La consommation d`anxiolytiques comme indicateur du bien-être

Transcription

La consommation d`anxiolytiques comme indicateur du bien-être
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IEP de Toulouse
Mémoire de recherche présenté par M. Romain PIGNARD
Directeurs du mémoire :
Mme Maryse LAPEYRE-MESTRE et M. Jean-Louis GUY
Date : 2013
LA CONSOMMATION D’ANXIOLYTIQUES COMME INDICATEUR DU
BIEN-ETRE DANS LES PAYS DE L’ORGANISATION DE COOPERATION
ET DEVELOPPEMENT ECONOMIQUES.
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IEP de Toulouse
Mémoire de recherche présenté par M. Romain PIGNARD
Directeurs du mémoire :
Mme Maryse LAPEYRE-MESTRE et M. Jean-Louis GUY
Date : 2013
LA CONSOMMATION D’ANXIOLYTIQUES COMME INDICATEUR DU
BIEN-ETRE DANS LES PAYS DE L’ORGANISATION DE COOPERATION
ET DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUES.
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What a drag it is getting old
"Kids are different today"
I hear ev'ry mother say
Mother needs something today to calm her down
And though she's not really ill
There's a little yellow pill
She goes running for the shelter of a mother's little helper
And it helps her on her way, gets her through her busy day
"Things are different today"
I hear ev'ry mother say
Cooking fresh food for a husband's just a drag
So she buys an instant cake and she burns her frozen steak
And goes running for the shelter of a mother's little helper
And two helps her on her way, get her through her busy day
Doctor please some more of these
Outside the door, she took four more
What a drag it is getting old
"Men just aren't the same today"
I hear ev'ry mother say
They just don't appreciate that you get tired
They're so hard to satisfy. You can tranquilize your mind
So go running for the shelter of a mother's little helper
And four help you through the night, help to minimize your plight
Doctor please some more of these
Outside the door, she took four more
What a drag it is getting old
"Life's just much too hard today"
I hear ev'ry mother say
The pursuit of happiness just seems a bore
And if you take more of those, you will get an overdose
No more running to the shelter of a mother's little helper
They just helped you on your way through your busy dying day
Mother’s Little Helper - Mick Jagger & Keith Richards (1966)
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Remerciements
En préambule à ce mémoire, je souhaite adresser mes remerciements aux personnes qui m’ont
apportés leur aide et qui ont ainsi permis la réalisation de ce travail.
Je tiens à remercier Mme Maryse LAPEYRE-MESTRE, docteur en médecine, d’avoir
accepté de me suivre en tant que directrice de ce mémoire, de son intérêt communicatif
extrêmement motivant, de sa disponibilité et finalement de m’avoir guidé dans l’orientation
de ma recherche.
Je suis également extrêmement reconnaissant à M. Jean-Louis GUY, professeur d’économie,
d’avoir accepté d’assumer la responsabilité conjointe de la direction de ce mémoire, mais
aussi de son aide méthodologique, de sa patience et de sa compréhension.
Mes sincères remerciements enfin à Chloé DA SILVA, pour sa contribution à ma recherche
documentaire, ainsi qu’à Pierre BASCOUL et Mathieu CAUBIN, pour leur soutien lors des
recherches de corrélations.
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Avertissement : L’IEP de Toulouse n’entend donner aucune approbation, ni improbation dans
les mémoires de recherche. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur
auteur(e).
