Rapport 2007

Transcription

Rapport 2007
MIVILUDES
Mission
interministérielle
de vigilance
et de lutte
contre les dérives
sectaires
Rapport au Premier ministre
2007
Sommaire
Le mot du Président................................................................................ 5
Introduction............................................................................................. 7
1ère Partie
Prévention et évaluation du risque..............................................11
Les dérives sectaires : analyse du dispositif juridique.......................... 13
L’emprise mentale à l’examen des décisions de justice...................... 25
Les dérives psychothérapeutiques : le cas des faux souvenirs induits39
2 e Partie
Enfance et éducation. ...........................................................................51
Les suites de la commission d’enquête parlementaire « L’enfance
volée »..................................................................................................... 53
3 e Partie
La détection du risque dans le domaine économique...69
3
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Rapport au Premier ministre 2007 Les ministères....................................................................................... 179
Conclusion........................................................................................... 215
Annexes
MIVILUDES
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Témoignages........................................................................................ 219
Activités parlementaires : questions écrites........................................ 223
Adresses et liens utiles......................................................................... 233
Le mot du Président
Il y a bien longtemps, au moins un quart de siècle, l’État ne se préoccupait pas de ces mouvements que l’on appelait, sans chercher plus loin,
des sectes. Les uns en souriaient, mais les autres voulaient réveiller l’opinion
publique.
Un Premier ministre confiait la rédaction d’un rapport sur le sujet
à un parlementaire en mission. Roger Ikor interpellait le Président de la
République, les familles s’organisaient en associations de défense des victimes,
le Parlement créait une Commission d’enquête, le Gouvernement mettait sur
pied un Observatoire, un nouveau Premier ministre instituait une Mission de
lutte contre les sectes, un autre la transformait en Mission Interministérielle de
Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires, les médias presque unanimes
dénonçaient le fléau des méthodes d’emprise de ces groupes. Bref, la prise de
conscience du phénomène était bien réelle, et le sentiment que l’on ne pouvait
se décharger de ce problème sur la sphère privée, largement partagé.
Au-delà des nuances liées aux sensibilités politiques des uns et des
autres, au-delà des subtilités de vocabulaire, c’est en fait toute une politique
de prévention, d’information, d’aide aux victimes et à leurs familles, et de lutte
contre toutes les formes de dérives sectaires qui a pris forme petit à petit à la
lumière des expériences acquises, dans le plus large consensus politique qu’un
sujet de société ait jamais pu réunir dans notre pays.
La mouvance sectaire, qu’elle se manifeste dans le domaine spirituel,
philosophique, ésotérique, occultiste… en perte de vitesse très sensible depuis
le début du nouveau siècle, ou qu’on la retrouve dans ses expressions plus
modernes et mieux adaptées à l’attente de nos concitoyens que sont les thèmes
de la santé, de la formation, du développement personnel, du coaching ou de
l’accompagnement sur mesure etc… ne pouvait laisser faire sans réagir et force
est de reconnaître qu’elle a su s’organiser rapidement pour riposter, au double
plan national et international.
Son discours est désormais bien au point :
Toute action de l’État en ce domaine est attentatoire à l’exercice
des libertés publiques et en particulier à la liberté de croyance, sans que la
notion de croyance puisse le plus souvent être réellement mise en évidence.
Toute mise en garde des pouvoirs publics est discriminatoire, toute accusation
diffamatoire.
Il n’y a pas de victimes, seulement des apostats dont les témoignages sont plus que sujet à caution. Il n’y a pas de faits établis, il n’y a que des
rumeurs.
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Rapport au Premier ministre 2007 Il y a bien ça et là quelques décisions de justice, mais elles sont forcément iniques et cette jurisprudence ne pèse pas très lourd face aux décisions
des juridictions européennes ou nationales dont les arrêts et jugements sont
alors interprétés et croisés par les mouvements en question avec un don pour
l’instrumentalisation qui mérite l’admiration.
En résumé, il n’y a pas de victimes et pas de trouble à l’ordre public ;
il y a des affaires plus urgentes et plus sérieuses qui devraient mobiliser l’énergie de l’État, seule une poignée de personnes, toujours les mêmes d’ailleurs,
gaspillent les deniers publics dans une vaine chasse aux sorcières qui date d’un
autre temps.
Eh bien, pendant trois ans, j’ai rencontré quotidiennement ces victimes
que l’on voudrait invisibles, j’ai écouté leurs familles, j’ai mesuré les dégâts, les
dommages irréparables commis par tout ce que la mouvance sectaire compte
de gourous et d’apprentis sorciers.
J’ai constaté l’attente de tous ceux qui avaient souffert et souffraient
encore du fait d’agissements faisant fi de tout respect de la dignité humaine.
J’ai relevé le cynisme et l’arrogance de certains responsables de mouvements sectaires. Je suis encore stupéfait par l’aplomb et la mauvaise foi de leurs
leaders et de leurs défenseurs.
C’est pourquoi je veux rendre hommage à l’action de tous ceux qui se
dévouent sans compter pour que nos concitoyens ne succombent pas à l’attirance exercée par ces mouvements et pour que ceux qui ont gravement nui à
d’autres hommes, à d’autres femmes, à des enfants, pour que ceux qui abusent
de la faiblesse, de la crédulité ou de la détresse de leurs semblables soient obligés de rendre des comptes à la justice.
A tous, élus de la Nation, responsables d’associations, professionnels de
la santé, de l’éducation, de la justice, personnes qualifiées, fonctionnaires de
l’administration centrale, déconcentrée ou territoriale, je dis un merci sincère
pour leur action désintéressée et profondément humaine.
Les comportements totalisants des mouvements sectaires les conduisent
à piétiner la devise de la République : quel sens ont encore les mots « Liberté
Égalité Fraternité » dans un monde où la dignité humaine n’a plus cours ?
MIVILUDES
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Puissions-nous ne jamais nous tromper de victimes et continuer à
répondre à ceux qui appellent légitimement l’État au secours.
Introduction
Le décret qui a institué la Mission interministérielle de vigilance et de
lutte contre les dérives sectaires fait obligation à son Président de présenter
chaque année un rapport au Premier ministre.
Ce document est le cinquième, puisque la création de la Mission
remonte à décembre 2002.
Les deux premiers documents, par ordre chronologique, avaient successivement mis l’accent sur le risque sectaire puis sur les dérives sectaires, s’efforçant de bien cadrer le champ de ses activités et de préciser, à l’usage du
Parlement qui suit attentivement son action et des citoyens attendant de l’État
d’être protégés contre un danger ressenti comme particulièrement intolérable, la nature des risques, et la façon d’en appréhender la réalité dans le strict
respect de l’état de droit.
Dans son troisième rapport, la Mission mettait l’accent, exemples à l’appui, sur quatre domaines qui justifiaient, compte tenu de la qualité des victimes
potentielles, une vigilance aiguë et une complète information des responsables
politiques et administratifs : les atteintes visant les mineurs, les dérives sectaires
dans le domaine de la santé au sens large, le risque de pénétration de l’appareil économique et l’infiltration du secteur porteur qu’est, en termes d’image,
l’aide humanitaire.
L’an passé, le choix a été fait d’aborder des sujets nouveaux, reflétant
au plus près l’évolution du paysage sectaire ainsi que la capacité d’adaptation,
au quotidien, des organisations en question et de leurs dirigeants. Il ne s’agissait pas, pour la MIVILUDES, de stigmatiser qui que ce soit a priori, mais bien
de jouer pleinement son rôle de vigie en procédant, en amont, à une analyse
du risque, à une recherche objective de l’évolution des dangers. En effet, chaque fois que l’État se prémunit contre un type de risque, la mouvance sectaire
a tôt fait de s’adapter en contournant les textes, en inventant de nouvelles
méthodes d’approche ou en s’implantant dans de nouveaux secteurs.
C’est cette même conception du rôle et des devoirs de la MIVILUDES
qui a prévalu dans l’élaboration et la mise au point du présent rapport. Ces
dernières ont été effectuées sous le contrôle et avec la totale approbation de
son Conseil d’orientation.
Les points forts des travaux synthétisés dans ces pages consistent en
un rappel indispensable des règles juridiques en vigueur, tant pour ce qui
concerne le cadrage de l’action des acteurs publics qui ne peut s’effectuer que
dans le respect des principes constitutionnels et des lois, mais surtout en pleine
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Rapport au Premier ministre 2007 transparence, qu’en ce qui touche à l’attente des citoyens face au service public
de la justice, en charge de la défense des droits et libertés de chacun.
La MIVILUDES ne pouvait ignorer les travaux de la Commission d’enquête parlementaire « Les sectes et les mineurs : l’enfance volée » qui, sous la
présidence de M. Georges Fenech, a rendu son rapport en décembre 2006. Elle
a donc procédé à un suivi des cinquante recommandations contenues dans ce
dernier et elle rend compte ici des mesures déjà adoptées et de celles encore
en phase d’élaboration, ainsi que, le cas échéant, des motifs d’abandon de telle
ou telle proposition.
L’accent a été mis sur les questions liées à la santé car il est manifeste
que c’est l’un des trois domaines, avec la formation et l’économie, où prolifèrent le plus de nouvelles doctrines, de nouvelles écoles souvent perçues par les
publics-cibles comme porteuses de risques en général et de risques de dérives
sectaires en particulier. C’est naturellement ce dernier aspect et lui seul qui
motive l’intérêt que leur porte la MIVILUDES.
Pour cerner le risque sectaire et mesurer l’ampleur des dommages
encourus dans le tissu économique, une recherche a été effectuée sur les
mécanismes d’emprise et le bilan de deux pratiques, les « constellations systémiques » et les méthodes de « vente multi-niveaux » pour lesquelles de nombreuses interrogations ont été reçues depuis un an. On a recherché comment
l’utilisation de certaines pratiques par des pseudo-spécialistes, souvent autoproclamés, était susceptible d’avoir de sérieuses conséquences sur l’équilibre
des personnes et des structures auxquelles elles appartiennent.
Ce rapport fait le point des problèmes liés à l’effet de mode, qui ne se
dément pas, en faveur des pratiques chamaniques faisant appel à la prise, le
plus souvent non contrôlée, de produits hallucinogènes. Ainsi après le classement de l’ayahuasca et de l’iboga, faisant suite à la mesure du risque souligné
dans les précédents rapports, un chapitre est consacré, pour 2007, au phénomène du « datura », nouveau vecteur des chamans et le potentiel de dérives qui
l’accompagne est ainsi analysé.
Plusieurs membres du Conseil d’orientation de la MIVILUDES, notamment ceux qui représentent les institutions familiales ou éducatives, ont souhaité que le phénomène satanique soit actualisé depuis la publication du précédent rapport, en prenant en compte ses derniers développements en France.
Pour la première fois l’an passé, la MIVILUDES avait procédé, avec le
concours de nos postes diplomatiques, à une comparaison des politiques publiques mises en œuvre pour traiter le problème des dérives sectaires, dans les principaux états ouest-européens ou nord-américains. Cette année, un chapitre est
consacré aux dispositifs législatif, règlementaire et administratif en vigueur dans
les pays d’Europe centrale et orientale, qui n’avaient pas été abordés en 2006.
MIVILUDES
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Enfin, l’année 2007 a été marquée, plus encore que les précédentes,
par des actions de lobbying effrénées de la part des mouvements sectaires et de
leurs satellites. La tendance au développement des entreprises de paralysie des
services en charge de la vigilance et de la lutte contre les dérives sectaires s’est
vérifiée, et il a été constaté que les stratégies d’influence que ces mouvements
mettent en œuvre étaient redoutables d’efficacité, leur aptitude à retourner la
réalité des situations étant à l’image des astuces déployées pour recruter des
adeptes. L’exemple de leurs actions dans le cadre des travaux de l’OSCE fait
l’objet d’un chapitre de ce rapport.
Enfin, chaque administration membre du Comité exécutif de pilotage
opérationnel de la Mission a eu la possibilité de fournir son propre compterendu annuel d’activité afin d’informer au mieux le lecteur sur le travail fourni
au niveau de chaque département ministériel. Ces contributions illustrent de
manière concrète la réalité des préoccupations exprimées au cours des années
précédentes et informent des évolutions annoncées en 2005 et 2006.
Pour sa part la MIVILUDES rend compte de son activité dans les
champs d’action définis par ses textes fondateurs : information, sessions de
formation, cellules départementales de vigilance, démarches internationales,
liaison avec les associations de défense des familles, rencontres à leur demande
de responsables de mouvements désireux d’entrer en contact avec l’autorité
publique, etc…
L’année 2007 aura été une année de travail et d’efforts afin que les
victimes et leurs familles soient assurées qu’elles sont écoutées, respectées et
secondées dans les difficultés qu’elles traversent.
Les cadres de la MIVILUDES ont dû également, comme beaucoup
d’autres responsables politiques, associatifs ou administratifs, consacrer beaucoup de temps à faire face à toutes sortes d’attaques, notamment judiciaires,
visant à les intimider, à paralyser leur action et à les discréditer sur la scène politique nationale ou internationale. Pour gênantes que soient ces actions de harcèlement, elles n’ont en rien entamé la résolution de tous ceux qui oeuvrent
de façon totalement désintéressée pour la reconnaissance des dommages subis
par les victimes et leurs familles.
Que ces dernières soient assurées que les forces vives de la Nation,
représentées au Conseil d’orientation de la MIVILUDES dont ils contrôlent
et soutiennent l’action, n’entendent pas voir la République baisser les bras et
renoncer à assurer la sûreté des plus vulnérables contre des agissements souvent dictés par le seul appât du gain ou la recherche d’un pouvoir absolu sur
l’individu.
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Rapport au Premier ministre 2007 1
ère
Partie
Prévention
et évaluation
du risque
Les dérives sectaires :
analyse du dispositif
juridique
Depuis bientôt 25 ans, l’État français a fortement affirmé sa volonté de
protéger les victimes des comportements dérivants des mouvements sectaires.
Cette réponse de l’État s’est construite peu à peu à la suite des rapports
parlementaires et de l’évolution de la forme des organismes de lutte mis en
place par les Premiers ministres successifs.
Depuis le 28 novembre 2002, la Mission Interministérielle de Vigilance
et de Lutte contre les Dérives Sectaires, comme son intitulé l’indique, exerce
à la fois une mission de vigilance, c’est-à-dire de prévention et de détection du
risque sectaire, et une mission de lutte contre les dérives avérées.
Il n’y a pas en droit français de définition juridique de la secte, pas
plus qu’il n’y a de définition de la religion. Cela résulte, pour partie, de ce que
la France, en vertu du principe de laïcité, s’interdit de définir, de limiter le
fait religieux et spirituel, évitant ainsi le risque de porter atteinte au principe
absolu de la liberté de conscience.
L’Observatoire interministériel sur les sectes constatait dès 1997 que
« tenter de définir et figer dans un texte, de façon forcément restrictive, une notion au
contenu évolutif et non maîtrisable, au-delà des obstacles législatifs et constitutionnels
auxquels cette tâche se heurterait, ne serait pas de nature à faciliter l’exercice de l’action publique contre les dérives de ce phénomène. » Il convient de constater, dix ans
plus tard, la justesse de cette analyse : aujourd’hui les dérives sectaires sont
plus nombreuses dans le domaine de la santé, des thérapies alternatives et du
développement personnel, que dans le cadre à proprement parler spirituel et
religieux.
En revanche, l’absence de définition de la secte n’efface pas la réalité
de l’existence de victimes des dérives de certains mouvements sectaires. Cette
notion de dérives sectaires est évolutive et son approche française est à la fois
pragmatique et textuellement encadrée.
Rapport au Premier ministre 2007
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En effet, à défaut de définir juridiquement ce qu’est une secte, la loi
réprime tous les agissements qui sont attentatoires aux droits de l’homme, aux
libertés fondamentales ou qui constituent une menace à l’ordre public, commis dans le cadre particulier de l’emprise mentale.
Prévention et évaluation du risque
13
Dans certains pays, l’action en ce domaine relève presque exclusivement de la sphère privée. En France, plusieurs associations oeuvrent en faveur
des victimes et de leurs familles, mais les responsables politiques, législatifs et
exécutifs confondus ont estimé que l’État ne pouvait se soustraire à ses responsabilités et à ses devoirs en ce domaine.
C’est pourquoi, l’action des services de l’État pour lutter contre ces
dérives sectaires multiformes est mise en place à plusieurs niveaux :
L’action du responsable administratif consiste à mettre en œuvre les
mesures de surveillance et de prévention adéquate.
L’action de l’acteur social permet de déceler les dangers et de venir en
aide aux victimes.
La MIVILUDES quant à elle coordonne l’ensemble des moyens d’action
des services de l’État au plan départemental, régional et ministériel, informe le
public et les fonctionnaires, analyse l’évolution du phénomène pour le compte
du Premier ministre. Le décret du 28 novembre 2002 lui confie, comme cela a
été écrit ci-dessus, à la fois une mission de prévention, de vigilance, et une mission de lutte contre les comportements dérivants des mouvements sectaires.
Enfin l’action du juge, gardien des libertés, va dans le sens de la protection contre toute sujétion physique ou psychologique et elle s’inscrit dans
le sens du respect de la loi, auquel nul gouvernement, nul citoyen ne doit se
soustraire.
Cette action concertée et pragmatique de l’État, en l’absence d’une
incrimination spécifique, s’inscrit dans le cadre d’une double protection :
– celle de la liberté de conscience ;
– celle des libertés individuelles et notamment celles des plus faibles (enfants
par exemple et depuis 2001 les personnes mises en état d’assujettissement).
Aucun jugement n’est porté a priori sur la valeur ou la sincérité d’un
engagement idéologique ou spirituel. Cependant tout n’est pas pour autant
permis au nom de la liberté de conscience ou de religion et il appartient au
juge de rappeler les limites à ne pas franchir tant au plan administratif que
judiciaire, à l’échelle nationale ou européenne.
1. Les dérives sectaires au regard
du droit privé
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MIVILUDES
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Si les dérives sectaires font naturellement penser au non-respect des
textes du code pénal, il ne faut pas négliger les décisions des juridictions civiles,
quantitativement bien plus importantes.
La sphère familiale
Dans ces procédures, souvent discrètes, c’est également le comportement des individus membres de mouvements sectaires, et lui seul, qui peut
donner lieu à des décisions défavorables et non le simple fait de son appartenance à un tel mouvement.
1 - Le droit de la famille.
L’appartenance à un mouvement sectaire ne saurait à elle seule constituer une cause de divorce (Cour d’appel de Dijon 23 septembre 1997).
C’est seulement quand le comportement d’un époux perturbe gravement la vie du couple, que le juge aux affaires familiales peut estimer que
celui-ci constitue une faute rendant intolérable le maintien de la vie commune,
et prononcer le divorce sur ce fondement (Cour d’appel de Nancy, 23 février
1996 ; Cour d’appel de Montpellier, 7 novembre 1994).
Le zèle excessif dans la pratique de la doctrine du mouvement, qu’il
soit religieux ou d’une autre nature, le prosélytisme, le désintérêt manifesté
pour sa famille et son entourage, la violence ou les contraintes sont des causes
de perturbation grave de la vie familiale, incompatible avec le maintien du lien
familial (Cour de Cassation., civ., 8 juillet 1987 ; Cour d’appel d’Agen 2005)
De même la seule appartenance d’un parent à un mouvement à caractère sectaire ne saurait justifier une décision défavorable à l’égard de ce dernier, s’agissant de la fixation de la résidence des enfants ou des droits de visite
et d’hébergement.
Ce sont les conséquences de ses choix et non les choix en eux-mêmes
qui sont critiquables lorsqu’ils mettent en danger l’équilibre de l’enfant.
En cas de séparation, lorsque les pratiques d’un parent présentent un
risque sérieux de perturbation physique ou psychologique des enfants, le juge
aux affaires familiales peut décider de fixer la résidence habituelle chez l’autre
parent et/ou de restreindre l’exercice du droit de visite et d’hébergement
(Cour de Cassation, 2e civ., 13 juillet 2000 ; Cour d’appel d’Aix-en-Provence
2004).
La Cour d’appel de Grenoble a réaffirmé le principe de la liberté religieuse d’un père et de sa fille sous réserve d’une ouverture et d’une participation à la vie sociale.
2 - L’enfance en danger.
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Le juge des enfants est saisi lorsque la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur sont en danger ou que les conditions de son éducation, de
son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement
compromises.
Prévention et évaluation du risque
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Dans ce cadre, ce magistrat peut prononcer des mesures éducatives de
type placement ou suivi éducatif au domicile des parents.
Au-delà des privations de soins et d’aliments ou des violences physiques
ou sexuelles rencontrées dans certains groupes, le choix par des parents d’un
mode de vie pour leurs enfants dans un « monde clos » où ils ne sont ni correctement scolarisés ni sérieusement instruits est aussi de nature à justifier un
signalement au Procureur de la République sur le fondement des articles 375
et suivants du code civil, et l’engagement de poursuites par ce dernier.
La Cour de Cassation dans un arrêt du 22 février 2000, confirme une
décision qui avait enjoint à la mère de ne pas mettre ses enfants en contact
avec des membres du mouvement raëlien, à l’exception d’elle-même et de son
compagnon, et de ne pas sortir les enfants du territoire français sans accord
écrit de leur père.
Pour la Cour de Cassation, l’arrêt attaqué ne portait pas directement
atteinte aux droits et libertés mais soumettait simplement leur exercice à des
conditions dictées par le seul intérêt des enfants.
Le rapport d’enquête parlementaire « L’enfance volée » clôturant la
Commission parlementaire de 2006 a fait 50 propositions pour protéger les
enfants, cibles particulièrement vulnérables, des dérives sectaires. Le présent
rapport fait le point dans un autre chapitre sur la mise en œuvre de ces propositions parlementaires.
La sphère du travail
Les parlementaires, dans leur rapport de 1999 intitulé « Les sectes et
l’argent », ont rappelé que l’enrichissement étant un des principaux objectifs
des mouvements sectaires (avec le pouvoir), ces derniers se sont efforcés d’infiltrer les entreprises car ils peuvent en attendre trois avantages :
– attirer les fonds, au premier rang desquels ceux de la formation professionnelle, dont le financement est très important et encore insuffisamment
contrôlé
– retirer une certaine notoriété
– développer leur prosélytisme
– utiliser leur infiltration comme support de pénétration d’autres structures.
Plusieurs axes de la vie professionnelle peuvent être concernés :
1 - L’exploitation de l’adepte.
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MIVILUDES
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La forte soumission et la dépendance au responsable ou au gourou
peuvent conduire des membres du mouvement à travailler dans des conditions
sanctionnées par la loi au titre du travail dissimulé.
2 - La formation professionnelle.
Il a été jugé également que des salariés pouvaient légitimement refuser
de participer à une action de formation décidée par leur employeur quand
les méthodes utilisées au cours de cette formation se rapprochaient de celles
d’un organisme signalé comme étant de caractère sectaire (Cour d’appel de
Versailles, 22 mars 2001).
3 - La fourniture de services.
En approchant au plus près certaines fonctions stratégiques de l’entreprise (service informatique, direction des ressources humaines), les mouvements sectaires peuvent obtenir des données personnelles sur les salariés ou
des informations essentielles sur la vie de l’entreprise.
Le lecteur qui souhaite approfondir ses connaissances sur ce sujet peut
se référer au guide publié par la MIVILUDES « L’entreprise face au risque sectaire » à la Documentation française et mis en ligne sur le site internet de la
Mission. (www.miviludes.gouv.fr).
La sphère infractionnelle
L’infraction de droit commun n’est possible que parce que la victime
a d’abord été détruite psychologiquement, placée sous l’emprise d’un groupe
ou d’un gourou. L’emprise est préalable à l’acte délictueux ; le droit commun
s’applique dans un domaine spécifique caractérisé par la contrainte.
Il n’y a pas en France de législation « antisecte » mais des textes de droit
pouvant s’appliquer aux dérives sectaires.
1 - L’application des textes d’incrimination généraux.
De très nombreux agissements des mouvements sectaires peuvent tomber sous le coup de la loi pénale et ainsi constituer des dérives.
Compte tenu de leur mode d’organisation ou de financement, de l’activité économique qu’ils mettent en place ou du mode de vie qu’ils revendiquent, certains mouvements à caractère sectaire développent des formes particulières de délinquance.
Il est absolument essentiel de se référer à la doctrine du mouvement et
de l’intégrer à l’enquête car elle contient de manière quasi systématique l’idéologie qui préconise ou aboutit à la violation de la loi.
Les infractions les plus fréquemment relevées, sans que cette énumération soit exhaustive car l’imagination des gourous est sans limite, sont les
suivantes :
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• Les groupements à prétentions thérapeutique ou guérisseuse s’exposent à commettre des infractions au code de la santé publique, notamment au
Prévention et évaluation du risque
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titre de l’exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie, et dans les cas les
plus graves, cela peut aller jusqu’à l’homicide involontaire :
– la Cour d’appel de Chambéry, le 1er juillet 2004, a condamné Ryke Hammer
pour escroquerie et complicité d’exercice illégal de la médecine à trois ans
d’emprisonnement ;
– la Cour d’assises de Quimper, le 3 juin 2005, a condamné des parents adeptes d’une pratique thérapeutique non réglementée (la kinésiologie) à 5 ans
d’emprisonnement dont 52 mois avec sursis et mise à l’épreuve pendant trois
ans pour non-assistance à personne en danger.
• Les atteintes aux biens, les faits d’escroquerie ou d’abus de confiance,
les tromperies sur les qualités substantielles ou les publicités mensongères sont
régulièrement signalés dans certains mouvements proposant des prestations
de développement personnel ou d’amélioration sensible et rapide des potentialités de leurs clients ou de leurs membres (procès de la Scientologie à Lyon,
Tribunal de grande instance, 22 novembre 1996 et Cour d’appel, 28 juillet
1997).
Il faut bien comprendre que l’argent est le moteur de la quasi-totalité
des mouvements sectaires. Il n’est pas rare de voir les adeptes d’un mouvement
vivre dans le plus grand dénuement, car ils ont fait don de tous leurs biens au
groupe avec les conséquences indirectes que cela peut entraîner sur les membres non adeptes de la famille. Le gourou, lui, ne subit pas le même sort : il a
en général un train de vie confortable et dispendieux.
Les flux financiers des grands mouvements transnationaux sont extrêmement difficiles à cerner sur le plan fiscal notamment, et la situation patrimoniale peut être obscure. Le rapport parlementaire de 1999 « Les sectes et
l’argent » a mis l’accent sur les difficultés de recouvrement des dettes fiscales et
l’organisation d’insolvabilité des mouvements sectaires.
• Les atteintes aux personnes, les violences physiques, les abus sexuels,
la non-assistance à personne en péril et les privations de soins ou d’aliments au
préjudice de mineurs, sont constatés, le plus souvent, au sein de communautés
repliées sur elles-mêmes et résolument coupées du monde extérieur.
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MIVILUDES
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Au sein des mouvements sectaires, les questions à connotation sexuelle
ont un poids important, et revêtent des formes multiples que l’on ne rencontre
pas dans le reste de la société. Il peut servir de moyen d’asservissement des adeptes. Certains gourous prônent la chasteté pouvant aller jusqu’à la castration.
Certains décident quel sera le conjoint de leur adepte. D’autres pratiquent une
véritable police inquisitoire auprès des adeptes. Dans certains mouvements, au
contraire, une sexualité complètement libre est préconisée, ou de multiples
partenaires sont recommandés voire imposés, ou l’on préconise d’avoir des
relations sexuelles aussi bien avec des adultes qu’avec des enfants, même si pratiquement tous aujourd’hui s’en défendent vigoureusement. Parfois le sexe est
le moyen de recrutement des nouveaux adeptes (flirty fishing qui peut parfois
constituer l’infraction de proxénétisme).
• Les infractions en matière d’obligation scolaire appellent une vigilance toute particulière. La loi du 18 décembre 1998 renforçant le contrôle de
l’obligation scolaire a créé des incriminations à l’encontre des parents ou des
directeurs d’établissements privés qui ne respecteraient pas leurs obligations
à l’égard des enfants (articles 227-17-1 et 227-17-2 du code pénal). La loi du
5 mars 2007, dont les décrets ne sont pas sortis à ce jour, vient renforcer le dispositif de protection des enfants.
• Le cas de la non-dénonciation de crimes mérite une attention particulière car il caractérise l’attitude de certains groupes à l’égard de la loi et
de la justice : ils les instrumentalisent toutes les fois que c’est possible dans
l’intérêt du mouvement en tenant à l’écart toute affaire interne qui pourrait
rejaillir sur le groupe. La Cour de Cassation, dans son arrêt du 13 septembre
2000, confirme l’arrêt de la Cour de Montpellier condamnant des membres
d’un mouvement qui n’avaient pas dénoncé des faits de violences sexuelles
sur mineur, dont ils avaient eu connaissance par confession interne devant le
conseil des anciens.
Les incriminations du droit pénal étaient avant 2001 suffisantes pour
lutter contre la majorité des agissements dérivants des mouvements sectaires.
Toutefois certains comportements restaient en- dehors du champ de la répression et les parlementaires ont voté en 2001 une modification de la loi sur l’abus
d’état de faiblesse en y ajoutant l’état de sujétion.
2 - Le cas particulier de la loi About-Picard du 12 juin 2001.
Cette loi, tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales,
est un texte généraliste ne visant pas les seuls mouvements sectaires. Elle est
applicable à toutes personnes morales de droit ou de fait. Ce texte a organisé
une nouvelle procédure de dissolution civile des personnes morales et a élargi
l’ancienne incrimination d’abus frauduleux de l’état de faiblesse.
Le nouvel article 223-15-2 du code pénal réprime l’abus frauduleux de
l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse d’un mineur ou d’une personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, d’une maladie ou
d’une infirmité. Il protège aussi, désormais, la personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées
ou de techniques propres à altérer son jugement pour la conduire à des actes
ou à des abstentions qui lui sont gravement préjudiciables.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Le dossier du fondateur du mouvement Néo-Phare à Nantes a permis
la première condamnation définitive sur ce fondement, et plusieurs autres
procédures sont en cours dans le domaine des dérives sectaires. Il s’agissait
d’agissements particuliers d’un gourou, ayant incité un de ses adeptes à se suicider dans un contexte à connotation religieuse, apocalyptique, ufologique et
spirituelle. L’objectif du gourou était d’isoler physiquement et psychiquement
les membres du mouvement, de démolir leurs repères pour les soumettre à sa
seule volonté.
Prévention et évaluation du risque
19
L’expert psychiatre a eu un rôle déterminant tant à l’instruction (rapport de 50 pages analysant les enregistrements saisis) qu’à l’audience : il a mis
en lumière un type de relations très particulier entre les personnes à partir de
l’étude des textes (doctrine du mouvement) et des vidéos illustrant les séances
du groupe (trois heures de visionnage à l’audience d’une sélection de séances
filmées par le groupe lui-même et établissant l’emprise mentale).
2. Le dispositif juridique administratif
Si le droit pénal est en matière de dérives sectaires plus visible pour
l’opinion publique, les juridictions administratives rendent également des
décisions importantes dans ce domaine. A titre d’exemple et de façon non
limitative, les juridictions administratives ont rendu des décisions sur :
Le refus de soins
La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du
système de santé a reconnu aux patients un droit d’opposition aux soins.
Il résulte de l’article L.1111-4 du code de la santé publique (CSP) que
« [...] le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix ».
Le Conseil d’État s’est prononcé à plusieurs reprises sur la portée du
droit d’un majeur de s’opposer aux soins.
Par arrêt du 26 octobre 2001, il a jugé que l’obligation de sauver la vie
ne prévaut pas sur celle de respecter la volonté du malade. Évoquant le fond du
dossier, la haute juridiction a décidé, cependant, que « compte tenu de la situation
extrême dans laquelle le malade se trouvait, les médecins qui avaient choisi, dans le seul
but de le sauver, d’accomplir un acte indispensable à sa survie et proportionné à son
état, n’avaient pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de l’Assistance
publique ».
Par ordonnance de référé du 16 août 2002, le Conseil d’État a confirmé
cette jurisprudence en affirmant que si le droit pour un patient majeur de
donner son consentement à un traitement médical constituait une liberté fondamentale, la pratique, dans certaines conditions, d’une transfusion sanguine
contre la volonté du patient, ne constituait pas une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté.
20
MIVILUDES
▼
S’agissant des mineurs ou des majeurs sous tutelle, leur consentement
doit être systématiquement recherché, s’ils sont aptes à exprimer leur volonté
et à participer à la décision. Dans le cas où le refus d’un traitement par la personne titulaire de l’autorité parentale ou par le tuteur, risque d’entraîner des
conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur sous tutelle, le
médecin délivre les soins indispensables (article L.1111-4 du CSP).
En outre, dans une décision du 24 avril 1992, le Conseil d’État a
jugé que des personnes candidates à l’adoption qui refuseraient d’accepter les transfusions sanguines « ne présentaient pas les garanties suffisantes en ce
qui concerne les conditions d’accueil qu’ils sont susceptibles d’offrir à des enfants » et
que leur attitude justifiait un refus d’agrément par le président du Conseil
général.
Le cas des assistantes maternelles
Dans un jugement du 7 février 1997, le tribunal administratif de
Versailles a validé la décision des services de l’aide sociale à l’enfance de retirer
son agrément à une assistante maternelle et de ne plus lui confier d’enfants en
raison du prosélytisme auquel elle se livrait en faveur du mouvement auquel
elle appartenait.
De même, le Tribunal administratif de Lyon, le 3 mars 1998, a justifié le retrait d’agrément d’une assistante maternelle accueillant des enfants à
son domicile, par le fait « que l’intéressée refuse d’exercer auprès des enfants des pratiques pédagogiques essentielles (fête de Noël, ainsi que les anniversaires des enfants) alors
que ces festivités constituent des repères familiaux et sociaux essentiels pour les enfants
concernés ».
La loi du 27 juin 2005 relative au statut des assistantes maternelles exige
que l’agrément dépende de la présentation de garanties pour accueillir des
mineurs dans des conditions propres à assurer leur développement physique,
intellectuel et affectif.
Le trouble à l’ordre public
En la matière, la liberté est la règle et la limitation de cette liberté est
l’exception. La Déclaration des droits de l’homme de 1789 affirme dans son
article 10 : « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions même religieuses, pourvu que
leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». L’expression et la
mise en œuvre des convictions religieuses, philosophiques ou morales peuvent
ainsi donner lieu à abus et porter atteinte à l’ordre public, dans ses composantes relatives à la santé, à la sécurité, à la tranquillité, à la moralité et à la prévention des activités pénalement sanctionnées.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
L’atteinte à l’ordre public doit, bien sûr, reposer sur des faits précis
résultant des actions ou abstentions des individus ou des mouvements concernés. La jurisprudence Benjamin (C.E. 19 mai 1933) marque l’étendue du
contrôle du juge sur le respect des libertés publiques. Le Conseil d’État a
annulé l’interdiction par un maire de deux réunions qui devaient entraîner
une contre-manifestation, estimant que la liberté devait prévaloir et que seule
l’impossibilité avérée de réunir les forces de l’ordre aptes à protéger ce droit
justifiaient une telle mesure.
Prévention et évaluation du risque
21
Traditionnellement, l’ordre public représente une trilogie : la préservation de la tranquillité, de la salubrité et de la sécurité publiques. Il s’agit de
préserver un « ordre matériel et extérieur », sans se préoccuper de ce qui relève
des idées, ni des comportements.
Toutefois, des circonstances locales permettent d’adapter cette notion.
Par exemple, il peut « y avoir trouble à l’ordre public à diffuser une oeuvre blasphématoire dans une ville de pélerinage, ou un film évoquant une affaire criminelle dans la
localité où celle-ci s’était déroulée ».
3. Le recours des organisations sectaires
à la Cour européenne des droits de
l’homme : la jurisprudence actuelle
La Convention européenne des droits de l’homme, tout comme le
législateur français, ne définit pas le mot secte.
– L’article 9 affirme le droit à la liberté de pensée, de conscience et de
religion.
– L’article 14 prohibe les distinctions fondées, notamment, sur la
religion.
– Enfin, l’article 2 du Protocole additionnel exige des États membres
qu’ils respectent le droit des parents d’assurer l’éducation et l’enseignement
(de leurs enfants) conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques, ce qui n’empêche pas, toutefois, l’application de la Convention des droits
de l’enfant. Cette Convention, ratifiée par la France, souligne en préambule
qu’« il importe de préparer pleinement l’enfant à avoir une vie individuelle dans la
société », puis énonce que les mineurs doivent pouvoir accéder aux informations d’où qu’elles viennent (article 13) ; que leurs sources d’informations doivent être diverses (article 17) ; qu’ils doivent avoir accès à tous les enseignements et à toutes les formations (article 28), de même qu’à la vie culturelle et
artistique (article 31) ; qu’il faut favoriser le développement de leurs aptitudes
(article 29).
Ainsi, la religion apparaît par trois fois dans la Convention et ses
Protocoles, tandis que les mouvements sectaires ne sont jamais mentionnés.
La Cour européenne des droits de l’homme a un grand souci de protéger la liberté de conscience et de religion et le pluralisme religieux qui en est
la conséquence. Elle prend donc soin de ne pas différencier les « sectes » des
« religions » dites traditionnelles.
22
MIVILUDES
▼
Toutefois, elle n’a jamais eu à statuer sur des griefs de personnes se
prétendant victimes d’agissements de sectes. Les requêtes jugées émanaient
d’adeptes actifs de mouvements qui revendiquent la liberté de conscience et
de religion. Il est possible qu’à l’avenir les victimes des mouvements sectaires
la saisissent à leur tour et que l’exploitation faite des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) par les organisations sectaires ne soit
plus aussi facile pour elles.
La CEDH, depuis quelques années, a rendu plusieurs arrêts dans cette
matière.
• La première affaire portée devant la Cour, est l’affaire Kokkinakis. Le
requérant avait été condamné pour avoir cherché à convertir une personne de
confession orthodoxe à sa propre croyance (Témoins de Jéhovah).
La Cour a conclu que cette ingérence n’était pas « nécessaire dans une
société démocratique » et que les juridictions helléniques n’avaient pas précisé
suffisamment en quoi le requérant « aurait essayé de convaincre son prochain par
des moyens abusifs ». Par conséquent, la Cour a conclu à une violation de l’article 9 de la Convention.
• Par l’arrêt Manoussakis, la Cour a de nouveau eu l’occasion de se
placer sur le terrain de la liberté religieuse, sur un cas où des personnes ont
été condamnées pour avoir ouvert une maison de prière sans l’autorisation de
l’autorité ecclésiastique reconnue par l’État concerné et du ministre de l’Éducation nationale et des Cultes en charge de ces questions. Rappelant qu’un
véritable pluralisme religieux est inhérent à la notion de société démocratique,
la Cour de Strasbourg estima « que la condamnation litigieuse affecte si directement la
liberté religieuse des requérants qu’elle ne peut passer pour proportionnée au but légitime
poursuivi » (en l’espèce, la protection de l’ordre). Elle conclut donc à la violation de l’article 9.
• La Cour a statué sur une requête dirigée contre la Grèce, formée par
trois officiers de l’armée de l’air grecque. Les requérants avaient été condamnés par la juridiction nationale pour prosélytisme envers des soldats et envers
des civils.
Selon la Cour, il n’y a pas eu violation de l’article 9, sauf en ce qui
concerne les mesures prises à l’encontre des civils. En effet, s’agissant de prosélytisme à l’égard d’hommes du rang, la Cour a jugé abusives les pressions des
officiers requérants. En revanche, les civils qui, par définition, se trouvaient
à l’extérieur de la hiérarchie militaire, ont été l’objet, non d’un prosélytisme
abusif, mais de tentatives de conversion, sans les pressions et contraintes du
même ordre que celles exercées sur les soldats.
Conclusion
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Selon M. Jean-Paul Costa, Président de la Cour européenne des droits
de l’homme, « Autant il faudra que la Cour continue de protéger efficacement la liberté
de conscience et le pluralisme religieux, autant il lui faudra certainement se pencher sur
les abus commis au nom de la religion (au sens le plus noble du terme), ou de pseudoreligions qui ne revêtent le manteau religieux que pour déployer plus tranquillement des
Prévention et évaluation du risque
23
24
MIVILUDES
▼
activités nocives, voire abominables. De même que la liberté d’association ne doit pas
servir à protéger les associations de malfaiteurs, de même la liberté religieuse ne doit pas
assurer l’impunité aux coupables d’agissements délictueux ou criminels menés au nom
de cette liberté ».
L’emprise mentale
à l’examen des décisions
de justice
Dans le rapport 2006 de la MIVILUDES, le constat a été fait de la difficulté pour le juge d’appréhender la notion de mise en état de sujétion.
La loi dite « About-Picard » du 12 juin 2001, est née de la volonté du
législateur de renforcer la prévention et la répression des agissements contraires aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales.
Les deux assemblées ont fait le choix de ne pas élaborer une loi spécifique aux mouvements sectaires et la mise en oeuvre depuis plus de six ans de
l’article 223-15-2 du code pénal dépasse largement le seul domaine d’application contre les dérives sectaires.
Ce texte a été de suite très critiqué par les mouvements sectaires
comme attentatoire à la liberté de conscience. Or le recours exercé contre
cette loi par la Fédération chrétienne des Témoins de Jéhovah a été déclaré
irrecevable par la Cour européenne des droits de l’homme le 6 novembre
2001 au motif « qu’un procès d’intention fait au législateur soucieux de régler un
problème brûlant de société, n’est pas la démonstration de la probabilité d’un risque
encouru par la requérante. En outre celle-ci ne saurait sans contradiction se prévaloir
du fait qu’elle ne constitue pas un mouvement attentatoire aux libertés et en même
temps prétendre qu’elle serait, au moins potentiellement, une victime de l’application
qui pourrait être faite de cette loi ».
De même, un expert chargé d’assister la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire du Conseil de
l’Europe pour la rédaction d’un rapport sur la liberté de religion et les minorités religieuses en France, a conclu : « L’objectif poursuivi par la loi est légitime et couvert par les dispositions des articles 9 à 11 al.2 de la Convention européenne des droits de
l’homme ; que par ailleurs, compte tenu des risques encourus par les victimes de sectes, le
besoin d’agir est impérieux et les sanctions prévues proportionnées au but visé ».
L’absence de définition juridique de la secte, tant devant les juridictions
françaises qu’européennes, n’efface pas la réalité de l’existence de victimes des
dérives de certains mouvements sectaires. Cette notion de dérives sectaires est
évolutive et son approche textuellement encadrée doit être pragmatique.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
A défaut de définir juridiquement ce qu’est une secte, la loi réprime
tous les agissements qui sont attentatoires aux droits de l’homme, aux libertés
Prévention et évaluation du risque
25
fondamentales ou qui constituent une menace à l’ordre public, commis dans le
cadre particulier de l’emprise mentale.
La loi dite About-Picard, à l’origine de l’article 223-15-2 du code pénal,
complète en 2001 le délit d’abus frauduleux d’état de faiblesse, en étendant le
délit déjà existant à des situations de sujétion physique ou psychologique.
Ainsi, il importe peu que telle dérive soit commise par un mouvement
sectaire, un nouveau mouvement religieux, une religion du Livre ou par un
charlatan de la santé. Dès lors qu’un certain nombre de critères est réuni, dont
le premier est la mise sous sujétion, l’action répressive de l’État a vocation à
être mise en œuvre.
Ces critères de dangerosité sont les suivants :
– forte emprise sur l’individu avec changement de personnalité du nouvel
adepte
– caractère exorbitant des exigences financières
– rupture avec l’environnement : diabolisation de la famille, des amis et de
tous ceux qui attaquent le gourou ou le mouvement
– existence d’atteintes à l’intégrité physique et psychologique
– embrigadement des enfants, discours antisocial et trouble à l’ordre public
– importance des démêlés judiciaires
– détournements des circuits économiques traditionnels
– tentative d’infiltration des pouvoirs publics
– élitisme et culte de la personnalité
– mode de recrutement fondé sur la séduction
– mode de vie différent : communauté, prosélytisme, vêtements et alimentation différents, refus des soins conventionnels…
Un seul critère ne suffit pas et tous les critères n’ont pas la même
valeur. Le premier critère est toutefois toujours présent dans le cas de dérives
sectaires. L’infraction de droit commun qui lui est attachée, n’est possible que
parce que la victime a d’abord été détruite psychologiquement, placée sous
l’emprise d’un groupe ou d’un gourou. L’emprise est préalable à l’acte délictueux ; le droit commun s’applique dans un domaine spécifique caractérisé par
la contrainte.
L’article 223-15-2 du code pénal réprime l’abus frauduleux de l’état
d’ignorance ou de la situation de faiblesse d’un mineur ou d’une personne
particulièrement vulnérable en raison de son âge, d’une maladie ou d’une
infirmité. Il protège aussi, désormais, la personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou
de techniques propres à altérer son jugement pour la conduire à des actes ou à
des abstentions qui lui sont gravement préjudiciables.
26
MIVILUDES
▼
Six ans après l’adoption de cette loi, il faut bien convenir qu’il est difficile pour les victimes, ex-adeptes ou familles d’adeptes de prouver l’absence de
consentement, l’absence de liberté alors même que souvent, la victime a passé
de nombreuses années dans le giron d’un mouvement sectaire, donnant ainsi
l’apparence d’un choix délibérément fait, voire d’une certaine satisfaction.
Sous l’image d’une proposition d’aide, d’affection, il s’agit en fait
d’une capture psychologique et d’une mise sous influence d’un individu par
un autre individu ou un groupe. Or vue de l’extérieur par un observateur non
averti, l’analyse va dans le sens d’un choix librement consenti et la preuve de
la mise sous influence, sous sujétion, se heurtera à bien des écueils au premier
rang desquels on trouve la complexité des procédures. En effet, à l’opacité
des mouvements et aux difficultés de preuve qui en découlent, s’ajoutent le
silence des victimes durant les faits mais aussi à leur sortie du mouvement, par
honte, par peur des représailles contre elles ou contre les membres de leur
famille restés dans le mouvement ou par peur de ne pas être crus, la difficulté
de dénoncer des comportements répréhensibles commis par des membres de
sa famille devenus adeptes…
Indépendamment des conséquences matérielles plus facilement
démontrables et quantifiables, le préjudice subi par l’adepte sortant d’un
mouvement sectaire sera très difficile à évaluer alors qu’il voit sa vie fragilisée
au plan psychologique, et cela parfois de façon irrémédiable. Acteur en apparence consentant du dommage qu’il a subi, la question de la réparation de ce
dommage est cruciale pour sa reconstruction.
Il faut préciser que, comme certaines victimes d’agression sexuelles, les
ex-adeptes détruits par leurs années passées dans un mouvement, démunis et
culpabilisés par leur expérience sectaire, vont souvent laisser passer, quand ils
quittent le groupe sectaire, les délais légaux de prescription avant d’oser porter
plainte. Les victimes découvrent alors, au moment où elles sont prêtes à se battre, qu’il est trop tard pour une action pénale. Le temps de la reconstruction
tant physique que psychologique est souvent plus long que le temps judiciaire,
ce qui rend l’ex-adepte doublement victime des dérives sectaires et de la non
prise en compte de son statut de victime.
Selon Michel Monroy 1 « on ne peut que rappeler ici toutes les techniques de
l’embrigadement qui visent à reproduire un processus initiatique auquel le futur adepte
participe, dans la perspective de progresser dans l’appartenance au groupe et dans la
reconnaissance des dirigeants. L’état de novice accepté par les candidats implique une
obéissance et une disponibilité qui sont les gages d’un désir de progresser. Des ruptures
sont prescrites avec l’univers de référence antérieur. Un travail est fait pour réécrire l’histoire de chacun, invalider les contrats précédemment conclus et orienter l’éthique sur la
seule valeur de loyauté au groupe. S’opère alors un modelage conformisant, une instrumentalisation et la mise en place d’une délégation permanente des choix de l’individu
aux dirigeants du groupe. Des renforcements par sanctions et promotions complètent le
training. Le moteur de la peur est utilisé en diabolisant l’univers et en faisant planer la
menace du rejet.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
- In « Raison présente » n° 143, 3e trimestre 2002, emprise sectaire et responsabilité pénale.
Prévention et évaluation du risque
27
Les prédispositions à la mise sous emprise sont d’ordre professionnel ou social.
Il faut d’abord rappeler que l’emprise diminue fortement la conscience de l’être et que les
adeptes sont souvent dans le déni de leur situation. Dans les prédispositions individuelles, on peut noter un très grand désir de progrès personnel et de perfectionnement, une
propension à faire confiance, et un désir de suivre quiconque semble représenter une voie
de sortie du doute et de la culpabilité en simplifiant la marche à suivre. Au plan des déterminismes sociaux, l’emprise répond à un déficit généralisé des modèles de type paternel
exigeants et unificateurs ».
Les fausses promesses portées par un groupe ou un homme charismatiques constituent l’amorce de la première des trois phases de l’emprise mentale : la phase de séduction, suivie de celle de la destruction de la personnalité
et de la reconstruction de nouveaux repères. 2
« L’adepte doit oublier ce qui faisait jusque-là ses références éthiques, sa trame de
lecture du monde pour se plier à la lecture qu’en fait le gourou ». 3
Face à la complexité de déterminer à quel moment un individu, qui
choisit initialement librement de s’en remettre aux exigences de son nouveau
groupe, perd cette liberté par une mise en état de sujétion, le juge pénal a,
dans l’analyse des dossiers de dérives sectaires, dégagé la possibilité de cerner
la notion d’emprise mentale à la fois dans le cadre de l’application de la loi
About-Picard et dans la mise en œuvre des autres textes du code pénal, car il
n’y a pas en France de législation « antisecte » mais des textes de droit commun
pouvant s’appliquer aux dérives sectaires.
1. La prise en compte de l’emprise
mentale dans les décisions de justice
De très nombreux agissements des mouvements sectaires peuvent tomber sous le coup de la loi pénale et ainsi constituer des dérives. Compte tenu de
leur mode d’organisation ou de financement, de l’activité économique qu’ils
développent ou du mode de vie qu’ils revendiquent, certains mouvements à
caractère sectaire se livrent à des formes particulières de délinquance. Il faut
souligner l’importance de se référer à la doctrine du mouvement et à l’intégrer
à l’enquête car elle contient, pratiquement systématiquement, l’idéologie qui
préconise la violation de la loi.
Mais surtout, il faut retenir que l’infraction de droit commun n’a été
rendue possible que parce que la victime a d’abord été détruite psychologiquement, placée sous l’emprise d’un groupe ou d’un gourou. L’emprise est préalable à l’acte délictueux ; le droit commun s’applique donc dans un domaine
spécifique caractérisé par la contrainte.
28
MIVILUDES
▼
- Rapport annuel 2006 de la MIVILUDES, La Documentation française et www.miviludes.fr
- Anne Fournier et Michel Monroy, La dérive sectaire, PUF, 1999.
L’emprise mentale constitutive du contexte
de l’infraction pénale en l’absence de toute
expertise psychologique la constatant
Certaines décisions ne font pas référence à la notion d’emprise mentale dans l’incrimination retenue, mais prennent en compte cette notion dans
la motivation du jugement.
1 - La notion de contrainte psychologique.
Le jugement du 12 mars 2001 du tribunal de grande instance de SaintÉtienne, condamnant plusieurs membres d’un mouvement pour des faits de
corruption de mineurs, fait état de « l’existence d’un véritable climat d’obsession
sexuelle au sein du mouvement, […] d’un problème de sexualité ambiante ». Ainsi, un
père membre du mouvement, reconnaissait avoir interdit à sa fille âgée de 15
ans, de participer au stage d’éveil du mois d’août 1997, craignant d’avoir à
autoriser certains membres du mouvement à proposer à celle-ci des relations
sexuelles.
Les juges ont décrit de façon détaillée les moyens mis en place pour
exercer une contrainte, une emprise psychologique sur les membres du groupe,
parents et enfants, pour les amener à des pratiques illégales. Ils ont constaté
notamment que « les membres majeurs comme mineurs du mouvement, devaient répéter
de façon incantatoire, l’obligation qui leur était faite d’attendre l’âge de 15 ans pour
entretenir des relations sexuelles complètes ; que la nécessité du rappel constant de cette
référence légale, qui se faisait aux dires de Monsieur H. “chaque jour de stage”, témoigne
également de la réalité, au sein du mouvement, d’une incitation permanente des mineurs
à la réalisation exacerbée de leurs pulsions sexuelles ; que de telles incitations auxquelles
les mineurs se soumettaient dans le cadre plus général de leur adhésion aux principes
prônés par le mouvement, caractérisent les faits de corruption au sens de l’article 227-22
du code pénal. »
Le jugement insistait sur l’initiation sexuelle méthodique sous les
encouragements de membres du mouvement. Il constatait que des attouchements ou des relations sexuelles de jeunes adolescentes était conditionnés par
leur appartenance au mouvement raëlien, et en suscitant chez elles le désir
impulsif de réaliser des expériences sexuelles multiples avec des membres du
mouvement.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
La Cour d’appel de Lyon, dans un arrêt rendu le 24 janvier 2002, a
aggravé cette condamnation aux motifs « que les faits commis par les prévenus déclarés coupables présentent une gravité insuffisamment prise en compte par le tribunal ;
que prenant prétexte d’activités religieuses, les intéressés ont utilisé leur appartenance au
mouvement raëlien pour corrompre systématiquement de jeunes adolescentes introduites
dans le groupe en raison de l’aveuglement de leurs parents ; que la débauche des mineures
savamment mise en oeuvre avait pour objet de les faire consentir à des relations sexuelles
dès leur quinze ans accomplis ; que les quatre prévenus ont pris, chacun en ce qui les
concerne, une part active à cette opération concertée de corruption et ont ensuite bénéficié
Prévention et évaluation du risque
29
des faveurs sexuelles accordées par les jeunes mineures préalablement dévoyées ; que les
prévenus ne peuvent soutenir qu’ils seraient victimes d’intolérance à l’égard des adeptes
d’une religion minoritaire dès lors que leurs agissements sont manifestement contraires à
la loi pénale ; que les suivre dans leurs prétentions reviendrait à justifier les comportements
les plus blâmables que leurs auteurs rattacheraient à une pratique religieuse quelconque ;
que les prévenus ne peuvent davantage se prévaloir de la liberté des moeurs actuelles, la
loi et la morale ayant des champs d’application distincts, les atteintes à la liberté ou à la
dignité des personnes restant évidemment réprimées ».
La contrainte psychologique telle que décrite en l’espèce s’apparente à
la mise en état de sujétion de l’article 223-15-2 du code pénal.
Dans un arrêt du 28 mai 2004, la cour d’appel de Paris confirme le
jugement du tribunal correctionnel de Melun du 26 mars 2002, déclarant C.B.
coupable d’agressions sexuelles sur mineur de 15 ans en considérant que l’intéressé, qui était l’amant de la mère de la victime, a exercé sur l’enfant une
contrainte morale en profitant de la permissivité de la mère, de l’aura dont il
bénéficiait au sein de la communauté et du manque de repères éducatifs de ce
jeune enfant.
L’arrêt fait état d‘un enfant terrorisé qui n’osait pas bouger, d’un enfant
qui faisait une grande confiance à son abuseur « qui exerçait une contrainte morale
sur l’enfant qu’il savait sans repères éducatifs, très jeune, sans soutien de la part de ses
parents ». Ce dernier provoquait l’éveil des pulsions sexuelles des enfants en
ayant des relations sexuelles bruyantes avec leur mère en leur présence.
2 - La notion de contrainte psychologique comme élément de contexte.
Un arrêt de la Cour d’appel de Besançon a condamné le 30 octobre
1997 un médecin pour escroqueries à deux ans d’emprisonnement avec sursis et à 150 000 francs d’amende. Des victimes accusaient ce médecin généraliste homéopathe d’avoir convaincu par une argumentation appropriée,
d’user de la dianétique pour soulager leurs maux, essentiellement d’ordre
psychique. L’arrêt constate l’incitation à l’achat du livre de la dianétique,
à assister à des conférences et à remplir le test de personnalité, à suivre des
heures d’audition ou à suivre des cours. Il affirme que le prévenu avait usé
de sa qualité de médecin homéopathe pour inciter certains de ses patients
particulièrement vulnérables sur le plan psychique, car « souffrant de dépression et venus le consulter médicalement » pour « faire naître des espoirs chimériques de
guérison ou de bien-être ».
Cette décision peut être rapprochée d’une décision de la Cour d’appel de Montpellier le 10 octobre 2001, prise dans le domaine du droit civil de
la famille, statuant sur un droit de visite et d’hébergement d’un père, faisant
partie d’un petit groupe de « thérapie ésotérique » sur son enfant.
30
MIVILUDES
▼
L’arrêt a limité ce droit qui devait s’exercer hors du groupe et de ses
membres et sans utiliser le mot dérive sectaire, l’arrêt vise « l’emprise sur les membres du groupe » et les « relations quasi pathologiques […] au niveau mental ». La Cour
motive sa décision sur « la nocivité de modes de pensée qui préconisent la soumission
à des règles dictées par des maîtres invisibles parlant par la voix d’un des membres du
groupe » ainsi que sur « la manipulation de pensée […] sur les membres du groupe ». Et
la Cour en conclut au « réel danger de ces pratiques pour une enfant encore malléable
sur le plan psychologique et affectif ».
L’emprise mentale constitutive du contexte
de l’infraction pénale constatée par une
expertise psychologique
Nombreux sont les agissements des mouvements sectaires qui peuvent
tomber sous le coup de la loi pénale et ainsi constituer des dérives avérées.
Compte tenu de leur mode d’organisation ou de financement, de l’activité économique qu’ils développent ou du mode de vie qu’ils revendiquent,
certains mouvements à caractère sectaire se livrent de façon systématique à des
formes particulières de délinquance.
Les groupements à prétentions thérapeutiques ou guérisseuses s’exposent, par exemple, à commettre des infractions au code de la santé publique,
notamment au titre de l’exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie, ou
des homicides involontaires : les atteintes aux biens, les faits d’escroquerie ou
d’abus de confiance, les tromperies sur les qualités substantielles ou les publicités mensongères sont régulièrement signalés dans certains mouvements proposant des prestations de développement personnel ou d’amélioration sensible et
rapide des potentialités de leurs clients ou de leurs membres.
La mise en œuvre de la répression, dans ces domaines notamment, ne
passe pas obligatoirement par la mise en exergue de l’emprise mentale, de la
mise en état de sujétion. Néanmoins certaines décisions ont pris le soin d’expliquer en quoi les adeptes n’avaient pas de marge de liberté.
1 - La notion d’emprise mentale dans les atteintes aux biens.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
L’arrêt de la cour d’appel de Lyon du 27 juillet 1997 a mis en avant :
« Les techniques de la Scientologie constituées par l’audition, l’audition avec électromètre
et les cures de purification ont été vivement discutées par le docteur Abgrall, expert commis
par le magistrat instructeur. Selon lui, l’audition se présentant comme un banal entretien
entre l’auditeur et « l’audité », en quelque sorte l’élève, constituerait un instrument de
domination sur les personnes malléables ou trop confiantes susceptible d’entraîner au
mieux des troubles affectifs et des crises émotionnelles et au pire des troubles hallucinatoires ou des délires pouvant entraîner la mort par suicide. L’audition avec électromètre,
« appareil électrique ayant pour objet de mesurer les variations de l’état mental du sujet
par les modifications importantes de la résistance électrique », s’inscrirait dans le cadre
d’une thérapie de conditionnement répressive, très éloignée de la quête de liberté ayant
servi à séduire l’intéressé. La cure de purification présentée comme visant à l’amélioration
spirituelle et physique des personnes, par le biais de séances de sauna, d’efforts physiques,
notamment la course à pied, de régime alimentaire et de prises de vitamines, constituerait
Prévention et évaluation du risque31
un amalgame d’affirmations gratuites et d’hypothèses fantaisistes et serait très efficace
dans le cadre d’une manipulation mentale pouvant devenir létale par ses effets toxiques
directs ou indirects, en créant chez le sujet une susceptibilité particulière le rendant apte
à déclencher une pathologie psychiatrique avec conduites dangereuses ou suicidaires. En
définitive, après étude des écrits scientologiques, analyse des dossiers d’adeptes et examen des pratiquants, le docteur Abgrall concluait que la Scientologie était « une secte »
utilisant des techniques médicales et paramédicales essentiellement psychiatriques afin
de provoquer l’endoctrinement, la manipulation mentale et la soumission des sujets psychologiquement fragiles ou immatures pouvant entraîner la folie ou la mort. Selon lui,
l’argument religieux servirait de couverture à la recherche de profits économiques, les
différents services proposés par la Scientologie étant facturés fort cher. Dans cette logique,
l’expert pouvait conclure que le suicide de P. V. était en relation directe et certaine avec
l’application des protocoles d’audition auxquels il avait été soumis. Ces techniques de
conditionnement, accompagnées de prises de vitamines avaient en effet conduit le sujet à
un état d’affaiblissement physique et mental, aggravé par diverses pressions et l’avaient
enfermé dans un dilemme constitué par l’obligation de choisir soit la poursuite d’un parcours scientologique coûteux soit le respect des engagements familiaux, dont il n’avait pu
sortir que par le suicide. »
Les experts psychologues concluaient que la patiente, présentant une
structure psychologique de type névrotique, avait été soumise à une manipulation dans un but d’aliénation, manoeuvre constituant l’antithèse d’une
psychothérapie.
2 - La notion d’emprise mentale dans les atteintes aux personnes liées au domaine
de la santé.
Dans l’affaire du Patriarche, le Tribunal correctionnel de Toulouse, le
9 janvier 2007, a notamment condamné Lucien Engelmajer, fondateur de l’association « Le Patriarche », des chefs d’abus de l’ignorance ou de la faiblesse,
exécution d’un travail dissimulé, abus de confiance, abus de biens sociaux,
faux et usage de faux, blanchiment. Cette décision a été frappée d’appel et le
gourou Lucien Engelmajer est décédé, éteignant ainsi l’action publique à son
encontre.
Au début des années 1970, Lucien Engelmajer créait une communauté
destinée à prendre en charge des toxicomanes. La méthode proposée était
assez simple : après une période de sevrage initial brutal et sans assistance
médicale, les personnes accueillies étaient affectées à des activités d’intérêt
collectif (jardinage, entretien, cuisine), avant d’être dirigées vers des activités
plus rémunératrices pour l’association (recueil de dons, ventes de journaux,
récupération…).
Très critiqué lors de la classification de l’association comme mouvement sectaire par la commission d’enquête parlementaire en 1995, ce centre a
fait l’objet d’un contrôle en 1996, déclenchant une enquête judiciaire.
32
MIVILUDES
▼
Le Tribunal a constaté que la communauté thérapeutique s’était transformée en un contexte communautaire autarcique mêlé de caporalisme et
d’abus de faiblesse, indiquant que Lucien Engelmajer exerçait « une emprise
considérable non seulement sur les pensionnaires, taillables et corvéables à merci, mais
également sur l’encadrement composé exclusivement d’anciens toxicomanes totalement
dévoués et soumis ».
L’état de dépendance initial des toxicomanes était notamment renforcé par la confiscation des documents administratifs des nouveaux pensionnaires, l’interdiction de poursuivre des études, l’intervention auprès des proches
des pensionnaires souhaitant quitter le mouvement afin de les dissuader de
leur accorder leur confiance, des réunions de remise en question, séances de
critique publique particulièrement humiliantes, des violences physiques exercées contre les pensionnaires récalcitrants.
Le Tribunal correctionnel a aussi constaté la confiscation des ressources personnelles (revenu minimum d’insertion, Allocation adulte handicapé,
allocations familiales…) ; l’obligation de travailler jusqu’à 12 heures par jour,
sans rémunération.
De tels comportements mettent l’individu dans l’impossibilité de lutter
contre les emprises sectaires.
2. La mise en état de sujétion
de l’article 223-15-2 du code pénal
Ce texte, qui permet de renforcer efficacement la poursuite des mouvements portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales,
ne concerne pas les seuls mouvements que l’on peut qualifier de sectaires à
raison de leurs agissements. Il est applicable à toutes personnes morales de
droit ou de fait. C’est un texte de droit commun. Le nouvel article 223-15-2 du
code pénal réprime l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation
de faiblesse d’un mineur ou d’une personne particulièrement vulnérable en
raison de son âge, d’une maladie ou d’une infirmité. Il protège aussi, désormais, la personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de
l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer
son jugement pour la conduire à des actes ou à des abstentions qui lui sont
gravement préjudiciables.
Les décisions de justice
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Le dossier du fondateur du mouvement Néo-Phare à Nantes a permis
la première condamnation définitive sur ce fondement. Il s’agissait d’agissements particuliers d’un « gourou », ayant incité un de ses adeptes à se suicider
dans un contexte à connotation religieuse, apocalyptique, ufologique et spirituelle. L’objectif du « gourou » était d’isoler physiquement et psychiquement
les membres du mouvement, de démolir leurs repères pour les soumettre à sa
seule volonté.
