Gazette of India Extraordinary [Part II – Section 3 - Sub-Section
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