Vers un nouvel espace intelligent
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Vers un nouvel espace intelligent
La viLLe 3.0 Vers un nouvel espace intelligent ? ALTRAN_KALISTE_CV_ok.indd 1 06/05/11 16:31 ALTRAN_KALISTE_CV_ok.indd 2 06/05/11 16:31 ALTRAN Leader européen du conseil en innovation et hautes technologies, Altran intervient depuis près de 30 ans auprès des acteurs majeurs des principaux secteurs d’activité : automobile, aéronautique, énergie, santé, services financiers, télécommunications etc. Le groupe rassemble 17 149 consultants dans le monde à travers 26 pays prioritaires. Il a généré un chiffre d’affaires de 1 436,7 millions d’euros en 2010. Sa maîtrise des technologies avancées et des processus d’innovation lui permet d’accompagner les entreprises dans leurs démarches de création et de développement de produits et services. Déclinées dès les phases de plan stratégique en matière de technologies nouvelles jusqu’aux phases d’industrialisation, ses offres couvrent cinq grands domaines technologiques : management de l’innovation, management de la performance, systèmes d’information, ingénierie mécanique, ingénierie systèmes et systèmes embarqués. Altran Telecoms & Media est le pôle d’expertise en télécommunications du groupe Altran. Pour en savoir plus : www.altran.com ALTRAN_KALISTE_PREZ.indd 1 06/05/11 16:42 ALTRAN_KALISTE_EDITO.indd 2 06/05/11 16:41 La ville 3.0 : un Monde nouveau à notre porte Méhand Guiddir CTO Altran TEM Les espaces physiques et numériques n’en finissent pas de converger : le numérique, substance invisible, irrigue progressivement notre monde réel, traite, connecte et propage une information foisonnante. L’information circule grâce à des systèmes embarqués miniaturisées de plus en plus invasifs, des chaînes de contrôle et de commande s’insinuant par capillarité jusqu’au cœur des objets. L’enveloppe physique de l’ordinateur se réduit désormais à l’interface avec son propriétaire et l’accompagne partout dans ses déplacements en ville, dans l’espace public et privé, lui assurant même une continuité d’échange avec le mobilier urbain, sa voiture ou son appartement. Vaste réceptacle de flux physiques d’information enchevêtrés et de réseaux interdépendants, la « ville intelligente » permet d’organiser de façon participative les transports en commun et intermodaux, de visualiser et de réguler le trafic routier en temps réel mais aussi d’anticiper les pics de consommation électrique et d’agir en conséquence. L’humain, désormais au centre du dispositif, voit ses activités relayées, scrutées, décortiquées, conseillées, modérées, partagées et enrichies par l’environnement des TICs qui l’entourent et l’imprègnent, lui procurant ubiquité et interactivité. Extension du champ du possible ou asservissement progressif à la machine ? Levier incontrôlable d’appauvrissement de l’expérience humaine ou vecteur de mutation, permettant enfin à la Technologie de livrer sa promesse au service du progrès de l’Homme ? Telles sont les questions que nous ne poserons pas directement, mais qui constituent un fil rouge discret, dans la toile de fond du décor de ce Monde nouveau, que nous vous invitons à parcourir ici. En vous souhaitant de passionnantes découvertes… ÉDITO Édito ALTRAN_KALISTE_SOM.indd 4 06/05/11 16:48 p. 3 Édito p. 5 Sommaire p. 7 Executive summary p. 10 L’état de l’art p. 11 p. 14 p. 21 Stéphane Schmoll - Deveryware La technologie pour bien vieillir Giovanni Ungaro - Groupe Legrand Tribune libre - La ville et la maison intelligentes p. 37 Tribune libre - Smart Grid, réseau intelligent Olivier Meulle et Chantal Vallet - Télécom SudParis Hossam Afifi, Vincent Gauthier et Marc Girod Genet - Télécom SudParis Les transports et leurs écosystèmes La mobilité connectée dans la ville Aurélien Clerc, Laurie de l’Éprevier et Olivier Picard - Pr[í]me p. 47 Tribune libre - L’éco-mobilité : nécessité écologique ou économique ? p. 51 Interview - Les systèmes de gestion du trafic Philippe Orvain - Nomadic Solutions Matthias Mann et Bernhard Scherer - PTV AG Les technologies intelligentes : des réponses aux défis du futur ? p. 60 p. 78 Tribune libre - Mythes et réalités de la géolocalisation dans la “ville connectée” p. 31 p. 42 p. 58 La ville communicante Nils Aziosmanoff - Navidis L’Homme au cœur de l’habitat et du logement p. 26 p. 40 État des lieux Vladimir Froment Les nouveaux services numériques urbains : entre avantages et risques p. 16 p. 24 SOMMAIRE Sommaire Applications et révolutions du eye-tracking Antoine Luu - Tobii Technology p. 69 Tribune libre - La vidéoprotection à la SNCF p. 75 Tribune libre - L’avènement des App Stores automobiles Conclusion André Santini Bertrand Taquin - SNCF Chris Wild - Altran Praxis ALTRAN_KALISTE_EXECUTIV.indd 6 06/05/11 16:41 EXECUTIVE SUMMARY Executive Summary Les Systèmes d’Information et les chaînes de contrôle/commande s’insinuent dans le tissu et les composants urbains, transformant progressivement la ville en un espace « intelligent » et interactif. Désormais, la ville-système génère et diffuse une grande quantité de données, qui sont à la racine de nouveaux bouquets de services visant à créer une valeur d’usage supplémentaire dans l’habitat, dans les lieux publics, dans les transports… La ville devient également un espace collectif de dialogue et de médiation, à la fois porteuse de nouvelles formes de citoyenneté et territoire de bouleversements socio-économiques. Afin de mieux appréhender les enjeux technologiques et sociétaux liés à ces évolutions récentes et à leur accélération, notre tour d’horizon s’articule autour des sujets suivants : La ville communicante Nils Aziosmanoff – Navidis La ville communicante est un défi politique et technologique majeur du siècle qui s’ouvre. Se superposant au territoire physique, les réseaux virtuels créent un nouveau paradigme spatial, dont l’impact sur l’économie et les sociétés est de plus en plus significatif. Une révolution sans précédent pourrait transformer radicalement le paysage urbain du XXIe siècle. Accroissant la mobilité des personnes, des biens et des informations, le numérique va façonner des hyper-lieux connectés en permanence à la media-sphère. L’essor des usages numériques, l’interopérabilité des systèmes, l’Internet des objets et le très haut débit, sont autant de signes avant-coureurs des profondes mutations qui transformeront probablement nos cadres de vie. été 2011 : kalisté ALTRAN_KALISTE_EXECUTIV.indd 7 7 06/05/11 16:41 Mythes et réalités de la géolocalisation dans la “ville connectée“ Stéphane Schmoll – Deveryware La géolocalisation est de plus en plus intimement intégrée dans les services du quotidien. Par exemple, en utilisant un smartphone, la localisation peut s’activer et envoyer l’information à des serveurs distants. Faut-il s’en réjouir ou s’en méfier ? La technologie pour mieux vieillir Giovanni Ungaro – Legrand Il est parfois difficile pour une personne âgée d’accepter l’idée d’être aidée, notamment par des technologies, car elle n’a pas toujours conscience d’en avoir besoin. Schématiquement, il s’agit d’une problématique liée à l’acceptabilité des solutions dans un marché où les clients et les prescripteurs ne sont généralement pas les utilisateurs finaux… L’analyse des relations entre ces acteurs aux différents niveaux de cette nouvelle chaîne de valeur, est déterminante pour la conception des technologies et typologies de services candidates… La ville et la maison intelligentes au service du handicap Olivier Meulle et Chantal Vallet – Télécom SudParis Labo Handicom Les TICs peuvent-elles apporter une réponse aux grandes problématiques de l’intégration sociale des personnes handicapées ? Intégrer le handicap dans la société passe par la prise en compte du « défi collectif » pour la création d’équipements pour tous… Smart Grid : réseau intelligent Hossam Afifi, Vincent Gauthier et Marc Girod Genet – Télécom SudParis Un réseau électrique Smart grid comprend un système de contrôle intelligent qui permet de suivre toute l’électricité circulant dans le système d’acheminement et l’événementiel qui motive tout changement de flux de puissance. Le Smart grid devient un instrument interactif sur le marché de l’électricité, prenant des décisions tarifaires en temps réel et en fonction de la consommation. La mobilité connectée dans la ville Aurélien Clerc, Laurie de L’Éprevier et Olivier Picard – Altran Pr[í]me Les TICs apportent désormais une nouvelle composante à la mobilité – la connectivité, qui résulte de l’association intime des flux d’information et des flux physiques. De nouveaux services visent à créer les passerelles nécessaires entre les différents modes de transport, afin de faciliter la planification « sans coutures » des trajets. Dans une approche systémique, l’infrastructure et les vecteurs de mobilité permettent de renouveler l’offre de services et d’information aux usagers. 8 kalisté : été 2011 EXECUTIVE SUMMARY L’éco-mobilité : nécessité écologique ou économique ? Philippe Orvain – Nomadic Solutions Tandis que le nouvel ordre financier mondial tarde à venir, la voie du développement durable sort renforcée de la crise, notamment dans les pays industrialisés. Une nouvelle organisation sociale basée sur l’ultra-communication est née de l’association des technologies TICs et de leurs nouveaux usages permettant un maillage collaboratif qui était impossible auparavant. Ceci devient un ferment d’évolution de nos usages, notamment en ce qui concerne la mobilité des personnes ou des marchandises. Les systèmes de gestion du trafic Interview de Matthias Mann et Bernhard Scherer, PTV AG Un acteur du domaine des solutions de gestion de trafic (TMS), aux confins des technologies actuelles, partage sa vision et ses projets, dont : • le démonstrateur du système de guidage par des mesures de gestion du trafic à Dortmund et Düsseldorf ; • les technologies clés requises dans l’architecture TMS ; • l’émergence des normes européennes en matière d’interopérabilité de ces systèmes. Applications et révolutions du eye-tracking Antoine Luu – Tobii L’eye-tracking est un outil privilégié de mesure pour reconstituer le parcours oculaire d’une personne et comprendre ainsi sa stratégie de prise d’informations visuelles. L’information qui découle du parcours visuel de l’usager sert aussi bien aux architectes pour agencer un bâtiment ou un espace, qu’au concepteur d’un portail informatique qui souhaite offrir au visiteur un cheminement rapide vers les « balises » visuelles qui sous-tendent l’ergonomie d’utilisation… La vidéoprotection à la SNCF Bertrand Taquin – SNCF Apparue à l’origine pour des motifs de sûreté dans les gares, la vidéo-intelligente de demain deviendra un facteur d’amélioration continue du service rendu au client. Dès 2006, des solutions Ethernet à très haut débit ont été adoptées par la SNCF sur une infrastructure dès lors évolutive, prête à s’interconnecter avec les partenaires internes ou externes des zones urbaines. La gare, lieu de développement urbain, réserve une place de choix à la vidéo intelligente pour améliorer la qualité, la performance et le renouveau du service en gare, tout en contribuant à inventer la mobilité de demain. L’avènement des App Stores automobiles Christopher Wild – Altran Praxis Les systèmes d’infodivertissement automobiles actuels sont relativement fermés et artificiellement appauvris pour des raisons de sécurité liées à la conduite des véhicules. Le concept d’App Store appliqué à l’automobile pourrait constituer une solution sécurisée, permettant l’ouverture technologique qui fait défaut aux systèmes actuels. été 2011 : kalisté ALTRAN_KALISTE_EXECUTIV.indd 9 9 06/05/11 16:41 L’état ALTRAN_KALISTE_CHAP1.indd 10 de l’art 06/05/11 16:37 État des lieux Pourquoi ne pas imaginer la ville du futur comme un espace de vie idéal ? Une citoyenneté forte dans un univers dense, ultra-connecté, écologique et sain. Dressons donc cette cartographie onirique, dans laquelle les toutes dernières technologies disponibles cohabitent… Depuis 2008, plus de la moitié de la population mondiale vit en ville. D’après les Nations Unies1, ce chiffre devrait grimper à 70 % en 2050 (86 %, pour les pays développés). Les mégapoles vont fusionner et former des « méga-régions ». Les villes de HongKong, Shenhzen et Guangzhou constituent d’ores et déjà la première d’entre elles, avec 120 millions d’habitants. D’autres exemples existent en Égypte : Le grand Caire, 77 millions d’habitants ; au Japon : Nagoya-Ozaka-Kyoto-Kobe, 60 millions d’habitants ; ou au Brésil : de São Polo à Rio de Janeiro, 43 millions d’habitants. Cet accroissement de la population citadine nécessite un aménagement des infrastructures de connectivité. Les nouveaux moyens d’accès à l’Internet (smartphones, tablettes via les hotspot publics, 3G et même déjà 4G dans certains pays) préparent le terrain. La fibre optique y jouera un rôle prépondérant. En France, des plateformes d’expérimentation sont développées (Neptune, pour le LTE) ou même déjà exploitées (THD, pour la fibre optique) pour permettre à des sociétés innovantes de créer les services de demain. Le télétravail participe à cet élan de construction d’une civilisation numérique. Les technologies sont déjà là : Webmail, VPN, Téléphone et PC portables. 1 State of the World’s Cities, éditions 2008/2009 et 2010/2011, United Nations - Habitat « Une citoyenneté forte dans un univers dense, ultra-connecté, écologique et sain. Les avantages sont tangibles : moins d’encombrements sur les routes, moins de CO2, moins de dépenses, moins de stress et de fatigue, pour une meilleure qualité de vie… Toujours sur le terrain professionnel, la vidéoconférence se répand au sein des grandes entreprises. Dans les salles de réunion spécialement aménagées, les systèmes haut de gamme proposent des restitutions visuelles et auditives très réalistes. La réalité augmentée et l’holographie pourraient été 2011 : kalisté ALTRAN_KALISTE_CHAP1.indd 11 11 06/05/11 16:37 « La véritable transition vers la ville connectée se fera progressivement, presque naturellement… transposer ce système vers d’autres dimensions, et vers un autre public : le prisme ViZoo est capable de reconstituer un sujet dans l’espace en 3D. Le Kinect de Microsoft – destiné initialement à l’univers vidéo-ludique, mais qui a été modifié par des hackers – permet à ses utilisateurs les plus créatifs de développer à moindre coût de nouvelles manières d’exploiter la réalité augmentée. Plusieurs dispositifs commerciaux basés sur cette technologie existent déjà. Par exemple, l’application Metro Paris 3.0 pour iPhone affiche la localisation d’une station de métro sur la capture video « live » de l’appareil et guide l’utilisateur pour s’y rendre. Le tout grâce à une combinaison de réalité augmentée et de navigation par satellite. La géo-localisation et les systèmes GPS sont d’ailleurs très présents dans notre quotidien et ouvrent de nouvelles possibilités. Le Machine-to-Machine (M2M) – vecteur majeur du développement des objets communicants – apporte un nouveau type de connectivité en s’intégrant aux nombreux systèmes de navigation existants. Un exemple concret : le TomTom HD Traffic, dont les données extraites depuis chaque terminal utilisateur sont combinées puis utilisées pour le suivi de la circulation et les prévisions d’incidents routiers. L’utilisateur obtient une information sur l’état du réseau routier quasiment en temps réel. Le RFID, que l’on ne présente plus, permet de suivre à la trace tout type d’objet. Depuis l’inventaire de 12 stocks jusqu’aux systèmes antivols, en passant par le suivi des colis : ses applications préparent le terrain aux réseaux d’objets intelligents. La technologie NFC (Near-Field Communication), dérivée du RFID, va encore plus loin. Dans ce cas, la puce est intégrée dans le téléphone ; après identification, elle ouvre l’accès aux services. Le projet « Nice : ville sans contact » en est une éloquente vitrine technologique. Le smartphone joue à la fois le rôle de moyen de paiement, de badge de transport en commun et de guide multimédia lors des visites de musées. Il existe plusieurs projets de villes explicitement « futuristes » : Masdar City à Abu Dhabi, Dongtan City en Chine, New Songdo City en Corée. Toutefois, ce type de projet reste exceptionnel, à vocation purement exploratoire. La véritable transition vers la ville connectée se fera progressivement presque 2 Top Seven Intelligent Communities of the Year 2011, classement fait par l’Intelligent Community Forum. kalisté : été 2011 ALTRAN_KALISTE_CHAP1.indd 12 06/05/11 16:37 « naturellement… Les grandes villes françaises ont lancé des réflexions et des projets pour anticiper ces changements : la Fabrique Toulousaine et la Communauté Urbaine de Bordeaux en sont quelques exemples. La ville d’Issy-les-Moulineaux (92), élue au titre de ville possédant une des meilleures stratégies de développement numérique2 au monde, affiche son ambition de construire la ville de demain. Désormais, la plupart des projets urbains tiennent compte de l’aspect écologique. Le développement des transports propres (train, tramway, métro) est d’ailleurs une des stratégies de développement proposées lors du Grenelle de l’Environnement. Par ailleurs, le déploiement des lignes ferroviaires à grande vitesse redessine les territoires économiques : en France, Lyon est devenu le « 21e arrondissement de Paris » grâce au TGV ; en Chine, le temps de trajet Wuhan/Guangzhou qui durait près de 10 h autrefois a été réduit à 3 h. Chaque nouvelle ville desservie impacte la structure de connectivité au niveau du système et chamboule les équilibres locaux. Au-delà des innovations issues de l’industrie, chaque citoyen peut contribuer à l’édifice numérique. Les réseaux sociaux et les initiatives communautaires (associations, projets libres de droit) Au-delà des innovations issues de l’industrie, chaque citoyen peut contribuer à l’édifice numérique. sont autant de ressources à même de rendre l’individu acteur du changement, en le faisant participer – à son échelle – aux activités qui l’entourent. Par exemple : « La Ruche », le réseau social local de la ville de Rennes destiné à promouvoir les interactions entre citoyens ; ou OpenStreetMap, ce projet libre de droit qui utilise les contributions de volontaires pour constituer une cartographie du monde à l’image des cartes IGN ; ou encore Noisetube, par SonyLab, qui transforme en micro d’ambiance le téléphone portable des membres de sa communauté, pour tracer une cartographie du niveau sonore dans les villes. Supportés par les réseaux de télécommunications, poussés par les innovations industrielles et les initiatives communautaires, des solutions se présentent pour interconnecter les systèmes et combiner les technologies, afin d’étendre le champ des services offerts au citoyen, et construire la ville 3.0. Dans cette ville devenue mégapole, la technologie ne sera plus simplement un outil aidant à la réalisation de tâches, elle sera partie intégrante de nos vies. À travers les réseaux d’objets intelligents, ce sont les modalités de communication et les rapports entre l’homme et la machine qui sont visés. « Sans contact », « eye-tracking » : des chemins se dessinent vers une interaction à distance. La rue pourrait devenir un véritable espace « ludique » où l’information serait livrée au citoyen suite à un simple regard en direction d’un restaurant ou d’un musée. Nécessairement durable et respectueuse de l’environnement, la ville connectée pourrait bien transformer le concept d’urbanisation tel que nous le considérons aujourd’hui, en lui substituant celui d’expérience citadine augmentée ? Continuons à rêver… Vladimir Froment été 2011 : kalisté ALTRAN_KALISTE_CHAP1.indd 13 13 06/05/11 16:37 Les nouveaux services numériques urbains : entre avantages et risques ALTRAN_KALISTE_CHAP2.indd 14 06/05/11 16:38 Nils Aziosmanoff Président Navidis Président de Navidis, éditeur de cartographie interactive multimédia qui figure parmi les leaders en matière de cartographie éditoriale 2D et 3D (www.navidis.com). Président du Cube, 1er centre de création numérique en France, établissement de la communauté d’agglomération Grand Paris Seine Ouest. Le Cube est un lieu pilote sur la scène internationale, en matière de nouvelles formes d’expression artistique liées à l’innovation technologique et aux usages numériques (www.lecube.com). Président d’Art3000, créé en 1988, association pionnière dans le domaine des arts numériques, qui a notamment édité la revue Nov’Art et organisé plus de 500 événements. Nils Aziosmanoff a également dirigé ISEA2000, le Symposium International des Arts Électroniques, événement de référence de la scène internationale. Ex musicien, Directeur du Conservatoire de Musique et de Danse de Jouy-en-Josas, il a enseigné la micro informatique musicale à l’Institut National de l’Audiovisuel (INA), ainsi qu’à l’Institut International de l’Image et du Son (IIIS). Lauréat du programme Challenge+ d’HEC, il a participé à la création de plusieurs entreprises de technologies innovantes et d’édition multimédia. Animateur des Rendez-vous du Futur, il accueille régulièrement des personnalités autour des enjeux de la société numérique : Jacques Attali, Claudie Haigneré, Joël de Rosnay, André Santini, Bernard Werber, Serge Tisseron, François Schuiten… Auteur de nombreux articles et études, chroniqueur à la Technology Review du MIT, et à Regards sur le Numérique. Expert en développement des usages numériques, il intervient régulièrement auprès de grandes entreprises et de collectivités. Nils Aziosmanoff est Chevalier des Arts et des Lettres. été 2011 : kalisté ALTRAN_KALISTE_CHAP2.indd 15 15 06/05/11 16:38 La ville communicante « La ville communicante est un des grands défis politiques et technologiques du siècle qui s’ouvre car elle pose la question de la capacité des individus à se mouvoir au sein d’espaces géographiques se prolongeant dans le continuum infini des réseaux. La réussite de ce maillage et notre capacité à inventer une « ville augmentée » sans exclusion, seront à n’en pas douter l’un des creusets de la citoyenneté numérique. Le sujet de la villeinterface ouvre un important champ de réflexion. D’ici quelques décennies, 80 % des habitants de la planète vivront dans les quelques 500 mégapoles recensées par les Nations Unies. Ces « villes mondes » structurent les échanges mondiaux, tel un réseau backbone constituant de véritables carrefours d’interconnexions à l’échelle planétaire. Mais ce phénomène devrait connaître de surprenantes évolutions avec l’irruption de plus en plus massive des technologies dans notre quotidien. Se superposant au territoire physique, les réseaux virtuels créent un nouveau paradigme spatial dont l’impact sur l’économie et les sociétés est de plus en plus significatif. Une révolution sans précédent devrait donc radicalement transformer le paysage urbain du XXIe siècle, portée par les effets conjugués de la mondialisation, des concentrations urbaines et des innovations technologiques. 