Prévention et évaluation du risque33
A.M. était renvoyé devant le Tribunal correctionnel de Nantes pour
avoir abusé frauduleusement de l’état d’ignorance ou de faiblesse de quatre
personnes « en état de sujétion psychologique ou physique du fait de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer leur jugement, commises dans
le cadre des activités du groupe Néo-Phare, en l’espèce leur soumission à un conditionnement psychologique fondé sur l’utilisation de thèmes apocalyptiques, mystiques et ésotériques déstabilisante, la croyance à des phénomènes paranormaux et à des injonctions
venant de l’au-delà par l’entremise d’un nouveau messie, la notion de membres élus
sauvés de l’apocalypse par des extra-terrestres, un fort degré d’empathie au sein du groupe,
l’exclusion d’adeptes réfractaires et la valorisation des plus dociles, un état d’affaiblissement physique dû à la fatigue résultant d’un conditionnement doctrinal intense et à
des privations de nourriture, le rejet de tous les repères et attaches extérieurs impliquant
notamment le renoncement des adeptes aux liens affectifs et professionnels avec l’extérieur
et l’acceptation du remodelage des couples, ceci pour les conduire à des actes ou omissions
qui leur étaient gravement préjudiciables, en l’espèce le fait d’adhérer sans réserves à des
thèses annonçant le salut d’un groupe élu grâce à l’arrivée d’extraterrestres… »
Le 25 novembre 2004 le Tribunal correctionnel de Nantes condamnait
A.M. à trois ans d’emprisonnement avec sursis. La Cour d’appel de Rennes
confirmait le 12 juillet 2005 ce jugement, mais ajoutait une amende pour le
gourou de 10 000 euros et la confiscation des objets saisis.
1 - L’état de sujétion psychologique comme élément constitutif de l’infraction.
L’accent a été mis dans ces décisions à la fois sur la fragilité des adeptes
et sur les techniques de manipulation mentale.
S’agissant des membres du groupe, les juridictions ont mis en avant
« l’extrême fragilité », la « véritable admiration » pour le gourou et en contre-partie
l’ascendant que ce dernier exerçait, « la dégradation de l’état psychique » due à
l’absence de sommeil, un « épuisement psychique », un membre cherchant « manifestement à comprendre les propos bien hermétiques » du gourou, un climat oppressant
au sein du groupe, une soumission totale à « l’âme-sœur » amenant à la réalisation de relations sexuelles consenties quoique non désirées et une confiance
absolue.
Le Tribunal correctionnel constate que « de telles déclarations témoignent
d’un état de sujétion psychologique confirmé par l’expertise médico-psychologique qui souligne la personnalité immature, particulièrement vulnérable et influençable. »
2 - Les techniques propres à altérer le jugement et les pressions graves et répétées.
Le Tribunal et la Cour ont constaté que cette emprise mentale du gourou sur ses adeptes résultait de pressions graves ou répétées propres à altérer
le jugement.
34
MIVILUDES
▼
En effet, le contenu des réunions généralement enregistré à l’initiative
de A.M., démontre la mise en œuvre de techniques de déstructuration de la
pensée, confirmées par l’expert psychiatre dans son rapport ainsi que par le
visionnage des cassettes vidéo à l’audience.
Les thèmes développés au cours de ces réunions (attente de l’apocalypse, sauvetage de l’humanité, attente des extra-terrestres, rôle de nouveaux
apôtres) et les techniques employées (communication avec l’au-delà, transes,
mises en scène de phénomènes paranormaux, examens de passage plus ou
moins humiliants) avaient pour seul but le conditionnement psychologique.
De même, par l’exclusion du groupe des réfractaires, « ceux qui restaient pouvaient se sentir valorisés et ainsi prêts à se soumettre davantage pour éviter l’exclusion ».
A.M. a utilisé des techniques d’exploitation d’un état d’épuisement dû
à une nourriture frugale et à des discussions sans fin jour et nuit.
Il a enfin usé de ces techniques pour se faire admettre en qualité de
messie.
3 - Dans le but de conduire les personnes à des actes ou à des abstentions
gravement dommageables.
L’engagement des adeptes était total. Il a également été relevé des ruptures sociales, familiales et professionnelles. Et cela découlait d’une véritable
stratégie, d’une volonté du gourou d’obtenir des adeptes qu’ils se consacrent
aux activités du groupe.
Les experts n’ont pas jugé le gourou convaincu, étant « suffisamment
intelligent pour adapter son discours en fonction de ses interlocuteurs ».
Les difficultés de mise en œuvre
La principale difficulté est de prouver l’état de régression psychologique favorisant l’état de dépendance créé par la mise sous sujétion. Comment
montrer que le processus initiatique d’entrée dans le mouvement sectaire
repose sur une stratégie mensongère qui amène l’adepte à entrer librement,
séduit par le mirage ? Ce n’est qu’ensuite qu’il perd sa liberté lorsque l’emprise
est exercée : il faut alors prouver que l’appartenance au mouvement n’est librement consentie qu’en apparence.
1 - Une infraction qui se heurte à de nombreuses difficultés.
En l’espèce, dans le procès Néo-Phare, l’expert psychiatre a eu un rôle
déterminant tant à l’instruction (rapport de 50 pages) qu’à l’audience : il a mis
en lumière un type de relations très particulier entre les personnes à partir de
l’étude des textes (doctrine) et des vidéos rapportant les séances du groupe
(trois heures de visionnage à l’audience d’une sélection de séances filmées par
le groupe lui-même et établissant l’emprise mentale).
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Mais il ne faut pas méconnaître divers problèmes qui se posent dans le
traitement des procédures sur le fondement de cet article :
– le caractère clandestin des mouvements rend les investigations plus difficiles
à mettre en œuvre et quasiment impossibles dans les mouvements sectaires
fermés, certains d’entre eux développant une véritable paranoïa ;
Prévention et évaluation du risque35
– la complexité des procédures liée à l’opacité des mouvements nécessite une
parfaite connaissance du phénomène de l’emprise mentale par les institutions
mettant en œuvre la répression ; on voit encore trop de motivations reposant
sur « l’adulte libre de ses choix » ou sur la confusion entre liberté de conviction et
domination d’un individu ou d’un groupe sur un individu sous sujétion ;
– les difficultés de preuves qui en découlent et impliquent la mise en œuvre de
moyens techniques sophistiqués, peuvent paraître disproportionnées au début
d’une enquête. Notamment, se pose le problème de la preuve de l’emprise
ou du consentement apparemment libre mais vicié. La victime semble ne pas
présenter de facteurs de vulnérabilité innée au vu de l’expertise psychologique
ou psychiatrique ;
– la rareté des plaintes liée au fait que, souvent, les victimes se taisent durant
les faits et, par honte ou peur de ne pas être crues, durant un temps généralement assez long après la sortie du mouvement sectaire ;
– la peur de diligenter une procédure et de faire face aux représailles et au
harcèlement des adeptes face à des stratégies de défense, très offensives et très
organisées, une volonté de faire obstacle à la vérité, des constitutions de partie
civile « factice » avec de vraies victimes mais toujours sous emprise et portant la
doctrine du mouvement depuis le banc des parties civiles pour discréditer les
accusations des « vraies victimes ».
2 - Une infraction qui pourrait être plus utilisée dans la répression des dérives
sectaires.
Il convient dans un premier temps de souligner le rôle essentiel des
associations de défense des familles pour protéger et assister la victime, l’aider
à parler de ce qu’elle a vécu et pour la défendre à l’audience. La contribution des experts, notamment psychiatres et psychologues, est primordiale pour
décrire les liens d’emprise entre l’adepte et le « gourou ».
Les proches et les familles peuvent avoir un comportement constructif
dans la démarche de recherche de la vérité. Ils peuvent dans un premier temps
repérer les signes d’entrée dans le mouvement sectaire :
– langage différent propre au groupe ;
– modification des habitudes alimentaires, vestimentaires, gestuelles… ;
– refus de soins ;
– engagement exclusif au profit d’un groupe ;
– rejet des proches ;
– perte du sens critique.
Tout en gardant un contact chaleureux et sans opposition, il est recommandé dans un deuxième temps de bien comprendre la doctrine du mouvement qui aura été identifié et auquel le proche aura adhéré, ainsi que le fonctionnement du groupe et le décodage du vocabulaire spécifique.
36
MIVILUDES
▼
Il sera ainsi plus facile de fournir aux enquêteurs saisis du dossier,
le maximum de renseignements sur les actes répréhensibles commis par le
groupe.
Les enquêteurs pourraient utilement mettre en oeuvre des moyens
techniques permettant d’établir la mise en état de sujétion ainsi que les éventuels non respects des textes légaux.
Il paraît particulièrement indispensable de développer une meilleure
connaissance du phénomène sectaire et de ses dérives pour l’ensemble des
partenaires institutionnels. La création d’un groupe d’enquêteurs ayant une
parfaite connaissance du phénomène serait une avancée pour lutter efficacement contre les dérives des mouvements sectaires.
Conclusion
Les notions d’emprise mentale et de mise en état de sujétion, qu’elles
soient un des éléments matériels de l’infraction ou qu’elle ne constituent que
le contexte de cette dernière, sont toujours un préalable à la mise en œuvre
d’une dérive sectaire.
La connaissance ainsi que la compréhension de ces notions, par l’ensemble des acteurs administratifs et judiciaires en charge de la prévention et de
la répression des dérives sectaires, sont donc la principale garantie de l’efficacité de l’action de l’État dans ce domaine.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Passer à côté de ces notions, c’est abandonner les victimes au bord du
chemin.
Prévention et évaluation du risque37
Les dérives
psychothérapeutiques :
le cas des faux souvenirs
induits
Le philosophe Paul Ricoeur déclarait à propos de ses travaux sur une
juste représentation du passé, objet d’un ouvrage : « La mémoire, l’histoire,
l’oubli », publié aux éditions du Seuil en septembre 2000 :
« Je reste troublé par l’inquiétant spectacle que donne le trop de mémoire ici, le
trop d’oubli ailleurs, pour ne rien dire de l’influence des commémorations et des abus de
mémoires- et d’oubli. L’idée d’une politique de la juste mémoire est à cet égard un de mes
thèmes civiques avoués. »
Cette préoccupation révèle l’importance des acquis du passé et la
volonté des contemporains à décrypter le sens de nos souvenirs à un niveau
collectif comme individuel.
S’agissant de la personne, ce recours banalisé « aux souvenirs » n’est pas
sans risque de dévoiement et de manipulation de nos mémoires, notamment
dans les démarches de développement personnel, professionnel ou à l’occasion de prises en charge thérapeutiques. Un certain nombre de méthodes psychothérapeutiques, en intégrant le vécu des individus et celui de leur famille,
sollicite la réminiscence des souvenirs.
Un exemple dramatique de falsification et de détournement de la
mémoire réelle ou imaginée par des praticiens incompétents ou poursuivant
des objectifs d’asservissement des personnes leur accordant leur confiance est
le phénomène appelé « syndrome des faux souvenirs ».
1. Naissance d’un phénomène
dangereux
Définition des faux souvenirs induits
Plusieurs définitions au demeurant concordantes en sont données.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Pour l’association nord-américaine luttant contre les méfaits de ce syndrome http://www.sceptiques.qc.ca/dictionnaire/falsememory.html, « le faux
Prévention et évaluation du risque39
souvenir est une expérience déformée par la mémoire du sujet qui l’a vécu ou encore un
souvenir imaginaire résultant d’un fantasme qui a remplacé inconsciemment un fait
dans la mémoire. »
« Le faux souvenir induit résulte de techniques d’auto-suggestion ou d’une
influence indue qu’exercent certains thérapeutes. »
Il existe plusieurs sortes de faux souvenirs :
« Des faux souvenirs de maltraitance,
Des faux souvenirs de viols, d’incestes (la personne accusée étant souvent le père
parfois le frère) ou d’abus sexuels par une autre personne faisant figure d’autorité (enseignant, prêtre, nourrice, ami de la famille…)
Ou encore des faux souvenirs de vies antérieures ou d’enlèvements par des
extra-terrestres » (http://pages.globetrotter.net/mleblank/msd/fauxsouvenirs1.
html)
Enfin pour l’association française « Alerte Faux Souvenirs Induits »
(AFSI), « le syndrome de la fausse mémoire peut être identifié lorsqu’il n’est précédé par
aucun souvenir de même nature pendant les 20-30 années antérieures et qu’il apparaît brusquement au cours ou à la suite d’une thérapie basée sur la recherche des souvenirs d’enfance et commence à altérer le jugement et la personnalité des jeunes patients
adultes. »
L’apparition du phénomène
Né dans la seconde moitié du vingtième siècle sur le continent nordaméricain et particulièrement aux États-Unis, ce phénomène dangereux
émerge dans un contexte d’évolution des mentalités notamment autour des
tabous sexuels et de croissance d’un marché de l’offre psychothérapeutique
utilisée aussi bien dans des situations thérapeutiques, que dans les stratégies
professionnelles ou d’accompagnement d’un mieux-être.
Le syndrome du faux souvenir est le fait de praticiens ramenant systématiquement toutes les difficultés de la personne à des souvenirs occultés souvent depuis la prime enfance, de maltraitances tels l’abus sexuel (viol, inceste)
dans l’entourage familial, au cours de rites sataniques ou encore d’expériences
d’enlèvements par des extra-terrestres.
40
MIVILUDES
▼
En outre, le fait que ces maltraitances touchent des mineurs au moment
des faits réels ou supposés, a mobilisé l’opinion publique et a légitimé un traitement prioritaire de ces cas par les services sociaux, policiers et judiciaires
dans la prise en charge des victimes et la poursuite des agresseurs désignés.
L’épidémie de dénonciations, dont un grand nombre diffamatoire, plongeant les familles dans des drames douloureux, aurait, selon la False Memory
Syndrome Foundation, créée en 1992 à l’initiative des familles victimes avec le
soutien de juristes et de scientifiques, entraîné l’ouverture de 1 800 enquêtes et
le déroulement de 736 procès.
Le psychologue américain Robert A. Baker dans son ouvrage « Hidden
Memories » (Mémoires cachées) révélait l’explosion du phénomène qui, de
sources statistiques officielles, concernait 160 000 cas d’abus sexuels infantiles en 1967 et 1 700 000 en 1985 dont 65 % sans fondement selon ces mêmes
sources.
La multiplication des situations dramatiques et l’absence démontrée
de fondements scientifiques dans le parti pris que tout dysfonctionnement de
la personnalité a une cause unique, « l’abus sexuel », ont entraîné une riposte
des victimes par la création d’organisations comme la False Memory Syndrome
Foundation, et au travers de publications scientifiques établissant le caractère
erroné et dangereux d’une approche aussi dogmatique.
Deux ouvrages illustrent plus particulièrement outre-atlantique cette
riposte du parti des victimes et du mouvement des sceptiques :
– syndrome des faux souvenirs d’Elisabeth Loftus et Katherine Ketcham paru
en 1997 ;
– faux souvenirs et désordre de la personnalité multiple, une perspective sociocognitive, de Nicholas P. Spanos en 1998.
Ce phénomène, bien que fortement dénoncé, s’est largement répandu
sur le continent nord-américain, au Japon, en Australie et bien évidemment en
Europe.
En France, une dérive sectaire fortement empreinte du syndrome des
faux souvenirs induits comme outil de manipulation des adeptes et de rupture
avec leur famille est celle du groupe Saint-Erme à la fin des années 1970 et au
début de la décennie 1980.
Le groupe Saint-Erme et l’induction de faux
souvenirs
Ce groupe est à l’origine un institut séculier fondé et dirigé par Marcel
Cornélis, prêtre catholique belge, assisté d’une dizaine de permanents. Au plus
fort de son développement, il regroupe environ 450 membres dont 72 médecins, une vingtaine de professeurs d’université, des psychiatres, psychologues
et autres professions de santé. Le groupe est implanté dans ou à proximité des
villes universitaires françaises et belges.
À la fin des années 1970, le groupe également appelé « La famille de
Nazareth » se transforme en SCI « Le Haut de Saint-Erme » doté par ailleurs
de deux départements scientifiques, la société internationale de recherche
interdisciplinaire sur la communication (SIRIC) et la société internationale de
recherche interdisciplinaire sur les maladies (SIRIM).
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Seront mises en oeuvre sous l’influence de son fondateur des pratiques
de transes et diffusées des croyances comme le don des langues, les miracles
ou des prophéties sur le règne de Satan et la fin des temps. Ces extravagances
entraîneront sa rupture avec l’Église catholique.
Prévention et évaluation du risque
41
À l’issue d’une enquête sur l’évolution du groupe, le Père Jacques
Trouslard déclarait dans la revue de l’UNADFI, Bulles, parue au premier trimestre 1991 :
« Étudiant les problèmes de la vie quotidienne à la lumière du fonctionnement
du cerveau, la SIRIC et la SIRIM proposent à leurs adeptes et à tous les lecteurs, une
théorie globale, nouvelle et unique de la psychopathologie et de la psychosomatique. La
méthode psychothérapeutique est simple : on assure l’autonomie et l’épanouissement harmonieux de la personne en la mettant en garde contre la relation dominant/dominé,
source de toutes les dépendances et de toutes les maladies. En fait, ces théories et cette thérapie prétendument scientifiques sont l’occasion pour Marcel Cornélis d’entrer et de faire
entrer ses disciples dans une violente diatribe contre la femme, la mère, les psys, l’Église,
les chefs d’entreprises, les médias… »
Une conséquence de la mise en œuvre de cette théorie psychothérapeutique, destructrice de la personne et de la famille, fut au sein de ce groupe
l’explosion du phénomène des faux souvenirs induits. Les adeptes adressaient
à leurs parents des courriers injurieux et calomnieux dénonçant des relations
incestueuses dans leur petite enfance.
Ces démarches conformes aux écrits du fondateur ont illustré les mécanismes de manipulation des adeptes et de caractérisation d’une dérive sectaire
suivant trois phases : la séduction, la déstabilisation principalement par l’induction de faux souvenirs entraînant des ruptures familiales particulièrement
douloureuses, et la mise en état de sujétion de l’adepte.
Entré dans un délire particulièrement agressif, le groupe rejettera violemment toutes critiques ou dénonciations émanant soit d’anciens adeptes et
leurs familles au sein de l’association pour la promotion et la défense de l’individu et de la famille (APEIF), soit de campagnes de presse ou de l’ouvrage
publié aux éditions du Cerf sous le titre « Radiographie d’une secte au-dessus
de tout soupçon » par Olivier Braconnier.
Portant plainte pour diffamation contre l’association, les journalistes et l’éditeur, Le Haut de Saint-Erme perdra finalement son procès et se
disloquera.
Cette affaire impliquant plus de deux cents familles accusées de
relations incestueuses sans preuve établie, illustre une dérive sectaire d’une
ampleur certaine dans laquelle le phénomène des faux souvenirs induits est
constaté.
42
MIVILUDES
▼
Par son ampleur et sa gravité, le syndrome des faux souvenirs induits
a rapidement mobilisé les victimes et suscité des études et des publications
de la communauté scientifique, en particulier sur les mécanismes de la
mémoire.
2. Un phénomène en progression
Pour autant, loin de régresser, il se développe aujourd’hui de manière
inquiétante. Il est à l’origine d’une multiplication d’initiatives associatives de
défense des victimes et au premier plan, des familles déchirées au sein desquelles
un de leurs membres, le plus souvent le père, est calomnieusement accusé du
délit voire du crime d’abus sexuel (inceste, viol…).
Un dispositif associatif spécifique
Dans le sillage d’associations généralistes de prévention et de défense
des victimes de dérives sectaires comme l’Union nationale de défense des individus et de leur famille (UNADFI), le centre de documentation, d’éducation et
d’action contre les manipulations mentales – centre Roger Ikor (CCMM), ou
encore le groupement d’étude des mouvements de pensée en vue de la prévention de l’individu (GEMPPI), plusieurs sites d’information et de lutte sur internet pointent, à titre principal ou dans des proportions croissantes au cours des
dernières années, les pratiques psychothérapeutiques déviantes comme outil
d’emprise mentale par l’induction de faux souvenirs chez les patients/clients.
Sans prétendre à l’exhaustivité, sont plus particulièrement concernés :
– le centre d’information et de prévention sur les psychothérapies abusives et
déviantes (CIPPAD)
– Prévensectes
– Psychovigilance
– France-FMS (False Memory Syndrom).
– AFIS (Association Française pour l’Information Scientifique)
Deux associations, à titre principal sinon exclusif, agissent pour aider
les victimes du fléau des faux souvenirs induits :
– AFSI (Alerte Faux Souvenirs Induits) créée en juillet 2005 pour venir en aide
aux familles et aux patients abusés
– AEFCAS (Association d’entraide aux familles confrontées à des accusations
soudaines)
Cette multiplication d’initiatives associatives est la réponse à la montée
d’un phénomène à l’origine de drames comme les divisions et ruptures familiales, l’apparition de maladies et en particulier de dépressions nerveuses, les
suicides, et d’ouverture de procédures policières et judiciaires avec le risque de
condamnation d’innocents.
Rapport au Premier ministre 2007
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Plusieurs constats expliquent la montée de ce risque et la multiplication des signalements et des affaires de faux souvenirs induits.
Prévention et évaluation du risque
43
Un besoin d’accompagnement psychologique,
une demande en hausse
Le culte de la performance dans la sphère privée de l’individu, dans ses
activités professionnelles, son droit au bien-être, la conviction répandue que le
mal-être naît souvent dans l’histoire familiale et l’effacement des repères et des
institutions religieux et moraux ont, au cours des dernières décennies, promu
le recours aux accompagnements psychothérapeutiques. La demande a considérablement augmenté et ces accompagnements sont requis dans la résolution
des difficultés de santé, de scolarité, de travail, à la suite de catastrophes dans
l’aide aux victimes et bien évidemment dans les démarches de développement
personnel.
La croissance des effectifs de praticiens, une offre
en hausse
Face à cette demande croissante, l’offre, toutes natures de prestations
confondues, a conjointement progressé à travers trois catégories.
1 - Les médecins psychiatres.
Dans l’étude coordonnée par Magali Coldefy, intitulée « La prise en
charge de la santé mentale », recueil d’études statistiques publié en 2007 par la
Documentation française, le nombre de psychiatres recensés au 1er janvier 2005
ressort à 13 600 professionnels, en augmentation de 18 % par rapport à 1990.
Après un rythme de croissance soutenu de 5 % par an entre 1985 et 1990, le
taux varie de 2 à 3 % de 1990 à 1995 pour atteindre ensuite et jusqu’à présent
une progression annuelle de 1 %.
2 - Les psychologues.
Titulaires de diplômes universitaires, ces professionnels seraient environ 35 000, principalement répartis entre la sphère éducative comme psychologues scolaires – conseillers d’orientation, et les établissements de santé.
3 - Les psychothérapeutes.
Il s’agit des praticiens rémunérés pour leurs psychothérapies quelle(s)
que soi(en)t leur(s) méthode(s), leur profession ou leur formation d’origine.
Ainsi selon la Fédération française de psychothérapie et de psychanalyse (FF2P), cette catégorie regrouperait entre 10 000 et 15 000 praticiens
dont 10 à 15 % de médecins, 20 à 30 % de psychologues, 20 % de travailleurs
sociaux, 20 % de professions paramédicales et 10 à 15 % d’origines diverses.
44
MIVILUDES
▼
Ce panorama des métiers de l’accompagnement psychologique, outre
la perméabilité des trois catégories, met en évidence une insuffisance voire une
absence de formation initiale dans les disciplines concernées, pour plus de la
moitié des psychothérapeutes recensés par une fédération professionnelle, soit
un ensemble de 5 000 à 7 000 praticiens. Ce constat, s’il ne doit pas aboutir à
la conclusion hâtive que la moitié au moins des psychothérapeutes aurait des
pratiques charlatanesques et dangereuses, est néanmoins un facteur de risque
aggravé dans ce secteur de prestations où l’appellation « psychothérapeute »
n’est pas encore encadrée dans l’attente du dispositif réglementaire prévu à
l’article 52 de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.
Par ailleurs si les organisations professionnelles des psychothérapeutes, notamment autour de méthodes, établissent dans un certain nombre d’entre elles,
des chartes de bonnes pratiques, celles-ci correspondent le plus souvent à des
recommandations internes sans évaluation ni certification indépendante et
autorisée.
Dans ces conditions, le choix éclairé d’une psychothérapie n’est pas sans
risque dont celui de l’emprise mentale dans le cadre d’une dérive sectaire.
Des méthodes vulnérables aux mauvaises pratiques
Delphine Guérard, psychologue clinicienne auprès de l’association
« Alerte Faux Souvenirs Induits » distingue dans une approche analytique,
trois catégories de méthodes plus particulièrement vulnérables aux mauvaises
pratiques :
• « Des méthodes manuelles de traitements énergétiques associés à des massages comme la
Reprogrammation énergétique,
• des méthodes psychothérapeutiques intensives et systématiques qui solutionnent en profondeur les problèmes psychologiques telles que la Catharsis Glaudienne,
• des méthodes relatives aux thérapies de l’approche transgénérationnelle. »
Les postulats et principes fondateurs et communs à ces méthodes peuvent expliquer leur vulnérabilité.
1 - Les postulats.
« L’individu est considéré dans une vision globale physique, émotionnelle, vibratoire et mentale conforme à l’unité de la personne, les maladies physiques ou mentales
naissent de chocs émotifs violents vécus dans l’enfance. La pathologie est essentiellement
le résultat d’un dysfonctionnement émotionnel.
La guérison est subordonnée à la récupération vécue de la mémoire occultée. »
2 - Les principes.
• « La vérité du subconscient.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Tout est enfoui et inscrit dans le subconscient : les réponses aux questions sur
soi et la clé des vérités fondamentales de la personne (informations, expériences passées,
dissimulées, oubliées, occultées qui ont une influence déterminante auxquelles le conscient
n’a pas accès). Il apporte la vérité qui libère. Il est un révélateur et donc un guérisseur.
Grâce à un état de relaxation, le subconscient livre l’information en permettant de revivre
intensément les scènes du passé complètement ou partiellement occultées.
Prévention et évaluation du risque
45
• Le mécanisme de l’occultation.
L’individu dispose d’un mécanisme de défense particulier, l’occultation, pour
protéger son équilibre physique et psychique. Chaque fois que la tension émotive est trop
forte, il peut totalement rayer de sa mémoire un événement physique et moral traumatisant
s’il est incapable de l’accepter ou de le comprendre. Depuis le subconscient, les chocs émotifs
occultés opèrent à notre insu une sorte de pollution génératrice de désordres physiques ou
mentaux. Il faut les tirer de l‘oubli et les ramener à la conscience afin qu’ils perdent leur
pouvoir perturbateur. L’objectif est de rétablir un lien entre le subconscient et la conscience,
car c’est en revivant les évènements occultés, en les ramenant au niveau du conscient, que
les symptômes disparaissent et que la guérison intervient.
• Le corps mémoire.
Le corps est porteur et témoin des mémoires individuelles, familiales et collectives. Il est le support de nos sensations et de nos expériences. Il nous résume. Le corps est
considéré comme réceptacle de toutes les expériences de vie inconscientes et conscientes.
Le corps garde en mémoire tout ce qui s’est réellement passé et reflète notre histoire. Il ne
ment pas. On peut y déceler nos défaillances en l’interrogeant par des pressions révélant
les points de blocage, les excès ou les baisses d’énergie. Tout est inscrit dans le corps.
Lorsqu’un individu vit un événement, le corps réagit à l’insu de la conscience en laissant
des empreintes. Avec le temps, ces empreintes perturbent l’équilibre général de l’organisme.
Les tissus commencent à se rétracter. Des tensions, un mal-être ou des troubles fonctionnels
apparaissent. Un traumatisme affectif, émotionnel ou physique s’inscrit dans la musculature représentant une mémoire traumatique, une sorte de signal d’alarme, d’appel à
l’aide. Ainsi, le corps donne des informations. Il est langage qu’il faut savoir décoder,
décrypter et interpréter.
• Le recours aux chakras (centres énergétiques).
Au nombre de sept, ils canalisent une énergie spécifique et influent directement
sur notre vie physique et psychique. Chacun correspond à un type particulier d’émotions
et d’instincts à gérer. En interrogeant le patient en état modifié de conscience, le thérapeute
décrypte le niveau de préoccupation du subconscient. Un travail énergétique sur le corps
permet de détendre localement tensions et blocages énergétiques.
• La purification émotionnelle
Il faut libérer les blocages émotionnels pour guérir les blessures de l’enfance et
pour supprimer les malaises qui en découlent. L’importance est donnée à l’évacuation
des émotions négatives, conscientes et inconscientes, car elles s’accumulent dans le corps,
entraînant des blocages autant physiques que psychiques. Il faut détecter les blocages pour
s‘en libérer. Ce processus s’accompagne d’une prise de conscience.
• La libération des mémoires internes, familiales, héréditaires et des mémoires
collectives.
46
MIVILUDES
▼
Il s’agit de déceler les vécus négatifs inscrits dans les mémoires d’un individu,
de les libérer et de les remplacer ou de les intégrer. Des recherches généalogiques permettent
de découvrir les répétitions et les transmissions des problèmes entre les générations sur un
modèle héréditaire. Leur découverte entraîne une prise de conscience permettant de rompre
le processus de répétition.
• L’auto-guérison.
Ces méthodes prétendent aider l’individu à renouer avec des souvenirs ou des
sensations qui sont totalement oubliés mais source de son malaise présent. En fait, c’est le
patient qui se guérit lui-même en prenant conscience et en intégrant son propre vécu. »
Ces fondements maximalisent la probabilité d’obtenir des souvenirs
déformés, inexacts et parfois complètement illusoires.
Pour Delphine Guérard, « l’usage que l’on fait d’une méthode est déterminant de sa nuisance. »
Anne Ancelin Schutzenberger, thérapeute et fondatrice de la psychogénéalogie, outil de décryptage des liens familiaux, de leur transmission et
de la chaîne transgénérationnelle, met en garde les lecteurs de Psychologies
Magazine paru en décembre 2007, contre le mauvais usage de sa méthode
« Aujourd’hui, n’importe qui peut se prévaloir d’utiliser la psycho-généalogie sans avoir
suivi une formation sérieuse, à la fois universitaire et clinique. Certains ont une telle
ignorance du sujet qu’ils font des erreurs grossières d’analyse et d’interprétation et mettent
leurs clients sur de fausses voies. »
3. Physionomie de récents cas de faux
souvenirs induits
L’AFSI (Alerte Faux Souvenirs Induits), depuis sa récente création en
juillet 2005, a été sollicitée sur plusieurs centaines de drames familiaux. Tous
les signalements ne concernaient pas des situations familiales dans la tourmente du syndrome des faux souvenirs induits. En outre, l’association n’a pas
écarté le risque d’être abusée par de faux témoignages dont ceux d’authentiques auteurs d’abus sexuels.
Des deux cents situations consolidées, l’AFSI dégage les constats suivants :
Le profil des victimes accusatrices
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Pour 80 %, ce sont des femmes jeunes dont l’âge moyen ressort à 33 ans
avec un écart de 19 à 52 ans. Les faits prétendument dénoncés remontent soit
à la période avant quatre ans, soit jusqu’à dix, onze ans ou plus vaguement
« quand j’étais petite ». Les accusations sont principalement intervenues au
début des années 2000 et l’AFSI s’interroge sur une éventuelle contagion avec
le procès belge du pédophile Marc Dutroux et l’affaire judiciaire d’Outreau.
Les faits accusateurs restitués dans la mémoire occultée, remontent au moins à
vingt voire quarante ans. Ainsi les « accusatrices » seraient plus sensibles à l’induction par un thérapeute de faits d’abus sexuels.
Prévention et évaluation du risque
47
Leur description concerne plutôt des images que des sensations. Les
personnes accusatrices ont suivi, dans la grande majorité, des études supérieures et occupent des fonctions de cadre.
Les psychothérapeutes
Dix pour cent sont médecins (psychiatres et homéopathes), dix pour
cent psychologues, seize pour cent kinésithérapeutes et soixante-quatre pour
cent d’origines diverses.
Les relations nouées avec leurs clients dépassent la sphère professionnelle et sont qualifiées d’amicales.
Par ailleurs l’AFSI constate une similitude entre le comportement de ces
thérapeutes déviants et le fonctionnement de groupes à caractère sectaire :
• « Cloisonnement du groupe
• Imposition de l’omerta à l’extérieur du groupe
• Cherté des séances de thérapies
• Punitions financières du membre dissident
• Pression et menace sur le dissident envisageant le départ du groupe »
Les psychothérapies
Elles sont l’objet de nombreux stages et séminaires répartis sur l’année
en plusieurs week-ends ou semaines. Elles peuvent se dérouler sur plusieurs
années.
Les méthodes
Toutes ne sont pas connues précisément. Néanmoins dans un certain
nombre de cas, ont été cités :
• L’hypnose
• La sophrologie
• La psychogénéalogie
• Le décodage biologique des êtres vivants
• Les massages énergétiques
• La communication facilitée
• La gestalthérapie
• Le yoga méditation
• Le psycho-théâtre
• La musicothérapie
• La consommation d’iboga
Le profil des victimes accusées
48
MIVILUDES
▼
Les victimes accusées appartiennent au cercle familial restreint et sont
de sexe masculin dans quatre-vingt seize pour cent des deux cents cas traités
par l’AFSI, soit principalement les pères (80 %) puis les grands-pères (10 %)
et enfin les frères, oncles et autres proches (6 %). Les mères pour la gent féminine ne sont accusées que dans 4 % des situations.
Les conséquences
1 - La santé des victimes.
Elles se manifestent sur la santé des victimes, celle des accusées comme
celle des accusatrices. Deux parents, après leur mise en cause dans des accusations d’abus sexuels, se suicident. Des parents et grands-parents après les accusations ont développé des pathologies graves : maladies cardiaques, cancers,
dépressions nerveuses. Chez les accusateurs, l’AFSI signale des tentatives de
suicide et des hospitalisations d’urgence en établissement psychiatrique.
2 - Les procédures judiciaires.
Elles se traduisent par des plaintes devant la justice. Certains parents
ont été entendus comme témoins. D’autres ont quitté leur domicile les poignets menottés, ont fait l’objet de mises en garde à vue et de fouille de leur
domicile, de mises en examen pendant de longs mois jusqu’au déroulement du
procès. Toutes ces affaires ont été déclarées sans suite par la justice.
3 - Les séismes familiaux.
Elles se traduisent également par la mise en cause calomnieuse des
grands-parents sur la personne de leurs petits-enfants, les privant dans certains
cas définitivement de leur présence. En l’absence de saisine de la justice, les
accusés se qualifient « de présumés coupables à vie ».
De plus, l’accusation fausse d’un parent pour des faits aussi graves,
cause des fractures familiales et des destructions psychiques hors du commun.
Conclusion
Le syndrome du faux souvenir induit, dès lors qu’il concerne des abus
sexuels, est une arme particulièrement efficace de déstabilisation et de mise en
sujétion de l’individu. Il atteint dangereusement l’auteur présumé d’abus sur
mineurs en l’exposant à de lourdes sanctions pour fait criminel.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
La multiplication des témoignages et des situations douloureuses est
très probablement et pour partie, la conséquence d’une multiplication et
d’une diffusion rapide de méthodes psychothérapeutiques à travers des pratiques dévoyées. Si le bien-fondé de leur mise en œuvre pour une majorité
d’entre elles n’est pas à mettre en doute dans de nombreuses circonstances de
la vie d’un individu, les défaillances voire l’inexistence d’un encadrement des
formations et des pratiques sont un encouragement pour les charlatans ou les
gourous développant des entreprises sectaires.
Prévention et évaluation du risque
49
Face à cette situation, des mesures sont à mettre en oeuvre rapidement
pour éclairer et protéger l’individu dans l’accès aux soins ou aux prestations
à visée psychothérapeutique et pour garantir ses droits au sein de la famille et
face à la justice.
Des évaluations indépendantes agréées par l’autorité publique, une
large information sur les indications et les limites des méthodes sont nécessaires pour contenir et éradiquer un phénomène dangereux.
L’acquisition minimale de connaissances et d’apprentissages, conjointement arrêtée par l’autorité publique et les organisations professionnelles, doit
garantir la qualité et la sécurité dans les métiers de l’accompagnement psychologique dont celui de psychothérapeute quel que soit le domaine d’exercice.
50
MIVILUDES
▼
Les agents publics des services administratifs, de police et de l’ordre
judiciaire doivent bénéficier d’actions de sensibilisation aux risques induits par
des pratiques déviantes et manipulatrices, pour garantir une juste application
du droit et un accompagnement des victimes dans l’exercice de leurs missions.
Cette nécessité de connaissance du phénomène est d’autant plus indispensable, que la preuve de son existence est difficile à apporter.
2
e
Partie
Enfance et éducation
Les suites de la Commission
d’enquête parlementaire
« L’enfance volée »
« L’enfance volée : les mineurs victimes de sectes » est le Rapport publié en
décembre 2006, qui clôt les travaux de la 3e Commission d’enquête parlementaire au sujet des dérives sectaires. Cette Commission était présidée par
M. Georges Fenech, et le rapporteur était M. Philippe Vuilque.
Outre la retransmission des auditions par la chaîne parlementaire, les
travaux de cette Commission ont fait l’objet d’une large couverture médiatique, lors de sa publication et dans les semaines qui ont suivi, illustrés par un
important travail d’enquête de la presse audiovisuelle.
Des témoins cités par la Commission, dont les propos ont été rendus
publics par la chaîne parlementaire dans un premier temps, puis par le cédérom
annexé au rapport, ont fait l’objet d’une procédure judiciaire de la part de certains représentants de mouvements incriminés. C’est pour éviter cette exploitation
judiciaire que le président de l’Assemblée nationale, M. Bernard Accoyer, a déposé
une proposition de loi visant à accorder aux témoins des commissions d’enquête
la même protection juridique que celle reconnue aux personnes appelées à témoigner devant les tribunaux. « Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure
ou outrage ni les propos tenus ou les écrits produits par la personne tenue de déposer devant
une commission d’enquête, ni le compte-rendu des séances publiques de ces commissions fait
de bonne foi », peut-on lire dans l’article unique de cette proposition de loi 1. Cette
protection serait limitée aux poursuites pour diffamation, injure ou outrage.
M. Accoyer a rappelé que la Commission d’enquête sur les mineurs dans les sectes
a donné lieu à « de nombreuses actions en diffamation engagées contre des personnes ayant
témoigné devant elle ». « Lorsque l’acharnement procédurier de certains plaignants finit par
s’apparenter à une forme de harcèlement, il risque de porter atteinte à la libre parole devant les
commissions d’enquête et, par voie de conséquence, à la crédibilité de cet instrument essentiel
du pouvoir de contrôle du Parlement ».
Le rapport n° 3507 « L’enfance volée : les mineurs victimes de sectes » se
concluait par 50 propositions. Certaines ont d’ores et déjà trouvé écho dans
la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, grâce à l’adoption
d’amendements déposés par M. Georges Fenech, président de la Commission
d’enquête. Qu’en est-il donc aujourd’hui au regard des propositions des parlementaires, rappelées en gras dans le texte qui suit ?
Rapport au Premier ministre 2007
▼
- « Proposition de loi complétant l’ordonnance n° 58-110 du 17 novembre 1958 au fonctionnement des assemblées parlementaires », examinée par l’Assemblée nationale en première lecture le 3 avril 2008.
Enfance et éducation
53
1. Éducation
Redéfinir le régime de l’instruction à domicile
1 - Définir précisément les conditions du choix de l’instruction à domicile : la
maladie, le handicap de l’enfant, le déplacement de la famille ou toute autre
raison réelle et sérieuse.
Le premier alinéa de l’article L.131-10 du code de l’éducation prévoit
que « les enfants soumis à l’obligation scolaire qui reçoivent l’instruction dans leur
famille, y compris dans le cadre d’une inscription dans un établissement d’enseignement
à distance, sont dès la première année, et tous les deux ans, l’objet d’une enquête de la
mairie compétente, uniquement aux fins d’établir quelles sont les raisons alléguées par les
personnes responsables, et s’il leur est donné une instruction dans la mesure compatible
avec leur état de santé et les conditions de vie de la famille. Le résultat de cette enquête est
communiqué à l’inspecteur d’académie, directeur des services départementaux de l’éducation nationale. »
Concédant que le choix de l’instruction à domicile puisse être motivé
par l’état de santé ou le handicap de l’enfant, la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a jugé qu’il pouvait également relever « de la stricte
convenance des parents ». De même, le gouvernement n’a pas souhaité « aboutir
à inverser le principe de liberté, en exigeant de tout parent de produire des raisons réelles
et sérieuses ». Il a ajouté que « si les cas sont rares où les parents usent de cette liberté,
elle a le mérite d’exister et [que] ce n’est pas parce qu’elle est parfois dévoyée qu’il faut la
remettre en cause ».
Les critères du choix de l’enseignement à domicile ne sont donc pas
limitativement énoncés. Une telle pratique serait en effet contraire au libre
choix des modalités de l’instruction.
En tout état de cause, la liberté accordée aux parents en ce domaine
reste encadrée par les dispositions de l’article L.131-10 du code de l’éducation
qui prévoient que les enfants instruits à domicile « sont, dès la première année et tous
les deux ans, l’objet d’une enquête de la mairie compétente uniquement aux fins d’établir les
raisons alléguées par les personnes responsables et de vérifier que l’instruction qui leur est
donnée est compatible avec leur état de santé et les conditions de vie de la famille ».
2 - Exiger le recours aux instruments pédagogiques offerts par le centre national
d’enseignement à distance ou par les organismes privés d’enseignement à
distance déclarés.
54
MIVILUDES
▼
Certaines familles sont soutenues dans leur démarche par des cours
privés d’enseignement à distance (environ 13 500 enfants, selon une enquête
de 2006, dont 3 000 auprès des principaux organismes privés d’enseignement
à distance et 10 500 auprès du CNED, pour le public d’élèves de 6 à 16 ans) ;
un millier d’enfants seraient en outre instruits à domicile sans l’aide de cours
d’enseignement à distance (enquête de 2001, même public).
Un amendement tendant à faire obligation aux familles d’avoir recours
aux services du CNED ou aux organismes privés d’enseignement à distance
déclarés avait été repoussé : dès lors que le contenu des connaissances des
enfants et leur progression fait l’objet d’un contrôle régulier de l’inspecteur
d’académie, l’obligation de recourir à des instruments pédagogiques déterminés n’apparaît pas indispensable et serait contraire au principe de liberté des
choix éducatifs des parents.
3 - Limiter explicitement l’instruction à domicile à deux familles, l’école hors
contrat s’imposant au-delà de ce seuil.
L’article L.131-10 du code de l’éducation, modifié par l’article 32 de la
loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, prévoit
en son quatrième alinéa que l’inspecteur d’académie, dans le cadre de son
contrôle pédagogique exercé au moins une fois par an, à partir du troisième
mois suivant la déclaration d’instruction dans la famille, « vérifie notamment
que l’instruction dispensée » au sein d’un même domicile « l’est pour les enfants
d’une seule famille ».
L’Assemblée nationale avait adopté en première lecture l’amendement
n° 310 tendant à limiter l’instruction à domicile à deux familles au plus. Le
Sénat s’est montré plus restrictif en limitant cette possibilité à une seule famille,
confirmant l’arrêt du 26 novembre 1903 de la Cour de Cassation.
4 - Rendre effective l’obligation du ministère chargé de l’Éducation nationale
de contrôler annuellement les modalités de l’instruction à domicile. Ce contrôle
s’effectue en la seule présence des enfants et des fonctionnaires habilités, y compris
les personnels de santé scolaire.
Les familles doivent se soumettre aux enquêtes pédagogiques (depuis
la loi de 1998, dès le troisième mois et au moins une fois par an) diligentées par
le maire et par l’inspecteur d’académie (art. L.131-10 du code de l’éducation).
Si l’instruction donnée dans la famille est jugée insuffisante, les personnes responsables de l’enfant sont mises en demeure d’inscrire celui-ci dans un établissement d’enseignement. Si elles ne s’exécutent pas, elles sont punissables de 6
mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende.
Redéfinir le régime de l’enseignement à distance
5 - Imposer, pour le recours à l’enseignement à distance, l’enquête sociale
du maire exigée pour l’instruction à domicile.
La loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a modifié l’article L.131-10 du code de l’éducation pour préciser que
les enfants bénéficiant d’un enseignement à distance doivent être considérés
comme étant instruits dans la famille.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Cet article prévoit désormais que « les enfants qui reçoivent l’instruction
dans la famille, y compris dans le cadre d’une inscription dans un établissement d’ensei-
Enfance et éducation
55
gnement à distance sont dès la première année, et tous les deux ans, l’objet d’une enquête
de la mairie compétente, uniquement aux fins d’établir quelles sont les raisons alléguées
par les personnes responsables, et s’il leur est donné une instruction dans la mesure compatible avec leur état de santé et les conditions de vie de la famille. Le résultat de cette
enquête est communiqué à l’inspecteur d’académie, directeur des services départementaux
de l’éducation nationale ».
6 - Soumettre les dirigeants des organismes d’enseignement à distance
aux exigences suivantes :
• Ne pas avoir encouru une des incapacités mentionnées à l’article L.911-5 du
code de l’éducation ;
• Ne pas avoir été condamné à une peine d’au moins deux mois d’emprisonnement sans sursis pour les délits prévus à l’article 223-15-2 du code pénal ;
• Avoir soit le diplôme du baccalauréat, soit le diplôme de licence ou un des
certificats d’aptitude aux enseignements primaire ou secondaire.
La loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance
a modifié les articles L.444-5 et L.444-6 du code de l’éducation pour reprendre
les propositions parlementaires relatives à l’influence des mouvements à caractère sectaire.
Aux termes de l’article L.444-5 du code de l’éducation, les personnels
de direction et d’enseignement des établissements privés dispensant un enseignement à distance doivent satisfaire à des conditions de moralité, de diplômes, de titres et de références définies par décret.
Par ailleurs, l’article L.444-6 du code de l’éducation interdit les fonctions de direction ou d’enseignement aux personnes ayant fait l’objet de certaines condamnations, interdictions ou privations. Ces incapacités, énoncées pour
les dirigeants des organismes privés d’enseignement à distance, sont identiques
à celles figurant à l’article L.911-5 du code de l’éducation pour les personnels
de l’éducation : sont concernées les personnes qui ont subi une condamnation
judiciaire pour crime ou délit contraire à la probité et aux mœurs, celles qui
ont été privées par jugement de tout ou partie de leurs droits civils, civiques et
de famille mentionnés à l’article 131-26 du code pénal, ou qui ont été déchues
de l’autorité parentale, et enfin celles qui ont été frappées d’une interdiction
d’enseigner.
Conformément aux conclusions de la commission d’enquête, la loi du
5 mars 2007 a ajouté une incapacité en cas de condamnation à une peine d’au
moins deux mois d’emprisonnement sans sursis pour les délits prévus à l’article 223-15-2 du code pénal 2.
S’agissant des conditions de titre requises pour diriger un enseignement privé d’enseignement à distance, celles-ci doivent être définies par décret
depuis l’intervention de la loi du 5 mars 2007. Cependant, l’amendement, issu
56
MIVILUDES
▼
- Abus frauduleux d’état de faiblesse, de la loi About-Picard de juin 2001
du rapport relatif à l’influence des mouvements à caractère sectaire, qui proposait que ces titres soient limitativement énoncés, conduisait en réalité à prévoir
un niveau d’exigence inférieur à celui imposé aujourd’hui par décret. La solution retenue impose des conditions plus rigoureuses que celles proposées dans
le rapport parlementaire.
Veiller aux obligations de publicité des organismes
ou établissements d’enseignement
7 - Faire respecter l’obligation de déclaration des établissements d’enseignement
imposée par les articles L.471-1 et suivants du code de l’éducation.
Les parlementaires, par cette proposition, rappellent l’intérêt et la
nécessité du respect strict des règles de publicité et de démarchage qui s’imposent aux organismes ou établissements d’enseignement.
Renforcer le régime des agréments des organismes
de soutien scolaire
8 - Exiger un agrément simultané du ministère chargé de l’Éducation nationale
et du ministère chargé du Travail pour les organismes à but lucratif effectuant
des prestations de soutien scolaire.
9 - Aligner les exigences requises pour les dirigeants des organismes
de soutien scolaire sur celles de leurs homologues de l’enseignement à distance
(cf. proposition n° 6).
Le ministre chargé de l’Éducation a apporté, le 30 octobre 2007, les
précisions suivantes en réponse à une question écrite de Madame Poletti,
député des Ardennes 3:
« Les conclusions du rapport n° 3507 de la Commission d’enquête relative à l’influence
des mouvements à caractère sectaire ont été examinées dans le cadre du débat sur le projet de loi réformant la protection de l’enfance. A cette occasion, le législateur n’a pas
souhaité introduire un agrément des organismes de soutien scolaire. Il a en revanche
renforcé le contrôle de l’État sur ces organismes, en poursuivant deux objectifs : un objectif
de moralité qui suppose l’absence de condamnations pour des motifs incompatibles avec
l’enseignement, et un objectif de qualité de l’enseignement, vérifié par des conditions de
diplôme. L’article L.445-1 du code de l’éducation, introduit par la loi n° 2007-293 du
5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, interdit, dans les organismes de soutien
scolaire, les fonctions de direction ou d’enseignement aux personnes ayant subi certaines
condamnations ou interdictions professionnelles. Sont ainsi concernées les personnes qui
ont subi une condamnation judiciaire pour crime ou délit contraire à la probité et aux
mœurs, celles qui ont été privées par jugement de tout ou partie des droits civils, civiques
et de famille mentionnés à l’article 131-26 du code pénal, ou qui ont été déchues de
Rapport au Premier ministre 2007
▼
- Questions n° 3402 du 14 août 2007, Journal officiel du 30 octobre 2007, p. 6728.
Enfance et éducation
57
l’autorité parentale, celles qui ont été frappées de l’interdiction d’enseigner ainsi que celles
qui ont été condamnées à une peine d’au moins deux mois d’emprisonnement sans sursis
pour les délits prévus à l’article 223-15-2 du code pénal. Ces incapacités sont identiques
à celles prévues pour les dirigeants et les enseignants des organismes d’enseignement à
distance. »
Améliorer l’information du public
et la coordination des actions de l’éducation
nationale avec celles de la jeunesse et des sports
Cette exigence est actuellement en cours d’étude au sein d’une coordination interministérielle.
10 - Prévoir une sensibilisation aux dérives sectaires dans les programmes
d’éducation civique au collège et au lycée.
Les programmes d’éducation civique au collège, et d’éducation civique, juridique et sociale au lycée sont conçus de manière à favoriser chez chaque élève l’appropriation personnelle des valeurs et principes qui fondent
la citoyenneté. Dès le collège, puis au lycée, l’indispensable réflexion sur les
phénomènes sectaires peut être mise en œuvre, selon une démarche appropriée à l’âge et au niveau. Au cours du cycle central du collège, des études de
cas peuvent être menées qui mettent en relation la jurisprudence et les textes
fondamentaux autour de thèmes comme ceux de « libertés », « droits », « justice » et « sûreté ». Au lycée, des thèmes comme « citoyenneté et intégration » ou
« citoyenneté et formes de mondialisation » permettent aux professeurs d’aborder ces phénomènes qui touchent aux faits religieux, à une autre échelle et
dans toute leur complexité.
11 - Coordonner les politiques du ministère chargé de l’Éducation nationale et
du ministère chargé de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative en matière
d’agrément des établissements qui, accueillant des jeunes afin de leur offrir des
loisirs ou leur faire passer des vacances, proposent des activités éducatives.
58
MIVILUDES
▼
Le ministère de l’Éducation nationale délivre un agrément aux associations éducatives complémentaires de l’enseignement public. Le conseil national des associations éducatives complémentaires de l’enseignement public
(CNAECEP), composé d’associations partenaires de l’école publique, de représentants de parents d’élèves et des personnels, émet un avis sur les demandes d’agrément national. Cet avis est soumis au ministre qui décide ou non
d’agréer l’association ayant déposé une demande. Une organisation similaire
existe également au niveau académique pour les agréments académiques dans
le cadre du conseil académique des associations éducatives complémentaires
de l’enseignement public (CAAECEP), le recteur décidant de l’agrément après
avis de ce conseil académique.
Le ministère et le CNAECEP sont vigilants lors de l’analyse des dossiers
sur le caractère éventuellement sectaire de certains organismes associatifs qui
doivent, en tout état de cause, faire la preuve du caractère complémentaire
à l’enseignement de l’Éducation nationale, caractère complémentaire qui ne
peut être simplement postulé.
S’agissant d’une analyse conjointe des agréments entre le ministère de
l’Éducation nationale et le ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports,
un groupe de travail interministériel s’est tenu en 2006. A la suite de la conférence nationale de la vie associative du 12 janvier 2006, ce groupe a rassemblé
l’ensemble des ministères agréant des associations afin d’établir la possibilité
d’un agrément gouvernemental de portée générale, commun à tous les ministères. Compte tenu des textes réglementaires régissant ces différents agréments
et de leurs finalités diverses, la construction d’un tel type d’agrément n’a pas
semblé pertinente.
Néanmoins, même si leur objet est différent et sans remettre en cause
leurs agréments qui sont complémentaires, le ministère de l’Éducation nationale et le ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports ont vocation à coordonner les efforts dans le respect de leurs attributions propres. Dans ce cadre,
la question de la lutte contre les dérives sectaires ne saurait être ignorée.
2. Enseignement supérieur
12 - Prévoir un enseignement sur les dérives sectaires dans les unités universitaires
de formation et de recherche (UFR) de psychologie, des sciences de l’éducation
ainsi que dans les IUFM (instituts universitaires de formation des maîtres).
13 - Introduire, au sein des facultés de médecine, des enseignements dédiés
à l’emprise mentale et à la victimologie.
Si des initiatives ponctuelles sont régulièrement mises en œuvre dans
ces disciplines, l’introduction dans les programmes universitaires d’enseignements sur le risque sectaire reste à étudier.
14 - Instituer une formation des auditeurs de justice et des avocats stagiaires
au fait sectaire, portant notamment sur la spécificité des contentieux relatifs au
droit de la famille et au droit de la protection de l’enfance.
La MIVILUDES poursuit le suivi de cette question avec l’Ordre des
avocats.
Au cours de l’année 2007, l’École Nationale de la Magistrature a organisé une formation au phénomène sectaire, tant auprès des auditeurs de justice
(futurs magistrats en formation) qu’au bénéfice des magistrats en fonction.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
S’agissant des auditeurs de justice, cette formation a notamment permis
aux élèves de reconstituer un procès pénal concernant des dérives sectaires.
Enfance et éducation
59
S’agissant de la formation continue, 25 magistrats, principalement en
charge de la famille ou des mineurs (juges aux affaires familiales, juges des
enfants et magistrats du parquet en charge des mineurs) ont pu assister à une
session de formation continue organisée par l’ENM fin novembre 2007, dans
la continuité des travaux de la Commission d’enquête parlementaire, intitulée
« L’enfant et les sectes ».
Le 9 janvier 2008, M. Jean-François Thony, Directeur de l’ENM, écrivait
au Président de la MIVILUDES : «…J’ai bien pris note de votre proposition d’étendre
cette action de sensibilisation aux auditeurs de justice en formation. Cela me paraît une
excellente suggestion.
« Je dois vous préciser qu’une séquence de formation pour les futurs juges pour
enfants, en fin de formation, dans le cadre de leur spécialisation, a d’ores et déjà été programmée au mois de mars 2008 sous l’intitulé « Phénomène sectaire et mineurs »…»
3. Santé publique
15 - Rendre obligatoire un contrôle médical annuel effectué par la médecine
scolaire pour les enfants de plus de 6 ans, qui sont, soit instruits dans leur
famille, soit scolarisés dans des établissements hors contrat.
Cette mesure est l’objet du nouvel article L.541-1 du code de l’éducation. Elle nécessitera une augmentation du nombre des médecins scolaires
pour faire face à l’obligation de contrôles médicaux à 6, 9, 12 et 15 ans.
16 - Unifier les régimes de sanction des refus parentaux de vaccination de leurs
enfants.
17 - Rappeler par voie de circulaire du garde des Sceaux les sanctions pénales
applicables pour défaut de vaccination.
Le gouvernement, sollicité dans le cadre des travaux parlementaires
concernant la loi du 5 mars 2007 relative à la protection de l’enfance, a émis
un avis favorable à l’aggravation des peines encourues pour les infractions de
défaut de déclaration de naissance d’enfant et défaut de vaccination.
Ces deux contraventions aggravées sont devenues des délits, prévus et
réprimés par l’article 433-18-1 du code pénal (défaut de déclaration) et l’article 3116-4 du code de la santé publique (défaut de vaccination), et sont punis
de la peine de 6 mois d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende.
60
MIVILUDES
▼
Une sensibilisation des correspondants justice/dérives sectaires, relative au renforcement du dispositif, a été assurée par la direction des affaires
criminelles et des grâces.
18 - Passer outre le refus des parents d’une transfusion sanguine de leurs enfants.
Les parlementaires, dans leurs travaux, ont insisté sur la nécessité de
passer outre le refus d’une transfusion sanguine d’un enfant. L’article L.111-4
du code de la santé publique dispose que dans le cas où le refus d’un traitement par la personne titulaire de l’autorité parentale ou par le tuteur, risque
d’entraîner des conséquences graves pour le mineur, le médecin délivre les
soins indispensables. D’ores et déjà, la suspension de l’autorité parentale par le
Procureur est régulièrement mise en œuvre.
19 - Demander une évaluation des thérapies non éprouvées et assurer la plus
large publicité des conclusions de ces études.
L’évaluation et l’information des publics et des professionnels sur les
pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique sont un objectif prioritaire du ministère chargé de la Santé. Cette mesure pointée dans les travaux
parlementaires est d’ores et déjà initiée.
20 - Provoquer une inspection immédiate de certains lieux de « traitement »
d’adolescents en difficulté ainsi qu’une enquête administrative sur les conditions
dans lesquelles ils ont été ouverts.
Le contrôle des organismes accueillant des adolescents a été renforcé
dès 2002. Il est du ressort du ministère de la Jeunesse et des Sports, mais l’efficacité du contrôle demeure subordonnée à une augmentation substantielle
des moyens.
21 - Améliorer la prise en charge des sortants de sectes et les accompagner sur
le plan de la santé mentale.
Les travaux de la MIVILUDES sur « l’emprise mentale » préconisent
l’amélioration de la prise en charge des victimes sortant de sectes. Plusieurs
solutions ont paru intéressantes : un centre d’appels, un réseau de soignants
et de personnels sociaux en capacité d’une prise en charge de qualité de ces
victimes, et une valorisation de l’action des associations de défense, au plan du
soutien et de l’accompagnement psychologique.
22 - Demander au ministère chargé de la Santé de réaliser une monographie
décrivant les conséquences sociales et sanitaires de l’appartenance de jeunes à
des organisations sectaires.
Les conséquences sociales et sanitaires des jeunes éduqués au sein d’organismes à caractère sectaire ont été partiellement traitées par ce département
ministériel. Des travaux actuellement en cours indiquent la volonté de cette
administration d’avoir une vision analytique et actualisée du phénomène.
On peut, à titre d’information, indiquer la récente thèse de médecine
du Docteur Armelle Guivier 4.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
- La thèse est consultable sur le site internet de la Miviludes (http://www.miviludes.gouv.fr).
Enfance et éducation
61
23 - Préciser les conditions d’attribution du titre de psychothérapeute.
Un décret précisant les conditions d’attribution du titre de psychothérapeute
est en cours de rédaction. Son adoption est affectée d’un caractère d’urgence.
24 - Définir les bonnes pratiques des psychothérapeutes.
25 - Préciser les sanctions applicables en cas d’usurpation de titres.
Un groupe de travail, placé sous la direction de Madame la Ministre
chargée de la santé, devrait aboutir rapidement à la publication des décrets
d’application.
26 - Inscrire l’iboga sur la liste de l’arrêté du 22 février 1990 modifié fixant la
liste des substances classées comme stupéfiants.
L’iboga est classé comme stupéfiant depuis mars 2007.
Les Procureurs généraux ont été rendus destinataires d’une dépêche
de la Direction des affaires criminelles et des grâces portant à leur connaissance l’inscription de l’iboga au tableau des stupéfiants. Ils ont par ailleurs
été sensibilisés à l’usage de cette substance par des mouvements à caractère
sectaire et informés des enquêtes judiciaires en cours 5.
4. Intérieur
27 - Modifier l’article 910 du code civil, en rétablissant un pouvoir d’opposition
de l’administration aux dispositions entre vifs ou par testament au profit des
associations cultuelles.
28 - Autoriser la formation de cette opposition, lorsque l’association n’a pas pour
objet l’exercice d’un culte, lorsque l’exercice de ce culte n’est pas l’objet exclusif de
l’association, lorsque les activités de celle-ci portent atteinte, en tout ou partie, à
l’ordre public et méconnaissent les intérêts supérieurs de l’enfant.
« Il s’agit de rétablir un outil essentiel de régulation des associations cultuelles
supprimé par l’ordonnance de simplification administrative n° 2005-856 du 28 juillet
2005 », dit la Commission d’enquête parlementaire.
5. Justice
29 - Garantir l’assistance d’un avocat pour le mineur.
La nouvelle rédaction de l’article 388-1 du code civil issu de la loi n° 2007293 du 5 mars 2007, pose l’obligation de la vérification par le juge de l’information du mineur, de son droit à être entendu et à être assisté par un avocat.
62
MIVILUDES
▼
- Depuis cette date, un nouveau produit, se substituant à l’ayahuasca et à l’iboga, le datura, semble avoir fait
son apparition dans le secteur du chamanisme et des dérives sectaires.
Droit civil
30 - Permettre aux grands-parents d’un enfant de saisir directement le juge
des enfants, lorsque la santé, la sécurité ou la moralité de cet enfant sont en
danger.
Cette préconisation, présentée sous forme d’amendement à la loi relative à la protection de l’enfance, a fait l’objet d’un avis défavorable de la part
du gouvernement, considérant que les grands-parents disposent d’ores et déjà
de moyens d’actions.
Ils peuvent, en effet, informer le Procureur de la République de tout
risque de dérives sectaires, lequel peut saisir par requête le juge des enfants, et
si une urgence le nécessite, prendre une ordonnance de placement provisoire
du mineur. Par ailleurs, les grands-parents peuvent informer le juge des enfants
d’éléments susceptibles de caractériser une situation de danger, le juge des
enfants a alors la faculté de s’autosaisir.
31 - Harmoniser la politique des pouvoirs publics relative aux agréments
des assistants familiaux et des adoptants.
Cette proposition n’est pas à ce jour suivie d’effet.
Droit pénal et procédure pénale
32 - Sanctionner l’enfermement social des mineurs.
L’article 375 du code civil, dans sa nouvelle rédaction issue de la loi
du 5 mars 2007, répond à cette demande. La notion de danger prévue par cet
article a été étendue aux cas où le développement physique, affectif, intellectuel et social de l’enfant est compromis. Il y a alors lieu de saisir le juge pour
enfants ou le Procureur de la République. L’article 226-4 du code de l’action
sociale et des familles donne aux conseils généraux un rôle essentiel, dans la
constatation des situations de danger, de leur dénonciation au Procureur de la
République.
33 - Renforcer la sanction appliquée au défaut de déclaration des enfants
à l’état-civil, en en faisant un délit.
Le gouvernement, sollicité dans le cadre des travaux parlementaires
concernant la loi du 5 mars 2007, relative à la protection de l’enfance, a émis
un avis favorable à l’aggravation des peines encourues pour les infractions de
défaut de déclaration de naissance d’enfant et défaut de vaccination.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Ces deux contraventions aggravées sont devenues des délits, prévus et
réprimés par l’article 433-18-1 du code pénal (défaut de déclaration) et l’article 3116-4 du code de la santé publique (défaut de vaccination) et sont punis
de la peine de 6 mois d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende.
Enfance et éducation
63
Une sensibilisation des correspondants justice/dérives sectaires, relative à ces évolutions législatives, a été assurée par la Direction des affaires criminelles et des grâces.
34 - Ouvrir un nouveau délai de prescription pour les mineurs victimes
de l’infraction d’abus de faiblesse dans les mouvements à caractère sectaire,
à compter de la date de leur majorité.
Cette préconisation présentée sous forme d’amendement à la loi relative à la protection de l’enfance a fait l’objet d’un avis défavorable du gouvernement considérant :
– d’une part que cela aboutirait à créer un régime spécifique de prescription,
propre aux mineurs élevés en milieu sectaire, ce qui constituerait une rupture
d’égalité entre les victimes de faits commis pendant leur minorité ; étant par
ailleurs précisé que cela renvoie à la définition non juridiquement définie de
« secte » ;
– d’autre part que tout allongement de prescription n’est pas sans poser des
difficultés, notamment compte tenu du risque majeur de déperdition de preuves et consécutivement d’un taux de classement ou de relaxe important.
De nouvelles pistes doivent être explorées, car c’est un point capital
pour les victimes de pouvoir obtenir réparation du préjudice subi.
35 - Redéfinir les conditions de l’engagement des poursuites pour prosélytisme
à l’encontre des mouvements à caractère sectaire.
Les dispositions de l’article 19 de la loi du 12 juin 2001, sanctionnant le
prosélytisme par la diffusion de messages destinés à la jeunesse effectué par des
mouvements à caractère sectaire, condamnés pénalement pour des faits graves
(exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie, certaines atteintes aux personnes ou
aux biens, publicité mensongère, fraude…), ont été modifiées par la loi du 5 mars
2007 relative à la protection de l’enfance afin d’en faciliter la mise en œuvre.