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Abréviations
Afssaps : Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, ancien nom de
l’ANSM : Agence nationale de sécurité du médicament
ATC : Classification Anatomique, Thérapeutique et Chimique
DDD : Defined Daily Dose, ou DDJ, Dose Définie Journalière
DSM IV : Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders IV
EGB : Echantillon Généraliste des Bénéficiaires
ESEMeD : European Study of the Epidemiology of Mental Disorders
IDH : Indicateur de Développement Humain
IDHI : Indicateur de développement Humain indexé aux Inégalités
Inpes : Institut national de prévention et d’éducation à la santé
Inserm : Institut national de la santé et de la recherche médicale
ISRS : Inhibiteur Sélectif de Recapture de la Sérotonine
OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Économiques (anglais : OECD)
OICS : Organe International de Contrôle des Stupéfiants (anglais : INCB)
OMS : Organisation Mondiale de la Santé (anglais : WHO)
ONU : Organisation des Nations Unies
PIB : Produit Intérieur Brut
PMP : Prescription Monitoring Program
PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement
SAMHSA : Substance Abuse and Mental Health Services Administration (Etats-Unis)
USA : Etats-Unis d’Amériques
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Sommaire
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Première!partie!:!.............................................................................................................................!4!
Contextualisation!des!pratiques!de!consommations!..........................................................!4!
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Chapitre!1!:!Premiers!éléments!de!définition.!.................................................................................!5!
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Chapitre!2!:!Historique!de!la!consommation.!................................................................................!11!
!
!
Deuxième!partie:!...........................................................................................................................!26!
Les!déterminants!sociaux!de!la!consommation!..................................................................!26!
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Chapitre!1!:!AuCdelà!du!médical,!la!consommation!d’anxiolytiques!comme!fait!social!..!27!
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Chapitre!2!:!Recherche!de!déterminants!macro!sociaux!par!la!comparaison!
internationale!...........................................................................................................................................!36!
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Troisième!partie:!..........................................................................................................................!51!
Quel!sens!donner!à!cette!consommation!?!...........................................................................!51!
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Chapitre!1!:!Signification!de!la!consommation!en!l’état!actuel!................................................!52!
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Chapitre!2!:!Quel!potentiel!pour!la!consommation!d’anxiolytiques!comme!indicateur!?
!.......................................................................................................................................................................!59!
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Introduction
Il s’agit d’un lien de bon sens, une évidence qui irrigue aussi bien les médias, du
Monde1 au New-York Times2, que la société : la France est morose, son taux de suicide et de
consommation de psychotropes, figurant parmi les plus élevés d’Europe, le prouvent. C’est
pourtant cette automaticité du lien entre la consommation des médicaments psychotropes, au
premier rang desquels se trouvent anxiolytiques et hypnotiques, et l’état de la société qui est à
l’origine de la recherche que nous présenterons ici. Il importe de le préciser, l’enjeu de cette
étude n’est pas de remettre en cause le fait que la société française puisse être psychiquement
éprouvée, mais bien que la consommation de médicaments psychotropes puisse en être
l’indicateur immédiat.
Pour autant, l’ampleur de la consommation est réelle, en janvier 2012 le rapport de l’Agence
française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) intitulé Etat des lieux de la
consommation des benzodiazépines en France s’ouvrait sur cette constatation : 20% de la
population a consommé une benzodiazépines (principal représentant des anxiolytiques et
hypnotiques) ou apparentée en 2010, plaçant ainsi la France au deuxième rang européen en
terme d’anxiolytiques (après le Portugal) et d’hypnotiques (après la Suède). Si cet état de fait
peut être une source d’inquiétudes pour les autorités publiques, cela ne nous dit pas pour
autant ce que l’on peut en déduire en terme de diagnostic social. Nous avons donc souhaité
discuter des pratiques et déterminants de cette consommation afin d’en interroger la
signification. Ce faisant notre objectif était de rechercher le sens que peut revêtir l’usage
de la consommation d’anxiolytiques comme indicateur de bien-être.
Ce choix de la notion d’indicateur nous a semblé comme la plus à même de traduire
l’attachement que nous souhaitions conserver pour la démonstration d’une relation objective
entre deux phénomènes. La conséquence la plus immédiate de ce postulat est une observation
de critères majoritairement tangibles, voire quantifiables, car si nous avons néanmoins pris en
compte les questions de perceptions subjectives (et ce qu’elles peuvent exprimer du contexte
culturel), celles-ci se prêtent souvent mal à la comparaison internationale (absence de données
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
1
ANONYME, « Morose – La France ne fait pas le bonheur »,
M. DOWD, « Goodbye old world, bonjour tristesse »,
3
2
RC.DOWD,
M.