16 Accroissant la mobilité des personnes, des biens et des informations, le numérique va façonner des hyper-lieux connectés en permanence à la mediasphère. L’essor des usages numériques, l’interopérabilité des systèmes, l’Internet des objets et le très haut débit, sont autant de signes avant-coureurs des profondes mutations qui transformeront nos cadres de vie. Si à l’ère des réseaux, comme le souligne l’économiste Jeremy Rifkin, « la valeur n’est plus le contenu mais l’accès aux contenus », les modes de vie du futur dépendront donc de plus en plus de la qualité du maillage entre le monde réel et la sphère virtuelle. La « ville interface » intègrera peu à peu dans ses murs, des écrans et des systèmes d’information, de reconnaissance et de localisation. Quelle que soit sa position géographique, l’individu sera le point de convergence de multiples services interactifs personnalisés. Plus que communicant, l’espace public sera « réagissant » en intégrant des technologies relationnelles lui permettant de dialoguer avec chaque individu. En Chine, les médias façades et écrans géants à LED envahissent déjà des mégapoles, comme celle de Shanghai, dont l’espace urbain prend l’allure d’un immense jeu vidéo. Aujourd’hui dévolus à la seule publicité, les displays numériques vont peu à peu intégrer de multiples contenus d’information, dotant ainsi la ville d’une « réalité augmentée » s’adaptant en flux aux besoins de chaque individu. Certains pointent le risque d’une « big brotherisation » de la société, mais d’autres voient dans cette évolution la promesse d’une ville réincarnée, « réhabitée » comme espace collectif de médiation et pouvant produire de nouvelles formes d’exercice de la citoyenneté. Quoiqu’il en soit, le sujet de la villeinterface ouvre un important champ de réflexion sur les nouvelles définitions et les usages de l’espace public, sur la dimension individuelle et collective kalisté : été 2011 ALTRAN_KALISTE_CHAP2.indd 16 06/05/11 16:38 de ses interactions sociales et sur leurs modes de régulation. Car la ville du futur sera non seulement connectée en permanence au reste du monde, produisant ses propres signaux identitaires, mais elle sera également tournée vers chacun des individus la constituant. Le citoyen du futur, plus mobile et plus autonome, souhaitera accéder à des services personnalisés accessibles à tout moment et en tout lieu. Habitué aux usages collaboratifs de l’Internet, il s’impliquera dans la cogestion de la cité, favorisant ainsi l’émergence d’une citoyenneté participative. Ce lien dynamique entre la sphère publique et les réseaux sociaux constituera une e-agora sans cesse recombinée, mais également un écosystème territorial susceptible d’accélérer les processus d’échanges, de projets coopératifs et de création de valeur. La révolution numérique va radicalement transformer les usages de la ville. Avec la généralisation du très haut débit, de la 3D, des réseaux sociaux et des technologies de la mobilité, les espaces dématérialisés deviennent accessibles en continu, en tout lieu et à tout moment, et offrent d’importantes perspectives d’innovation dans le domaine des services aux citoyens et aux usagers. Les succès de jeux tels que World of Warcraft ou encore d’outils tels que Google Earth ont préparé le terrain à une nouvelle génération d’usages. À la croisée des mondes miroirs, des réseaux sociaux et des MMO (jeux massivement multi-joueurs) qui comptent plusieurs centaines de millions d’adeptes dans le monde, les « simulateurs de réalités » révolutionneront bientôt l’Internet. Porté par sa dimension participative, le Web 3D se construira autour d’espaces virtuels socialisés qui constitueront à terme une galaxie de mondes interconnectés. Ce phénomène suscite déjà l’apparition « d’espaces publics parallèles », dans lesquels s’expérimentent de nouvelles formes de relations sociales et de règles collectives. Parmi ces mondes virtuels, pour l’instant principalement dédiés aux loisirs et aux échanges, une catégorie devrait connaître un essor particulièrement important, les « serious games 3D », sortes de jeux multi-joueurs utilisés pour des usages professionnels dans des domaines aussi variés que la santé, la gestion du territoire, l’éducation, la sécurité, ou encore la culture et le tourisme. Ces outils utilisent la puissance d’évocation et l’aspect ludo-éducatif des jeux vidéo, ainsi que leur dimension sociale, tout en exploitant des données métiers rigoureuses. été 2011 : kalisté ALTRAN_KALISTE_CHAP2.indd 17 17 06/05/11 16:38 Dans le domaine de la santé, par exemple, le serious game devrait connaître une forte croissance dans les années à venir. Selon Ben Sawyer, co-fondateur de l’Initiative Serious Games aux États-Unis, « il offre déjà de réelles avancées en terme de formation et d’entraînement des chirurgiens, de diagnostic et de traitement des pathologies, mais aussi dans des domaines variés tels que la modélisation et la gestion du territoire ». Cette révolution va encore s’accentuer avec la convergence de trois grands domaines d’activité : la géolocalisation de l’information, les outils de business intelligence et le web 3D. Pour le grand public, la valeur d’usage tiendra dans la possibilité d’accéder à de nombreuses informations, services et contenus géolocalisés au travers d’interfaces intuitives et spectaculaires. La technologie permet, en effet, aujourd’hui de connecter des bases de données hétérogènes, d’agréger, d’exploiter et de valoriser les informations au sein de représentations virtuelles faciles d’utilisation et à forte valeur d’usage. L’utilisateur peut ainsi accéder à des données de stock et de flux accessibles en continu via différents types de supports : Internet, tablettes tactiles, smartphones, tableaux blanc interactifs, city walls… Pour les collectivités et les entreprises, ces technologies offrent l’opportunité de développer une meilleure qualité d’accès à l’information tout en renforçant l’expérience utilisateur, en matière de communication, de concertation ou encore d’aide à la décision. Elles permettent, en outre, aux uti- 18 lisateurs « non techniciens », salariés, décideurs ou grand public, de disposer d’outils puissants qui simplifient la compréhension, le partage, la gestion, la scénarisation ou encore le monitoring de projets, dans de nombreux champs d’application : économie, environnement, urbanisme, tourisme, etc. Les collectivités travaillent au plus près des citoyens et ont en charge la conduite locale de services et de projets. Face à l’exigence accrue des usagers en matière d’information, elles ont notamment la responsabilité de mieux communiquer et d’organiser la concertation. Les usages de la 3D interactive, largement répandus au sein de la génération des « digital natives » qui pratiquent le jeu vidéo depuis leur jeune âge, offrent la possibilité de concevoir de nouveaux services alliant la puissance de représentation de la 3D interactive et la dimension éditoriale de contenus métiers. L’exploitation, la valorisation et la mise en scène de données techniques rigoureuses ouvrent la perspective prometteuse d’applications pour tous publics. La ville d’Issy-les-Moulineaux a ainsi ouvert un « Atelier d’Urbanisme et de Développement Durable » conçu autour de l’application numérique Issy3D développée par la société Navidis. Cet outil propose une visite virtuelle interactive de la ville, grâce à l’utilisation de technologies « 3D temps réel ». Cette application repose sur l’exploitation de bases de données SIG, INSEE ou IGN, qui permettent de « simuler le réel », associées aux données rich media (vidéo, photo, textes, animations, etc.) permettant de bâtir une véritable offre éditoriale. kalisté : été 2011 ALTRAN_KALISTE_CHAP2.indd 18 06/05/11 16:38 L’innovation d’usage repose en grande partie sur l’agrégation de données et de contenus hétérogènes au sein de systèmes de représentation homogènes et simples d’utilisation, grâce à des interfaces de haute qualité en ergonomie et design numérique, véritables « réducteurs de complexité ». La démarche de Navidis a également consisté à superposer une vision réaliste du territoire à des représentations symboliques, renforçant ainsi la dimension spectaculaire et émotionnelle de la navigation interactive. S’affichant en fonction du type d’information recherchée et de l’échelle d’observation, elles transforment la ville en un véritable « media cartographique 3D » qui emprunte aux jeux vidéo les technologies dynamiques de « comportement », en proposant spontanément des contenus liés aux centres d’intérêts de l’utilisateur. Outre les 6 000 bâtiments modélisés, les espaces verts, les flux de circulation, les sites majeurs détaillés, les activités et les grands projets d’urbanisme, de nombreux contenus sont proposés. Par exemple, une simulation temporelle de l’aménagement urbain, avec une modélisation dynamique de la ville entre 1975 et 2015, ou encore, des vidéos mappées sur les façades des bâtiments permettant de visualiser l’activité se déroulant à l’intérieur du lieu. Autre exemple, une animation sonore renforce la dimension immersive en « montrant » ce qui n’est pas visible. Ainsi, en passant à proximité d’une école on entend le bruit des enfants jouant dans la cour de récréation. Enfin, la dimension participative n’est pas oubliée, puisque les résidents peuvent utiliser Issy3D comme un outil de concertation et enrichir l’application. Des cartes postales et photographies anciennes viendront ainsi par exemple constituer une « mémoire collective » de la ville. sent la question du rôle de l’État dans une sphère virtuelle qui s’affranchit de plus en plus des règles du monde réel ». L’espace physique se maille à la sphère virtuelle, alliant le « ici et maintenant » de l’espace physique au « partout et tout le temps » des réseaux. De nouveaux espaces d’interaction sociale, à la croisée du réel et du virtuel, constituent aujourd’hui les prolongements naturels de la cité numérique. Les développements du Cloud Computing, des environnements intelligents, des technologies sans contact et des écrans urbains sont autant de secteurs d’innovation dont la convergence va encore susciter d’autres révolutions d’usages, susceptibles de transformer radicalement la physionomie de la cité. Au XIXe siècle, le baron Haussmann avait changé les usages de la ville en créant le « haut débit urbain ». À présent, le défi des architectes du numérique et des « urbanistes de la donnée » est d’inventer les usages d’une « ville augmentée », connectée et ubiquante. Au-delà des visions souvent utopistes ou menaçantes issues de la science fiction, il s’agit de repenser le « vivre ensemble » à l’ère des grandes concentrations urbaines. Le numérique peut ici constituer un puissant vecteur de lien social et de qualité de service, dans une cité devenue « relationnelle », à la fois centrée sur chaque individu et connectée au reste du monde. Des pays comme la Suède et l’Estonie ont déjà ouvert des « ambassades virtuelles », simples guichets virtuels pour le moment, mais qui pourraient à terme dématérialiser totalement les services publics. Ce qui fait dire à Pierre de La Coste, auteur de L’Hyper-République, que « les mondes virtuels représentent des défis sans précédents pour les pouvoirs publics, et po- ALTRAN_KALISTE_CHAP2.indd 19 06/05/11 16:38 Stéphane Schmoll Directeur Général Deveryware Ingénieur diplômé de l’École Centrale de Marseille (1979), Stéphane Schmoll a débuté sa carrière dans des multinationales (Texas Instruments, Thomson-CSF, Matra/EADS, Daimler-Benz), dans lesquelles il a exercé des fonctions techniques, commerciales et de direction, en Europe, aux USA et en Asie. En 1997, Stéphane Schmoll, fonde Traqueur, spécialiste de la détection et de la récupération électronique de véhicules volés, devenu aujourd’hui le n°1 du secteur, grâce à des partenariats avec les pouvoirs publics, les constructeurs automobiles, les assureurs et des industriels comme TDF, EADS et LoJack. En 2006, fort de ce succès, il rejoint Deveryware pour soutenir et accompagner son développement en tant que Directeur Général et étendre son expérience à la géolocalisation multi-technologies des véhicules, des personnes et des biens. Féru de hautes technologies et militant engagé en faveur du rôle des PME dans le tissu industriel français, il adhère au Pacte PME, à Croissance Plus, et à des comités de pilotage de plusieurs pôles de compétitivité. Stéphane Schmoll a co-fondé l’Open Location Alliance au niveau européen et animé le groupe de travail sur la géolocalisation de la Mobile Marketing Association France. 20 kalisté : été 2011 ALTRAN_KALISTE_CHAP2.indd 20 06/05/11 16:38 TRIBUNE LIBRE Mythes et réalités de la géolocalisation dans la “ville connectée” L a géolocalisation est de plus en plus présente dans les services du quotidien, souvent à l’insu des usagers. En voiture, l’assistant de navigation localise la position et peut mémoriser les parcours. À pied, dans les transports et dans presque toutes les applications de nos smartphones, la localisation s’active et l’information est envoyée à des serveurs distants. Que nous le souhaitions ou non, cette technologie nous envahit. Faut-il s’en réjouir ou s’en méfier ? Le spectre de « Big Brother » : une figure de style convenue Les innombrables abus commis par les publiposteurs, les spammeurs sur Internet ajoutés à de rares mais spectaculaires déviances des écoutes téléphoniques, ont exacerbé la crainte de « Big Brother », en référence au démiurge omniscient et omnipotent d’Orwell dans 1984. Mais que représente « Big Brother » dans notre monde réel ? S’agit-il de l’État tout puissant et de ses services, d’officines d’intelligence économique ou de manipulation de voisins ou de concurrents envieux, de conjoints ou de parents paranoïaques, d’assureurs, de banquiers, ou tout simplement de marchands ? Quels sont les risques ? L’essor de la géolocalisation, des smartphones et autres objets communicants menace de démultiplier les risques si des garde-fous individuels et col- lectifs ne sont pas mis en place. En effet, on a déjà vu sur Internet des conséquences préoccupantes liées à l’exploitation mal contrôlée de données personnelles. Or, elles pourraient bien être amplifiées par la montée en puissance des traitements sémantiques. Mais « quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt ». Ce sont parfois les mêmes qui crient au loup lorsque des fichiers de police croisent quelques données sur les individus et se précipitent pour télécharger sur leur smartphone des applications dont ils n’imaginent pas le danger. Exemple 1 : une récente application permet de téléphoner gratuitement à ses contacts en passant par la voix sur IP. Mais une fois activée, cette application se propage en invitant les personnes du carnet de contacts contenu dans votre téléphone. Pour y parvenir, cette petite application va innocemment copier tous vos contacts sur un serveur central, dont la nature de l’hébergement et du contrôle demeurent obscurs. Exemple 2 : l’analyse et la transmission de la localisation d’un smartphone à des serveurs spécialisés permet de connaître nos déplacements les plus fréquents, le lieu où l’on habite, l’endroit où l’on travaille, nos itinéraires favoris, pour nous envoyer ensuite des publicités à proximité d’enseignes offrant des promotions : souvent, celles-ci correspondent étonnamment à nos préférences de consommation et à nos habitudes, sans que l’on ait vraiment l’impression d’avoir autorisé cette « intrusion ». Sympathique, mais terrifiant ! été 2011 : kalisté ALTRAN_KALISTE_CHAP2.indd 21 21 06/05/11 16:38 Quels gardiens pour nous protéger ? Heureusement, il y a une pluralité de solutions pour nous protéger. Elles résident notamment dans le développement de bonnes pratiques professionnelles, dans l’éducation des utilisateurs, dans l’apprentissage d’une hygiène numérique et si nécessaire dans la loi. Il y a en France deux gardiens institutionnels des libertés en la matière : la Commission Informatique et Libertés (CNIL) et la Presse. Les principes de la CNIL, érigés dès 1978, ont été progressivement adaptés aux éventualités liées à l’avènement du numérique, avec l’appui tardif de la loi aux niveaux français et européen. Mais la technologie, qui avance vite, parvient souvent à contourner les dispositifs légaux : plus leur formulation se veut générale, plus l’interprétation et l’apparition de nouveaux usages les rend caduques. À titre d’exemple, la notion de responsable de traitement, jadis relativement claire dans les chaînes d’intervenants linéaires, est devenue parfois insaisissable dans des systèmes coopératifs maillés mutualisant en permanence les données. De plus, les éditeurs et opérateurs des services sujets à caution sont souvent off-shore et échappent à la surveillance communautaire. Quant à la Presse, sa contrainte de réactivité est si forte qu’elle agit parfois dans un mode de captation de rumeurs, qu’elle déforme et amplifie, transformant le champ des possibles en champ des probables et occasionnellement en « légendes urbaines ». L’opinion publique peut alors se trouver fortement impactée par le pouvoir de propagation et de multiplication de la toile… Fort heureusement, les professionnels – annonceurs, régies de transport ou autres prestataires de services – gardent généralement leur discernement. D’une part, ils savent que l’on ne peut violer les libertés arbitrairement : la mise en œuvre des mécanismes techniques et opérationnels qui le permettraient est souvent lourde et complexe, voire onéreuse. De plus, ils savent que la loi punit sévèrement les délits d’atteinte aux libertés individuelles (5 ans de prison et 300 000 € d’amende) : le jeu n’en vaut donc pas la chandelle. Parallèlement, le risque de rejet par les usagers des services dits « intelligents » a poussé les professionnels à réfléchir ensemble, au niveau de leurs associations et syndicats, à des codes de déontologie ou de bonnes pratiques. Toute infraction exposerait ainsi le contrevenant à une mise au ban systématique. 22 Exemples : la Mobile Marketing Association France qui regroupe des annonceurs, des agences, des opérateurs de réseaux et des prestataires techniques, a élaboré, après une longue réflexion de ses membres et une consultation de juristes spécialisés, puis publié, un code de déontologie et un guide des bonnes pratiques du marketing mobile. L’Association Française des Correspondants aux Données Personnelles (AFCDP) qui regroupe les correspondants informatique et libertés (CIL) de grandes entreprises et de PME spécialisées ainsi que des chercheurs et des juristes, a créé dès 2009 un groupe de travail « géolocalisation et libertés ». La morale, la loi, la déontologie, le bon sens : quels sont les derniers gardiens de la raison ? Les usages qui découlent des nouveaux vecteurs de communication (navigateurs, smartphones, tablettes…) ont commencé à modifier la nature profonde de la communication entre les individus. En général, les usages précèdent la loi. Par ailleurs, la morale reste souvent silencieuse face aux pratiques récentes et innovantes. Ainsi c’est la déontologie professionnelle et personnelle qui s’adapte le plus vite, par intérêt ou par prévention. Le droit pourra s’en inspirer ensuite, ne serait-ce qu’à travers la jurisprudence. D’ailleurs, le droit latin peine à définir à temps ce qui doit être interdit et évolue vers un droit anglo-saxon qui se contente de punir les dols manifestes. Les pratiques et services à craindre ou encourager Désormais, la ville numérique fourmille de capteurs, de réseaux et d’interfaces de communication interconnectés, fonctionnant aussi bien dans les bâtiments que dans le métro. Les capteurs englobent les terminaux embarqués ou portatifs qui mesurent la position, l’accélération, les usages préférentiels et tout ce que l’on peut en déduire par analyse logicielle… Ils incluent également les caméras de vidéosurveillance, et même les capteurs environnementaux de tous types. Par ailleurs, les réseaux de communication se cumulent : GSM, Wi-Fi, et bientôt les liaisons au standard Wave, qui permettront de multiples échanges entre véhicules et infrastructures pour faciliter la circulation, la sécurité, la transmission de contenus et la gestion de multiples services. On kalisté : été 2011 ALTRAN_KALISTE_CHAP2.indd 22 06/05/11 16:38 ALTRAN_KALISTE_CHAP2.indd 23 L’usager doit pouvoir comprendre et connaître l’utilisation qui est faite de ses données personnelles, pour en garder le contrôle : donner et reprendre à tout moment une autorisation de recueil d’information, de conservation et de traitement des données, notamment pour faciliter le « droit à l’oubli ». La CNIL, pour sa part, établit des principes et des obligations parfois inutilement contraignants, audelà des usages acceptés. En conséquence, elle perd bon nombre des recours en Conseil d’État, déposés par des entreprises avisées. Il semblerait donc que les codes de déontologie, les chartes et les labels d’organisations professionnelles constituent une force de régulation plus réactive et plus adaptée, souvent préférable à la promulgation de lois tardives et inapplicables. La charte PermiLoc, par exemple, qui sera publiée en 2011, permettra à chacun de spécifier son consentement à être localisé : usage, durée, lieux, plages horaires… TRIBUNE LIBRE peut en espérer le meilleur : amélioration de la sécurité routière, fluidité de la circulation (feux rouges et guidage intelligent), optimisation du stationnement et mutualisation des moyens de transport, péages virtuels circonstanciels, et pourquoi pas, maîtrise de la pollution atmosphérique ou sonore. Le covoiturage, les vélos ou autos en libre-service, les taxis à la demande, l’optimisation des trajets en transport collectif, entrent progressivement dans notre réalité et font presque l’unanimité. Lorsque les échanges de requêtes sont anonymes, personne n’y voit malice puisqu’il ne s’agit que d’échanges entre machines. Pourtant, nous avons des comptes, des identifiants qui permettraient de reconstituer une multitude de détails sur nos vies, nos habitudes, nos préférences, nos comportements… Mais la géolocalisation, encore trop souvent utilisée pour des applications simples ou futiles, pourrait devenir « intelligente » et créer de la valeur en fournissant des données utiles au bon moment, au bon endroit. La publicité intrusive pourrait même se transformer en information choisie et ciblée, inversant ainsi la chaîne de valeur, en remettant l’individu au centre de la technologie. Les modèles économiques évoluent également, avec une poussée des bouquets de services et du financement par la publicité, qui perturbent la perception de vraie valeur. D’autant qu’il n’existe pas encore d’évaluation objective des services basés sur la localisation, notamment en terme de bénéfices réels pour les usagers. Bien d’autres services seront progressivement proposés au grand public : retrouver sa voiture dans un parking souterrain, être prévenu quand ses enfants sont (ou ne sont pas) rentrés de l’école ou arrivés à la piscine, trouver ce qu’on cherche dans un centre commercial ou retrouver quelqu’un dans un lieu public… Dans le domaine professionnel, les attraits de la ville numérique intelligente sont considérables. Ainsi, des programmes de recherche étudient la mutualisation du transport et de la distribution de marchandises en milieu urbain pour réduire les émissions de CO2, grâce à l’optimisation du taux d’utilisation des modes de transport (camionnettes, péniches, tramways…) de jour comme de nuit, en fonction des lieux de stockage, de transbordement, l’info-trafic, la météo, l’offre et la demande… Ces projets ne sont pas utopiques mais ils nécessitent des systèmes et des logiciels interopérables très sophistiqués. Ils doivent également être relayés par une volonté politique appuyant la prise de conscience citoyenne globale. Un dispositif d’incitations fiscales est probablement à envisager pour soutenir l’ensemble. La géolocalisation des personnes, souvent considérée comme une épée de Damoclès, est devenue progressivement une brique contributive des services urbains, aux enjeux multiples. Face aux dérives possibles, il y a un espace vierge que les européens et les français pourraient combler en proposant des solutions originales, performantes et rassurantes quant au respect des libertés. Dans ce contexte de prolifération des technologies, d’évolution des besoins, des usages, des politiques, des réglementations et alliances industrielles, il est plus que jamais essentiel de développer une coopération accrue, coordonnée et transparente, entre tous les acteurs concernés de l’écosystème de la « ville connectée », y compris les PME innovantes et responsables. 