Ainsi, l’exigence d’une pluralité de condamnations pénales antérieures a été supprimée, comme en témoigne la nouvelle version de cet article
reproduit ci-contre : « Est puni de 7 500 euros d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit, des messages destinés à la jeunesse et faisant la promotion d’une
personne morale, quelle qu’en soit la forme juridique ou l’objet, qui poursuit des activités
ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique
ou physique des personnes qui participent à ces activités, lorsque a été prononcée au moins
une fois, contre la personne morale elle-même ou ses dirigeants de droit ou de fait, une
condamnation pénale définitive… »
36 - Transmettre systématiquement les signalements au parquet.
64
MIVILUDES
▼
La loi de protection de l’enfance a redéfini les processus de suivi de
l’absentéisme scolaire :
Article L.131-8 (Loi nº 2006-396 du 31 mars 2006, art. 48 II, Journal officiel du 2 avril
2006), (Loi nº 2007-297 du 5 mars 2007, art. 12-3º, Journal officiel du 7 mars 2007)
« Lorsqu’un enfant manque momentanément la classe, les personnes responsables doivent, sans délai, faire connaître au directeur ou à la directrice de l’établissement d’enseignement les motifs de cette absence.
Les seuls motifs réputés légitimes sont les suivants : maladie de l’enfant, maladie transmissible ou contagieuse d’un membre de la famille, réunion solennelle de famille, empêchement résultant de la difficulté accidentelle des communications, absence temporaire des
personnes responsables lorsque les enfants les suivent. Les autres motifs sont appréciés par
l’inspecteur d’académie. Celui-ci peut consulter les assistantes sociales agréées par lui, et
les charger de conduire une enquête, en ce qui concerne les enfants présumés réfractaires.
Le directeur ou la directrice de l’établissement d’enseignement saisit l’inspecteur d’académie afin qu’il adresse un avertissement aux personnes responsables de l’enfant et leur
rappelle les sanctions pénales dans les cas suivants :
1º Lorsque, malgré l’invitation du directeur ou de la directrice de l’établissement d’enseignement, ils n’ont pas fait connaître les motifs d’absence de l’enfant ou qu’ils ont donné
des motifs d’absence inexacts ;
2º Lorsque l’enfant a manqué la classe sans motif légitime ni excuses valables au moins
quatre demi-journées dans le mois.
Lorsque le directeur ou la directrice de l’établissement d’enseignement saisit l’inspecteur
d’académie afin que celui-ci adresse un avertissement aux personnes responsables de l’enfant, dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, il en informe le maire de la commune dans laquelle l’élève est domicilié.
L’inspecteur d’académie saisit le président du conseil général des situations qui lui paraissent justifier la mise en place d’un contrat de responsabilité parentale prévu à l’article
L.222-4-1 du code de l’action sociale et des familles.
Il communique au maire la liste des élèves domiciliés dans la commune pour lesquels un
avertissement tel que défini au présent article a été notifié.
Les informations communiquées au maire en application du présent article sont enregistrées dans le traitement prévu à l’article L.131-6 ».
Les deux autres cas, signalement de troubles ou anomalies constatées
par la médecine scolaire et signalement de risques de malnutrition parvenues
au 119 « Allô enfance maltraitée », n’ont pas reçu de traitement particulier,
mais doivent pouvoir s’inscrire dans les règles générales de signalement de
danger d’un enfant mineur au Procureur de la République.
37 - Accroître le rôle des « référents sectes » des parquets généraux.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Les préconisations de la Commission d’enquête parlementaire reflètent pour partie la pratique actuelle des correspondants sectes, devenus les
interlocuteurs privilégiés du chargé de mission de la Direction des affaires criminelles et des grâces mais également des parquets en charge des dossiers de
dérives sectaires et des correspondants des différentes administrations impliquées en la matière.
Enfance et éducation
65
Libertés publiques
38 - Intégrer la lutte contre les dérives sectaires dans la législation
sur les publications destinées à la jeunesse.
Un groupe de travail, créé au sein de la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse, approfondit cette proposition.
39 - Prendre en compte la lutte contre les dérives sectaires dans la législation
relative à l’économie numérique.
Cette proposition n’est pas à ce jour suivie d’effet.
Organisation judiciaire
40 - Accorder le bénéfice de l’aide juridictionnelle sans conditions de ressources
aux personnes engageant une procédure au titre de l’abus frauduleux de l’état
d’ignorance ou de faiblesse.
Relève d’une modification législative, pas encore soumise au Parlement.
6. Formation professionnelle continue
41 - Promouvoir des formations au fait sectaire en direction des magistrats
et des avocats.
Les sessions de sensibilisation et d’information nécessiteront d’être
développées, notamment pour toucher un public élargi de professionnels.
42 - Inciter les conseils généraux à mettre en place des formations au fait sectaire
en direction des personnels de leurs services sociaux, en charge des procédures
d’agrément des assistants familiaux ou des adoptants.
La convention signée entre la MIVILUDES et le Centre national de la
fonction publique territoriale (CNFPT) prévoit des formations pour les agents
territoriaux. Elles sont mises en œuvre dans ce cadre. Cette préoccupation sera
confortée par la publication d’un guide à l’intention des agents territoriaux.
43 - Former les référents régionaux « sectes » du ministère chargé de la Santé
et du ministère chargé de la Jeunesse et des Sports, afin qu’ils aient la qualification
requise pour sensibiliser les agents des services déconcentrés aux dangers des dérives
sectaires.
66
MIVILUDES
▼
Ces formations ont lieu avec le soutien des correspondants régionaux
de la MIVILUDES. Des actions de formation ont eu lieu à Marseille, à Lyon, à
Dijon, entre autres. Par ailleurs, chacun des deux ministères cités organise chaque année une formation interne. Il en est de même à l’Éducation nationale.
7. Affaires étrangères
44 - Créer un poste de correspondant chargé, au sein du ministère, de suivre les
problèmes liés aux dérives sectaires et de proposer des politiques d’action, de
formation et d’information.
Le conseiller aux affaires religieuses (CAR) est le correspondant de la
MIVILUDES qui coordonne les politiques des différentes directions pouvant
être confrontées aux problèmes. Les diplomates, lorsqu’ils doivent expliquer à
l’étranger la politique française en matière de lutte contre les dérives sectaires,
prennent son attache.
45 - Sensibiliser les agents du ministère en poste à l’étranger aux risques
des dérives sectaires.
Tous les agents du département en administration centrale ou à l’étranger et en particulier les agents traitant les affaires consulaires ont accès aux
recommandations de la MIVILUDES qui leur sont facilement accessibles par
l’intranet du Département. Ils s’y reportent sans hésitation en cas de doute.
Mais il revient naturellement aux organismes français (municipalités) qui ont la
charge des déplacements collectifs d’enfants à l’étranger de prendre en amont
les précautions nécessaires, par consultation du site internet de la MIVILUDES
ou encore du site public du ministère des Affaires étrangères et européennes,
qui comporte un lien renvoyant au site de la MIVILUDES.
8. Action interministérielle
Mieux appréhender le nombre d’enfants non
déclarés
46 - Inviter les inspections générales de l’éducation nationale, des affaires sociales
et de l’administration à réaliser une étude ayant pour objet, d’une part, de recenser
les enfants qui ne sont pas inscrits à l’état-civil et, d’autre part, de faire des
propositions pour renforcer plus généralement les obligations de déclaration de
naissance des enfants.
Cette mesure n’est pas encore mise en œuvre.
Conforter l’action de la MIVILUDES
47 - Faire participer la Défenseure des enfants à la lutte contre les dérives
sectaires au sein de la MIVILUDES.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
La nomination de Madame Dominique Versini, Défenseure des enfants,
au Conseil d’orientation de la MIVILUDES, par arrêté du Premier ministre du
Enfance et éducation
67
30 janvier 2007, répond à cette préoccupation. Cette dernière, en personne ou
représentée, participe à cette instance de pilotage.
48 - Favoriser la coordination des actions des associations participant à la lutte
contre les dérives sectaires.
Les deux principales associations de lutte contre les dérives sectaires, l’UNADFI et le CCMM, sont régulièrement associées à des journées de
réflexion initiées par la MIVILUDES. Par ailleurs, leurs présidents sont membres du Comité d’orientation de la Mission.
49 - Renforcer les activités de la MIVILUDES au niveau international.
Comme le montrent les deux derniers rapports de la MIVILUDES,
celle-ci a été associée aux travaux de l’OSCE à Varsovie (Conférence annuelle
d’examen de la dimension humaine). La MIVILUDES répond également aux
sollicitations de certains pays désireux de s’informer sur son fonctionnement
et plus généralement, sur le dispositif français de vigilance et de lutte contre
les dérives sectaires.
50 - Réaffirmer la spécificité de la lutte contre les dérives sectaires à l’échelon
départemental.
La Commission d’enquête préconisait à chaque conseil départemental :
– « de créer un groupe de travail qui, consacré spécifiquement aux dérives sectaires, devra comprendre parmi ses membres, le préfet ou un de ses délégués, un représentant du conseil général,
le délégué régional de la MIVILUDES, le référent parquet de la cour d’appel, les correspondants
régionaux des ministères intéressés par les problèmes des dérives sectaires et des représentants des
associations visées à l’article 2-17 du code de procédure pénale ; ce groupe se réunira au moins
deux fois par an et rendra compte de ses travaux au conseil départemental ;
– de se réunir au moins une fois par an, sur un ordre du jour dont l’objet exclusif serait
la lutte contre les dérives sectaires. »
Les instructions du Premier ministre en date des 27 mai 2005 et 7 mars
2007, ont retenu ce dispositif pour le travail relatif aux dérives sectaires, sous
l’autorité des préfets de département.
Conclusion
68
MIVILUDES
▼
Après avoir balayé l’ensemble des propositions de la Commission d’enquête parlementaire et avoir examiné l’état de sa mise en oeuvre, il convient
d’observer que l’ensemble des ministères concernés rejoint les préoccupations
des parlementaires de la Commission de 2006 sur la question de la protection
des mineurs face aux dérives sectaires, tant sur le plan de la prévention que sur
celui de la répression. En effet après un an, force est de constater que de très
nombreuses mesures ont d’ores et déjà été mises en oeuvre.
3
e
Partie
La détection du risque
dans le domaine
économique
Les risques inhérents
aux réseaux de vente
multi-niveaux
La difficulté de prendre en considération le ressort économique pour
éclairer et décrire le risque de dérives sectaires tient au fait que l’approche
classique du phénomène sectaire privilégie le postulat d’une faiblesse humaine
antérieure au processus et à la responsabilité particulière d’un leader dans la
prise en charge de cette faiblesse.
Dès 1995, le rapport de la Commission d’enquête parlementaire signalait ce risque de dérives. Depuis et surtout au cours des trois dernières années,
nombreuses ont été les sollicitations de « clients-distributeurs » pour une aide,
un conseil ou un accompagnement juridique dans le cadre de conflits avec
dirigeants ou responsables intermédiaires de réseaux commerciaux de cette
nature.
L’examen des fondements et des modes de fonctionnement de certains
réseaux commerciaux de vente multi-niveaux nous donne un contre-exemple
frappant en termes d’approche méthodologique.
L’expérience étrangère nous vient en aide pour attester du bien-fondé
des inquiétudes au regard du développement de certaines pratiques commerciales en vigueur au sein de cette mouvance, qui veut apparaître comme porteuse d’avenir à la fois en matière d’emplois nouveaux, de nouvelles formes de
travail, de capacités d’épanouissement personnel, de réussite sociale.
Nombreux sont les pays occidentaux qui disposent d’une législation
encadrant la pratique de la vente directe. Dans certains d’entre eux, des unions
ou fédérations de sociétés de vente directe proposent un cadre d’exercice, une
relation institutionnalisée, une charte éthique, voire une médiation entre partenaires. Il existe également une « fédération européenne des associations de
vente directe ».
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Le paysage de la vente directe a notablement évolué au cours des 15
dernières années après que soient apparues les premières anomalies relatives
au fonctionnement de certains réseaux de vente « en cascade », autrement
appelés « pyramidaux » ou « à la boule de neige », sans que ces terminologies
recouvrent exactement les mêmes réalités juridiques et économiques tant en
ce qui concerne le fonctionnement des entreprises qu’en termes de garantie
offerte par les diffuseurs et les produits eux-mêmes.
La détection du risque dans le domaine économique
71
La « profession » a choisi de s’organiser dans une période où les initiatives commerciales en la matière prenaient des directions très diverses et s’engageaient dans un certain nombre de cas sur le chemin de dérives, a minima
commerciales, et au-delà, éventuellement susceptibles d’être qualifiées de pratiques à dérives sectaires.
Ainsi, la « Fédération de la Vente Directe » (FVD) s’est installée dans
le paysage de cette pratique commerciale en plein essor qui attire en même
temps qu’elle génère inquiétudes et frustrations.
La « Vente Directe » peut être appréhendée comme une pratique
commerciale mettant physiquement en contact un vendeur et un « acheteurconsommateur » hors d’un magasin. Deux types d’« espace de vente » peuvent
être substitués à l’enceinte du magasin, le domicile (il s’agit donc de vente à
domicile) ou bien la « vente en appartement » pouvant induire une réunion de
« prospects » autour d’un « contact privilégié » du vendeur.
La FVD s’est dotée d’un « Code éthique de la Vente Directe » dans
lequel elle précise notamment que « ce mode de distribution est régi par une législation protégeant le consommateur et qui doit être respectée à la fois par le vendeur, par
le consommateur et par l’entreprise » mais ajoute : « Des règles professionnelles complémentaires ont paru nécessaires dans le cadre d’un code de déontologie afin de prendre en
compte l’autonomie du vendeur et l’importance du service fourni au consommateur ».
Et plus loin la FVD précise que ce code « a pour finalité la mise en œuvre de règles
professionnelles appliquées par l’entreprise et les vendeurs dans le cadre de leur démarche
commerciale ». Le code précise en outre « les conditions d’intervention du vendeur, la
loyauté du comportement vis-à-vis du consommateur et les dispositions propres à améliorer
la qualité du service au consommateur ».
Ce positionnement tant vis-à-vis de la législation (on notera qu’il est
fait quasi-exclusivement référence au droit de la consommation donc à une
législation de protection du consommateur, mais rarement à la législation du
travail et au droit des contrats dans ses différentes dimensions) que vis-à-vis de
l’insuffisante prise en considération des relations entre la société elle-même,
les niveaux intermédiaires qui assument des rôles très divers tant dans le management que dans la commercialisation et enfin les distributeurs finaux, expose
de fait la FVD à un risque d’adhésion de réseaux sensibles au risque de dérives
sectaires. Il est bien entendu naturel que ce risque soit encore plus perceptible
pour des sociétés de vente multi-niveaux non adhérentes de la FVD.
Enfin, il convient d’observer que l’approche privilégiée par cette fédération conduit à distinguer le statut de consommateur (autrement dit le client
d’un distributeur, plus rarement celui de l’entreprise) et le statut de distributeur (autrement dit à la fois le vendeur final et le client soit de l’entreprise soit
d’un distributeur de rang supérieur).
72
MIVILUDES
▼
Là est toute la difficulté d’appréhender la liberté d’action de chacun,
sachant que nombre d’interrogations en la matière parvenant à la mission mettent en avant l’importance du « levier psychologique » dans le fonctionnement
de réseaux de cette nature, la montée en puissance de l’engagement des personnes tant en termes d’acquisition de produits que de prospection de clientèle et aussi la lente progression vers un système alternatif de valeurs et d’engagements vers un mode de vie pouvant être totalement centré sur la réussite du
réseau commercial.
Les témoignages recueillis par la MIVILUDES permettent de distinguer de nombreuses caractéristiques communes à l’ensemble des entreprises
de vente multi-niveaux suscitant des questionnements réguliers, que ces entreprises soient membres de la Fédération de Vente Directe ou hors champ.
Tout d’abord, la stratégie d’intégration dans le réseau comporte des
constantes :
Le premier objectif des réseaux présentant un risque de dérives sectaires est de faire accepter un concept axé sur la promotion d’un catalogue de
produits et de services bien souvent présentés comme apporteurs de « bien-être »,
cette notion pouvant devenir à la fois une notion idéologique, une proposition
de vie globalisante conduisant à être persuadé que consommer, vendre, intégrer le réseau, s’affranchir de modes de vie antérieurs, y compris décider de
quitter son environnement initial forment un tout et que le bonheur, finalité
mise en avant, s’atteint par une implication globale dans le « système ».
Le terme « global » a une très grande importance. La notion de « santé
globale » est un exemple révélateur de l’usage expansif de cette notion. Le
client est invité à devenir « distributeur » puis « parrain » de nouveaux clients ou
« prospects » appelés à leur tour à devenir distributeurs au nom de l’idée selon
laquelle les choix de vie pour atteindre le « bien-être » conduisent à considérer
que le corps, la famille, l’esprit, la vie matérielle et l’aisance financière et enfin
la société forment un tout et que mener cet ensemble vers un « niveau supérieur
de bien-être » implique un engagement croissant dans le réseau.
Cette « philosophie » vise à marquer que la réflexion, l’engagement
commercial et l’implication totale sont une « opportunité commerciale » puis une
« opportunité de vie », puis enfin une « opportunité pour la vie ».
Rapport au Premier ministre 2007
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Délaisser l’un des facteurs de l’existence énumérés ci-dessus conduirait
à échouer dans « la réalisation de soi » et dans la protection de son équilibre tant
physique que psychologique. Il est aisé d’imaginer que chacun des « prospects »
à qui est proposé ce challenge ne réunit pas a priori la totalité des fondements
existentiels énumérés – bien-être du corps, bien-être de la famille, bien-être
de l’esprit… Plus il manque de composants au prospect, éventuel futur distributeur et plus le réseau amène celui-ci à focaliser sa pensée sur l’espoir et la
croyance que les difficultés de vie qu’il endure sont dues au manque de l’un
des ingrédients de la réussite et du bien-être promis par le concept et que ce
manque provient de l’incapacité de la société à lui apporter les bases et soutiens nécessaires.
La détection du risque dans le domaine économique
73
Il se profile ici deux des critères généraux d’appréciation du risque
sectaire : la rupture avec l’environnement d’origine et le discours anti-social.
Le deuxième objectif est de convaincre le prospect de l’existence d’une
« solution alternative totalisante » capable de se substituer à la société en ce sens
que cette « solution » donne un sens à la vie en harmonisant vie personnelle, vie
affective, vie sociale, vie professionnelle grâce à la création de bien-être induite
par l’entreprise de vente multi-niveaux, son mode de fonctionnement et la
place que celui-ci réserve à ses membres et les produits et services diffusés.
L’entreprise joue ainsi le rôle d’une société de substitution dans
laquelle le nouveau venu va être intégré grâce à un long processus marqué par
des étapes successives visant une implication croissante, cette implication exposant le consommateur initial à s’insérer dans un réseau commercial apporteur
de réponses à « toutes les questions existentielles ».
Chacune des sociétés posant problème au regard du risque sectaire
procède selon des schémas comparables. La description qui suit d’un processus
d’intégration alternatif est destinée à mettre en valeur les constantes et caractéristiques communes aux unes et aux autres.
La cohérence du schéma tient à l’intention de tout mettre en œuvre
pour influencer négativement (invitation à la rupture) et positivement (invitation à l’engagement croissant) la pensée du prospect. Les outils utilisés sont
l’image et plus tard les grands rassemblements valorisant les meilleures « réussites » au niveau commercial et de valorisation de l’enseigne. Nous sommes dans
l’exploitation des ressorts de ce qu’il est convenu d’appeler l’« intelligence émotionnelle », capable à la fois de conduire à « rompre » et à « fusionner ».
L’impact émotionnel doit être assez puissant pour amener la personne
recrutée par le distributeur à considérer qu’il existe une voie alternative et
merveilleuse apte à tout transformer dans la vie de celui ou de celle qui accepte
de rejoindre le « réseau ».
Voici donc les étapes que l’animateur, à la fois recruteur et délégué
local ou régional du réseau va être conduit à développer devant ses consommateurs futurs distributeurs :
Première étape
74
MIVILUDES
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Une opportunité pour créer une vie nouvelle pour soi et les autres. Audelà de la cible initiale que représente le consommateur acceptant de participer
à une réunion d’information (qui sera suivie très rapidement d’autres rencontres), c’est donc bien l’entourage familial et professionnel de la cible qui est visé.
Cet entourage acceptera ou pas d’« entrer dans le jeu ». Ainsi se créera un clivage
entre ceux qui « jouent » et ceux qui refusent. Ceux-ci ont « le choix » entre « ne rien
vouloir voir et changer » (personnes à dévaloriser), ceux qui croient connaître une
meilleure voie (les rêveurs) et ceux qui adhèrent à « la solution » de la société de
vente multi-niveaux (SVMn) pour une vie harmonieuse.
La « SVMn » propose donc de donner la possibilité d’établir une activité commerciale qui durera toute la vie (quelle est l’entreprise capable de
faire une telle proposition dans une économie de marché ?) et qui peut même
passer de génération en génération en tant qu’avoir essentiel pour la famille
et les proches.
L’argument est le suivant : nul besoin d’embellir le concept avec des commentaires supplémentaires. Les mots et les images caractéristiques du concept
suffisent pour amener les gens à réfléchir. Dans le cadre de cette première
étape, l’animateur va se présenter sans dérouler une véritable biographie.
Deuxième étape
Cette étape est destinée à évacuer les hésitations et réticences de la cible
qui s’interroge sur les raisons de sa présence (il est venu sur « invitation » bien
souvent pressante d’un « parrain » et sur ce que la réunion pourrait réserver
comme événements inattendus et éventuellement contraignants. L’animateur
dessine le cadre et donne des repères pour que chacun se sente à l’aise et comprenne la raison d’être de la réunion. Il a pour directive d’indiquer des raisons
importantes pour tous et une réponse aux aspirations de chacun :
– un revenu complémentaire, préoccupation commune à la plupart des profils
de personnalités ;
– la santé de la famille (important pour les personnes soucieuses de leur famille
et de leur vie privée susceptibles d’acheter les produits pour les redonner à leur
entourage. Elles sont considérées comme ayant besoin d’énergie et d’argent
pour assumer leur charge de famille et leur rôle de protecteur) ;
– une capacité de prévoir l’avenir, attitude qui caractérise ceux qui vont poser
beaucoup de questions parce qu’ils ont besoin de « tout comprendre », qui agissent d’initiative et entreprennent ce qui est nécessaire à leurs yeux pour éviter
stress et inquiétude. Il faut pour ces personnes des chiffres et des détails ;
– une information alléchante sur l’« opportunité commerciale » proposée à ceux
qui ont déjà compris que l’enjeu n’est pas seulement d’acheter et de promouvoir mais de vendre et de recruter ;
– une allure de challenge pour ceux qui imaginent être des « joyfull winners ».
Troisième étape
Rapport au Premier ministre 2007
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Compte tenu de la diversité des profils des personnes-cibles invitées
à la réunion d’information puis par la suite aux réunions et séminaires d’entraînement, de formation et de progression dans les « grades » de l’architecture
commerciale multi-niveaux, il va s’agir de dépeindre une situation d’amélioration de vie et de promesse de réussite matérielle et morale, personnelle et
professionnelle dans laquelle chacun peut se reconnaître :
– avoir un avenir meilleur en consacrant davantage de temps à sa famille (antinomique des situations de fait rapportées à la MIVILUDES révélant des cas de
rupture avec l’environnement familial dans un contexte de sur-engagement au
La détection du risque dans le domaine économique
75
sein du réseau) et en obtenant des revenus plus importants (en contradiction avec
la situation matérielle et financière de distributeurs des niveaux de base) ;
– avoir une vie plus saine, voire plus longue ;
– atteindre un équilibre personnel supérieur et voir son stress diminuer ;
– pouvoir mieux gérer son avenir.
Quatrième étape
Entrer dans le contenu de l’activité commerciale « proposée » consiste
pour le présentateur et les animateurs des niveaux d’intégration ultérieurs, à
présenter la dimension et la portée des changements de vie que le futur distributeur va tout naturellement connaître du fait de son choix de saisir l’« opportunité commerciale » qui lui est proposée : une activité exceptionnelle et enthousiasmante, un business qui ne peut que se développer en raison des mécanismes de
recrutement, de progression, d’« intéressement » (des barèmes de rémunération
théorique sont assénés), la solution aux problèmes d’argent, la « valeur inestimable du bien-être » et l’émergence d’« une foi dans le bien-être ».
Cinquième étape
Le changement radical proposé est à la hauteur des défis de la vie
moderne : tout le monde a connu ou connaît des problèmes de gestion du
temps, de contraintes professionnelles incluant le harcèlement et le stress, de
régime alimentaire, de sommeil, de difficultés relationnelles… Il est fait le
constat que de nombreuses activités se sont tellement développées qu’elles
ont saturé des marchés spécifiques comme celui de la téléphonie, de l’alimentation saine, de la santé, de l’activité de détente. Il s’agit de rompre à la
fois avec ce monde fait de saturations et avec la dichotomie consommateuracteur économique (producteur, financeur, distributeur). Objectif : atteindre
le « tout en un ».
Sixième étape
76
MIVILUDES
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Il existe une « opportunité pour la vie ». Elle répond au besoin de réussir
socialement, personnellement, de réduire ou supprimer le stress, de « manager »
sa vie. Pour tous, la réponse est dans l’intégration d’un réseau de vente-multiniveaux pour la raison que intégrer toutes les facettes de sa vie dans un dispositif alternatif global fait gagner du temps, économiser de l’énergie, réduire les
frais d’installation dans une activité professionnelle lucrative et les démarches
administratives (hors champ juridique dans de nombreux domaines…). Les
étapes qui vont suivre sont toutes prometteuses : commencer sa prospection de
clientèle par son cercle familial et amical, puis poursuivre par son environnement professionnel puis cibler les consultants d’autres sociétés de vente comparables sur le terrain concurrentiel (le bien-être, la santé et le développement
personnel sont des domaines loin d’être saturés !).
C’est à ce moment de la progression vers l’intégration du nouveau venu
qu’apparaît un changement de ton qui va se confirmer et se raffermir par la
suite : « Il n’y a aucune limite à vos possibilités de réussite. Les efforts et le dévouement
vont vous permettre de concrétiser des opportunités à l’échelle nationale et internationale.
Il s’agit d’une opportunité pour la vie qui repose sur un catalogue de produits, dont le
potentiel pour changer la vie des gens est illimité, et lié à la meilleure opportunité commerciale existante. ».
Septième étape
Arrive le moment de présenter la société, son fondateur auréolé de
toutes les qualités qui vont plus tard servir de repères intangibles pour la détermination d’un « comportement d’intégrité » au sein du réseau, l’expérience de ce
fondateur qui lui a fait rencontrer une difficulté essentielle de la vie qu’il a
surmontée en découvrant la solution qui est proposée aujourd’hui au futur
distributeur (la nécessité est mère de l’invention). La société a une durée de vie
suffisante pour attester de sa stabilité et de sa capacité de croissance. Ceci est vrai
au plan international (et les ennuis administratifs et judiciaires ont pu déjà surgir),
plus rarement le cas en France où le concept se développe si vite que les prospects
manquent de tout repère. La réussite de la société s’explique par le fait que de plus
en plus de personnes ont besoin de son concept (de bien-être ou de développement personnel) pour exercer une « influence positive » sur leur vie.
Huitième étape
Un capital de crédibilité et de notoriété a été accumulé par le réseau
(sont alors cités quelques noms d’universités ou de centres de recherche privés
étrangers, aux ressources documentaires desquelles le réseau a bien sûr accès),
tout particulièrement lorsqu’il a réussi à s’introduire dans le panel des financeurs.
Ainsi se fait le lien entre ambition de propager le bien-être, argumentaire au service d’« une philosophie fondée sur quelques principes fondateurs », et les concepts protégés par des droits de propriété intellectuelle, sur lesquels vont prendre appui
les formations, les progressions individuelles, les incitations à vendre et à recruter
davantage et l’exigence de « promotion interne ».
Rapport au Premier ministre 2007
▼
C’est dans cette interdépendance que peut naître la « mise en état de
sujétion ». La clef de cette « philosophie » est présentée comme un équilibre simple, un concept qui attire et plaît à tout le monde et que chacun aura à cœur
d’atteindre s’il a le sens de l’honnêteté et de l’intégrité. C’est en s’appliquant
ces principes à eux-mêmes et en donnant aux notions d’honnêteté et d’intégrité le sens qu’ils entendaient lui donner au nom de l’objectif de développement du réseau multi-niveaux que les fondateurs sont parvenus au niveau
auquel chacun les découvre.
La détection du risque dans le domaine économique
77
Neuvième étape
Ainsi donc, la « vision énergique » des dirigeants va servir de boussole
pour que chacun atteigne cette « vision » qu’il convient de dater. Imaginons un
recrutement 2007 et une « vision 2010 », un laps de temps perceptible par tous,
des enjeux quantifiables, une pression acceptable et des objectifs quantitatifs
faciles à fixer au regard de la progression des grades. Cette vision viendra en
aide à des millions de personnes et ainsi se constituera une « dynamique mondiale » pour ceux que cela intéresse.
Dixième étape
Celle-ci consiste à mettre en valeur le lieu idéal de promotion des produits, point de départ de l’engagement comme distributeur, comme bénéficiaire d’une « opportunité commerciale » dans le cadre d’une accession à une
nouvelle vie au titre d’une « opportunité pour la vie ». Ce lieu idéal, c’est le domicile où vont se confondre vie personnelle, vie familiale et vie professionnelle.
C’est l’endroit où l’on peut ressentir les plus grands bienfaits sur notre bienêtre. Les gens ont besoin du meilleur pour eux-mêmes et leur famille. C’est
chez eux qu’ils seront les plus réceptifs. C’est ce que le réseau commercial
offre et « c’est ce message auquel ils doivent croire et souscrire ». Le meilleur produit
du réseau n’est autre que l’activité commerciale elle-même. S’installe ainsi dès
le départ une confusion de statut entre client et distributeur. Cela peut et doit
être la même personne. Cette activité peut faire la différence qui changera une
vie mais peut ne pas convenir à tout le monde. Il s’agit de profiter des faibles
coûts d’exploitation en raison du travail à domicile en tant que distributeur
à domicile sans contrat de travail, avec pour seul lien contractuel un « contrat
d’opportunité commerciale » (C’est l’une des dénominations couramment rencontrées). La progression individuelle et l’intégration quasi-obligée vont passer
par l’imposition de l’idée que ce fonctionnement commercial permet de se
débarrasser des intermédiaires – grossistes, intermédiaires, détaillants, sociétés de vente par correspondance ou par internet. Ainsi, le « client-futur distributeur » peut créer des équipes d’utilisateurs des produits (en commençant par sa
famille, ses collègues de travail, ses relations proches) et de créateurs d’entreprise en tant que lien direct entre le producteur et le consommateur. Ainsi va
se former un groupe spécial de personnes qui utilisent des produits exclusifs
(et qui potentiellement peuvent exclure ce groupe de l’environnement d’origine), produits exclusifs partagés par des utilisateurs enthousiastes qui vont les
recommander à leurs connaissances.
Onzième étape
78
MIVILUDES
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Que vais-je gagner en transformant ma vie jusqu’à la bouleverser complètement ? Les promoteurs du réseau vont présenter des chiffres. Dans les
séances de formation qui leur sont destinées, il leur est expliqué que « personne
ne pourra lire les chiffres affichés » et qu’ils ne doivent même pas expliquer le
système de rémunération durant la réunion d’information. Le message à faire
passer est que le programme peut offrir quelque chose à tout le monde. Puis
l’on revient aux gains escomptés : pas d’intermédiaires, donc un programme
de paiement qui garantit que l’argent va aux « distributeurs » ou « consultants » en
bien-être ou en développement personnel. Cet argent récompense l’activité à
temps plein comme l’activité à temps partiel. Se profile ici l’idée qu’il pourrait
y avoir un jour nécessité de passer au temps plein, donc de quitter son emploi.
Le potentiel est présenté comme étant sans limite. Et arrive la question de
savoir s’il existe un âge limite. La plupart des sociétés de ce type fixent un âge
de début (l’âge de la majorité pour chacun des pays d’implantation) mais indiquent en même temps qu’il n’existe aucune limite supérieure d’âge, donc pas
de problématique « retraite ». Ici surgit la question de la nature du contrat qui lie
les personnes entre niveaux du réseau, et force est de constater qu’il ne s’agit
ni d’un contrat de travail ni d’un contrat commercial mais d’une « opportunité
commerciale ». Et toujours en ce qui concerne la liberté d’accès au réseau, il est
souvent indiqué que « les femmes réussissent autant que les hommes » et que « la réussite ne dépend ni des croyances religieuses ni des origines ethniques ».
Douzième étape
C’est l’étape de la « démonstration » que chacun peut devenir manager
d’équipe et chef d’entreprise. Cette démonstration repose sur l’affirmation
que le développement des équipes et leur soutien (c’est-à-dire l’élargissement
de la base des consommateurs futurs distributeurs) permet d’augmenter sensiblement les revenus mensuels non pas seulement grâce au « bonus personnel »
mais également grâce au « bonus d’équipe ». Viennent ensuite des exemples de
réussite soigneusement choisis et révélateurs de résultats « instantanés » et non
pas échelonnés sur une longue période. Il s’agit de « créer quelque chose de puissant que tout le monde comprend » même s’il faut pour cela « changer les histoires »
des personnes prises comme exemple.
Treizième étape
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Voici venu le moment de décrire les modalités d’engagement incluant
les stades de « formation » et de « soutien ». C’est à ce moment que le représentant du réseau va vanter les mérites de l’« activité » et de « l’éthique » du réseau.
Le réseau soutient tout le monde et en tout premier lieu celui ou celle qui
a conduit l’auditeur à la réunion d’information. Le futur recruté peut donc
avoir pleinement confiance. Les formations qui vont être proposées forment
un « ensemble » indissociable. Elles sont conçues la plupart du temps en vue
d’intégrer l’auditeur dans le réseau dès que possible. Il s’agit de s’y inscrire
immédiatement, que la personne signe ou pas le soir même le « contrat » qui la
plupart du temps ne porte pas ce nom mais celui de « document d’opportunité commerciale » ou une dénomination similaire. La première « formation » est destinée
selon les réseaux à « apprendre à se défaire de ses anciens bagages », à rompre avec
son histoire, son passé, à changer sa vie. Car rien ne changera si la personne
La détection du risque dans le domaine économique
79
n’accepte pas de « changer ». Cette annonce déterminante et incontournable
est le moment de dramatisation indispensable pour obtenir le consentement
de l’auditeur, l’amener à signer un « document d’engagement » bien souvent sans
valeur contractuelle, à prendre les premières commandes de produits et à s’engager sur la voie de la distribution. Rien ne sera exigé. Il s’agit pour les intervenants de faire passer le message que l’occasion de changer sa vie est là, qu’elle
pourrait ne pas se représenter, que « chacun est libre ».
Quatorzième étape
C’est pourquoi l’« accrochage » du prospect se déroulera en deux temps :
celui de la découverte d’un « système de valeurs » fondé sur le triptyque :
– un réseau qui avant d’être un business est une chance pour chacun (c’est à
chacun de la saisir ou pas) et une occasion unique d’accéder à un processus de
« développement personnel » ;
– un test de fidélité à ceux qui ont offert au prospect cette chance unique.
Refuser l’offre sera bien davantage une trahison du parrain qu’un refus d’une
offre commerciale. Car ce qui compte n’est pas de consommer mais de propager l’idée de bien-être dont le vecteur initial est la gamme de produits ;
– une progression de vie qui prend appui sur des rencontres entre niveaux,
des occasions uniques de rencontrer les grands noms du réseau et peut-être un
jour les fondateurs « à qui chacun doit tant ».
L’accession aux « niveaux », « grades » ou « rangs supérieurs » et donc à une
vie meilleure est un leitmotiv asséné sans cesse par le moyen d’objectifs imagés,
de rêves détaillés (voyages pour les « Top 10 », « Top 20 » ou « Top 50 », formations
au recrutement de distributeurs, rencontres européennes et internationales
avec les dirigeants…), intéressements financiers gérés selon un calendrier très
strict permettant de tenir le réseau sans faille. Par exemple le « distributeur » à
qui l’on suggère très fortement de suivre de nouvelles formations et de nouvelles acquisitions d’ouvrages et de « kits » de référence se voit proposer des prix
spéciaux s’il accepte des échéances définies à la semaine près. Cela doit correspondre exactement au temps écoulé entre la signature du « contrat » initial et
la mise en confiance optimale nécessaire pour l’amener à penser de lui-même
que cette formation est une étape naturelle et primordiale, et ainsi de suite de
formation en formation. C’est sur ce schéma que l’accroissement des exigences
financières et en termes de temps consacré à la « vie du réseau » prend appui.
C’est aussi sur cette logique de progression que vont prendre place peu à peu
des animations fondées sur des « techniques psychologisantes » qui font régulièrement l’objet d’interrogations auprès de la MIVILUDES.
80
MIVILUDES
▼
Les « niveaux », « grades » ou « rangs » s’organisent et se succèdent à partir du calendrier d’utilisation de « concepts psychologisants » dont l’utilisation est
impérative pour susciter l’acceptation de la progression. A partir d’un certain
niveau, les « points » attribués au distributeur ne suffisent plus. Il s’agit d’accéder à l’étape du recrutement par le distributeur de nouveaux distributeurs.
Leur nombre est croissant et proportionnel au rang atteint.
En guise de conclusion, le témoignage suivant reçu à la Mission interministérielle peut éclairer l’enjeu de l’analyse du risque de dérives sectaires
dans le cadre des réseaux de vente multi-niveaux : « Famille, amis, connaissances,
s’il y en a, tous ont vu la bizarrerie du système sauf vous. Avant d’entrer dans le réseau,
vous vous sentiez perdu et dévalorisé. Après l’avoir quitté, vous vous sentez minable.
Vous vous sentez en porte-à-faux entre la crédibilité de vous-même aux yeux des autres
complètement anéantie pour la presque totalité de ceux que vous avez contactés, et entre
une sensation de culpabilité envers le réseau, la société, le parrain, le leader que vous avez
trahis et pour qui vous êtes sorti du rang des « adeptes » et regardé comme quelqu’un – si
ce n’est quelque chose – de stupéfiant et de spécieux. Vous ne pouvez pas leur faire valoir
votre lucidité car votre vérité n’est étayée ni par une action en justice victorieuse ni par
une reconnaissance de votre témoignage dans toutes ses dimensions et avant tout dans la
dimension « abus de confiance ».
Rapport au Premier ministre 2007
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Et plus loin dans le même témoignage : « Je comprends mieux maintenant
les réticences à porter plainte et la difficulté d’être cru d’autres catégories de victimes qui
aujourd’hui sont reconnues comme telles ».
La détection du risque dans le domaine économique
81
Les risques liés à certaines
techniques de coaching
en entreprise
Les « constellations d’organisation » ou « constellations d’entreprise » apparues sur le marché des pratiques de développement personnel, et de façon non
anecdotique, dans le cadre d’actions de formation professionnelle continue il
y a quelques années, connaissent aujourd’hui une expansion considérable qui
ne peut laisser indifférente la MIVILUDES.
Elles émanent d’un concept semble-t-il plus ancien, appliqué à la « résolution des conflits interpersonnels et familiaux » connu sous les dénominations
« constellations familiales » ou « constellations systémiques ».
Il est par ailleurs de plus en plus fréquent d’observer des liens de filiation ou une interdépendance entre « constellations familiales », « constellations
d’organisation » et « décodage biologique ».
S’il n’est pas dans le propos de la présente étude de prendre parti sur
la philosophie de la doctrine ou sur le contenu de ses méthodes induites, la
MIVILUDES estime néanmoins indispensable d’alerter le public sur les dangers qu’une pratique inappropriée est susceptible d’engendrer, ce que viennent, hélas, confirmer les témoignages de victimes. Les récits de ces personnes
illustrent les dérapages commis en application d’une doctrine et au moyen de
pratiques qui qualifient la dérive sectaire.
Les victimes et leurs familles n’expriment généralement pas tant des
critiques à l’égard de la méthode ni même envers les dérives auxquelles sa
pratique mal maîtrisée a pu conduire, qu’à l’endroit du refus de leurs interlocuteurs d’admettre la réalité du risque et de ces dérives quand elles sont
avérées. Elles déplorent l’absence totale de compréhension et de compassion à
l’endroit de celles et de ceux qui ont fait les frais d’expériences conduites sans
prudence et sans contrôle.
C’est pourquoi la MIVILUDES doit en effet suivre les évolutions de
ce phénomène et ses nombreuses applications en direction des personnes
physiques mais aussi des personnes morales compte tenu des informations
qu’elle a recueillies auprès de divers services de l’État (Renseignements généraux, DGEFP) et d’une jurisprudence datant de mai 2004 (jugement 390/04
Tribunal de grande instance de Foix du 18 mai 2004).
Rapport au Premier ministre 2007
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Cette jurisprudence éclaire en effet de manière très intéressante le
contexte d’émergence, de développement et de mise en œuvre en France des
La détection du risque dans le domaine économique
83
concepts de « constellations systémiques » et « constellations d’organisation », sachant
que deux des fondateurs de la « Fédération française des praticiens en constellations
systémiques » (FFPCS) sont ceux-là même qui ont été condamnés le 18 mai 2004,
l’un pour « usurpation de titre, diplôme ou qualité », « publicité mensongère ou de nature
à induire en erreur », et « tromperie sur la nature, la qualité ou l’origine d’une prestation
de service », l’autre pour « publicité mensongère, ou de nature à induire en erreur » et
« tromperie sur la nature, la qualité ou l’origine d’une prestation de service ».
Avant d’aborder les origines et l’histoire de l’élaboration et de la mise
en pratique de ces concepts et méthodes, il est indispensable d’avoir à l’esprit
les attendus de ce jugement de référence.
Concernant l’usage sans droit d’un titre attaché à une profession
réglementée par l’autorité publique ou d’un diplôme officiel ou d’une qualité dont les conditions d’attribution sont réglementées par l’autorité publique, il s’agissait en l’espèce de « l’usage du titre, du diplôme ou de la qualité de
psycho sociologue ».
Concernant la publicité mensongère ou de nature à induire en erreur,
il convient de retenir, car ceci est révélateur d’un modus operandi pernicieux,
que le jugement observait que la publicité en question comportait « des allégations ou présentations fausses de nature à induire en erreur sur les qualités des prestataires de service d’un bien ou d’un service en se présentant comme animateurs d’un Institut
Européen des Nouvelles Solutions en Psychologie, agréé par la Formation Professionnelle ».
Quoique depuis ce jugement, l’enregistrement (et non l’agrément) soit devenu
caduc en ce qui concerne l’organisme IENSP-Lienspsy, cet argument peut
encore être évoqué par les praticiens en « constellations systémiques » ainsi que la
MIVILUDES est amenée à le constater. En effet, dans le cas présenté ci-dessus,
un deuxième organisme dirigé par l’une des deux personnes condamnées et
pratiquant les mêmes méthodes est encore enregistré en tant qu’organisme de
formation professionnelle continue par les services compétents de la région
Midi-Pyrénées.
Concernant enfin la tromperie, il est déterminant de noter que celle-ci
portait sur le fait que le client, en l’occurrence un établissement public, avait
été trompé sur « la nature de prestation de service, en l’espèce un stage de formation
professionnelle effectué par un organisme non agréé ».
Aujourd’hui, les mêmes prestataires affirment continuer de proposer
leurs services aux entreprises « en combinaison avec d’autres outils tel le psychodrame
et le coaching » (plaquette de présentation du programme du deuxième congrès
francophone dédié aux constellations systémiques qui est annoncé pour les 28
et 29 avril 2008).
84
MIVILUDES
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Appliquées aux organisations et notamment aux entreprises, les
diverses formes de pratiques des « constellations d’organisation » ont, d’après les
consultants qui exercent dans ce cadre et diffusent ces concepts, vocation à
s’appliquer dans un processus de recherche de réponses aux problèmes de
management stratégique, de management des conflits, de management interculturel, de conduite du changement.
Elles ambitionnent également :
– de dénoncer des carences au niveau des capacités de gestion ;
– d’établir si l’entreprise peut se consacrer à des objectifs ou si elle reste bloquée sur des problèmes internes ;
– d’attirer l’attention sur l’opportunité ou l’inopportunité de licenciements ;
– de démontrer si les directions d’entreprises sont libres d’agir ou non.
Pour nombre de consultants porteurs de ce « concept de management »,
l’entreprise peut être appréhendée comme un système de la même façon
qu’un « système biologique ».
Ainsi, puisque l’entreprise serait soumise à des règles de fonctionnement qui lui sont propres (sans précision) et dont le respect est garant de son
équilibre au niveau de la productivité comme au plan de sa communication et
de la préservation d’un « bon climat de travail », la méconnaissance de ces règles
(autrement appelées « lois » chez certains praticiens) par les hommes et femmes
composantes du système entraînerait de nombreuses perturbations :
– perte de productivité ;
– dysfonctionnements hiérarchiques ;
– stress et difficultés relationnelles.
Les tenants de cette « méthode » et de ces « pratiques » affirment qu’il
existe des « principes et ordres », en l’occurrence des « ordres perturbés » que l’on
peut démasquer avec une rapidité étonnante dans le cadre des « constellations
d’entreprise ».
Parallèlement à cet engouement perceptible dans le grand public et à
titre personnel par des cadres dirigeants pour cet ensemble de concepts et de
pratiques, qui s’installent au confluent d’approches managériales et d’objectifs
à caractère de « développement personnel », force est de constater que l’originalité
apparente de la méthode et l’intérêt affiché de ses diffuseurs pour les dysfonctionnements internes aux entreprises et aux institutions, ont pour conséquence
une intrusion de ces méthodes dans les organisations du travail publiques ou
privées, où les préoccupations de médiation et d’arbitrage des conflits deviennent une priorité ou une mission.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
La plupart des séminaires et stages fondés sur les méthodes de « constellations d’organisation » visent des publics à niveau de responsabilité élevée :
– entrepreneurs en recherche d’un nouvel instrument de management et de
gouvernance ;
– personnes ayant au sein de leur entreprise ou de leur organisation des fonctions, qui les amènent à prendre des décisions ou à diriger une équipe ;
– conseillers d’entreprise et coachs qui veulent accroître leurs compétences ;
– personnes ayant découvert les « constellations familiales » et qui voudraient
élargir leur champ de vision aux différentes formes de constellations ;
La détection du risque dans le domaine économique
85
– personnes qui souhaitent résoudre un problème qui se pose dans un contexte
professionnel.
L’émergence de réseaux à forte capacité de développement commercial et l’implantation des très nombreux praticiens se réclamant du « décodage
biologique » et des « constellations » conduisent à être très attentif aux conséquences préjudiciables pour les patients et utilisateurs de ces méthodes que leur
mise en œuvre pourrait avoir.
L’appellation « constellations systémiques » peut être considérée comme
un terme générique concernant à la fois les concepts de « constellations familiales » et ceux de « constellations d’organisation ».
Les premières sont orientées vers les personnes et familles en demande
de thérapies ou d’accompagnement en suite de difficultés personnelles. Les
secondes sont dirigées vers les organisations et prétendent s’intéresser aux systèmes de toutes organisations non familiales et tout particulièrement au monde
du travail (entreprises de toutes tailles, institutions, administrations).
L’accroissement très rapide du nombre des praticiens en « constellations
systémiques » et la diversification des concepts utilisés pour la mise en œuvre de
ces pratiques conduit nombre de ces praticiens à s’interroger sur les origines
exactes des concepts en question, d’autant plus que la prétention des utilisateurs est double : « pratique psychothérapeutique » et « développement personnel ».
Beaucoup s’accordent à dater l’origine des constellations familiales
aux travaux de Virginia Satir, qui dirigeait le « Mental Research Institute » (Palo
Alto, USA) dans les années 1960 et plus encore de Bert Hellinger présenté par
les praticiens de cet « ensemble méthodologique » comme « philosophe, théologien, psychanalyste jungien qui s’est intéressé pendant son séjour de seize ans en Afrique du Sud
au contact des Zoulous à la façon dont ceux-ci « étaient reliés aux ancêtres ».
Virginia Satir (1916-1988), américaine, est titulaire du « Bachelor of
Art » de l’Université du Wisconsin (1936) et d’un « M.A. » de l’Université de
Chicago obtenu douze ans plus tard. Elle obtiendra plusieurs « doctorats honorifiques en sciences sociales » à partir de 1978 jusqu’en 1986. Formatrice en thérapeutes familiaux, elle crée en 1958, l’équipe du « Mental Research Institute »
(École de Palo Alto). Elle s’est essentiellement occupée, au sein de cet institut,
des questions de famille et de formation.
Dès cette époque, son approche professionnelle l’a conduite à prendre
en charge les microstructures telles que la cellule familiale et les macrostructures telles que l’entreprise et plus généralement le contexte professionnel de la
vie des personnes.
86
MIVILUDES
▼
Son œuvre est prise en charge depuis sa disparition par « The Virginia
Satir Global Network » (VSGN) dont la mission centrale est d’assurer la pérennité
de l’œuvre et d’être garant de la protection des droits liés à cette œuvre, qu’il
s’agisse de ses livres, des techniques, méthodes, concepts et autres outils de
formation créés par elle. Il s’agit donc avant tout d’un réseau de protection de
droits de propriété et de veille de l’utilisation des outils en question aux ÉtatsUnis et dans tous les pays d’implantation du réseau.
Des instituts et des organisations filiales du « Virginia Satir Global
Network » sont implantés sur tous les continents. En Europe, il en existe actuellement deux, l’un en République tchèque, l’autre en Slovaquie.
Trois organisations filiales sont connues et référencées par le « VSGN »
dont deux implantés au San Salvador, l’« Agapè Sister Organization » et la « Nueva
Acropolis Sister Organization ».
Les caractéristiques essentielles des concepts et techniques thérapeutiques élaborées par Virginia Satir et diffusés internationalement par l’intermédiaire du réseau, sont définis par David Gordon par la description de « catégories humaines » telles qu’appréhendées par celle qui continue d’être considérée
comme le précurseur des thérapeutes, praticiens en « constellations familiales » et
« constellations systémiques ».
– le « Lénifiant » qui essaye de plaire, d’obtenir l’approbation, pense qu’il n’est
bon à rien, redevable envers tout le monde, et adopte une attitude physique
de supplication ;
– l’« Accusateur » qui fait le supérieur, reproche aux autres, affiche une physiologie tendue et une attitude pointant l’accusation ;
– l’« Ordinateur » qui est très correct, raisonnable. Son corps semble sec, dissocié et son vocabulaire est abstrait. L’attitude est caractérisée par une colonne
vertébrale rigide comme une tige d’acier ;
– l’« Évaporé » qui ne répond jamais de façon appropriée. Il bouge son corps,
sa bouche, etc.
Chacun de ces personnages renforce le sentiment de faible estime de Soi à
l’intérieur de l’individu ;
– le « Niveleur » est congruent, sa communication verbale et non verbale « sont
en accord », son « estime de Soi » est peu menacée.
Dans ces cinq catégories, seul le niveleur a une chance de guérir les
ruptures, de briser les impasses ou de construire des ponts entre les gens.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Ainsi, peut-on, d’après David Gordon, définir l’approche thérapeutique de Virginia Satir à partir des catégories ci-dessus identifiées :
– « La plainte de la personne fonctionne comme une polarité entre ce qu’elle vit et ce
qu’elle veut vivre ». Chacune des parties sera associée avec profit à une catégorie de V.
Satir. Une façon très directe de déterminer la catégorie satirienne associée au vécu d’une
partie donnée est de demander simplement : « Qu’est-ce que vous avez conscience de ressentir quand vous dîtes cela ? » La réponse fournit l’information, par exemple : « désemparé
(lénifiant) », « en colère (accusateur) », « rien (ordinateur) », « Quoi ? (évaporé) » ;
– le premier bénéfice retiré de ces catégories est qu’elles rendent l’histoire plus significative
pour le client. Le deuxième bénéfice est de nourrir le processus de changement. Les individus ne résolvent pas leur problème parce qu’ils ne savent pas comment s’y prendre. Donc,
il y a une difficulté de style de communication et non de contenu. L’aide apportée passera
par un changement de catégorie ».
La détection du risque dans le domaine économique
87
Et au-delà, ces catégories peuvent permettre, selon le même auteur,
d’effectuer des changements à un niveau autre que celui de l’histoire de base.
Pour incorporer les changements de « positions satiriennes » au sein
d’une métaphore, il faut premièrement caractériser chacun des protagonistes
de l’histoire avec les termes des modes de communication employés par leurs
contreparties dans la situation « réelle » puis, deuxièmement, faire en sorte que
les changements qui se produisent dans la résolution reposent sur des changements appropriés de catégories. Une fois que sont précisées les « positions
satiriennes » des personnes ou des parties significatives du problème, que la stratégie est spécifiée pour les changements de mode, il suffit de l’indiquer simplement dans la description des personnages ou des actions.
La plupart des réseaux de praticiens développant la formation aux
constellations systémiques et leurs usages affirment ou revendiquent une filiation entre Virginia Satir et Bert Hellinger, fondateur reconnu de ce concept.
Cette filiation n’est pourtant pas certaine, ce qui permet à nombre de prestataires de se défausser lorsque naît une controverse. Néanmoins, il est attesté
que Bert Hellinger revenu en Allemagne en 1969 après avoir séjourné comme
« enseignant missionnaire » en Afrique du sud, s’est formé à la psychanalyse à
Vienne, a découvert la « thérapie primale » considérée comme une expression
forte des sentiments d’après l’école Hellinger de Paris, puis l’« analyse transactionnelle », l’« analyse des scénarios », la « thérapie familiale » et a appris le travail des
« sculptures familiales », autrement dit l’approche des « catégories » en lien avec
Virginia Satir.
Les travaux de Bert Hellinger sont aujourd’hui également controversés.
Ce qui n’empêche pas le développement de la pratique des
« Constellations », soit en « thérapie personnelle », soit de plus en plus en « thérapie
de groupe » et il se vérifie que le phénomène prend de l’importance. L’effet de
mode s’installe de manière surprenante dans la sphère professionnelle et en
tout premier lieu dans l’entreprise et les institutions.
88
MIVILUDES
▼
Controversé en effet car parallèlement à l’engouement, y compris au
sein de clubs ou cercles de dirigeants d’entreprise, les critiques émergent. Elles
portent essentiellement sur les thèmes suivants :
– les méthodes et instruments mis en œuvre n’ont jamais fait l’objet de validations scientifiques ;
– les procédures d’accréditation des praticiens sont considérées comme peu
crédibles ;
– les affirmations de certains praticiens selon lesquelles la pratique des constellations systémiques peut résoudre des troubles profonds dans la vie des sujets en
une seule session font plus qu’intriguer. Elles inquiètent car en même temps,
force est de constater que ces mêmes praticiens inscrivent leurs prestations dans
la durée tant auprès des personnes physiques que des entreprises clientes ;
– un cas de suicide et plusieurs cas de comportements psychotiques seraient
survenus après mise en œuvre de la pratique.
Quels sont les « grands principes » de cette méthode controversée et de
plus en plus repérable sur le marché des « thérapies comportementales groupales » ?
Mis au point il y a une trentaine d’années, le concept des constellations
familiales et les méthodes qui ont été élaborées par la suite à destination des
diverses formes de vie en société (famille, association, entreprise, institution)
peuvent être décrits de la manière suivante :
La personne visée par la « thérapie », s’inscrit « à son tour » sur invitation
du « constellateur », c’est-à-dire du prestataire, dans le groupe constitué dans le
cadre d’une session. Elle choisit plusieurs personnes dans ce groupe. Il s’agit
avant tout d’une « thérapie groupale », pour représenter chacun des membres de
sa communauté d’appartenance (famille, entreprise…), là où se pose le problème pour lequel elle est là.
Dans une interview de Bert Hellinger pour la revue « Nouvelle Clefs »,
la description du schéma se poursuit ainsi :
« Sans rien leur dire de vous, vous placez ces personnes à votre guise, debout,
les bras ballants, dans le cercle formé par les participants. Vous agissez toujours « au feeling », dans un état semi- somnambulique, en ne pensant à rien, juste vigilant à ce qui se
passe en vous. Puis vous vous asseyez et écoutez le « psy-constellateur » interroger chacune
des personnes de la « constellation » ainsi formée. Aussi fou que cela puisse paraître, ces
personnes, qui ne savent rien de vous ni de votre famille ou de vos ancêtres, se mettent à
répondre des choses tout à fait en rapport avec votre situation, votre vie, votre arbre généalogique. Invité par l’un des participants d’un tel atelier à représenter son père (cela aurait
pu être son frère, ou son fils, ou même sa mère ou sa femme, les vecteurs de l’expérience
s’avérant androgynes), nous nous sommes mis à ressentir des sensations, des émotions, à
prononcer des paroles, à commettre des gestes, à exprimer des demandes que nous ne contrôlions pas et qui participaient d’un ensemble interactif impliquant quatre, cinq, six, jusqu’à
vingt personnes dans un état similaire au nôtre, le tout prenant un sens aigu (dans son récit
ultérieur) pour le sujet dont nous « constellions » (verbe transitif) la problématique, vers une
issue si possible harmonieuse… » Le champ ainsi ouvert est extrêmement surprenant,
comparable à rien d’autre. Une chose est sûre : l’intellect n’intervient pas, ou pas
de façon motrice, c’est quelque chose de beaucoup plus profond. Bert Hellinger
parle d’une communication « d’âme à âme »…
Et Bert Hellinger poursuit ainsi sa définition du concept dont il est
l’auteur et également le titulaire des droits de propriété intellectuelle (Bert
Hellinger R).
Rapport au Premier ministre 2007
▼
« Les nouvelles constellations familiales ne sont pas une technique mais un art,
l’art de ressentir nos perceptions les plus subtiles », soit « l’émouvance de l’âme ». « Grâce
à cela, nous devenons libres de notre propre destin, de notre propre accomplissement et de
notre propre mort » (Site de l’école Hellinger de Paris) et également « aujourd’hui,
les constellations familiales, telles que je les ai développées et telles qu’elles continuent à
évoluer, s’organisent dans la compréhension du fonctionnement organisé mais inconscient de l’amour. Travailler sur nos constellations familiales nous permet progressivement
de trouver l’origine de nos perturbations au travers des ressentis, des émotions et des
La détection du risque dans le domaine économique
89
attitudes. Les secrets, les liens cachés, les lois et leurs transgressions qui régissent notre
dynamique familiale apparaissent à la lumière, nous permettant ainsi de les « nettoyer »
d’une façon symbolique par des paroles ou des gestes. Nous pouvons trouver alors les
solutions qui autorisent chacun d’entre nous à se débarrasser de l’influence perturbatrice de notre héritage familial, tout en nous réconciliant avec l’âme de notre famille ».
« Même si les constellations familiales sont utilisées dans une première approche
comme outils de thérapie psychologique, elles se révèlent essentielles dans bien d’autres
domaines en nous permettant de dénouer les liens inconscients et d’équilibrer nos vies
personnelles, familiales et professionnelles ».
Le fondateur des « constellations familiales » affirme lui-même que ce
concept et les pratiques qui en découlent sont « perpétuellement en évolution »,
ce qui pose de nombreux problèmes tant pour le fondateur, pour ses collaborateurs et successeurs proches que pour la multitude des praticiens formés
depuis peu. Tel est le cas en France pour l’« École Hellinger de Paris » de création
très récente, et les organismes connus du réseau dit « écoles partenaires Hellinger »
ou en lien avec ce réseau parmi lesquels « Systemaviva », « ARTE Systemica » et
l’« IENSP » (Institut européen des nouvelles solutions psychologiques).
D’autres réseaux méritent également attention.
Depuis 2004-2005, les interrogations et polémiques enflent alors que
concomitamment, des témoignages positifs d’utilisateurs de la méthode paraissent et sont bien sûr mis en exergue.
En Allemagne, où exercent actuellement 20 000 praticiens en
« Systemische Aufsstellungen », une étude de 2004 d’un organisme rattaché à l’église protestante allemande (« Evangelische Zentralstelle für
Weltanschauungen », c’est-à-dire en quelque sorte un observatoire fédéral privé
des « conceptions du monde » décrit le contexte actuel de la pratique, montre les
incertitudes et inquiétudes qui se manifestent.
Nombre d’entre elles découlent de la mise en œuvre de pratiques qui,
tout en ayant un tronc commun, des règles de comportements semblables et
des labellisations identiques puisque rattachées encore une fois à des contraintes juridiques telles que les « droits de propriété intellectuelle », apparaissent diversifiées et revendicatives d’un style particulier à chaque cercle de praticiens.
Depuis deux ans environ, nombre de praticiens « constellations systémiques » sont en France dans cette revendication multiple.
De nouveaux repères conceptuels apparaissent, qui suscitent de nombreuses interrogations quant aux pratiques « thérapeutiques » ou « managériales »
qu’ils sous-entendent, et laissent réellement entrevoir des risques de dérives
sectaires.
90
MIVILUDES
▼
En référence à l’hypothèse selon laquelle la pratique des constellations serait une « thérapie spirituelle », des praticiens affirment que la méthode
Hellinger est un « outil simple et puissant parce qu’on détourne l’approche intellectuelle
et que l’on est obligé de constater que le corps a d’autres ressources et qu’il est relié à
l’univers ».
D’autres affirmations ou objectifs assignés aux utilisateurs de la
« méthode » renforcent le besoin de vigilance. « Nos vies seraient portées par une
intelligence plus grande où une harmonie de résonances plus collectives dirigerait chaque
mouvement. Cela aide à voir l’aspect dérisoire, parce que répétitif et automatique de nos
stratégies, dépendantes de nos mémoires ».
« Toucher les couches les plus profondes de nos identités : là où ça rumine moins
et où nous pouvons être reliés aux élans vivifiants de nos vraies dynamiques ».
« L’aspiration à appartenir au groupe constitue dans des couches très profondes
de l’inconscient, le principal moteur de nos agissements. Ma conscience c’est le groupe :
c’est lui qui décide pour moi ce qui est bon ou mauvais » (Bert Hellinger – interview
à Nouvelles clés).
La relation « Constellateur-Constellant » est souvent présentée comme un
« travail analytique, spirituel et énergétique ». Ce qui signifie pour les praticiens que
« le travail engagé allie la compréhension analytique de la problématique de base à un
travail énergétique et finalement « spirituel » car l’apaisement apporté guérit en profondeur ». La personne qui peut revivre son histoire permet à tout le groupe de
bénéficier de cette reformation des « nœuds » (non-reconnaissance, identifications de substitutions, secrets et échecs) qui vont agir par un phénomène de
redondance et résister au changement car ils sont les garants de la cohésion de
l’histoire du groupe.
Ainsi, dans une démarche d’analyse du risque de dérives sectaires, il
peut être nécessaire de rechercher ce qui dans la manière de « revivre son histoire » peut être induit comme recherche de type « décodage biologique » chez ces
praticiens qui combinent l’usage des « constellations systémiques » et du « décodage
biologique », dont deux des principaux concepteurs-propagateurs ont fait l’objet
de la part de la MIVILUDES d’examens critiques.
Pour les praticiens du décodage biologique, tout symptôme physique est la manifestation d’un stress qui se canalise en une fonction en relation avec le « ressenti du rien » pour nous apporter une aide vers la solution.
Au lieu de voir dans la maladie une faiblesse corporelle, un dérèglement dû
à une attaque venue de l’extérieur, il tente de décoder le rôle protecteur et
libérateur des maladies.
Pour Ryke Geerd Hamer, les pathologies ont une « utilité biologique » en
ce sens qu’elles peuvent être considérées selon les diffuseurs de cette « approche » comme des programmes spécifiques d’aide en réponse aux situations
conflictuelles que notre ressenti nous propose face à la réalité.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Ainsi, des praticiens hospitaliers allemands font le rapprochement
entre l’approche « décodage biologique » de la maladie défendue par Ryke Geerd
Hamer et l’approche « constellations systémiques » développée par Bert Hellinger,
auquel ils empruntent une formule : « Les liens de destinée au sein de la famille
La détection du risque dans le domaine économique
91
conditionnent et pérennisent les maladies », traduite du titre allemand d’un ouvrage
du fondateur des « constellations systémiques » « Schiksalsbindungen in der Familie,
die Krankheit mitbedingen und aufrechthalten ».
Dans un diaporama pédagogique à vocation médicale diffusé en
Allemagne au sein d’un groupe d’établissements hospitaliers privés, intitulé
« Médecine – psychologie : des partenaires qui se découvrent » et consacré à
la question « Le cancer du sein est-il une maladie de l’âme ? », une citation de
Ryke Geerd Hamer prend un relief particulier en apparaissant presque immédiatement avant la référence aux travaux de B. Hellinger, qui en français peut
être traduite par « choc conflictuel, dramatique et de forte acuité : chaque patient doit
résoudre ce conflit pour pouvoir guérir ».
Ce constat d’une proximité ou, dit d’une autre manière, d’une complémentarité ou interdépendance entre « constellations d’organisation » et « décodage
biologique » conduit à légitimer une vigilance affirmée à l’égard de ceux qui se
réclament de ces concepts et les mettent en œuvre dans un cadre thérapeutique et/ou professionnel.
Voici plusieurs raisons qui motivent cet appel à la vigilance.
En juin 2005, Ryke Geerd Hamer a été condamné définitivement à
trois ans d’emprisonnement pour escroquerie et complicité d’exercice illégal
de la médecine, la Cour de Cassation ayant rejeté son pourvoi à la suite de sa
condamnation par la Cour d’appel de Paris l’année précédente. L’arrêt retenait notamment que Ryke Geerd Hamer était interdit d’exercer en Allemagne
depuis 1986, ne pouvait exercer en France et faisait néanmoins usage de sa
qualité de médecin pour tromper les malades et les déterminer à des remises
de fonds.