KESSLER
« Goodbye
et al., « old
Lifetime
world,prevalence
bonjour tristesse
and age-of-onset
»,
distributions of DSM-IV disorders in the
2
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unifiées) qui nous était nécessaire. Dis autrement, l’indicateur est le moyen pour nous
d’observer si les conditions de vie des populations sont effectivement liées à une tendance de
consommation, et si la tendance de consommation peut nous renseigner sur ces conditions de
vie.
Quant à la restriction de l’étude aux seuls anxiolytiques, elle tient essentiellement de deux
ordres : d’une part la nécessité de circonscrire le sujet au regard de l’étendue des situations
couvertes par les psychotropes, et d’autre part la représentativité particulière supposée aux
anxiolytiques dans les tentatives d’établir un lien entre le malaise psychique et la société.
Le choix d’un périmètre d’étude limitée aux pays membres de l’OCDE tiens de la même
logique. En effet, il s’agit d’un groupe restreint de pays présentant une certaine homogénéité,
disposant le plus souvent de système de recherche et de statistiques performants, et qui sont
en outre le plus souvent comparés à la France (puisque l’OCDE inclut notamment les pays
limitrophes, européens, et les Etats-Unis).
Malgré ces limitations, l’objet d’étude reste vaste et se reflète dans la méthodologie mise en
œuvre. Considérant la contrainte qu’aurait représentée l’administration sur une même période
d’un questionnaire dans 34 pays, l’enquête de terrain était de fait inenvisageable. Afin de
pouvoir néanmoins mener cette étude à l’échelle internationale, nous avons donc opté pour
une analyse à partir de données préexistantes, issues aussi bien de la recherche des différentes
nations, que des bases statistiques. Des articles de presses, illustrant la relation aux
médicaments, ont également pu être considérés comme pertinents, dès lors qu’ils nous
permettaient de montrer l’application des phénomènes révélés par la recherche dans la vie
quotidienne des individus.
Au titre de cette méthodologie, il importe de souligner que la singularité du propos ne tient
donc pas tant à l’originalité des données, qu’à leur traitement. Ainsi, de nombreuses études se
sont penchées sur les pratiques de consommation, sur les rôles des déterminants sociaux sur la
consommation, certaines ont effectué des comparaisons transnationales et se sont interrogés
sur la signification à donner à ces variations, mais à notre connaissance aucune n’a cherché à
établir la signification que pouvait endosser cette consommation en terme de description des
conditions de vie au sein d’une société. Nous utiliserons largement l’apport de ces études pour
y parvenir, bien que leur simple agencement s’il est nécessaire n’est pas suffisant.
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2!
Cette relation forte aux travaux déjà menés nous conduira à consacrer une part importante de
cette étude à la description de l’état de la connaissance. Ainsi, dans une première partie, il
nous faudra tout d’abord approfondir les notions dont nous serons amenés à discuter, aussi
bien du côté de la santé que du développement, avant même de nous intéresser à l’historique
de ce phénomène. Cette dernière perspective nous permettra notamment de traiter les
questions successives de l’origine du phénomène, de sa remise en cause, et finalement de sa
persistance.
En nous appuyant sur cette contextualisation sémantique et historique des pratiques de
consommation, nous serons en mesure de présenter les principaux déterminants sociaux
influant sur celles-ci au sein d’une société, et d’interroger l’influence des conditions de vie au
niveau international par la recherche de déterminants sociaux dans les indicateurs de
développement.