06/05/11 16:38 L’Homme au cœur de l’habitat et du logement ALTRAN_KALISTE_CHAP3.indd 24 06/05/11 17:41 Giovanni Ungaro Chef de projet « Assistance à l’Autonomie » Groupe Legrand Au sein du Groupe Legrand, Giovanni Ungaro est aujourd’hui en charge du pilotage du projet « Assistance à l’Autonomie », sous la responsabilité directe de la direction générale du groupe. Né en 1973, Giovanni Ungaro est titulaire d’un Doctorat de Recherche en Télécommunications et diplômé de l’École supérieure des Télécommunications de Paris (ParisTech) et de l’École Polytechnique de Turin (Italie). Il a démarré sa carrière dans le monde des télécommunications chez France Telecom. Pendant deux ans, il a été responsable du pôle télécommunications au sein de l’UTE, bureau de normalisation de l’AFNOR pour les affaires électrotechniques. Il a rejoint le groupe Legrand en 2005 en tant que responsable de la normalisation des installations électriques. été 2011 : kalisté ALTRAN_KALISTE_CHAP3.indd 25 25 06/05/11 17:41 La technologie pour bien vieillir Les jeunes générations sont pleinement accoutumées au paysage ultra-technologique actuel, peuplé de connexions internet ultra rapides, tablettes en tout genre, équipements intelligents… En revanche, le taux de pénétration de ces technologies auprès des personnes âgées est plutôt faible : par exemple, seulement 22 % des plus de 70 ans sont équipés d’un ordinateur (source CREDOC « Conditions de vie et Aspirations des Français »). Dans le présent article, nous proposons un bref tour d’horizon des besoins émergents, en établissant la relation avec les différentes technologies qui sont susceptibles d’y répondre. Contexte : les personnes âgées et le handicap Avec l’âge, nous sommes confrontés à une perte progressive d’un certain nombre de facultés (auditive, motrice, mentale, sensibilité à la température, etc.). Compte-tenu de ce caractère progressif, une forme de compensation naturelle s’active, réduisant l’impact des déficiences. Par exemple, la perte progressive de l’audition engendre une compensation naturelle par d’autres sens : automatiquement, le cerveau se met à interpréter un certain nombre de signaux, comme les gestes, qui n’étaient pas pris en compte avec la même acuité. Assurant un niveau cognitif équivalent, ce mécanisme s’opère sans que la personne soit toujours consciente de la déficience de certaines de ses facultés. Ce cas de figure est bien différent de celui d’une personne handicapée, dont le handicap serait apparu de façon brutale et donc immédiatement ressentie. Cette différence est de taille : sans prise de conscience de ses propres déficiences, il est difficile pour un individu d’accepter l’idée d’être aidé, même par des technologies. C’est là que réside principalement la problématique liée à l’acceptation des solutions. 26 On se doit alors de proposer une approche spécifique, qui peut être prescriptive, émanant de la famille, ou reposant sur des solutions non-stigmatisantes, mais au contraire valorisantes. Par exemple, proposer à une personne âgée un ordinateur avec des interfaces adaptées ne sera par forcement la meilleure option. En revanche, proposer une tablette tactile, bien sûr adaptée, mais proche de ce que sont les références du marché, avec un design soigné et « tendance », permettra à la personne d’être valorisée dans un contexte particulièrement technologique. Une expérimentation a été menée dans le département de la Corrèze : quelques dizaines de bénéficiaires de services de téléassistance ont été équipés de tablettes tactiles Visiovox, assurant aussi le service de visiophonie. À la surprise générale, le produit a immédiatement séduit la majorité des personnes participant au test, avec un taux de rejet très faible et même un engouement particulier pour le design et les interfaces logicielles « dans l’air du temps ». « Le succès des solutions de connectivité simples montre que le contact et la sécurité restent des besoins importants. kalisté : été 2011 ALTRAN_KALISTE_CHAP3.indd 26 06/05/11 17:41 Quels besoins ? Être ré-assuré : tel semble être le premier besoin de nos aînés. Vivant souvent seuls, parfois isolés, un peu coupés d’un monde qui va vite et dont ils n’ont pas vraiment envie de comprendre les codes, ils sont parfois victimes de peurs et de craintes visà-vis de leur entourage. Les technologies peuvent leur apporter une partie de la solution. Le succès des solutions de connectivité simples, comme la téléassistance, montre que le contact, même à distance, et la sécurité restent des besoins importants. C’est pourquoi, nous voyons se développer d’autres solutions portant sur le logement, comme par exemple l’automatisation des éclairages pendant ALTRAN_KALISTE_CHAP3.indd 27 la nuit qui permettent une réduction du risque de chute (jusqu’à -30 % dans certains cas !), tout en procurant une vraie amélioration de la qualité de vie. Lors d’une expérimentation dans le département de la Creuse, un système spécifique d’automatisme d’éclairage nocturne a été installé chez 10 personnes âgées et dans une maison de retraite. Ce système, appelé « chemin lumineux », aide la personne à se déplacer dès la descente du lit, avec un éclairage tamisé et automatisé. Les détecteurs de mouvement radio, installés sur le parcours (chambre - couloir - WC), déclenchent les lumières de façon temporisée pour qu’elles s’éteignent quand la personne regagne son lit. Les médecins on été surpris par la baisse du taux d’incidence des 06/05/11 17:41 « états dépressifs. Cette baisse, conjuguée à la baisse spectaculaire du taux de chute (divisé par deux en maison de retraite), a conduit le Conseil Général du département à déployer la solution sur plus de 2 200 logements. Cet exemple illustre parfaitement l’impact d’un élément de sécurité, même « passif » et qui ne nécessite pas d’interaction directe avec la personne, sur l’amélioration du niveau de sécurité ressenti. Ceci contribue donc à améliorer considérablement la qualité de vie de la personne. Rester maître. Une des craintes viscérales de tout un chacun est la perte d’autonomie : être dans l’incapacité d’effectuer seul les tâches de la vie courante, ou ne plus comprendre et maîtriser ce qui se passe autour de soi. La technologie peut là-aussi apporter son lot de solutions intelligentes. Pour ce faire, il est primordial que ces solutions soient « transparentes », avec une technologie qui s’efface au profit de la fonction et du service rendu. Par exemple, un système de gestion du chauffage ultra-simplifié et automatisé, capable de s’autoréguler en fonction de la température intérieure et extérieure, des heures de la journée et de l’occupation des pièces, procure un confort de vie supérieur. Ce type de solutions permet de déployer une technologie complexe, en ne rendant perceptible que le service rendu (confort et économie d’énergie) pour lequel la personne n’a plus qu’à indiquer si elle a « chaud » ou « froid ». Il est également important de mentionner l’approche « design for all » (conception pour tous) qui se généralise aux produits de la vie courante. On est capable désormais de proposer des produits et surtout des fonctions associant facilité d’usage et perception esthétique non-stigmatisante. À titre d’illustration, les interrupteurs électriques avec un levier au lieu du classique bouton, permettent une manipulation aisée par des personnes ayant des problèmes d’arthrose au niveau des mains, tout en se positionnant sur le marché des produits « vintage » aujourd’hui à la mode. 28 On est capable désormais de proposer des produits et surtout des fonctions associant facilité d’usage et perception esthétique non-stigmatisante. Garder le contact. Peu familières avec les nouvelles technologies de l’information, éloignées de leur entourage et de leur cercle d’amitié, les personnes âgées se trouvent parfois dans une situation d’isolement social difficile à vivre : les aidants à domicile font parfois office d’unique lien vers l’extérieur… Dans ce contexte, les TICs ont un rôle primordial à jouer. La mise à disposition de solutions communicantes adaptées (ex. tablettes de visiophonie) ont démontré que si l’interface est bien adaptée, si le contenu et les services proposés sont en adéquation avec la demande, elles sont utilisées avec enthousiasme. Elles permettent le renforcement des liens quotidiens et familiers qui seraient difficiles à maintenir autrement. À titre d’exemple, la société Sirmad propose la solution Innovox, basée sur l’installation chez la personne âgée d’une tablette de visiophonie : la personne peut ainsi entrer en contact visiophonique avec ses proches, ou bénéficier de la visio-assistance, nettement plus conviviale que la téléassistance. Mais le plus novateur, c’est l’offre de service qui peut être potentiellement associée. En particulier, la tablette devient un media central de service, qui se substitue à l’ordinateur connecté des familles. kalisté : été 2011 ALTRAN_KALISTE_CHAP3.indd 28 06/05/11 17:41 Quelles conditions pour réussir ? Pour réussir, les solutions technologiques doivent impérativement se positionner dans un nouvel écosystème. Dans le cas du marché des personnes âgées, le client n’est généralement pas l’utilisateur final, ni le prescripteur. Le client ou payeur peut être un membre de l’entourage (ex. les enfants) ou un acteur public (ex. mairie via les CCAS). Par ailleurs, les prescripteurs des solutions comprennent aussi bien les professionnels de santé (médecins, infirmiers, ergothérapeutes, etc.), que les divers intervenants à domicile, dont les contacts quotidiens avec la personne âgée en font finalement les interlocuteurs les plus écoutés. Tous ces éléments constituent un nouvel écosystème qu’il est indispensable d’appréhender, avant de pouvoir élaborer un modèle économique viable. C’est dans la bonne compréhension des composants et des articulations de cet écosystème que réside le défi auquel sont confrontés les concepteurs et les vendeurs de solutions destinées à faciliter le quotidien de nos aînés. été 2011 : kalisté ALTRAN_KALISTE_CHAP3.indd 29 29 06/05/11 17:41 Olivier Meulle Chercheur Laboratoire Handicom - Télécom SudParis Olivier Meulle est titulaire d’un DEUST EMI* de l’université d’Orsay (Paris XI), il a intégré l’équipe Handicom en 2004 dans le cadre des activités de recherche sur la « Maison Intelligente et Handicap ». Il travaille sur l’intégration et l’interfaçage des services existants de la Maison Intelligente par la mise en œuvre d’une passerelle domestique basée sur une Home Gateway qui permet d’utiliser la télévision comme support d’informations visuelles et auditives. Par ailleurs, il s’attache à développer de nouveaux services multimédia pour l’habitat. Chantal Vallet Chercheur Laboratoire Handicom - Télécom SudParis Chantal Vallet est titulaire d’un DEA de l’université de Troyes et travaille plus particulièrement sur les usages et évaluations des NTIC pour les personnes en situation de dépendance afin de permettre la mise en place et la validation sur site de solutions innovantes destinées à des personnes dépendantes, par l’intermédiaire de plateformes technologiques, flexibles, évolutives et configurables. Chantal Vallet et Olivier Meulle travaillent dans le laboratoire Handicom (HANDicap EngIneering & COMmunication Lab.) qui est un laboratoire de recherche scientifique au sein de Télécom SudParis de l’Institut Telecom). Les travaux du laboratoire portent sur l’interaction homme-machine et l’usage des aides technologiques pour améliorer la qualité de vie des personnes dépendantes, essentiellement les personnes handicapées et âgées. * EMI = Electronique et Micro Informatique 30 kalisté : été 2011 ALTRAN_KALISTE_CHAP3.indd 30 06/05/11 17:41 TRIBUNE LIBRE La ville et la maison intelligentes D ans le monde, on estime aujourd’hui qu’il y a environ 650 millions de personnes souffrant d’une incapacité. Si l’on inclut les membres de leurs familles, il y a approximativement 2 milliards de personnes directement touchées par le handicap, ce qui représente presque un tiers de la population mondiale : une personne sur dix souffre d’une infirmité physique, mentale ou sensorielle1. Les aides techniques ou humaines permettent de compenser leurs restrictions physiques ou fonctionnelles et d’améliorer de manière significative leurs conditions de vie à domicile ou en institution, mais en dehors de ces lieux, les aides technologiques n’existent pas. Les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) peuvent-elles « venir au secours » de ces personnes, leur offrir une certaine capacité à compenser leur handicap et in fine, améliorer leur intégration sociale et économique ? Nous nous intéresserons plus particulièrement à l’apport des deux technologies prégnantes que sont Internet et les Mobiles, omniprésentes dans la ville comme à la maison et qui permettent de prolonger les services d’assistance à la personne au-delà du domicile. Qu’est-ce que le Handicap ? Le handicap est une discordance entre les performances de l’individu, ses capacités, et les attentes du milieu. On considère donc comme handicapées, les personnes pour lesquelles, suite à une atteinte de leurs fonctions physiques, psychiques ou intellectuelles, les activités quotidiennes et/ou la participation à la vie sociale sont rendues difficiles voire impossibles. La notion de handicap ne concerne donc pas seulement l’individu, mais la société entière. Philip Wood introduit, en 1980, une clarification conceptuelle dans la définition du handicap à l’initiative de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Ses travaux constituent le fondement de la Classification Internationale des Handicaps (CIH), adoptée par la France en 1988 comme référence des nomenclatures statistiques sur le handicap. Toutefois, en mai 2000, cette classification est remplacée par une nouvelle classification (CIF), fondée sur une approche fonctionnelle du handicap qui prend en compte les facteurs socio – environnementaux. Dès lors, l’environnement est considéré comme source de situations handicapantes. Le terme de handicap est défini selon trois dimensions2 : - la déficience qui est une perte de substance ou altération d’une structure ou fonction (psychologique, physiologique ou anatomique) ; elle correspond, par exemple, à une amputation, une lésion de la moelle ou à la dégénérescence d’un nerf, et/ou au déficit en résultant (paraplégie, ankylose, aphasie, surdité, incontinence urinaire, etc.). - l’incapacité correspond à toute réduction (partielle ou totale) de la capacité d’accomplir une activité d’une façon normale ou dans les limites considérées comme normales. C’est par exemple, l’incapacité de marcher, de s’accroupir, de fermer le poing, mais aussi en « situation » pour exécuter une action comme se lever, se laver, s’habiller, communiquer, mémoriser, réfléchir, etc. - les désavantages ou handicaps (conséquence des déficiences ou des incapacités) représentent une 1 Source : http://www.un.org 2 Source : DREES N° 417, juillet 2005 ; Les déficiences motrices d’origine accidentelle ; Vanessa Bellamy et Christine de Peretti, ÉTÉ 2011 : KALISTÉ 31 Schéma conceptuel de Wood (1980) : Classification Internationale des Handicaps (CIH) limitation ou une interdiction d’accomplissement d’un rôle social normal (en rapport avec l’âge, le sexe, les facteurs sociaux et culturels) : faire des études, occuper un emploi, avoir des loisirs, etc. Concrètement, les déficiences concernent une ou plusieurs fonctions et sont donc classées en déficiences intellectuelles, déficiences psychiques, déficiences motrices, déficiences visuelles, déficiences auditives, déficiences viscérales et générales. La maison intelligente « au secours » des personnes handicapées ? On estime que 52 % des personnes handicapées ont un niveau de formation faible et que leur taux de chômage est deux fois plus élevé que la moyenne nationale1. L’apport de l’Internet et des terminaux mobiles, en termes de formation et de travail, pourrait certainement contribuer à faire diminuer ces chiffres. Cependant, il faut être conscient que ces personnes n’ont pas toujours les compétences voulues pour les utiliser ou pour suivre leur évolution, mais des études sont en cours sur l’importance des TIC en tant que facteurs d’égalisation des capacités2. Source image : Universal design for the home: great looking, great living design for all. Par Wendy A. Jordan 32 Le premier problème à résoudre pour les personnes handicapées est celui de l’accessibilité à un équipement ou à une station de travail en entreprise, voire même au télétravail. Le cyber travail semble une solution intéressante de travail à domicile pour les personnes handicapées, mais il entraîne de nombreuses contraintes : le temps de travail n’est pas ou peu défini, il s’effectue davantage à la tâche (ce qui peut poser des difficultés d’estimation du temps passé effectivement sur une réalisation), il imbrique vie privée et vie professionnelle et surtout il ne rompt pas l’isolement « social » de la personne handicapée. De nombreuses actions gouvernementales ou associatives (UIT, Unesco etc.) tentent de promouvoir de nouvelles méthodes d’organisation du travail et de l’activité économique, de favoriser le télétravail pour permettre à tous les citoyens de travailler partout dans le monde sans quitter leur communauté et pour ouvrir aux personnes handicapées de nouveaux débouchés professionnels. Depuis le 1er janvier 2006, date de son entrée en application en France, la loi handicap donne un nouvel élan à l’emploi des personnes handicapées : quelques entreprises et sites de recrutement3 proposent des emplois, mais les initiatives sont encore trop rares. Le handicap et/ou la vieillesse ne doivent pas constituer des freins au maintien à domicile. De nombreuses solutions existent à ce jour en matière d’aménagement et de nombreux travaux de recherche sont en cours avec le concept de « Design for All » qui est une « philosophie » se basant sur les différences individuelles et impliquant la réalisation d’un environnement, de produits et de services accessibles et utilisables par tous. Ainsi l’habitat pour tous pourrait ressembler au modèle présenté cicontre. 1 Le taux de chômage des travailleurs handicapés [1] s’élève à 17 % contre 8 % en moyenne pour l’ensemble de la population en âge de travailler (15-64 ans), source : http://www.inegalites.fr 2 Exemple : http://www.idrc.ca 3 Exemple : http://www.cadremploi.fr kalisté : été 2011 ALTRAN_KALISTE_CHAP3.indd 32 06/05/11 17:41 TRIBUNE LIBRE Le contrôle de l’environnement dans l’habitat a pour but premier de permettre à une personne handicapée moteur de passer outre les différentes barrières l’empêchant de communiquer avec son entourage. Cette thématique a fait l’objet de nombreux travaux de recherche ; ainsi une entreprise japonaise (SGI Japon) a construit un habitat intelligent et réalisé un concept de chambre originale baptisé « RoomRender »1 (avec les travaux de GS Yuasa et de l’Université de Tokyo), assurant le contrôle de tous les appareils électroniques de la maison en réagissant non seulement à la voix de l’utilisateur, mais également à l’émotion contenue dans la voix. La pièce inclut ainsi un mur pouvant prendre diverses couleurs en fonction de l’humeur des habitants et possède également un diffuseur d’odeurs s’adaptant au « climat mental » ressenti… Cet environnement se base sur un moteur de reconnaissance d’émotion (Technologie de sensibilité et de l’émotion) utilisant une nouvelle technologie logicielle (AGI) permettant de reconnaître et de répondre aux émotions humaines « ressenties » : joie, calme, colère, excitation. Mais le coût élevé de cette pièce (entre 30 et 40 000 €) ne permet, pour l’instant, que de l’envisager dans des lieux spécifiques : salles de réunion d’entreprises, hôtels ou hôpitaux. La ville du futur La « ville accessible à tous » est un des enjeux de la loi « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » du 11 février 2005 qui fait référence à des formes de handicap peu ou pas prises en compte dans les lois précédentes (en particulier les handicaps visuels, auditifs, psychiques et cognitifs). Divers travaux de réflexion et de recherches sont engagés depuis de nombreuses années. Ainsi la ville Vill’Âge, l’habitat intelligent. RoomRender de Rennes a été l’une des premières à proposer des services pour tous : le système de calcul d’itinéraire permet d’optimiser un itinéraire selon certains critères et paramètres identifiés : trottoir surbaissé, matériel urbain, végétation, etc. Mais l’engagement des acteurs économiques et des différents décideurs semble limiter aujourd’hui le développement efficace des différentes problématiques de l’accessibilité sur le territoire. De son côté l’association MEDeTIC a lancé en 2006 son projet « Vill’Âge »2, dans le cadre d’un projet européen ITEA-Nuadu, consistant à mettre en place, au cœur d’une commune, une résidence pour des personnes âgées encore autonomes. L’objectif est de favoriser et de maintenir leur autonomie et leur intégration. Des « maîtresses de maison » seront à disposition des habitants pour assurer l’animation et une assistance d’urgence ; les logements seront équipés de capteurs médicaux permettant de transmettre à distance des paramètres de santé (tension, poids, glycémie, fréquence cardiaque, etc.). 