Vrac Vinyl - Friendship First

Transcription

Vrac Vinyl - Friendship First
Bruce SPRINGTEEN :
The River
2 LP CBS 88510 © 1980
1 : The Ties That Bind / Sherry Darling / Jackson Cage / Two Hearts / Independance Day /
Hungry Heart / Out In The Street / Crush On
You / You Can Look (but you better not touch)
/ I Wanna Marry You / The River. 40’10”
2 : Point Blank / Cadillac Ranch / I’m A Rocker / Fade Away / Stolen Car / Ramrod / The
Price You Pay / Drive All Night / Wreck On
The Highway. 43’25”
24
Au départ, la rubrique “Vrac-Vinyl” était chapeautée d’une en-tête indiquant clairement
son mode de fonctionnement. Depuis une
trentaine de numéros, afin d’aérer la mise en
page, ce “chapeau” a disparu et la rubrique
s’est enrichie de nouveautés dignes d’intérêt
(c’est-à-dire les coups de cœurs et non tous
les CD reçus à la rédaction que nous ne saurions chroniquer sous le seul prétexte qu’ils
viennent de sortir, là n’est pas notre propos,
d’autres font ça très bien sans le moindre état
d’âme), mais occultant ces “disques récents
ou pas, réédités en CD ou non, toujours disponibles ou introuvables” qui en étaient l’idée
première. Selon l’importance du papier, certains ont depuis trouvé place en une page
entière sous titrée “Broc-en-stock”...
La saison des vide-greniers reprenant, je
viens de retrouver pour 4 ridicules euros ce
passionnant The River de Springsteen, l’un
des rares double LP vinyle tenant la route
dans son intégralité (83’35”) avec London
Calling des Clash ou Physical Graffiti de
Led Zeppelin (contrairement au Blonde On
Blonde de Dylan ou au White Album des
Beatles, albums d’anthologie mais parfois
encombrés de plages dispensables). C’est
sans doute le matraquage radiophonique de
Hungry Heart qui me l’a fait délaisser à sa
sortie en 1980, malentendu poursuivi en 1984
avec la surexposition médiatique de Born In
The USA, hymne au patriotisme triomphant
auquel je n’avais finalement rien compris,
comme sûrement la plupart de mes congénères à l’anglais moyen ayant pris ce titre au
Vrac
Vinyl
premier degré. Derrière ce refrain apparemment fédérateur au rythme martial, Bruce
Springsteen dénonce en fait l’histoire amère
d’un vétéran du Vietnam marginalisé dans
son propre pays, une chanson complètement
anti USA ! Du coup, ce gamin né en 1949 au
New Jersey m’est bien plus sympathique...
La France découvre Bruce avec ce cinquième
album (et rétrospectivement l’impérial Born
To Run de 1975) qui, au départ, devait être
un LP simple. Pris de frénésie, Springsteen et
son E-Street Band (Roy Bittan, Clarence Clemons, Steve Van Zandt, etc) enregistrent une
cinquantaine de morceaux ! Ils conservent les
vingt meilleurs pour ce River. Autant dire qu’il
n’y a aucun déchet. Du rock bien carré mené
à fond de train aux ballades intimistes et autobiographiques (la chanson titre), la plupart
feraient d’excellents singles parfois supérieurs à Hungry Heart (Out In The Street ou
Cadillac Ranch, notamment).
Bien avant Born In The USA, Springsteen
brise le rêve américain et ses clichés éculés
que seuls quelques attardés continuent de
glorifier encore. Il les démystifie (“laisse
béton” dirait l’autre), à la manière d’un Dylan
vingt ans auparavant, avec juste un peu plus
de punch et beaucoup plus de voix...
Textes à faire étudier dans nos cours d’anglais, et double vinyle à acheter les yeux fermés. (réédité depuis en double CD).
Xavier BARRÈRE - 05/06
Jacques HIGELIN
... enchante Trenet
2 CD EMI © 2005
CD1 : Un Rien Me Fait Chanter / Il Pleut Dans
Ma Chambre / Coin De Rue / Vous Etes Jolie
/ Sur Le Fil / L’Héritage Infernal / Débit De
L’eau, Débit De Lait / Le Bonheur Ne Passe
Qu’une Fois / Je Chante / Pauvre GeorgesAndré / CD2 : Au Domaine Des Esprits / Le
Jardin Extraordinaire / Le Soleil Et La Lune /
Verlaine / J’ai Ta Main / Boum / La Folle Complainte. (48’10” + 37’24”)
1- Le Grand Jacques (l’autre) est un inconditionnel du Grand Charles (l’autre), il ne s’en
est jamais caché.
2- L’art de l’impro chez Higelin est connu
depuis 30 ans. Plus que ceux de n’importe qui
d’autre, ses concerts sont une véritable fête
VINYL n°52 • Mai - Juin 2006
des sens. On sait à quelle heure ça commence (il est assez ponctuel), plus rarement à
quelle heure on en ressort plein d’étoiles dans
la tête à des heures inavouables !
Compte tenu de ces deux points importants,
rien d’étonnant d’entendre Jacques interpréter Charles lors de ses nombreux rappels,
pour le plus grand bonheur du public... qui s’y
attend un peu ! La bonne surprise est d’avoir
enregistré un double CD d’une prestation au
Trianon (à Paris) en mars 2005.
Le résultat est jubilatoire. Higelin maîtrise son
Trenet depuis qu’il est tout gamin et l’appropriation qu’il fait de ces chansons pourtant
ultra connues les rend parfois méconnaissables. Plusieurs frisent ou dépassent les 5
minutes, timing inexistant chez le Grand
Charles mais couramment pratiqué dans les
délires du Grand Jacques.
Ils ne sont que trois sur la scène du Trianon :
Higelin (la plupart des instruments), Olivier
Daviaud (piano, violoncelle) et le fidèle Dominique Mahut (percus) avec son éternel sourire à la Buster Keaton. Outre la quinzaine de
titres soigneusement choisis dans la première période de Trenet - avant les années 60 les 3 énergumènes cosignent l’ouverture du
CD 2, Au Domaine Des Esprits, plus parlé
que chanté, où Higelin raconte cette improbable rencontre avec Trenet (qu’il avait néanmoins déjà croisé plusieurs fois depuis ce
Printemps de Bourges 1977) avec autant
d’admiration que d’irrévérence :
“... cet instant où deux parmi les plus belles
langues de la chanson française étaient en
train de se mélanger dans les palais de leurs
auteurs” (rires dans la salle !)
Seul Higelin peut se permettre un tel outrage !
D’ailleurs un autre Grand Charles (Aznavour,
merci de n’y pas chercher un mauvais jeu de
mots) déclarait au soir de la disparition de
Trenet : “Il n’y a qu’une personne qui peut
dignement succéder à Charles Trenet, c’est
Jacques Higelin”.
Qui pourrait mettre en cause la clairvoyance
de Charles Aznavour ? Merci Monsieur Higelin de nous offrir avec tant de générosité cette
folie chantante depuis plus de 40 ans.
Robin RIGAUT - 05/06