Et pourtant, en 2007 encore, il est fait référence à ce personnage dans
la pratique conjointe des constellations et du décodage biologique.
Ce double référencement est également régulièrement constaté en
France à un moment où la pratique se développe très rapidement et où il apparaît que les praticiens se réclamant de ces concepts, où qu’ils exercent sur le
territoire, sont organisés en réseaux et échangent, construisent et développent
leur pratique de manière concertée.
92
MIVILUDES
▼
L’apparent engouement pour ces pratiques, tout particulièrement en
entreprise, et la forte réactivité de l’offre peuvent s’expliquer par le fort impact
de l’argument selon lequel on peut appréhender l’entreprise comme un système au même titre qu’un système biologique ou familial et que « comme tous
les systèmes, l’entreprise est soumise à des règles de fonctionnement qui lui sont propres et
dont le respect est le garant de son équilibre tant au niveau de sa communication externe
qu’interne, qu’à sa productivité et au bon climat de travail ». Cette présentation de
la pratique des constellations systémiques en entreprise émane d’un membre
de la « Fédération française des praticiens en constellations systémiques » qui
a tenu son premier congrès francophone à Paris en décembre 2005 et dont le
deuxième congrès se tiendra en avril 2008 à Paris.
Des membres de cette Fédération observent eux-mêmes que le contexte
français est délicat pour eux avec la loi de 2001 (Loi 2001-504 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte
aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales) et la loi de 2005 sur la
psychothérapie.
Quand ces techniques sont mal comprises, ou quand elles sont mises
en application par des personnes mal formées, ou dénuées de prudence et de
scrupules, le pire est à craindre et les signalements recensés, hélas de plus en
plus fréquents sur l’ensemble du territoire national, font état de dysfonctionnements graves. La contestation, la discussion, ne sont pas admises et la menace
d’exclusion conduit le « patient » à accepter ce qui lui est imposé.
De telles dérives dont la connotation sectaire est manifeste, non validées scientifiquement, sérieusement contestées par des universitaires réputés, condamnées par la justice, ne peuvent laisser indifférents ceux qui ont la
charge de l’information et de la mise en garde du public contre les dangers de
pratiques dont l’issue sera le plus souvent dramatique pour les entreprises, les
personnes et leurs familles.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Aussi convient-il d’instaurer une vigilance en la matière, en raison de
la diffusion étendue des concepts en cause et de leur mise en œuvre dans le
cadre de pratiques s’appliquant de plus en plus à des contextes d’entreprises
ou d’administrations.
La détection du risque dans le domaine économique
93
4
e
Partie
Études diverses
Stupéfiants et dérives sectaires
Dans ses précédents rapports, en 2005 et 2006, la MIVILUDES avait
attiré l’attention des pouvoirs publics et de la population sur les graves dangers
liés à l’utilisation de substances dangereuses par certains groupes chamaniques
ou issus de la mouvance New Age, et elle avait, à ce titre, expliqué comment
l’usage qui était fait de l’ayahuasca puis de l’iboga s’inscrivait dans une logique
de mise sous emprise des « patients » avec, dans la plupart des cas, une dérive
sectaire caractérisée au sens des critères établis en 1995.
La consommation de ces plantes, qui produisent chez les consommateurs un effet hallucinogène, est loin d’être sans conséquences, tant sur le plan
physique que psychique. Le docteur Armelle Guivier, dans sa thèse de médecine intitulée « Risque d’atteinte à l’intégrité physique encourus par les adeptes
de sectes », écrit à propos de l’ayahuasca (page 164) 1:
« Dans ce contexte, la Commission nationale des stupéfiants et psychotropes a
examiné les données actuelles et a conclu « l’ayahuasca possède des propriétés psychoactives et un potentiel d’abus avéré ». Chez l’animal des effets neurotoxiques et des effets
somatiques importants ont été mis en évidence. Chez l’homme, sa toxicité consiste essentiellement en des effets hallucinogènes et une altération profonde de l’état de conscience associés à des troubles digestifs (nausées, vomissement, diarrhée), neurovégétatifs (sudation,
vertiges, tremblements) et cardiaques (tachycardie, HTA).
En outre, le docteur G. Pépin, pharmacologue et expert auprès des tribunaux
français dénonce les dangers de l’ayahuasca : caractéristiques et effets secondaires similaires à ceux du LSD. Toutefois, la composante pharmacologique et les effets secondaires
sont encore méconnus. Des décompensations psychiatriques définitives ou réversibles, des
suicides (notamment celui de Marcu Lumby, étudiant en anthropologie à l’Université
de Cambridge qui consommait lui-même ce breuvage dans le cadre d’une recherche sur le
chamanisme péruvien), comas et décès ont été signalés ».
Le rapport 2005 de la MIVILUDES (page 49), abordait les concepts
de néo-chamanisme, où la guérison physique de l’individu doit tout d’abord
passer par une guérison spirituelle et serait favorisée par la consommation de
ces produits. Le processus consistait souvent en une première accroche sous
forme de stages offrant la possibilité de faire vivre un « voyage », puis c’était
l’incitation – obligation de participer à des sessions de développement personnel, et enfin la possibilité d’adhérer à une communauté fermée, pour devenir
soi-même « chaman ». Ce cursus avait pour but inavoué de faire fructifier les
Rapport au Premier ministre 2007
▼
- Thèse consultable sur le site de la Miviludes :
http://www.miviludes.gouv.fr/RISQUES-D-ATTEINTE-A-L-INTEGRITE
Études diverses
97
revenus des dirigeants, puisque chaque étape était payante et que les nouveaux
chamans devaient verser des royalties à leurs formateurs.
A côté de ces chamans New Age, d’autres mouvances dans lesquelles
on trouve des psychothérapeutes auto-déclarés, des petites communautés rurales, mais aussi des structures beaucoup plus organisées, utilisent également les
propriétés de ces plantes dans les techniques proposées à leurs « clients ». Leur
but déclaré est « la re-découverte d’une harmonisation et d’une spiritualité
naturelle ainsi que l’obtention d’une parfaite communion avec le règne des
éléments naturels ».
Mais en fait, c’est surtout, pour les organisateurs, un véritable fonds de
commerce très éloigné des intentions décrites dans leurs diverses publications
ou sur leurs différents sites.
Les nombreux signalements reçus ont conduit la MIVILUDES à mettre
en place des actions de formation et de prévention axées sur les dangers de
dérives sectaires liées à l’emploi inconsidéré de ces substances :
– formation des services spécialisés qui étaient très peu informés sur le fait que
ces produits utilisés dans le cadre de rituels chamaniques étaient prohibés ou
venaient de l’être ;
– prévention auprès du public par la nouveauté ou l’effet de mode et totalement ignorant de la dangerosité de ces pratiques et des dérives sectaires susceptibles d’en découler.
L’ayahuasca est désormais classé au tableau des stupéfiants (tableau B)
par un arrêté paru dans le Journal officiel du 3 mai 2005 2. L’iboga, déjà interdit au États-Unis depuis 1996, a été interdit en France par le ministère de la
Santé, à la suite de la publication du rapport 2006 de la MIVILUDES 3.
1. L’alternative au classement de l’iboga
et de l’ayahuasca
La très grande réactivité des services de l’État, a contraint les organisateurs de ce type de stages utilisant des produits désormais interdits, à renoncer
à l’usage de ces substances et de leur dérivés, ce qui bien sûr est positif, mais ils
ont su s’adapter à ce nouveau contexte législatif en recherchant des produits
de substitution, peut-être moins exotiques mais tout aussi dangereux pour la
santé des personnes.
Les propriétés hallucinogènes (parmi d’autres) d’une nouvelle plante
sont maintenant utilisées : il s’agit du « datura » qui ne fait, pour l’instant, l’objet
d’aucune législation précise.
98
MIVILUDES
▼
- Arrêté du 20 avril 2005 modifiant l’arrêté du 22 février 1990 fixant la liste des substances classées comme
stupéfiants.
- Arrêté du 12 mars 2007 modifiant l’arrêté du 22 février 1990 fixant la liste des substances classées comme
stupéfiants.
Un véritable phénomène de mode entoure sa promotion, notamment
via internet, et les personnes sensibles aux théories du chamanisme sont manifestement celles qui montrent le plus d’intérêt pour le datura, dont il n’est pas
inutile de donner ci-après quelques caractéristiques.
• Propriétés pharmacologiques
Cette plante, qui peut provoquer des délires hallucinatoires de plusieurs heures, est fortement vénéneuse, et elle est considérée comme étant la
plus toxique de toutes les solanacées. Ce fait n’est jamais porté à la connaissance des « clients ».
• Description, histoire
De la famille des solanacées, le datura est une plante très commune en
Europe, poussant dans les terrains non cultivés et souvent considéré comme
une mauvaise herbe envahissante. Il est connu et utilisé depuis l’Antiquité.
Son usage est traditionnel dans certaines ethnies d’Amérique qui l’utilisent lors de rituels initiatiques ainsi que dans un breuvage, le « wysoccan »,
lors du rituel de passage à l’âge adulte. Il n’est pas surprenant, dès lors, que ses
effets aient attiré l’attention des nouveaux apprentis sorciers à la recherche de
substituts à leurs précédents produits, dans le cadre de l’organisation de rituels
chamaniques et autres cérémonies qualifiées par eux d’initiatiques.
Il n’est pas inutile de comparer la perception qu’ont les responsables
de cette plante en France et chez quelques-uns de nos voisins européens.
En France
Plusieurs exemples de cas d’absorption de datura chez des jeunes sont
traités actuellement par les services spécialisés, car même si le datura n’est pas
classé au tableau B, son administration est prohibée et peut s’apparenter à un
exercice illégal de la médecine.
Des adeptes de mouvements chamaniques parlent du datura sur leurs
blogs et donnent de nombreux détails sur son mode d’administration, ses
effets, et ils justifient son usage par l’histoire de cette plante et par son rôle
dans « l’art sorcier » plus particulièrement en Bretagne.
Le recours à cette plante est également souvent évoqué dans des stages
dits de méditation où il est systématiquement rappelé que le datura est utilisé
par les chamans d’Amérique du sud au même titre que l’ayahuasca.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Il a été constaté que plusieurs groupes qui prônent un retour au culte
de la nature (l’ancienne religion) font l’apologie du datura sur leurs sites et
donnent même des détails précis sur le mode d’utilisation de cette plante. Là
encore, la justification de l’utilisation du datura repose sur son très ancien
usage, notamment dans le chamanisme amazonien.
Études diverses
99
La publicité faite à cette plante via le web, au travers de son usage rituel
par de véritables chamans, est particulièrement dangereuse. En effet, la diffusion de l’ayahuasca et de l’iboga était relativement confidentielle parce qu’il
n’était pas aisé de s’en procurer, alors que le datura est très facile à obtenir.
C’est pourquoi, il est particulièrement irresponsable de diffuser sur le net des
conseils d’utilisation de ce type de substance sous couvert de thèses chamaniques ou comme le fait la WICCA (www.le-sidh.org/site/article_288.htlm), au
motif du retour aux croyances anciennes comme le druidisme, la mythologie
grecque, latine etc.
Dans le reste de l’Europe
Dans le cadre de la rédaction du présent rapport, la MIVILUDES a
recherché des éléments de comparaison sur le phénomène du datura dans les
pays de l’Union européenne ainsi qu’en Suisse et aux États-Unis. Les résultats
de ces recherches font apparaître que cette plante n’a fait l’objet d’études précises qu’au Royaume-Uni :
1 - En Allemagne.
Le datura est classé dans la catégorie des drogues appelées biologiques
(Biodrogen), l’usage illégal de cette plante, ainsi que de ses produits dérivés ou
de ses principes actifs dévoyés comme produits stupéfiants ; il est donc susceptible de poursuites pénales.
2 - Au Danemark.
Le datura n’est pas classé au Danemark, la consommation de cette
plante est connue pour provoquer un état d’esprit proche du delirium tremens, où l’individu n’est pas en mesure de faire la différence entre la réalité et
ses hallucinations. Cet effet est causé par la présence d’hyoscyamine, de scopolamine et d’atropine.
Dans ce pays, le datura est souvent consommé en liaison avec de l’alcool. En termes cliniques, elle a un effet addictif, et elle peut masquer divers
symptômes pathologiques, ce qui est dangereux lorsqu’un diagnostic médical
s’impose.
La différence entre la dose tolérée et la dose létale paraît très difficile
à estimer.
100
MIVILUDES
▼
Deux cas d’intoxication grave ont été portés à la connaissance des autorités danoises, et de nombreux sites internet danois donnent des idées d’utilisation variées du datura, notamment le site d’une « sorcière » auto-proclamée.
3 - En Grèce.
Le datura ou « stramoine » est connu pour avoir été utilisé par
Dioscoride 4 pour rendre ses oracles. Il n’est pas classé et ne fait l’objet d’aucune
autre remarque particulière.
4 - En Islande.
Le datura fait l’objet de deux textes de loi quant aux restrictions liées à
son emploi, et aucun cas d’utilisation de cette plante n’a été signalé aux autorités de ce pays.
5 - Aux Pays-Bas.
Le datura est interdit à la vente quand il est transformé et il a fait l’objet
d’une mise en alerte des autorités sanitaires.
6 - Au Royaume-Uni.
L’association « Inform » indique que le datura est connu pour être utilisé par des individus en quête d’expériences spirituelles sous la supervision
d’un « mentor shaman ». Il est mentionné que l’imprévisibilité de cette drogue
et de ses effets secondaires graves sont mis en exergue dans beaucoup d’expériences personnelles relatées sur internet 5.
Ses effets hallucinogènes sont considérés comme très dangereux et
l’une des figures les plus influentes du néo-chamanisme dans les pays occidentaux refuserait d’en promouvoir l’utilisation lors des rituels chamaniques pour
cette raison.
Il est également noté par les spécialistes d’Inform que la dose de datura
requise pour avoir un effet hallucinogène est très proche de celle pouvant
conduire à un aveuglement temporaire, à des palpitations cardiaques, à une
perte de contrôle moteur mais aussi à des expériences hallucinogènes pouvant durer trois ou quatre jours, ainsi qu’au risque de mettre fin à ses jours
de manière non intentionnelle. Toujours selon les spécialistes d’Inform, beaucoup de témoignages d’utilisateurs du datura mentionnent une expérience terrifiante parfois qualifiée de « démoniaque ».
Cette analyse précise enfin que l’utilisation du datura par certains praticiens du néo-chamanisme a été largement inspirée par les plus grands vulgarisateurs de ce mouvement tels que Carlos Castaneda (1925-1998) et Michael Harner,
anciens anthropologues devenus chamans, qui ont étudié son utilisation sous la
supervision de chamans de communautés tribales d’Amérique centrale et du sud.
Harner avait étudié en particulier la tribu « Jivaro » en Équateur et l’utilisation qu’elle faisait du datura, à la fois outil pédagogique pour les enfants,
Rapport au Premier ministre 2007
▼
- Médecin grec, il a décrit et classé de nombreuses plantes médicinales, en indiquant leurs usages et leurs effets.
- Notamment sur le lien suivant : http://www.erowid.org/expériences/subs/exp?datura.shtml?general
Études diverses
101
et ingrédient des cérémonies initiatiques, facilitant le diagnostic médical et la
guérison, mais aussi inspirant des visions prophétiques.
Chez ce peuple, le datura est utilisé comme un moyen de discipline et
d’emprise sociale.
Il est précisé par Inform, que M. Harner, fondateur de la FSS (The
Foundation for shamanic studies) et ses « franchises », bien que très influents
dans la mouvance néo-chamane, ne promeuvent l’utilisation du datura dans
aucune publication.
Les spécialistes du chamanisme considèrent au Royaume-Uni que le
datura est beaucoup plus délicat à doser par les apprentis chamans que l’ayahuasca, et à ce titre, plus dangereux.
7 - En Slovaquie.
Le datura fait l’objet de mentions sur de nombreux sites internet, mais
des mises en garde en direction d’éventuels consommateurs sont également présentes sur le web. Il est répertorié comme principe actif de médicament, et n’est
pas classé comme drogue illicite ; un expert slovaque appartenant à l’Institut
d’expertise criminelle de la police relève que la pression législative exercée sur le
chanvre indien a incité certains toxicomanes à se ré-orienter vers le datura.
Ce dernier est également décrit comme entraînant à des inclinaisons
au mysticisme et à l’occultisme, et comme moyen d’inspiration pour des groupes de hard rock ou de musique païenne, certains d’entre eux ayant repris
le nom du datura dans la dénomination de leur groupe ou dans des titres de
morceaux de musique.
8 - En Suède.
La Suède indique par la voix de son organisation centrale de l’information sur l’alcool et les stupéfiants que le datura est consommé en Suède en
combinaison avec d’autres drogues. La plante se mange, se boit ou se fume, et
elle est connue pour servir de drogue « du séducteur », car elle aurait un effet
annihilateur du jugement et stimulerait le désir.
Le datura est également utilisé dans le cadre de certaines pratiques
magiques, comme ingrédient intervenant dans le processus permettant de rendre les personnes « zombies », ce qui fait que la plante est également appelée
« zombiegurka ».
9 - En Suisse.
102
MIVILUDES
▼
Un décès a été constaté à la suite de la consommation de datura dit
« trompette des anges », mais selon une estimation de l’Office fédéral de la
police suisse, le cercle des consommateurs serait très restreint en raison des
effets puissants et imprévisibles de cette plante, qui inquiètent et dissuadent les
utilisateurs potentiels.
2. Les propositions de la Miviludes
Le contexte chamanique et ses conséquences
Dans son rôle de prévention, la MIVILUDES a déjà, à plusieurs reprises, appelé l’attention sur les dangers de l’utilisation de plantes ou de substances diverses notamment lors de rituels liés à des pratiques spiritualistes, visant
plus particulièrement, en matière de chamanisme, à « permettre le dialogue avec
des créatures surnaturelles en vue d’en obtenir guérison, mieux-être etc… ».
M. Michel Perrin, ethnologue et membre du laboratoire d’anthropologie sociale du Collège de France 6, considère que ces produits toxiques ont un
caractère structurant chez les Indiens, mais qu’en Europe ils sont destructeurs.
En effet, après absorption sous diverses formes, l’individu est conduit dans un
monde et des paysages qui seraient familiers à ces tribus, mais qui sont totalement inconnus et nouveaux pour les membres de nos sociétés industrielles.
Dès lors, ce type de « voyage » peut avoir des conséquences dramatiques sur
le plan psychologique, et l’étude de M. Perrin fait ressortir que dans leur pays
d’origine, l’utilisation de ce type de drogue est parfaitement codifié, qu’il n’est
autorisé qu’à quelques personnes choisies et bien définies, ce qui n’a rien à voir
avec le commerce ou les types de stages proposés en France ou dans le reste de
l’Europe, ni même avec les stages organisés pour les Européens en vue d’une
initiation et d’une consommation de ces produits dans les pays d’origine. Quel
que soit le jugement porté sur ces substances, dans notre pays, positif ou négatif,
il faut bien voir qu’elles obéissent essentiellement à un phénomène de mode,
bien souvent basé sur la recherche d’un changement de personnalité, d’un
changement d’état de conscience induit par leurs effets désinhibants en ce qui
concerne les utilisateurs, et plus prosaïquement, par la recherche d’un profit
matériel ou l’exercice d’une emprise pour ce qui est de leurs promoteurs.
Le chamanisme nord ou sud-amérindien, le chamanisme africain
contribuent à la cohésion d’une communauté ou d’une tribu et ils s’appuient
sur des rituels ancestraux parfaitement maîtrisés et qu’il n’appartient à personne de juger, faute d’être en mesure d’en appréhender toute la portée :
modifier l’état de conscience par la musique, par la danse ou par l’utilisation
de différentes plantes ou racines est une constante culturelle qui repose sur des
savoirs transmis depuis la nuit des temps. Les apprentis sorciers ne sauraient
s’en approprier l’usage sans en trahir profondément la nature et l’esprit, sans
exposer leurs cobayes à de graves dangers.
Les motivations des chamans européens auto-proclamés sont donc
bien éloignées de ces concepts. Leur capacité à s’adapter aux changements
de la législation sur l’emploi de certaines plantes ou racines les conduit, pour
sauver un commerce basé sur la « vente de bien-être personnalisé » avec un label
chamanisme qui attire les clients, à recourir sans vergogne à des substances
Rapport au Premier ministre 2007
▼
- Il est notamment l’auteur de l’ouvrage : Le chemin des indiens morts, mythes et symboles Guajiro (Paris, Payot 1973).
Études diverses
103
nouvelles dont ils ignorent les effets secondaires et pour lesquelles ils ne possèdent aucun antidote. Au surplus, ces personnes n’assument pas leurs responsabilités puisque les sites internet, qui jusqu’à l’année dernière présentaient
l’ayahuasca ou l’iboga comme la nouvelle grande découverte dans le domaine
des traitements proposés aux toxicomanes dans le cadre d’un sevrage, se gardent bien de mentionner le fait que ces substances sont désormais classées au
tableau B des stupéfiants…
Le chamanisme à « l’occidentale » mérite une vigilance particulière des
pouvoirs publics, car il se développe sans cesse dans de nouvelles voies. Ainsi,
certaines revues d’informations pratiques en « thérapies naturelles et en développement personnel » font état d’un concept nouveau : le chaman d’entreprise.
Ce concept présenté comme l’application de pratiques anciennes aux
questions contemporaines du monde des affaires, est basé sur un principe assez
simpliste : l’entreprise peut être comparée à une tribu ou à un peuple traditionnel (Mensuel Recto Verseau, n° 172, octobre 2006).
Mais ce n’est pas le seul sujet d’inquiétude, lié à ces techniques de
connaissance de soi, car de plus en plus de « chamans » proposent maintenant
un chamanisme personnalisé à domicile.
L’interdiction du datura : faut-il classer ce produit ?
Le classement du datura au tableau des stupéfiants n’est pas évident à
réaliser, notamment en raison de sa présence un peu partout en Europe. Cette
mesure n’empêcherait pas l’apparition de nouvelles plantes dans les rituels
chamaniques où l’on recense déjà ici et là, l’éphédrine, le volubilis, le bois de
rose, l’absinthe, le marrube, etc. C’est pourquoi, plus qu’une interdiction, c’est
la prévention par voie d’information, et de formations diligentées auprès des
divers acteurs de la santé, des personnels de l’enseignement et des services de
sécurité qui semble, en l’état, la plus à même d’enrayer de phénomène.
Conclusion
Le prosélytisme en faveur de ces substances exotiques, fondé sur le prétendu combat contre les addictions à certaines drogues, tel que le pratiquent
les groupes néo-chamanistes, sous couvert de diverses associations anti-drogues,
constitue en réalité une approche très redoutable de familles ou d’individus
déjà très fragilisés.
Les liens entre la promotion de ces produits aux propriétés hallucinogènes ou stupéfiantes et les groupes à caractères sectaires justifient une grande
vigilance de la part des pouvoirs publics.
104
MIVILUDES
▼
En effet, la manipulation mentale qui, à elle seule, est la cause de
sérieux dégâts psychologiques peut être aggravée quand elle est couplée avec
des substances administrées par des apprentis sorciers, sans aucun contrôle
médical.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Des études, à conduire par les divers intervenants en la matière, sont
aujourd’hui indispensables pour enrayer cette spirale et anticiper une évolution. L’engouement actuel pour ces produits et les sensations qu’ils sont susceptibles de procurer, laissent imaginer une progression dans les années à venir.
Études diverses
105
Le satanisme : un risque
de dérive toujours
d’actualité
Déjà dans son rapport de 2004, la MIVILUDES avait souligné la montée
du phénomène satanique en France, pointant les portes d’entrée que constituaient le réseau internet, la musique et la mouvance gothique, en particulier
en direction des adolescents, et elle s’était inquiétée du risque de dérive sectaire qu’il était susceptible d’entraîner. Dès 1995, au demeurant, la Commission
d’enquête parlementaire présidée par M. Alain Gest, mettait l’accent, dans son
rapport « Les sectes en France » sur les dangers présentés par les sectes lucifériennes et satanistes.
Là comme ailleurs, ce n’est pas en tant que croyance que le satanisme
préoccupe la MIVILUDES, car le culte de Satan ou de toute autre divinité des
ténèbres, comme toute croyance, est absolument libre en France. Ce sont bien
les dérives, éventuellement liées à ce culte, qui l’intéressent, dès lors qu’elles
comportent une volonté d’emprise mentale. Et les cas répertoriés montrent que
les répercussions sur les personnes concernées sont d’une extrême gravité.
Depuis cette époque, ce phénomène n’a jamais diminué et s’il n’atteint
pas des proportions alarmantes, il reste qu’il est en augmentation permanente
et qu’il s’accompagne de dérives particulièrement scandaleuses pour l’opinion
publique.
Cet état de fait ainsi que les informations remontées à la MIVILUDES
concernant ces dérives l’ont conduite à présenter, en novembre 2006, deux
livrets publiés par la Documentation française :
• Le premier s’intitule « Le satanisme, un risque de dérive sectaire », et
il est à destination du grand public,
• Le second sous le titre « Les dérives sataniques, guide pratique de
l’enquêteur », s’adresse aux services de justice, de police et de gendarmerie.
Les medias, émissions de radio ou de télévision, articles dans la presse
écrite, reflètent bien l’inquiétude et le trouble que font naître dans le public,
les dérives sataniques.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Mais une partie des observateurs éprouve cependant des difficultés à
appréhender la réalité du phénomène satanique en France, le réduisant parfois à la « possession » c’est-à-dire aux manifestations impliquant le recours à
l’exorcisme.
Études diverses
107
Néanmoins, les faits sont éloquents :
• 92 cas de profanations à caractère satanique du 1er janvier au mois
de novembre 2007 (soit une augmentation de 300 % sur les trois dernières
années). Pour le seul mois d’avril 2007, on a noté un cas de profanation par
jour en moyenne.
• Les suicides de jeunes, liés à l’appartenance satanique, sont en augmentation. Il convient également de prendre en compte les conduites déviantes, scarifications, auto-mutilations diverses, qui nécessitent ensuite un suivi
thérapeutique des jeunes concernés, par des psychologues ou des psychiatres.
• Des délits comme l’incitation à la haine raciale, l’incitation au
suicide, ou encore la commission d’actes de barbarie, notamment à l’égard
d’animaux.
Ces faits étant rappelés, il faut préciser qu’il a été constaté au cours des
deux dernières années que ce phénomène était en train d’opérer une mutation dans le sens de la radicalisation des exactions commises par les adeptes.
D’abord, il n’est plus rare d’assister à des profanations accompagnées d’exhumation de corps et d’atteinte à l’intégrité des cadavres (profanation du
Morbihan février 2006). Ensuite, si les mouvements purement lucifériens
paraissent en perte d’audience, on voit naître un satanisme qui, au-delà des
croyances traditionnelles 7, s’inspire de l’idéologie nazie et des croyances celtique ou nordique et qui attire davantage les jeunes que les formes de satanisme
antérieures à connotation plus ésotérique, ou occultiste.
Si les groupes initiatiques dans lesquels les maîtres (Église de Satan,
Temple de Seth, Ordre de Guillaume, Ordre des Neuf Angles) demeurent présents sur le territoire, c’est plutôt via des structures intermédiaires, du type
réseaux extrémistes d’une part (Charlemagne Hammerskin) ou par le biais de
l’infiltration de la mouvance musicale gothique ou métal que s’effectue l’essentiel du prosélytisme.
Les liens et les contacts se nouent souvent par la musique, soit dans des
boutiques ad hoc, parfois à l’occasion de concerts, mais surtout par internet
(sites, forums…).
La mouvance satanique repère, récupère et instrumentalise la fragilité
de certains jeunes en souffrance identitaire, en angoisse de l’avenir, en rupture
familiale, en échec scolaire, notamment en leur proposant une idéologie de
révolte qui semble répondre à leurs attentes, leurs besoins, leurs envies.
Quel jeune n’a-t-il jamais dit ou pensé un jour « Je veux faire tout ce qui
me plaît, rien ne doit m’arrêter » ? Le satanisme en a fait un de ces préceptes,
puisque son premier principe est que nul n’est plus important que soi-même.
108
MIVILUDES
▼
- Voir le guide Le Satanisme, un risque de dérive sectaire, La Documentation française, 2006.
Alors qu’elle étudie le phénomène satanique depuis 2004, la
MIVILUDES a noté qu’elle avait été, en 2007, sollicitée beaucoup plus souvent
par des familles dont les enfants étaient devenus dépendants de contacts électroniques via internet, à l’origine de troubles comportementaux assez effrayants
pour leur entourage direct, et même sans rencontre physique avec leurs « initiateurs ». Certains en sont arrivés à pratiquer de véritables rituels sataniques,
les familles signalant également des scarifications sataniques aboutissant à des
évanouissements, des sensations d’étouffements etc.
La problématique liée à cette mouvance amène les médecins et les
chercheurs à s’intéresser à ce sujet et à ses conséquences sur le double plan
psychologique et médical. Ainsi une thèse présentée en avril 2007 par le docteur Guivier mentionne que la pratique de la doctrine satanique repose sur des
rituels qui « ne doivent pas être pris à la légère puisque consistant en des rituels magiques ». S’il ne semble pas exister de doctrine imposée quant à la pratique même
des rituels, il reste que des éléments récurrents paraissent incontournables. Il
s’agit de processus rituels qui se basent sur « l’énergétisation des sentiments et de
l’émotion » et qui peuvent être divisés en trois catégories :
– rituels sexuels (accomplissement de ses désirs) ;
– rituels de compassion (faire accomplir ses enchantements) ;
– rituels de destruction (exprimer ses colères).
Le docteur Guivier détaille ensuite les risques médicaux encourus par
les jeunes adeptes du satanisme 8.
L’attirance pour le morbide, les tendances suicidaires, leur intérêt pour
l’irrationnel, le symbolisme sont ainsi instrumentalisés dans des sites internet
où la mort, la violence sont banalisées, dans un mélange de réalité et de fiction
difficilement décryptable par le néophyte.
La dépendance virtuelle à l’égard de l’image, qui au-delà du fait qu’elle
sert les intérêts financiers de certains groupes ou individus manquant singulièrement d’éthique et de sens moral, fait sauter des verrous psychologiques ou
des tabous, le respect dû à un mort par exemple.
Si le nombre de conduites déviantes et d’actes passibles du Tribunal
correctionnel ou de la Cour d’assises a très fortement augmenté, un seul homicide est jusqu’à ce jour recensé dans notre pays.
Aujourd’hui, en raison du secret dont s’entourent ces groupes, il est
difficile d’en estimer le nombre et notamment celui des groupes structurés,
mais les services spécialisés considèrent que le nombre d’adeptes de la mouvance satanique au sens large, toutes branches et chapelles confondues, est de
l’ordre de 25 000 personnes en France, dont 80 % se situe dans la tranche d’âge
des moins de 21 ans.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
- La thèse du Docteur Guivier est en ligne sur le site de la MIVILUDES :http://www.miviludes.gouv.
fr/RISQUES-D-ATTEINTE-A-L-INTEGRITE
Études diverses
109
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MIVILUDES
▼
C’est une bonne raison de rester vigilant et de détecter le plus en amont
possible l’instant où l’adolescent manifeste une véritable addiction et où il est
probablement soumis à l’emprise d’autres personnes qui veulent lui faire parcourir son voyage initiatique dans les arcanes démoniaques.
Stratégie d’influence
de la mouvance sectaire
à l’international : l’exemple
de l’OSCE 9
Introduction
La capacité d’influence des mouvements sectaires passe par la mise en
place de stratégies exploitant tous les moyens à leur disposition, en plus du prosélytisme traditionnel, pour diffuser et mettre en valeur leur message tout en
décrédibilisant ceux qui les combattent. Médiatique, judiciaire, institutionnel :
tout espace sujet à visibilité et communication est instrumentalisé. Le rapport
2006 s’était arrêté à ces pratiques au plan national en analysant le lobbying prosectaire autour de la Commission d’enquête parlementaire sur « L’enfance volée :
les mineurs victimes de sectes » 10. Il est apparu indispensable de prolonger cette
observation au plan international à travers l’exemple de l’instrumentalisation
régulière par la mouvance sectaire de la « Conférence d’examen de la dimension humaine », et autres séminaires organisés chaque année à Varsovie par
le BIDDH (Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme),
institution de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en
Europe). Nous avons focalisé notre observation sur les années 2006 et 2007,
puisqu’une délégation de la MIVILUDES y participait et a ainsi pu constater
les méthodes employées.
« Nous évoquons ici ces groupes dont le comportement constitue un véritable
défi aux droits de l’homme dès lors qu’ils se réfugient derrière un droit – la liberté de
religion – pour mieux en bafouer d’autres. (…) Ces groupes ont très vite compris qu’ils
devaient instrumentaliser les institutions comme la vôtre, se plaçant sans la moindre
honte sur le même niveau que ceux qui légitimement viennent demander votre soutien
et dont nous reconnaissons la souffrance (…). Nous vous demandons de ne pas vous
laisser abuser par le double langage de ceux qui viennent ici avec pour seul but de figurer dans les actes de vos travaux (…). Ne nous trompons pas, ne vous trompez pas
de victimes. (…) » : ainsi s’exprimait en septembre 2007 un représentant de la
FECRIS (Fédération européenne des centres de recherche et d’information
sur le sectarisme), présente pour la première fois à Varsovie. Il dénonçait
Rapport au Premier ministre 2007
▼
- Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe - http://www.osce.org/odihr/
10 - Assemblée nationale : décembre 2006.
Études diverses
111
alors publiquement l’instrumentalisation de cette réunion de Varsovie par des
ONG sectaires dont les victimes et leurs familles sont celles représentées par
des associations nationales regroupées au sein de la FECRIS, parmi lesquelles,
en France, l’UNADFI 11 et le CCMM 12.
Tout est dit dans cette déclaration du porte-parole de la FECRIS sur la
stratégie de ces groupes 13 : immuable depuis des années, toujours portée par
les mêmes « acteurs ». Ces alliés de circonstance se mobilisent autour d’une
cause commune incontestable, la liberté de religion, pour mieux combattre
ceux qui préviennent et dénoncent leurs turpitudes.
En 2006 et 2007, une délégation de la MIVILUDES, conduite par son
président, a rejoint la délégation française menée par le représentant permanent de la France près l’OSCE, pour suivre les interventions menées dans le
cadre des sessions de travail prisées par les mouvements sectaires, celles consacrées aux questions d’intolérance et de discrimination ainsi qu’à la liberté de
pensée, de conscience, de religion ou de croyance. Les politiques de vigilance
et de lutte contre les dérives sectaires menées par la France, mais aussi par la
Belgique, l’Autriche et l’Allemagne y sont régulièrement dénoncées par les
sectes et leurs alliés, dont les propos suscitent d’ailleurs toujours une réaction
des pays incriminés par la voix de leurs délégués. Nous nous intéresserons ici
exclusivement à l’exemple français.
Nous verrons comment et pourquoi cette conférence, de par son principe de fonctionnement, constitue une tribune idéale pour les « multinationales » sectaires et leurs alliés dont le discours et les cibles sont identiques à ceux
déjà observés dans le cadre national.
Puis nous comprendrons, à travers le profil des intervenants, que les
quelques acteurs de cette stratégie d’influence, qui se comptent sur les doigts
des mains, constituent quasiment à eux seuls l’ensemble du réseau de lobbying
pro-sectaire au plan international.
112
MIVILUDES
▼
11 - Union Nationale des Associations pour la Défense des Familles et de l’Individu victimes de sectes.
12 - Centre Contre les Manipulations Mentales.
13 - la FECRIS a d’ailleurs fait les frais de cette stratégie d’influence lors du processus d’obtention de son statut
participatif auprès du Conseil de l’Europe, après trois années de blocage et de batailles de procédures animées
par les acteurs de la mouvance pro-sectaire (cf. rapport 2005 Miviludes, page 156 et suivantes).
1. Une tribune idéale pour être
instrumentalisée : la conférence
annuelle d’examen de la dimension
humaine et autres conférences
du BIDDH
L’OSCE est un vaste forum de consultations et de négociations pour les
56 États participants (Europe occidentale, centrale et orientale, États-Unis et
Canada). Elle a été conçue de telle sorte que les sociétés civiles des pays membres puissent exprimer leurs doléances lorsqu’elles estiment que leurs libertés fondamentales sont bafouées. Ce principe permet une bonne défense des
libertés individuelles là où elles sont menacées.
Le BIDDH est la principale institution chargée de la promotion des
droits de l’homme et de la dimension humaine dans l’espace OSCE. La conférence annuelle fait le bilan de la mise en œuvre des engagements pris par les
pays participants dans ces domaines, afin d’en dégager des orientations. Cette
réunion d’experts -fonctionnaires internationaux et personnalités qualifiées de
haut rang- se déroule sur deux semaines. Elle est ouverte aux représentants de
la société civile qui peuvent s’exprimer à égalité avec les délégués des États dans
le cadre de plusieurs sessions thématiques parmi lesquelles celles concernant
les droits fondamentaux. Toute ONG (Organisation non gouvernementale),
quelle qu’elle soit, est libre de s’exprimer autant de fois qu’elle le souhaite, à la
seule condition de s’inscrire au préalable et de respecter un temps de parole de
cinq minutes maximum. En marge de la session plénière, libre aux États et aux
ONG d’organiser dans l’enceinte de la conférence des réunions appelées « side
events » pour attirer l’attention sur telle ou telle problématique spécifique.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Une plateforme institutionnelle de prestige, de surcroît à l’audience
internationale et où chacun peut s’exprimer librement : le décor ainsi planté
en fait le lieu idéal pour faire entendre sa voix en bénéficiant du contexte de
respectabilité immédiatement associé à un tel événement. Et les mouvements
sectaires l’ont bien compris qui s’affichent sans le moindre scrupule sur un
pied d’égalité avec d’autres ONG qui expriment légitimement leurs souffrances. Le seul but consiste à faire acter leurs interventions. Celles-ci, ainsi dotées
d’une caution internationale, pourront ensuite être aisément instrumentalisées par leurs alliés mais aussi, avec un peu de chance ou un coup de pouce au
bon endroit, être reprises par tel ou tel rapport officiel.
Études diverses
113
2. Un message immuable : l’amalgame
entre la « lutte contre les dérives
sectaires » et les « atteintes à la liberté
religieuse »
Les mouvements sectaires et leurs alliés, on le sait, aiment à porter le
débat sur le terrain de la liberté religieuse pour mieux renverser les rôles et se
positionner comme les victimes des atteintes à cette liberté. C’est donc dans
le cadre de la session consacrée à cette problématique et sur ce sujet qu’elles
s’expriment le plus souvent. Autrement dit ces groupes, dont le comportement
défie en permanence les droits de l’homme, se réfugient derrière un droit, la
liberté de religion, pour mieux en bafouer d’autres.
En 2007, le représentant d’une ONG de défense des minorités religieuses « Droits de l’Homme sans Frontières », demandait « le rattachement de
la MIVILUDES au ministère de l’Intérieur, compétent pour les affaires religieuses » et
dénonçait le fait que « des intervenants ou des mouvements représentés ce jour (étaient)
connus comme antireligieux opposés au pluralisme religieux », tout en citant l’association française UNADFI en exemple. Des représentants moonistes français
de l’AES-UCM 14 (Église de l’Unification) évoquaient « les associations qui organisent des campagnes hostiles aux minorités religieuses ». En 2006, des membres de
« l’Union nationale des Frères de Plymouth de France » illustraient le propos,
disant avoir été « jetés aux lions », parce que cités dans le rapport 2005 de la
MIVILUDES. Quant au porte-parole du Mouvement européen raélien, il n’hésitait pas à parler de « persécution systématique des minorités spirituelles » qui « (remettrait) en cause les fondements mêmes de l’Etat de droit » tandis qu’un responsable
français des Témoins de Jéhovah « (lançait) un appel solennel pour attirer l’attention
sur ce qui se trame en ce moment même en France » et « (demandait) qu’on ne banalise
pas ces atteintes à la liberté de culte et aux droits de l’homme ». En 2007, il était par
ailleurs fait allusion par les raéliens à un rapport de l’ONU, référence privilégiée des lobbyistes sectaires depuis deux ans : « Une fois encore, suite à l’enquête
menée en septembre 2005, notre pays vient d’être dénoncé par le rapporteur spécial des
Nations Unies sur la liberté de religion ou de croyance » 15.
Persécution, harcèlement, stigmatisation, politique de haine et de
discrimination sont autant de qualificatifs utilisés sans scrupule par ceux qui
s’auto-proclament ou que d’aucuns nomment « nouveaux mouvements religieux », « minorités religieuses » ou « minorités de conviction ».
En 2007, certaines associations représentées à la conférence annuelle
du BIDDH n’ont pas hésité à s’exprimer à deux reprises, à deux jours d’intervalle, en participant également à la session réservée aux problèmes de dis-
114
MIVILUDES
▼
14 - Association de l’Esprit Saint pour l’Unification du Christianisme Mondial.
15 - Rapport de la Commission des droits de l’Homme publié le 8 mars 2006, effectué sur la base d’une mission
menée en septembre 2005 par la rapporteure spéciale sur la liberté de religion ou de conviction de l’ONU,
Mme Asma Jahangir.
crimination, relisant un texte à peine modifié et s’attirant ainsi la critique de
l’autorité d’accueil.
Avec plus ou moins de virulence selon les années, ces groupes invoquent le respect des libertés fondamentales et plus particulièrement de la
liberté de religion pour tenter de délégitimer la vigilance des pouvoirs publics
et des parlementaires face aux dérives sectaires, tout en décrédibilisant l’action
des associations de défense de victimes et de familles de victimes.
3. Des cibles récurrentes : les acteurs,
institutionnels ou non, de la vigilance
et de la lutte contre les dérives
sectaires
C’est toute l’histoire française de la vigilance et de la lutte contre le
sectarisme qui peut être lue à travers les interventions de la mouvance sectaire
lors des conférences organisées par le Bureau des institutions démocratiques et
des droits de l’homme de l’OSCE (BIDDH).
Au fil des années, la mise en place d’une mission interministérielle et
son évolution, de l’Observatoire interministériel des sectes à la MIVILUDES
en passant par la MILS (Mission interministérielle de lutte contre les sectes),
puis le vote de la loi About-Picard et les rapports des commissions d’enquête
parlementaires -en particulier celui de 1996 qui publiait une « liste » des mouvements sectaires-, ainsi que les agissements des associations de défense de victimes de dérives sectaires et de leurs familles, ont suscité d’incessantes critiques
plus ou moins violentes selon les périodes, mais toujours orientées vers l’accusation d’atteinte aux libertés fondamentales.
Actuellement, par exemple, si la loi About-Picard fait moins parler
d’elle dans l’enceinte de l’OSCE, les cibles restent peu ou prou les mêmes, avec
cependant une virulence affichée à l’encontre d’associations comme l’UNADFI et le CCMM.
La politique française : mission interministérielle
et initiatives parlementaires
Rapport au Premier ministre 2007
▼
La France, mais aussi la Belgique et l’Autriche et, dans une moindre
mesure l’Allemagne, ont mis en place, chacune à sa manière, un dispositif destiné à prévenir et contrer les agissements sectaires. C’est à ce titre qu’ils figurent parmi les cibles privilégiées des mouvements sectaires et de leurs amis : la
forte mobilisation et la sur-représentation de ces derniers pourraient laisser à
penser à un observateur non averti que les États ainsi désignés figurent dans le
peloton de tête liberticide des 56 pays représentés à Varsovie pour ce qui est des
atteintes aux droits de l’homme et des attitudes discriminatoires.
Études diverses
115
En raison de son engagement précoce dans la vigilance et de la lutte
contre les dérives sectaires, la France constitue une cible de choix depuis une
dizaine d’années dans cette enceinte
En 2007, l’un des représentants de la Scientologie, se présentant
d’ailleurs sous l’une des appellations « humanitaires » de la multinationale, le
« bureau européen des droits de l’homme », fidèle à la ligne plus « soft » adoptée depuis peu par l’organisation en recherche de respectabilité 16, a écarté
toute attitude provocatrice en critiquant les pays sus-nommés sans les citer.
Il dénonça l’intolérance à l’égard des minorités religieuses dont font preuve
« certains États de l’Europe de l’ouest » en publiant des listes de « sectes » qui stigmatisent et marginalisent ainsi certaines minorités religieuses par rapport aux
autres « religions ». L’année précédente, il avait nommément désigné ses cibles
en critiquant la liste établie par le rapport parlementaire français ainsi que la
loi About-Picard, inspiratrice par ailleurs d’une proposition de loi belge.
Dans le même temps, d’autres mouvements disaient peu ou prou la
même chose que la Scientologie, mais en citant les pays incriminés. Les moonistes évoquaient la « politique de discrimination » de l’État français où l’on « donne
officiellement une mauvaise image à des minorités religieuses et où l’on soutient leurs
adversaires » pour finir par demander « l’annulation du décret de création de la
MIVILUDES ». Les raéliens poursuivaient sur cette lancée avec plus de virulence en s’indignant des « scandaleuses discriminations » des gouvernements belges et français à l’égard des nouvelles religions et du non-respect des droits de
l’homme et des recommandations de l’OSCE par ces mêmes États.
En 2006, à cette même tribune, les raéliens n’hésitaient pas à utiliser
le terme de « chasse aux sectes » pour désigner un « phénomène typiquement français », paraphrasant le titre de l’intervention d’un autre lobbyiste pro-sectaire,
M. Christian Cotten, intitulée « France : chasse aux sectes au pays des droits de
l’Homme » dont il dénonçait les « violences institutionnelles paranoïaques ».
Quant aux Témoins de Jéhovah, qui préfèrent en général ne pas mêler
leur voix à celles des mouvements précités, après avoir remercié les autorités
de l’État d’accorder le statut cultuel à leurs associations, ils réservaient leurs
critiques exclusivement aux parlementaires, qu’ils accusaient de « harcèlement
constant », ainsi qu’au contenu du rapport de la Commission d’enquête parlementaire sur l’enfant et les sectes. La MIVILUDES et son Président n’échappaient pas à leur vindicte alors qu’ils évoquaient « ces parlementaires (qui) reçoivent
le soutien d’une agence gouvernementale, la MIVILUDES, dont l’actuel président, en
116
MIVILUDES
▼
16 - Cf. rapport 2006 de la Miviludes / lobbying prosectaire autour de la commission d’enquête parlementaire sur « L’enfance volée : les mineurs victimes de sectes » : on observe l’abandon par la Scientologie d’une
agressivité frontale, laissée à des associations comme la CAP ou le CICNS, au profit de son affichage en faveur
de causes incontestables comme la lutte contre la drogue, les droits de l’homme, etc. C’est dans ce but que « Le
Bureau européen des droits de l’Homme » de la Scientologie organisait à Varsovie en 2006 dans le cadre des
« side events » de la conférence, une projection de clips vidéos conçus et diffusés par l’Association internationale
des Jeunes pour les Droits de l’Homme (Youth for Human Rights International), organisation « partenaire » du
mouvement (lire à ce sujet le rapport 2006 de la Miviludes ; « Quand la scientologie s’invite à la télévision »).
violation de l’obligation de réserve d’un haut fonctionnaire de l’Etat, porte atteinte publiquement à la réputation des familles de Témoins de Jéhovah ».
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que des attaques personnelles
prenaient place dans cette enceinte. Lors d’un autre séminaire du BIDDH à
Varsovie en mai 2006 17, un représentant de la Scientologie s’en prenait au
« manque de neutralité » de la responsable de la « Mission Sectes » de la Direction
des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice, par ailleurs coorganisatrice du séminaire annuel de formation des magistrats à la question
sectaire, dispensé par l’École nationale de la magistrature.
Toujours en 2006, hormis la « liste » de mouvements sectaires contenue
dans le rapport parlementaire « Les sectes en France », fustigée sans relâche
depuis plus de dix ans à Varsovie, ce sont les travaux de la Commission d’enquête dont le rapport fut publié en décembre 2006 qui attisaient les critiques :
« Belles intentions en vérité, mais que se passe-t-il dans les faits ? Sur une chaîne de télévision parlementaire, LCP, qui propose des extraits des réunions de cette commission, nous
assistons à un lynchage médiatique des groupes philosophiques minoritaires. Ces groupes,
dont fait partie le mouvement raélien, sont mis en accusation sans avoir la possibilité de
répondre aux calomnies dont ils sont victimes » 18. Les raéliens demandaient alors
l’arrêt immédiat des travaux de la Commission d’enquête en cours.
Comme à leur habitude, lorsqu’ils interviennent dans cette enceinte,
les Témoins de Jéhovah reprenaient l’historique de ce qu’ils nomment un « harcèlement constant » des parlementaires, du rapport de 1995 avec sa liste de mouvements, au dernier en date, celui de décembre 2006 sur les enfants, victimes
de sectes. Ils se positionnaient comme « la principale cible » de la commission ad
hoc en désignant son rapporteur et son secrétaire général comme les responsables de ce qu’ils nomment leur mise à l’index. 19
Enfin, on pouvait trouver en libre accès à l’entrée de la conférence,
parmi les documents proposés à tous les participants, des dizaines d’exemplaires d’une brochure éditée par la Coordination des associations et particuliers
pour la liberté de conscience (CAP), « Les anomalies d’une Commission d’enquête parlementaire » 20. Rappelons que la CAP est un lobby actif en France et
en Belgique, prompt à critiquer toute initiative de vigilance et de lutte contre
les dérives sectaires.
On peut toutefois qualifier de « mesurée » la tonalité des critiques proférées ces deux dernières années si l’on se réfère à la violence de celles proférées à la naissance de la MILS et pendant les discussions de la loi About-Picard,
en 1999 et 2000.
Rapport au Premier ministre 2007
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17 - 10-12 mai 2006 /Varsovie /Séminaire “Upholding the rule of law and due process in criminal justice systems “/
Contribution du « Bureau européen des droits de l’homme de l’Eglise de scientologie internationale ».
18 - Déclaration du Mouvement européen raélien, 10 octobre 2006.
19 - Communication de l’Association cultuelle Les témoins de Jéhovah en France, 10 octobre 2006.
20 - Cf. rapport 2006 de la Miviludes, « Stratégies d’influence – lobbying prosectaire au plan parlementaire ».
Études diverses
117
En 1999, on frôla même l’incident diplomatique alors que des critiques
américaines contre la France et plus particulièrement contre la MILS étaient
reprises et amplifiées par les mouvements sectaires et leurs alliés 21, parmi lesquels la « Fédération Internationale Helsinki pour les droits de l’homme » (ou
FIH, cf. V). Un diplomate français faisait état (en langage diplomatique…)
d’« attaques d’une virulence inusitée » à l’égard de la politique française. Le secrétaire général de la toute jeune « MILS » qui répondit pour expliquer la politique de la France à la demande du ministère des Affaires étrangères se voyait
alors violemment pris à partie. Le Centre d’Études sur les Nouvelles religions
(CESNUR) 22 qualifiera un peu plus tard sa réaction d’« hystérique » et dénoncera « l’intolérance des milieux de la Mils qui non seulement substituent à la discussion
et au dialogue une attitude complotiste paranoïaque, mais proposent comme position
officielle de la France en matière de liberté religieuse des notions hostiles à la religion en
général qui remontent à l’anticléricalisme du xix ème siècle » 23.
En 2000, le représentant de la Scientologie reprenait ce terme d’« hystérique » à propos de la France, « le pays d’Europe occidentale qui dépasse tous les autres
dans son approche hystérique et hypercritique de la liberté de religion » 24, après avoir
expliqué l’année précédente qu’en France, on persécutait les groupes minoritaires « simplement sur la base de leur nature et de leurs croyances religieuses » 25.
Un membre de la « religion athée raélienne internationale » en rajoutait en dénonçant « une politique de haine et de discrimination des minorités religieuses
créant une atmosphère capable de provoquer des actes de violence voire des attentats contre
les sectes » et « rappelant les pratiques de l’Allemagne nazie », une référence à nouveau utilisée en 2001 à propos de la loi About-Picard qualifiée de « législation
d’inspiration nazie » 26. Les raéliens, de concert avec la Scientologie, demandaient alors la suppression de la MILS.
118
MIVILUDES
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21 - C’est dans ce contexte, après la réception par le Quai d’Orsay de plusieurs délégations américaines enquêtant sur la liberté religieuse dans le monde et après la publication en septembre 1999 du rapport du Département
d’Etat américain sur le même sujet que M. Hubert Védrine, alors ministre des affaires étrangères, adresse une
lettre datée du 8 décembre à son homologue américaine, Mme Madeleine Albright dans laquelle il s’indignait
du fait que « cette mise en cause sans fondement de l’action publique française par (l’administration américaine), alors même
que le dialogue entre (nos) hauts fonctionnaires se poursuivait, (a jeté) une ombre sur la richesse de ce dialogue » et il mettait
un terme aux poursuites d’un échange bilatéral hors des enceintes internationales.
22 - Association internationale d’universitaires dirigée par un italien, M. Massimo Introvigne. Pourfendeur
régulier des politiques de lutte contre les dérives sectaires, en particulier celle de la France.
23 - http://www.cesnur.org/Vienna_fra.htm
24 - 23 octobre 2000 : contribution du Bureau européen des droits de l’Homme et des Affaires publiques de
l’Eglise de Scientologie.
25 - Septembre 1999 : contribution du Bureau européen des droits de l’homme de l’Eglise de Scientologie.
26 - Des accusations de « nazisme » à celles d’antisémitisme, il n’y a qu’un pas, d’ailleurs franchi par certains
adversaires de la politique française contre les dérives sectaires. A ce sujet, le summum fut atteint par M. Richard
Land, président de la convention des Baptistes du Sud, et Président du Conseil d’administration de l’Institute
on Religion and Public Policy (lobby présent à l’OSCE), dans une interview donnée à La Vie le 13 mars 2003 :
« Nous, les Américains, nous devons dénoncer des violations très graves des droits humains. En France, par
exemple, jusqu’au départ d’Alain Vivien à la tête de la (Mils), on a persécuté des gens comme on le faisait
sous Vichy ». Cf. aussi Serge Faubert in Une secte contre la république, paragraphe titré « Tous des antisémites »
(éd. Calmann-Lévy, 1993).
Les associations de défense de victimes
et de familles de victimes de dérives sectaires
Actuellement, les principales associations françaises, l’UNADFI et le
CCMM sont particulièrement dans le collimateur des mouvements sectaires et
de leurs alliés 27, en direct, sur les terrains médiatique et judiciaire ou, indirectement, via les critiques virulentes à l’encontre de la FECRIS 28 qui les fédère
au niveau européen. Il est important de souligner que ce dénigrement systématique ne porte pas sur les activités de défense des victimes de ces associations,
mais qu’il revêt un caractère de procès d’intention sur de prétendues violations
de la liberté de conscience.
En 2007 la tribune de l’OSCE s’en faisait donc l’écho, avec un acharnement rare de la part des lobbys pro-sectaires qui semblaient s’être donnés
le mot pour demander l’arrêt des subventions versées par l’État français à ces
deux structures, ce qui revient naturellement à demander leur arrêt de mort.
Les moonistes s’exprimaient ainsi : « Plusieurs associations privées telles que l’UNADFI, le CCMM et la FECRIS reçoivent les subventions de l’État, qui s’élèvent à presque
100 % de leurs ressources, en violation du principe de séparation de l’Église et de l’État.
Elles tiennent un discours hostile, voire agressif à l’égard des minorités religieuses, et développent des activités qui sont incompatibles avec les normes de tolérance en vigueur dans
les pays membres de l’OSCE. »
Ainsi, les raéliens utilisent les arguments précités en ajoutant qu’« il
y a en France plus de victimes d’associations de lutte contre les sectes que de victimes de
sectes ». Déjà en 2006, ils avaient demandé la dissolution de l’UNADFI.
Le responsable de l’ONG « Droits de l’homme sans frontières », M. Willy
Fautré, intitulait sa contribution « Le financement public des projets et organisations
prônant l’intolérance religieuse doit être stoppé ! », en désignant dans son intervention « l’UNADFI et autres organisations antisectes françaises » ainsi que l’organisation d’une journée d’étude le 28 juin 2007 par la Conférence des OING (organisations internationales non gouvernementales) du Conseil de l’Europe, « Les
dérives sectaires : un défi à la démocratie et aux droits de l’homme ».
En mars 2006 un représentant de la Scientologie, reprenant mot pour
mot les griefs articulés par divers plaignants devant la justice pour réclamer
la dissolution de l’UNADFI, choisissait cependant de dédouaner l’association
dans une autre conférence du BIDDH pour mieux s’en prendre au gouvernement français 29 : « L’ADFI est ni plus ni moins qu’un agent du gouvernement dans
le combat contre les sectes et donc, toute action de sa part doit être attribuée au gouvernement et tombe sous le coup de la juridiction de la Convention internationale sur les droits
civils et politiques et autres structures relevant des Nations Unies ». Il avait alors une
Rapport au Premier ministre 2007
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27 - Cf. Rapport 2005 Miviludes (affaire du statut participatif de la FECRIS au Conseil de l’Europe) et Rapport
2006 Miviludes (actions judiciaires à l’encontre des associations de défense de victimes).
28 - Fédération européenne des centres d’information et de recherche sur le sectarisme.
29 - 10-12 mai 2006, Varsovie, Séminaire “Upholding the rule of law and due process in criminal justice systems“ : contribution du « Bureau européen des droits de l’homme de l’Eglise de scientologie internationale ».
Études diverses
119
longueur d’avance sur une stigmatisation plus directe, relayée au plan national par la CAP ou le CICNS 30, lesquels reproduisent sur notre territoire le
même acharnement à décrédibiliser les associations qui les combattent pour
légitimer leur disparition. Rappelons toutefois qu’en France, il ne s’agit pas
de pouvoir s’approprier des « opposants » comme l’UNADFI et le CCMM en
les rachetant, comme ce fut le cas aux États-Unis grâce au rachat du « Cult
Awareness Network » (CAN), association américaine d’aide aux victimes de
sectes dans les années 70, par des intermédiaires proches de l’environnement
d’une importante multinationale sectaire ; d’autres moyens sont employés, par
exemple l’utilisation de l’arme juridique 31 ou les attaques verbales incessantes
à l’image de celles proférées à la tribune de l’OSCE.
4. Une constante : l’appel aux cautions
universitaires
Pour conforter et légitimer son discours, la mouvance sectaire fait appel
à la parole d’experts universitaires. La dénonciation du refus du contradictoire
et l’appel à la caution de sociologues, juristes, philosophes, historiens des religions ou autres « experts » sont une des constantes de la rhétorique sectaire à
laquelle ne dérogent pas les intervenants à Varsovie.
En 2006, les raéliens rappellent que « Les députés membres de cette commission nationale semblent oublier qu’ils ne sont jamais que les représentants de leurs électeurs ; cela ne leur donne aucune compétence particulière pour traiter des problèmes aussi
complexes que ceux des minorités philosophiques et religieuses, pour lesquels ils seraient
bien avisés de tenir compte de l’avis de spécialistes de ces questions, tels que sociologues,
psychothérapeutes, philosophes et historiens des religions. » 32. Tandis que les moonistes recommandent de « plutôt tenir compte des études objectives effectuées par des sociologues et d’autres spécialistes sur les nouveaux mouvements religieux. »
Il n’est donc pas surprenant que les mouvements sectaires et leurs alliés
présents à l’OSCE soient très attentifs à la composition du panel d’experts du
BIDDH sur la liberté de religion et de croyance. Les enjeux sont importants
dans la mesure où ce panel a un rôle consultatif au sein du BIDDH. Il peut
notamment initier certains travaux ou décider du profil des « modérateurs »
lors des séminaires consacrés aux questions de la liberté de religion.
En 1999 par exemple, le panel désignait comme animateurs d’une session supplémentaire du BIDDH sur le « pluralisme religieux » M. Alain Garay, qui
fut un temps l’avocat des Témoins de Jéhovah, ainsi que M. Massimo Introvigne,
directeur du CESNUR 33, lesquels ne se privèrent pas de monter vivement au
120
MIVILUDES
▼
30 - Coordination des Associations et Particuliers pour la Liberté de Conscience (CAPLC) - Centre d’Information et de Conseil des Nouvelles Spiritualités (CICNS).
31 - Cf. rapport 2006 de la Miviludes : Stratégies d’influences des mouvements sectaires au plan juridique.
32 - Mouvement européen raélien, 10 octobre 2007.
33 - Centre d’Etudes sur les Nouvelles religions : cf. infra, renvoi bas de page n° 22.
créneau contre l’action de la MILS. M. Alain Garay fait partie depuis 2005 du
panel d’experts -au titre des deux personnalités désignées par la France- et il en
a rejoint en 2006 le cercle plus restreint de son conseil d’orientation. Il y côtoie
d’ailleurs M. Jeremy Gunn 34, désigné par les USA, autre pourfendeur des initiatives européennes destinées à prévenir et lutter contre les dérives sectaires.
En 2006 et en 2007, la Scientologie en appelait à l’élargissement des
prérogatives de ce panel d’experts sur la liberté de religion et de croyance
afin qu’il puisse déterminer ses propres priorités et se prononcer sur des attitudes d’intolérance religieuse ou de discrimination portées à sa connaissance
sans dépendre du feu vert – ou du veto – d’un des gouvernements représentés
à l’OSCE, ce qui est encore le cas aujourd’hui. L’« Institute on Religion and
Public Policy 35», une ONG américaine, appelait de son côté au renforcement
de ses moyens.
5. Des intervenants en réseau
et le triomphe du « copié-collé »
Une analyse des agissements des mouvements sectaires et de leurs alliés
au sein de l’OSCE, même sommaire comme le présent chapitre, met en lumière
les liens, fonctionnels ou circonstanciels qui les unissent. La démonstration de
l’existence de véritables « réseaux » pourrait être étendue à la prise en compte
de groupes nationaux, mais là n’est pas l’objet de cette étude volontairement
limitée à la sphère OSCE, où évoluent majoritairement des mouvements ou des
structures à vocation internationale.
La première conséquence de ce fonctionnement en réseau est que
les critiques prononcées à l’encontre de la politique française et de tous ses
acteurs – Mission interministérielle, parlementaires, associations de défense
– se répètent comme en écho sur la scène internationale : dans l’enceinte de
l’OSCE, mais également dans les rapports annuels du Département d’État américain sur la « liberté religieuse dans le monde » et sur les « droits de l’homme
dans le monde », au Conseil de l’Europe et à l’ONU. Au plan national, des lobbies comme la CAP, le CICNS, voire même certains universitaires, les relayent.
C’est le triomphe de l’écho ou du « copié-collé », quelquefois au mot près.
A l’OSCE, les exemples de mouvements cités en référence sont récurrents et ils concernent principalement des organisations d’origine nord-américaine telles que la Scientologie, les Témoins de Jéhovah ou les moonistes dont
les moyens importants facilitent la pratique d’un lobbying intensif tant au plan
international que national. Ce constat serait d’ailleurs plus flagrant si l’on
Rapport au Premier ministre 2007
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34 - M. Jeremy Gunn, universitaire américain, témoignait longuement contre la politique française de vigilance
et de lutte contre les dérives sectaires le 14 juin 2000 devant la Chambre des Représentants du Congrès américain
dans le cadre d’une communication intitulée « Discrimination on the basis of religion and belief in western Europe »,
après avoir été reçu à la Mils quelques mois plus tôt en tant que membre de la délégation américaine qui enquêtait sur la liberté religieuse dans le monde.
35 - Cf. supra.
Études diverses
121
élargissait cette étude à l’analyse du contenu de certains rapports américains
qui ne manquent jamais d’épingler la France au titre d’atteintes à la liberté de religion : les rapports annuels du Département d’État, ainsi que ceux de l’« United
States Commission on International Religious Freedom » (USCIRF) 36.
Un mouvement comme la Scientologie s’est toujours félicité de l’écoute
qu’il recevait des rédacteurs de ces rapports. Autres travaux, mêmes interlocuteurs : pour son rapport à la Commission des droits de l’Homme de l’ONU sur
« la liberté de religion ou de conviction », daté du 8 mars 2006, la rapporteure,
Mme Asma Jahangir, dit avoir « rencontré des représentants de certains ‘groupes religieux ou communautés de conviction‘ dont la Scientologie et les Témoins de Jéhovah ».
Les mouvements systématiquement présents aux conférences du
BIDDH sont bien connus et il n’est pas nécessaire de s’étendre sur le profil
de ceux qui par ailleurs font régulièrement l’actualité dans les rapports de la
MIVILUDES. En revanche, l’énergie déployée par certaines ONG, tant au sein
qu’en dehors du cadre de l’OSCE, pour critiquer les pays investis dans la vigilance et la lutte contre les dérives sectaires mérite qu’on s’intéresse à leur profil. On verra ainsi ce qui unit ces groupes dans un réseau de « lobbying pro-sectaire » qui, au final, est circonscrit à quelques acteurs-clefs dont les principaux
représentants sont des participants assidus aux activités de l’OSCE.
Les mouvements-phares du réseau d’influence
Assidus ou occasionnels, tous ces mouvements ont en commun
d’avoir un champ d’action international et, le plus souvent, une origine
nord-américaine.