1 Source : http://www.internetactu.net/?p=6704 2 Source : http://www.altivis.fr/Un-premier-Vill-age-pour-personnes.html été 2011 : kalisté ALTRAN_KALISTE_CHAP3.indd 33 33 06/05/11 17:41 de handicap et développent des services accessibles depuis divers environnements : domicile, hôpital, gare, parking, institution, centre commercial, etc. Le nouveau robot Rovio Les habitants, surtout les malades chroniques, seront ainsi en permanence sous surveillance médicale. Un fauteuil « intelligent », dont les accoudoirs transmettent des dizaines de données médicales, pourrait compléter le dispositif (brevet déposé). Des projets de recherche comme EVIDENT1 (Espace de Vie Intelligent pour les personnes DépENndanTes) ont opté pour une approche non pharmacologique et orientée sur l’amélioration de la qualité de vie dans son environnement naturel : d’abord l’habitat puis la rue. Dans ce projet on parle de l’existant afin de prolonger d’abord l’autonomie des personnes chez elles, ce qui semble être la seule solution sociétale acceptable et économiquement viable. À cet égard, nous pouvons mentionner une étude menée aux États-Unis, qui a permis de quantifier l’impact économique du maintien à domicile des personnes atteintes de troubles cognitifs, en retardant de 2 ans leur mise en institution : à l’échelle du pays, cela représente une économie de plus de 2 milliards de dollars chaque année. Ainsi certains aménageurs urbains commencent à prendre en compte l’accessibilité extérieure pour les personnes en situation 1 http://www.psevs.eu/index.php?option=com_ k2&view=item&id=33:evident-espace-de-vie-intelligent-pourles-personnes-d%C3%A9pendantes-interview-de-mounirmokhtari&Itemid=37 La robotique joue un rôle très innovant (grâce à l’industrie des jouets !) et de nouveaux robots sont apparus tel « Wow Wee Rovio4 » et « Spykee ». Ils assurent à la fois la surveillance ou une nouvelle forme de réseau social. En effet ces robots de télésurveillance et de « téléprésence » peuvent être contrôlés à partir d’un point quelconque du monde grâce à la technologie Wi-Fi. Leurs fonctions permettent de surveiller sa maison, son bureau, ou tout autre endroit et lorsqu’un mouvement est détecté, ils déclenchent une alarme ou envoient la photo par email. Ils permettent également de dialoguer en direct avec des proches ou des amis. Ainsi, il est possible de voir et d’entendre ces derniers comme s’ils étaient présents (hauts parleurs et au micro intégrés). Et en cas d’impossibilité de déplacement, on envoie son clone robotique à sa place ! Ces premiers robots Wi-Fi permettent également la téléphonie sur IP, la prise de photos et l’enregistrement ou la lecture de vidéos MP3. De plus ils sont équipés d’un système d’auto-rechargement quand la batterie est faible, le robot sans fil retourne seul sur sa base de rechargement ! En ce qui concerne la téléphonie mobile, les constructeurs et les opérateurs s’engagent petit à petit à rendre accessibles leurs terminaux et services. Créée en 2002, l’AFOM (Association Française des Opérateurs Mobiles) s’est engagée en 2005, avec les opérateurs de téléphonie mobile et le Secrétariat d’État aux Personnes Handicapées, à rendre le téléphone mobile accessible au plus grand nombre à travers une « Charte d’engagements pour faciliter l’accès des personnes handicapées à la téléphonie mobile ». Logos des services adaptés à certains handicaps (source : http://www.afom.fr) 34 kalisté : été 2011 ALTRAN_KALISTE_CHAP3.indd 34 06/05/11 17:41 TRIBUNE LIBRE Ainsi chaque opérateur sélectionne et développe dans sa gamme des produits destinés à favoriser l’autonomie des personnes handicapées. Des pictogrammes identifient les spécificités de chaque produit pour les utilisateurs potentiels et leurs proches, selon trois niveaux de critères : critères primordiaux, critères de confort et critères d’évolution. Les principales fonctions offertes aux personnes handicapées sont les suivantes : vibreur, WAP, écriture intuitive de SMS, identification de l’appelant par sa photo, compatibilité avec un appareil auditif, appareil photo intégré, caméra vidéo intégrée, synchronisation avec l’ordinateur, compatibilité BluetoothTM, kit piéton stéréo, reconnaissance vocale, main libre, touches programmables, SMS pré-enregistrés. Certains opérateurs proposent des services particuliers, comme le service Motamo1 destiné à des personnes déficientes de l’ouïe et de la parole, permettant différents types d’échanges multimédias, (SMS, MMS, Voix/Visio), ainsi qu’un système de MMS en langue des signes. D’autres opérateurs ont lancé gratuitement un logiciel baptisé « Mobile Speak » (SFR, Bouygues Télécom en partenariat avec Handicapzéro2) garantissant l’accès à toutes les fonctions du téléphone mobile d’aujourd’hui. Les menus et fonctions du téléphone sont restitués en mode vocal : du répertoire, en passant par les textos et jusqu’à l’accès à l’internet ; la synthèse vocale, de très bonne qualité, est développée par le groupe Acapela. Malheureusement, « Mobile Speak » n’est compatible qu’avec certains mobiles… Malgré toutes ces avancées, il semble qu’il reste encore beaucoup à faire : Les associations sont satisfaites, précise-t-on à la DIPH3. Mais nous demandons à ce que cela continue, car s’il y a des évolutions technologiques, il n’y a par exemple pas d’appareil ni de logiciel pour le handicap mental. Ce dernier recouvre en effet une très grande diversité de cas et peut toucher aussi bien des personnes valides que totalement dépendantes. La situation est donc plus difficile à appréhender. Au travers de ces quelques exemples, il apparaît que les TICs constituent une véritable opportunité d’accès à l’information, à la culture, aux différents services publics, voire même un moyen d’expression et de visibilité pour les personnes handicapées. Malgré les progrès déjà réalisés, l’accessibilité et la formation à ces technologies restent des enjeux majeurs pour favoriser davantage l’intégration socioprofessionnelle des personnes handicapées. La prise de conscience est collective, au travers de diverses manifestations, comme la Journée internationale des personnes handicapées qui s’est déroulée le 3 décembre 2010 sur le thème « Tenir la promesse, intégrer la dimension du handicap dans les objectifs du Millénaire ». 1 Source : http://mobile-shop.orange.fr/images/contrats/ contrat995.pdf 2 Source : http://www.handicapzero.org/ 3 Délégation Interministérielle aux Personnes Handicapées Le robot Spykee été 2011 : kalisté ALTRAN_KALISTE_CHAP3.indd 35 35 06/05/11 17:41 Hossam Afifi Enseignant - chercheur Télécom SudParis Hossam Afifi est Docteur de l’Université de Nice Sophia Antipolis et auteur d’une thèse à l’INRIA. Il travaille sur les problèmes de sécurité des réseaux sans fil et sur les modèles de mobilité des réseaux véhiculaires. Il a effectué un postdoc à Washington University St. Louis. Après l’obtention de l’habilitation à diriger la recherche de Rennes, il a profité d’un séjour sabbatique au sein de Nokia Research Labs, Mountain View Cal. USA pour étudier l’extension d’IPv6 et de la sécurité dans les réseaux cellulaires. Il est actuellement professeur à Télécom SudParis et encadre des doctorants sur les thèmes mentionnés. Vincent Gauthier Docteur et maître de conférences Télécom SudParis Vincent Gauthier est Docteur de l’Université Paris VI. Suite à des travaux sur les outils d’évaluation et de simulation des réseaux sans fil. Il a également participé à la création du nouveau simulateur opensource NS3. Enfin, il a travaillé deux ans au sein du NIST à l’occasion de son postdoc aux États-Unis. Cette période lui a permis de travailler sur les Smart Grid et plus précisément, sur les aspects télécom de ce domaine très complexe. Il est actuellement maître de conférences à Télécom SudParis et encadre plusieurs doctorants sur des thèmes variés autour des réseaux sans fil. Marc Girod Genet Docteur Télécom SudParis Marc Girod Genet est Docteur de l’Université de Versailles. Suite à des travaux sur les outils d’apprentissage et d’intelligence artificielle pour le dimensionnement des réseaux d’opérateurs. Marc a participé à de nombreux projets de recherche Européens dans le domaine des réseaux personnels, des capteurs et de l’internet du futur. Il s’intéresse, par ailleurs, aux aspects d’intelligence artificielle du Smart Grid et encadre de nombreux doctorants dans ces domaines. ALTRAN_KALISTE_CHAP3.indd 36 06/05/11 17:41 TRIBUNE LIBRE Smart Grid, réseau intelligent Vers l’automatisation de la gestion de l’électricité Réseau d’information pour la toile d’energie Le domaine Smart Grid – ou Grille Intelligente – concerne la consommation et la production de l’électricité. Il implique le consommateur, le producteur et l’opérateur. Grâce à lui, le consommateur a accès à des plages dynamiques de tarification, ouvrant la possibilité de consommer à des moments opportuns. Le producteur d’énergie peut être un petit producteur, un producteur d’énergie renouvelable ou un acteur classique du domaine. Il participe aussi par l’application de grilles tarifaires dynamiques motivant les autres parties à consommer l’énergie lorsqu’elle n’est pas en période de pointe. L’opérateur, quant à lui, fait la liaison entre les deux : il participe aux politiques de prix et gère la distribution de l’énergie et des revenus. Réseau de communications Système de tarification dynamique Prédiction distribuée Unité de contrôle et gestion des flux éléctriques. été 2011 : kalisté ALTRAN_KALISTE_CHAP3.indd 37 37 06/05/11 17:41 Position dans le Grenelle de l’Environnement Ce thème prend de l’importance pour plusieurs raisons. D’abord, il aide à dérèglementer le marché de l’électricité. Ensuite, il s’intègre parfaitement dans un contexte de fermes solaires, de champs d’éoliennes, etc. La particularité de ces nouvelles sources est leur manque de régularité. Généralement, les éoliennes et les panneaux vont générer de l’énergie dans la journée, période de faible consommation. Or il faut rappeler que l’électricité se stocke difficilement : une politique tarifaire intéressante pourrait inciter le consommateur à consommer dans ces heures creuses. Il en va de même pour les nouvelles applications écologiques. Les véhicules électriques pourraient constituer 10 % du parc automobile dans une décennie. La recharge du véhicule peut se faire à tout moment. On peut donc choisir de charger sa batterie lorsque le tarif est le plus compétitif. On peut même imaginer décharger le véhicule lorsque la charge n’est pas nécessaire, contre rémunération. Acquis et état de l’art L’axe de recherche Smart Grid est né aux ÉtatsUnis, en réponse au manque de régulation et de coordination entre états, mais également pour pallier les pannes à grande échelle qui frappent certains états en période de grand froid. En France, l’intérêt de cette nouvelle perspective est davantage lié à la volonté de disposer d’un réseau optimisé dans un contexte en pleine évolution : l’arrivée des énergies renouvelables, les véhicules électriques à recharge libre et la dérèglementation de la distribution d’électricité. État des standards Plusieurs organismes s’attellent à la normalisation du système. Par ailleurs, quelques initiatives privées commencent à apparaître et notamment le Google Power Metering. Nous pouvons noter à l’IEEE, les standards suivants : • IEEE Standards pour les réseaux de communications ; • IEEE P2030 (OpenSG initiative) dont le rôle est de standardiser les interfaces réseaux/logiciels pour le Smart Grid ; • IEEE Standards pour les réseaux accès sans fil pour le SG ; • IEEE 802.11af dont le rôle est de proposer des bandes de fréquence basse UHF/VHF, Multicanaux ; • EEE 802.15.4g/e dont le rôle est de travailler sur des nouvelles modulations, Spread Spectrum, plus de bandes de fréquences disponibles ; • IEEE Standards pour les réseaux ad hoc pour le SG (qui est un groupe en formation). Comme le montre la figure, le Smart Grid se fonde sur plusieurs axes : • Un système d’information standard ; • Un réseau de communications ; • Des systèmes distribués de prédiction ; • Une théorie du jeu pour trouver le bon tarif au bon moment. 38 kalisté : été 2011 ALTRAN_KALISTE_CHAP3.indd 38 Architecture globale Smart Grid, incluant la distribution et la production d’énergie dans les environnements résidentiels. 06/05/11 17:41 TRIBUNE LIBRE Les travaux de Télécom SudParis : les réseaux, la prédiction et la théorie du jeu Nos contributions viennent compléter l’initiative de la Grille Intelligente en fournissant un outil qui permet d’évaluer les normes de communication sans fil utilisées pour déterminer les caractéristiques des technologies. Le modèle mis au point fait une analyse de la norme IEEE 802.15.4, de son canal PHY et de sa couche MAC. Notre outil permet d’étudier le passage à l’échelle de communications massives et répond donc aux exigences de la Grille Intelligente. L’objectif que nous nous sommes donné et que nous avons réalisé est de combiner deux modèles pertinents : • Un modèle PHY qui outrepasse la simulation simpliste classique en forme de disque et qui prend en considération les zones dites de transition ; • Un modèle qui reproduit la couche MAC à base d’une chaîne de Markov. Le modèle que nous avons obtenu nous permet d’établir les interactions entre la PHY et les couches MAC et de fournir quelques améliorations, en particulier pour le modèle MAC utilisé, afin d’obtenir des résultats plus précis. Notre modèle est disponible sur le SGIP NIST Smart Grid Collaboration Site. Dans les nouvelles grilles électriques et leurs réseaux de communications, de nombreuses tâches doivent être automatisées et distribuées parmi les entités constituant le réseau et la grille. Ces tâches, telles que le monitorage, la maintenance, la gestion ou le routage, devront mettre en œuvre des nouvelles techniques s’apparentant notamment à des agents intelligents distribués. Nos travaux concernent : • L’apprentissage, la modélisation et la prédiction du comportement de n’importe quel objet de la Grille Intelligente (données, entités, environnement, contexte, processus, utilisateur final…) ; • L’identification des états et des statuts et la connaissance nécessaire à une prise de décision améliorée au sein des unités de contrôle distribuées de la « Grille Intelligente » (ceci étant rendu possible grâce aux techniques d’apprentissage, de modélisation et de prédiction) ; • Enfin, l’application de ces décisions dans les entités distribuées de contrôle et de gestion de l’énergie et de la « Grille Intelligente ». L’apprentissage implique la mise à disposition de deux principaux types d’informations côté client : sa propre consommation, les durées de vie de ses recharges, sa production d’énergie renouvelable et aussi les données de l’opérateur. Le réseau « opérateur » mesure instantanément la consommation et la prédiction de ses clients, ainsi que celle de son infrastructure. Il dispose aussi d’indications sur la quantité d’énergie renouvelable disponible. Il combine ces informations pour mettre une grille tarifaire en ligne. Les calculs nécessaires à cette opération sont complexes mais leur mise en œuvre est cependant possible en exploitation. Il faut aussi prendre en compte une multitude de données, y compris la météo, la demande d’états voisins et leurs tarifs, etc. Schéma de prédiction. été 2011 : kalisté ALTRAN_KALISTE_CHAP3.indd 39 39 06/05/11 17:41 Les transports ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 40 et leurs écosystèmes 06/05/11 17:59 Aurélien Clerc Consultant Pr[í]me Ingénieur diplômé de l’ENSAM et de l’Université de Karlsruhe (Allemagne), Aurélien Clerc est un spécialiste de la conception de produit et de l’innovation. Il réalise le design, le style, l’illustration de concepts, la conception de produits innovants dans le cadre de projets dans l’automobile, l’aéronautique, le luxe, la bagagerie, le BTP. Il est spécialisé dans le développement technique des solutions, de la modélisation tridimensionnelle au suivi du prototypage. Il participe depuis 2005 à l’élaboration de Kalisté en réalisant les illustrations des concepts produits et services. Laurie de L’Éprevier Consultante Pr[í]me Titulaire d’un Master de Design d’Interaction et Sciences Cognitives et d’un diplôme d’ingénieur en Mécanique, option Design Industriel de l’UTC (Compiègne), Laurie de L’Éprevier a rejoint le pôle design de Pr[í]me pour y apporter sa compétence de designer centré utilisateur. Passionnée par la relation entre l’Homme et la technique, cette dernière a un parcours qui lui permet de mieux comprendre ce qui définit les interactions entre l’Homme et son environnement. Avant d’œuvrer chez Pr[í]me, elle a étudié également le design italien et européen à Turin. Olivier Picard Partner Pr[í]me Olivier Picard est diplômé du Strate Collège en design industriel et de Créa Université en créativité. Il est également titulaire d’un diplôme d’ingénieur en conception de produits. Cette double compétence lui confère une double culture. Il a développé une forte expertise dans le domaine de la créativité, de l’innovation, de la conception de produits et du design, dans des secteurs aussi variés que la mobilité, l’automobile, le médical, les produits industriels, ou le luxe. Quatre produits sur lesquels il a travaillé ont été mis sur le marché pour des typologies de clients aussi varieés qu’une start-up (DBV Technologies), une PME innovante (Touax), une association caritative (Fédération Française des Banques Alimentaires) et un grand groupe international (Essilor). Ces projets ont été récompensés dans le cadre de quatre concours de design. Il a également participé à des projets comme Just 2, présenté au Mondial de l’automobile 2010 ou encore I Modal, labellisé par les pôles de compétitivité Moveo et Advancity. Il intervient à l’Institut Supérieur d’Optique et à l’UTBM dans le cadre de formations au design et à la créativité. Il est membre du jury du Master de design industriel du Strate Collège Designers. ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 41 06/05/11 17:59 La mobilité connectée dans la ville Imaginer et concevoir de nouveaux systèmes connectés de mobilité, centrés sur les attentes actuelles et futures des utilisateurs. Le défi et les perspectives de solutions Aujourd’hui, plus de la moitié de la population mondiale vit dans des villes, et cette proportion est en constante augmentation. Dans les pays développés, cette urbanisation déjà largement avancée tend à se stabiliser en comparaison avec les pays émergents qui voient l’apparition de nombreuses mégapoles. Les défis associés à ces évolutions sont considérables, notamment en matière d’environnement, de sécurité, d’activités économiques et bien sûr de transports. Pour y répondre tout en améliorant la qualité de vie des habitants, la ville telle que nous la connaissons aujourd’hui va connaître de profonds changements. « Les TICs permettent de collecter et de transférer les informations en temps réel entre les outils, l’infrastructure et l’utilisateur. ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 42 Aujourd’hui, l’automobile demeure le vecteur principal de mobilité individuelle. Le taux de possession est élevé dans les pays développés et en très forte croissance dans les pays émergents. Cependant, dans un grand nombre de pays européens, dont la France, la circulation automobile stagne depuis plus de 6 ans. Cela s’explique en partie par les hausses du prix des carburants, mais aussi par l’évolution des valeurs culturelles des jeunes générations pour lesquelles la relation à la voiture change : on passe de la « voiture plaisir » à la « voiture outil » et les parts de budgets qui lui sont consacrés baissent, la possession même du véhicule n’étant plus un pré-requis . Comme le souligne le rapport de la mission « nouvelles mobilités », il ne faut pas attendre de modifications rapides de l’usage de l’automobile compte tenu de fortes inerties dans les évolutions économiques, sociales et territoriales. Il n’y aura pas de solution rapide liée au report du trafic automobile vers les modes de transport collectif, ni par les nouvelles technologies de motorisation et d’énergie, ni par la concentration de l’habitat dans des zones à forte densité. Il est admis qu’une des solutions aux défis posés par l’urbanisation passe par un changement des habitudes et du comportement. Cependant, l’usage des nouvelles formes de mobilité ne se développera que si les nouveaux systèmes de mobilité répondent à trois attentes fortes des personnes : l’accessibilité, le service « porte à porte » et la liberté de choix. 06/05/11 17:59 La connectivité, facteur de solution Schématiquement, la mobilité se fonde sur deux composantes : les vecteurs de mobilité et les infrastructures. Pour assurer les déplacements des hommes et des biens, nous utilisons, en effet des outils dédiés. Les vecteurs traditionnels comprennent l’automobile, le vélo, les poids lourds, le train, l’avion, l’autobus… Ils peuvent être soit privés, soit partagés. Les infrastructures quant à elles, permettent d’assurer et de faciliter la circulation des vecteurs et de leurs occupants : il s’agit des routes, du mobilier urbain, des gares, des aéroports, des parkings… L’arrivée des TICs apporte une nouvelle composante à la mobilité – la connectivité, qui résulte de la convergence des flux d’information avec les flux physiques. Grâce à la multiplication des terminaux en mobilité (pads, smartphones..), nous avons accès en permanence aux données de mobilité et à leurs services associés, tels que la géolocalisation, l’info trafic, les services de total journey planning, le covoiturage dynamique, les services et les informations d’inter-modalité… Jusqu’à présent, les différentes composantes de la mobilité n’étaient qu’insuffisamment corrélées : l’évolution des infrastructures était traitée de manière plus ou moins indépendante des vecteurs, en raison notamment de cycles de vie très différents. La mobilité connectée change la donne, rendant le sujet plus complexe, porteur de nouvelles expériences pour l’utilisateur et de gisements de valeur diversifiés. Les TICs permettent de collecter et de transférer les informations en temps réel entre les outils, l’infrastructure et l’utilisateur. La disponibilité de cette information permet une meilleure organisation et régulation des réseaux par les organisations responsables de l’infrastructure, ainsi qu’une meilleure visibilité pour l’utilisateur. Plusieurs exemples de travaux sur la normalisation de l’information multimodale en temps réel, illustrent la volonté de mettre à disposition de nouvelles solutions de mobilité (par exemple le programme CHOUET qui vise à définir une norme de donnée de transport universelle). L’innovation dans le domaine de la mobilité découle de la mixité vecteur/infrastructure/information. Les différents acteurs de la mobilité sont donc contraints de décloisonner leurs activités. été 2011 : kalisté ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 43 43 06/05/11 17:59 Les vecteurs de mobilité deviennent des supports d’information, voire se substituent à des éléments d’infrastructure. L’infrastructure offre des services et de l’information à l’usager, interagit directement avec les véhicules. Les informations deviennent disponibles en temps réel pour l’utilisateur, grâce aux terminaux mobiles et aux plateformes de services qui permettent l’optimisation des déplacements. L’augmentation du nombre et de la durée des trajets domicile-travail illustre bien la place centrale de la mobilité au quotidien : nul besoin de décrire l’impact des grèves des secteurs publics ou du prix des carburants ! Cependant, la multiplication des modes de transports et la superposition de leurs différents réseaux, ne favorise pas toujours une lecture aisée pour l’usager qui veut entreprendre un déplacement. Lors de la planification du trajet, il faut composer avec des modes de transport dont le séquencement peut être incompatible et qui ne disposent pas de la visibilité suffisante, en temps réel, pour effectuer un choix pertinent (pannes, retards, engorgements…). De nouveaux services visent à créer les passerelles nécessaires entre les différents modes de transport, et les systèmes d’information afférents, afin de faciliter la planification « sans coutures » des trajets. Par ailleurs, les modes de déplacement eux-mêmes peuvent être repensés en faveur d’une mobilité plus durable et plus sécurisée, via notamment l’utilisation de l’intermodalité (plusieurs modes de transport au cours d’un même déplacement) et la virtualisation de la mobilité. Just 2 De vraies solutions d’auto-mobilité apparaissent, bousculant ainsi l’approche conventionnelle de l’automobile : covoiturage et autopartage deviennent des leviers pour rationaliser les parcs et modifier les usages. L’automobile doit prendre en compte ces changements. C’est pourquoi, Altran Pr[í]me a imaginé un concept de véhicule autour du covoiturage dynamique qui intègre ce service comme axe de réflexion systémique, au niveau du service associé, des systèmes embarqués, de l’architecture véhicule ou du groupe motopropulseur. Just 2 est un véhicule connecté sur les réseaux sociaux pour permettre le covoiturage dynamique. Ainsi, les personnes qui se situent sur le parcours du véhicule peuvent en temps réel proposer au conducteur de les prendre au passage et de partager tout ou partie du trajet. Les piétons peuvent visualiser les véhicules disponibles pour le covoiturage en réalité augmentée. L’architecture du véhicule, trois places en diagonales, est pensée pour le covoiturage. La place du conducteur est privative et les deux autres places sont partageables. Du côté conducteur, une zone bagages privée est prévue et peut-être sécurisée en cas de besoin. Toujours pour Grâce à cette virtualisation de la mobilité, l’expérience utilisateur évolue, afin d’optimiser, d’enrichir et d’améliorer la qualité du déplacement. La lisibilité, l’intégration d’informations en temps réel, la connexion avec des services ou d’autres utilisateurs peut transformer la perception du trajet par l’usager. Ainsi, le transport est rendu plus agréable. La valeur créée pour l’usager ne se mesure plus seulement en coût et en vitesse, mais aussi en terme de qualité d’expérience : grâce à la connectivité, l’usager pourrait choisir délibérément de mettre 10 minutes de plus pour atteindre une destination, si ce trajet lui permet par exemple de voyager assis ou en compagnie d’un ami ou de consommer un service (téléchargement de contenu, pause par un centre de loisirs…). Deux exemples de solutions illustrant la mixité vecteur/infrastructure/information 44 kalisté : été 2011 ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 44 06/05/11 17:59 faciliter le partage du véhicule, les ouvrants sont asymétriques : double porte sans pied au milieu côté conducteur et grande porte coulissante côté passager. La connectivité de Just 2 permet également une maintenance préventive. I Modal : approche par territoire L’arrivée des TICs dans les circuits traditionnels de circulation de l’information trafic et réseaux de déplacement, a dépossédé les Autorités Organisatrices des Transports (AOT) de leur monopole de l’information sur les déplacements. Il apparaît important de redonner de la visibilité aux AOTs en leur fournissant un outil qui leur permettra de piloter les réseaux multimodaux dont elles ont la responsabilité. I Modal fait l’objet d’un projet collaboratif initié par Altran, impliquant 7 partenaires et labellisé par le pôle de compétitivité Advancity. I Modal est une plateforme logicielle interopérable qui récolte l’information de tous les modes de transport et l’agrège pour alimenter : 1 un module d’aide au pilotage des transports destiné aux AOT ; 2 un module de composition de trajets multimodaux pour l’utilisateur final. Ce système sera embarqué sur mobile et combiné à des tags. Les aspects particulièrement novateurs résident dans une démarche systémique d’optimisation des transports, une facilitation du changement de mode, une prise en compte de la navigation piéton (Guidage indoor [codes barres 2D et NFC]), une prise en compte des réseaux sociaux. Le but est d’expérimenter I Modal sur la zone du plan Campus sur le plateau de Saclay, en partenariat avec la communauté de Communes du Plateau de Saclay. En conclusion Le développement des TICs dans le domaine de la mobilité va conduire à des évolutions majeures en termes d’offres. Pour qu’elles soient adoptées et qu’elles permettent les changements profonds nécessaires des usages et des comportements, la conception de ces offres devra être centrée sur les attentes et la qualité de « l’expérience » des personnes. Elles devront également apporter un service « porte à porte » disponible et flexible. Notre mobilité future ne proviendra pas d’une solution unique mais de la conjugaison d’innovations multiples qui pousseront les acteurs de la chaîne de valeur à s’associer pour y répondre, modifiant ainsi les écosystèmes. À terme, la mobilité évoluera progressivement d’une économie de biens à une économie de services. Les modèles économiques de ces nouvelles mobilités restent encore à définir. été 2011 : kalisté ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 45 45 06/05/11 18:00 Philippe Orvain Président Nomadic Solutions Diplômé de mécanique générale et titulaire d’une licence d’informatique graphique (CAO), Philippe Orvain, 58 ans, démarre sa carrière dans un bureau d’études avant de se tourner quelques années vers l’enseignement. Il devient pendant une dizaine d’années éditeur d’un logiciel de Conception Assistée par Ordinateur. À la fin des années 1990, il rejoint le monde de la mobilité et fonde Nomadic Solutions en 2003 avec Patrick Minot. Il occupe actuellement les fonctions de Président de cette société. Par ailleurs, Philippe Orvain est membre du Conseil d’Administration et Vice-président du Comité d’Orientation Stratégique NUM (Nouveaux Usages et Mobilité) du pôle de compétitivité Advancity. Philippe Orvain est également membre du comité embarqué du Syntec Numérique. 46 kalisté : été 2011 ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 46 06/05/11 18:00 TRIBUNE LIBRE L’éco-mobilité : nécessité écologique ou économique ? À l’heure d’une reprise économique frémissante, force est de constater que les modèles classiques ont montré leurs limites, après avoir essuyé de sérieux revers. Outre les mesures étatiques, l’effondrement a été en partie évité grâce à la dynamique du développement de solutions alternatives. Tandis que le nouvel ordre financier mondial tarde à venir, la voie du développement durable sort renforcée de cette dure épreuve, notamment dans les pays industrialisés. Par ailleurs, depuis les accords de Kyoto en 1997, et plus récemment le Grenelle de l’Environnement, la feuille de route est tracée vers une réduction de 20 % de nos émissions de CO2 à l’horizon 2020. Pour atteindre ces objectifs, il faut optimiser les ressources existantes et l’impact sur l’environnement. En France, il faut noter le dynamisme des pôles de compétitivité, tels Advancity ou System@tic, ainsi que des syndicats métiers tel le Syntec Numérique. Ils permettent de fédérer les acteurs et de faire aboutir des projets innovants plus particulièrement orientés ville 2.0, mettant en synergie PME, grands groupes et laboratoires. En plus du projet Wikiwalk (Feder4), guidage collaboratif et vocal en zone urbaine, mené par Nomadic en collaboration avec l’Esiee, voici la liste des projets labellisés par Advancity : • 5 projets FUI : Latext (PV) et Serveau 2.0 (ECOVILLE), TerraMobilita (ECOVILLE) en colabellisisation avec Cap Digital, EP IT 2.0 (ECOVILLE) et ILMAB (B2E) avec System@tic ; • 2 projets FEDER : PFT+ (NUM) et BatiMac (B2E).1 Les moyens technologiques, les réseaux, physiques et sociaux, évoluent de telle sorte que le lien de citoyen à citoyen, ou entre citoyens et infrastructures, la communication Machine-to-Machine, deviennent les pierres angulaires d’une nouvelle organisation sociale basée sur l’ultra-communication. L’association de toutes ces technologies (Haut débits 3&4G, Cloud Computing, Applicatifs SAAS, etc.) et leurs nouveaux usages permettent un maillage collaboratif qui était impossible auparavant. Autant de verrous s’en trouvent levés, pour la construction de la ville 3.0. 1 Communiqué de Presse – Paris, le 30 novembre 2009 : http://www.capdigital.com/wp-content/uploads/CP_TICVD-vf.pdf été 2011 : kalisté ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 47 47 06/05/11 18:00 C’est une chance inouïe, car la population mondiale a bondi de 4,4 milliards à 6,7 milliards en 40 ans à peine : que l’on soit écoloscéptique ou non, cela nous impose une modification de nos habitudes, notamment en ce qui concerne la mobilité des personnes ou des marchandises. Ces modifications nécessaires entraînent l’émergence de nouveaux marchés de plus en plus visibles, aussi bien pour les professionnels que pour le grand public. Les secteurs de la mobilité individuelle ou collective, le commerce, la santé, le bâtiment, la production et la distribution de l’énergie, sont de formidables champs pour le déploiement de ces nouveaux assemblages technologiques. Ces thèmes prennent un nouveau sens après la crise économique. Le renchérissement du coût des carburants, la prise de conscience du péril écologique, le développement exponentiel des IT for Green, ont été des facteurs concomitants, favorisant l’avènement de nouveaux marchés et leur croissance durable. Le chemin vers la ville décarbonée est certes encore long, mais les impératifs écologiques et économiques nous contraignent à repenser et à limiter les déplacements. Le télétravail et la localisation de la production au plus près des lieux de consommation sont désormais des éléments essentiels pour entrer dans le cercle vertueux d’un monde plus respectueux. Ainsi les technologies Machine-to-Machine permettent d’ores et déjà de diagnostiquer, voire réparer une panne sur un photocopieur distant, sans avoir recours au déplacement d’un technicien. Dans le même registre, des boîtiers de télématique équiperont bientôt en série les automobiles pour permettre un suivi des véhicules à distance (ecall, bcall, maintenance préventive…). Les retombées dans notre secteur, l’éco-mobilité, sont extrêmement nombreuses. Les limites pour assembler judicieusement toutes les pièces de ce puzzle technologique géant sont celles de nos imaginations. C’est l’opportunité de rendre l’activité humaine moins destructrice pour son biotope qui s’offre enfin à nous. Les technologies dites IT for Green sont les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) mises au service de l’environnement. Ces technologies reposent tout d’abord sur les infrastructures des réseaux physiques de télécommunication qu’ils soient optiques, filaires ou radio, puis sur des matériels et des logiciels, embarqués ou non. Cet ensemble permet de proposer des solutions de plus en plus performantes sur des sujets comme la géolocalisation, l’optimisation des tournées, la logistique du dernier kilomètre, le suivi des attitudes d’éco-conduite, le vélo ou l’auto partage, le covoiturage, et plus généralement la multimodalité des transports… 48 kalisté : été 2011 ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 48 06/05/11 18:00 TRIBUNE LIBRE Si on se penche un instant sur des modèles comme l’autopartage peer2peer ou le covoiturage, il y a fort à parier que ces derniers vont prendre un essor qui aurait été impossible il y a encore quelques années ! En effet, quand tout est opulence, nul besoin de partager ses trajets ou son véhicule… Aujourd’hui, hormis l’aspect écologique, c’est bien souvent le facteur économique qui donne un sens à ces nouveaux services. Leur acceptation sociétale sera favorisée par les outils de télématique embarquée et les réseaux sociaux, car ils rendront ces concepts de plus en plus faciles à utiliser et de plus en plus sécurisés. On ne partage que dans la confiance ! Comme chacun sait, le développement durable repose sur les trois piliers que sont l’écologie, l’économie et le social… Les TICs impactent aussi le domaine social en créant du lien entre les citoyens et en proposant des services aux personnes les plus fragiles. Ainsi, la mise à disposition de traceurs per- ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 49 sonnels relayés par des plateformes d’assistance médicale permet de déclencher des secours aux porteurs et/ou de rassurer leurs proches… C’est un marché extrêmement prometteur compte tenu du vieillissement de la population dans les pays européens dont le prolongement n’est autre que le développement des robots domestiques. Nomadic Solutions s’est investi très tôt dans ces innovations touchant à l’éco-mobilité. Aujourd’hui Nomadic Solutions est le partenaire technologique des plus importants prestataires dans les domaines de l’apprentissage de l’écoconduite, du co-voiturage, de l’auto-partage peer to peer ou du guidage urbain collaboratif. Croyant fermement à la naissance de ce Monde nouveau basé sur les green technologies, Nomadic Solutions continuera de s’impliquer à l’avenir dans des projets collaboratifs, propres à favoriser l’avènement de la ville 3.0… 06/05/11 18:00 Matthias Mann Directeur R&D d’ITS Technology Les logiciels de trafic ITS Technology PTV AG Matthias Mann est diplômé de l’Université d’Osnabrück (Allemagne) en développement de Systèmes Appliqués. Matthias a débuté sa carrière il y a 9 ans en tant que développeur de logiciels TMC (Traffic Management Systems) chez PTV. En 2006, il devient consultant senior en recherche et innovation du département ITS. Il a également travaillé en tant que chef de projet pour différents programmes de recherche allemands et européens dans le domaine des Co-Operative Systems (par exemple CVIS, Akviv). Depuis 2010, il est Directeur du pôle Recherche et Innovation du département ITS Technology et participe ainsi à la mise en œuvre de projets innovants. Bernhard Scherer Directeur des ventes, logiciels de trafic Gestion des ventes et industrie télématique PTV AG Bernhard Scherer est titulaire d’un master d’ingénierie industrielle de l’Université Technique de Karlsruhe (Allemagne) et d’un master d’ingénierie industrielle de l’Université de Valence (Espagne). Bernhard a débuté sa carrière il y 9 ans comme chef de produit navigation chez MAP&GUIDE, une ancienne filiale de PTV. En tant que Directeur des ventes, il a mis au point des projets de navigation OEM/ODM dans toute l’Europe, l’Afrique du Sud, l’Asie Pacifique et la Péninsule Arabique. Depuis la fusion de MAP&GUIDE et PTV en 2007, il est Directeur des ventes des Solutions Télématiques du département ITS (Intelligent Transport Systems). À ce titre, il est chargé de mettre en place une plateforme géo-spatiale, une plateforme de trafic et des terminaux de systèmes de navigation non embarqués pour les fournisseurs de services télématiques et les principaux acteurs du secteur de l’automobile et de l’ITS. L’objectif est de mettre au point des services de mobilité disponibles, connectés et innovants. 50 kalisté : été 2011 ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 50 06/05/11 18:00 INTERVIEW Les systèmes de gestion du trafic Pouvez-vous nous parler de la société PTV, ses activités, ses produits, ses clients, et votre implication dans l’élaboration des Systèmes de Gestion du Trafic (Traffic Management Systems -TMS) ? Le groupe PTV, créé en 1979, dont le siège se situe à Karlsruhe en Allemagne, rassemble 700 salariés. Il élabore des logiciels de pointe et des solutions de conseil permettant de répondre au mieux aux besoins de mobilité croissants des consommateurs. Il occupe une position de leader dans l’élaboration de produits et de solutions permettant d’améliorer le trafic et de planifier le transport. PTV Technology propose un ensemble de produits dans le domaine des logiciels : MAP&GUIDE et PTV Vision. Le secteur des logiciels de trafic s’organise de la manière suivante : le développement, le marketing et la vente d’une large gamme de logiciels destinés à la planification et à l’optimisation des transports. Cela concerne bien sûr la suite logicielle PTV Vision, leader sur le marché des solutions de planification du transport, de modélisation et de simulations de trafic, des prévisions de trafic, de sécurité routière, d’ingénierie des réseaux et de rassemblement de données d’enquêtes. Le département ITS (Intelligent Transport Systems) se concentre sur toutes les activités qui concernent les systèmes de télématique routière et la gestion de la circulation. Le pôle mobilité et solutions télématiques visent principalement des clients du secteur de l’automobile (OEM, les TSP, et les fournisseurs d’information de circulation). Nos activités dans ce domaine sont toutes liées à l’utilisation de cartes de nouvelle génération et au traitement de données et d’informations concernant l’état du trafic. PTV est une société experte dans les domaines du transport, qui s’adresse aux piétons, aux cyclistes, aux voitures et aux camions. Elle propose également des outils capables de calculer le coût des péages et des émissions de CO2. Ils peuvent également prendre en compte les accélérations de vitesse et un suivi en direct de l’état du trafic. PTV fournit les terminaux pour de nombreux fournisseurs de systèmes de navigation non embarqués et met en place des produits et des services technologiques de façon modulaire. Ses offres varient d’un simple serveur basé sur des cartes pour améliorer les ecall et bcall (systèmes intégrés aux voitures permettant d’émettre des appels d’urgence) ou des systèmes d’assurance dits pay-per-use ; jusqu’à des offres complètes de plateforme FCD qui permettent d’observer PTV EST UNE SOCIÉTÉ EXPERTE DANS LES DOMAINES DU TRANSPORT, QUI S’ADRESSE AUX PIÉTONS, AUX CYCLISTES, AUX VOITURES ET AUX CAMIONS. l’état du trafic, de calculer les temps de trajets et de localiser les incidents. Actuellement, de nombreux outils dans le domaine télématique visent plutôt le marché des véhicules électriques et des véhicules pouvant intégrer des applications et des services. été 2011 : kalisté ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 51 51 06/05/11 18:00 l’offre de PTV Infrastructure operation Dans le domaine des systèmes de gestion de la circulation (Traffic Management Systems), PTV fournit des portails de mobilité avec des plannings de trajets à différents critères, de l’information sur l’état du trafic en direct et des prévisions de trafic à court et long terme. Dans ce domaine, ses clients sont le plus souvent des gestionnaires de réseaux routiers, des administrations de villes ou d’états fédéraux. Vous avez mis au point un simulateur intégrant des systèmes de planification de trajets associés à des outils de gestion du trafic à Dortmund et Düsseldorf. Que pouvez-vous nous dire à propos de ce projet ? Traditionnellement, les outils de gestion de la circulation reposent sur des infrastructures collectives, telles que le contrôle des feux de signalisation, la mise en place de panneaux à messages fixes ou variables. L’information sur l’état du trafic retransmise par la voix ou le canal TMC complète ces moyens de diffusion ayant pour but d’améliorer la sécurité et l’efficacité du trafic. 