Le plus assidu est incontestablement la Scientologie, toujours représentée par un ou plusieurs responsables européens du mouvement, souvent
par le directeur du « Bureau européen des droits de l’homme » de Bruxelles,
Martin Weightman. Il arrive qu’un de leurs avocats américains se joigne à la
délégation scientologue, quand il n’appartient pas à celle de « l’Institute on
Religion and Public Policy » (cf. supra).
Les Témoins de Jéhovah interviennent au gré de l’actualité nationale
et internationale. Les délégués français sont par exemple montés au créneau
en 2004 pour dénoncer leur contentieux avec le fisc français et en 2006 pour
critiquer la Commission d’enquête parlementaire sur « Les mineurs victimes
des sectes ».
Depuis quelques années, les raéliens s’expriment régulièrement, représentés tant au niveau international que français.
122
MIVILUDES
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36 - http://www.uscirf.gov/ Cet organisme se présente comme une « agence fédérale indépendante, conseil
de la Maison Blanche, de l’administration et du Congrès américain ». M. Richard Land (cf. renvoi bas de page
n° 26), son vice-président, y fut nommé par M. Georges Bush, Président des Etats-Unis en 2001 ; M. Land est
également au conseil d’administration de l’IRPP.
Lorsque la Scientologie et les Témoins de Jéhovah n’interviennent pas
ou sont absents, il se trouve toujours une ONG, telle que celles dont il sera
question ci-après pour relayer leurs doléances.
Plus occasionnellement, lorsqu’une actualité les concernait, on a pu
remarquer la présence et les interventions, parfois virulentes, des moonistes
et des Frères de Plymouth et même de M. Christian Cotten 37, mais aussi de
l’Institut théologique de Nîmes (ITN) sur lequel il convient de s’arrêter un
instant.
En effet, le contexte de son émergence dans le circuit de l’OSCE est
révélateur du fonctionnement en réseau d’influence de mouvements et d’ONG
évoqués dans la présente analyse.
Ainsi, lors de la conférence du BIDDH de septembre 1999, la
Scientologie provoquait l’indignation de la délégation française en affirmant
que le gouvernement, à travers l’action de la MILS, portait atteinte à des groupes minoritaires, non pas au regard de leurs agissements illégaux, mais simplement en raison de leurs croyances. « L’Institut théologique de Nîmes »,
représenté par M. Demeo, pasteur de l’« Église évangélique de la Grâce », soutenait alors le même type d’allégations. Il dénonçait les discriminations dont
il se disait victime, consécutives, selon lui, à l’inscription de l’ITN dans la liste
de 172 mouvements répertoriés dans le rapport parlementaire « Les sectes en
France ». Le point de contact annoncé par l’Institut dans les documents d’inscription à la Conférence était le Département d’État américain.
L’ITN, jusqu’alors méconnu des médias et de l’opinion publique, est
une filiale de l’Église évangélique de la Grâce. Il regroupait, et il regroupe
toujours, quelques dizaines de personnes dans le Sud de la France. Il est intéressant de noter que quelques mois auparavant, en avril 1999, il avait été cité
au même titre que la Scientologie et les Témoins de Jéhovah, comme exemple de communauté victime de discrimination, par les membres de la délégation américaine venus enquêter en France sur la liberté religieuse dans le
monde 38. Au mois de juin de la même année, le pasteur Demeo témoignait
contre la France aux côtés de MM. Fautré (DHSF) et Garay (alors avocat des
Témoins de Jéhovah) devant la CSCE, Commission américaine sur la Sécurité
et la Coopération en Europe. 39
Dès lors, l’exemple de l’ITN était largement repris par les mouvements
sectaires et leurs alliés, et pendant plusieurs années, il a été cité systématiquement dans les rapports du département d’État américain sur la liberté religieuse
Rapport au Premier ministre 2007
▼
37 - Lobbyste bien connu, autrefois habitué « dissipé » des plateaux de télévision, responsable de « Politique
de Vie », dont l’organisation « Stratégique » fut citée dans le rapport parlementaire « Les sectes en France »
(1996).
38 - Dans le rapport 1999 du Département d’Etat américain sur la « Liberté religieuse dans le monde », l’ITN
faisait l’objet d’un long développement, tout comme la Scientologie et les Témoins de Jéhovah. Dans le rapport
2007, l’ITN était toujours cité aux côtés des plus grands au nombre des mouvements discriminés, parce que
répertorié dans le rapport parlementaire « Les sectes en France » (Assemblée nationale – 1996).
39 - Cf. infra, partie consacrée à « Droits de l’Homme sans frontières ».
Études diverses
123
dans le monde, alors même qu’il ne faisait l’objet d’aucune attention particulière des autorités françaises, aucune nouvelle plainte n’ayant été enregistrée.
Enfin, il n’est pas inutile de préciser que le fondateur de l’Église-mère
américaine, « Greater Grace », n’est autre que le « Révérend » George Robertson.
Ce dernier s’est aussi fait connaître à la tête d’une organisation appelée « Voice
of Freedom » comme l’artisan de la faillite et de la reprise en main du « Cult
Awareness Network » (CAN), principale organisation américaine d’aide aux
victimes de sectes dans les années 1970, joignant ainsi ses efforts à ceux de la
Scientologie 40.
Les ONG-phares du réseau d’influence
Les organisations dont il est ici question, l’une d’origine belge, les deux
autres d’origine nord-américaine, ont en commun de centrer leur activité sur la
promotion de la démocratie et le respect des droits de l’homme dans le monde.
C’est dans le cadre de leur combat pour la liberté religieuse et le droits des
minorités qu’elles dénoncent avec régularité, à la tribune de l’OSCE ou ailleurs,
l’attitude, jugée par elles restrictive, de certains États comme la France.
1 - Human Rights Without Frontiers / Droits de l’Homme sans Frontières
(HRWF) 41.
Cette ONG se dit « indépendante de tout mouvement politique, idéologique ou
religieux » et a pour objet de « promouvoir la démocratie, l’autorité de la loi et les droits
individuels partout dans le monde par tous les moyens appropriés ».
HRWF, qui demandait en 2007 à la tribune du BIDDH le rattachement
de la MIVILUDES au Bureau des cultes du ministère de l’Intérieur et l’arrêt
du subventionnement des associations « antisectes » (cf. infra), s’affiche principalement comme l’avocat des minorités religieuses et s’applique, entre autres,
depuis plusieurs années à dénoncer les agissements de la France et des autres
pays investis dans la lutte contre les dérives sectaires. Le responsable belge des
raéliens expliquait récemment 42 que son mouvement était présent au séminaire
du BIDDH depuis cinq ans sur le conseil de HRWF qui les a toujours soutenus
face aux discriminations dont ils disent être l’objet en Europe francophone.
Au-delà de la présence assidue de son responsable, M. Willy Fautré, à
toutes les réunions de l’OSCE/BIDDH consacrées à la liberté de religion au
cours desquelles cette ONG n’a jamais manqué de joindre sa voix à celle des
mouvements sectaires et de leurs amis, il est intéressant de compléter cet éclairage par quelques exemples :
• Le 8 juin 1999, M. Willy Fautré témoignait devant la Commission sur
la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE), une structure qui regroupe
124
MIVILUDES
▼
40 - in Le Monde diplomatique, mai 2001 : « Les sectes, cheval de Troie des Etats-Unis en Europe », ainsi que l’article de
Stephen Kent in Marburg Journal of religion Vol 6 n° 1, janvier 2001.
41 - http://www.hrwf.net/blog/ http://www.hrwf.net/network/home.html
42 - M. Eric Remacle, in Contact 340, 2 octobre 62aH - http://fr.raelianews.org/download.php?view.218
les représentants américains de l’OSCE 43 pour dénoncer l’intolérance religieuse en France, Belgique et Allemagne en n’hésitant pas à se référer au maccarthysme américain 44. Deux autres « témoins » étaient entendus par la CSCE :
M. Alain Garay (alors avocat des Témoins de Jéhovah et aujourd’hui membre
du panel d’experts du BIDDH sur la liberté de religion) ainsi que le pasteur
Demeo, fondateur de l’Institut théologique de Nîmes (cf. infra).
• M. Willy Fautré était d’ailleurs déjà intervenu le 22 juillet 1998 à l’invitation de la CSCE dans le cadre d’une audition publique sur la « Détérioration
de la liberté religieuse en Europe » au Capitole à Washington.
• Il fut signataire, comme M. David Little de l’« Institute on Religion
and Public Policy (IRPP) », de deux lettres ouvertes, à l’initiative de l’association française « Omnium des libertés » 45, demandant la dissolution de la
MILS ; l’une adressée au Président de la République Jacques Chirac, l’autre au
Premier ministre Lionel Jospin, respectivement publiées dans France Soir le
20 avril 2000 et le Herald Tribune le 14 juin 2000.
• La « Fédération Internationale Helsinki des droits de l’homme »
(cf. supra) s’est appuyée à plusieurs reprises sur les rapports de HRWF pour
communiquer contre la France à l’OSCE.
• Le correspondant français de HRWF est le professeur Régis
Dericquebourg, universitaire lillois, observateur assidu des agissements de la
MILS puis de la MIVILUDES 46qu’il a souvent analysés lors des séminaires du
CESNUR. Il s’est fait remarquer il y a quelques années par la publication d’un
texte dans lequel il s’efforce de démontrer que la Scientologie présente toutes
les caractéristiques d’une religion 47.
• Il est intéressant de noter qu’une nouvelle ONG vient de voir le jour
en juillet 2007 sous la houlette de HRWF, l’European Network for Religious
Tolerance and non Discrimination. Ce « réseau d’associations et de mouvements religieux consacré à la promotion de la tolérance religieuse et de la nondiscrimination », était officiellement présenté cette année par M. Willy Fautré
qui l’a d’ailleurs associé à l’une de ses contributions. On retrouve parmi les
premiers adhérents des structures bien connues comme le « Bureau des droits
de l’homme de la Scientologie », des associations moonistes, la CAP France 48
ainsi que l’IRPP (cf. supra).
Rapport au Premier ministre 2007
▼
43 - http://www.csce.gov/index.cfm?FuseAction=Home.Home&CFID=5644569&CFTOKEN=25218429
44 - in CSCE Digest : volume 22 number 7 – july 1999.
45 - Cette association, créée par Joël Labruyère en 1996, un peu en sommeil aujourd’hui, « a pour but de défendre les individus victimes de discrimination en raison de leurs choix spirituels ». En 2000, elle fut notamment à
l’origine, avec la Scientologie, d’une pseudo-commission d’enquête et d’un pseudo-tribunal destinés à recueillir
les doléances des victimes des « antisectes ». Elle publia la même année une lettre ouverte à Jacques Chirac,
président de la République, (France Soir - 20 avril 2000) et à Lionel Jospin, Premier ministre, (Herald Tribune,
14 juin 2000), demandant la dissolution de la Mils.
46 - « De la Mils à la Miviludes » : discours Colloque du Cesnur 2003 (Vilnius), publié le 11 avril 2003 sur le site
de HRWF.
47 - « Comment les scientologues valident leurs croyances » : publié dans un document de la Scientologie intitulé « Les experts étudient la scientologie – Tome 1 ».
48 - Coordination des associations et particuliers pour la liberté de conscience.
Études diverses
125
• Enfin, « Droits de l’Homme sans Frontières » diffuse son savoir-faire
en matière de lobbying sur son site internet 49, donnant quelques conseils
pour être efficace au Parlement européen où l’ONG figure parmi les « groupes
d’intérêts accrédités ». Mais elle n’y est pas représentée par M. Fautré que l’on
retrouve cependant dans la liste des ONG accréditées sous la bannière de l’« International Helsinki Federation for Human Rights », (FIH/ cf. supra).
2 - La Fédération Internationale Helsinki pour les Droits de l’Homme (FIH) /
International Helsinki Federation for Human Rights (IHF) 50.
Fondée en 1983, cette ONG a pour but de promouvoir le respect des
engagements des pays membres de l’OSCE en matière de droits de l’homme.
Familière de l’enceinte du BIDDH, elle fait partie des ONG assidues à dénoncer
les politiques de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. Ses points de
vue sont systématiquement repris par les mouvements sectaires et leurs alliés, et
ce d’autant plus que son appellation prestigieuse fonctionne comme un label
de référence qui fait impression. La politique « antisecte » de la France figure en
bonne place au chapitre « Liberté de religion » de ses rapports annuels depuis
une dizaine d’années, avec mentions spéciales pour la loi About-Picard et les
activités de la Mission interministérielle 51, sans qu’elle n’ait jamais d’ailleurs
interrogé directement la Mission. A l’OSCE, les interventions de ses représentants en direct, ou la citation de ses rapports dans les années 99 et 2000, ont fait
date puisqu’elles furent à l’origine de vives polémiques.
Il est aussi intéressant de noter que le chapitre consacré à la France
dans le rapport 1999 de la FIH se référait tout bonnement à un document établi par l’ONG précitée, « Droits de l’Homme sans frontières » 52. En mars 1999,
lors du séminaire sur la liberté de religion organisé par le BIDDH à Varsovie,
ce document, publié la veille, qui faisait état de la montée de l’intolérance et
de la discrimination en France contre les « nouvelles religions ou sectes », était
largement commenté. La réponse de la France, par la voix du secrétaire général de la MILS 53, rappela à cette occasion que le « Comité français Helsinki des
droits de l’homme », branche française de la FIH, s’était déjà désolidarisé des
écrits du rapport précédent (1998) sur la question de la liberté religieuse et de
la lutte contre les sectes en France 54. M. Bernard Stasi, président du Comité
français, confirmait d’ailleurs cette désapprobation dans un courrier daté du
10 avril adressé au Président de la MILS, M. Alain Vivien, en précisant que « le
Comité français (n’avait) aucune responsabilité dans la rédaction du texte
incriminé ».
126
MIVILUDES
▼
49 - “Human rights violations in non-EU countries : Directions for use of the European Parliament mechanisms
by human rights defenders “.
50 - http://www.ihf-hr.org/index.php
51 - … et parfois dans les moindres détails : le rapport 2006 mentionnait le départ de Mme Natalie Luca du Conseil
d’orientation de la Miviludes, avec mention du courrier que celle-ci avait adressé au président de la Mission.
52 - “Based on New dramatic Developments in the Sect issue, press release, Human Rights Without Fontiers,
7 July 1998 ; and an update of 4 march 1999.
53 - Cf. infra.
54 - Lettre du Comité Français au directeur exécutif de la FIH datée du 19 septembre 1998.
En octobre 2000, c’est par la voix du « Greek Helsinki Monitor » que la
FIH dénonçait à la tribune du BIDDH le futur projet de loi « About-Picard »,
puis s’offusquait des déclarations de M. Alain Vivien qui affirmait, dans le quotidien Le Figaro 55, que la Fédération Helsinki était infiltrée par la Scientologie
en Russie. A la lecture d’une publication du « Comité Moscou Helsinki », la
MILS avait constaté que l’Association Internationale de Scientologie était
remerciée pour « son aide à l’élaboration et à la publication de cette brochure ».
La Fédération Helsinki épingle la France pour sa politique à l’égard
des dérives sectaires dans chacun de ses rapports annuels qui constituent
autant de références pour les mouvements sectaires comme la Scientologie et
les Témoins de Jéhovah souvent cités en exemple dans ses publications. Dans
une texte diffusé par la Scientologie sur « Les traités des droits de l’Homme » 56, il
est précisé que « L’OSCE s’appuie, pour la majorité de ses informations, sur les rapports des organisations des droits de l’homme » et que « l’une des plus importantes est la
Fédération Internationale Helsinki pour les droits de l’homme ».
Systématiquement présente à la conférence annuelle sur la dimension
humaine, la FIH n’intervient pas à chaque fois sur le sujet français, quand bien
même ses rapports y font toujours référence. Elle l’a fait en 2002 ainsi qu’en
2003 lors d’une réunion additionnelle du BIDDH consacrée à la liberté de
religion et de croyance, à laquelle participait le Président de la MIVILUDES,
M. Jean-Louis Langlais.
3 - The Institute on Religion and Public Policy (IRPP) 57.
« Des lois sur la religion en Autriche, Belgique et France tentent de prendre pour
cible les pratiques et les croyances des minorités religieuses. Ces législations portent atteinte
à la liberté religieuse et ne devraient pas être utilisées comme modèle en Europe Centrale et
orientale ainsi qu’en Asie Centrale » 58. A propos de la France, sont alors particulièrement visées par le même texte de l’IRPP la loi sur les signes religieux à l’école
votée en 2004, et la loi « About-Picard » critiquée car considérée comme une loi
sur la manipulation mentale.
Puis suivra une étude critique sur le projet de loi belge sur l’abus
d’ignorance ou de faiblesse 59, projet de loi inspiré par la loi française dite
« About-Picard ».
Les avis précités proviennent de deux textes proposés à Varsovie en
2006 par l’IRPP, une ONG américaine dont l’attention critique ainsi portée aux
Rapport au Premier ministre 2007
▼
55 - Le Figaro / 13 juin 2000.
56 - http://scientologuescontreladiscrimination.com/textes-fondamentaux-garantissant-la-liberte-de-religion/
printpage/
57 - http://www.religionandpolicy.org/
58 - Statement on religious freedom in the OSCE Region, Institute on Religion and Public Policy,
Working Session 13 : Fundamental Freedoms II – 10 october 2006.
59 - Analysis of the Draft Law of the Kingdom of Belgium To Punish the Abuse of an Individual’s Ignorance or
Weakness, Institute on Religion and Public Policy, Working Session 13 : Fundamental Freedoms II – 10 october
2006.
Études diverses
127
dispositifs européens de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires mérite
qu’on s’y intéresse.
L’IRPP et la politique française
L’IRPP est une ONG internationale se revendiquant « interreligieuse »,
dont le but est de veiller au respect de la liberté de religion et de la démocratie
dans le monde.
On retrouve dans son conseil d’administration M. Richard Land 60, président de la Convention des Baptistes du Sud 61, par ailleurs vice-président de
l’« United States Commission on International Religious Freedom » (USCIRF) 62,
ainsi que M. David Little, professeur à la « Harvard Divinity School ». Ce dernier
avait fait partie de la délégation américaine enquêtant sur la liberté religieuse
dans le monde, reçue par la MILS en avril 1999. Il était également signataire, tout
comme M. Willy Fautré de « Droits de l’Homme sans Frontières », d’une lettre
ouverte au Président de la République Jacques Chirac, publiée dans France Soir le
20 avril 2000, à l’initiative de l’Omnium des Libertés 63, demandant la dissolution
de la MILS. Pendant un temps M. Benjamin A. Gilman, ex-sénateur dont l’un des
contributeurs de la campagne électorale était l’un des principaux dirigeants de la
Scientologie, 64 siégeait aussi au conseil d’administration.
L’IRPP constitue aussi, et surtout, un lobby actif dans la défense des
minorités religieuses. Et c’est à ce titre que cet institut s’est particulièrement
intéressé à la France.
Son président, M. Joseph Grieboski a notamment suivi attentivement
les évolutions de la MILS à la MIVILUDES. Au-delà des contributions de
l’IRPP dans le cadre des réunions du BIDDH, trois autres textes en attestent.
Il s’y intéresse aux Présidents de la MIVILUDES, MM. Langlais et Roulet,
dont il analyse les « états de service » et certaines déclarations. Il se dit rassuré
dans un premier temps, en 2002, par le profil de « bureaucrate » de M. JeanLouis Langlais, plus « modéré » qu’un « antisecte » 65 comme M. Alain Vivien,
son prédécesseur. Puis, l’année suivante, il en vient à douter de son propre
constat : Malgré une propension au dialogue et la « plus grande tolérance religieuse » du gouvernement à travers la nouvelle équipe, il s’inquiète alors du
maintien de la présence au Conseil d’Orientation d’élus très impliqués dans
les rapports parlementaires et dans l’élaboration et le vote de la loi « AboutPicard » 66. En 2005, alors que M. Jean-Michel Roulet, fraîchement nommé,
souhaite la construction d’une jurisprudence fondée sur cette loi ainsi que la
128
MIVILUDES
▼
60 - Cf. infra : notes bas de page n° 26 et 36.
61 - Branche des « chrétiens conservateurs » de la mouvance évangélique américaine.
62 - Cf. infra : note bas de page n° 36.
63 - Cf. infra : note bas de page n° 45.
64 - in Le Monde Diplomatique /mai 2001, d’après un texte de Stephen A. Kent dans le Marbourg Journal of
Religion – Université d’Alberta Canada.
65 - http://www.religionandpolicy.org/show.php?p=1.1.488, 16-12- 2002 : “Jean-Louis Langlais is the new president of the French mission to watch and fight cultic deviances”.
66 - http://www.religionandpolicy.org/show.php?p=1.1.465, 28-3-2003 : “Institute wary of new french anti-sectarian body”.
conclusion de deux ou trois procès en matière de dérives sectaires, il perçoit
la déclaration du nouveau Président de la MIVILUDES comme un « appel » à
des « persécutions récurrentes » et à un retour en arrière en matière de tolérance
religieuse 67.
L’IRPP et la Scientologie : quelques exemples
Le 10 mai 2006, M. William Walsh, président du « Comité d’Experts
sur la législation et sa mise en œuvre » de l’IRPP, mais aussi avocat américain
de la Scientologie dont il accompagnait la délégation comme conseiller à la
conférence de 2007, signait un texte critique sur le site de l’Institut 68, dans
lequel il épinglait la France et le projet de loi belge sur l’abus de faiblesse. Le
lendemain, ce texte était présenté à la tribune de l’OSCE, mais comme une
contribution de M. Martin Weigthmann, « responsable du Bureau européen
des droits de l’homme » de la Scientologie.
En 2002, lors d’un de ses congrès, l’IRPP donnait la parole à Mme Leisa
Goodman, directrice du « Bureau international des Droits de l’Homme » de la
Scientologie 69, laquelle s’exprimait « sur la liberté de religion en Russie : son
impact sur la politique étrangère américaine et les relations bilatérales ».
La même année, du 23 au 26 mai, M. Joseph Grieboski, président
de l’IRPP, participait à un symposium organisé par le « Bureau des droits de
l’homme » 70 de la Scientologie au manoir de Saint Hill 71, propriété scientologue, en Angleterre. Il y côtoyait, entre autres participants, M. Thierry Bécourt,
aujourd’hui responsable de CAPLC, alors représentant de l’« Omnium des
libertés » 72, ainsi que quelques-unes des personnalités étrangères qui avait cosigné en 2000 une lettre ouverte au Président et au Premier ministre français
demandant dissolution de la MILS.
En 2003, M. Martin Weightman, directeur du « bureau européen des
droits de l’homme » de la Scientologie était invité à s’exprimer dans le cadre
de la première « Conférence interparlementaire sur les droits de l’homme
et la liberté religieuse » organisée par l’IRPP à Bruxelles, dans l’enceinte du
Parlement européen. 73
Rapport au Premier ministre 2007
▼
67 - http://www.religionandpolicy.org/show.php?p=1.1.1691, 21-10-2005 : ”France moving backward rather
than forward? Institute concerned by statements of new Miviludes president”.
68 - http://www.religionandpolicy.org/show.php?p=1.1.1783, «Upholding the rule of Law and due process in
criminal justice system », cf. infra renvoi bas de page n° 17.
69 - http://www.religionandpolicy.org/show.php?p=1.1.1246
70 - “Filling the moral vacuum conference”http://www.religionsworkingtogether.org/2002Conference/
agenda.html
71 - Lieu d’étude des « étudiants » scientologues de « niveau avancé » ; ancien siège mondial de la Scientologie
au début des années soixante.
72 - Cf. note bas de page n° 45.
73 - http://www.religionandpolicy.org/show.php?p=1.1.854, compte-rendu Conférence Bruxelles 17-18 septembre 2003.
Études diverses
129
Conclusion
Le réseau d’influence pro-sectaire au plan international, à l’OSCE
comme ailleurs, mais aussi au plan national, comme cela a été expliqué dans
le rapport 2006 de la MIVILUDES, est somme toute assez restreint. Ses animateurs se comptent sur les doigts des deux mains.
Mais sa disponibilité et ses moyens sont sans commune mesure avec
ceux dont disposent les institutions et les associations qui se mobilisent contre
les dérives sectaires. Il faut donc compter avec la force de ces francs-tireurs à
plein temps dont les discours… et les « caisses » sont régulièrement alimentés.
Cependant, au fil du temps, leurs interlocuteurs de l’OSCE sont de moins
en moins dupes. L’effet de répétition finit par s’user si l’on s’en sert trop, et à la
différence des comiques qui savent ne pas en abuser au risque de ne plus provoquer le rire escompté, les stratèges sectaires ont du mal à renouveler le discours :
ils ressassent d’une année sur l’autre les mêmes propos accusateurs sur la politique française, les listes et les rapports parlementaires, les associations de victimes,
etc. … sans convaincre au final que la France serait parmi les pourfendeurs de la
liberté religieuse à cause de sa politique contre les dérives sectaires. Les allégations
de ceux qui n’ont de cesse d’instrumentaliser les droits de l’homme pour détourner l’attention de leurs propres turpitudes commencent à lasser.
Pour autant il ne faut pas baisser la garde, bien au contraire. Il convient
de ne rien laisser passer des contre-vérités proférées ici et là sur une prétendue
attitude liberticide des États et des associations qui préviennent et combattent
les dérives attentatoires aux libertés fondamentales que sont les dérives sectaires. En 2007, la délégation française réagissait d’ailleurs fermement, par la voix
de son ambassadeur, représentant permanent auprès de l’OSCE, justifiant l’attitude volontariste de la France, notamment en ce qui concerne la protection
des victimes. Elle dénonçait aussi ceux qui renversent les rôles quand ils se positionnent en victimes de la discrimination religieuse et réaffirmait la confiance
et le soutien des autorités en l’action de la MIVILUDES.
130
MIVILUDES
▼
Les quelques lobbyistes, qui semblent se partager les rôles, ont bien
compris tout l’intérêt d’une instrumentalisation de certaines enceintes internationales dans lesquelles la société civile a voix au chapitre. C’est pourquoi, à
l’OSCE, mais aussi au Conseil de l’Europe et à l’ONU, les autorités françaises,
ainsi que les associations de défense de victimes représentées par la FECRIS,
doivent continuer à se faire entendre chaque fois que nécessaire.
Le risque sectaire : dispositif
juridique et administratif
en Europe centrale
À ce jour, peu d’études comparatives ont été menées sur les circonstances dans lesquelles les gouvernements d’autres pays ont pu être confrontés
aux problèmes de dérives sectaires ni sur la manière dont un phénomène qui
ignore largement les frontières géopolitiques est abordé dans des États n’ayant
ni la même histoire, ni les mêmes traditions, ni les mêmes législations que la
France. C’est pourquoi la MIVILUDES a jugé utile et intéressant d’interroger
nos postes diplomatiques dans un certain nombre de pays amis et partenaires
afin d’amorcer ici une réflexion susceptible de déboucher sur une meilleure
compréhension mutuelle et sur un renforcement de la protection de nos
ressortissants.
Cette étude avait été faite l’an dernier pour l’Europe et l’Amérique du
Nord, dans le rapport 2006 de la MIVILUDES au Premier ministre.
Cette année, elle est étendue aux pays d’Europe centrale et orientale,
les huit pays membres de l’Union Européenne : Bulgarie, Estonie, Hongrie,
Lettonie, Lituanie, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, ainsi qu’à quatre pays d’Europe centrale et orientale non membres de l’Union européenne : Albanie,
Biélorussie, Russie, Ukraine.
Aucun des pays étudiés ne dispose de structure comparable à la Mission
interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. Si la situation de la France présente une spécificité et des particularités, liées notamment
à sa conception de la laïcité, il reste que les principes directeurs de la politique
française au regard de l’évaluation du risque, de la mise en œuvre de sanctions réprimant les dérives en application du droit commun, et de la prise en
charge des victimes, se retrouvent souvent, pour l’essentiel, dans d’autres États,
sous une forme sans doute moins régalienne, mais pas nécessairement moins
rigoureuse.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Certains pays – comme la Russie – pratiquent une politique restrictive, d’autres, très permissive ; mais tous sont concernés par le problème des
dérives sectaires et restent vigilants. Cette vigilance se traduit parfois -cas de
la Slovaquie- par une réflexion commune avec d’autres pays sur ce sujet et sur
les relations entre l’État et la religion. Ainsi, la MIVILUDES est régulièrement
invitée en Slovaquie pour des colloques ou des formations.
Études diverses
131
En Russie, suite à la loi très libérale sur la liberté religieuse adoptée
en 1990, une multitude d’organisations religieuses et surtout d’organisations
à caractère sectaire déferla sur le pays. Les effets néfastes de l’action de ces
mouvements ne tardèrent pas à se faire sentir. Prenant conscience du danger,
notamment des risques de manipulation de la jeunesse, et après des débats
très vifs entre défenseurs de la liberté absolue de conscience et tenants d’une
nécessaire régulation de l’activité des mouvements à caractère sectaire, la
Douma (Parlement) adopte, le 26 septembre 2007, une loi sur la liberté de
conscience plus restrictive que celle de 1990, soumettant l’activité de ces mouvements à des conditions très restrictives sous la vigilance du Service fédéral
d’enregistrement.
Certains pays, comme la Biélorussie, la Bulgarie et la Lettonie, disposent d’un cadre administratif et juridique permettant une certaine vigilance
ainsi qu’une relative prévention des dérives sectaires éventuelles. Ainsi, la
Biélorussie a ménagé un environnement législatif et politique peu favorable et
même très répressif pour les groupes considérés comme mouvement à caractère sectaire. La Bulgarie dispose d’une structure légère de supervision des
cultes rattachée au Premier ministre. En Lettonie, la vigilance et la lutte contre
les dérives sectaires est organisée par une association dénommée « Pour la lutte
contre les sectes totalitaires » et par les églises traditionnelles.
La Hongrie, l’Ukraine, la Roumanie, n’ont pas à proprement parler
prévu de dispositif particulier de vigilance mais veillent néanmoins à assurer
une certaine prévention des dérives sectaires en appréciant, comme les précédents, l’activité des mouvements à caractère sectaire à l’aune du respect de
l’ordre public.
La Slovénie, la Lituanie, l’Estonie, ont un régime libéral dû, soit au peu
de succès des mouvements sectaires, soit à la volonté d’ignorer le phénomène
sectaire, soit encore à la prééminence d’une église traditionnelle.
Enfin, l’Albanie se déclare préoccupée uniquement d’une éventuelle
progression des sectes musulmanes.
132
MIVILUDES
▼
La présente étude examine -comme l’an dernier- le cadre légal ou
règlementaire en vigueur dans ces pays, puis elle expose comment sont traités
ou perçus trois grands mouvements transnationaux bien connus du public et
qui sont l’objet en France d’une attention particulière, en raison de faits et
de signalements ayant régulièrement attiré l’attention des pouvoirs publics et
des associations de défense des personnes et des familles. Il s’agit de l’Église de
Scientologie, des Témoins de Jéhovah et de l’Association du Saint-Esprit pour l’Unification du Christianisme Mondial plus connue sous le nom de Moon.
Le cadre juridique et administratif
La Russie
La période de la « Perestroïka » et les années 90 ont vu déferler sur la
Russie une vague très importante d’organisations à caractère sectaire profitant
du desserrement de l’étau idéologique communiste et athée. Face aux dangers que cela représentait, notamment pour la jeunesse, les autorités russes ont
tenté d’encadrer juridiquement l’activité de ces mouvements.
Dans l’euphorie de la « Perestroïka » et en réaction aux soixante-dix
années d’athéisme officiel que venait de connaître la Russie, une loi très libérale est adoptée en 1990 sur la liberté religieuse. Elle garantit la liberté d’expression pour toutes les formes de religion ou de croyance. Toute organisation
religieuse comptant au moins dix adeptes peut bénéficier de la personnalité
juridique.
Dans le même esprit, la Constitution du 12 décembre 1993 affirme
que la Russie est un État laïque, garantissant la diversité idéologique et religieuse, mais ne reconnaissant aucune religion. Les organisations religieuses
sont distinctes de l’État et égales devant la loi (cf. art.13 et 14 notamment).
L’État et la loi reconnaissent et défendent les droits de l’homme et la liberté
de conscience.
Profitant de ce contexte très favorable, une multitude d’organisations
religieuses, et surtout à caractère sectaire, déferla sur le pays. Elles usèrent et
abusèrent de la soif des Russes à renouer avec la spiritualité, de leur traditionnelle attirance pour le monde mystérieux de l’irrationnel et du paranormal, et
de leur relation volontiers païenne avec la nature, attitude jamais totalement
enfouie sous l’épaisse couche de chrétienté orthodoxe.
Mais les effets néfastes de l’action de ces mouvements ne tardèrent
pas à se faire sentir. Les médecins furent les premiers à se manifester. En
1994, ils firent interdire le programme de désintoxication des scientologues.
Parallèlement, les enseignants et les parents d’élèves, confrontés au prosélytisme des sectes, furent de plus en plus nombreux à adresser des plaintes aux
tribunaux.
Prenant conscience du danger, notamment des risques de manipulation de la jeunesse, et après des débats très vifs entre défenseurs de la liberté
absolue de conscience et tenants d’une nécessaire régulation de l’activité des
sectes, ces derniers sont entendus par la Douma qui, le 26 septembre 2007,
adopte une loi sur la liberté de conscience plus restrictive que celle de 1990.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Si ce texte réaffirme les principes de la liberté de conscience, de la laïcité de l’État et de l’égalité des religions devant la loi, il limite ce dernier principe en introduisant une différenciation de légitimité à agir en Russie entre
la religion orthodoxe, les autres religions, et les organisations sectaires. C’est
Études diverses
133
ainsi qu’il souligne « le rôle particulier de l’Église orthodoxe dans le développement de
la nation et de la culture russes », qu’il distingue de l’islam, du bouddhisme et du
judaïsme, religions placées en situation d’infériorité par rapport à l’orthodoxie, mais auxquelles il reconnaît le statut de « part inséparable du patrimoine historique et culturel des peuples de Russie ». Quant aux autres organisations religieuses
ou sectaires, leur activité est soumise à des conditions restrictives. En particulier, toutes celles qui sont présentes sur le territoire russe depuis moins de
quinze ans doivent se faire réenregistrer chaque année auprès du Service fédéral d’enregistrement, ce qui n’est pas une mince affaire lorsque l’on connaît la
pratique plus que tatillonne de ce service. Cette référence aux quinze années
de présence confère donc un statut privilégié aux quatre religions ayant une
légitimité historique en Russie.
En réalité, ce texte a permis à l’État russe de faire de l’Église orthodoxe son interlocuteur privilégié sur les questions religieuses, même si existe,
auprès du Président, un Conseil pour les relations avec les religions où l’ensemble des religions légalement présentes en Russie est représenté. Aujourd’hui,
l’orthodoxie est de plus en plus présente dans la vie de la société, si bien que
certains membres de l’Académie des sciences ont récemment adressé une
lettre au chef de l’État pour s’émouvoir de ce qu’ils perçoivent comme une
tentative de « cléricalisation de la société ». L’Église orthodoxe ne parvient
cependant pas toujours à ses fins : elle se heurte à une farouche résistance
du monde enseignant et du ministre de l’Éducation contre son projet de
rendre obligatoire dans les écoles l’enseignement des « bases de la culture
orthodoxe ».
Cette loi n’a pas pour autant tout réglé. Si elle a clairement positionné
les quatre grandes religions historiques, la situation est des plus confuse en
ce qui concerne les mouvements à caractère sectaire. Cela tient d’abord à
l’absence de définition de la notion de « caractère sectaire ». Sous la pression
des milieux orthodoxes les plus traditionalistes, les autorités sont tentées de
considérer comme dangereuses toutes les croyances ne se rattachant pas aux
religions du Livre. Cette attitude rend très délicat le combat contre ces mouvements. En outre, l’arsenal juridique à la disposition des tribunaux n’étant
pas suffisamment précis, des organisations à caractère sectaire qui n’ont jamais
été enregistrées ou qui ont été interdites par décision de justice continuent de
fonctionner sous d’autres noms ou d’autres formes.
134
MIVILUDES
▼
En l’absence de toute fiabilité des statistiques officielles en ce domaine,
il est difficile d’estimer avec précision le nombre d’adeptes de ces mouvements
en Russie. Le président de l’Association panrusse d’étude des religions et des
sectes, le professeur Alexandre Dvorkine, proche du Patriarcat de Moscou, et
dont le sérieux est reconnu, estime entre 600 000 et 800 000 le nombre de personnes membres d’organisations religieuses occultes ou à caractère sectaire en
Russie.
La Slovaquie
Les trois mouvements transnationaux à caractère sectaire sont présents
en Slovaquie. Le gouvernement slovaque est vigilant sur les dérives éventuelles
de ces mouvements.
Un institut a été créé en 1997, au sein du ministère de la Culture slovaque, pour étudier les « relations entre les Églises et l’État ».
Cet institut coopère avec la MIVILUDES, invitée en 2006 pour une
conférence sur la position française sur le sujet des dérives sectaires. Par ailleurs,
la publication en langue slovaque de l’étude réalisée par la MIVILUDES « Le
Satanisme, un risque de dérive sectaire » est en cours de finalisation et une
nouvelle conférence sur les dérives sectaires ainsi que l’organisation d’une formation par la MIVILUDES à l’École de police de Bratislava sont prévues pour
2008.
La loi slovaque n’autorise un statut de « religion » qu’à partir de plus
de 20 000 membres.
Le gouvernement slovaque ne souhaite pas remettre en cause le statut
actuel des religions mais reste attentif aux dérives sectaires et à leur prévention,
même si, dans ce pays qui ne dénombre que mille Musulmans déclarés, politiques et intellectuels évoquent plus souvent le problème des rapports entre
christianisme et islam que celui des dérives sectaires.
Il convient de noter toutefois le soutien, parfois appuyé, notamment
auprès de parlementaires slovaques, apporté tant aux scientologues qu’aux
mormons, par l’ambassade des États-Unis, qui prétendait notamment exiger
que le nombre d’adeptes requis pour obtenir le statut de religion fût ramené
à 1 000 membres.
La Biélorussie, la Bulgarie et la Lettonie
On examinera dans le présent groupe, les pays qui disposent d’un
cadre administratif et juridique permettant une certaine vigilance ainsi qu’une
relative prévention des dérives sectaires.
La Biélorussie a ménagé un environnement législatif et politique peu
favorable pour les cultes autres qu’orthodoxe et même très répressif pour ceux
considérés comme des sectes. Le phénomène sectaire n’a pas eu le temps de s’y
enraciner dans le début des années quatre-vingt-dix. Si les Témoins de Jéhovah
ont en Biélorussie une existence légale, ce n’est pas le cas pour Moon et la
Scientologie. Pour autant qu’on puisse le constater, ces sectes n’ont pas d’influence réelle.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
La constitution biélorusse garantit en droit la liberté de religion. La
chute de l’URSS a mis fin à soixante dix ans de répression religieuse et le droit
biélorusse s’est fait clément vis-à-vis des différents cultes. Le 9 janvier 1992,
Études diverses
135
a été adopté un amendement à l’article 50 de la constitution visant à ce que
« les relations entre l’État et les religions soient encadrées par la loi ».
La « loi sur la liberté de religion et les organisations religieuses » du 15 mars
1994 a posé les fondations d’une véritable liberté de conscience en droit, et
donne un statut légal aux organisations religieuses en conformité avec les standards internationaux.
La législation biélorusse a ainsi garanti la liberté de conscience, celle-ci
recouvrant entre autres :
– le droit de définir une relation personnelle à la religion ;
– le droit de professer seul ou en groupe, ou de n’appartenir à aucune
religion ;
– le droit d’exprimer et de diffuser les croyances de sa religion ;
– le droit de participer aux cultes religieux, rituels, et cérémonies ;
– le droit, pour les parents, d’éduquer leurs enfants selon leurs propres
croyances.
La loi a cependant prévu que l’exercice de ces libertés peut être limité
dans le but de maintenir l’ordre et la sécurité publics, ou de protéger la « santé,
la morale, ainsi que les droits et libertés des autres citoyens ».
Par ailleurs, la Constitution a posé que tous les citoyens sont égaux
devant la loi, indépendamment de leur religion, et que tous les cultes et religions sont égaux devant la loi : aucune religion, ni aucun culte, ne doit bénéficier d’avantages ou souffrir de discriminations par rapport aux autres.
Le contrôle de l’État sur les religions s’est renforcé à partir de 1997. Le
Comité d’État pour les religions et les nationalités, nouvellement créé, a classé
les cultes et religions en trois catégories :
• La première regroupe les confessions dites « traditionnelles » : orthodoxie russe, catholicisme, judaïsme et islam.
• Une deuxième catégorie concerne les cultes considérés comme « non
traditionnels » : il s’agit essentiellement des cultes protestants.
• Enfin, une troisième catégorie englobe les religions orientales et/ou
asiatiques et tous les autres cultes, indifféremment et extensivement apparentés à des sectes.
Un nouveau durcissement envers les religions non traditionnelles est
observé depuis 2002. La loi sur la « liberté religieuse et les organisations religieuses »
a été amendée en novembre 2002.
136
MIVILUDES
▼
Cette nouvelle loi vise clairement à accroître le contrôle de l’État sur
les activités religieuses afin de prévenir une influence de nature politique. Le
prosélytisme des communautés et cultes protestants, ayant plus que quadruplé
entre 1989 et 2000, inquiétait le régime biélorusse, ces cultes étant perçus à tort
ou à raison par les autorités comme étroitement liés à l’Occident et particulièrement aux États-Unis. Il s’agit également de préserver « l’identité spirituelle,
culturelle et historique » du peuple biélorusse indissolublement liée, dans l’esprit
du chef de l’État, à l’Église orthodoxe.
Le préambule de la loi modifiée introduit une hiérarchie entre les différents cultes en reconnaissant « le rôle déterminant de l’Église orthodoxe dans le développement des traditions spirituelles, culturelles, et nationales du peuple biélorusse » mais
seulement « le rôle spirituel, culturel et historique de l’église Catholique sur le territoire
biélorusse » et « l’appartenance à l’histoire générale du peuple biélorusse de l’Église luthérienne, du judaïsme et de l’islam ».
Les communautés religieuses doivent désormais remplir des conditions
strictes pour être légalisées : au minimum de vingt membres, et exercer ses activités sur le territoire biélorusse depuis au moins vingt ans. Tous les groupes religieux doivent obligatoirement se faire ré-enregistrer auprès des autorités dans
les deux ans suivant leur légalisation. Le régime concordataire de 2003 institue
une véritable préférence d’État en faveur de l’Église orthodoxe de Biélorussie,
branche de l’Église orthodoxe de Russie. Bien que la Constitution biélorusse
n’ait pas institué de religion d’État, la politique est à trois vitesses en matière
de religion : faveur envers l’Église orthodoxe russe, confinement à l’endroit de
l’Église catholique, du judaïsme et de l’islam, répression et harcèlement envers
les autres confessions.
Ce concordat entre l’État et l’Église orthodoxe de Biélorussie (branche
de l’Église orthodoxe russe) fait bénéficier cette dernière d’avantages considérables, non seulement par rapport aux cultes non orthodoxes mais aussi
par rapport aux autres cultes orthodoxes. Ainsi, l’Église orthodoxe de Russie
(Biélorussie) est désormais la seule Église orthodoxe reconnue en Biélorussie
et est la seule à pouvoir légalement s’y prétendre « orthodoxe ». Par ailleurs, le
concordat associe l’Église orthodoxe et l’État dans des domaines variés, dont
l’éducation, la protection de l’héritage culturel biélorusse, « le combat contre les
structures pseudo-religieuses présentant un danger pour la société et ses membres », les
célébrations nationales et militaires. Enfin, le concordat prévoit l’octroi, sous
diverses formes, de subventions de la part du gouvernement.
Les autorités biélorusses ont refusé à de nombreux groupes religieux leur enregistrement pour « activités contraires à la Constitution ». Ainsi,
environ 70 % des cultes de la mouvance protestante se sont vu refuser leur
enregistrement ou bien l’ont perdu pendant la période de ré-enregistrement
obligatoire.
L’environnement ainsi créé en Biélorussie est très défavorable à l’implantation et au développement des sectes. De fait les sectes n’ont en Biélorussie
qu’une audience très confidentielle et le public, sensible aux prises de position
des autorités à ce sujet, ne manifeste aucune indulgence à leur égard.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Fort attachement à la religion orthodoxe, en Bulgarie, reconnue officiellement comme « religion traditionnelle » et garante de l’identité nationale
bulgare.
Études diverses
137
Ceci conduit à considérer avec une certaine suspicion tout autre forme
de culte. La législation bulgare ne reconnaît toutefois pas la notion de « secte »,
et se contente d’apprécier l’activité des mouvements religieux à l’aune du respect à l’ordre public. Jusqu’à présent, les mouvements à caractère sectaire n’y
prospèrent pas.
Il existe une structure de supervision des cultes, rattachée au Premier
ministre : les questions concernant les Affaires religieuses sont du ressort de
la « Direction des Affaires religieuses », structure légère de 5 personnes rattachée au « Conseil des ministres » (Services du Premier ministre). En liaison
permanente avec les représentants des différentes confessions, les facultés de
théologie et les ONG assurant un travail de veille des pratiques religieuses – la
plus connue étant le « Centre de Recherche sur les Nouveaux Mouvements
Religieux » – la Direction des Affaires religieuses est notamment chargée, sur
demande du ministère de l’Intérieur, d’émettre des avis sur les demandes d’enregistrement des congrégations et mouvements religieux souhaitant s’établir
en Bulgarie.
L’attachement très ancré au culte orthodoxe, malgré une forte déconfessionnalisation et un pluralisme religieux très ancien, conduit à considérer
avec suspicion toute autre confession.
Si l’article 13 de la Constitution bulgare reconnaît la totale liberté des
cultes, il mentionne dans le même temps, sans en tirer aucune conséquence au
plan juridique, que le culte orthodoxe a le statut de « religion traditionnelle ».
Cette mention se réfère au rôle historique de l’orthodoxie dans la constitution
de l’identité nationale et reflète la fierté de la Bulgarie d’avoir été le pays d’où
s’est propagée l’évangélisation des peuples slaves par les frères saints Cyrille et
Méthode (IXe siècle).
Sous les cinq siècles de domination ottomane, l’orthodoxie a constitué
le principal rempart de l’identité nationale. Ceci explique l’attachement persistant, plus culturel que confessionnel, à cette religion dans une société bulgare
qui reste marquée par le mouvement de déconfessionnalisation de la période
communiste.
Il existe une défiance spontanée vis-à-vis des autres confessions -islam,
mais aussi judaïsme, catholicisme, etc.- dont le parti d’extrême droite « Ataka »
fait son fonds de commerce.
Il existe cependant un pluralisme religieux ancien dû, d’une part, au
retour précoce, quelques siècles après le schisme d’Orient, de catholiques lors
des croisades. Ils constituent actuellement 1 % de la population.
138
MIVILUDES
▼
Ce pluralisme religieux est dû, d’autre part, à l’ancienneté de l’implantation de l’islam (conquête musulmane à la fin du XIVe siècle). Les Musulmans
représentent aujourd’hui près de 10 % de la population, majoritairement la
minorité turcophone, mais également les Roms et des Bulgares islamisés, les
Pomaks. Leur pourcentage, du fait d’une démographie plus élevée que dans le
reste de la population, est appelé à croître. Grâce à des aides financières venues
de l’extérieur, les mosquées sont refaites voire sont créées dans les zones de
peuplement d’origine turque. Il se dit également que, depuis quelques années,
de nombreux Roms se convertissent, moyennant parfois un soutien financier,
à la religion musulmane.
La notion de « mouvement à caractère sectaire » est cependant inconnue du droit bulgare. La légalité des mouvements religieux est appréciée uniquement en termes de respect ou d’infraction à la législation (pénale, civile,
fiscale), à la lumière des troubles à l’ordre public dont ils seraient la cause.
Les trois mouvements transnationaux étudiés sont désignés couramment, dans
les milieux oeuvrant dans ce secteur, sous le terme générique de « Nouveaux
Mouvements Religieux ».
Dès son indépendance en 1991, la Lettonie a connu un renouveau des
pratiques religieuses traditionnelles, (cultes luthérien, catholique et orthodoxe) mais peu d’engouement pour les nouvelles religions ou les mouvements
à caractère sectaire.
La constitution lettone de 1991 garantit la liberté de conscience et la
séparation de l’Église et de l’État. Il n’y a pas de religion d’État et une loi
sanctionne toute forme de discrimination religieuse. De la création de l’État
letton, en 1918, jusqu’à l’occupation soviétique en 1940, la plus grande tolérance religieuse a été observée. De 1940 à 1987 (début de la « Perestroïka »), les
autorités soviétiques ont procédé à la dissolution des organisations religieuses,
à la déportation de nombre de leurs responsables et à la confiscation de leurs
biens. A défaut de pouvoir pratiquer ouvertement leur religion, les Lettons ont
conservé la mémoire de leurs traditions religieuses par la pratique clandestine
du culte – notamment les baptêmes – et la diffusion de brochures religieuses
artisanales. Cela a permis, dès le retour de l’indépendance, un renouveau de
la pratique religieuse.
Sont reconnues comme religions traditionnelles les Églises luthérienne, catholique et orthodoxe, les « Vieux Croyants », les Juifs, les Baptistes et
les Adventistes du 7e Jour.
Les Lettons sont majoritairement luthériens et catholiques, tandis
que les Russes sont orthodoxes, la communauté des Vieux Croyants n’étant pas
négligeable.
Aux nouvelles religions adhère un pourcentage infime (1,5 %) de la
population : New Wave, Mormons, Krishna et autres cultes en provenance
d’Inde.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Les organisations religieuses doivent se faire enregistrer au Département
des affaires religieuses du ministère de la Justice. En 2006, il y avait 1 173 organisations déclarées. Pour se faire enregistrer, les organisations doivent déposer
un dossier comprenant les statuts, la structure, l’administration et le nom des
dirigeants. Un minimum de 20 membres fondateurs est requis. Les nouvelles
Études diverses
139
organisations religieuses doivent renouveler cette demande tous les ans, sur une
période de 10 ans, ce qui permet de contrôler l’évolution de leurs activités.
La lutte contre les dérives sectaires, en l’absence de structure similaire
à la MIVILUDES, est organisée par les Églises traditionnelles ainsi que par une
association dénommée « Pour la lutte contre les sectes totalitaires ». Ainsi en
janvier 1998, a été organisée par l’Église luthérienne et l’Institut de criminologie une conférence sur « Les Nouvelles religions et leur influence néfaste sur la
société ». Au cours de cette conférence a été adoptée une « Résolution sur les
organisations religieuses destructrices » portant sur la nécessité de protéger la
population du phénomène sectaire.
La Hongrie, l’Ukraine, la Roumanie
Dans ce groupe, les pays n’ont pas, à proprement parler, prévu de dispositif particulier de vigilance mais ils veillent néanmoins à assurer une certaine prévention des dérives sectaires.
En Hongrie, depuis le changement de régime en 1989, les autorités
veillent scrupuleusement au respect de la liberté de religion. Elles souhaitent
en effet se démarquer des pratiques interventionnistes et liberticides des gouvernements de l’époque communiste. La législation dans ce domaine est particulièrement libérale. Les nouveaux mouvements religieux suscitent parfois des
interrogations, mais ne font pas l’objet d’une stigmatisation dans les médias ni
l’opinion publique.
La Constitution garantit la liberté de religion non seulement en théorie
mais aussi en pratique depuis 1990. S’il n’existe pas de religion d’État, certains
cultes sont néanmoins qualifiés d’« historiques » : Églises catholique, réformée,
luthérienne et judaïsme. Ces religions ont longtemps bénéficié d’un traitement
de faveur de la part de l’État par rapport aux religions minoritaires jusqu’à ce
qu’une loi de 1990 garantisse le traitement égal de toutes les religions, comme
l’a indiqué le Directeur des cultes, « même si la législation permet à l’Union des
Sorcières de bénéficier du même traitement que l’Église catholique ».
La Constitution garantit la liberté de pensée, de conscience et de
religion, ainsi que celle de la manifester par le culte, individuellement ou en
commun, et tant en public qu’en privé. Elle garantit également la liberté de
l’enseigner. Selon les textes, tout parent a le droit de choisir l’éducation à donner à ses enfants. Les cultes bénéficient donc d’une vaste protection et d’une
autonomie garanties par la loi.
Même si n’importe quel groupe a la liberté d’exercer toutes formes de
religion, ceux qui sont enregistrés disposent de certaines protections et privilèges et de quelques aides de l’État.
140
MIVILUDES
▼
La procédure pour faire enregistrer un culte en Hongrie est
particulièrement simple. Il suffit de réunir cent fidèles et de déclarer ne pas
vouloir exercer une activité contraire aux lois du pays. De plus, les cultes sont
enregistrés non pas auprès du gouvernement mais auprès des tribunaux.
Le Directeur des cultes hongrois s’est déclaré intéressé à connaître
l’approche de la France et sa façon d’appréhender ces questions.
D’une manière générale, le climat entre l’État, les Églises et les mouvements religieux est serein, et le thème des « sectes » n’est pas un sujet médiatiquement porteur.
En Ukraine, il est difficile de cerner, dans un cadre légal assez flou et
plutôt permissif, l’importance du phénomène sectaire qui semble cependant
s’être enraciné à la faveur des bouleversements et de l’ouverture des années
90. Il n’y a pas, présentement, de réflexion et d’action de la part des pouvoirs
publics dans ce domaine.
Selon les statistiques officielles du Comité d’État des nationalités et des
cultes, 31 227 organisations religieuses sont enregistrées et 1 836 opèrent sans
reconnaissance officielle. Celles-ci n’ont pas de personnalité juridique mais
elles organisent des assemblées religieuses sous le couvert de la liberté de rassemblement inscrite dans la Constitution.
La propagation des nouvelles religions n’est pas maîtrisée en Ukraine,
à cause de lacunes dans la législation. Celle-ci laisse toute latitude à n’importe
quelle organisation religieuse qui ne présente pas de menace directe pour la
vie et la santé de l’individu. Les nouvelles églises se gardent de divulguer le
nombre de leurs adeptes, mais les psychologues enregistrent la croissance en
flèche du nombre de personnes victimes d’une dépendance sectaire. Selon les
estimations des églises traditionnelles, près de 3 millions d’Ukrainiens seraient
impliqués dans des mouvements à caractère sectaire divers, soit 6,4 % de la
population.
Par ailleurs, les techniques d’influence et de manipulation pratiquées
dans ces mouvements semblent se répandre dans le monde de l’entreprise
(grandes structures essentiellement), sous la forme de « technologies de gestion »,
susceptibles de conduire à des formes d’exploitation des personnels.
Le cadre légal est peu contraignant. Une législation ultra-libérale sur la
liberté de conscience, permettant à toute organisation religieuse de fonctionner
sans aucun enregistrement ou notification officielle de l’État (une simple déclaration d’activité est nécessaire), a favorisé -dans les années 1990- la venue massive en Ukraine des églises non traditionnelles où elles trouvaient un terreau
social propice : système éducatif en crise, difficultés économiques et sociales
durables, instabilité politique, déchirements persistants entre les différentes
églises orthodoxes.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
En l’absence de définition légale des critères pouvant conduire à refuser l’enregistrement d’une secte, il n’existe, pour les organes de l’État, d’autre
possibilité que le recours, sur le plan formel, à des mesures dilatoires, pour retarder au maximum cet enregistrement. Par ailleurs, les mouvements sectaires,
Études diverses
141
pour obtenir l’enregistrement, cherchent à établir, au préalable, des contacts
privilégiés avec les autorités locales et régionales, voire nationales.
à noter également l’inaction des pouvoirs publics. Les populations ne
sont ni protégées sur le plan légal, ni informées des menaces émanant des
sectes. En 1999, l’Ukraine a signé la résolution du Conseil de l’Europe visant à
soutenir les centres d’information sur la menace présentée par les sectes destructives et les centres d’aide aux victimes de celles-ci : elle reste lettre morte à
ce jour.
Enfin, des mouvements évangélistes d’inspiration nord-américaine sont
établis en Ukraine, l’une des plus grandes et influentes églises charismatiques,
de tendance néo-pentecôtiste, l’« Église de l’Ambassade de Dieu », compte près
de 30 000 adhérents permanents et plus de 400 communautés. Elle est soutenue par le maire de Kiev, qui en serait membre.
En Roumanie, les questions concernant la religion sont du ressort du
ministère de la Culture et des cultes, qui est doté d’un Secrétariat d’Etat aux
cultes.
Légalisé dès 1990 en tant qu’« association religieuse », le mouvement
des Témoins de Jéhovah bénéficie en Roumanie du statut officiel de culte
depuis 2003. Alors que l’Église de Scientologie et l’« Église Moon » n’ont pas
fait de demande de reconnaissance, la première est active dans le pays sous la
forme d’une « Association de Volontaires humanitaires » alors que la seconde
n’opère à ce stade qu’en République de Moldavie voisine.
La Slovénie, la Lituanie et l’Estonie
Dans le présent groupe, ces trois pays n’ont pas à proprement parler
prévu de dispositif particulier de vigilance et mettent en oeuvre un libéralisme
quasi-total en la matière, parfois en décalage avec les aspirations présentes du
public, si l’on en croit certains organes de presse ou certains auteurs.
En Slovénie, les autorités ne semblent pas préoccupées par les risques
que les mouvements à caractère sectaire pourraient représenter. L’opinion
publique et la presse slovènes sont peu sensibilisées à ce sujet.
142
MIVILUDES
▼
Ainsi, le « Bureau gouvernemental des associations religieuses », compétent en Slovénie pour le contrôle des mouvements à caractère sectaire, dispose
de peu d’informations sur les mouvements à caractère sectaire en général, et
sur ces trois mouvements étudiés : Témoins de Jéhovah, Église de Scientologie,
Association du Saint-Esprit pour l’unification du christianisme mondial-Moon.
Les trois mouvements mentionnés ont fait l’objet d’enregistrements auprès
du Bureau gouvernemental des associations religieuses. En 1976, en ce qui
concerne les Témoins de Jéhovah, en 1991 pour Moon et en 1995 pour l’Église
de Scientologie.
Dès lors qu’ils ont été enregistrés, ces mouvements obtiennent le statut
de « personnes morales ». Ils disposent alors d’une liberté d’expression et de réunion, en vertu de la loi slovène sur la « Liberté de foi » adoptée par le Parlement
le 12 février 2007 et publiée au Journal officiel slovène le 16 février 2007.
Les mouvements religieux qui « présentent des risques d’actes illégaux »
(manifestations violentes, atteintes aux personnes, atteintes aux libertés) ne
peuvent être enregistrés. « L’enregistrement » de ces mouvements constitue
donc une présomption d’« absence de trouble à l’ordre public » mais la loi permet
de remettre en question l’« enregistrement » en cas d’« actes illégaux ».
En Lituanie, peu de succès des mouvements à caractère sectaire. Moon
et Scientologie officiellement présentes mais quasi inexistantes, les Témoins de
Jéhovah sont les plus nombreux et les plus actifs mais ne posent pas aux autorités de difficultés particulières.
Après la longue parenthèse soviétique, le fait religieux est vite réapparu
et la constitution de 1992 garantit les libertés de pensée, de conscience et de
religion pleine et entière. Un article du code pénal réprime la violence morale
exercée sur un individu et pourrait peut-être servir à combattre les pressions
psychologiques utilisées par certaines sectes mais le cas ne s’est pas encore présenté en justice.
La Constitution est très libérale dans ce domaine et reconnaît à chacun le droit de choisir sa religion, de la professer, de célébrer des cérémonies
religieuses, de pratiquer sa confession et de l’enseigner, l’État ne pouvant en
imposer une (pas de religion d’État). Seule limite : cette liberté peut être restreinte par la loi, mais seulement par la loi et « seulement lorsque ces restrictions sont
nécessaires pour garantir la sécurité de la société, l’ordre public, la santé et la moralité
d’une personne, ainsi que les libertés et droits fondamentaux d’autrui ».
Cependant, les textes distinguent :
• Les églises « traditionnelles et les organisations religieuses de Lituanie », qui
sont reconnues par l’État, ont les droits d’une personne morale, propagent
librement leur doctrine, célèbrent leurs rites, possèdent des édifices consacrés
au culte, des institutions de bienfaisance et des écoles pour la formation des
ministres de leur culte, et qui peuvent s’organiser librement, selon leurs canons
et leurs statuts.
Leur nombre est actuellement de neuf : les Catholiques romains, les
Catholiques de rite oriental, les Luthériens, les Calvinistes, les Orthodoxes, les
« Vieux Croyants », les Juifs, les Musulmans -Sunnites, est-il précisé- et les Karaïtes.
Cette liste correspond aux religions actives depuis au moins 300 ans sur la terre
lituanienne (à l’exception des Vieux Croyants, un peu plus récents) qui constituent ce que la Lituanie considère comme son héritage culturel.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Ce nombre n’est cependant pas limitatif : un mouvement religieux
peut demander à bénéficier de ce statut mais il faut un délai de 25 ans à partir
de l’enregistrement initial comme Église ou organisation religieuse, un avis du
Études diverses
143
ministère de la Justice et un vote du Parlement. Si le vote du Parlement est négatif, il faut alors attendre encore 10 ans pour déposer une nouvelle demande.
• Les autres Églises et les autres organisations religieuses, dont le statut
est fixé par convention ou par la loi : celles-ci doivent se faire enregistrer au
ministère de la Justice, dans un service qui enregistre aussi les partis politiques,
en respectant deux critères :
– elles doivent avoir « une base dans la société », cette base étant définie souplement
par la loi de 1995 : un minimum de 15 adeptes adultes de nationalité lituanienne ;
– leur doctrine et leurs rites ne doivent pas « être contraires à la morale et à la loi .»
L’application de ces textes dans la pratique se traduit par l’enregistrement au ministère de la Justice de 160 organisations, représentant 26 croyances
religieuses. Il n’y a pas actuellement de demande pendante, ce qui confirme le
faible intérêt que suscitent les mouvements à caractère sectaire.
Depuis l’indépendance, une seule église (baptiste) a obtenu la reconnaissance de l’État et encore ne comprend-elle qu’une moitié des Baptistes,
l’autre moitié étant regroupée dans des associations. Quatre autres Églises sont
candidates (adventiste, pentecôtiste, méthodiste) mais, selon le ministère de la
Justice, le Parlement se satisfait de laisser traîner les choses en longueur.
Les autorités ne semblent jamais avoir considéré que les sectes posaient
problème en Lituanie mais à la suite d’articles de presse alarmistes publiés en
2000, dénonçant les activités suspectes de 300 sectes dans le pays, elles ont mis
sur pied une commission chargée de coordonner l’action des institutions étatiques contre les activités illégales des sectes (conformément d’ailleurs à une
recommandation du Conseil de l’Europe émise l’année précédente). Cette
commission existe toujours et se réunit une fois tous les deux mois. Son principal mérite est d’avoir lancé une « Étude préliminaire sur le prosélytisme des sectes en
Lituanie à l’endroit de la jeunesse ».
On pourrait voir dans le peu de succès des sectes en Lituanie une
illustration du caractère chrétien de la population lituanienne (60 à 80 % des
Lituaniens se déclarent catholiques).
En Estonie, on ne trouve pas de notion de « mouvement à caractère sectaire ». Le phénomène -qui est resté particulièrement discret depuis le retour
à l’indépendance de 1991- n’a pas suscité jusqu’ici d’analyses approfondies. Il
n’y a pas de notion de « secte » dans la loi estonienne qui ne retient que celle
d’« Association à buts religieux ».
Un suivi, particulièrement modeste, existe toutefois au travers du
« Département des affaires religieuses » du ministère de l’Intérieur, service
composé de 2 seuls agents.
144
MIVILUDES
▼
On notera enfin que la population réduite (1,35 million d’habitants)
en Estonie ne favorise pas l’implantation ou l’activité des mouvements à caractère sectaire, qui seraient assez aisément détectables par les services de police.
L’Albanie
L’Albanie ne dispose pas à ce jour de texte législatif sur les mouvements à caractère sectaire.
La liberté de religion et de croyance est garantie par la Constitution et
il n’y a pas de religion officielle en Albanie. Les organisations à caractère sectaire qui ont une activité en Albanie oeuvrent en tant qu’associations, conformément à la « Loi sur les organisations et associations non lucratives ». Elles
s’enregistrent auprès des tribunaux. En cas de problèmes, liés tant à la sécurité
des personnes qu’à la sécurité nationale, les textes de référence sont le code
pénal et le code de procédure pénale.
Actuellement, le « Comité des cultes », qui relève du ministère du
Tourisme, de la Culture et des Sports, élabore un projet de loi en vue de régler
les rapports entre les différentes communautés religieuses et l’État. Il n’apparaît pas certain que le phénomène des mouvements à caractère sectaire y soit
pris en considération.
De fait, les autorités albanaises se déclarent uniquement préoccupées
d’une éventuelle progression des sectes musulmanes, présentes sur leur territoire depuis plusieurs siècles pour certaines. Actuellement, une douzaine sont
répertoriées comme telles, dont celle des Bahaïs.
L’indifférence aux questions de religion, répandue dans la population
albanaise très marquée encore par l’athéisme officiel et militant, peut constituer un facteur d’explication à cette sérénité des autorités.
Implantation et dispositions
applicables à ces trois mouvements
transnationaux
L’Église de Scientologie
En Russie, elle mène un combat acharné contre les autorités pour
se faire reconnaître officiellement, et a obtenu un succès notable devant
la CEDH (Convention européenne des droits de l’homme) alors qu’elle
protestait contre le refus persistant des autorités russes à l’enregistrer (onze
refus de 1998 à 2005).