52 L’action des gestionnaires de réseaux routiers n’est plus aujourd’hui réduite à la détection et la prévision d’éventuels bouchons, mais comprend de plus en plus des outils de guidage collectifs. Ainsi, ces derniers ont pour but de canaliser le trafic vers d’autres parties du réseau, si la capacité d’accueil des autres voies est suffisante. Si des voies alternatives sont détectées, une surveillance à grande échelle du trafic et la mise en place des dernières techniques permettant d’analyser la circulation actuelle et future sont nécessaires. La couverture du réseau doit par ailleurs être suffisante, au-delà des autoroutes. Avec des systèmes de navigation de plus en plus présents dans l’équipement du parc automobile, les systèmes de planification de trajets individuels sont en passe de devenir des outils majeurs dans l’optimisation de la gestion du trafic. Les systèmes de navigation interactifs, qui sont de plus en plus disponibles pour le consommateur, prennent maintenant en compte les messages habituellement reçus via la diffusion TMC, et plus récemment, des indications de temps de trajet dé- rivés des techniques de détection de trafic dense et de systèmes de simulation. Le « Strategic Routing Service » de PTV comprend actuellement un outil supplémentaire pour les gestionnaires de trafic urbain, faisant partie de la stratégie de régulation du trafic et ayant pour but de transmettre des informations aux systèmes de navigation connectés. Cet outil permet de fournir aux conducteurs un panel de suggestions de trajets possibles compatibles avec les outils précédemment mis en place. Dans l’idéal, le conduc- AVEC DES SYSTÈMES DE NAVIGATION DE PLUS EN PLUS PRÉSENTS DANS L’ÉQUIPEMENT DU PARC AUTOMOBILE, LES SYSTÈMES DE PLANIFICATION DE TRAJETS INDIVIDUELS SONT EN PASSE DE DEVENIR DES OUTILS MAJEURS DANS L’OPTIMISATION DE LA GESTION DU TRAFIC. kalisté : été 2011 ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 52 06/05/11 18:00 INTERVIEW teur peut être amené jusqu’à sa destination en évitant les parties du réseau surchargées. De plus, cet outil entre en parfaite combinaison avec les autres outils d’amélioration de gestion de la circulation (prenant en compte l’environnement, la sécurité et le bruit). Le trafic urbain peut ainsi être mieux régulé et réparti sur le réseau. Petit à petit, le réseau routier sera plus équilibré et moins contraignant pour les conducteurs. Le potentiel d’un outil de transport stratégique est énorme. Le traditionnel outil de transport dynamique n’est basé que sur un critère de perte de temps de transport et ne peut être efficace que si un accident a déjà eu lieu. L’outil de transport stratégique fournit des informations au conducteur avant même qu’un incident ne se soit produit. Il évite ainsi le développement de bouchons éventuels sur le réseau routier. C’est un outil particulièrement utile dans les cas d’événements ou d’incidents facilement prévisibles. Bien entendu, le fait de rediriger stratégiquement un conducteur sur une autre route implique que le réseau routier ait une capacité d’accueil suffisante sur ces portions du réseau. Dans la majorité des cas, ce ne sera pas un problème. Pendant les heures creuses, ou dans les zones non touchées par les bouchons où il y aurait des itinéraires alternatifs possibles avec le même temps de trajet et la même capacité d’accueil, le changement d’itinéraire fonctionne, et les accidents peuvent être contournés facilement. Mais dans le but d’éviter que les conducteurs ne se dirigent d’une zone de bouchons vers finalement une autre zone de bouchons, les outils de gestion du trafic doivent avoir une meilleure vision de la situation du trafic urbain, et une meilleure prévisibilité sur le réseau, incluant les routes dites alternatives au trajet initial. C’est seulement grâce à une connaissance complète du trafic sur le réseau que les outils stratégiques de transport seront totalement efficaces. Les simulateurs développés par PTV, intégrant la planification des trajets comme un nouvel outil de Le schéma suivant donne un exemple du potentiel de l’outil stratégique de gestion du transport. Il décrit la combinaison distance-temps concernant la route principale (la courbe rouge) et sa route alternative (la courbe noire). C’EST SEULEMENT GRÂCE À UNE CONNAISSANCE COMPLÈTE DU TRAFIC SUR LE RÉSEAU QUE LES OUTILS STRATÉGIQUES DE TRANSPORT SERONT TOTALEMENT EFFICACES. gestion de la circulation, à l’intérieur d’une stratégie de gestion du trafic globale dans la ville de Dortmund, a montré avec succès le potentiel d’amélioration de l’efficacité du trafic urbain. Ces simulateurs ont été développés en même temps que les projets de recherche européens CVISCoopérative Vehicule Infrastructure Systems et que le projet de recherche allemand Düsseldorf in motion. Dans cet exemple, on observe que le trajet alternatif fait gagner environ 30 % de temps par rapport au trajet initial, malgré une distance beaucoup plus grande. En conclusion, on peut dire que l’outil stratégique de gestion du trafic peut être considéré comme un des outils de tout un ensemble de mesures de gestion de trafic urbain. C’est un des résultats les plus probants provenant des essais de Dortmund et Düsseldorf. Dans ces villes, les trajets alternatifs à l’extérieur des autoroutes ont été mis en avant grâce à l’accroissement de la capacité de circulation, en adaptant la gestion des feux de signalisation (une meilleure coordination et des périodes plus longues de feux vert). été 2011 : kalisté ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 53 53 06/05/11 18:00 Quels sont les principaux obstacles au développement de tels systèmes ? Globalement, nous sommes au début d’une ère de navigation connectée. Actuellement, il existe quelques fournisseurs venant principalement du domaine des PND (assistants de navigation personnels) et des Smartphones. Ainsi, le premier obstacle vient de la faible capacité de la base d’installation de tels outils de navigation connectée. Cependant, courant 2011, les fournisseurs qui lanceront des outils de navigation connectée seront plus nombreux, particulièrement à l’intérieur même du secteur de la navigation. Le second obstacle vient du fait que l’installation de base des appareils connectés ne peut traiter l’information des outils de guidage de navigation ou de prévision de densité du trafic. Une des raisons expliquant cette situation est le manque courant de normes et de fournisseurs disposant de telles informations. Le troisième obstacle provient du fait que les outils stratégiques déjà existants ne sont disponibles que dans des zones isolées et les informations sont, dans le meilleur des cas, diffusées sur les panneaux routiers ou sur des pages web locales. De plus, on se rend compte que dans la plupart des pays, il n’y a pas de système national de gestion de contenu disponible pour centraliser et fournir de telles données. Le quatrième obstacle vient de la disponibilité d’informations précises et fiables sur l’état du trafic. Actuellement, peu de pays disposent d’un réseau TMC qui couvre totalement le territoire. Le déploiement des systèmes FCD et FMD de ces dernières années va contribuer à réduire ces barrières et permettra d’élargir la couverture du réseau en incluant de plus petites catégories de routes. FCD EST L’ÉLÉMENT CLÉ POUR SE FAIRE UNE IDÉE EXACTE DE LA SITUATION ACTUELLE DU TRAFIC ROUTIER DE TOUT UN PAYS. Quelles sont les technologies clés requises pour l’installation TMS ? (des capteurs installés dans les voitures, des détecteurs de densité de trafic…) Le plan d’action européen (European Action Plan and Directive) en relation avec ITS, a permis de mettre en place un cadre pour le développement et le déploiement de systèmes intelligents de transport. La gestion dynamique du trafic urbain en est l’un des éléments clés. Nous pensons que les 4 systèmes technologiques suivants feront partie des éléments qui assureront le succès d’un futur système ITS. 1 - Le traitement FCD FCD est l’élément clé pour se faire une idée exacte de la si- tuation actuelle du trafic routier de tout un pays. Avec un tel outil, il est possible de situer et de traiter des milliards de points de localisation de voitures par année et grâce à un traitement efficace des données, d’obtenir l’état exact du trafic d’un pays et les différents temps de trajet associés. L’avantage principal de l’information trafic FCD se situe dans la densité de couverture et de localisation et dans la mise à jour en continu de ses données. Pour mieux comprendre ce processus, voici un schéma qui montre les étapes pour calculer l’indicateur d’efficacité du trafic level of service (LOS) et pour diffuser des messages d’accidents sur le réseau. Actuellement, cette information est fournie par les messages TMC. FCD-processing 54 kalisté : été 2011 ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 54 06/05/11 18:00 INTERVIEW 2 - Les méthodes de prédiction de densité du trafic La prochaine étape consistera à utiliser de l’information provenant des FDC pour mettre en place des modèles dynamiques, en vue de fournir des prévisions à long-terme de densité du trafic urbain. Ainsi, le temps de trajet d’un lundi matin ordinaire sur une certaine route pourra être connu à l’avance. Avec la combinaison des processus FDC et de modèles évoluant au fil du temps, on peut aller encore un peu plus loin et fournir des prévisions à court-terme plus rapidement. Dans ce cas, le système sélectionne le meilleur modèle de référence sur une période, qui correspond à l’actuel modèle de mesure rapide. Cette technologie est très prometteuse en ce qui concerne les scénarios qui se répètent. Pour les prévisions à court terme et à moyen terme, nous pensons qu’un outil de prévision basé sur la demande offre plus de perspectives. PTV a déjà mis au point de tels projets en Allemagne. L’un des avantages de ce système réside dans le fait que le nombre de voitures circulant sur chaque portion de route est connu et que les informations relatives aux conséquences d’un accident et aux travaux sur les routes peuvent être diffusées sur le réseau. Dans notre centre de recherche, nous travaillons actuellement sur la combinaison entre notre modèle de gestion du trafic basé sur la demande et les outils FCD fonctionnant en temps réel. L’objectif est de calibrer le modèle sur un outil FCD fonctionnant en temps réel. Les résultats de notre centre de recherche et des tests effectués sont très prometteurs et ces derniers doivent maintenant être confirmés à plus grande échelle et dans les premiers systèmes de production. 3 - Way-Point-Server Le Way-Point-Server est un nouvel outil clé qui permet de transformer l’itinéraire stratégique initial en points de localisation qui peuvent être lus par différents systèmes de navigation. PTV a déjà développé cette technologie dans le passé pour un OEM (Original Equipment Manufacturer), afin d’obtenir sur un serveur les meilleures informations sur l’état du trafic et de fournir un itinéraire efficace aux systèmes connectés. Une autre des applications de cette technologie se trouve dans la planification d’un itinéraire à l’avance. Le client peut prévoir son trajet de retour de vacances facilement grâce à un outil de planification d’itinéraire qui comporte toutes les informations sur les zones d’affluence de touristes. Les différents itinéraires de voyage peuvent être sauvegardés sur le système et transférés sur l’appareil de navigation intégré à la voiture. 4 - Road-Content Editor Comme on l’a mentionné plus haut, un des obstacles majeurs pour définir les stratégies d’itinéraires et les routes recommandées qui y correspondent est l’absence d’un système de gestion de contenu et d’un outil. Ainsi, PTV développe actuellement un logiciel standard pour effacer cet obstacle et permettre aux gestionnaires de réseaux routiers d’intégrer des outils stratégiques plus fluides et de stocker les données qui ont une influence sur l’état du trafic, comme par exemple les zones de construction et les lieux où se déroulent des événements dans les villes. Le système leur permet de fournir du contenu et des stratégies d’itinéraires directement à leurs services d’information et à leurs portails internes, puis ensuite aux tierces parties comme les fournisseurs de services de télématique routière. été 2011 : kalisté ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 55 55 06/05/11 18:00 TPEG PERMET DE TRANSMETTRE LES INFORMATIONS CONCERNANT L’ÉTAT DE LA CIRCULATION DE FAÇON BEAUCOUP PLUS FLUIDE, SANS PRENDRE EN COMPTE LE TYPE D’APPAREIL DU CLIENT, SA LOCALISATION, OU ENCORE LE TYPE DE CANAL PERMETTANT LA TRANSMISSION D’INFORMATIONS. Quelles sont les normes émergentes, s’il y en a, qui permettraient une meilleure interopérabilité des systèmes ? Par exemple la standardisation pan-Européenne… Le développement de tels systèmes dépend beaucoup du développement et de l’introduction de normes garantissant l’interopérabilité des systèmes. TPEG – The Transport Protocol Experts Group – est un groupe d’experts conduit par l’EBU (European Broadcast Unit). Ils sont issus de tous les domaines de la gestion de la circulation et de l’information sur l’état du trafic, mais aussi du secteur de la diffusion qui travaille sur des normes pour permettre de fournir à tous les véhicules de l’in- 56 formation trafic. TPEG permet de transmettre les informations concernant l’état de la circulation de façon beaucoup plus fluide, sans prendre en compte le type d’appareil du client, sa localisation, ou encore le type de canal permettant la transmission d’informations (par exemple DAB, HD radio, Internet, DVB-x, DMB, GPRS, Wi-Fi…). L’uniformisation de la langue a aussi été primordiale lors de la conception de TPEG. TPEG apparaît comme l’outil d’avenir pour transmettre les informations relatives au trafic. En comparaison avec TMC (qui donne une information trafic à partir des événements routiers), TPEG comprend tout un arsenal d’outils spécifiques, offrant une plus grande gamme de services à un plus grand nombre de clients et ayant une plus grande compatibilité avec les appareils des utilisateurs. Les services TPEG sont mis en place de façon modulaire et peuvent s’étendre dans plusieurs directions : • Les applications (par exemple les messages concernant le trafic routier, les transports publics, ou les lieux de stationnement) ; • Les méthodes de transmission (DAB digital radio, DMB, internet) ; kalisté : été 2011 ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 56 06/05/11 18:00 INTERVIEW • Les méthodes de localisation (les méthodes prédéfinies utilisant par exemple des outils TMC) ou des appareils de localisation en temps réel (destinés aux systèmes de navigation des véhicules, les navigateurs internet ou les appareils mobiles) ; • Les conditions d’accès aux informations (si les données sont accessibles à tous gratuitement ou si les utilisateurs doivent payer pour avoir le droit de recevoir ces données). La plupart des messages fournissent des informations sur une localisation (par exemple, une portion de route, une intersection, une région) et ils se réfèrent à cela en utilisant une référence de localisation. On observe deux approches différentes : (1) Les localisations prédéfinies et codées à l’avance (ISO 14819-3). Les localisations RDS-TMC sont identifiées et définies par un code. Puis un service RDS-TMC utilise un tableau de localisations prédéfinies qui contient des détails préenregistrés qui peuvent être utilisés dans les messages de ce service. Le code de localisation du message sert d’adresse de référence par rapport aux détails de localisation préenregistrés dans le tableau de localisation utilisé par ce service. Cependant, le nombre de codes de localisation est limité. (2) Le référencement des lieux en temps réel (ISO 17572-3). AGORA-C est une méthode de référencement de localisation en temps réel grâce à une carte. Un code est créé à partir d’une base de données de cartes dans le système « envoyeur ». Il est ensuite envoyé dans un message, décodé dans la base de données de cartes du système « receveur », puis supprimé. Le référencement de localisations en temps réel est considéré comme un élément de technologie clé pour de nombreuses applications à venir dans le monde hyper évolutif des télématiques. Enfin, OGC (Open Geospatial Consortium) offre un ensemble de critères pour garantir l’interopérabilité lors de la distribution et l’échange d’informations. Ces critères ne sont pas forcément liés à l’information trafic. été 2011 : kalisté ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 57 57 06/05/11 18:00 Les technologies intelligentes : des réponses aux défis du futur ? ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 58 06/05/11 19:15 Antoine Luu South West Europe Area Tobii Technology Antoine Luu a rejoint Tobii Technology en 2007 pour gérer les activités de la région Sud Ouest Europe. Passionné par la technologie du eye-tracking et ses applications potentielles révolutionnaires, il intervient régulièrement dans les universités et dans de nombreuses conférences en France comme « ambassadeur du eye-tracking ». Ingénieur en Énergie, diplômé de l’École Supérieure de l’Énergie et des Matériaux (Orléans) et titulaire du MBA de l’IAE de Paris, il a débuté sa carrière dans le domaine de la conception assistée par ordinateur et les simulations en mécanique des fluides (CFD). Il garde un œil attentif sur ce domaine, en tant que fondateur-associé de la société CFD Numerics, basée à Lyon, spécialisée dans les services de calcul et d’expertise en mécanique des fluides et thermique numérique. Il collabore activement avec les principaux instituts d’études marketing et de sondage, ainsi qu’avec plusieurs universités. Son objectif est de faire connaître la technologie eye-tracking et eye-control, pour la mettre à la disposition du plus grand nombre : chercheurs en psychologie, en sciences cognitives et ergonomie, agences web, designers, spécialistes des études comportementales et « consumer insights ». Il développe également des partenariats industriels sur la base des solutions OEM de Tobii, afin d’intégrer cette technologie dans le quotidien. été 2011 : kalisté ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 59 59 06/05/11 19:15 Applications et révolutions du eye-tracking Ces dernières années, les écrans et pavés tactiles se sont immiscés dans notre quotidien : le clavier et la souris, que nous avons apprivoisés au fil du temps, se sont avérés insuffisants pour accéder plus rapidement et facilement à l’information. Il y a eu aussi le joystick des années 80, puis la Wiimote® plus récemment, et maintenant nos doigts, nos bras, voire notre corps avec la Kinect®. La commande vocale n’a pas (encore ?) tenu ses promesses et les applications utilisant les ondes cérébrales en sont encore à leurs balbutiements. La demande des utilisateurs pour des Interfaces Homme-Machine plus intuitives, plus naturelles (NUI, Natural User Interface) est une tendance désormais affirmée. Si les concepteurs et développeurs ont retrouvé leur appétence pour améliorer l’ergonomie des interfaces et des systèmes, ceci n’est qu’une étape intermédiaire vers la simplification de l’accès à l’information : on se surprend dès lors à imaginer des outils et modes d’interaction faisant intervenir des sens encore inexploités, et penser les objets « intelligents » de demain. Quel sens privilégier pour interagir avec notre milieu ? La vue a percé d’elle-même : la discipline connue sous le nom d’oculométrie (mesure des mouvements oculaires), ou eye-tracking (oculométrie en Français, le terme anglo-saxon s’est imposé) est utilisée par les spécialistes de l’œil, du regard et de la psychologie depuis plus de 100 ans. Depuis une petite décennie, elle a connu un essor fantastique, bénéficiant de la miniaturisation des caméras numériques, de l’explosion de la puissance de calcul mais aussi des usages et attentes des publics professionnels et particuliers, qui ont motivé les chercheurs et industriels à innover davantage. Il y a encore quelques années, faire fonctionner un eye-tracker (oculomètre) nécessitait des compétences avancées en optométrie, électronique et informatique. Aujourd’hui, cette technologie est bien 60 plus accessible. Les principes de mesure physique les plus couramment utilisés à ce jour en oculométrie sont ceux du reflet cornéen et pupillaire, à partir d’une source infrarouge. Grâce à une combinaison d’émetteurs, de caméras et de modèles numériques de l’œil, il est possible de déterminer les mouvements de chaque œil avec une précision suffisante, puis par recomposition, d’en déduire la direction du regard. Cette technique, sans danger pour la santé, présente un avantage considérable pour l’utilisateur : les yeux pourraient ainsi constituer une « manette » naturelle pour contrôler une interface, permettant de s’affranchir d’un appareillage spécifique. « les yeux pourraient ainsi constituer une « manette » naturelle. Quelques petits pas restent encore à faire, avant d’introduire cette modalité dans notre vie de tous les jours. Les ultimes itérations se situent à des niveaux techniques, culturels et juridiques. Dans cet article, nous commencerons par dresser un état des lieux des applications actuelles du eye-tracking, notamment en tant qu’outil de mesure passive. Dans un second temps, nous tenterons d’imaginer comment cette technologie potentiellement interactive pourrait s’intégrer et modifier progressivement nos habitudes, grâce au passage du eye-tracking à l’eye-control. kalisté : été 2011 ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 60 06/05/11 19:15 Le eye-tracking aujourd’hui : un état des lieux des applications Un proverbe affirme que les yeux sont le miroir de l’âme. En s’inspirant de cet adage, les chercheurs, psychologues, cogniticiens, ne se sont pas trompés… Mais plus que d’y puiser l’âme, il s’agit avant tout de caractériser le comportement d’une personne (utilisateur, consommateur, patient) tout au long de l’accomplissement d’une tâche spécifique. Ce Graal, les chercheurs l’ont atteint grâce au eye-tracking qui procure une mesure continue, automatisée et en temps réel, sans même que le sujet n’ait besoin de parler. Cet aspect non-verbal présente un avantage déterminant. Encore récemment, les « tests utilisateurs » consistaient à enregistrer en vidéo une scène dans laquelle un sujet, placé dans un laboratoire, reproduisait une certaine mission comme le visionnage d’une publicité, d’une vidéo, l’achat sur un site de e-commerce, ou plus simplement lisait un texte. Très souvent, il était demandé au sujet de parler, de « verbaliser », de dire ce qu’il allait faire, de dire ce qu’il pensait et de faire ce qu’il sait. Ce film était alors « codé » par le spécialiste, c’est-àdire décortiqué à travers une grille de lecture afin d’en déduire les intentions et les comportements du sujet. Cette méthode, bien que très utile, com- ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 61 porte ses limites et introduit un biais inévitable de fondement : nombre de nos actes ne sont pas « conscients » ou sont devenus des réflexes conditionnés par certains facteurs et stimuli. Tenter de les rendre conscients par la méthode de verbalisation est alors un sérieux frein à un comportement naturel et spontané, « écologique » comme le qualifient les spécialistes, même si le sujet est observé dans des conditions les plus proches possibles de son « écosystème » réel. Le eye-tracking apporte une réponse élégante : en mesurant directement et discrètement le regard, les spécialistes recueillent les réactions et l’attitude du sujet. Ils peuvent ainsi reconstituer le parcours oculaire d’une personne et comprendre sa stratégie de prise d’informations visuelles, ou ses réactions inconscientes et réflexes suite à différents stimuli. Aujourd’hui, les applications du eye-tracking sont principalement de trois ordres : • Recherche en sciences cognitives, psychologie, neuropsychologie (facteurs humains, compréhension du développement mental, de l’apprentissage, de la lecture) ; • Mesure dans les sciences du consommateur (ergonomie d’interface et pré-test publicitaires) ; • Communication augmentée pour les personnes handicapées moteur (accessibilité). 