Le 5 avril 2007, la CEDH a condamné la Russie, considérant qu’elle
avait violé l’art. 9 relatif à la liberté de pensée, de conscience et de religion, et
l’art.11, concernant la liberté de réunion et d’association, de la Convention
européenne des droits de l’homme.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Les tribunaux russes se sont défendus, arguant du fait que l’Église n’avait
aucune base légale dans la mesure où elle n’avait pas fourni les documents
Études diverses
145
nécessaires à son enregistrement. La CEDH a toutefois considéré que les
autorités russes n’avaient pas fourni au demandeur les éléments d’information
nécessaires à la constitution d’un dossier complet d’enregistrement. La Cour a
alloué à l’Église de Scientologie de Moscou 10 000 euros pour dommage moral
et 15 000 euros pour frais et dépens.
Les Scientologues seraient au nombre de 10 000.
En Slovaquie elle est présente depuis 1995 avec 2 000 membres. En 2000,
le mouvement a ouvert un centre de « dianétique » puis un autre à Bratislava.
Actuellement, il existe 14 centres de ce type en Slovaquie qui proposent notamment des cours de management et d’anglais et qui ont un statut associatif.
Il est difficile d’évaluer l’influence de ce mouvement mais le gouvernement a refusé pour le moment de réformer le statut des religions malgré une
pétition adressée par les Mormons au début de l’année 2007 et le « sit-in » de
protestation organisé en septembre dernier devant le Bureau du Gouvernement
sans beaucoup d’échos dans les médias.
L’Église de Scientologie semble vouloir profiter de la relative atonie du
marché de la formation permanente pour s’implanter au sein des entreprises.
En Biélorussie, elle n’est pas enregistrée. Le Comité d’État pour les
religions et les nationalités n’a pas été en mesure de fournir des données sur
le nombre des adeptes biélorusses mais on peut raisonnablement penser qu’il
est très faible.
La centrale européenne de l’Église de Scientologie a entamé des
démarches en vue d’être enregistrée officiellement en Bulgarie. L’Église de
Scientologie a nommé des représentants en Bulgarie en 2003. Ces derniers
s’efforcent d’établir et d’entretenir des contacts avec l’administration bulgare
et cherchent, sans grand succès jusqu’à présent, à toucher par leurs enseignements les futures élites du pays. En novembre 2005, un séminaire a été organisé
à Sofia sous le couvert de l’association Narconon, créée pour la poursuite des
activités de l’organisation.
En Lettonie, Le Département des Affaires religieuses a refusé l’enregistrement de l’Église de Scientologie en 2006, pour non-conformité avec la loi
sur les organisations religieuses. Ce mouvement comporte par ailleurs peu de
membres (quelques dizaines de personnes).
Diverses associations, émanations de l’Église de Scientologie, ont été
créées en Lettonie, dont le Centre de dianétique, un club de développement
des affaires, un Centre de formation d’enseignants, et l’association Narconon
Europe.
146
MIVILUDES
▼
L’opinion publique est largement hostile à cette organisation et les
médias sont également très critiques, en raison des méthodes de propagande
utilisées. Ainsi, diverses actions promotionnelles ont été lancées en Lettonie
par la Scientologie, sans pour autant s’afficher ouvertement comme activité de
l’Église de Scientologie.
Ainsi, en juin 2005 a été lancée l’opération de recrutement « Tentes
Jaunes ». De grandes tentes jaunes ont été plantées dans Riga, portant le slogan : « Avec ça, on peut faire quelque chose ». Les personnes intriguées entraient
dans les tentes, où elles étaient accueillies par des scientologues qui n’annonçaient jamais leur appartenance à ce mouvement à caractère sectaire. Cette
opération a été très critiquée par les journaux, qui n’ont pas manqué de rappeler que l’Église de Scientologie n’est pas enregistrée officiellement en Lettonie
comme organisation religieuse.
L’Église de Scientologie est présente en Hongrie depuis 1989 et enregistrée depuis 1990.
Selon ses propres chiffres, elle compterait 15 000 membres permanents
en Hongrie. Le Directeur des cultes au ministère de l’Éducation et de la Culture
se dit « informé mais aussi préoccupé » par les activités de l’Église de Scientologie
en Hongrie. L’Office de la sécurité nationale a fait état de ses critiques envers
l’Église de Scientologie : crainte de voir « créer un réseau invisible au sein de la
société », dans la mesure où ce groupe semble avoir une certaine influence dans
les domaines de l’enseignement et de la santé mentale. Il qualifie l’Église de
Scientologie de « totalitaire, exploitant financièrement et mentalement ses membres et
débordant de son caractère religieux en fonctionnant comme une multinationale. »
Le Médiateur, responsable de la protection des données privées des
citoyens, a fait état de réserves quant aux pratiques de l’Église de Scientologie :
celle-ci conserverait des informations personnelles sur ses fidèles, et l’utilisation d’un « électropsychomètre » poserait problème au regard de l’article 59
de la Constitution qui garantit « la protection de la réputation, de l’inviolabilité du
domicile, de la vie privée et des données personnelles ».
Il n’y a cependant aucune instance judiciaire qui mettrait en cause les
activités de l’Église de Scientologie en Hongrie.
En Ukraine, L’Église de Scientologie est présente depuis la deuxième
moitié des années 1990. Elle compte 20 communautés dans différentes régions
d’Ukraine dont les plus importantes sont à Kiev (plus de trois milles adeptes),
Kharkiv (quelques milliers), Krementchouk, Odessa, Oujhorod.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Dans sa phase initiale, la stratégie d’implantation passe par les « centres de dianétique » qui promeuvent les technologies de gestion élaborées par
Hubbard : c’est aussi l’étape de la prise de contacts utiles dans les milieux politiques et d’affaires. Les « centres de dianétique », régis par la loi sur les associations publiques, cherchent à utiliser théorie et méthode de Hubbard dans les
différentes sphères de la vie sociale. L’une des réalisations les plus réussies est
l’organisation « Narconon » qui dispense des programmes éducatifs contre la
toxicomanie dans des établissements d’enseignement secondaire et supérieur,
après avoir obtenu l’accord des ministères de l’Éducation, de la Jeunesse et de
la Santé et le soutien des autorités régionales de Kharkiv. Dans la stratégie de
l’Église, les « centres de dianétique », qui fonctionnent comme des associations
Études diverses
147
publiques, font progressivement place à l’Église de Scientologie, au champ
d’action beaucoup plus large.
Les scientologues approchent également le monde du travail et de l’entreprise, notamment par l’utilisation des agences de recrutement qui proposent aux demandeurs d’emploi, sans les informer des implications possibles, de
remplir un questionnaire reprenant de près l’« Oxford test » des scientologues,
et la promotion, auprès des dirigeants d’entreprise, des « technologies de gestion » élaborées par Ron Hubbard sous couvert d’« accroître l’efficacité de la main
d’œuvre ».
En 2004, l’Église a tenté de s’enregistrer en Ukraine mais s’est vue
déboutée par l’administration municipale de Kiev. En 2006, le dossier a été
déposé au Département d’État des cultes mais retiré plus tard, le contexte étant
jugé « peu favorable ». Les scientologues ukrainiens aspirent pourtant à avoir un
statut officiel qui leur donnerait plus de possibilités dans leurs démarches quotidiennes : location de locaux, formalités auprès des instances diverses (douanes,
banques), accès à la capacité judiciaire pour défendre leurs intérêts, notamment pour protéger les droits d’auteur contre les organisations « pirates » qui
propagent les travaux de Ron Hubbard.
L’Église de Scientologie existe en Roumanie sous la forme de l’« Association des Volontaires humanitaires » sise boulevard Coposu à Bucarest. Cette
association est également représentée en République de Moldavie.
Au printemps 2006, les membres de l’Association se sont rendus dans la
région de Craiova pour venir en aide aux victimes des inondations, auxquelles
ils ont proposé des techniques de relaxation et d’aide psychologique. Quoique
cette action n’ait eu qu’un faible retentissement, la présence des Scientologues
aux côtés des équipes de la Croix Rouge a donné une sorte de légitimité au
mouvement.
Les adeptes roumains restent néanmoins peu nombreux. Dans leurs
actions de prosélytisme, ils mettent en avant la présence parmi eux du prince
roumain Paul Lambrino (petit-fils illégitime du roi Carol II) et de son épouse
Lia (née Américaine).
En Slovénie, le ministère de l’Intérieur et le « Bureau gouvernemental
des associations religieuses » ne disposent d’aucun élément, ni sur l’influence
de ce mouvement.
L’Église de Scientologie est tout à fait marginale en Lituanie. Seul un
petit groupe, estimé à 50 personnes, s’en réclame à Vilnius et n’est guère actif.
Elle n’a pas demandé à être enregistrée comme organisation religieuse et seul
un « centre de dianétique » fonctionne en tant qu’association.
148
MIVILUDES
▼
En Estonie, la présence de l’Église de Scientologie n’a pas été détectée
par les services du ministère de l’Intérieur. Il semble toutefois qu’une implantation existe, principalement à Tartu, principale ville universitaire du pays, où
il a été fait état de démêlés entre des scientologues supposés et l’administration
universitaire.
L’Église de Scientologie n’est pas du tout présente actuellement en
Albanie. Les quelques Scientologues reconnus comme tels, étaient membres de
représentations diplomatiques étrangères. Par ailleurs, il ne semble pas y avoir
eu de tentatives de recrutement.
Les Témoins de Jéhovah
En Russie, les Témoins de Jéhovah ne sont plus enregistrés officiellement depuis la fin des années 1990, ce qui ne les empêche pas de mener leurs
activités : le porte-à-porte, la vente sauvage de livres dans la rue, mais aussi, des
rassemblements pouvant regrouper plusieurs milliers de personnes.
Les Témoins de Jéhovah seraient entre 140 000 et 200 000.
En Slovaquie, les Témoins de Jéhovah ont le statut de religion car ils
comptent plus de 20 000 membres. Ils organisent 200 baptêmes par an, mais
le nombre global de membres est stable car environ 200 Témoins de Jéhovah
quittent cette religion chaque année.
Les Témoins de Jéhovah ont été enregistrés officiellement en Biélorussie
par le Comité d’État pour les religions et les nationalités et y comptent 26
« Communautés ». Le nombre des adeptes n’est pas connu officiellement mais
est probablement très faible. On notera que le manuel officiel « Éléments de base
sur la sécurité nationale et individuelle » à l’usage des étudiants que les autorités
biélorusses ont diffusé dans les universités, comprend un paragraphe intitulé
« Attention aux sectes ». Les Témoins de Jéhovah y sont clairement qualifiés de
secte dangereuse.
Ils se sont implantés en Bulgarie dans l’entre-deux guerres, avant d’être
interdits à l’époque communiste. Après le rétablissement de la démocratie, ils
se sont enregistrés en tant que mouvement associatif (1991) et sont reconnus
depuis 1998 comme « mouvement religieux » en application de la loi sur les religions. A ce jour, le nombre total des adeptes est d’environ 1 600 personnes.
L’organisation ne rencontre pas de soutien dans son activité de prosélytisme et son influence dans la société bulgare est limitée. Cette communauté
est globalement mal perçue dans le pays. Des formations radicales nationalistes
ont plusieurs fois tenté de faire échouer ses rassemblements.
La Lettonie a enregistré les Témoins de Jéhovah en 1998, après plusieurs années de litige : le Département des affaires religieuses, comme les tribunaux, refusaient de considérer les Témoins de Jéhovah comme une nouvelle
religion. Aujourd’hui, 21 congrégations sont déclarées en Lettonie, revendiquant 1 900 prêcheurs et 4 000 fidèles.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Pourchassés par les autorités soviétiques qui les considéraient comme
des espions américains, les Témoins de Jéhovah véhiculent toujours une image
Études diverses
149
négative dans l’opinion publique, tant en raison de leur prosélytisme persévérant que de leurs positions anti-patriotiques : refus d’effectuer le service militaire, de saluer le drapeau et de respecter les symboles nationaux. Pour autant,
l’activisme des Témoins de Jéhovah n’occasionne pas de troubles à l’ordre
public.
En Hongrie, ils ont enregistré leur culte en 1989. Présents en Hongrie
depuis le début du XXe siècle, ils étaient au nombre de 22 000 environ en
mai 2007. Il s’agit de l’une des communautés religieuses les plus actives de
Hongrie. Un congrès international des Témoins de Jéhovah a en effet été organisé à Budapest en 2003 en présence de certains dirigeants du collège central
de Brooklyn, siège de la direction aux États-Unis.
Une loi datant de 1997 permet aux Témoins de Jéhovah de refuser
certains procédés et traitements médicaux qui sont en contradiction avec leur
croyances, notamment les transfusions sanguines. Cependant, les critères pour
l’application de cette loi sont stricts : seuls les patients dont la maladie est incurable et provoque la mort dans de brefs délais peuvent en bénéficier. Les femmes enceintes ne sont pas autorisées à refuser les interventions visant à les
sauver si elles sont jugées capables de donner naissance à leur enfant.
Le culte, qui s’oppose formellement aux transfusions sanguines, a créé
un service d’information sur les médecins experts en méthodes n’utilisant pas
le sang. Ce service dispose d’une branche en Hongrie depuis quelques années,
et plus de 600 médecins y ont aujourd’hui recours pour s’adapter aux croyances des Témoins de Jéhovah. L’église propose également une aide financière
à certains hôpitaux, leur permettant d’acheter le matériel nécessaire à ces
méthodes alternatives.
Les Témoins de Jéhovah sont régulièrement critiqués par certaines
franges de l’opinion publique. Ces dernières années, de nombreux reportages
leur ont reproché leur façon d’élever leurs enfants, leurs méthodes de travail
ou de « recrutement » et même leur politique budgétaire.
Les tribunaux hongrois, qui considèrent leurs croyances préjudiciables
aux enfants, accordent souvent la garde de l’enfant au parent « non-Témoin »
en cas de divorce.
On reproche également à l’organisation d’inciter ses jeunes fidèles à
ne pas poursuivre d’études supérieures. Cependant, une appréciation positive
revient souvent : le tabagisme ainsi que la consommation d’alcool ou de drogue sont bannis par les Témoins.
150
MIVILUDES
▼
Les Témoins de Jéhovah sont apparus en Ukraine vers 1920, avec le
retour d’émigrants ukrainiens des États-Unis et du Canada. Ils avaient vécu leur
foi dans la clandestinité à l’époque de l’URSS. Les effectifs des Témoins, enregistrés en Ukraine depuis 1991, sont élevés : plus d’un millier de communautés
à travers le pays dont la plupart officiellement enregistrées.
Dans la vie politique, les Témoins de Jéhovah sont peu présents :
ne reconnaissant qu’un seul gouvernement sur terre, la « Corporation de
Brooklyn », ils interdisent à leurs adeptes de participer aux élections.
Les Témoins de Jéhovah, présents depuis 1990 en Roumanie, revendiquent à ce jour 76 000 membres répartis en près de 500 congrégations.
Après la « Révolution » de décembre 1989, les Témoins ont reçu en
1990 le droit de s’organiser en « association ». C’est en mai 2003 qu’ils se sont
vus reconnaître le statut de « culte » par un arrêté du ministre de la Culture
et des Cultes. « L’organisation religieuse des Témoins de Jéhovah » figure
ainsi aujourd’hui sur la liste des 18 cultes officiellement reconnus par la loi
489/2006 « Sur la liberté religieuse et le régime général des Cultes », laquelle
établit par ailleurs trois catégories : « Groupement religieux » (forme d’association
sans personnalité juridique qui pratique librement une croyance religieuse),
« Association religieuse » (personne juridique de droit privé) et « Culte » (personne
juridique d’utilité publique).
En Lituanie, ils se sont fait enregistrer comme organisation religieuse
en 1993. Ce sont les plus nombreux (ils seraient 3 500, soit 0,1 % de la population totale) et les plus actifs, sans que leur prosélytisme soit particulièrement
agressif. Leur progression en nombre est régulière, sans être considérable.
En Estonie, ils constituent de loin le plus important mouvement à
caractère sectaire avec 4 250 adhérents, auxquels il conviendrait d’ajouter plusieurs milliers de sympathisants. Ce mouvement ferait preuve d’un prosélytisme
marqué.
Les Témoins de Jéhovah sont présents en Albanie depuis le retour de la
démocratie au début des années 90. Ils seraient de l’ordre de 2 000 personnes
qui se montrent très actives, avec notamment de nombreuses équipes chargées
de « recruter » grâce au porte-à-porte.
Le désintérêt pour les questions religieuses et un profond rejet vis-àvis de tout ce qui peut apparaître comme un encadrement structuré, constituent néanmoins de sérieux bémols à leur prosélytisme. En outre, le suicide
de deux adolescents sous forte influence, semble-t-il, des Témoins de Jéhovah,
en 1997 et 2004 - assez fortement médiatisé - a nourri la méfiance vis-à-vis de
leur action.
L’Association du Saint-Esprit pour l’Unification
du Christianisme mondial ou « Moon »
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Moon a été très active, en Russie, au tournant des années 1990-2000.
L’Association du Saint-Esprit pour l’Unification du Christianisme mondial avait
réussi, à travers des organisations à caractère social ou éducatif essentiellement
tournées vers la famille, à gagner la confiance de certaines municipalités, dont
celle de Moscou, qui mettaient des locaux à sa disposition et se félicitaient
publiquement de son action. Beaucoup de ces municipalités sont aujourd’hui
Études diverses
151
revenues à une attitude plus prudente et ont cessé tous liens avec ces organisations, souvent à travers des procès qui ont fait la une de la presse.
Les adeptes de Moon seraient au nombre de 5 000.
Moon est implanté en Slovaquie depuis 1968, avec le statut d’association, sous différents noms : l’Association du Saint - Esprit pour l’Unification
du Christianisme Mondial, la Fédération des Familles pour la Paix Mondiale,
l’Académie des Professeurs pour la Paix Mondiale. Ces associations comptent
environ 250 membres en Slovaquie.
Il n’a pas été enregistré non plus en Biélorussie. Là aussi, aucune donnée chiffrée officielle n’est disponible sur ce mouvement qui n’a pas de présence visible en Biélorussie.
En Bulgarie, L’Association du Saint-Esprit pour l’Unification du
Christianisme mondial n’est jusqu’a présent pas enregistrée officiellement en
application de la Loi sur les religions. Elle agit sous le couvert juridique de cinq
associations à but non lucratif, légalement reconnues.
Le nombre de ses adeptes est en diminution constante depuis 2000. Il
serait estimé à ce jour à 30. De moins en moins de responsables étrangers de
haut niveau de ce mouvement transnational se rendent en Bulgarie.
Enfin, le fondateur de l’organisation, Sun Myung Moon, est frappé,
depuis 2005, d’une interdiction d’entrée et de séjour de dix ans sur le territoire
bulgare pour « troubles à l’ordre public ». Cette sanction a contribué au déclin des
activités du mouvement en Bulgarie.
« Moon » n’est pas enregistrée en Lettonie et n’y a aucun statut légal.
D’un fonctionnement discret, elle compte très peu de membres qui ne font
pas de prosélytisme. à son sujet, l’opinion publique est neutre, par manque
d’information.
L’organisation Moon est également présente en Hongrie, et bien
qu’elle soit enregistrée, elle n’est pas très active et compterait quelques centaines de fidèles. Le révérend Moon et son épouse se sont rendus en Hongrie à
plusieurs reprises, à l’occasion de la création d’annexes de l’organisation. Les
rares commentaires dans les médias abordent les actions de l’organisation, très
peu connue et très peu visible au demeurant, de façon plutôt négative.
En Ukraine, peu de données sont disponibles sur la secte Moon.
Un ancien ministre de l’Éducation est connu pour avoir inauguré une
Assemblée de l’Église pour l’Unification du Christianisme mondial-organisation Moon. La presse a également attribué des liens avec ce mouvement à un
député du BIOUT, parti dont le deuxième responsable et ancien chef du SBOU
est par ailleurs réputé être prêtre baptiste.
152
MIVILUDES
▼
Il semble que l’organisation du Coréen Sun Myung Moon ne soit pas
présente en Roumanie. Néanmoins, elle est très bien implantée en République
de Moldavie et, par le biais de certaines ONG installées sur les deux rives du
Prut, est susceptible à terme de s’étendre à la Roumanie.
En Lituanie, « Moon » est enregistré depuis 2004-2005 comme organisation religieuse mais n’a qu’une existence pour ainsi dire virtuelle. Très peu
active, elle a quasiment disparu du pays.
« Moon », en Estonie, existe sous le nom de « Paroisse pour le
Rassemblement des Chrétiens d’Estonie », mais ne comporterait pour l’instant
que quelques adhérents.
En Albanie, Moon, qui a organisé un rassemblement public à Tirana
en octobre 2005, en présence du fondateur de l’organisation, n’a pas, depuis
lors, connu de développements significatifs. Ses effectifs seraient de l’ordre de
800 à 1 000 membres. Il est intéressant de noter que le Président du comité des
cultes, indique tout ignorer de « cette secte et n’en avoir jamais entendu parler
en Albanie ».
Conclusion
Il ressort de ces constatations que, globalement, les mouvements transnationaux à caractère sectaire inquiètent les autorités chargées de protéger
leurs populations les plus fragiles. L’obligation de prévention, voire de répression, à laquelle ils ne peuvent totalement échapper est souvent bridée par la
crainte des critiques d’une opinion nationale ou internationale très sensible
aux restrictions apportées à la liberté d’expression et à la pratique d’un culte.
Au nom de la liberté de religion, les autorités s’interdisent parfois de légiférer
spécialement, laissant aux tribunaux le soin d’apprécier et de sanctionner les
éventuels troubles à l’ordre public ou encore de laisser les Églises traditionnelles assurer la lutte contre les dérives sectaires.
Face à la menace que certains groupes peuvent faire peser sur les plus
faibles, les États qui ont choisi de ne pas légiférer sur ce sujet, pour des raisons liées à leur histoire, tentent, à travers l’aménagement de leur code pénal,
de protéger soit la personne humaine des conséquences des dérives sectaires,
soit l’État et la personne publique des infiltrations de certains mouvements.
La nécessité d’une meilleure coordination entre États adhérant aux mêmes
valeurs de défense des droits de l’homme et de protection de la dignité de l’individu, est à présent de plus en plus ressentie.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
En l’absence d’armes législatives permettant de lutter contre l’abus
frauduleux de faiblesse et l’exploitation des plus fragiles, les agissements constituant des délits sanctionnés pénalement sont plus difficiles à qualifier judiciairement, et l’action protectrice et préventive de l’État à l’égard de personnes
victimes de l’emprise mentale de mouvements à caractère sectaire peut s’en
trouver affaiblie.
Études diverses
153
154
MIVILUDES
▼
Aujourd’hui l’ensemble des États démocratiques d’Europe dresse le
constat de la difficulté de marier le libre exercice des libertés individuelles au
respect du droit imprescriptible à la sûreté de chacun.
Annexe
Situation actuelle de l’Association du Saint-Esprit
pour l’Unification du Christianisme mondial
ou « Moon » dans son pays d’origine, la Corée
du Sud.
Cette organisation transnationale à caractère sectaire conserve une
forte implantation en Corée du Sud, mais le nombre de ses adeptes
tend à stagner voire diminuer légèrement.
Moon est le plus important des trois mouvements à caractère sectaire
étudiés, le mouvement des Témoins de Jéhovah étant principalement
connu pour le refus de ses membres d’effectuer le service militaire
obligatoire, tandis que la présence de l’Église de Scientologie est
quasi-insignifiante.
La politique générale du gouvernement coréen suit une ligne de noningérence, et donc de tolérance, dans les affaires intérieures des mouvements religieux, y compris à caractère sectaire.
En Corée du Sud, les questions religieuses sont du ressort du ministère
de la Culture et du Tourisme qui est doté d’une « Division des affaires
religieuses ».
Les mouvements à caractère sectaire bénéficient d’une tolérance de la
part des autorités coréennes, comme toutes les religions dans le pays.
Alors que les Témoins de Jéhovah et l’Église de Scientologie sont des
mouvements mineurs en terme d’influence, Moon conserve un poids
économique et social important et pourrait être amené à jouer un certain rôle dans le processus d’unification des deux Corée grâce à ses
liens avec le régime nord-coréen.
Les interrogations demeurent toutefois sur l’avenir de l’organisation et
sur ses orientations futures, compte tenu du rôle prééminent qu’a joué
jusqu’ici le Révérend Moon -âgé aujourd’hui de 87 ans- alors que les
incertitudes planent sur sa relève à terme.
D’une façon générale, Moon reste discret dans le paysage politique et
médiatique en Corée du Sud même si le mouvement peut compter sur
le soutien de certains parlementaires -qui ne se réclament pas publiquement de ce mouvement- et sur une certaine bienveillance de plusieurs organes de presse importants où Moon ne manque pas de relais
d’influence.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
S’agissant de l’Association du Saint-Esprit pour l’Unification du
Christianisme mondial ou « Moon », en Corée du Sud, l’organisation du
Révérend Moon Sun-Myung -l’Église de l’Unification du Christianisme
Études diverses
155
Mondial- bénéficie d’un statut légal et compte un peu moins d’un million d’adeptes.
Son siège est installé à Séoul mais, depuis plusieurs décennies, la
majeure partie de ses activités est concentrée aux États-Unis. Elle ne
représente ni une véritable préoccupation pour le gouvernement
coréen ni un sujet de polémique dans les médias et la population.
Selon la Division des affaires religieuses, il n’existe pas en Corée du
Sud d’organisme de contrôle ou de surveillance des dérives sectaires.
L’intervention de la justice ou de la police ne se fait que dans des cas
classiques de délits ou crimes (la plupart du temps la fraude fiscale),
qui ne concernent pas le mouvement à caractère sectaire en tant que
tel, mais des personnes physiques individuelles.
L’empire financier et industriel du Révérend Moon reste sa principale
source de puissance en Corée du Sud. Il est propriétaire de plusieurs
entreprises dans les domaines de la construction et de l’immobilier, de
la santé, de l’alimentaire, de la banque, de l’automobile, du spectacle
et du sport. Il possède également un journal à Séoul et a fondé plusieurs écoles, collèges et une université.
L’action du Révérend Moon en Corée du Nord également n’est pas
négligeable.
Après une longue période de relations difficiles avec Pyongyang, due à
l’anticommunisme du mouvement à caractère sectaire, il a rencontré
Kim Il Sung en 1991, a été invité aux obsèques de ce dernier et entretient d’assez bonnes relations avec Kim Jong-Il.
Il a également fait construire récemment un hôtel, un parc et un temple à côté de son village natal.
Un « Sommet mondial sur la Paix » a été organisé à Séoul en février 2007
par l’« interreligious and International Federation for World Peace »
(IIFWP).
L’attitude du gouvernement coréen envers le mouvement Moon est
marquée par la règle de non-ingérence dans les affaires intérieures
de l’organisation transnationale -et dans ses relations avec les autres
confessions- et un certain laisser-faire tant que ses activités ne troublent
pas l’ordre public.
Ses contacts avec Kim Jong-Il sont considérés de façon positive par le
gouvernement de Séoul, qui y voit une manière de rapprochement
avec le régime nord-coréen.
156
MIVILUDES
▼
Par ailleurs, les importants investissements de Moon dans le secteur
éducatif (dons à des orphelinats et des écoles, en direction des plus
démunis et des handicapés) jouent en sa faveur auprès du gouverne-
ment, qui voit dans ces investissements une « compensation » de l’absence d’impôts sur les mouvements religieux.
Enfin, l’embrigadement des fidèles, le prosélytisme ou la pratique largement répandue des mariages collectifs, ne suscitent pas de dénonciations de la part de l’opinion publique.
S’agissant de l’Église de Scientologie, selon la Division des affaires religieuses, elle est quasiment inconnue en Corée du Sud, en raison d’un
très faible nombre d’adeptes.
Quant au mouvement des Témoins de Jéhovah, il est moins présent en
Corée du Sud (moins de 100 000 adeptes) et fait montre d’un prosélytisme discret, toléré par les pouvoirs publics.
En revanche le mouvement est connu principalement pour sa position
contre le service militaire (rendu obligatoire par la Constitution et
d’une durée de 24 mois). Les Témoins de Jéhovah constituent 90 % des
objecteurs de conscience en Corée du Sud. Chaque année de 500 à 700
membres sont inculpés puis condamnés à la prison pour cette raison.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
En mai 2004 pourtant, la Cour Suprême a acquitté pour la première fois
trois de ses membres objecteurs de conscience, en justifiant cette décision par la nature « insignifiante » de l’« impact de l’objection de conscience
sur la défense nationale », le chiffre de 600 personnes correspondant
environ à seulement 0,2 % du nombre total de conscrits annuels. à la
suite de cette décision, la Commission nationale des droits de l’homme
coréenne a émis une recommandation à l’intention de l’Assemblée
nationale et du ministère de la Défense, en décembre 2005, leur
demandant de créer un système alternatif pour « une coexistence harmonieuse du droit d’objection de conscience et du service militaire ».
Le président Roh Moo-Hyun a récemment proposé un projet de loi
allant dans ce sens.
Études diverses
157
Regard d’une psychologue
sur les dérives de la pratique
des faux souvenirs induits
Au cours des trois dernières années, de nombreux signalements ont
été effectués auprès de la MIVILUDES par des parents brusquement accusés
d’inceste et/ou de pédophilie par un de leurs enfants, presque exclusivement
des jeunes femmes, après que ces dernières aient suivi une psychothérapie. Les
dégâts provoqués par cette méthode avaient conduit à évoquer le problème
dans les précédents rapports, mais il est apparu utile d’aller plus loin et de donner au lecteur des clés pour mieux décrypter ce phénomène qui prend manifestement de l’ampleur. C’est dans ce but que le rapport 2007 donne la parole
à Madame Delphine Guérard dont les études sur la question sont parfaitement
accessibles et de nature à contribuer à une juste perception de cette question.
Quand de fausses allégations
d’abus sexuels surviennent au cours
d’une psychothérapie : le phénomène
des souvenirs induits
Par Delphine GUERARD,
Psychologue clinicienne de l’association « Alerte Faux Souvenirs Induits »
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Des patientes disent avoir retrouvé des souvenirs d’inceste. Tous ces
souvenirs sont apparus lors d’une séance de psychothérapie ou au cours d’une
thérapie. Des familles se retrouvent accusées d’un crime qu’elles disent ne pas
avoir commis. L’influence des psychothérapeutes par la suggestibilité manifeste de certaines méthodes n’est plus à démontrer. Cette suggestion peut
conduire des patients à de fausses accusations d’abus sexuel. Les conséquences
sont très graves sur le plan psychique tant pour la personne accusatrice que
pour l’accusé(e) et les proches, elles peuvent entraîner sur le plan familial des
divorces, des suicides et diverses ruptures et drames.
Études diverses
159
La situation en France
Nous observons et étudions le phénomène en France depuis les
années 2000 lors de consultations spécialisées. Nous avons rencontré plus de
50 familles à ce jour. La plupart des situations présente un prologue commun :
soudainement, par courrier ou par téléphone, le père est accusé de viol par
sa fille adulte et la mère de complicité. Dans quelques familles seulement, des
mères sont aussi accusées de viol par leur fils ou leur fille, d’inceste et d’attouchements sexuels.
D’après les informations recueillies auprès des parents, car les accusatrices sont inaccessibles, cette thématique des faux souvenirs ou souvenirs
induits présente toute une complexité dont on peut repérer les lignes saillantes
suivantes :
• Un individu présente des troubles graves de la personnalité, il est psychiatrisé
ou non. Le délire manifeste tourne autour de l’inceste.
• Des professionnels diplômés exerçant avec une théorie et une pratique
spécifique, pas forcément orthodoxe, induisent des souvenirs d’abus et de
maltraitance.
• Des charlatans s’autorisent à exercer en tant que psychothérapeute alors que
leur formation est loin d’être suffisante ou inexistante. La plupart d’entre eux
inventent leur méthode et leur pratique se révèle abusive.
• Des groupes sectaires ont une technique précise, thérapeutique ou non,
menant certains adeptes à la création de souvenirs d’inceste.
• Enfin, des personnes en souffrance s’inspirent seules sur internet, car il
existe de nombreux sites sur l’inceste, ainsi que des forums de discussion. Des
lectures d’ouvrages de « spécialistes » permettent également de construire son
propre scénario.
Une telle diversité des situations conduit à interroger les contours de
l’exercice de la psychothérapie et particulièrement l’accès à un haut niveau de
formation en psychopathologie, mais elle éveille aussi notre curiosité vis-à-vis
des professionnels diplômés, médecins pour la plupart.
Les thérapeutes
Les thérapeutes impliqués dans ces histoires de faux souvenirs ou souvenirs induits sont une grande majorité de psychothérapeutes, ni psychologues,
ni psychiatres, formée le plus souvent dans les plus brefs délais à de multiples
techniques grâce à des instituts privés de formation ou par un nombre d’heures dérisoires étalé sur une ou plusieurs années. Quelques-uns sont psychiatres,
d’autres psychologues et kinésithérapeutes.
160
MIVILUDES
▼
Il est utile de rappeler en préambule que le métier de psychothérapeute n’est toujours pas reglementé. Ainsi, chacun est libre de s’installer en
libéral du jour au lendemain sans formation. L’exercice de la psychothérapie
demeure totalement libre. De même, les méthodes et techniques psychothérapeutiques ne font l’objet d’aucun contrôle. Le marché de la thérapie est donc
vaste. Il existe ainsi des méthodes reconnues et validées, mais il existe aussi des
méthodes farfelues et d’autres qui se révèlent dangereuses voire sectaires.
Du côté des psychiatres et des psychologues, il semble que ces thérapeutes travaillent avec une culture DSM IV et le postulat de base suivant : l’inceste
est considéré comme une « entité nosographique ». L’équation « tel trauma =>
telle séquelle » irait de soi et les amènent à poser d’emblée un diagnostic par
rapport à une liste de symptômes présentés. Aussi, ils encouragent donc vivement leurs patients à les confirmer comme bon professionnel en approuvant
un tel diagnostic. Cette nouvelle entité nosographique dans un mouvement de
médicalisation des problèmes sociaux conduit à une sorte de fétichisation de
l’abus sexuel où « les enfants de l’inceste » sont omniprésents. Une forme de
militance exacerbée anime souvent ces thérapeutes qui dirigent et embrigadent les patients.
L’acharnement investigateur a en outre des effets pervers. Lorsqu’une
personne sort d’une thérapie convaincue de la réalité de ses souvenirs, de ses
dires et décide de prendre un avocat, on peut légitimement penser qu’il y
a un débordement de la réalité narrative sur une réalité historique. Toute
allégation d’abus sexuel n’est pas à prendre comme vérité. L’acharnement
thérapeutique qui consiste à retrouver à tout prix les souvenirs grâce à des
questions suggestives, à chercher de façon intrusive une parole qui ne vient
pas et considérer la dénonciation comme un moyen pour enfin retrouver la
paix est une pratique dangereuse. N’est-ce pas justement une forme de viol ?
Car la répression, l’oubli volontaire est un mécanisme de défense valable permettant de survivre psychiquement. Le faire sauter peut mener à de graves
troubles psychologiques.
Cette démarche inquisitrice renonce aux préceptes de la psychanalyse
qui invente la réalité psychique à un moment où Freud ne croit plus que tous
les pères couchent avec leur fille. Faut-il négliger à ce point les apports de cette
discipline sur les mécanismes à l’œuvre dans les rêves, les souvenirs et le transfert ? A cette ignorance s’ajoute le manque flagrant de connaissances que nous
apporte la psychologie cognitive sur les mécanismes de la mémoire.
Leurs théories
Nous avons pu étudier ces théories grâce aux écrits des thérapeutes en
question et à leurs sites internet. Il ressort que :
Rapport au Premier ministre 2007
▼
• Ces thérapeutes sont anti-freudiens : ils sont à la recherche de la
Vérité et du Sens. C’est leur véritable mission. Le matériel thérapeutique est
considéré comme vérité historique. En effet, dans la certitude émotionnelle,
toute image est considérée comme vérité. Toute parole est prise comme véridique : il n’y a aucune place faite à la subjectivité. Pris dans une sorte de délire
Études diverses
161
victimologique, ils banalisent en quelque sorte la maltraitance, l’inceste et le
viol puisqu’ils se focalisent activement sur les abus sexuels et vont jusqu’à considérer que tout enfant est martyr de ses parents. Ils dénoncent avec insistance
le caractère dévastateur de l’éducation des parents. L’individu est en position
de victime de ses parents et pour se libérer, « vivre pleinement son autonomie », il doit rompre nécessairement avec sa lignée, son histoire, sa personnalité, dénoncer, critiquer, juger, accuser et se confronter à ses agresseurs. Pour
guérir des traumatismes passés, véritable objectif de toutes ces thérapies, le travail thérapeutique consiste à se focaliser principalement sur les traumatismes,
les souvenirs et les rêves. Ceux-ci sont d’emblée interprétés par le thérapeute.
L’interprétation n’est pas à mettre en doute, elle a un effet de vérité majeure.
• Ces thérapeutes considèrent qu’il existe une étiopathogénie d’abus
sexuel dans les symptômes de l’enfance. Ainsi, les violences sexuelles se décèlent par le repérage et l’identification des blocages émotionnels. Ces symptômes spécifiques de l’adulte abusé sexuellement enfant sont :
– des difficultés dans le domaine des relations amoureuses à l’âge adulte ;
– une dépression, cela peut aller d’une sensation générale de tristesse à une
immobilisation générale ;
– des problèmes de poids ;
– des migraines chroniques ;
– des comportements destructeurs, tentatives de suicide, alcool, toxicomanies ;
– un sentiment de culpabilité.
C’est à partir de l’expression d’un ou de plusieurs symptômes que le
thérapeute en déduit la réalité d’un inceste. Des symptômes, présents à l’âge
adulte, sont-ils des indicateurs solides d’abus sexuels dans l’enfance ?
Le système familial est considéré d’emblée comme maltraitant : les violences des parents sont à l’œuvre dès la naissance et produites par les générations précédentes. Leurs comportements et habitudes sont destructeurs, toxiques… Les parents sont néfastes et coupables, diaboliques, démissionnaires,
dominateurs, critiques, méprisants, manipulateurs, pédophiles…
Les positionnements théoriques de ces thérapeutes relèvent ainsi
moins de systèmes que de convictions pouvant prendre des allures scientifiques
quand il s’agit d’imiter le modèle médical en créant un nouveau syndrome. De
plus, théorie comme méthode sont fonctionnelles et à visée utilitariste. Elles
seront donc tronquées ou mal comprises avec plus ou moins d’honnêteté. Les
techniques qui en découlent sont utilisées de façon partielle et/ou partiale et
quasiment toujours dévoyées.
Leurs méthodes
162
MIVILUDES
▼
Tout d’abord, nous avons observé le phénomène des faux souvenirs
ou souvenirs induits grâce à l’étude de processus thérapeutiques spécifiques
menée dans certains groupes sectaires connus. En effet, certains procédés thérapeutiques conduisaient certains adeptes à la création de souvenirs d’inceste.
Puis, à côté de ces pratiques repérables, il existe une quantité de techniques dont l’usage est dévoyé. Il s’agit essentiellement de techniques corporelles
au succès non démenti depuis les années 1970. Seulement, ici, elles reposent
sur un glissement sémantique désastreux : si le corps s’exprime alors cette
expression est forcément langage. Or, partir du postulat qu’il existe un langage
du corps ouvre sur toutes les aberrations rencontrées. Postulat dont on s’empare en s’appuyant sur un célèbre slogan : le corps ne ment pas. Ainsi, « pour
débloquer les résistances », objectif majeur des thérapies axées sur les souvenirs,
toutes sortes de techniques psycho-corporelles sont utilisées tels que massages,
relaxation, imposition des mains, soins énergétiques, exercices respiratoires.
Car, il s’agit de provoquer une détente profonde afin de favoriser l’émergence
des mémoires du corps. La prise de conscience des blocages permet alors de les
dépasser et de purifier le traumatisme.
L’on retrouve souvent des techniques apparentées à l’analyse transgénérationnelle et à la psychogénéalogie. Elles sont également détournées de
leur visée initiale. En effet, on rencontre alors une conception particulière
de la généalogie : il faut quitter sa généalogie malade ; toute généalogie est
condamnée à la répétition ; l’individu est prisonnier de répétitions familiale,
sociale et religieuse.
D’autres outils peuvent également être utilisés comme l’écriture d’un
journal intime. Un travail de groupe avec des séances de confrontation collective peut être proposé afin de compléter la thérapie individuelle. La musique,
le théâtre, la danse, la transe peuvent accompagner cette démarche.
Enfin, nous avons repéré des méthodes considérées comme innovantes
par leur fondateur mais que nous considérons comme franchement abusives.
En voici quelques-unes :
Rapport au Premier ministre 2007
▼
• Une première méthode repose sur « le principe de l’occultation ».
Pour l’auteur de cette méthode, l’occultation est un mécanisme de défense
permettant d’oublier un événement désagréable. Il s’agit alors de réactiver
l’occultation afin de débusquer tous les souvenirs occultés responsables d’un
problème de santé. L’objectif à atteindre est d’obtenir une « purification ». Il est
considéré que le mental est composé de symboles indiquant l’existence d’évènements à « désocculter ». Sans recourir à l’hypnose, dans un état de relaxation, il suffit de revivre ces évènements occultés, de les ramener au niveau du
conscient pour que les symptômes disparaissent. Toutes les maladies, qu’elles
soient physiques ou psychiques viennent de l’entourage. Pour l’auteur, une
majorité de patients a été abusée sexuellement. 80 % et plus de personnes ont
vécu un inceste occulté dans leur enfance. La plupart des personnes venant
consulter pour des problèmes de santé ignorent qu’elles avaient été impliquées
dans des affaires sexuelles. 95 % des cas sont dûs à des chocs émotifs en lien
avec la sexualité et occultés par le petit enfant ou le fœtus. Toutes les maladies
Études diverses
163
trouvent là leurs origines. Enfin, les thérapeutes de cette méthode n’hésitent
pas à prescrire des médicaments issus de la naturopathie.
L’absence d’études vérifiables sur les chiffres avancés nous amène à
penser que l’auteur est pris dans une véritable fascination pour l’inceste dont
la plupart d’entre nous serait victime. Le lien de causalité entre l’origine de
toutes les maladies et les affaires sexuelles reste à démontrer.
• Une méthode pratiquée à partir de la technique du rêve éveillé. Ici,
le patient raconte et le thérapeute traduit en signifiant des symboles grâce à
ses interprétations. Le symbole est considéré comme réel : « il est une certitude ». Le thérapeute détient la clef du sens des propos de la personne et de
ses songes ainsi chosifiés. Dans une sorte de primauté et de sacralisation de « la
réalité intérieure », le monde extérieur risque de disparaître dans une lecture
univoque.
• Méthode reposant sur la « mémoire cellulaire » : il s’agit d’une
méthode d’écoute des sensations corporelles, des maux du corps et de leurs
décodages biologiques. L’objectif est de décrypter les schémas répétitifs inconscients, causes de maux « engrammés » dans le corps et de s’en libérer. Le corps
est considéré comme doté d’un langage qu’il suffit de lire, voire de décrypter.
Or, s’il s’exprime il n’en possède pas pour autant un langage.
• Méthode globale dite « de traitement énergétique » : celle-ci permet
de déceler les vécus négatifs inscrits dans « les mémoires » d’une personne, de
les libérer et de les remplacer par « un programme positif ». Grâce à une faculté
extra-sensorielle permettant au praticien de capter les émotions ressenties ou
exprimées par le patient au moment où celui-ci les a vécues, le thérapeute
utilise son ressenti pour diriger le patient. Il lui montre comment se libérer de
ses « blocages émotionnels » grâce à l’expiration assistée accompagnée d’une
intention mentale : « je libère mon corps et mon esprit de ce blocage ». Puis,
le thérapeute cherchera dans « l’aura » de la personne s’il existe « des formes
vibratoires en rapport avec ces blocages ». Généralement, il existe une forme
vibratoire négative repérable sur le pubis ou le bas du ventre, représentant les
formes pensées de l’agresseur ou de sa violence sexuelle. Cette méthode dite
de « lecture intuitive » pour une « guérison intuitive psychique » s‘accompagne
d’exercices complémentaires pratiques de transformations, comme des techniques psycho-corporelles et des techniques de méditation. La physiologie de la
respiration est ici au service d’une pratique ésotérique.
164
MIVILUDES
▼
Les auteurs de ces méthodes ne sont pas sans faire école et forment
d’autres psychothérapeutes, interviennent dans certaines institutions, publient
des ouvrages, diffusent leur méthode grâce à des disques et des cassettes, organisent des séminaires et des conférences.
Des psychothérapies sectaires
Plusieurs caractéristiques nous permettent de dire qu’il s’agit de psychothérapies sectaires :
• Suggestion, force de persuasion, toute-puissance et tout-pouvoir du
thérapeute. Il exerce une influence massive sur ses patients. Il prétend avoir
le pouvoir de guérir, de transformer et de changer la vie d’un individu. Le
thérapeute adopte une position interventionniste de justicier à la recherche de
la vérité. Véritable missionnaire, il n’a plus aucune neutralité à l’égard de ses
patients : il s’implique, dirige, encourage vivement et conseille activement.
• Embrigadement théorique : le thérapeute encourage activement le
patient à rechercher dans ses souvenirs, dans son passé, les faits illustrant La
Théorie. La Théorie n’est pas considérée comme un ensemble d’hypothèses à
interroger, mais il s’agit d’un corpus sacré qui explique tout et qui marche à
tous les coups. Elle ne doit pas être remise en cause, critiquée, ni même questionnée. Elle est à accepter telle quelle et elle est à maîtriser parfaitement. Ainsi,
le maître du savoir, le thérapeute guide et initie ses patients. Il pense à la place
de l’autre, insiste, formule, interprète, projette, plaque ses idées et impose sa
vision du monde. Grâce à ses injonctions, ses suggestions, ses conseils, ses explications et ses interprétations, il mène le « jeu » selon ses attentes et ses propres
schémas de pensée. Pourtant, son corpus théorique est souvent limité et réducteur. Ses postulats ne sont pas vérifiables et sont arbitraires.
• Instauration d’une relation d’emprise : sans aucune distance, ni neutralité, il est pris dans la vie de ses patients et s’y insère. Dans une sorte de fusion
sans dégagement possible, il est à la recherche d’une non-différenciation dans
une position a-conflictuelle. Ainsi, il entraîne l’autre dans un processus destructeur de singularité où la relation d’emprise permet l’acte cannibalique : le
sujet transformé en objet se retrouve dans une dépendance aliénante.
• Atteinte à l’intégrité psychique des patients : avec insistance, il pénètre par effraction dans l’inconscient d’autrui à partir des rêves et des souvenirs.
Les patients sont exposés pendant de longues périodes à des procédés de persuasion visant à augmenter leur implication dans leur croyance en la véracité
de ces souvenirs. Dans la maîtrise et le contrôle, le thérapeute désingularise et
donc instrumentalise ses patients en de véritables objets d’expérimentation à
formater. Ainsi, ils confirment tous La Théorie !
• Injonction systématique de rupture avec le milieu d’origine comme
dévoiement de la notion d’autonomie de la personne
Rapport au Premier ministre 2007
▼
La toxicité du psychisme du thérapeute sur les patients a des répercussions très graves sur la santé mentale des proches.
Études diverses
165
Victimisation de la famille
Les familles subissent un véritable préjudice psychologique.
Bouleversées, anéanties, leur détresse est grande face à une situation qui leur
paraît incroyable, mais irréversible. Les parents sont accablés par « ces révélations » et par la rumeur qui fait d’eux des pédophiles. Leur vie se brise.
Dans un premier temps, les familles ne comprennent pas comment
et dans quelles circonstances cela a pu arriver. Puis, ils apprennent que leur
enfant est engagé dans une démarche dite psychothérapeutique. Ils pensent
alors que cela va s’arranger et que « ça fait partie de la thérapie ».
Puis, des plaintes sont déposées par les enfants majeurs ; s’ensuivent
alors pour certains parents une procédure judiciaire avec une convocation au
commissariat, une garde à vue, une mise en examen. Cette situation est vécue
comme insupportable et inacceptable. L’accusé se retrouve en position d’impuissance. Il est déshonoré, diffamé, considéré comme un criminel, comme un
monstre et il ne peut se défendre.
Une grande violence à l’égard du père est décrite. Dans une sorte
de mise à mort de la figure paternelle et du couple parental, les familles ne
reconnaissent plus leur fille : elle s’est appropriée une histoire qui n’est pas la
sienne. L’imprévisibilité de l’accusation et de la rupture, l’incohérence et le
décalage de son discours, son agressivité voire sa violence, ses revendications
et ses incessants reproches, le rejet massif de toute l’éducation parentale et
des liens familiaux, son attitude de repli, sa recherche permanente de détails
et de souvenirs sur le passé auprès des proches et grâce aux photos font d’elle
une étrangère. Concentrée sur sa propre existence, son enfance et sur le passé,
convaincue de ses révélations, elle se sent persécutée par des parents indignes,
maltraitants et pédophiles. Le harcèlement et le viol deviennent ses préoccupations majeures.
Les familles se retrouvent particulièrement éprouvées et présentent pour la plupart une dépression grave et des troubles psychosomatiques.
Certains, totalement désespérés, ont mis fin à leurs jours. Dans un climat perpétuel de craintes, de soupçons et de méfiance, les familles vivent dans l’angoisse
et la tristesse. Ils pensent avoir perdu définitivement leur enfant. Ruminations
et questionnement permanents font partie de leur vie quotidienne : comment
notre fille a-t-elle pu dire ça ? Comment renouer et reprendre contact avec elle ?
Comment l’aider à retrouver la raison ? Comment rétablir la vérité ? Quelle
action entreprendre pour attaquer le thérapeute ?
166
MIVILUDES
▼
La famille se retrouve le plus souvent éclatée : des scissions s’opèrent
entre les proches qui y croient et ceux qui n’y croient pas. Pour la plupart
des parents accusés, les relations avec les petits-enfants sont aussi rompues. En
revanche, malgré la gravité des accusations, la plupart des couples ne se séparent pas mais se soudent devant l’adversité. La force des épouses permet d’aller
chercher une aide pour comprendre et par ailleurs incite à mobiliser l’entou-
rage. Ainsi, pour ne pas sombrer totalement dans l’histoire folle de leur enfant,
certaines familles se sont rassemblées en créant une association, l’AFSI (Alerte
Faux Souvenirs Induits), et se mobilisent afin de lutter, informer et protéger
le public. Pour comprendre l’inexplicable, certaines familles ont consulté plusieurs psychiatres ou entreprennent une démarche psychothérapeutique individuelle et/ou familiale lorsque c’est encore possible auprès de psychologues.
Enfin, certains parents saisissent la justice pour stopper la nuisance du
thérapeute en question : certains sont poursuivis pour exercice illégal de la
médecine, interdits d’exercice pendant quelques mois par le conseil de l’Ordre des médecins, ou condamnés pour usurpation du titre de psychologue.
Pour affronter une telle situation, beaucoup de temps et d’efforts
constants sont nécessaires. Il s’agit d’une lutte permanente contre une force
violente, destructrice et envahissante. Aucune méthodologie précise et aucune
action spécifique ne peuvent permettre de renouer des liens avec celui ou celle
qui a rompu. En revanche, l’attitude des familles peut avoir des répercussions
importantes. Ainsi, il s’agit de :
– s’informer sur les psychothérapies en général, sur le phénomène des faux
souvenirs… (voir la bibliographie spécialisée sur le sujet) ;
– mobiliser l’entourage ;
– constituer une puissance collective grâce au milieu associatif ;
– être accompagné et soutenu par des professionnels.
Grâce à leurs démarches, les familles se sortent de leur impuissance et
se dégagent d’un statut de victime qui les anesthésie.
Conclusion
L’observation et l’étude de certains groupes sectaires nous amène à
la problématique grave et lourde des faux souvenirs ou souvenirs induits. Ce
phénomène dépasse largement le phénomène sectaire puisque l’on observe ce
phénomène :
– de la part de psychiatres et de psychologues diplômés ayant des pratiques
douteuses et aux théories peu recommandables, hantés par l’expérimentation
et fascinés par les abus sexuels ;
– et de la part de psychothérapeutes peu formés ou même sans formation.
Ce phénomène soulève donc un certain nombre de questions fondamentales autour des psychothérapies, de leur définition, de leur validation,
de leur pratique, de leur contrôle, de la formation des praticiens et de leur
responsabilité.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Le soutien psychologique nécessaire aux parents confrontés à cette
situation grave se doit d’être pratiqué auprès de professionnels sérieux sensibilisés à cette problématique.
Études diverses
167
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Elizabeth Loftus, Katherine Ketcham, Le syndrome des faux souvenirs, Exergue,
1997.
Jean-Claude Maleval, « Une épidémie américaine, le syndrome d’enlèvement
extra-terrestre » in Le conciliabule d’Angers : effets de surprise dans les psychoses,
Collectif, Le paon, Seuil, 1997.
Marie-Jeanne Marti, Les marchands d’illusions, Dérives, abus, incompétences de la
nébuleuse « psy » française, éditions Mardaga, 2006.
Sherill Mulhern, « Les aléas de la thérapie des réminiscences : le trouble de
la personnalité multiple » in Le traumatisme de l’inceste, M. Gabel, S. Lebovici,
Ph. Mazet, PUF, 1995.
Sherill Mulhern, La maladie mentale en mutation, Odile Jacob, 2002.
168
MIVILUDES
▼
Claudine Rembis-Graziani, « D’un lien à l’autre : les sectes, un pacte « hors
père », Université Rennes 2 Haute Bretagne, Thèse 2000 sous la direction du
Pr. Loïck Villerbu.
Elisabeth Roudinesco, Pourquoi la psychanalyse ?, Fayard, 1999.
Daniel Schacter, Science de la mémoire : oublier et se souvenir, Odile Jacob, 2003.
Nathalie Sinelnikoff, Les psychothérapies, M.A éditions, 1987.
Nicholas Spanos, Faux souvenirs et désordre de la personnalité multiple, De Boeck
Université, Bruxelles, 1998.
Alain Vanier, « Mémoire freudienne, mémoire de l’oubli », Revue La Recherche,
n° 344, 2001.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Arnold Wesker, « Souvenirs fantômes », L’avant-scène théâtre, n° 1156, 2004.
Études diverses
169
5
e
Partie
Activités
administratives 2007
La miviludes
1. Site Internet : bilans et perspectives
L’information de la MIVILUDES par son site
Internet
L’année 2007 est la troisième année complète de fonctionnement du
site internet de la Mission.
Comme cela était annoncé dans le rapport MIVILUDES 2006, de nombreuses améliorations lui ont été apportées, au cours de l’été 2007.
En coordination avec les services informatiques du Premier ministre,
la nouvelle présentation du site a été mise en ligne courant septembre. Afin
de répondre à son cahier des charges initial, c’est-à-dire informer le public
mais aussi proposer aux chercheurs, journalistes, etc. une documentation en
ligne complète sur le sujet des dérives sectaires, plusieurs fonctionnalités ont
été ajoutées :
– un véritable moteur de recherche permet maintenant de faire une recherche par mots-clefs dans l’ensemble des documents du site ;
– une nouvelle fonctionnalité sur la première page, attire l’attention du lecteur sur un sujet d’actualité ;
– un flux RSS, informe les abonnés de la mise en ligne de nouvelles
informations.
De plus :
– les titres des rubriques ont été modifiés pour permettre aux internautes une
circulation plus aisée et plus intuitive ;
– l’organisation des rubriques a été repensée et restructurée ;
– les liens vers les sites extérieurs ont été augmentés ;
– la redirection des adresses des différents articles du site, dans un format clairement lisible, assure un référencement stable sur les sites extérieurs ;
– les liens avec les autres services publics, les informations légales et les contacts
sont plus clairs et plus visibles.
Le contenu du site, également, a été complété et amélioré.
L’information a été enrichie, principalement dans le domaine de la
« Prévention du risque sectaire », dans celle des « Lois, règlements et circulaires », et une rubrique « Bibliographie » a été créée.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Chacun des domaines à risque permet maintenant aux particuliers
comme aux professionnels de disposer d’une information complète sur le
sujet. Les liens avec les articles de lois sur le site Légifrance ont été généralisés.
Activités administratives 2007
173
Les particuliers trouveront maintenant des mises en garde et des informations
précises permettant de se prémunir et de savoir comment agir dans des domaines où le risque sectaire pourrait apparaître : auprès des mineurs, dans les activités péri-éducatives mais aussi dans celui de la santé, de l’entreprise ou de la
formation professionnelle.
La rubrique « Bibliographie » a également été étoffée. Les titres cités
permettront ainsi aux lecteurs d’aborder le phénomène sectaire sous différents
points de vue et de se faire une opinion personnelle en croisant les approches.
Cette dernière rubrique, comme l’ensemble du site internet, répond ainsi
maintenant d’une manière plus complète au décret de 2002 qui a institué la
MIVILUDES, dans ses objectifs d’analyse, de prévention, d’information et de
lutte contre les dérives sectaires.
Référencement du site MIVILUDES.
Un effort particulier a été engagé afin de mieux faire connaître le site
auprès de ceux qui relaient l’information concernant le risque sectaire. On
constate que de nombreux ministères intègrent maintenant cette notion dans
leurs problématiques et font référence au site de la MIVILUDES sur leur site
officiel. Cela se ressent dans l’origine de visites des internautes.
Le ranking du site MIVILUDES, c’est-à-dire l’ensemble des procédés
techniques permettant de placer une page en tête des résultats de requête par
mots-clefs dans les moteurs de recherche a été analysé par le Service d’Information du Gouvernement. Le site obtient actuellement sur le moteur de recherche Google un chiffre de 5 sur une échelle de 1à 10, celui du Premier ministre
obtenant quant à lui 7.
Plusieurs solutions techniques seront mises en œuvre pendant l’année
2008 pour accroître la popularité du site, en relation avec le Service d’Information du Gouvernement.
Consultations du site par les internautes :
Selon l’outil d’analyse d’audience Xiti, 66 028 visites ont été faites sur
le site. Si on constate une stabilisation des consultations par rapport à l’année
précédente, le comportement des internautes s’est profondément modifié :
– le nombre de pages consultées, 285 618 est en augmentation ;
– de plus en plus d’internautes arrivent directement sur le site sans passer par
un moteur de recherche, ce qui montre que le sigle de la MIVILUDES, comme
son adresse internet sont désormais bien connus ;
– les sites extérieurs citant le site de la MIVILUDES amènent également de
nombreux visiteurs, montrant ainsi l’accroissement de notoriété du site.
174
MIVILUDES
▼
Attentivement observé, le site voit une augmentation du trafic suivre chaque nouvelle mise en ligne. Un nouveau système de comptage des consultations
ayant été mis en place avec la nouvelle présentation du site, il n’est pas possible
d’avoir les chiffres concernant les rubriques et articles les plus consultés pour
l’année complète. Néanmoins, ceux concernant les répartitions calendaires
des consultations montrent que les rapports annuels constituent un des principaux attraits actuels. La traduction du dernier rapport en anglais, allemand
et espagnol a été l’occasion de nombreuses consultations. Le nouveau guide
« L’entreprise face au risque sectaire », mis en ligne le 13 décembre 2007 a déjà
fait l’objet de nombreux téléchargements. Le guide « Le satanisme, un risque de
dérive sectaire » ainsi que les textes du séminaire 2003-2004, « Sectes et laïcité »
continuent à être régulièrement consultés, d’autant qu’ils sont assez bien référencés dans plusieurs moteurs de recherche et sur de nombreux sites.
Projets.
Dans le domaine de la prévention des risques sectaires, plusieurs guides adaptés à chaque administration, actuellement en cours de finalisation,
pourront ainsi être mis à la disposition des professionnels et des usagers.
A propos du référencement du site, si de nombreux sites officiels font
maintenant référence au risque sectaire dans leur domaine de compétence,
des progrès restent à accomplir. Les sites ministériels possèdent presque tous
une rubrique sur ce sujet ; reste à effectuer le même travail avec les sites représentant les collectivités territoriales. Une campagne de sensibilisation sera donc
effectuée dans ce sens pendant l’année 2008.
Enfin, la rubrique Jeunes : de nombreuses informations intéressant les
jeunes ont été actualisées sur le site, et déclinées suivant les secteurs d’activités
où ce risque peut émerger. Le suivi des cinquante propositions du Rapport
de l’Assemblée nationale, « L’enfance volée : les enfants victimes de sectes »,
pourra amener à publier de nouvelles informations. Toutes répondent aux
recommandations et aux souhaits émis par la Commission. Une nouvelle rubrique dédiée aux jeunes est en cours de préparation ; ce travail pourra, éventuellement, être coordonné avec la Mission du Défenseur des enfants, autorité
administrative indépendante de l’État.
2. Dispositif national de vigilance
et de lutte : une transition inachevée
Au regard de l’objectif fixé aux pouvoirs publics d’assurer la vigilance
et la lutte contre les dérives sectaires, chacun au sein des administrations d’État
concernées s’accorde à considérer que l’attention et l’implication constantes
des services déconcentrés est indispensable.
La sensibilisation de l’ensemble des services revient en tout premier
lieu à la Mission interministérielle. Elle est en effet chargée par le décret institutif de contribuer à l’information et à la formation des agents publics « dans
son domaine de compétence ».
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Tant dans sa « fonction de coordination de l’action préventive et répressive des pouvoirs publics » à l’égard des « agissements des mouvements à caractère sectaire attentatoires
Activités administratives 2007
175
aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, constituant une menace à l’ordre public
ou contraires aux lois et règlements », que dans celle de sensibilisation et de formation,
la MIVILUDES doit être en mesure de contribuer à la mise en synergie des services de l’État au plus près du terrain.
Depuis 1997, toutes les notes et circulaires émanant des ministères
représentés au sein du Comité exécutif de pilotage opérationnel ont clairement indiqué l’importance d’une déconcentration de politique nationale, tout
d’abord d’observation puis plus tard de vigilance et de lutte.
La circulaire du Premier ministre relative à la lutte contre les dérives
sectaires du 27 mai 2005 et le décret n° 2006-665 du 7 juin 2006 prévoyant, dans
le cadre d’une mesure de réduction des commissions administratives et de simplification de leur composition, la mise en place de « Conseils départementaux
de prévention de la délinquance, d’aide aux victimes et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes » sont en cohérence.
C’est cette cohérence qu’une note du Président de la MIVILUDES aux Préfets
a développée en mars 2007.
Cette recherche de cohérence a pour but :
– de favoriser dans le département les actions des pouvoirs publics à l’encontre
des agissements contraires à la loi 2001- 504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte
aux droits de l’Homme et aux libertés fondamentales ;
– de proposer et de formaliser des initiatives en matière de prévention et
d’aide aux victimes ;
– de collecter et de diffuser l’information la plus complète possible sur le phénomène de manière à contribuer efficacement aux actions conduites au triple
plan local, régional et national, qu’il s’agisse de celles des administrations centrales ou déconcentrées concernées ou de celles qui incombent à la Mission
interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives sectaires.
Applicable depuis le 1er juillet 2006, la réforme n’affecte que le niveau
local du dispositif. En effet, la définition des principes et des modalités d’action
des pouvoirs publics dans leur ensemble est contenue pour sa part dans la circulaire du 27 mai 2005 du Premier ministre.
Là est tout l’enjeu d’une réelle mise en œuvre d’une politique publique
définie comme devant avoir recours à une coordination de l’action des pouvoirs publics. Et en matière de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires,
doit porter tant sur la prévention que sur la répression et réciproquement.
176
MIVILUDES
▼
La lecture du tableau et des cartes ci-dessous permet de mieux apprécier les efforts à fournir pour que les objectifs assignés tant à la MIVILUDES
qu’aux différents ministères pour l’échelon national, qu’aux Cours d’appel,
préfectures et service déconcentrés pour ce qui concerne les échelons régional
et départemental.
On notera que l’année 2007 a révélé une difficulté assez largement
partagée à passer de l’ancien au nouveau dispositif. Plusieurs éléments d’explication peuvent être fournis :
– l’installation des Conseils départementaux de prévention de la délinquance,
de l’aide aux victimes, de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes s’est échelonnée sur plusieurs mois, donnant lieu à la
mise en place dans les préfectures de schémas de travail diversifiés pour chacun
des thèmes regroupés en son sein ;
– le contexte des séances plénières rend délicat l’examen détaillé du phénomène sectaire, l’analyse de risque de situations concrètes et la réflexion sur les
mesures à prendre pour lutter contre les dérives ;
– la mise en place de sous-commissions spécialisées répond avant tout à un
besoin des administrations de contrôle, d’inspection et d’enquête ainsi qu’à
celui des services alliant une mission de prévention.
Il convient en cette année très particulière d’observer deux évolutions
importantes du contexte de travail de partenariat entre la MIVILUDES et les
services déconcentrés.
Premièrement, le Secrétariat général de la Mission interministérielle a eu
à gérer un accroissement considérable des demandes d’assistance et de conseil
émises par des services de l’une ou l’autre des fonctions publiques encore peu
investies au sein des coordinations préfectorales. Ce phénomène est particulièrement révélateur d’un besoin de formations des agents publics en croissance
continue et d’une reconnaissance elle aussi croissante de l’expertise et de la
capacité d’intervention sur le territoire du Secrétariat général de la Mission.