06/05/11 19:15 Recherches en psychologie, neuropsychologie et sciences cognitives Test de développement de compétence, de lecture, d’une séquence de jeu d’un sportif et d’ergonomie d’un cockpit en simulateur. tomobile ; dans des situations professionnelles, telles que le pilotage d’un avion, d’une centrale électrique, • Les situations d’interaction sociale, comme le dialogue, le sport, • Évaluation de l’organisation et de l’architecture d’un bâtiment ; il s’agit notamment d’évaluer l’aspect fonctionnel d’une pièce, d’un lieu : - Comment un visiteur perçoit-il une salle de spectacle ? - Parvient-il à trouver les panneaux de signalisation, de « sortie de secours » ? - Combien de temps met-il pour trouver son chemin dans les couloirs d’un métro et sur quelles « balises » visuelles s’appuie-t-il pour y parvenir ? - Est-ce que les panneaux publicitaires ont été perçus, constituent-ils une distraction lorsqu’une personne est en situation de conduite ? Ces tests sont également menés pour évaluer l’agencement des mobiliers urbains, ainsi que la visibilité ou le caractère accidentogène de certains visuels mal placés. © Fotolia C’est par la communauté des chercheurs que le eye-tracking a acquis ses lettres de noblesse. De nombreux laboratoires de recherche utilisent aujourd’hui cette technique en complément d’autres mesures (telles que la réponse dermale, l’électrocardiogramme, l’encéphalogramme, ou parfois l’IRM) pour évaluer les comportements humains (ainsi que ceux des primates) face à des situations cadrées. Les domaines d’intérêts sont par exemple : • Pour les applications d’ordre médical : • La lecture et le langage : comprendre comment le cerveau prend ses informations lors de l’acquisition du langage ; dans le cas de la dyslexie, mettre en place des exercices de rééducation, • Le développement de l’enfant en bas-âge : l’apprentissage d’un jeu, l’utilisation d’un outil, la reconnaissance d’un visage familier, l’observation d’un film… • Les déficiences mentales : il s’agit par exemple de constituer une batterie de tests pour diagnostiquer de manière précoce des retards ou des déficits de l’attention (autisme) ou intellectuel, des dégénérescences (maladie d’Alzheimer) afin d’adapter les accompagnements de l’enfant et de la personne âgée. • Pour les autres applications : • Les facteurs humains dans des situations de la vie courante, telles que la conduite d’une au- Illustrations relatant les travaux réalisés par l’Université d’Uppsala / Suède) ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 62 06/05/11 19:15 Applications en sciences du consommateur Les études marketing sont conduites depuis longtemps par les instituts EMO (Études Marketing Opinions) pour comprendre comment un nouveau produit, une nouvelle offre visuelle, est perçu par le consommateur : ces études sont principalement basées sur du déclaratif. Or, il n’est pas toujours évident de faire le tri entre ce qui est affirmé et ce qui est réellement perçu. De même, nombre de tests utilisateurs consistent à mesurer les taux de clics et à récolter des questionnaires en ligne. Or, toute action, acte d’achat ou décision, est consécutif à une stratégie de recherche visuelle. Depuis quelques années, le eye-tracking apporte un complément d’information extrêmement précieux par son approche comportementale et non-verbale. Ainsi les ergonomes IHM (Interfaces Homme-Machine) utilisent cette technologie pour éprouver « l’utilisabilité » des interfaces logicielles, c’est-àdire le caractère plus ou moins intuitif et efficient d’un logiciel ou d’un site internet à remplir des missions types. De leur côté, les créateurs/marketeurs vont confronter le fruit de leur réflexion à la perception du consommateur. On demande à un petit panel de consommateurs (leur nombre varie d’une dizaine à une centaine se- lon les objectifs et la complexité des missions) de réaliser certaines tâches d’observation, de parcours dans un magasin ou d’achat, afin de collecter des données statistiques telles que : • Temps de découverte (Combien a-t-il fallu de temps pour qu’il/elle trouve le produit sur le linéaire ?) ; • Durée d’observation (Combien de temps il/elle est resté(e) sur une zone) ; • Nombre de visites (Combien d’aller-retour a-t-il/ elle fait entre différentes zones d’intérêts) ; • Combien de temps s’est-il écoulé entre la découverte et le clic (« Taux de conversion » et efficacité sur un site de e-commerce). Différentes restitutions du eye-tracking (cartes de chaleur avec les points chauds, parcours chronographiés sur un packaging, sur une page web et un journal) été 2011 : kalisté ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 63 63 06/05/11 19:15 AAC ou assistance à la communication des personnes handicapées moteur Il est possible d’envisager une scolarisation normale dans une des classes aménagées grâce à des appareils contrôlés par le regard. Certaines maladies génétiques engendrent des dégénérescences musculaires, entraînant une perte progressive ou brutale de l’usage des membres. De fait, l’emploi d’un clavier, d’une souris ou d’une commande vocale n’est plus possible. Si la mobilité oculaire est conservée, elle peut être utilisée comme mode de sélection et de commande. On parle alors d’outils en AAC ou Augmentative and Alternative Communications. Le eye-tracking devient alors eye-control. Couplé avec d’autres outils tels que le Text to Speech (synthétiseur vocal), le eye-control permet alors à une personne handicapée moteur de pouvoir déplacer le curseur sur un écran sans l’usage de la souris. C’est la direction de son regard qui va piloter les actions. Pour sélectionner et actionner, plusieurs solutions sont possibles : • Soit le clignement des yeux ; • Soit une fixation prolongée (par exemple 0,5 secondes) ; • Soit, si le patient peut partiellement bouger la tête, un buzzer. Ainsi, pour rédiger un message (email), la personne dispose d’un clavier présenté sur un écran ; son regard se pose sur les différentes « touches » de celui-ci : un clignement des yeux ou une fixation prolongée va lui permettre de « cliquer ». En association avec un dictionnaire de type « T9 » ou un logiciel d’apprentissage automatique, la composition d’un texte devient alors rapide et aisée. L’utilisation d’un synthétiseur vocal permet d’aller au delà de l’aspect visuel : la personne peut alors s’exprimer presque librement. En outre, si l’appareil de eyetracking/eye-control est relié à un système domotique, il devient envisageable de rendre une certaine autonomie à ces patients. De nombreuses sociétés sont dotées de ces appareils pour permettre à leurs employés, ayant perdu l’usage de leur main suite à un accident, de continuer à exercer leur métier. Aujourd’hui, ce type d’appareils est réservé aux grands handicapés. Dans un avenir proche, il est envisageable d’étendre leur utilisation à une population plus large, comme les personnes âgées. Avec le vieillissement de la population en Europe et Amérique du Nord, la demande peut être potentiellement forte. ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 64 06/05/11 19:15 Initialement prévu pour mesurer de manière passive une situation, le eye-tracking voit ses applications glisser progressivement vers le eye-control dans des contextes où la personne est active, peut interagir avec la machine, agir sur des interfaces et même des objets. Cette modalité d’interaction peut amener des changements intéressants dans notre quotidien. L’éventail des applications potentielles est particulièrement large… © Fotolia Le futur : du eye-tracking au eye-control Salles de contrôle et de supervision : nous avons évoqué ci-dessus la notion de charge cognitive. Lors de l’accomplissement de tâches complexes dans des conditions de stress important, le processus mental qui consiste à faire appel à sa mémoire de travail et à intégrer de nouvelles informations ne se déroule pas de manière « normale ». Selon les chercheurs, cette surcharge cognitive peut être responsable de l’échec de la réalisation de la mission. Or dans des contextes tels que la conduite d’un train, la gestion d’un incident en usine chimique, le travail en contrôle aérien, un échec n’est pas acceptable. Lors de ces situations, il est alors intéressant de pouvoir détecter en direct le niveau de charge cognitive de « l’opérateur » et lui délivrer les messages dans un ordre précis de priorité et de manière lisible. L’analyse en temps réel du parcours oculaire (plus ou moins « ordonné ») combiné à d’autres données telles que la fréquence cardiaque, la fréquence des battements des paupières ou la dilatation pupillaire donne une indication de son niveau de charge, et permet de ce fait d’adapter la délivrance de messages prioritaire à l’exclusion d’autres informations pouvant perturber son attention. Pour le public professionnel d’abord © Fotolia Dans les salles d’opérations chirurgicales stériles : le chirurgien est souvent assisté d’outils contrôlés par des moniteurs pour suivre la progression d’une caméra ou d’une radio. Il lui est souvent difficile de zoomer sur certaines images à sa convenance, tout en poursuivant son opération. Ainsi en cœlioscopie, le praticien doit suivre la progression de son geste sur un écran tout en manipulant ses instruments. La charge cognitive est élevée durant l’opération car il doit pouvoir se repérer tout en pratiquant des gestes précis. Or, pour zoomer, il doit lâcher un des instruments pour manipuler un moniteur, causant une rupture dans sa représentation spatiale de la zone à opérer : dans ce cas, il lui faudrait une « troisième main » ! Un système de contrôle basé sur le regard lui permettrait de fixer une zone qui s’agrandirait automatiquement, sans contact, réduisant de fait les risques nosocomiaux. ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 65 été 2011 : kalisté 65 06/05/11 19:15 alerte de mise à jour sera reléguée au second plan, alors qu’un email reçu de votre supérieur sera affiché ; • Vous partez de votre bureau mais souhaitez laisser l’accès de votre document à un groupe de collaborateurs : la session sera déclenchée uniquement lorsqu’ils seront présents devant votre ordinateur. Sécurité : comment assurer la confidentialité d’une information affichée sur un moniteur situé dans un lieu public ? Certaines applications militaires sont dotées d’un système sophistiqué, basé sur l’identité de l’individu et son centre de vigilance, pour n’afficher que certaines parties d’un document confidentiel : par exemple, ne montrer que quelques mots et symboles autour de la zone d’observation. Pour le « grand » public Ordinateur grand public : l’intégration de systèmes eye-tracking dans les PCs n’est plus une utopie et va introduire une multitude de fonctionnalités révolutionnaires pour notre expérience face à la machine. Bien entendu, il y aura le déplacement de la souris avec le regard ; mais imaginez ceci dans votre quotidien : • Votre ordinateur est en veille. Vous arrivez à votre bureau, la détection de vos yeux, et de vos seuls yeux, déclenche le login automatique de votre compte ; • Dans l’environnement multifenêtre de votre système d’exploitation, il est nécessaire de cliquer sur l’une d’elles pour la rendre active. Grâce à l’eyetracking, il suffira de regarder la fenêtre pour la mettre au premier plan et l’activer pour travailler ; • Vous lisez un long document : il défile automatiquement au fur et à mesure que vous le parcourez ; • Si l’appareil détecte que vous « lisez en diagonale », il va automatiquement mettre en exergue les mots-clefs ; • Vous butez sur un mot technique dont vous ne comprenez pas toutes les acceptions : le fait de fixer plus longuement le mot va activer une recherche dans l’encyclopédie et vous présenter les précisions souhaitées ; • Vous êtes en pleine rédaction de rapport, votre regard reflète votre niveau de concentration : une 66 Jeu vidéo : qui n’a pas rêvé de « tuer un monstre avec son regard » ? Vous pouvez également diriger votre avatar dans un monde virtuel en fixant la direction souhaitée, combiner le mouvement du corps ou d’un joystick avec la visée avec les yeux… Si votre attention diminue, le jeu va s’adapter à votre état et changer de niveau ! Sécurité automobile (ou tout véhicule roulant ou volant) : la sécurité routière est plus que jamais d’actualité. La baisse de vigilance due à la fatigue ou à des facteurs distrayants est une cause majeure d’accidents. Il a été démontré que la fréquence et la vitesse de battement des paupières, combinées à la direction du regard (sur la route ou en dehors de la route) sont d’excellents indicateurs du niveau d’attention du conducteur. Associer ce niveau de vigilance aux outils d’assistance à la conduite permet de réduire considérablement les risques de collision. kalisté : été 2011 ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 66 06/05/11 19:15 Conclusion © Fotolia Un système de eye-tracking miniaturisé et encapsulé dans le tableau de bord à l’intérieur du véhicule, permettra, en outre, d’offrir d’autres fonctionnalités telles que : • le contrôle de systèmes d’affichage tête-haute (par exemple, changer la destination d’un GPS, ou la station d’un auto-radio, tout en conservant le regard sur la route, sans quitter le volant des mains) ; • l’affichage d’une sélection d’informations autour de la direction du regard ; • l’application des réglages personnalisés de siège et rétroviseurs suite à la reconnaissance de l’identité oculaire du conducteur. Mobiliers interactifs : le mobilier de ville ou de salon est un support idéal pour le eye-tracking. En effet, imaginez que vous puissiez commander un billet de train sur une borne interactive sans contact avec l’écran. Cela permettrait de réduire considérablement les risques de contamination par contact avec des germes. Imaginez que vous puissiez choisir une chaîne sur votre téléviseur sur une mosaïque de plusieurs dizaines de miniatures, et ce, sans la télécommande. Imaginiez enfin qu’une porte ne s’ouvre que lorsque vous la regardez et non parce que vous passez devant… Cela permettrait certainement d’éviter l’ouverture intempestive des portes, et de mieux conserver les conditions thermiques du bâtiment. Le eye-tracking constitue un formidable outil pour l’analyse et la compréhension du comportement humain. Il peut être utilisé dans un mode passif pour révéler la manière dont un internaute parcourt visuellement une page d’accueil, comment un consommateur compare différents produits dans un linéaire de supermarché, les stratégies mises en œuvre par un enfant pour apprendre à se servir d’un outil, ou encore la charge cognitive d’un contrôleur aérien. Les dispositifs AAC (Augmentative and Alternative Communications) basés sur le eye-control permettent aux personnes handicapées moteur de maîtriser un environnement informatique avec leur seul regard. Mais surtout, cette modalité d’interaction va se généraliser pour les professionnels et se démocratiser dans notre quotidien : c’est une « troisième main » pour le chirurgien, c’est un système de détection de la vigilance de conduite, c’est un ordinateur standard doté de eye-tracking, ce sont des jeux d’ordinateur contrôlés par le regard… Comme dans toute innovation, certains ne manqueront pas de relever les dérives possibles : « intrusion » dans la vie privée d’un passant, collecte de données individuelles à des fins commerciales. Les instituts d’études marketing et d’opinions organisent régulièrement des collectes de données, dans une démarche transparente et un cadre pleinement légal : le panel interrogé est informé de la méthode et de la métrique utilisée ; en outre, c’est le comportement moyen qui intéresse les spécialistes des études et non les données individuelles. Il appartiendra très certainement aux pouvoirs publics de se saisir de la question, en bordant le champ applicatif, fixant les limites d’enregistrement et d’exploitation des données glanées à l’insu des utilisateurs, afin de permettre à cette technologie de livrer sereinement et rapidement tout son potentiel au bénéfice de la société. Aujourd’hui, le coût d’acquisition d’une solution de eye-tracking de bonne facture, avec un accompagnement adéquat, reste compris entre 2 k (en location) et 20 k€ (en investissement) : c’est un « luxe » encore réservé aux professionnels. Les enjeux pour les utilisateurs et les bienfaits attendus justifient pleinement de continuer à stimuler les développements industriels. Ceux-ci sont essentiels pour réduire les coûts d’acquisition et améliorer les performances, ce qui permettrait d’enclencher une spirale vertueuse vers l’utilisation par le plus grand nombre, à la rencontre d’un marché substantiel et d’une appropriation citoyenne de cette technologie... Photos : © Tobii Technology 2011 été 2011 : kalisté ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 67 67 06/05/11 19:15 Bertrand Taquin Directeur de projet vidéoprotection SNCF Bertrand Taquin, 49 ans, ingénieur Télécom Lille 1, a été nommé directeur de projet au Département des Télécommunications de la Direction de l’Ingénierie SNCF le 15 janvier 2009. Il est également intervenu en tant que manager dans différents établissements de production SNCF et a travaillé comme expert pour les études de conception des systèmes de télécommunications du TGV coréen en relation avec KRRI1. Il fut également le représentant de l’INFRA2 pour la rédaction du premier PPP3 de Réseau Ferré de France sur le projet GSMR4. Il a géré de nombreux projets externes comme la réalisation des infrastructures radio du métro de Lyon. Chef de projet à l’origine des premières expériences SNCF de vidéo haut débit sur IP (projet VATIM5), il est maintenant à la tête d’une task-force chargée de décliner sur le territoire national le déploiement et l’intégration des solutions de vidéoprotection au sol. Cette entité a pour mission essentielle de garantir la cohérence technique de bout en bout, d’industrialiser les méthodes et d’animer sur l’ensemble du territoire national les entités régionales de production. Bertrand Taquin est spécialisé dans le lancement de grands projets de télécommunications en milieu ferroviaire mettant en œuvre des nouvelles technologies. Il s’appuie pour ce faire sur de nombreux experts, bureaux d’études et industriels, sans oublier les services juridiques et les entités marchés. 1 Korean Railroad Research Institute 2 Branche Infrastructure de la SNCF 3 Partenariat Public Privé 4 GSM Railways 5 Vidéo Antiterrorisme Intra Muros 68 kalisté : été 2011 TRIBUNE LIBRE La vidéoprotection à la SNCF Un outil communicant performant au service de la sûreté et du transport ferroviaire Genèse Le contexte politique et les besoins de prévention de la délinquance ont conduit les pouvoirs publics à favoriser le développement de la vidéoprotection. Des attentes fortes ont ainsi été exprimées au plus haut niveau de l’État, encadrées par un dispositif légal complet et cohérent : • Un cadre protecteur des libertés fixé par la loi du 21 janvier 1995 et élargi par la loi du 23 janvier 2006 ; • Des modalités d’application fixées par le décret du 17 octobre 96, simplifiées par le décret du 22 janvier 2009 ; • Des règles de qualité et d’efficacité fixées par l’arrêté sur les normes techniques du 3 août 2007. Mesurant immédiatement l’importance vitale qu’elle représente pour la vie économique et sociétale du pays, la SNCF a manifesté sa volonté d’accroître très fortement les équipements de vidéoprotection mis en œuvre dans le monde ferroviaire, en complément d’autres actions de prévention. En choisissant dès 2006 des solutions technologiques communicantes basées sur l’Ethernet à très haut débit plutôt que des réseaux ATM1, son réseau Ile de France a été apte dès l’origine à recevoir toutes les évolutions et capable de s’interconnecter avec l’ensemble de ses partenaires internes ou externes des zones urbaines. Aujourd’hui, l’utilisation faite de la vidéoprotection répond complètement aux cahiers des charges SNCF dans le strict respect des contraintes légales : • protéger et rassurer les clients et le personnel ; • protéger les installations ; • renseigner les forces de Police ; • lever le doute lors de signalements et coordonner les interventions ; • apprécier les flux de voyageurs et la régulation du trafic ; • enrichir l’information diffusée aux voyageurs en gare et à ses abords. 1 Asynchronus Transfer Mode été 2011 : kalisté ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 69 69 06/05/11 19:15 Ces choix technologiques ont nécessité de nombreuses études de conception générale et détaillée qui permettent aujourd’hui d’offrir un éventail de solutions techniques répondant au juste besoin des activités SNCF et à une logique de maîtrise des coûts. Un projet d’envergure nationale L’ampleur du nouveau programme engagé par la SNCF a conduit à un changement d’échelle dès 2008, l’objectif étant d’équiper la plupart des gares tant en Ile-de-France que dans les principales villes de province, sans oublier l’équipement de ses trains. Cela représentera à terme plusieurs milliers de caméras dont les images seront intégralement enregistrées. Ce programme a poussé plus loin l’ambition technologique en retenant des orientations techniques innovantes : • l’utilisation systématique de caméras numériques IP1 ; • un support de transmission sur fibres optiques de bout en bout ; • des équipements DWDM2 et IP3 à très haut débit dans le réseau et l’implémentation de fonctionnalités MPLS4 ; • une solution logicielle éprouvée et ouverte vers le monde extérieur permettant de disposer de plusieurs centaines de postes opérateurs accédant à l’ensemble des images en temps réel ou en temps différé ; • un système informatique hautement sécurisé garantissant des conditions d’utilisation et d’extraction des images strictement encadrées ; • des systèmes d’enregistrement représentant plusieurs milliers de Terra octets de données, accessibles uniquement par les postes opérateurs à vocation sûreté via un système de navigation et de recherche très performant ; • d’autres systèmes de transmission radio ou CPL5 adaptés aux plus petites entités. 70 Leur mise en oeuvre est pilotée par la Direction de l’Ingénierie au niveau national ; elle s’appuie sur la DSIT5 pour le réseau IP. L’objectif est de garantir la cohérence d’ensemble des systèmes depuis l’acquisition jusqu’au traitement des images sans oublier la mise à disposition des outils d’exploitation et de maintenance pour son centre de service géré par CSCTI6. Plusieurs plateformes de pré-production ont donc été nécessaires en usine et in-situ pour valider les solutions retenues. Elles ont maintenant livré leurs secrets et permis de vérifier que la solution répondait en tous points aux contraintes légales et aux attentes des comités utilisateurs sûreté, exploitants ferroviaires, mainteneurs et forces de sécurité. La vidéo a donc tout d’une technique sophistiquée s’appuyant sur l’informatique et les télécommunications. Mais sait-on que sa mise en œuvre en milieu ferroviaire (quais de gares, souterrains, hall de gares, etc.) nécessite d’importants travaux de génie civil, des précautions particulières liées à la présence de la très haute tension 25 KV~ dans les caténaires et aux circulations ferroviaires ? Des chantiers se profilent dans toute la France et sont actuellement engagés à un rythme soutenu. Ils ont nécessité de nombreux appels d’offres, une industrialisation des méthodes et une harmonisation des systèmes de vidéoprotection au niveau national. Pour garantir une exploitation cohérente centralisée, les plus emblématiques sont sans aucun doute les grandes gares parisiennes comme Paris-Nord qui est maintenant dotée de plusieurs centaines de caméras. Un système équivalent équipe les gares de Paris-Est, Paris-Gare de Lyon, Marseille, Perpignan, Lille… 1 Internet Protocol. 2 Dense Wavelength Division Multiplexing permet de faire passer jusqu’à 32 longueurs d’ondes sur une seule fibre optique. 3 Multi Protocol Label Switch permet un déploiement à grande échelle pour acheminer différents types de trafic tout en respectant les contraintes de fonctionnement associées. 4 Courants Porteurs en Ligne réfère à une technique permettant le transfert d’informations numériques en passant par les lignes électriques. 5 Direction des Systèmes d’Information et des Télécommunications. 6 Centre de Service Client Télécom et Informatique. kalisté : été 2011 ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 70 06/05/11 19:15 TRIBUNE LIBRE ia ol © t Fo Au cours des mois et des années à venir, chaque nouveau chantier programmé débouchera sur une mise en service planifiée avec les différents maîtres d’ouvrages et les exploitants. cours le démontrent au quotidien avec le réaménagement des gares de Paris et de province. N’oublions pas non plus les trains de la vie quotidienne dont l’équipement est en cours. Ainsi, en Ile-de-France, la première nouvelle automotrice Transilien est livrée avec ses caméras et ses enregistreurs. Certains modèles de matériel roulant plus anciens profiteront quant à eux des opérations programmées de rénovation pour leur équipement. Grâce à son emplacement stratégique au cœur des villes et aux flux importants généré, par le trafic ferroviaire, la gare a vocation à devenir un pôle d’activité dynamique. Elle devient à la fois un lieu de développement urbain, de transit, de vie, de services et d’échanges. Si la SNCF a porté l’ambition de la vidéoprotection du système ferroviaire auprès des pouvoirs publics, elle doit désormais la faire partager à ses partenaires dans l’activité de transport. La vidéo en gare au cœur de l’inter modalité urbaine L’ambition de la SNCF est de rendre la gare plus ouverte sur la ville, fonctionnelle et lisible, confortable et accessible, vivante et animée. Grand partenaire de la SNCF, Réseau Ferré de France partage avec elle le souci de la sécurité des circulations ferroviaires, y compris dans l’environnement des gares. S’il fallait s’en convaincre, les grands chantiers en Mais alors, quels sont les apports de la vidéo dans ce nouveau contexte ? L’expérience SNCF a montré que la vidéo apporte des informations précieuses aux personnels dont la mission est la prise en charge des voyageurs. C’est une aide quotidienne à la production ferroviaire, aussi bien pour la gestion des voyageurs que pour la préparation des trains et leur circulation. Au-delà de leurs fonctions primaires de sûreté, les caméras permettent de saisir l’ambiance de la gare sur les quais, dans le bâtiment voyageurs ou ses abords immédiats. Elles facilitent ainsi la gestion des déplacements en apportant une aide efficace pour l’accueil et la prise en charge des groupes de été 2011 : kalisté ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 71 71 06/05/11 19:15 voyageurs, en anticipant l’arrivée des cars grâce à leur visualisation et en supervisant les déplacements de ces groupes dans l’enceinte de la gare. De même, les caméras apportent leur aide lors d’interventions d’urgence ou pour faciliter l’accès aux trains pour les personnes à mobilité réduite, par une préparation mieux adaptée et un meilleur suivi. Dans les centres chargés de l’information des voyageurs, l’opérateur qui effectue les annonces sonores bénéficie quant à lui d’un retour visuel en temps réel lui permettant de vérifier la bonne compréhension de ses messages par les clients et d’en mesurer l’impact. Ce dernier apprécie alors le besoin de compléter ou non l’annonce faite aux clients. C’est ce retour visuel sur la concentration des flux de voyageurs qui lui permet de mettre en œuvre des stratégies plus efficaces pour fluidifier les déplacements et limiter les mouvements de foules non souhaités. Ainsi, lors des situations de perturbation, la visualisation des clients qui attendent les trains en gare permet d’évaluer et de cerner les situations à risque. Dans le processus de décision, les caméras apportent une aide précieuse pour agir rapidement : désengorger des quais trop bondés, ajouter si nécessaire des arrêts supplémentaires, mettre en place des transports de substitution… Autres utilisations probantes de la vidéo : • L’optimisation de la production : assistance à la mise à quais des trains lors de grands départs ou lors d’événements particuliers tels que la fête de la musique, les grands événements sportifs, politiques ou culturels ; • Interventions de contrôle : supervision d’interventions délicates d’agents en gare auprès d’usagers potentiellement réactifs, par exemple lors d’opérations de contrôle sur les quais ; • La protection des zones sensibles : seule ou cou- 72 plée à d’autres systèmes de détection d’intrusion, la vidéo apporte un soutien efficace pour la surveillance des garages de rames (dispositifs anti-tagueurs), des zones d’embarquement de type Transmanche, des tunnels ferroviaires, des couloirs de correspondance… ; • La gestion des équipements en gare : une caméra pointée sur un escalator permet de renseigner l’exploitant sur son bon fonctionnement, sur le fait qu’un incident s’y est produit ou tout simplement de l’arrêter ; • Surveillance des biens : la surveillance des parcs de stationnement des vélos ou voitures permet de prévenir des dégradations éventuelles. Cette surveillance peut être étendue aux distributeurs automatiques qui délivrent des billets de train, de l’argent, des boissons ; • L’aide aux personnes en situation de détresse : utilisée en couplage audio sur les bornes d’appel d’urgence en Ile de France, elle permet de prendre en compte l’environnement de la personne qui intervient depuis un quai ou un souterrain, pour mieux cibler la réponse à donner en terme d’assistance. La vidéo trouve donc de nombreuses applications en gare pour améliorer la qualité et la performance du service en gare, garantir leur renouveau et inventer la mobilité de demain afin de préparer l’ouverture du marché voyageur. kalisté : été 2011 ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 72 06/05/11 19:15 TRIBUNE LIBRE Préparer l’avenir L’outil vidéo est un outil en pleine évolution. Audelà de la captation des images et des techniques de transmission, des études sont lancées sur ce qu’on appelle la vidéo-intelligente. Le spectre est très large : certaines applications sont aujourd’hui bien maîtrisées et peuvent faire l’objet d’une utilisation « industrielle » tandis que d’autres, plus nombreuses, font l’objet de travaux de recherche pointus. La SNCF entend tirer parti des potentialités nouvelles qu’offrira l’outil vidéo pour ses activités de transporteur. Aujourd’hui, la SNCF teste de nombreuses solutions innovantes. Par exemple, la vidéo-mobilité qui permet de se connecter en toute sécurité à distance via des PDA1 sur les installations en gare, des solutions de transmission d’images à très haut débit entre le sol et le bord pour télécharger les données enregistrées, etc. Elle installe et continue de tester des solutions de vidéo « anti-intrusion » évoluées qui permettent de détecter des personnes non habilitées pénétrant dans des zones protégées. Des exemples simples peuvent illustrer le bénéfice que l’on peut attendre en matière ferroviaire : la protection du matériel roulant stationné pour éviter des actes de malveillance ou l’embarquement de passagers clandestins, l’interdiction d’accès à des ouvrages d’art tels qu’un tunnel. Dans ce dernier cas, la caméra devra distinguer le déplacement de personnes de celles de véhicules ferroviaires dont le passage est légitime, ces détections pouvant être faites de jour comme de nuit par des systèmes infra rouge. Dans une perspective plus lointaine, un programme de veille technologique est mené en partenariat entre les activités SNCF, les Directions de l’Ingénierie, de la Recherche et de la Sûreté pour anticiper les développements nécessaires. La Sncf : une entreprise citoyenne En s’engageant dans une politique de prévention forte comprenant cet ambitieux programme d’équipement vidéo, la SNCF a choisi de témoigner une nouvelle fois de sa dimension citoyenne à travers des réponses à la hauteur des enjeux qui se posent à la collectivité. S’appuyant sur ses compétences internes d’ingénierie et sa connaissance du monde du transport, elle mène ce projet avec détermination pour en tirer le plus grand bénéfice pour la sûreté des biens et des personnes, l’exploitation du transport ferroviaire et pour l’accueil et l’accompagnement de ses clients tout au long de leur voyage. Apparue à l’origine pour des motifs de sûreté dans les gares, la vidéo trouve donc également aujourd’hui sa pertinence dans la production ferroviaire où elle a déjà modifié fortement les comportements métiers en apportant une efficacité accrue. 1 Personal Digital Assistant Demain, elle continuera d’être un facteur de l’amélioration continue du service rendu au client. ÉTÉ 2011 : KALISTÉ 73 Chris Wild Directeur Technique Altran Praxis Chris Wild, actuellement Directeur technique d’Altran Praxis, possède plus de 25 ans d’expérience dans l’industrie du software et la gestion de projets. De l’aérospatial à l’automobile, en passant par le multimédia, le parcours de Chris Wild l’a également amené à travailler sur l’intelligence artificielle et la théorie de la complexité. On retrouve beaucoup de son travail sur des modèles de voitures BMW et Volkswagen, différents appareils de téléphonie mobile et dans les études de fabricants de semi-conducteurs. Avant de rejoindre le groupe Altran, Chris Wild a occupé les fonctions de Directeur du développement de logiciels chez Infineon, Directeur concepteur du compass design, et de nombreux postes en tant qu’ingénieur dans les administrations britanniques chez Smith’s Aerospace ou encore Digital Corporation. Au-delà de sa carrière sans faille dans la conception et le développement de logiciels, Chris Wild tire une grande fierté de son action dans le développement et la gestion d’équipes d’ingénieurs internationales. 74 kalisté : été 2011 ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 74 06/05/11 19:15 TRIBUNE LIBRE L’avènement des App Stores automobiles L es plateformes de téléchargement de logiciels applicatifs et de services, connues désormais sous le terme consacré d’App Stores, font aujourd’hui partie de la périphérie indispensable de tout smartphone qui se respecte ! Les App Stores offrent aux utilisateurs un achat sécurisé, ainsi que le téléchargement et l’installation de nouvelles applications par un processus simple et contrôlé, via le web ou directement sur les terminaux. Dans ce contexte, la confiance des utilisateurs envers les applications proposées dans les App Stores revêt un caractère crucial : elle est assurée par une sélection en amont de la part des fabricants. Cette évolution a engendré de nombreuses retombées positives sur le marché des smartphones. Les créateurs d’applications sont capables de fournir beaucoup plus de contenu en volume, s’appuyant sur une phase de commercialisation plus efficace. Cela aurait été impossible par le biais d’un système central intégré ou d’un système de développement commissionné. Les systèmes d’Infotainment, intégrés dans les voitures, sont actuellement perçus comme un nouveau marché potentiellement fécond pour les App Stores. De nombreux problèmes associés à la mise en place et à l’opérationnalisation des systèmes d’Infotainment pourraient ainsi être résolus en utilisant un système d’App Store centralisé, à l’instar de ce celui des smartphones. Mais ce n’est pas si simple… Aujourd’hui, les systèmes d’Infotainment se heurtent en premier lieu à des barrières politiques et législatives : les applications d’Infotainment sont utilisées par le conducteur, alors que le conducteur est par définition en train de conduire ! Dans ce contexte, c’est l’ergonomie et le design qui priment. Les sous-traitants d’équipements automobiles considèrent les aspects de design et d’ergonomie comme faisant partie de leur image de marque. Toutefois, cette dernière agrège également l’image de sécurité des équipements : il n’est pas question que leurs produits soient associés à une mise en péril des automobilistes. été 2011 : kalisté ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 75 75 06/05/11 19:15 « Les sous-traitants seront obligés de mettre de côté leurs systèmes bridés et cloisonnés. Par ailleurs, les sous-traitants de l’automobile sont sous pression pour concevoir des systèmes compatibles avec les terminaux usuels, fonctionnant avec des télématiques connectées, répondant au plus près aux attentes des consommateurs. Cette attente se résume dans cette simple phrase : « tout le monde veut un smartphone et pouvoir l’utiliser dans sa voiture ». Le problème technique qui s’ensuit est que le cycle de développement des systèmes intégrés aux voitures est compris entre 2 et 4 ans, alors que les appareils, les services et applications pour smartphones arrivent sur le marché en seulement quelques mois. Il est donc évident que les sous-traitants seront obligés de mettre de côté leurs systèmes bridés et cloisonnés, s’ils souhaitent répondre au mieux à ces obligations. L’enjeu principal est que les systèmes intégrés aux voitures devront pouvoir supporter la 76 mise en place et l’intégration des logiciels après que le système de base ait été mis en place, testé et vendu. Dans ce cadre, il semble inévitable que les sous-traitants recourent à des tierces parties, car ils n’ont pas les ressources nécessaires pour développer toutes les applications eux-mêmes. L’émergence des App Stores pour « automobiles connectées » pourrait donc prendre un certain temps, afin de permettre aux sous-traitants d’évoluer dans ce contexte. L’arrivée d’un support technologique, à travers la mise en place de kits de développement logiciels (Software Development Kits -SDK) procurant contrôle et sécurisation de la réalisation pour l’App Store, devrait permettre aux sous-traitants ou aux tierces parties de développer et obtenir des logiciels plus rapidement, tout en garantissant l’image de marque et la qualité, dans un modèle flexible et transparent. Dans ce cas, l’atout que porte l’App Store réside dans un processus de développement indépendant, combiné à un portail de contrôle qualité à l’entrée de l’App Store. Ce projet nécessite aussi que la technologie de base des systèmes intégrés aux voitures évolue pour prendre en compte l’intégration d’applications, ce que l’on rencontre déjà dans des publications telles que GENIVI (références 1 à 3). Bien entendu, ce processus repose sur de multiples facteurs à prendre en compte pour être en phase avec le marché. A minima, l’utilisateur final doit avoir la volonté d’acquérir des systèmes intégrés aux voitures ! Pour cela, les applications doivent se situer au plus près de ses attentes, être sécurisées, procurer une ergonomie satisfaisante et afficher un prix abordable. L’aspect ergonomique sera intégré dans le SDK en fonction de critères définis par les sous-traitants, tandis que la dimension sécurité sera certainement déterminée par le législateur (référence 4). kalisté : été 2011 ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 76 06/05/11 19:16 TRIBUNE LIBRE La recherche d’applications nouvelles stimule généralement la créativité des concepteurs… Dans le cas de l’automobile, il y a fort à parier que les applications seront moins nombreuses que pour les iPhones. En revanche, le leitmotiv des concepteurs pourrait certainement évoluer vers la recherche d’applications utiles et fonctionnelles pour les conducteurs. Apparemment, les frémissements actuels montrent que la première vague d’applications à succès sera celle qui permettra d’accroître les capacités déjà présentes dans les voitures de façon non-intrusive. Par exemple, acheter en temps réel la musique qui passe sur une station radio, gérer la facturation automatique, la transférer sur l’appareil, tout cela en appuyant sur une seule touche… L’approche App Store pourrait avoir des retombées positives pour l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur. Son développement comprendra plusieurs étapes : développement d’applications, de services, communication et plateformes de support. Le revenu global sera partagé entre les créateurs d’applications, les sous-traitants de services, les opérateurs de communication et les sous-traitants automobiles. En revanche, les bonnes connexions entre les acteurs de la chaîne de valeur restent à inventer : les sous-traitants géreront-ils l’App Store dans son ensemble, en s’occupant des serveurs et de la facturation ; externaliseront-ils ces tâches vers des tierces parties, ou à l’inverse, se lancerontils dans la compétition avec un certain nombre d’acteurs tels que les opérateurs de téléphonie ? L’avenir le dira, car il est fort probable que le concept App Store apparaisse dans nos véhicules d’ici quelques années, poussé par une attente croissante du marché et un contexte technologique favorable. En revanche, qui seront les futurs utilisateurs de ces App Stores et autour de quels axes de valeur d’usage plébisciteront-ils ce modèle ? Là encore, la question est ouverte… 1 http://www.genivi.org/refs, Hughes Telematics 2 http://www.hughestelematics.com/solutions/manufacturer.php , Ford 3 http://reviews.cnet.com/8301-13746_7-10385619-48.html 4 http://blogs.findlaw.com/injured/2010/01/the-in-car-infotainment-system-what-risks-are-posed. html?utm_source=feedburner&utm_medium=feed&utm_campaign=Feed%3A+Injured+(Injured) été 2011 : kalisté ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 77 77 06/05/11 19:16 CONCLUSION Conclusion La ville 3.0 : Vers un nouvel espace intelligent ? André Santini Ancien Ministre Député-Maire d’Issy-les-Moulineaux Président du conseil de surveillance de la Société du Grand Paris Selon l’ONU, plus de la moitié de la population mondiale vit, depuis le début du XXIe siècle, en ville. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, les citadins sont plus nombreux que les campagnards. Surtout, la population mondiale devrait dépasser les 9 milliards d’habitants d’ici 2050, ce qui provoquera inéluctablement de profonds bouleversements dans notre manière d’appréhender le monde. La ville 3.0 est celle d’un futur proche. Après le web 2.0, que l’on peut résumer par l’utilisation de l’intelligence collective au service de l’humanité, le web 3.0 devrait tirer parti de l’intelligence artificielle, autour notamment de l’Internet des objets. En communiquant ensemble, ces capteurs et senseurs vont permettre de mieux gérer notre consommation énergétique, de fluidifier la circulation automobile dans les grands centres urbains, de mieux protéger les citoyens et de mieux appréhender les grands enjeux de la ville, sans jamais oublier que celle-ci est d’abord l’expression d’une communauté d’hommes et de femmes partageant un lieu de vie et de savoir. C’est le pari que j’ai pris lorsque, au début des années 90, j’ai engagé ma ville d’Issy-les-Moulineaux sur la voie du numérique. Un investissement qui a permis d’améliorer les services rendus à la population et d’accroitre l’attractivité de la ville qui, en accueillant davantage d’entreprises et d’habitants, peut s’enorgueillir d’avoir des impôts locaux plus faibles aujourd’hui qu’en 1996, date du lancement de notre site issy.com. Nous travaillons, aujourd’hui, sur des projets de Smart grid qui, basés sur les technologies du web 3.0, devraient renforcer plus encore notre rôle de ville pionnière. La révolution technologique transforme nos sociétés. Nous vivons depuis une vingtaine d’années le début d’un cycle dont nous ne connaissons évidemment pas la fin mais qui pourrait rendre, enfin, la vie de tous les habitants de cette planète plus supportable qu’elle ne l’a jamais été dans notre Histoire. Après avoir rendu le savoir accessible à tous, la société numérique peut résoudre de nombreux maux, dans le domaine de la médecine, de l’environnement et de la société en général. C’est cet espoir que porte, à mes yeux, la ville connectée. 78 KALISTÉ : ÉTÉ 2011 ALTRAN_KALISTE_CONCLU.indd 78 06/05/11 19:16 REMERCIEMENTS ALTRAN REMERCIE L’ENSEMBLE DES CONTRIBUTEURS AYANT PARTICIPÉ À L’ÉLABORATION DE KALISTÉ ÉDITION ÉTÉ 2011 : Hossam Afifi, Nils Aziosmanoff, Aurélien Clerc, Laurie de l’Éprevier, Vincent Gauthier, Marc Girod Genet, Antoine Luu, Matthias Mann, Olivier Meulle, Philippe Orvain, Olivier Picard, Bernhard Scherer, Stéphane Schmoll, Bertrand Taquin, Giovanni Ungaro, Chantal Vallet, Chris Wild et enfin Monsieur André Santini qui a conclu les travaux de Kalisté. ALTRAN_KALISTE_CONCLU.indd 79 06/05/11 19:16 COMITÉ DE RÉDACTION KALISTÉ Méhand Guiddir Directeur de la publication [email protected] Luc Vidal Chef de projet [email protected] Vladimir Froment Assistant directeur de la publication [email protected] Audrey Boullenger Responsable communication [email protected] Émilie Bartier Chargée de communication [email protected] DESIGN & CONCEPTION GRAPHIQUE Laurie de l’Éprevier Illustrations - Designer Pr[í]me [email protected] Aurélien Clerc Illustrations - Designer Pr[í]me [email protected] Luce Théry Conception graphique et mise en page [email protected] Kalisté est la publication d’Altran Telecoms & Media. Vos commentaires sont les bienvenus. Merci de les adresser à notre comité de rédaction : 58, boulevard Gouvion Saint-Cyr, 75017 Paris, France. Téléphone : +331.48.88.00.00. [email protected] Copyright 2011 © Altran, tous droits réservés. ALTRAN_KALISTE_OURS.indd 80 DIRECTION ALTRAN Telecoms & Media Cédric Péan Directeur général [email protected] Yannick Waller Directeur général adjoint [email protected] 06/05/11 19:17 ALTRAN_KALISTE_CV_ok.indd 2 06/05/11 16:31 La viLLe 3.0 Vers un nouvel espace intelligent ? ALTRAN_KALISTE_CV_ok.indd 1 06/05/11 16:31