Deuxièmement, le développement de la communication à distance
grâce au site internet et la considérable augmentation de nos communications
téléphoniques avec une multitude de services recherchant un contact direct
avec la Mission interministérielle, ont favorisé l’émergence d’initiatives au plan
local, tout particulièrement en matière de formation, quel que soit, par ailleurs,
le niveau de mise en œuvre du dispositif régional et département de vigilance
et de lutte contre les dérives sectaires. La carte et le tableau ci-dessous ne font
que confirmer l’analyse ci-dessus :
Niveau d’activité 2007 :
Descriptif d’activité
Réunions
Nombre
Ancien dispositif (Cellules départementales de vigilance)
11
Nouveau dispositif (Conseils départementaux de Prévention
de la Délinquance *)
10
Départements disposant d’une Sous-commission spécialisée **
Initiatives diverses Journées de formation organisées localement
Stages et mémoires
5
23
3
* Auxquels la MIVILUDES a été associée.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
** Deux en projet.
Activités administratives 2007
177
Inser carte 1
178
MIVILUDES
▼
INSER Carte 2
Les ministères
Justice
Direction des affaires criminelles et des grâces.
La mission en charge des questions relatives aux dérives sectaires, au
sein de la Direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la
Justice a, dans le prolongement de l’année 2006, eu à connaître d’une cinquantaine de nouveaux dossiers d’action publique, en complément des dossiers en
cours au 31 décembre 2006.
●
Activité juridictionnelle
Afin de refléter l’activité des juridictions pénales, en matière de lutte
contre les dérives sectaires, plusieurs dossiers d’action publique peuvent utilement être évoqués.
• Le mouvement du Graal
En complément des informations communiquées dans le précédent
rapport annuel (cf. pages 224 à 227), il convient de préciser que cette affaire
sera appelée à l’audience de la Cour d’appel de Douai au premier trimestre
2008.
Pour mémoire, à la suite du décès d’Évelyne Marsaleix, atteinte d’un
cancer du sein, deux médecins étaient poursuivis des chefs de non-assistance à
personne en danger et d’homicide involontaire. Relaxés sur le fondement de
la seconde infraction, ils étaient en revanche condamnés à deux ans d’emprisonnement avec sursis et interdiction d’exercer la médecine pour non-assistance à personne en danger.
A ce jour, cette décision n’est pas définitive.
• L’Ordre du Temple Solaire
Par un arrêt du 20 décembre 2006, la Cour d’appel de Grenoble
confirmait la relaxe de Michel Tabachnick, prononcée le 25 juin 2001 par la
juridiction pénale de première instance de cette même ville. Cette personne
était poursuivie pour association de malfaiteurs, à l’issue de l’instruction judiciaire ouverte en décembre 1995, à la suite de la découverte dans une forêt du
Vercors de 16 corps calcinés, appartenant à des personnes en lien avec l’Ordre
du Temple Solaire.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Cette décision n’est pas définitive, plusieurs pourvois en cassation sont
actuellement pendants devant cette juridiction.
Activités administratives 2007
179
• Association « Le Patriarche »
Rappel des faits
Le 9 janvier 2007, le tribunal correctionnel de Toulouse condamnait
notamment Lucien Engelmajer, fondateur de l’association « Le Patriarche »,
des chefs d’abus d’ignorance ou de faiblesse, exécution d’un travail dissimulé,
abus de confiance, abus de biens sociaux, faux et usage de faux, blanchiment, à
une peine de 5 ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende.
Onze des seize autres prévenus étaient condamnés à des peines allant
de 18 mois d’emprisonnement avec sursis à 3 ans d’emprisonnement dont un
an avec sursis et des peines d’amendes de 7 500 à 50 000 euros.
Au début des années 1970, Lucien Engelmajer créait une communauté
destinée à accueillir les personnes sans domicile fixe qui, en quelques années,
allait se spécialiser dans la prise en charge des toxicomanes. Après une période
de sevrage non médicamenteuse, les personnes accueillies étaient affectées à
des activités d’intérêt collectif (jardinage, entretien, cuisine), avant d’être dirigées vers des activités plus rémunératrices pour l’association (recueil de dons,
ventes de journaux, récupération…).
Accueillant tous les toxicomanes sans condition préalable et sans délai,
l’association répondait efficacement, en apparence, à d’importants besoins, ce
qui lui permettait de connaître un essor rapide et de percevoir des subventions
de l’État français. Toutefois en 1995, la Commission d’enquête parlementaire
inscrivait l’association sur la liste des mouvements sectaires, ce qui entraînait
l’interruption des subventions publiques. Par ailleurs, la diversification de l’offre de traitement et notamment l’apparition des traitements de substitution
aboutissait à la désaffection de ses centres. Enfin, le contrôle fiscal dont Lucien
Engelmajer faisait l’objet, en 1996, précipitait la chute du système Engelmajer.
Dans ce contexte, Lucien Engelmajer quittait la France en 1998.
L’engagement de la procédure pénale :
En décembre 1998, plusieurs plaintes étaient déposées contre l’association par d’anciens pensionnaires, lesquels dénonçaient la situation de dépendance psychique et matérielle totale dans laquelle ils étaient demeurés pendant
des années, ainsi que le travail non rémunéré auquel ils avaient été astreints.
Les investigations menées dans le cadre de l’information judiciaire
ouverte le 8 septembre 1999, confirmaient leurs dires.
Au cours de l’instruction, il était également démontré que Lucien
Engelmajer avait créé une multitude de structures juridiques (associations,
sociétés civile ou commerciale, fondations) qu’il dirigeait, le plus souvent de
fait, de façon autocratique.
180
MIVILUDES
▼
Lors de l’audience, le tribunal constatait que la communauté thérapeutique s’était transformée en un contexte communautaire autarcique mêlé
de caporalisme et d’abus de faiblesse. Il était par ailleurs indiqué que Lucien
Engelmajer exerçait une emprise considérable non seulement sur les pensionnaires, taillables et corvéables à merci, mais également sur l’encadrement composé exclusivement d’anciens toxicomanes totalement dévoués et soumis.
Le tribunal constatait également que Lucien Engelmajer avait utilisé
plusieurs moyens pour détourner les avoirs des associations et qu’il avait également détourné massivement des ressources non comptabilisées de la trésorerie,
issues notamment de la vente de journaux sur la voie publique ou de dons.
Cette décision de condamnation n’est toutefois pas définitive, plusieurs
appels ayant été interjetés. Par ailleurs, l’action publique est éteinte, Lucien
Engelmajer étant décédé.
●
Formation au fait sectaire
En 2007, une session de formation continue organisée par l’École
Nationale de la Magistrature, co-dirigée par le chargé de mission « dérives sectaires » et un Procureur de la République, permettait de répondre aux préconisations de la Commission d’enquête parlementaire, visant à informer et former des magistrats en charge des mineurs et de la famille, sur les questions de
l’influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs
pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs.
Cette session de formation, consacrée à l’enfance en milieu sectaire,
était également ouverte à des fonctionnaires des administrations concernées
par la prise en charge des mineurs.
Le chargé de mission pour les questions relatives aux dérives sectaires
est intervenu à plusieurs reprises auprès d’administrations dans le cadre de la
formation au fait sectaire, notamment au bénéfice des officiers de police judiciaire de la gendarmerie nationale.
●
Commission d’accès aux documents administratifs (CADA)
La mission en charge des questions relatives aux dérives sectaires a été
sollicitée pour communiquer des documents figurant sur son site internet, dont
il était fait état dans le précédent rapport annuel, comme étant un outil d’aide
aux magistrats confrontés à des dossiers présentant une composante sectaire.
Il n’était toutefois pas fait droit à cette demande, les documents visés
ne répondant pas au qualificatif de documents administratifs, s’agissant uniquement d’articles de presse.
●
La classification de l’iboga
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Pour faire suite à l’inscription de l’iboga sur la liste des substances classées comme stupéfiants, par arrêté du ministère de la Santé et de la Solidarité
du 12 mars 2007, une dépêche était adressée par le ministère de la Justice aux
Procureurs généraux, visant à actualiser les informations contenues dans le
Activités administratives 2007
181
précédent rapport de la MIVILUDES, lequel évoquait le risque sectaire lié à
l’utilisation de certains produits, classés ou non, stupéfiants, et appelait de ses
vœux cette classification de l’iboga (cf. rapport pages 160 et suivantes).
●
La loi de protection de l’enfance
La mission pour les questions relatives aux dérives sectaires a participé
aux travaux législatifs concernant la loi du 5 mars 2007 réformant la protection
de l’enfance, dont le cinquième titre, nouvellement créé, est consacré à la protection des enfants contre les dérives sectaires, à la suite des amendements présentés par Messieurs Fenech et Vuilque, députés, respectivement Président et
Rapporteur de la Commission d’enquête et auteurs du rapport parlementaire
« L’enfance volée : les mineurs victimes des sectes ».
Ainsi, en application du nouvel article 433-18-1 du code pénal, le défaut
de déclaration de naissance prescrite par l’article 56 du code civil, par une
personne ayant assisté à un accouchement, est puni d’une peine de six mois
d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende.
L’article L. 3116-4 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue
de la loi du 5 mars 2007, sanctionne des mêmes peines le défaut de vaccination
obligatoire.
Enfin, cette loi est venue renforcer les dispositions visant à limiter la
publicité des mouvements sectaires, prévues au chapitre 5 de la loi du 12 juin
2001, « tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales ».
Affaires étrangères et européennes
Le Département met à disposition un conseiller diplomatique permanent au sein de la MIVILUDES. Le conseiller pour les affaires religieuses (CAR)
représente le Département au sein du comité exécutif de pilotage opérationnel
(CEPO) de la MIVILUDES, avec le sous-directeur de la sécurité (ASD/SEC).
Organisation de missions à l’étranger pour les membres de la MIVILUDES.
La MIVILUDES est amenée, de par ses responsabilités de veille en
matière d’évolution du risque et de prévention des dérives sectaires, à s’intéresser à l’aspect international de ces questions, en raison du caractère « transfrontalier » des organisations à caractère sectaire. Il lui incombe par ailleurs d’informer les partenaires de la France, en liaison avec le Département, de son activité
de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires et d’expliquer la législation
française concernant cette question ainsi que le contexte de sa mission.
182
MIVILUDES
▼
Dans ce cadre, les différentes missions menées par la MIVILUDES en
2007 ont été les suivantes :
Colloque à Lviv (Ukraine) - 16 et 17 mars 2007
La Secrétaire générale de la MIVILUDES a participé au colloque sur
« Les aspects légal, psychologique, médical et éthique de l’abus de faiblesse
et manipulation des plus fragiles par les organisations destructrices » qui s’est
tenu à Lviv (Ukraine) les 16 et 17 mars 2007.
Elle est intervenue sur le thème « La France et les dérives sectaires ».
L’auditoire, très intéressé, a posé de nombreuses questions.
Conférence annuelle de la FECRIS à Hambourg (Allemagne) - 28 avril 2007
La conférence annuelle de la Fédération Européenne des Centres de Recherche
et d’Information sur le Sectarisme (FECRIS), ayant le statut ONG consultatif/participatif auprès du Conseil de l’Europe, s’est tenue cette année à Hambourg
le 28 avril 2007. La MIVILUDES était représentée et ses délégués ont ainsi pu
procéder à d’enrichissantes reprises de contact et apprécier les contributions
présentées dans ce cadre.
Approches comparatives des politiques publiques de lutte contre les dérives
sectaires
Invitée par le Service de coopération et d’action culturelle du Consulat
général de la France à Québec, la MIVILUDES, représentée par sa Secrétaire
générale, s’est rendue au Canada du 22 au 24 mai 2007.
Cette mission a permis des approches comparatives des politiques
publiques de lutte contre les dérives sectaires. Des contacts ont été noués dans
un esprit d’ouverture et de compréhension mutuelle.
Conférence de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe du
24 septembre au 10 octobre 2007
Une délégation de la MIVILUDES, conduite par son Président, et la
Secrétaire générale, s’est rendue en Pologne pour la « conférence d’examen
annuelle de la dimension humaine » organisée par le BIDDH (Bureau des
Institutions Démocratiques et des Droits de l’Homme, institution de l’OSCE)
qui s’est tenue à Varsovie du 24 septembre au 5 octobre 2007. Cette réunion
d’experts (fonctionnaires internationaux et personnalités qualifiées) est
ouverte aux ONG qui y participent en nombre. La FECRIS (Fédération européenne des centres de recherche et d’information sur le sectarisme) y participait pour la première fois.
Les membres de la MIVILUDES ont suivi avec attention les interventions menées dans le cadre des sessions de travail consacrées d’une part aux
questions d’intolérance et de discrimination, d’autre part à la liberté de pensée, de conscience, de religion ou de croyance.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Aux attaques de certaines ONG concernant la politique de vigilance
et de lutte contre les dérives sectaires (reproches sur les subventions accordées aux associations, action de la MIVILUDES etc…), la délégation française
par la voix de son ambassadeur, représentant permanent de la France auprès
Activités administratives 2007
183
de l’OSCE, a répondu fermement pour justifier l’attitude volontariste de la
France, notamment en ce qui concerne la protection des victimes. Il a également dénoncé ceux qui renversent les rôles quand ils se positionnent en victimes de discrimination religieuse, et dit la conviction des autorités quant à la
nécessité des actions conduites par la MIVILUDES sous le « contrôle démocratique » du Parlement.
Enquêtes sur les dispositifs législatifs et réglementaires de certains pays vis-à-vis
de mouvements dont les activités peuvent induire une dérive sectaire.
A la demande de la MIVILUDES, nos ambassades à Bratislava, Bucarest,
Budapest, Ljubljana, Minsk, Moscou, Riga, Séoul, Sofia, Tallin, Tirana, Vilnius
et Kiev ont été sollicitées en mai-juin 2007 afin de fournir des éléments d’information sur l’état de la législation dans leurs pays de résidence, ainsi que
sur les activités, le poids financier et humain des Témoins de Jéhovah, de la
Scientologie et du mouvement Moon et sur les dispositions législatives éventuellement applicables à ces mouvements. Les résultats de ces enquêtes ont été
livrés à la MIVILUDES qui les a exploités dans le présent rapport.
Explication et défense de la politique française auprès des instances
internationales.
Le Département fait valoir dans les enceintes concernées que les activités de la MIVILUDES respectent pleinement les conventions internationales
que la France a ratifiées dans ce domaine, notamment le pacte des Nations
Unies sur les libertés civiles et politiques de 1966 et la Convention européenne
de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de 1950. Il
souligne que la politique menée en France n’a pas pour but de limiter la liberté
de religion et de conscience mais de prévenir le risque de dérives sectaires et
d’informer le public à cet égard. En ce sens, le Département insiste auprès de
nos partenaires sur trois points :
– ce ne sont pas des mouvements spécifiques qui sont sous surveillance mais
des types de comportements irrespectueux des lois et règlements ou troublant
l’ordre public ;
– les activités pénalement répréhensibles sont poursuivies devant les tribunaux
de droit commun ;
– la MIVILUDES existe car les victimes de dérives sectaires s’attendent à être
soutenues et aidées par les pouvoirs publics.
Consultations pour les nominations d’experts.
184
MIVILUDES
▼
C’est en concertation que le président de la MIVILUDES et le Conseiller
pour les affaires religieuses veillent au renouvellement des experts français du
« groupe sur la liberté religieuse et de croyance » du Bureau des Institutions
Démocratiques et des Droits de l’Homme (BIDDH) de l’OSCE.
Utilisation de la valise diplomatique pour la transmission des documents de la
MIVILUDES.
Le Département se charge de transmettre, via le service de la valise,
la documentation publiée par la MIVILUDES aux différents postes diplomatiques et consulaires. Ainsi, le rapport 2006 a notamment fait l’objet d’un envoi
en février 2007.
Intérieur, Outre-Mer et Aménagement du territoire
La Direction centrale des Renseignements Généraux (DCRG) met
en exergue une fois encore, comme en 2006, le développement des thérapies
alternatives ainsi que le nombre élevé de nouveaux thérapeutes et de guérisseurs se faisant remarquer dans le domaine du développement personnel par
les dérives qu’engendrent leurs méthodes, ou par leur attitude personnelle
envers leurs « patients ».
En effet, sur les quelque 80 signalements effectués en 2007, plus d’une
vingtaine concerne les thérapies alternatives.
Les pratiques de certains spécialistes ou de groupes agissant dans le
champ du médical et du paramédical aboutissent souvent à des comportements
sectaires, certains se distinguant particulièrement à travers des réseaux qui évoluent en permanence, en même temps que les déviances guérisseuses.
Un pseudo-parti politique est d’ailleurs une illustration des connexions
de ces mouvements entre eux, via des personnalités alimentant la controverse
depuis de nombreuses années et connaissant les failles des systèmes en vigueur
(en particulier dans le secteur médical ou paramédical), ou sachant se reconvertir dès qu’ils sont montrés du doigt ou menacés.
Parmi les mouvements traditionnels, plusieurs sont en perte de vitesse,
mais n’en font pas moins l’objet d’une surveillance constante car certains présentent une menace, par leur prosélytisme permanent.
Un point sur le nouvel âge et les thérapies alternatives.
Les mouvements du nouvel âge, au contour mal défini 1, occupent plus
que jamais une place prépondérante dans le domaine des dérives sectaires.
L’extrême diversité du courant néo-spiritualiste est due au fait qu’il
est constitué par une véritable mosaïque d’associations, sociétés, personnalités et qu’il emprunte sans cesse de nouvelles idées et concepts aux philosophies et religions primitives, orientales ou à l’ésotérisme, aux sciences, à l’art,
à l’écologie…
Rapport au Premier ministre 2007
▼
- Afin de ne pas laisser au terme de nouvel âge un quelconque aspect folklorique ou sympathique, les mouvements s’en réclamant pourraient être désignés par une formule moins vague comme « mouvements du développement du potentiel humain ».
Activités administratives 2007
185
Depuis 1985, où la première association se réclamant du nouvel âge
a été fondée à Paris, ses adeptes sont présents dans tous les secteurs de la vie
sociale, notamment dans ceux de l’éducation, de la politique, de la formation
professionnelle et surtout celui de la santé.
Avant de s’attacher au problème tout particulier de la santé, on rappellera que le nouvel âge s’enracine dans tous les domaines de la vie sociale.
Concernant l’éducation, les adeptes du nouvel âge, récusant la distinction du savoir en matières distinctes, cherchent à diffuser des méthodes pour
« apprendre à apprendre ». Outre le concept d’enfants indigo et la séduction
que leurs théories opèrent notamment chez les parents d’enfants en difficulté,
la tendance est à la scolarisation à domicile ou dans des écoles alternatives, toujours avec des méthodes qui, comme dans le domaine médical ou paramédical,
n’ont pas fait leurs preuves, pouvant aboutir à une forme de déscolarisation et
à des escroqueries.
Le domaine économique n’est pas en reste. Fondée sur les « vrais
besoins de l’homme », toute une forme d’économie parallèle (troc, institutions
coopératives) a vu le jour, dans un esprit où le militantisme écologiste ou d’opposition au consumérisme domine.
Les sociétés commercialisant des produits diffusés par les guérisseurs
et autre psychothérapeutes, ouvrages et méthodes d’enseignement ou à visée
« spirituelle », se mêlent aux militants des causes les plus diverses (contestation
écologiste, défense des animaux…) jusqu’aux « conspirationnistes » les plus
illuminés.
Par ailleurs, parmi les idées véhiculées dans le domaine de la vie spirituelle ou religieuse, les concepts de retour aux sources, de primat de la croyance
sur la connaissance, de primauté du mystique sur le rationnel aboutissent à la
création de groupuscules où des cas de déstabilisation mentale sont fréquents.
Dans le domaine de la santé, l’approche holistique qui y est prônée
entraîne de plus en plus des gens fragilisés à se tourner vers des thérapies
alternatives n’ayant pas fait leurs preuves au plan scientifique. Ce marché fort
juteux (plus de 200 « méthodes » ont pour l’heure été recensées), peut aboutir
à l’abandon des thérapies classiques et entraîner la mort de certains patients.
Les groupes qui prolifèrent dans ce domaine s’organisent en véritables
réseaux. Leurs responsables savent trouver rapidement les failles des systèmes
en vigueur ou se reconvertir dès qu’ils sont montrés du doigt ou menacés.
De fait, dans ce secteur, on retrouve une foule considérable d’anciens
adeptes de mouvements, plus ou moins en perte de vitesse. Ils connaissent parfaitement les rouages permettant d’atteindre des personnes fragilisées par une
maladie ou d’autres sujets comme les enfants « surdoués » ou hyperactifs, la
recherche de spiritualité.
186
MIVILUDES
▼
Ils bénéficient d’une vulgarisation – et par là-même d’une certaine banalisation – de plus en plus importante de leurs méthodes avec l’accroissement
incessant d’un marché du développement personnel et du bien-être. Ceci sans
compter les relais dans des média parfois complaisants et peu désireux de porter un regard scientifique ou seulement critique sur les méthodes, produits ou
prestations offertes.
L’infiltration des professions médicales et paramédicales et le lobbying
contre la médecine conventionnelle ont également fait l’objet de nouvelles
dénonciations. C’est le cas de la mouvance anti-vaccination, véritable front
d’opposition, ou de la médecine nouvelle germanique du docteur Hamer et
de ses successeurs.
La difficulté première de la lutte contre les individus ou les groupes
du nouvel âge vient – au-delà de l’évaluation scientifique des méthodes dont
ils usent – du fait qu’il est difficile de prouver tout à la fois la nocivité de leurs
pratiques mais aussi la connaissance qu’ils pourraient avoir de leur parfaite
inutilité ou de leurs dangers éventuels.
Des faisceaux d’éléments conduisent à mieux cerner les dangers de certaines pratiques au fil du temps. Sans aller jusqu’à la mort de certains patients
ou l’aggravation de leur état, comme cela a été le cas dans certains dossiers,
l’abandon des traitements allopathiques, la rupture avec le milieu familial, le
coût élevé de certaines séances, l’absence de formation ou diplômes médicaux
ou paramédicaux des thérapeutes ainsi que leur comportement… constituent
autant de signes permettant de définir les risques.
L’information du public reste la meilleure des préventions contre les
médecines alternatives.
Un exemple de dérives, les « faux souvenirs induits ».
Au cours des trois derniers mois, deux familles haut-savoyardes ont
attiré l’attention de notre service sur les thérapies déviantes de praticiens exerçant l’un à Paris, l’autre en Haute-Savoie. Ces deux thérapeutes, dont l’un est
médecin généraliste, pratiqueraient diverses techniques de recouvrance de la
mémoire. Ils suggèrent à leurs patients (le plus souvent des patientes) qu’ils
ont refoulé un événement grave survenu dans leur enfance (généralement un
abus sexuel) à l’origine de leurs maux.
Ces méthodes sont dénoncées comme des dérives utilisant les mécanismes de la manipulation mentale. Le syndrome des faux souvenirs induits
peut être identifié lorsqu’il n’est précédé d’aucun autre souvenir de même
nature pendant les 20 ou 30 années antérieures et qu’il apparaît brusquement
au cours ou à la suite d’une thérapie basée sur la recherche des souvenir d’enfance et qu’il commence à altérer le jugement et la personnalité de jeunes
patients adultes.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Concrètement une jeune femme d’une trentaine d’années suivie par
un psychothérapeute accuse subitement son père d’une maltraitance sexuelle
intervenue dans sa toute petite enfance. Le thérapeute aide sa patiente à
« construire » des souvenirs qui seraient à l’origine de son mal-être actuel. La
Activités administratives 2007
187
guérison ne pouvant intervenir que dans le cadre d’une révélation des actes,
des parents se retrouvent ainsi accusés d’abus sexuels.
On peut imaginer l’effet dévastateur de telles révélations dans les
familles qui ont du mal à comprendre ce qui leur arrive. Bien qu’ayant « découvert » l’origine de leur mal-être, ces jeunes adultes ne sont pas pour autant
guéris. Certains sombrent dans des dépressions et deviennent alors la « proie »
de leur thérapeute.
Outre la jouissance que procure à ces « thérapeutes » la manipulation
d’un patient, la manne financière que représente un client captif n’est pas
négligeable.
Cette pratique thérapeutique déviante est apparue aux États-Unis dans
les années 80 et a provoqué de nombreux procès et drames familiaux. Dénoncée
par la FMS Foundation (False Memory Syndrome) à partir du début des années
90, les cours de justice américaines sont devenues plus prudentes dans les affaires d’abus sexuels d’enfants majeurs disant avoir retrouvé la mémoire.
En France, c’est en 2005 que des parents, injustement accusés par leurs
enfants majeurs de maltraitance et d’abus sexuels subitement revenus à la
mémoire de ces derniers à la suite d’une thérapie, ont créé l’association Alerte
Faux Souvenirs Induits. Au cours du premier témoignage, il a été question
d’un thérapeute, exerçant à Paris.
En mars 2007, la fille des fondateurs du mouvement a annoncé à sa
famille qu’elle avait découvert l’origine de ses divers maux (infections urinaires, fatigue morale), à savoir un traumatisme sexuel que son père lui aurait fait
subir à l’âge de cinq ans. Jusqu’alors très proche de ses parents, et plus particulièrement de son père, elle refuse depuis cette date tout contact. Passé le choc,
le père, par ailleurs ancien médecin généraliste, a essayé d’entrer en relation
avec le thérapeute.
Le discours abscons de ce dernier s’est heurté à la volonté de comprendre et au questionnement légitime du père. Soutenu par l’ensemble de sa
famille et les différentes associations d’aide aux victimes de dérives sectaires, il
a déposé plainte en juillet dernier devant le Procureur de la République.
Un second témoignage met en cause un médecin généraliste homéopathe ayant son cabinet en Haute-Savoie. Ce dernier soigne depuis plusieurs
années une jeune femme qui, après avoir pris petit à petit du recul vis-à-vis de
l’ensemble de sa famille, a, au cours de l’année 2004, annoncé qu’elle avait été
victime dans son enfance (vers 8 ans) d’attouchements sexuels de la part de
son père.
188
MIVILUDES
▼
La victime avait 26 ans au moment de la révélation. Sa famille a dès
lors essayé de comprendre ce qui lui arrivait et a même engagé, sur une courte
durée, un détective privé. Ses démarches auprès de l’Ordre des médecins sont,
semble-t-il à ce jour, restées vaines. La victime a coupé tout lien avec sa famille
et a déposé plainte contre son père.
Plus généralement, ce procédé est critiqué par le corps médical comme
par des organisations de victimes se plaignant de résultats catastrophiques, de
praticiens autodidactes incompétents et de dérives sectaires. Depuis quelques
années, en France, plusieurs thérapeutes, mais aussi associations de la mouvance nouvel âge usent en effet de cette forme de thérapie.
Nouvel âge et produits stupéfiants.
Parmi les plantes hallucinogènes utilisées dans les milieux du nouvel
âge, ont figuré :
• L’iboga, cultivé dans les forêts d’Afrique centrale et particulièrement
au Gabon où il est classé patrimoine national. Sa racine est traditionnellement
utilisée dans le cadre du culte bwiti, avec rite initiatique hérité des Pygmées et
qui marque le passage à l’âge adulte. Après le décès de deux consommateurs
en 2005 et 2006, l’iboga et ses composants ont été classés comme produit stupéfiant par un arrêté du ministère de la Santé publié au Journal officiel le
25 mars 2007, « en raison de leurs propriétés hallucinogènes et de leur grande toxicité ».
• L’ayahuasca, liane d’Amazone, a été utilisée lors de stages chamaniques et connaît aujourd’hui un franc succès au sein de communautés nouvel
âge avides « d’états modifiés de conscience ». En raison d’effets aussi puissants
que nocifs, l’ayahuasca a été classé dans les produits stupéfiants par le ministère
de la Santé le 20 avril 2005.
• De fortes suspicions pèsent actuellement sur le recours lors de stages
nouvel âge à un breuvage dit « yagé », une substance aux vertus hallucinogènes
dont la consommation permettrait d’entrer en transe.
Ce produit n’est pas actuellement classé en France comme produit stupéfiant, non pas qu’il ne soit pas dangereux mais simplement parce que très
peu connu jusqu’alors. Il s’agit cependant d’un dérivé de l’ayahuasca.
Un état des lieux du satanisme.
Sur l’ensemble du territoire, on assiste toujours à l’heure actuelle à
un satanisme « sauvage », et à l’absence de groupe constitué et organisé. Il se
manifeste essentiellement par des actes délictueux effectués par des individus
proches de l’extrême-droite, ou s’identifiant à l’idéologie satanique.
Seules deux structures ont été créées ces dernières années :
• L’association 666 le chiffre de la bête humaine, qui a pour objet « l’étude du
conflit entre le paganisme et le christianisme des origines à nos jours ». A ce jour, aucune
menée prosélyte n’a pu être détectée qui aurait pu viser un public « fragile ».
• Une boutique, fin 2005, spécialisée dans la vente de produits dits ésotériques
et qui arbore sur sa façade un élément graphique présentant une analogie avec
le pentacle, symbole de la magie noire ou du satanisme.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Courant juin 2006 une enquête de la gendarmerie d’Aire-sur-la-Lys
(Pas-de-Calais) a révélé l’existence de séances de purification et de rituels
Activités administratives 2007
189
assortis notamment d’égorgements de boucs ou de coqs, dont les participants
côtoient Le Saint Graal.
Des carcasses d’animaux ont été retrouvées en avril 2007 dans le canal
de Neufossé à Racquinghem (Pas-de-Calais). Or, le 23 octobre 2007, la découverte de cinq chèvres décapitées dans le canal du Smetz à Arques (cours d’eau
traversant la commune de Racquinghem) laisse supposer que les séances de
purifications se poursuivent.
190
MIVILUDES
▼
La mouvance satanique continue à puiser sa diversité sur internet, à
travers une multitude de sites par ailleurs plus ou moins sérieux et complets,
consacrés à Satan, à Lucifer, à la culture gothique, aux préceptes satanistes. Les
forums -particulièrement ceux consacrés à la musique black métal- constituent
des lieux de discussions qui peuvent s’avérer dangereux pour les adolescents
les plus influençables ou dépourvus d’esprit critique.
Annexe
Le classement des thérapies alternatives
par le National Center for Complementary
and Alternative Medicine
Les appellations de médecines douces, naturelles ou traditionnelles,
ou encore de médecines « alternatives » ou « complémentaires » -selon
la dénomination anglaise CAM - pour complementary and alternative
medicine - lorsqu’elles sont associées à la médecine conventionnelle
recouvrent de nombreuses pratiques.
On notera ici le classement opéré par le National Center for
Complementary and Alternative Medicine (NCCAM) 2, agence de
l’Institut national de santé aux États-Unis, concernant la médecine
complémentaire et alternative, définie par défaut comme « groupe de
divers systèmes médicaux, de santé et de produits qui ne sont pas actuellement
considérés comme appartenant à la médecine conventionnelle ».
La NCCAM en décrit cinq grands types :
– les médecines globales occidentales, comme l’homéopathie ou
la naturopathie, ou orientales, comme la médecine traditionnelle
chinoise ou ayurvédique indienne ;
– les médecines corps/esprit comme la méditation, la prière, la guérison mentale ou celles utilisant les médiations artistiques ;
– les pratiques fondées sur la biologie comme les suppléments diététiques ou certaines plantes ;
– les pratiques de manipulation ou fondées sur le corps incluant la
chiropractie, l’ostéopathie et les massages ;
– les médecines énergétiques, incluant le qi gong, le reiki et autres formes de touchers thérapeutiques (apposition des mains) et les thérapies
des champs électromagnétiques.
Depuis 2002, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a mis en
place une stratégie pour « promouvoir une médecine traditionnelle sûre,
efficace et abordable ». Dès 1983 les Anglais du Research Council for
Complementary Medicine (RCCM) avaient initié cette démarche.
Puis, en 1991, les autorités américaines du National Institute of Health
(NIH) ont dédié l’une de leurs agences, le NCCAM, à la recherche
et l’évaluation rigoureuse de ces pratiques. L’Agency for Healthcare
Research and Quality américaine (AHRQ), vient de compléter cette
mission d’évaluation. Son rapport s’est appuyé sur une revue particulièrement solide et indépendante des 813 études réalisées. Les pratiques
Rapport au Premier ministre 2007
▼
- Ces informations sont tirées du site Internet (http://www.john-libbey-eurotext.fr/fr/revues/e-docs/00/04/35/
CA/article.md) relayé par le site dédié à la lutte contre les dérives sectaires Prévensectes (http://www.prevensectes.com/home.htm).
Activités administratives 2007
191
des méditations, yoga, taï chi et qi gong ont été passées au crible. Les
études concernaient en majorité l’hypertension artérielle, les maladies
cardiovasculaires et les addictions. Les auteurs ont décrit avec précision
leur méthode d’analyse.
Ils ont mis en oeuvre une stratégie pour étudier la validité interne des
publications et lutter contre les différents biais, notamment de publications (doublons de publication et littérature grise).
Sans ambiguïté, les conclusions de l’AHRQ remettent en question la
place et la qualité des publications de ce type d’intervention. Beaucoup
d’incertitudes les entourent. Ainsi, la recherche scientifique ne semble
pas avoir de perspective théorique commune et cohérente.
Les études sont caractérisées par une mauvaise qualité méthodologique. Les effets physiologiques et neuropsychologiques de la méditation
ont été évalués dans de nombreuses études, mais les conclusions ne
sont que des hypothèses fragiles.
Pour les effets cliniques, les faits scientifiques probants sont absents.
Il n’y a aucune démonstration d’effets. Tant chez les patients atteints
de cancers que chez les autres, elle ne démontre pas son ambition à
réduire le stress, l’anxiété, la dépression ou la pression artérielle.
La recherche future, si elle se justifie, devra être plus rigoureuse tant
dans la conception, l’exécution que dans l’analyse des résultats.
Quels sont les risques de ces pratiques ? Peu étudiés, ils sont mal
connus. Ils ne faisaient pas partie des objectifs du rapport de l’AHRQ.
Pour autant, des cas d’exacerbation de dépression, d’apparition de
dépersonnalisation, de tentatives de suicide ou d’épisodes schizophréniques ont été décrits avec toutes ces pratiques. Il n’existe pas, à notre
connaissance, de stratégie de recherche sur le rapport bénéfice/risque
les concernant. Tant pour les professionnels de santé, que pour les
décideurs ou pour les patients, l’obligation primum non nocere s’accommode mal de cette absence de données de vigilance.
En France, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre
les dérives sectaires (MIVILUDES) émet régulièrement des avis sur les
médecines alternatives, traduisant l’inquiétude des patients et de la
société.
192
MIVILUDES
▼
En résumé il n’existe pas pour l’heure de réel argument pour conseiller
ces pratiques méditatives pour les soins : le bénéfice n’est pas démontré et le risque n’a pas été étudié.
Défense
Le présent document constitue la contribution du ministère de la
Défense (gendarmerie nationale) au rapport annuel de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES)
adressé au Premier ministre.
Dans une première partie figurent les propositions faites par le
Directeur général de la gendarmerie nationale lors d’une réunion organisée
au ministère de l’Intérieur en août 2007, consécutive à l’affaire de l’enlèvement du « petit Alexandre », mettant en cause le mouvement sectaire « Coeur
douloureux et immaculé de Marie » à La Réunion.
Elles sont inspirées des suggestions faites, le 4 octobre 2006, devant
la Commission parlementaire relative à l’influence des mouvements sectaires
et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et morale des
mineurs dont le rapport a été rendu public le 12 décembre 2006.
Trois points significatifs ont été identifiés pour l’année 2007 : la surveillance de l’activité sectaire sur l’internet, la formation et la circulation des
informations.
La seconde partie correspond au suivi des enquêtes judiciaires en
cours, menées par les unités opérationnelles de la gendarmerie nationale. Les
plus significatives font l’objet d’un développement particulier.
●
Propositions pour améliorer le suivi des dérives sectaires
La surveillance de l’activité sectaire sur l’internet
Pour la gendarmerie nationale, cette mission est principalement exercée par la division de lutte contre la cybercriminalité du service technique de
recherche judiciaire et de documentation (STRJD) situé à Rosny-sous-Bois. Les
spécialistes Nouvelles Technologies (N-Tech) affectés dans les unités de recherches participent également à cette mission de surveillance, essentiellement en
fonction de l’orientation dictée par les besoins des enquêtes en cours.
En outre, la surveillance de l’internet, qui mérite évidemment d’être poursuivie, a permis de constater qu’il existe peu de sites sectaires en infraction avec la
législation en vigueur et que l’activité prosélyte dans ce domaine est faible.
La formation
Actuellement, les personnels sous-officiers des cellules renseignement
des groupements et des régions de la gendarmerie nationale sont formés à
l’école du Mans. Au cours du stage, ils reçoivent une information sur les dérives
sectaires d’une durée de deux heures.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
La chaîne du renseignement étant jusqu’à présent la seule à bénéficier
d’une telle information, cette dernière pourrait être valablement étendue à
la dominante police judiciaire au cours des stages dispensés au Centre natio-
Activités administratives 2007
193
nal de formation de la police judiciaire de Fontainebleau (stages commandant
d’unité recherches, directeur d’enquête, enquêteurs et perfectionnement officier de police judiciaire).
Enfin, dans le cadre de la formation initiale des élèves-gendarmes, un
module de sensibilisation aux phénomènes sectaires pourrait être créé.
Par ailleurs, la MIVILUDES a exprimé le souhait de mettre en place,
au niveau régional, une action interministérielle (police, gendarmerie, justice,
éducation nationale, santé publique) de formateurs-relais en direction des
référents départementaux. Tout en soulignant combien celle-ci gagnerait à rassembler un maximum d’acteurs, la gendarmerie est prête à participer à cette
action en y engageant les personnels des cellules renseignement des régions et
des groupements.
Une meilleure circulation des informations
Pour le suivi des adeptes embrigadés dans les mouvements sectaires,
les forces de l’ordre sont souvent confrontées à un manque d’informations
sur les milieux fermés où ils ne peuvent légalement intervenir, alors que ces
informations sont pourtant recueillies par d’autres acteurs impliqués (milieu
médical, enseignant, social, etc…). Une plus large collaboration avec les autres
administrations est donc souhaitable et attendue.
Il faut reconnaître que les référents et les cellules mis place au niveau
interministériel aux échelons départementaux et régionaux sont de nature
à faciliter la circulation de l’information sur les communautés implantées.
Toutefois, l’échange méthodique d’informations se heurte à des obstacles juridiques (secret professionnel, collecte des renseignements en traitement automatisé de données) qui demandent à être levés par le législateur pour que ce
dispositif devienne réellement efficient en termes de lutte contre les dérives
sectaires.
●
Suivi des enquêtes en cours.
Considérations générales
Les unités de gendarmerie saisies agissent, soit d’initiative, soit le plus
souvent en exécution d’un soit-transmis du Procureur de la République pour
faire suite à une plainte, une dénonciation ou un témoignage.
Lorsqu’une information judiciaire est ouverte pour les cas les plus graves, les investigations conduisent généralement à des mises en examen assorties
d’un contrôle judiciaire ou de la détention provisoire.
194
MIVILUDES
▼
Les investigations menées dans les enquêtes directement liées aux dérives sectaires concernent les infractions suivantes :
– abus de faiblesse ;
– mise en danger d’autrui (enfants et adultes) ;
– remise en cause de l’enseignement diffusé ;
– défaut de scolarisation d’enfants mineurs ;
– escroqueries ;
– suspicion de travail illégal ;
– enlèvement d’enfant ;
– viols et agressions sexuelles aggravées ;
– coups et blessures - violences aux personnes (adultes et mineurs).
Par ailleurs, des enquêtes de patrimoine peuvent être effectuées afin de
vérifier les origines et l’emploi des fonds gérés par les mouvements sectaires.
Enquêtes ou phénomènes les plus représentatifs en 2007
• L’affaire « du Petit Lys d’amour » à La Réunion et de la secte « Coeur
douloureux et immaculé de Marie » – Enlèvement du « jeune Alexandre »
libéré le 5 août 2007 : arrestation de J. V, de neuf de ses lieutenants et d’une
dizaine de fidèles.
Le jeune Alexandre avait été enlevé le vendredi soir, sous les yeux de
sa mère, par quatre adeptes de la secte « Coeur douloureux et immaculé de
Marie » fondée en 2001 par J.V., surnommé « Petit lys d’amour ». Ce dernier
prétendait assister chaque mois à des apparitions de la Vierge à son domicile.
La secte considérait le jeune Alexandre comme l’élu, le futur messie appelé à
succéder à J.V. selon la mère de l’enfant et les auditions des personnes interpellées. J.V. était recherché. Il a été condamné par défaut en octobre 2006 à 15 ans
de réclusion pour le viol d’un enfant mineur (faits de 2003).
Il est à noter que le premier enlèvement et le phénomène sectaire
ont été traités par la gendarmerie. L’enfant ayant été restitué, il a été enlevé
une seconde fois (en zone de compétence de la Police nationale) dans les
jours qui suivirent ; l’affaire a été traitée par la police. Une information est
ouverte pour enlèvement et séquestration inférieure à huit jours – recel de
malfaiteurs – (JI près le tribunal de grande instance de Saint-Denis – La section
de recherches de Saint-Denis est saisie).
• Viols et agressions sexuelles commis au sein de la secte « Tang ».
Au début des années 80, RLD dit « Din Tang » est à la tête d’une communauté composée d’un noyau d’une vingtaine de personnes initialement
implantée dans le Lot-et-Garonne (47). En 1988, il fonde l’Association de
défense des libertés d’expression dans l’institution française (ADLEIF). Cette
association, épinglée par le rapport parlementaire (1995) est dissoute en 1996.
En 1989, il avait créé une autre association : « Travail, Amour du Christ » (TAC).
Il proposait également la pratique des arts martiaux au sein d’une troisième
association : « Chen Hsin ».
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Au début du mois de septembre 2007, le gourou de la secte « Tang »
est interpellé par les gendarmes de l’Ariège. Une information judiciaire est
ouverte, le juge d’instruction près le Tribunal de grande instance de Foix (09)
a délivré une commission rogatoire pour la poursuite des investigations.
Activités administratives 2007
195
Quittant en 2006 le Lot-et-Garonne (47) pour l’Ariège (09), il organise
régulièrement des réunions où il se présente comme un messager divin, un
extra-terrestre, au cours desquelles il délivre des messages apocalyptiques.
Les investigations à mener ont pour but d’établir la vérité quant aux
accusations graves portées par des ex-adeptes.
• La communauté apostolique Tabitha’s Place
Ce mouvement sectaire revendique une lecture fondamentaliste de la
Bible. Elle intrigue les autorités et fait régulièrement l’objet de l’attention des
médias. Egalement connue sous le nom de « Douze Tribus », les membres de
cette communauté fabriquent du pain et des gâteaux qu’ils vendent sur les
marchés. Ils vivent de travaux du bâtiment et de menuiserie et cultivent un
potager. Ils fabriquent également des meubles et de la literie qu’ils vendent sur
les foires et dans leur magasin d’Oloron (64).
Selon les témoignages les enfants seraient corrigés dès leur plus jeune
âge pour les « discipliner. Ne pas le faire, c’est préparer des adultes pécheurs et criminels ». Les punitions physiques, revendiquées par les adeptes sur leur site internet, sont réglementées et graduées. Les enfants travaillent dur et les jeux sont
interdits.
Plusieurs membres ont été condamnés. En 2001, un couple pour la
mort en bas âge de leur enfant par manque de soins et pour malnutrition
avancée, puis en 2002 plusieurs adeptes pour soustraction aux obligations
parentales légales. Une information est ouverte pour abus de faiblesse, abus
de confiance, violences habituelles sur mineurs, abstention d’inscription des
enfants dans les établissements scolaires (« pour qu’ils ne soient pas contaminés »).
Quatre parlementaires de la Commission d’enquête s’étaient rendus sur place
en fin d’année 2006 et avaient découvert 18 enfants et adolescents totalement
coupés du monde. La communauté a ouvert un nouveau site dans l’Indre (36),
à Chatillon, où ne se trouvent pour l’instant que quelques adeptes.
Phénomènes qui peuvent être en lien avec les dérives sectaires
Les profanations font l’objet d’un suivi méthodique, qu’il s’agisse de
violations de sépultures, de dégradations de cimetières ou d’édifices religieux.
De nombreuses profanations sont dues à des mineurs influencés par la médiatisation de ce type d’affaires. Ces jeunes agissent le plus souvent par mimétisme ou par défi et ne donnent aucune explication idéologique à leurs actes.
L’absence de repères moraux est néanmoins patente. La même absence de
motivation idéologique caractérise quelques profanations commises par des
individus qui se rendent coupables d’actes violents sur des sépultures sous l’influence de l’alcool, ou de produits stupéfiants.
196
MIVILUDES
▼
Par ailleurs, quelques dégradations sont le fait de jeunes appartenant
à la mouvance « gothique ». Ces actes sont le fait de mineurs influencés par le
mouvement « black metal » diffusé sur internet, dans des jeux vidéos, avec de la
musique ou des séries télévisées (« Buffy contre les vampires »). Ils commettent
leurs sacrilèges au nom de « Satan ». Ce type de profanation se caractérise par
un mélange d’actes anti-religieux (en général anti-catholiques), à base de destruction de croix, de stèles ou de pierres tombales et d’inscriptions sataniques
(666, devil…), avec des graffitis anarchistes et/ou néo-nazis.
172 faits ont été recensés en 2006 contre 208 en 2005 (-36) et 130 en
2004 (+42) en zone de compétence de la gendarmerie. Les lieux de culte visés
dans leur grande majorité, sont catholiques. En 2006, les départements de la
Loire-Atlantique (17 faits), de la Moselle (11) et de l’Isère (9) concentraient
le plus grand nombre de faits. Les dégradations sans connotation raciste commises dans les cimetières représentaient 143 affaires, 33 % d’entre elles ont été
résolues.
Au premier semestre 2007, 103 faits de profanations sans connotation
raciste ont été recensés (chiffres identiques au premier semestre de 2006).
56 personnes ont été interpellées et 30 affaires élucidées.
En juin 2007, le « True Armorik Black Metal » entendait s’opposer avec
une volonté farouche au christianisme en s’en prenant aux édifices religieux du
Finistère. Les trois membres de ce groupuscule, originaires du Sud-Finistère,
ont été interpellés alors qu’ils s’apprêtaient à lancer de nouvelles attaques hautement symboliques. Ils ont reconnu la dégradation de dix édifices religieux
depuis le 5 mai dernier. Ils maintiennent avoir agi pour « s’opposer à la toute-puissance du christianisme » puisque « cette religion s’est implantée en Armorique sans le
moindre respect pour nos racines celtiques ». Ils ne supportent pas que les sites païens
et celtiques, comme Carnac etc…, ne bénéficient pas de la même attention que
celle portée au patrimoine religieux.
Quarante-cinq gendarmes ont été mobilisés à la suite de l’incendie de
la chapelle de Loqueffret (29), le 17 juin 2007. Ce sont les témoignages, le
concours d’un expert spécialisé et la rapidité des analyses effectuées par l’IRCGN (laboratoire scientifique de la gendarmerie nationale) qui ont permis le
dénouement rapide de cette affaire, a déclaré le Commandant de groupement
du Finistère aux côtés de la Procureure de la République lors de la conférence
de presse. Les trois mis en examen encourent un procès en assises, une peine
de vingt ans de réclusion et 150 000 euros d’amende.
La lutte contre les dérives sectaires nécessite des investigations judiciaires au caractère multiforme, menées par la gendarmerie. Pour renforcer la
lutte contre ces phénomènes, la gendarmerie nationale doit encore améliorer
la formation de ses personnels. En effet, déceler les infractions ayant pour origine un mouvement sectaire n’est pas aisé. En outre, il faut faire preuve du plus
grand professionnalisme dans le traitement des dossiers. Recevoir « les confessions » des (ex-)adeptes suppose une qualité d’écoute particulière.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Dans les enquêtes judiciaires en cours, il est constaté que la notion juridique d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse, caractéristique
de l’emprise mentale, constitue un élément clé de la lutte contre les dérives
sectaires.
Activités administratives 2007
197
Par ailleurs, de nouveaux centres d’intérêts se développent d’une
manière exponentielle. Ils sont susceptibles d’être sous l’emprise de mouvements sectaires : « Les charlatans de la santé » et les « abus du coaching ».
La Gendarmerie nationale est particulièrement attentive à ces phénomènes qui sont de nature à toucher de nouvelles tranches de la population,
jusque-là moins exposées aux dérives sectaires « traditionnelles ».
Économie, Finances et Emploi
Direction générale des douanes et droits indirects.
La Direction considère que le caractère public du rapport de la
MIVILUDES ne permet pas d’y faire figurer d’information concernant son
activité.
Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle.
●
Prévention des dérives sectaires
Il a été constaté, depuis plusieurs années, une montée en puissance
de certains groupes à risque, souvent rassemblés en réseaux, qui proposent
une offre surabondante de prestations à visée thérapeutique, guérisseuse et/ou
de développement personnel [bien-être]. Les prestations proposées, s’inscrivant dans la durée, peuvent conduire, par leurs contenus et leurs modalités
de déroulement, à des risques sérieux de dérives sectaires pour les bénéficiaires. Ces contenus se caractérisent par leur syncrétisme et par l’absence ou la
faiblesse de toute validation scientifique reconnue. Ils privilégient le mode
émotionnel (séduction) et laissent peu de place à l’esprit critique. Enfin les
prestations en cause peuvent également entraîner des perturbations au sein
des entreprises et des organisations.
198
MIVILUDES
▼
Cette situation est particulièrement préoccupante dans les domaines
de la santé et des ressources humaines. Dans le champ de la santé ces offres
prédisposent les bénéficiaires, qui ne détiennent pas les diplômes requis, à
l’exercice illégal de professions de santé réglementées. Le degré de dangerosité augmente lorsqu’elles se présentent comme alternative à la médecine
scientifique, à l’exclusion de tout recours aux soins conventionnels. Dans le
champ des ressources humaines ces offres ne s’appuient qu’accessoirement
sur des mises en situation professionnelle et ne s’intègrent pas à des parcours
de formation professionnelle continue. Elles entretiennent la confusion entre
formation et thérapie et ne reposent pas sur des apports théoriques ou pratiques utiles à une meilleure compréhension d’une situation professionnelle ou
sociale. Elles se banalisent dans des activités de services aux entreprises par le
biais de la formation et du développement personnel (coaching, testing, caractérisation de profils, amélioration des performances, communication, conduite
de changement…).
De plus l’incitation faite aux participants, par ces groupes ou réseaux,
à multiplier le nombre de stages pour atteindre les « grades » les plus élevés ;
le caractère mirobolant de certaines « certifications, qualifications, titres et
diplômes », le plus souvent non reconnus par les instances administratives ou
professionnelles au sens de l’article L.900-3 du code du travail, peut s’accompagner de publicités trompeuses ou mensongères.
Rappel des règles relatives à la publicité en matière de formation
professionnelle continue
Les dispositions de l’article L.920-6 du code du travail précisent :
« Lorsque la publicité réalisée par un organisme de formation fait mention de la déclaration prévue à l’article L.920-4, elle doit l’être sous la seule forme : «Enregistrée sous le
numéro… Cet enregistrement ne vaut pas agrément de l’État».
La publicité ne doit pas faire état du caractère imputable des dépenses afférentes aux
actions dont elle assure la promotion sur l’obligation de participer au financement de la
formation professionnelle édictée par l’article L.950-1.
La publicité ne doit comporter aucune mention de nature à induire en erreur sur les
conditions d’accès aux formations proposées, leurs contenus, leurs sanctions ou leurs
modalités de financement ».
Toute infraction à ces dispositions peut être sanctionnée pénalement
en application de l’article L. 993-2 du code du travail.
Ces groupes ou réseaux, bien organisés, favorisent l’apparition de nouveaux prosélytes qui s’insèrent dans des systèmes structurés et contraignants
(propriété intellectuelle, vente pyramidale ou multi-niveaux…). Les rapports
établis entre les concepteurs, les premiers diffuseurs et leurs épigones sont très
asymétriques. La dangerosité augmente lorsque ces personnes font l’objet de
contraintes ou d’exigences financières nombreuses et durables ou lorsqu’elles
sont incitées à diffuser les concepts, techniques ou pratiques dans les entreprises ou les organisations (hôpitaux par exemple). Face à ces réalités, des pratiques d’intelligence économique et sociale peuvent concourir à la prévention
du risque sectaire. Il convient également d’informer plus largement les personnes sur ces risques particuliers.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Les services en charge du contrôle de la formation professionnelle
veillent, dans le respect des dispositions légales et réglementaires, à ce que
ces organismes ne s’arrogent pas une certaine forme de reconnaissance publique, et ne puissent par ailleurs bénéficier de financements dédiés à la formation continue des salariés, des demandeurs d’emploi et des chefs d’entreprise.
Cette veille est rendue plus difficile lorsque ces offres sont dirigées vers des
personnes physiques qui entreprennent une formation, à titre individuel et à
leurs frais.
Activités administratives 2007
199
●
Illustrations
Les différents dossiers signalés en 2007 par les services de contrôle dans
le cadre de la vigilance et de la lutte contre les dérives sectaires ont pour caractéristiques principales :
– l’absence de précisions quant à la situation professionnelle du ou des bénéficiaires du contrat ou de la convention proposé à l’appui de la demande ;
– l’impossibilité de déterminer précisément quel objectif professionnel ou but
précis, l’action envisagée se propose d’atteindre en fonction des qualifications
et besoins des stagiaires ;
– le défaut de précisions quant aux titres et qualités des intervenants et aux
moyens d’encadrement associés ;
– l’absence de tout pré-requis pour suivre l’action envisagée ;
– le non respect des clauses (échelonnement des paiements, délai de rétractation…) mentionnées à l’article L.920-13 du code du travail qui régit les contrats
de formation conclus par des particuliers avec les prestataires de formation.
D’une manière plus générale les actions envisagées ne respectent pas
les dispositions légales mentionnées à l’article L.920-1 du code du travail et ne
poursuivent pas un objectif de développement des compétences ou d’accès à
une qualification professionnelle reconnue. Elles correspondent davantage à
une démarche à visée thérapeutique et holistique à l’égard des participants
et n’entrent pas directement dans le champ de la formation professionnelle
défini à l’article L.900-2 du code du travail.
Parmi ces actions litigieuses certaines, qu’elles soient sollicitées, proposées ou poursuivies, entendaient promouvoir des concepts, thérapies, pratiques, techniques ou méthodes (souvent associées) relatives au Décodage biologique [de la maladie], à la Biologie totale [des êtres vivants] au Channeling, à
la Fasciathérapie, à la Kinésiologie, à la Guérison cellulaire, à la Méthode Silva [de
contrôle mental] au Rebirth, aux Constellations familiales, Constellations d’entreprises, au Reiki, à la PNL (Programmation Neuro-Linguistique), à l’EMF Balancing
Technique, au Kundalini Yoga.
Les critères de dangerosité les plus fréquemment observés sont liés :
– aux risques de dépendance psychique (déstabilisation mentale) ;
– aux contraintes économiques et juridiques (vente pyramidale, prosélytisme) ;
– aux incitations à rompre avec l’environnement familial et social ;
– aux promesses d’une nouvelle vision du monde, de guérisons (auxquelles
seraient incapables de répondre la médecine), d’épanouissement personnel ;
– à la surabondance des exigences financières et d’investissement personnel ;
– à l’utilisation détournée de l’image des entreprises ou des institutions publiques (universités par exemple).
200
MIVILUDES
▼
Les suites réservées aux dossiers concernés ont conduit parfois au désistement du demandeur, ou en application de l’article L.920-4 du code du travail, soit au refus d’enregistrement des déclarations d’activité, présentées en
tant qu’organisme de formation professionnelle continue, soit à l’annulation
de cet enregistrement par l’autorité administrative de l’État chargée de la formation professionnelle.
●
Actions de sensibilisation et de formation conduites en 2007
La délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle
a poursuivi ses efforts afin de sensibiliser et former aux risques de dérives
sectaires les principaux prescripteurs et financeurs de formation publics et
privés. Notamment plusieurs actions de sensibilisation ont été conduites avec
l’Association nationale de la formation hospitalière (ANFH) et les directions
compétentes du ministère de la Santé. Elles ont concerné des cadres et agents
hospitaliers ainsi que des responsables de formation. Des actions similaires ont
également été menées en faveur de responsables ressources humaines d’entreprises et de cadres de la fonction publique.
●
Orientations pour 2008
La Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle
entend sensibiliser et former de manière plus ciblée les opérateurs Assédic,
Anpe et Agefiph qui ont en charge des publics fragilisés. Il conviendrait également que cette sensibilisation s’exerce de manière accrue auprès des collectivités territoriales (conseils régionaux et généraux) compte tenu de leurs
compétences reconnues par la loi.
Éducation nationale
L’année 2007 a été pour la cellule de prévention des phénomènes sectaires, une année durant laquelle elle a continué à mener son rôle de coordination et d’alerte.
La CPPS (cellule chargée de la prévention des phénomènes sectaires
dans l’éducation) a, en effet, été informée :
– d’une demande de renouvellement d’instruction dans la famille d’enfants
dont les parents appartiennent à la secte Tabitha’s Place ;
– de l’ouverture d’une école privée hors contrat à Brest « Cours primaire
Notre-Dame de Rumengol » ;
– du souhait de l’association « Les enfants d’abord » que de nouvelles modalités
de contrôle de l’instruction dans la famille soient mises en œuvre rapidement.
L’Inspecteur d’académie du Gard nous a alertés sur un dysfonctionnement et une présomption de dérives de type sectaire dans trois établissements
hors contrat. Conformément à la loi du 18 décembre 1998 des contrôles pédagogiques ont été effectués et aucune dérive sectaire n’a été constatée.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
La CPPS se montre également attentive à la situation des écoles privées
hors contrat, en particulier lorsque les conditions de leur création ou de leur
fonctionnement font craindre un risque de dérive sectaire.
Activités administratives 2007
201
Les responsables de la CPPS ont organisé, comme il est de tradition,
un séminaire annuel de formation et d’information à destination de leurs correspondants académiques afin d’attirer leur attention sur les nouvelles formes
des activités sectaires et sur l’environnement juridique dans lequel les contrôles
doivent s’effectuer. Ce séminaire a bénéficié de l’intervention du Directeur des
affaires juridiques du ministère.
Cette année, cinq correspondants académiques ont pu être inscrits
pour participer, au titre de la formation continue, à un séminaire organisé par
l’École Nationale de la Magistrature relatif à « L’enfant et les sectes ».
A chaque rentrée scolaire les départements adressent à la Cellule les
données chiffrées de l’enquête de l’instruction à domicile.
Les responsables de la CPPS s’efforcent, dans la mesure de leur disponibilité, de participer aux divers séminaires organisés dans les académies.
Un bilan des suites données par l’administration de l’Éducation nationale aux propositions émanant de la Commission d’enquête parlementaire
relative à l’influence des mouvements à caractère sectaire sur les mineurs a été
adressé à la MIVILUDES
Enfin, le nouveau ministère de l’Enseignement supérieur et de la
Recherche a chargé le responsable de la CPPS pour l’IGAENR (inspection
générale de l’administration de l’Éducation nationale et de la Recherche) de
le représenter auprès de la MIVILUDES.
Santé, Jeunesse et Sports
Direction générale de la santé – Direction de l’hospitalisation et de l’organisation
des soins – Direction générale des affaires sociales.
Depuis l’année 2000, les ministères sociaux ont été conduits à prendre
en compte, dans leurs champs d’action respectifs, la multiplication de dérives
sectaires, qui visent le plus souvent des publics fragiles, en difficultés, marginalisés, et qui peuvent avoir besoin de protection.
Compte tenu de la transversalité des problèmes rencontrés, ces ministères se sont dotés d’un dispositif commun de prévention et de traitement de
ces dérives. La circulaire DGAS n° 2000/501 du 3 octobre 2000, reprise et complétée par la circulaire n°DGAS/2A/2006/241 du 1er juin 2006, en a déterminé
le cadre juridique et les modalités de fonctionnement. La Direction générale
de l’action sociale en assure la coordination.
202
MIVILUDES
▼
Pour l’essentiel, les actions développées en 2007 ont porté sur la question des dérives sectaires dans le champ de la santé et des dérives liées aux
pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique (PNCAVT). Ces actions
trouveront dans les prochains mois des prolongements spécifiques dans le
champ médico-social et dans celui de la formation des professionnels de ce
secteur. Des travaux ont déjà été engagés sur certaines méthodes développées
dans le domaine du handicap mental. Des actions relatives aux dérives liées aux
PNCAVT seront conduites dans le champ de la formation professionnelle.
●
État des lieux
Des organisations à caractère sectaire toujours présentes
Les organisations à caractère sectaire sont toujours présentes dans les
champs d’activité des ministères sociaux. Au-delà de leurs pratiques propres et
de leurs actions de recherche d’adeptes, les organisations à caractère sectaire
ont renforcé en 2007 leurs offensives à l’encontre de l’État. Ces dernières ont,
pour la plupart, fait suite au rapport de la Commission d’enquête parlementaire (décembre 2006), publié par la Documentation française sous le titre :
L’enfance volée : les mineurs victimes des sectes.
Les services concernés ont particulièrement été confrontés à des
demandes de communication de documents administratifs, émanant en particulier des Témoins de Jéhovah, mais aussi d’associations relais de l’Église
de Scientologie. Ces demandes ont porté principalement sur les subventions
accordées par les ministères sociaux aux associations exerçant leur activité dans
le champ de l’aide aux victimes d’organisations à caractère sectaire.
Dans le champ de la psychiatrie, l’Église de scientologie est particulièrement présente par le biais de deux organisations qui en émanent (la
Commission des citoyens pour les doits de l’homme [CCDH] et le Collectif des
médecins et des citoyens contre les traitements dégradants de la psychiatrie)
qui se réclament agir en tant qu’organismes de défense des droits de l’homme.
Elle dénonce régulièrement (sous forme de manifestations, pétitions, brochures), notamment l’utilisation des électrochocs, la prescription de Ritaline aux
enfants et l’augmentation des «internements sous contrainte» et demande à
être destinataire de données de nature administrative.
A titre d’exemple, la campagne nationale contre la dépression pilotée
par l’INPES et lancée par la ministre en octobre 2007 a été l’objet de nombreuses attaques.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Ainsi le 15 décembre 2007 des manifestations ont été organisées
à Paris et en province par le docteur Jean-Philippe Labrèze, président de la
Commission des citoyens pour les droits de l’homme. Les effets néfastes supposés de cette campagne (surconsommation d’antidépresseurs, aggravation du
risque suicidaire, actes violents en référence aux tueries de Columbine aux
USA et de Jokela en Finlande) ont été relayés par de nombreux parlementaires
dans des questions écrites adressées au gouvernement. Or la campagne contre
la dépression vise à un bon usage des médicaments en limitant la prescription d’antidépresseurs aux seules personnes pour lesquelles, après une analyse bénéfice-risque rigoureuse conforme aux recommandations éditées par la
Haute Autorité de Santé et l’AFSSAPS, ceux-ci peuvent être utiles.
Activités administratives 2007
203
De plus, et comme chaque année, la CCDH demande communication
des rapports annuels des commissions départementales des hospitalisations
psychiatriques, instances légales indépendantes chargées d’examiner la situation des personnes hospitalisées au regard du respect des libertés individuelles
et de la dignité des personnes. En outre, en 2007, la CCDH a redemandé copie
des pages des registres des établissements de santé accueillant des malades mentaux hospitalisés sans leur consentement, où sont consignées les dates des visites
effectuées par les autorités chargées de les visiter (préfet, juge d’instance, président du tribunal de grande instance, maire et Procureur).
Des dérives très préoccupantes liées aux pratiques non conventionnelles
à visée thérapeutique (PNCAVT) exercées en milieu sectaire et hors de
celui-ci
A côté des organisations à caractère sectaire connues et combattues
depuis longtemps, de multiples micro-structures envahissent depuis quelques
dizaines d’années le champ de la santé et le secteur médico-social, en proposant des pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique (PNCAVT) ainsi
que des formations à ces pratiques. Ces PNCAVT, qui n’ont reçu aucune validation scientifique, se développent en marge du système de santé et présentent
un certain nombre de risques et/ou de dérives qui comportent de nombreuses
similitudes avec les dérives sectaires : fondement ésotérique ou mystique, attachement aveugle au fondateur-promoteur de la méthode, modes d’organisation en réseau, modes de diffusion des pratiques, fonctionnement commercial
par étapes de plus en plus coûteuses pour les usagers, prosélytisme… Certaines
des PNCAVT sont exercées dans des milieux sectaires, d’autres en-dehors.
Les PNCAVT se présentent le plus souvent comme inscrites dans une
recherche de bien-être, de confort de vie au quotidien, de quête d’un « développement personnel ». Elles mettent en avant les bienfaits de la « nature » et
des sources d’énergie que celle-ci prodigue. Les PNCAVT, dont les contenus
et les appellations sont multiples et mouvants, sont issues le plus souvent des
mêmes inspirations d’origine néo-orientale (Chine et Inde en particulier) ; la
plupart d’entre elles sont calquées sur des idéologies et des pratiques qui se
sont d’abord développées en Amérique du Nord au sein de la mouvance dite
« New Age ».
A cette offre de PNCAVT répond un fort engouement d’un public
en quête de réponses sur des questions de santé. Cet engouement est abondamment relayé dans les médias. Les personnes fragilisées par la maladie, le
handicap, la marginalisation, sont particulièrement exposées aux agissements
d’illuminés, de charlatans, d’escrocs, au risque d’une aggravation de leur état
de santé, parfois au risque de leur vie.
204
MIVILUDES
▼
Les dérives liées aux PNCAVT et la nécessité d’informer et de protéger
les personnes qui y ont recours, ont conduit le ministère de la Santé, de la
Jeunesse et des Sports à établir un rapprochement pragmatique entre sa lutte
contre les dérives sectaires dans le champ de la santé et celle contre les dérives
liées aux PNCAVT, qu’elles soient ou non exercées en milieu sectaire. Dans
cette dynamique, une distinction doit être faite entre les PNCAVT qui sont
exercées sans déborder un objectif de bien-être corporel et psychique, et celles, plus préoccupantes, qui avancent des allégations thérapeutiques douteuses
et proposent des traitements susceptibles de relever de l’exercice illégal d’une
profession de santé et de la mise en danger de la santé de leurs utilisateurs.
Les dérives liées à certaines PNCAVT sont les suivantes
• Des dérives financières et commerciales
Les personnes ou micro-structures qui exercent des PNCAVT travaillent
souvent en réseaux. Le patient et sa famille peuvent devenir captifs de ces formes d’organisation et des individus qui les promeuvent. Ces organisations se
multiplient habituellement par un effet d’essaimage. Chaque personne formée
personnalise plus ou moins le dogme et la pratique qui lui ont été transmis,
puis les labellise et les vend à son tour en devenant praticien-formateur, prosélyte d’une PNCAVT et, parfois, de plusieurs.
L’ampleur actuelle de l’offre de traitements, d’accompagnements
divers et de formations, sous couvert de « développement personnel », constitue désormais un vaste marché. Cette situation pose question d’une part parce
qu’elle risque de mettre en péril, sur le plan financier, des patients déjà fragiles
par ailleurs et, d’autre part, parce que des fonds de l’assurance maladie ou de
la formation continue sont utilisés dans le cadre de ce marché.
• Des compétences douteuses hors de tout fondement scientifique et de tout
système de validation reconnu
L’absence de fondement et de validation scientifiques des PNCAVT a
pour conséquence qu’elles sont pratiquées hors de toute réglementation visant
à en encadrer la formation et l’exercice. En quelques mois, quelques semaines,
voire quelques jours de formation, sont délivrés de prétendus diplômes, qui ne
sont ni reconnus par l’Éducation nationale, ni inscrits au Répertoire national
des certifications professionnelles (RNCP) ou dans le code de la santé publique,
et qui ne débouchent pas sur une qualification permettant d’exercer une profession reconnue sur le plan scientifique et sur le plan réglementaire. Il existe
également des formations longues (plusieurs années) tout aussi douteuses.
De plus, ces prétendues formations s’adressent à des personnes qui,
pour la plupart, n’ont aucun pré-requis en termes de connaissances médicales
ou paramédicales, et qui peuvent être implicitement orientées vers un exercice
illégal de la médecine ou de la pharmacie. Certains professionnels de santé
exercent, eux aussi, des PNCAVT, pouvant ainsi exposer des personnes aux
dérives et aux risques liés à ces pratiques.
• Un risque pour la santé physique ou mentale des utilisateurs
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Le recours à des PNCAVT peut comporter des dangers intrinsèques liés
aux produits utilisés et à la nature des traitements appliqués, et/ou des risques
de perte de chance au regard des résultats obtenus par la médecine conven-
Activités administratives 2007
205
tionnelle. Le recours à des PNCAVT comporte des risques majeurs lorsqu’il
induit des retards de diagnostic et/ou lorsqu’il amène des personnes malades
à interrompre leur traitement classique. Ces situations sont particulièrement
dramatiques en cas de pronostic vital.
L’exercice de PNCAVT ou le recours à ces pratiques, quand il s’accompagne de phénomènes d’emprise psychique, peut être à l’origine de déséquilibres mentaux et, parfois, de ruptures familiales liées à des confrontations destructrices entre des croyances et des pratiques divergentes.
Des risques graves pour les enfants
Les mouvements à caractère sectaire se situent dans un univers très
éloigné du fonctionnement actuel de la société, si bien que les particularités de
leur fonctionnement ne sont guère questionnées.
Les enfants, en particulier, peuvent être plus ou moins soustraits aux
dispositifs de protection de l’enfance et hors de portée de leurs missions. Dans
la dépendance d’adultes sous emprise, ils sont éduqués en tant qu’adeptes en
devenir. Les situations d’absence de déclaration à l’état-civil lors de la naissance
d’un enfant donnent un exemple de cette situation. Un enfant non déclaré
n’a pas d’existence publique. Dès lors, il n’est pas accessible aux dispositifs de
protection de l’enfance.
De plus, l’accès à ces dispositifs nécessite soit une démarche volontaire
des parents ou de l’un d’entre eux, en vue de recevoir un avis médical ou
social, soit un signalement auprès de l’autorité judiciaire quand un enfant est
repéré comme étant en danger, notamment avant l’âge de six ans.
● Un plan de lutte engagé par le ministère de la Santé,
de la Jeunesse et des Sports
Face aux préoccupations provoquées par la situation actuelle des dérives sectaires dans le champ de la santé et des dérives liées aux PNCAVT, le
ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports a engagé la mise en œuvre
d’un plan d’action signé le l8 mars 2007 par le ministre chargé de la santé.
La Direction générale de l’action sociale est chargée de la coordination
et de l’évaluation de la réalisation de ce plan. Le Directeur général de l’action
sociale a prévu à cet effet la mise en place d’un Comité de pilotage.
Objectifs du plan
206
MIVILUDES
▼
Le plan a pour objet la mise en œuvre progressive d’un outil de veille
permanent destiné à repérer et à examiner les dérives sectaires dans le champ de
la santé, et les dérives liées aux PNCAVT. Avec l’aide d’un groupe d’appui technique, la DGS et ses partenaires en la matière, procéderont à l’analyse des pratiques
les plus à risques en termes de danger ou de perte de chance pour leurs utilisateurs. S’il y a lieu, des actions en justice pourront être engagées. L’action de veille
s’exercera également sur les offensives sectaires qui entravent le fonctionnement
du système de santé, en vue de tenter de les contrer. Des dispositifs d’information
et de prévention en direction du public seront élaborés et mis en œuvre.
L’outil de veille sera prolongé par des actions de sensibilisation des
professionnels de santé aux dérives sectaires dans le champ de la santé et aux
risques liés aux PNCAVT. Une aide sera apportée aux professionnels de la
protection de l’enfance, dans la lutte contre les processus d’emprise psychique et contre leurs conséquences en termes de santé physique et mentale. Les
bureaux et les services d’inspection concernés seront incités à enquêter sur
d’éventuelles dérives sectaires ou thérapeutiques dans les champs de la santé
et de l’action sociale.
Le plan prévoit en outre la promotion de la recherche sur les phénomènes d’emprise psychique, et sur des réponses cliniques adaptées aux personnes sortantes de sectes, qui souhaitent ou qui nécessitent un accompagnement
psychologique.
Ces actions concernent les pratiques qui, faute de validation scientifique et de cadre règlementaire, ne peuvent bénéficier d’une quelconque caution des pouvoirs publics ni, à plus forte raison, s’en prévaloir.
Dans un souci de protection de la santé, d’information du public, et
d’optimisation du rapport bénéfice/risque, la DGS fait valoir la distinction
nécessaire entre :
– d’une part, les PNCAVT et les praticiens qui exposent leurs patients à des
dangers et/ou à des pertes de chances au regard des résultats obtenus par la
médecine conventionnelle ;
– d’autre part, les PNCAVT et les praticiens qui proposent des prestations diverses, en complément, le cas échéant, d’un traitement par la médecine conventionnelle, afin d’induire un mieux-être au quotidien, d’atténuer les douleurs et
l’inconfort subis par des personnes malades.
L’ensemble des initiatives du ministère vise, à terme, à permettre aux
usagers du système de santé d’exercer leur liberté de choix thérapeutique en
bénéficiant de l’information la plus complète possible sur le plan de l’efficacité
et de la sécurité.
Actions engagées par le ministère en 2007
Les principales actions engagées en 2007 dans le cadre du plan précité
sont les suivantes :
1) Six journées de sensibilisation aux dérives sectaires et thérapeutiques dans
le champ de la formation continue des fonctionnaires hospitaliers
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Six journées interrégionales de sensibilisation aux dérives sectaires
dans le champ de la santé et aux dérives liées aux PNCAVT, ont été conduites
entre juin 2006 et fin 2007 par l’Association nationale pour la formation permanente des personnels hospitaliers (ANFH), avec l’appui et la présence de
la MIVILUDES, de la Direction générale de l’emploi et de la formation pro-
Activités administratives 2007
207
fessionnelle, de la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins
(DHOS) et de la Direction générale de la santé (DGS).
L’objectif de ces journées était d’entretenir la vigilance des professionnels des établissements médicaux, sociaux et médico-sociaux au regard de l’évolution du paysage sectaire et de son entrisme dans le champ de la santé et de la
formation professionnelle. Ces journées ont permis la mise en perspective de
l’exercice de pratiques non éprouvées et des formations à ces pratiques, avec
l’exigence de qualité des soins, les questions de droit, de responsabilité, d’éthique. L’accent a été mis notamment sur la nécessité, pour les établissements, de
s’appuyer sur une méthode rigoureuse d’analyse de l’offre et de la demande de
formation, afin de contribuer à la sécurité des patients et des professionnels.
Chacune de ces journées a réuni en moyenne une soixantaine de personnes : directeurs d’établissements, chargés de formation, professionnels de santé,
membres des instances et des équipes de directions régionales de l’ANFH.
2) Un signalement aux autorités judiciaires, par le Directeur général de la
santé, d’une PNCAVT et de son créateur-promoteur
Un certain nombre de PNCAVT, dès le premier examen, s’avèrent relever du charlatanisme, voire de l’escroquerie, et paraissent transgresser le droit
commun (exercice illégal d’une profession de santé, mise en danger de la vie
d’autrui, publicité mensongère, escroquerie, abus de faiblesse…). Face à cette
situation, toutes les instances et tous les services concernés au sein de l’administration de la santé, sont habilités à procéder, sur la base de faits ou de présomptions suffisamment étayés, à des signalements auprès du Parquet.
Ainsi, au mois d’août 2007, le Directeur général de la santé, après un
minutieux examen du dossier par ses services, a adressé aux autorités judiciaires un signalement concernant le créateur-promoteur d’une PNCAVT qu’il a
considérée comme particulièrement préoccupante.
3) Suites d’une plainte de la DHOS aux autorités judiciaires, pour une situation d’usurpation de titre
Une plainte a été déposée en 2005 par la DHOS auprès des autorités
judicaires, pour usurpation de titre, à l’encontre du titulaire d’un diplôme de
docteur en philosophie (Ph.D), option cancérologie, délivré par un Institut
naturopathique canadien, mais n’ouvrant pas le droit d’exercer la médecine.
Le Conseil départemental de l’Ordre des médecins a demandé en 2007
à la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales concernée, de
diligenter une enquête en raison d’une nouvelle tentative d’installation de
cette personne en qualité de cancérologue.
4) Refus opposé par la DHOS aux demandes d’exercice de la médecine traditionnelle chinoise
208
MIVILUDES
▼
La DHOS a refusé de délivrer une autorisation d’exercice de la médecine
à une personne titulaire d’un diplôme de médecine traditionnelle chinoise, qui
se prévalait d’un protocole de recherche signé le 1er mars 2007 entre la France
et la Chine. Ce protocole est destiné à développer des travaux de recherche sur
l’intérêt scientifique éventuel de la médecine traditionnelle chinoise.
La DHOS a informé le demandeur que cet accord n’avait, en l’état,
aucune incidence sur la législation actuelle, et qu’il n’était pas autorisé à exercer les pratiques envisagées, sous peine de poursuites pour exercice illégal de la
médecine, en application de l’article L. 4161-1 du code de la santé publique.
5) Une aide méthodologique sur les risques encourus dans les mouvements à
caractère sectaire, destinée aux professionnels de la protection de l’enfance
Pour aider les professionnels en charge de la protection de l’enfance,
la Direction générale de l’action sociale a achevé en 2007 un guide, prévu dans
le plan d’action mentionné ci-dessus. Ce guide sera mis en ligne sur internet
début 2008.
6) Des études commanditées par la DGAS sur la méthode dite « Communication
facilitée », peu concluantes quant à son efficacité
La Direction générale de l’action sociale a commandité en 2007 des
études sur la prise en charge de l’autisme. Dans ce cadre, la méthode dite
« Communication facilitée » a été analysée. L’étude, réalisée par le Centre
régional pour l’enfance et l’adolescence (CREAI) de la région LanguedocRoussillon, indique que la Communication facilitée est une forme de pédagogie destinée, à l’origine, aux personnes ayant une infirmité motrice cérébrale
puis, également, aux personnes atteintes d’autisme.
Cette méthode consiste, pour le facilitateur, à soutenir la main ou le
bras du sujet afin de l’aider à utiliser un clavier d’ordinateur spécial qui est
censé lui permettre de s’exprimer en pointant des lettres et/ou des mots. Le
sujet devrait ainsi être en mesure d’améliorer sa socialisation et son autonomie. La communication facilitée est le sujet de nombreuses controverses et
critiques. A partir d’une analyse des travaux disponibles sur cette méthode,
l’étude du CREAI souligne une absence de contrôle expérimental rigoureux.
La majorité des études produites, les plus sérieuses au plan méthodologique,
concluent à l’inefficacité de la Communication facilitée. Quelques travaux, peu
rigoureux, la considèrent efficace.
●
Jeunesse, sports et vie associative
La cellule de vigilance
La cellule de vigilance « jeunesse, sport et vie associative » du MSJS, qui
comprend des représentants de l’inspection générale et des directions, s’est réunie
mensuellement pour faire le point sur les différents dossiers de chaque Direction.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Elle a procédé à trois auditions :
– un représentant de la Direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice, chargé d’instruire les dossiers relatifs aux dérives sectaires ;
Activités administratives 2007
209
– le chargé de mission sur les dérives sectaires affecté à la Direction générale de la santé (coordination dans le cadre de la nouvelle configuration du
ministère) ;
– et enfin les deux inspecteurs du ministère de l’Éducation nationale chargés
des questions de dérives sectaires. Cette dernière audition a permis d’étudier les
moyens de mise en œuvre des recommandations du rapport de la Commission
d’enquête parlementaire de décembre 2006, de telle façon que les deux ministères puissent coordonner leurs actions de protection, formation et information au profit de la jeunesse.
Enfin, des représentants de la cellule ont participé aux groupes de travail sur les maltraitances (dont les dérives sectaires) organisés par la Direction
des sports, en vue de la formation-information des cadres techniques sportifs
(voir plus loin).
Actions des services
• Domaine du sport
Les arts martiaux
L’année 2007 a été marquée par une attention particulière portée par
les agents des Directions régionales et départementales sur les pratiques relevant des arts martiaux, pouvant parfois faire l’objet de dérives dans certains
contextes particuliers, isolés des structures fédérales.
La Direction de la vie associative, de l’emploi et des formations
(DVAEF) a d’abord publié une instruction relative à la situation des arts martiaux (instruction 07-026 du 5 février 2007). Ensuite, un recensement opéré
par les services a identifié 175 pratiques ou styles différents « s’apparentant » à
des disciplines d’arts martiaux. Seule une quarantaine d’entre elles était alors
rattachée à des fédérations délégataires ou agréées.
Différentes démarches ont été entreprises pour organiser des regroupements cohérents. Outre les quatre fédérations « unisport » agréées et délégataires, d’autres disciplines ont choisi d’intégrer des fédérations sportives
« multisports » et affinitaires : elles font l’objet d’une attention particulière de
la part des services du MSJS et d’échanges d’informations accrus avec les organes fédéraux locaux concernés. à cet égard, un certain nombre de cas ont été
signalés en Languedoc-Roussillon et en Rhône-Alpes, s’agissant de pratiques
suscitant l’interrogation et susceptibles d’entraîner des désordres médicaux voire psychologiques dans des cas d’emprise- plus ou moins importants chez
les pratiquants.
210
MIVILUDES
▼
Dans un contexte général de prévention -physique et psychologique- la
vigilance des services a été appelée sur les formes de pratique organisées hors du
cadre fédéral et en toute clandestinité. En effet, dans certains cas, l’obligation
de déclaration en tant qu’établissement d’activité physique et sportive (APS)
n’est pas respectée, ce qui constitue non seulement une infraction pénale mais
peut également conduire à la fermeture de l’établissement.
Le « coaching »
La question du « coaching » est actuellement étudiée attentivement dans
tous ses aspects. Elle nécessitera vraisemblablement l’intervention des pouvoirs
publics pour un cadrage de ces nouvelles formes d’intervention auprès des
publics sportifs.
• Domaine de la jeunesse et de l’éducation populaire
La Direction de la jeunesse et de l’éducation populaire (DJEP) a poursuivi une veille active sur les dérives sectaires dans tous les domaines de sa
compétence et notamment dans celui des accueils collectifs de mineurs, avec
ou sans hébergement. Les signalements de risques de dérives sectaires reçus
des services déconcentrés (Directions régionales et départementales), d’associations ou de parents ont été analysés.
Séjours de vacances
En juillet 2007, suite à une plainte déposée à la gendarmerie par un
jeune participant à un séjour organisé à Bains-les-Bains (Vosges) par le « centre
culturel turc de Nancy », une inspection de la Direction régionale a été diligentée sur le lieu du séjour et a conduit à la fermeture d’urgence de l’accueil, par
arrêté préfectoral, pour préserver « la sécurité morale des enfants ».
Par ailleurs, la Direction départementale de l’Isère a procédé en
juillet 2007, conjointement avec les services de la gendarmerie et la direction
des services vétérinaires, à une inspection d’un séjour organisé par une association sportive franco-turque. Les activités de ce centre portaient essentiellement
sur un enseignement religieux et les pratiques afférentes. Malgré les insuffisances du projet éducatif et la pauvreté de l’animation, les visites n’ont pas conclu
à l’existence d’une dérive sectaire.
Expertises de fond
• Un DVD de prévention contre les violences sexuelles faites aux
enfants, intitulé « Dire Non » et produit par une association, a été soumis à
la Direction pour une expertise du contenu, compte tenu de son sujet. Après
enquête sur l’association et analyse des films, ce support de sensibilisation a été
considéré comme ne présentant aucun signe de dérive sectaire.
• La DJEP a été sollicitée sur un séminaire européen organisé en
novembre 2007 à l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire
(INJEP) par une association membre d’une organisation internationale dont le
siège est situé aux USA. Après renseignements pris auprès de l’UNADFI, cette
association a été considérée comme étrangère au phénomène sectaire.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
• Une Direction régionale a demandé l’avis du ministère sur une
structure associative soupçonnée d’intégrisme radical. Contact pris auprès de
la MIVILUDES, il a été conseillé au demandeur de se rapprocher du ministère
de l’Intérieur (Bureau des cultes).
Activités administratives 2007
211
• En avril 2007, l’attention de la DJEP a été appelée sur un raid pédestre effectué en groupe, conduisant les participants de l’Aude à Paris, par étapes,
de février à mai 2007. Une enquête a été menée par la Direction départementale de l’Aude, laquelle a conclu au caractère non sectaire de l’organisateur.
Actions locales
Les correspondants départementaux « dérives sectaires » du ministère
(partie Jeunesse, Sports et Vie associative) participent aux réunions des commissions pivots installées en 2006 auprès des préfets.
• Domaine emplois et formations
La rénovation des diplômes et des formations dans le champ de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport prévoit un référentiel professionnel et de certification. Dans toutes les spécialités et/ou mentions du niveau IV
(Brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport),
du niveau III (Diplôme d’État de la jeunesse, de l’éducation populaire et du
sport) et du niveau II (Diplôme d’Etat supérieur de la jeunesse, de l’éducation
populaire et du sport) l’accent est mis sur le respect de l’intégrité physique et
morale des personnes.
Pour les diplômes BAFA 3 et BAFD, les travaux de rénovation des dispositifs réglementaires se sont achevés en 2007. Ils visent à réaffirmer les compétences nécessaires pour veiller au respect de l’intégrité physique et morale des
mineurs. Pour les directeurs (BAFD), les volets partenariat et communication
ont été renforcés, en prévoyant explicitement une communication autour des
intentions éducatives et une diffusion régulière de l’information auprès des
candidats et des familles.
Par ailleurs, une instruction de 2007 a rappelé les services au respect
des dix critères d’habilitation d’un organisme de formation qui peuvent permettre d’identifier d’éventuelles anomalies à caractère sectaire.
• Expertise juridique : la communication des documents administratifs
Au cours de l’année 2007, les « associations » habituelles, liées notamment à l’Église de Scientologie, ont continué d’interroger le Ministère, en utilisant les dispositions de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 (modifiée par l’ordonnance n°2005-650 du 6 juin 2005) qui instaurent et organisent la liberté d’accès
aux documents administratifs et la réutilisation des informations publiques.
L’association « Éthique et liberté » et le « Comité français des scientologues contre la discrimination » ont demandé au Ministère la communication
de documents concernant l’UNADFI et le CCMM, associations dont l’objet est
de venir en aide aux victimes de dérives sectaires.
212
MIVILUDES
▼
- Brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur
Les deux organismes ont chacun demandé la communication d’un dossier sur les associations précitées, portant globalement sur l’agrément, l’administration de ces associations ainsi que le concours apporté par le ministère.
En outre, s’agissant d’une demande de communication d’instructions
ministérielles faite par l’association « Éthique et liberté », la CADA a émis un
avis défavorable.
Formation des agents du ministère
Dans le cadre du plan national de formation ministériel 2007, deux
stages ont été organisés au profit d’une quarantaine d’agents, et notamment
des correspondants départementaux chargés du dossier « dérives sectaires ».
Un troisième stage a été organisé dans le cadre du plan de formation de l’administration centrale, pour vingt agents.
De plus, cinq agents ont participé à la formation organisée par l’École
Nationale de la Magistrature en novembre 2007.
Formation sur les maltraitances
Rapport au Premier ministre 2007
▼
L’année 2007 a également été marquée par la définition d’une formation à destination des cadres techniques sportifs en vue de les sensibiliser
aux divers problèmes rassemblés sous le vocable générique de « maltraitances »,
qu’il s’agisse d’incitation à des conduites addictives ou au dopage, de harcèlement ou de violences sexuelles, liés ou non à des dérives à caractère sectaire.
La mise en œuvre de ce dispositif débutera de manière expérimentale dès les
premiers jours de 2008.
Activités administratives 2007
213
Conclusion
La phrase que prononcent le plus souvent les victimes des mouvements
sectaires, qu’il s’agisse d’anciens adeptes ou des familles de personnes encore
sous influence, rappelle une fable bien connue : « c’est la lutte du pot de terre
contre le pot de fer ».
En 2007, les interlocuteurs de la MIVILUDES l’ont dit des dizaines de
fois. Pour bien faire passer un message: l’État ne peut pas, l’État ne doit pas
se désintéresser de la lutte contre des mouvements qui déploient des moyens
considérables pour pouvoir se livrer, en toute impunité, à leurs activités malfaisantes. L’État doit informer, prévenir, sanctionner. L’État manquerait à ses
devoirs en s’en remettant à la seule sphère privée.
Mais comme lobbying, désinformation, poursuites judiciaires, intimidation, manipulation constituent les méthodes quotidiennes de ces groupes,
le risque est réel que, après les victimes qui renoncent à saisir la justice, l’État
s’interroge sur la légitimité de son action.
Et ce risque sera d’autant plus grand que l’on se laissera entraîner sur
le terrain de prédilection des groupes sectaires et de leurs prête-noms, à savoir
le terrain religieux, car ainsi, le débat sera faussé à coup sûr. Avec deux siècles
de culture républicaine et un siècle de laïcité, la liberté de conscience n’est
pas menacée dans notre pays. Chacun respecte la croyance de l’autre ou sa
non croyance. L’esprit de tolérance qui prévaut aujourd’hui rend caduques les
stéréotypes du début du vingtième siècle.
Les groupes à caractère sectaire, toujours prompts à surfer sur une
vague qu’ils estiment porteuse, se parent aujourd’hui du titre d’église, sans
doute parce que cela présente de sérieux avantages sur le plan fiscal, mais plus
encore parce que cela rassure les futurs adeptes et surtout parce qu’ainsi, de
bourreaux, ils deviennent des victimes, les victimes d’une inacceptable intolérance d’État contre la liberté de pensée, d’une chasse aux sorcières crédibilisée
par le discours aujourd’hui bien rôdé des atteintes aux minorités de conviction
ou aux nouvelles spiritualités….
Ne nous laissons pas leurrer et ne nous trompons pas de victimes ! Le
pot de fer cogne toujours sur le faible, sur le pot de terre, mais il cogne également toujours sur le naïf qui a cru bon, souvent de bonne foi d’ailleurs, de
voler à son secours, en entendant ses hurlements !
Le présent rapport a pour but d’attester de la volonté sans faille de la
MIVILUDES, sous l’autorité du Premier ministre, de remplir toutes les missions que lui a fixées son décret constitutif, de répondre à l’attente toujours
exprimée par le Parlement, de servir de modeste écran entre ce «pot de fer» et
ce «pot de terre».
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Activités administratives 2007
Paris, décembre 2007
215
Annexes
Témoignages
Témoignage d’une maman et mamie.
Fin 1999, mon fils de 33 ans -préparant un doctorat de biologie- commence à parler de traumatismes qu’il aurait subis dans sa petite enfance pour
aboutir quelque temps après à des accusations d’inceste qui impliquaient toute
la famille (père, mère, grand-père, oncles, tantes…)
Je ne m’inquiète pas trop dans la mesure où la jeune fille avec laquelle
il vit venait de quitter la région « pour se mettre à l’abri de son père et de son
grand-père » qu’elle accusait également d’inceste.
Début 2000, il se rapproche de sa sœur, la harcèle de « souvenirs »
qu’elle aurait « occultés » et l’entraîne chez la cristallothérapeute qu’il fréquente depuis plusieurs années.
En octobre 2001, à raison de deux séances de 2 heures par mois, ma fille
porte les mêmes accusations que son frère. A son tour, elle coupe les ponts avec
tous ceux qui ne la croient pas (famille, belle-famille, amis, connaissances…).
En septembre 2002, ma fille accuse également son mari d’attouchements
sur ses enfants et quitte le domicile conjugal avec leurs trois petites filles mineures de 10, 8 et 6 ans.
La justice est saisie : les enfants sont placés dans un foyer de la DDASS,
expertises, procédure judiciaire etc…
En octobre 2004, après deux années de procédure judiciaire, tous les
accusé sont blanchis et les enfants confiées à leur père, leur mère ayant une
obligation de soins psychiatriques.
Pendant toute la durée de l’instruction, mon fils a quitté la France.
Nous n’avons jamais su où il était allé s’installer.
Nous n’avions plus eu de contact ni avec mon fils, ni avec ma fille.
Lorsque les enfants ont été confiées à leur père, fin 2004, la plus grande
âgée de 12 ans, a refusé de retourner chez son père ; elle est restée au foyer
pour l’enfance, mais y a fait de nombreuses fugues, tout comme au collège, elle
voulait retourner chez sa Maman.
Pour faciliter les choses, je me suis installée à Nancy, près de mon gendre et de l’autre Mamie afin de venir en aide à tout ce petit monde et pour que
les choses se passent le mieux possible.
Mon gendre, afin de redonner une certaine stabilité à sa petite, a préféré que celle-ci retourne chez sa Maman plutôt que de la voir malheureuse
loin de toute la famille.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Les choses semblaient se stabiliser de son côté et bien que nous n’ayons
plus de contact avec elle, nous étions contents de voir que cela allait mieux.
Annexes
219
Trois ans après, je peux constater que les choses ont évolué :
Mon fils est revenu en France, il est maintenant coach, il travaille sur la
mémoire de l’eau, fait des conférences…
Ma fille a refait sa vie mais les choses ne se sont pas arrangées.
Ma première petite fille, 16 ans, en conflit avec sa Maman est venue se
réfugier chez moi puis a préféré vivre seule dans un foyer de jeunes filles ; elle
y est depuis janvier 2008 et elle se plaît. Je la vois toutes les fins de semaine. Les
relations avec son Papa sont toujours tendues mais elle le voit à nouveau tout
comme elle a renoué avec son Papy.
La seconde, consciente de ce qui s’était passé avec la cristallothérapeute, refuse toujours de voir sa Maman, mais je me rends compte que depuis
qu’elle a 14 ans, elle n’est plus aussi fâchée contre sa Maman.
Elle est très mature et m’a fait un petit mot « de son cœur » pour mon
anniversaire que je vous joins.
Quant à la dernière, qui a maintenant 12 ans, elle entre en pleine crise
d’adolescence. Une quatrième naissance étant prévue chez sa Maman pour
fin 2007, elle a demandé à retourner vivre chez sa Maman, ce que son Papa a
accepté pour ne plus être en conflit.
Elle voit son Papa tous les quinze jours en week-end.
Elle vient tous les jours au collège à Nancy, par bus (sa Maman habite à
plus de 30 km de là). Elle part tous les jours à 7 heures du matin, change de bus
à mi-parcours pour arriver à son collège. Elle refait le même trajet le soir…
Comme elle est très fatiguée, elle devient vite énervée envers tout le
monde y compris sa seconde sœur.
Depuis ces accusations, toute la famille a vécu des moments terribles,
nous avons eu les uns et les autres des moments de découragements, mais avec
le recul et malgré tout ce que mes petites filles ont subi, je me dis qu’elles ne
s’en sortent pas trop mal et j’espère qu’avec le temps, elles iront de mieux en
mieux. Tout n’est pas gagné mais j’ai beaucoup d’espoir.
Ma p’tite Mamie,
Comment tout résumer dans une lettre qui sera sûrement très jolie
mais remplie de fautes…
On va commencer par le début tellement de souvenirs de quand j’étais
petite, quand j’y pense, t’es vraiment la meilleure mamie du monde.
Toujours là quand il faut, pour me réconforter, me dire les choses que
j’ai envie d’entendre et en plus au bon moment.
220
MIVILUDES
▼
Je grandis de plus en plus, passe de l’enfance à l’adolescence puis dans
quelques années l’âge adulte et tu es là pour m’aider, me conseiller etc…
Tu es bien plus qu’une simple Mamie, parce que nos moments passés
toutes les deux, nos discussions, nos câlins, nos bisous, nos engueulades… et
j’en passe, tu vois tout ça, bah c’est INDISPENSABLE.
Je te le dis pas assez mais sache que je t’aime. Oh ça, je t’aime énormément. Dans mon cœur, t’as une grande, grande part et tu la garderas toute
la vie.
Depuis 68 ans que tu fais partie de ce monde, 68 ans de vie, de joies, de
rires, de malheurs, de bonnes et mauvaises nouvelles, 68 ans que pour chaque
personne tu as fait du bien. Je serais capable de pleurer toutes les larmes de mon
corps que de penser pour toi jusqu’à la dernière heure, minute, seconde.
Il est bientôt 23 heures, je suis presqu’en train de pleurer et je sens plus
ma main mais s’il te faut une lettre pour que tu saches à quel point je t’aime
et je tiens à toi… alors je peux continuer toute la nuit. Je t’avais promis une
grande et belle lettre, j’espère que tu n’es pas déçue.
ma petite mamie, que rajouter de plus ? Je t’aime tellement tous les
côtés de toi je les ai aimés. Ton caractère fort, tes pâtes (miam, miam) à la bolognaise bien sûr, tes leçons de morale. Alors voilà, je te le redis, je t’aime.
Voilà Mamie de mon cœur
Je te fais plein de bisous et Bon Anniversaire
Je t’aime, si tu savais à quel point
Smak, je t’aiiiiiiime beaucoup trop…
Les faux souvenirs : une horreur.
Ma fille, étudiante en lettres modernes à Nantes rencontre son ami en
2003. Il a quinze ans de plus qu’elle, déjà marié, divorcé, père de trois enfants
dont deux confiés à la DDASS. Il est « artiste de rue… médium, tireur de cartes… », bref il n’a pas de situation régulière.
La liaison dure trois mois puis ils se séparent.
Au cours de cet été, ma fille nous annonce, à sa mère et à moi, qu’elle
a le souvenir d’avoir été victime d’un viol, elle avait environ 7 ans, un été, au
cours de colonie de vacances… Nous sommes effondrés de l’apprendre 15 ans
après… de n’avoir rien vu.
Elle échoue au CAPES de Lettres Modernes et nous informe fin 2003
qu’elle va suivre une 3e année de licence de psychologie. C’est son choix et
continue une thérapie sur son souvenir de viol.
Fin 2003, ma fille renoue avec son ami, quitte ses études et part avec
lui en Bretagne à l’aventure… Elle reconnaît que sa vie est mouvementée, elle
ajoute devant son prénom celui de Léa…
Rapport au Premier ministre 2007
▼
En 2004, elle se sépare de son ami, part au Brésil et retrouve des amis
qu’elle avait connus au forum social de Porto Alegre.
Annexes
221
Jusqu’à cette date, nos échanges sont réguliers, par mail. Elle nous
annonce sa grossesse… Nous l’aidons sa mère et moi, elle est seule, nous subvenons à ses besoins mais nous nous faisons beaucoup de soucis. Nous décidons
sa mère, son frère et moi de l’entourer au moment de son accouchement.
Début 2005, une petite fille est née. Elle nous prévient, nous l’entourons tous afin qu’elle ne se sente pas seule mais elle prévient également son
ami qui arrive au Brésil aussitôt.
A partir de ce moment, les choses se gâtent et ma fille m’indique par
mail que je ne verrai jamais ma petite fille, je l’ai violée lorsqu’elle était enfant.
Ils reviennent tous les trois en France, elle nous réclame de l’argent pour
vivre sa vie, que nous refusons. Commence alors pour tous les trois une vie
d’errance.
Fin 2005, ma fille porte plainte contre moi pour viol lorsqu’elle était
enfant.
Juin 2006, je suis emmené à la police, menottes aux poings, mis en
garde à vue. Je demande à être confronté à ma fille qui arrive le lendemain, et
à la suite de cette confrontation, je sors libre du commissariat… La plainte est
classée sans suite.
222
MIVILUDES
▼
Aujourd’hui, ma fille s’est séparée (définitivement ?) de son compagnon, nous avons à nouveau des échanges par mail, elle souhaite me revoir et
me présenter sa petite fille, je suis réticent… après une telle violence à mon
égard, je suis meurtri, toute la famille est meurtrie et j’ai demandé à ma fille
qu’elle veuille bien reconnaître le mal qu’elle nous a fait et qu’elle s’en justifie… A ce moment, je la reverrai… Il est clair qu’après de telles accusations,
nos relations ne seront plus jamais les mêmes, il n’est pas pensable de tirer un
trait sur de telles accusations.
Activités parlementaires : questions écrites
Au cours des quinze mois écoulés, jusqu’à la fin du mois de janvier 2008,
un peu plus de 70 questions écrites relatives à la problématique sectaire ont
été posées, dont une trentaine ont reçu réponse. Elles proviennent quasiment
toutes de l’Assemblée nationale. Près de la moitié d’entre elles, restées sans
réponse, sont devenues caduques du fait du changement de législature 1. Ces
statistiques montrent l’intérêt soutenu des Parlementaires pour ce sujet.
Un grand nombre de questions concerne la MIVILUDES ainsi que le
contenu de la politique de prévention et de lutte mise en œuvre contre les dérives sectaires, particulièrement dans le domaine de la santé et de l’éducation.
Ces dernières ne sont pas recensées ici, car les informations contenues dans les
réponses sont données dans la partie du présent rapport consacrée aux suites
de la commission d’enquête parlementaire, « L’enfance volée : les mineures victimes
des sectes ».
Nombre d’entre elles font suite au rapport annuel de la MIVILUDES
et au rapport de la Commission d’enquête parlementaire précitée, respectivement publiés en janvier et en décembre 2006.
Enfin, depuis le mois de décembre, le lancement de la grande campagne d’information du ministère de la Santé sur la prévention et le traitement
de la dépression a suscité quelques questions, à ce jour sans réponse, dont on
peut penser qu’elles ont été largement suggérées par un mouvement sectaire
international bien connu pour sa dénonciation de la psychiatrie.
Le lecteur trouvera ci-après une sélection de questions, dont les réponses, reproduites dans leur intégralité ou en extrait, présentent un intérêt
innovant :
MIVILUDES / Politique de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.
Services du Premier ministre
Question 2 : Une liste des commissions et instances consultatives ou
délibératives placées directement auprès du Premier ministre ou des ministères est annexée au projet de loi de finances. Ce document recense pour chaque
organisme son coût de fonctionnement, le nombre de ses membres et de ses
réunions. M. Jean Leonetti demande à M. le Premier ministre de lui indiquer
les raisons pour lesquelles la Mission interministérielle de vigilance et de lutte
contre les dérives sectaires instituée par le décret n° 2002-1392 du 28 novembre 2002 ne figure pas sur ce document public.
Réponse : (…) Elle (la MIVILUDES) ne figure en conséquence pas sur le document annexé au projet de loi de finances parce qu’elle ne constitue pas une instance
Rapport au Premier ministre 2007
▼
- 13e législature depuis le 20 juin 2007
- Question n° 8448 de M. Jean Leonetti, député des Alpes-Maritimes (JO : 29 janvier 2008)
Annexes
223
consultative ou délibérative, mais un service du Premier ministre, chargé de la coordination et de la mise en oeuvre d’une politique publique.
Compétences et budget
Question 3 : Les travaux de la Commission d’enquête de l’Assemblée
nationale relative à l’influence des mouvements à caractère sectaire sur les
mineurs ont particulièrement souligné le rôle central joué par la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES)
et ont débouché sur des propositions utiles, qui ne devraient pas manquer
d’être reprises par le Gouvernement, soit à travers des dispositions législatives, soit à travers des dispositions réglementaires ou par voie de circulaires.
Afin de compléter les informations contenues dans ce rapport, M. Jean-Pierre
Abelin demande à Mme la ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales de lui indiquer le nombre de saisines du Parquet aux fins de
signalement d’infraction pénales entrant dans le champ de ses compétences,
auxquelles a procédé la MIVILUDES depuis sa création, et le montant total des
crédits budgétaires qui lui sont alloués. En effet, comme le relève le rapport
de la Commission d’enquête, le budget de la Mission qui ressort de la lecture
des documents budgétaires ne donne qu’un aperçu de ses moyens, puisque
neuf membres de son personnel sont mis à sa disposition et les quatre autres
personnes qu’elle emploie sont rémunérées sur des crédits extérieurs à celle-ci.
Question transmise à M. le Premier ministre.
Réponse : La mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives
sectaires (MIVILUDES), instituée par le décret n° 2002-1392 du 28 novembre 2002, a
pour mission de lutter contre les agissements des mouvements à caractère sectaire qui sont
attentatoires aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales ou menacent l’ordre
public. Dans ce cadre, la MIVILUDES signale aux administrations compétentes les agissements des sectes portés à sa connaissance et, lorsqu’ils sont susceptibles de recevoir une
qualification pénale, les dénonce au Procureur de la République et en avise le ministre de la
Justice. À ce titre, elle a procédé, depuis 2005, à quarante et un signalements. Par ailleurs,
des réunions interministérielles sur les thèmes de l’enfance et de la santé sont régulièrement
organisées afin d’assurer la coordination des actions des pouvoirs publics en cette matière.
Les crédits budgétaires alloués à la MIVILUDES par les services du Premier ministre, sur
le programme 129 « Coordination de l’action gouvernementale », s’élèvent, pour l’année
2007, à 350 000 euros, dont 200 000 euros affecté au titre II « dépenses de personnels »,
à savoir 129 400 euros pour la rémunération des quatre emplois à temps plein relevant
des services du Premier ministre et 71 500 euros de crédits de collaboration.
Politique générale
Question : M. Michel Hunault 4 attire l’attention de M. le Ministre
d’État, ministre de l’Intérieur et de l’aménagement du territoire, sur la politique de lutte contre les sectes. Le Parlement à travers des commissions d’en-
224
MIVILUDES
▼
- Question n° 4127 de M. Jean-Pierre Abelin, député de la Vienne (JO : 8 janvier 2008)
- Question n° 106070 de M. Michel Hunault, député de la Loire-Atlantique (JO : 6 février 2007)
quête, mais aussi l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, ont largement contribué à sensibiliser l’opinion et à préconiser des dispositions pour
lutter contre les dérives sectaires dans un souci de protection des individus,
tout spécialement des jeunes. Or il s’avère que sous prétexte de manifestations, colloques, réunions publiques, certains mouvements sectaires utilisent
des associations-écrans parfaitement déclarées. C’est pourquoi, il lui demande
de publier officiellement en réponse la liste de l’ensemble de ces associationsécrans d’organisations sectaires, dont l’existence légale nécessite une déclaration et un agrément en préfecture et de préciser quelles actions entend mener
le Gouvernement pour sensibiliser la population, en particulier les jeunes, sur
le phénomène sectaire et dans un souci de respect de l’ordre public les mesures qu’il entend prendre pour interdire les sectes.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
Réponse : La publication de listes de mouvements à caractère sectaire n’a
jamais été pratiquée par les services de l’État. Le seul inventaire réalisé jusqu’à présent est
le fait de la représentation nationale, à l’occasion de la Commission parlementaire d’enquête sur les « sectes en France », constituée en 1995, et qui a permis de lister 172 associations, sans que toutefois ne s’attache à cette liste aucune conséquence juridique. Plus de
dix ans après, l’expérience montre qu’une telle liste ne permet pas d’assurer efficacement
l’action de l’État, même si elle a eu le mérite d’attirer l’attention de l’opinion publique.
Conformément à sa conception de la laïcité, exprimée par l’article 10 de la Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen de 1789, la République française ne saurait s’immiscer
dans les croyances auxquelles peuvent librement adhérer les personnes, mais se doit néanmoins d’assurer conjointement la protection de la liberté de conscience et celle de l’ordre
public, et notamment de protéger les personnes contre les dérives sectaires. Le respect de ces
exigences d’égale valeur rend délicate la lutte contre ces dérives par les pouvoirs publics.
Pour faire face à cette complexité, le Gouvernement a créé un dispositif interministériel
dont la coordination est confiée, depuis 2002, à la mission interministérielle de vigilance
et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES). En son sein, les administrations
contribuent à l’enrichissement de la connaissance des mouvements susceptibles de présenter des dérives sectaires, ou qui sont en lien avec eux, qu’il s’agisse d’associations,
de sociétés ayant un objet économique ou financier, ou d’autres formes de structures,
qui peuvent faire l’objet d’une veille, de contrôles et d’enquêtes de la part des différentes
administrations. C’est l’ensemble de ces structures qui doivent être prises en considération
dans le cadre de la mise en oeuvre de la politique publique de vigilance et de lutte contre
les dérives sectaires et ce, dans le respect des libertés publiques. Le ministère de l’Intérieur
et de l’aménagement du territoire, dont les services exercent une vigilance constante sur le
phénomène sectaire, apporte son concours à cette action coordonnée des pouvoirs publics,
tant au sein de la MIVILUDES qu’au sein des commissions départementales réunies
autour des préfets, dont l’existence a été consacrée par le décret du 7 juin 2006 relatif à
la réduction du nombre et à la simplification de la composition de diverses commissions
administratives. Outre les actions pénales qui peuvent être engagées lorsque des actes
répréhensibles sont constatés, la formation des personnels des différentes fonctions publiques et l’information du public, qui ont été considérablement développées par la mission
interministérielle en 2006, constituent des moyens de prévention et de lutte privilégiés
contre les dérives sectaires.
Annexes
225
Sectes et dérives sectaires
Question 5 : M. Francis Saint-Léger appelle l’attention de M. le
Ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de l’aménagement du territoire, au
sujet des activités sectaires dans notre pays. Il désire connaître les mesures mises
en oeuvre afin de contrôler les mouvements en question.
Réponse : Notre droit ignore la notion de secte. L’existence des mouvements
évoqués par l’honorable parlementaire s’inscrit donc dans le cadre de la liberté d’association et de la liberté de culte, libertés fondamentales ayant valeur constitutionnelle. Tant
qu’une association ne fait pas l’objet d’une dissolution administrative ou judiciaire, elle
peut exercer l’activité correspondant à son objet dans le cadre strict des lois en vigueur.
Cependant, si la République assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice des
cultes, elle ne peut tolérer les dérives constatées dans certains mouvements. Aussi l’action
des pouvoirs publics n’est-elle pas dirigée contre l’existence des sectes mais contre les agissements répréhensibles de certains de ces groupements. L’intitulé de la « Mission de lutte
et de vigilance contre les dérives sectaires » (MIVILUDES), instituée auprès du Premier
ministre par décret n° 2002-1392 du 28 novembre 2002, résume d’ailleurs la conception
des pouvoirs publics en la matière. Cette conception a également sous-tendu l’élaboration
de la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 qui vise à renforcer la prévention et la répression
des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales. L’objet de ce texte, conforme à la position exprimée par la Commission permanente
de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, n’est pas de combattre tout mouvement sectaire, mais bien de protéger davantage les individus, notamment les plus faibles
d’entre eux, et de lutter contre certains abus.
Recours aux critères de la dérive
Question : M. Alain Suguenot 6 appelle l’attention de M. le Garde
des Sceaux, ministre de la Justice, sur la lutte contre les sectes. Celle-ci est primordiale contre toute organisation qui s’avère dangereuse et endoctrinante
pour les individus, à des fins d’ailleurs très souvent financières. Cependant, il
faut être très prudent et ne pas tomber dans la stigmatisation systématique de
certains courants philosophiques ou religieux qui n’ont rien de sectaire mais
sont parfois considérés comme tels par certains qui ne les différencient pas des
sectes. II peut alors y avoir un risque d’atteinte à la liberté de religion ou d’opinion philosophique. Dans certains cas, cela peut même avoir des conséquences
au niveau professionnel. Aussi souhaiterait-il savoir si le fait d’appartenir à une
organisation répertoriée dans le rapport parlementaire annuel comme étant
une secte est susceptible de justifier des mesures de rétorsion de la part d’un
employeur privé ou de la part de l’exécutif d’une collectivité territoriale.
Réponse : Le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, fait connaître à l’honorable parlementaire que le recours à la liste des mouvements à caractère sectaire établie par
la Commission d’enquête parlementaire sur « les sectes en France », en 1995, doit être évité
226
MIVILUDES
▼
- Question n° 102246 de M. Francis Saint-Léger, député de la Lozère (JO : 6 février 2008)
- Question n° 101587 de M. Alain Suguenot, député de la Côte d’Or (JO : 3 octobre 2006)
au profit de l’utilisation de faisceaux de critères, tel que le Premier ministre l’a rappelé
par circulaire du 27 mai 2005. Par ailleurs, les principes garantis constitutionnellement
interdisent à quelque autorité que ce soit de porter un jugement de valeur sur les motivations des personnes qui adhèrent à des organisations. Toutefois, lorsque ces organisations
commettent des atteintes aux personnes et aux biens, il va de soi que l’autorité judiciaire
doit apporter une réponse déterminée aux dérives constatées.
Statut cultuel / fiscalité.
Question 7 : M. Pierre Morel-A-L’Huissier attire l’attention de Mme la
ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales sur le
fonctionnement des associations cultuelles régies par la loi de 1905. Leur
régime fiscal rend très difficiles les dons et legs, et plusieurs confessions ont
ainsi créé des associations régies par la loi du 1er juillet 1901 pour assurer leur
communication, leur formation, leur encadrement juridique, etc. Il serait envisagé d’aligner le régime fiscal des deux types d’associations, notamment pour
que les legs et dons puissent être perçus plus rapidement. Il serait également
question de créer un « rescrit cultuel », procédure qui permettrait à une association cultuelle d’interroger l’administration sur son aptitude à recevoir des dons
et legs. En conséquence, il la prie de bien vouloir lui indiquer si elle envisage
effectivement d’assouplir le fonctionnement des associations cultuelles régies
par la loi de 1905 et de lui préciser la teneur du « rescrit cultuel ».
Réponse : L’article 1er de l’ordonnance n°2005-856 du 28 juillet 2005, prise
sur le fondement de l’article 10 de la loi de simplification du droit du 10 décembre 2004
autorisant le Gouvernement à aménager par ordonnance le régime juridique des associations, fondations et congrégations, a mis fin au régime d’autorisation administrative
préalable des libéralités consenties à ces personnes morales pour lui substituer un régime
déclaratif assorti d’un pouvoir d’opposition de l’autorité administrative en cas d’inaptitude de l’organisme donataire ou légataire à utiliser la libéralité conformément à son objet
statutaire. Le décret n° 2007-807 du 11 mai 2007 relatif aux associations, fondations,
congrégations et établissements publics du culte et portant application de l’article 910 du
code civil ainsi que la circulaire du 1eraoût 2007 précisent les modalités d’application de
ce nouveau régime des libéralités. Les dispositions de l’article 910 du code civil, modifié
par l’article 1er de l’ordonnance précitée, précisent que le nouveau régime de déclaration des libéralités est applicable aux « fondations, congrégations et associations ayant
la capacité à recevoir des libéralités, à l’exception des associations ou fondations dont
les activités ou celles de leurs dirigeants sont visées à l’article 1er de la loi du 12 juin
2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant
atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales ». Cette capacité à recevoir
des libéralités a été accordée par le législateur à certaines catégories d’associations poursuivant un but exclusif dans des domaines bien délimités. Il s’agit des associations ayant
pour but exclusif l’assistance, la bienfaisance, la recherche médicale ou scientifique (art.6,
dernier alinéa de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association) et des associations ayant pour objet exclusif l’exercice d’un culte (art.19, al. 1er et 8 de la loi du
Rapport au Premier ministre 2007
▼
- Question n° 6299 de M. Pierre Morel-A-L’Huissier, député de la Lozère (JO : 22 janvier 2008)
Annexes
227
9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État). Il appartient donc à
l’administration de vérifier si l’association a bien la capacité à recevoir une libéralité et
si ses activités ou celles de ses dirigeants ne sont pas visées par l’article 1er de la loi du
12 juin 2001. À l’instar de la procédure dite de « rescrit fiscal » instaurée par l’article 1er
de la loi du 1eraoût 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations, afin de
permettre à tout organisme sans but lucratif qui a un doute sérieux sur sa capacité à bénéficier du dispositif fiscal applicable aux dons manuels prévu aux articles 200 et 238bis
du code général des impôts, de solliciter l’administration fiscale pour s’assurer de son droit
à délivrer des reçus fiscaux, la Commission de réflexion juridique sur les relations des
cultes avec les pouvoirs publics présidée par le professeur Jean-Pierre Machelon suggère,
dans son rapport remis au ministre de l’Intérieur en septembre 2006, que toute association puisse interroger de la même manière l’administration préfectorale sur sa capacité à
bénéficier des avantages liés au statut d’association cultuelle, en particulier dans le cadre
d’une donation ou d’un legs. La ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités
territoriales a mis en place un groupe de travail chargé d’étudier les suites à donner aux
préconisations avancées par la Commission précitée. Ce groupe examine actuellement,
avec une attention particulière et dans le respect du cadre juridique fixé par la loi du
9 décembre 1905, la question relative à l’examen, par l’administration, de la capacité des
associations à recevoir des dons et legs ainsi que toutes les autres suggestions faites par la
Commission. La ministre fera connaître les mesures visant à améliorer le fonctionnement
des associations cultuelles, au cours du premier semestre 2008, à l’issue des travaux du
groupe de travail.
Santé
Psychothérapeutes
Question : Mme Nadine Morano 8 attire l’attention de M. le Ministre
de la santé et des solidarités sur les attentes exprimées par le syndicat des psychologues en exercice libéral. Ses représentants visent entre autres à garantir
au public le niveau de compétence et de qualification des praticiens et à lutter
centre les dérives sectaires. Ils demandent ainsi que le titre de psychothérapeute sanctionne une formation universitaire de niveau mastère. Or le projet
de décret daté du 25 septembre 2006 ne semble pas répondre à leurs attentes
sur ce sujet. Elle souhaiterait connaître sa position sur ce sujet.
Réponse : L’article 52 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la
politique de santé publique a pour objectif d’offrir tant au public qu’aux professionnels,
qui en sont majoritairement demandeurs, une information sur la qualité et le niveau de
formation des professionnels usant du titre de psychothérapeute. Cet article prévoit, d’une
part, l’inscription de tous ceux qui font usage de ce titre sur un registre national auprès
du représentant de l’État de leur département. Cette inscription est de droit pour les médecins, les psychologues et les psychanalystes régulièrement enregistrés dans les annuaires
de leurs associations. D’autre part, dans le souci d’assurer à des patients vulnérables ou
présentant une pathologie mentale, une prise en charge de qualité, il prévoit le principe
228
MIVILUDES
▼
- Question n° 109977 de Mme Nadine Morano, députée de la Meurthe-et-Moselle, ainsi que nombreuses
autres questions ayant reçu la même réponse (JO : 6 mars 2007)
d’une formation théorique et pratique en psychopathologie clinique pour les personnes
faisant usage de ce titre, à définir dans un décret en Conseil d’État. Le projet de décret
d’application de cet article est en cours d’élaboration. Il a donné lieu à de nombreuses
réunions de concertation bilatérales ainsi qu’à trois réunions de concertation plénières,
regroupant l’ensemble des organisations professionnelles concernées : psychothérapeutes,
psychanalystes, psychiatres, psychologues, universitaires. Lors de ces réunions, un document de travail, qui pourrait servir de base au futur décret, a été présenté et discuté avec
les professionnels qui ont proposé un certain nombre d’amendements. Aujourd’hui, la
phase de concertation s’achève et les grandes orientations de ce projet de décret sont les
suivantes : la qualité des professionnels dépend du niveau de formation exigé, l’usage du
titre de psychothérapeute serait donc réservé aux professionnels ayant suivi une formation
de niveau mastère (exprimée en nombre d’heures théoriques et pratiques) sauf pour les
inscrits de droit, dont une grande partie a déjà un niveau mastère, enfin la formation
serait confiée à l’université. Le niveau de formation pour les médecins est encadré par
l’obligation qui leur est faite par le décret n°2005-345 du 14 avril 2005 pris en application de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie et la loi
n° 2004-208 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. Le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) a donné un avis favorable
lors de sa séance du 15 octobre dernier. Le projet de décret relatif aux conditions de
formation des psychothérapeutes devrait faire l’objet d’un examen par le Conseil d’État
très prochainement 9.
Service hospitalier – laïcité
Question : M. Jacques Remiller 10 appelle l’attention de M. le Ministre
de la santé et des solidarités sur les grandes difficultés rencontrées par un
nombre croissant d’hôpitaux dans la prise en charge des femmes enceintes de
confession musulmane. En effet, la presse nationale, courant septembre 2006
s’est fait l’écho de ce phénomène inquiétant, qui, bien qu’ancien, deviendrait
omniprésent dans l’univers hospitalier depuis ces deux dernières années. Avec
des agressions verbales ou physiques de la part de maris refusant de laisser leur
femme se faire examiner, les manifestations d’intégrisme musulman compliquent le travail des personnels soignants (...), les manifestations d’intégrisme
se posent quasiment tous les jours. Outre le fait que ce sont les personnels
hospitaliers qui sont confrontés à ces graves problèmes de façon continuelle
(avec toutes les questions de sécurité sanitaire, des patientes et des personnels,
que cela implique), c’est la dignité de la femme en France, ainsi que le principe
fondamental de laïcité qui régit notre République qui sont ainsi remis en cause
de façon maligne. Cela est intolérable et appelle de sa part la prise de mesures
fermes. Il lui demande donc de lui indiquer les mesures urgentes qu’il entend
prendre.
Réponse : L’attention du ministre de la santé et des solidarités est appelée sur
le respect du principe de laïcité à l’hôpital ainsi que sur les difficultés rencontrées par un
Rapport au Premier ministre 2007
▼
- L’examen par le Conseil d’Etat a eu lieu, mais le décret n’était toujours pas publié au 11 février 2008
10 - Question n° 108715 de M. Jacques Remiller, député de l’Isère (JO : 23 janvier 2007)
Annexes
229
nombre croissant d’établissements de santé dans la prise en charge de femmes enceintes en
raison de leur confession religieuse. Une circulaire du 2 février 2005 rappelle de manière
nette le principe fondamental de neutralité du service public hospitalier. Ce texte indique
également que dans les établissements publics de santé et les établissements de santé privés
participant au service public hospitalier, le libre choix du praticien par le malade doit se
concilier avec diverses règles telles que l’organisation du service ou la délivrance des soins.
En ce qui concerne l’organisation du service, le libre choix du praticien par le malade ne
peut aller à l’encontre du tour de garde des médecins ou de l’organisation des consultations, conforme aux exigences de continuité prévues à l’article L. 6112-2 du code de la
santé publique. En matière d’organisation des soins, le libre choix exercé par le malade ne
doit pas perturber la dispensation des soins, compromettre les exigences sanitaires, voire
créer des désordres persistants. Dans ce dernier cas, le directeur de l’établissement prend,
avec l’accord du médecin chef de service, toutes les mesures appropriées pouvant aller
éventuellement jusqu’au prononcé de la sortie de l’intéressé pour motifs disciplinaires en
application de l’article R. 1112-49 du code de la santé publique. Enfin, ce libre choix
du malade ne permet en aucun cas que la personne prise en charge puisse s’opposer à ce
qu’un membre de l’équipe de soins procède à un acte de diagnostic ou de soins pour des
motifs tirés de la religion connue ou supposée de ce dernier.
Iboga
Question 11 : Mme Bérengère Poletti attire l’attention de M. le Ministre
de la santé et des solidarités sur le rapport n° 3507, remis au Gouvernement
au nom de la Commission d’enquête relative à l’influence des mouvements à
caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique
et mentale des mineurs. Ledit rapport propose, dans le domaine de la santé
publique, d’inscrire l’iboga sur la liste de l’arrêté du 22 février 1990 modifié
fixant la liste des substances classées comme stupéfiants. En effet, l’ingestion
d’iboga, substance hallucinogène provenant d’un arbuste africain, est librement utilisée par certains mouvements comme traitement de la toxicomanie,
puisque cette substance est aujourd’hui en vente libre en France. Psychotique
et mortel, ce produit doit être inscrit dans la liste des substances classées comme
stupéfiants par l’arrêté du 22 février 1990 modifié. Aussi il lui serait agréable de
connaître, d’une part, la position du Gouvernement quant à cette proposition
et, d’autre part, dans quel délai il compte la mettre en oeuvre d’autre part.
Réponse : L’iboga est un arbuste de la famille des Apocynacées (Tabernanthe
Iboga) qui pousse dans les forêts équatoriales d’Afrique de l’Ouest, en particulier au
Gabon, au Cameroun et au Congo, où cette plante est utilisée à haute dose au cours de
rites initiatiques et religieux. La racine de cet arbuste contient une douzaine d’alcaloïdes,
dont l’ibogaïne. L’intérêt thérapeutique de l’iboga et de l’ibogaïne a été évoqué et étudié
notamment dans le traitement de la dépendance aux opiacés, à la cocaïne et à l’alcool
(États-Unis et Israël). Mais actuellement aucun intérêt thérapeutique n’a été démontré.
En France, cette plante est utilisée dans des activités de type « séminaires de revalorisation
de soi » et « voyage intérieur ». La plante iboga est disponible également sur internet, où
230
MIVILUDES
▼
11 - Question n° 116691 de Mme Bérangère Poletti, députée des Ardennes (JO : 20 mars 2007)
elle fait l’objet d’une promotion active, avec la possibilité d’obtenir d’importantes quantités. L’ibogaïne est un psycho-stimulant à faible dose. À doses plus élevées, elle est responsable d’hallucinations visuelles et auditives, parfois très anxiogènes et pouvant induire un
passage à l’acte suicidaire. La neurotoxicité de l’ibogaïne est démontrée chez l’animal par
l’observation d’atteintes du cervelet. Près d’une dizaine de décès liés à la consommation
d’ibogaïne ont été rapportés, en Europe et aux États-Unis, sans que leurs mécanismes de
survenue soient parfaitement élucidés. L’hypothèse d’une toxicité accrue des opiacés lors
de la prise concomitante de cette substance, et celle d’un dérèglement du système nerveux
aboutissant à des troubles du rythme cardiaque sont envisagées. Ces décès sont survenus
généralement plus de 20 heures après la prise d’iboga et sont parfois consécutifs à une
ingestion de faibles doses. En France, depuis 2002, une dizaine de cas de consommation
accompagnés notamment d’hallucinations, de bouffées délirantes, de crises d’angoisse,
ont été notifiés au réseau des centres d’évaluation et d’informations sur la pharmacodépendance (CEIP). En 2005, à la suite du premier décès identifié en France d’un homme
ayant consommé une infusion d’iboga, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a ouvert une enquête afin d’évaluer le potentiel d’abus et de
dépendance de cette plante. Les résultats de cette étude, confiée au CEIP de Lyon, ont été
présentés à la Commission nationale des stupéfiants et des psychotropes (CNSP) lors de
sa réunion du 19 décembre 2006. Compte tenu des effets neurotoxiques et des propriétés
hallucinogènes de l’iboga ainsi que la survenue d’intoxications aiguës conduisant à des
cas de décès, la CNSP a proposé, à l’unanimité des votes, d’inscrire sur la liste des stupéfiants : les plantes Tabernanthe iboga et Tabernanthe manu ; l’ibogaïne, ses isomères,
esters, éthers et leurs sels d’origine naturelle ou synthétique, et les préparations qui en
contiennent. En conséquence, une proposition d’arrêté ministériel est actuellement rédigée
par l’AFSSAPS, visant à modifier l’arrêté du 22 février 1990 fixant la liste des substances
classées comme stupéfiants 12.
Médecines dites non conventionnelles
Question : M. Jean-Marc Nesme 13 attire l’attention de Mme la Ministre de
la santé, de la jeunesse et des sports sur le rapport visant à améliorer la prescription des psychotropes chez les sujets âgés, rendu public récemment par la Haute
Autorité de Santé. Ce rapport prévoit pour 2008 et 2009 des programmes destinés
aux professionnels de santé ainsi que des campagnes de l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé sur le sommeil et sur le thème de l’anxiété et des
tranquillisants. Il lui demande si, dans le cadre de ces campagnes, une sensibilisation à des médecines dites non conventionnelles telles que la réflexologie plantaire, l’auriculothérapie, la phytothérapie, l’acupuncture ou encore l’homéopathie
pourrait être envisagée. En effet, ces médecines douces appréciées du grand public
pour leurs effets sur le sommeil et l’anxiété, sans effets secondaires, devraient pouvoir trouver toute leur complémentarité dans le cadre de ces actions destinées aux
sujets âgés. Il souhaite connaître son sentiment sur cette proposition.
Rapport au Premier ministre 2007
▼
12 - L’iboga a fait l’objet d’un classement au tableau B de la liste des stupéfiants, par arrêté du ministre de la
Santé le 12 mars 2007 (JO 25 mars 2007). Le rapport 2006 de la Miviludes avait signalé le risque sectaire lié à
son utilisation.
13 - Question n° 11215 de M. Jean-Marc Nesme, député de la Saône-et-Loire (JO : 29 janvier 2008)
Annexes
231
232
MIVILUDES
▼
Réponse : Hormis l’acupuncture et l’homéopathie, les pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique évoquées ne peuvent être exercées légalement en France,
sous peine de poursuites, notamment pour exercice illégal de la médecine, conformément
aux dispositions de l’article L. 4161-1 du code de la santé publique. En effet, ces pratiques n’ont pas été jusqu’à ce jour fondées sur des théories suffisamment étayées pour que
des études soient engagées à leur sujet avec les méthodes et les moyens des sciences actuelles
et avec les financements que de telles recherches impliquent. En conséquence, la validité
scientifique de ces pratiques n’ayant pas été établie, il n’apparaît donc pas opportun d’en
promouvoir l’utilisation.
Adresses et liens utiles
Les adresses des sites présentés ci-dessous contiennent un grand nombre de documents d’informations utiles. La MIVILUDES laisse à leurs auteurs
la responsabilité de leur contenu 1:
• L’Union nationale des associations pour la défense de la famille et de l’individu victime des sectes (UNADFI)
http://www.unadfi.com
• Le Centre de documentation, d’éducation et d’action contre les manipulations mentales (CCMM)
www.ccmm.asso.fr
Autres adresses utiles
• L’Association des faux souvenirs induits (AFSI)
Maison des associations du 13e arrondissement, 11 rue Caillaux, 75013 PARIS
• L’Association vie religieuse et familles
www.avref.asso.fr
• La Défenseure des enfants
http://www.defenseurdesenfants.fr
• La Fédération européenne des centres de recherche et d’information sur le
sectarisme
http://www.fecris.org
• Le Groupe d’étude des mouvements de pensée pour la prévention de l’individu (GEMPPI)
http://www.ifrance.com/sectes-info-gemppi/
• L’Institut National d’Aide aux Victimes Et de Médiation.
http://www.inavem.org
• Psychothérapie vigilance
http://PsyVig.com
www.prevensectes.com
www.zelohim.org
http://www.sos-therapires.org/
www.antisectes.net
Rapport au Premier ministre 2007
▼
- Liste non limitative
Annexes
233