Sur la base de cette analyse comparée, nous discuterons alors dans une troisième partie de la
signification limitée que recouvre la consommation d’anxiolytiques dès lors que l’on tente de
l’appliquer comme indicateur d’un état de bien-être objectif. En effet, sans liens concluants
avec les conditions de vie et de santé relevées par les autres indicateurs, l’élévation du chiffre
de la consommation ne suffit pas à induire une dégradation de l’état de bien être dans une
société donnée. Ainsi, privés de la possibilité de recouper les indicateurs sociaux à leur
variation à l’échelle internationale, nous tenterons d’expliquer cette difficulté avant d’émettre
des hypothèses sur la signification que peut éventuellement recouvrir la consommation
d’anxiolytiques comme indicateur. Enfin, nous envisagerons la possibilité de produire un
indicateur plus opérationnel à partir de cette consommation, et les limites à prévoir à ces
potentialités.
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3!
Première partie :
Contextualisation des pratiques de consommations
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4!
Chapitre 1 : Premiers éléments de définition.
Avant d’envisager une discussion autour de la signification de la consommation
d’anxiolytiques, il nous semble impératif de réaliser un approfondissement des termes et
concepts soulevés ainsi que des contextes dans lesquels ils s’ancrent, aussi bien dans le
domaine de la santé que du développement.
Section 1 : Anxiété et psychotropes
Le terme anxiété dérive du verbe latin angerer, désignant le fait de serrer aussi bien au sens
propre que figuré. L’anxiété est l’angoisse qui serre le cœur et tourmente l’esprit. De manière
simpliste, elle se distingue de la peur en général en plusieurs endroits : ses causes ne sont pas
nécessairement immédiates ou identifiables, et elle se caractérise par le sentiment d’une
difficulté insurmontable (défaitisme) plutôt que par l’évitement ou la fuite.
L’anxiété est un problème complexe, en effet comme de nombreux troubles mentaux, il est
difficile d’établir une limite immuable entre une humeur « normale » et une pathologie. La
frontière entre ces deux états est d’autant plus poreuse que ce trouble n’est pas nécessairement
permanent. Il est donc difficile d’estimer l’ampleur du problème que représente l’anxiété en
fixant des critères objectifs. Ainsi une étude dirigé par l’américain Ronald C. KESSLER3 a
montré en s’appuyant sur la méthodologie de diagnostic du Diagnostic and Statistical Manual
of Mental Disorders IV (DSM IV), qu’au moins 28,8% des américains présenteraient à un
moment de leur vie de troubles anxieux (relevant donc de la pathologie). De plus l’auteur
s’affiche conscient que l’étude comporte des biais conduisant à la mésestimation du chiffre
réel de la population touchée.
Une telle proportion de la population concernée (entre ¼ et ⅓ de la population atteinte)
amène nécessairement à remettre en question la perception de la maladie mentale ou la
manière dont on définit la pathologie. Nous aurons bien sûr l’occasion de revenir plus avant
sur cette question, mais un autre constat intéressant de cette étude est, qu’au regard des
éléments retenus par le DSM IV, l’âge médian de survenue de l’anxiété (comme trouble
anxieux) s’établit à 11 ans.
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3
RC. KESSLER et al., « Lifetime prevalence and age-of-onset distributions of DSM-IV disorders in the
National Comorbidity Survey Replication »,
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5!
Les anxiolytiques sont une catégorie de médicaments psychotropes prescrits dans le cadre du
traitement de cette anxiété.
Selon la définition de l’académicien et psychiatre français Jean DELAY (dans sa
classification de 1957), un psychotrope est « une substance chimique d’origine naturelle ou
artificielle, qui a un tropisme psychologique, c’est-à-dire qui est susceptible de modifier
l’activité mentale, sans préjuger du type de cette modification ». Bien que la classification ait
depuis évoluée, le cas qui nous concerne relèverait des « psycholeptiques ou sédatifs
psychique » qu’il décrivait comme ralentissant l’activité du système nerveux et ayant une
action dépressive sur l’humeur. Il nous faut admettre ici que la question que nous nous
proposons de traiter dans ce mémoire, aurait pu être envisagée à l’échelle de la consommation
de l’ensemble des psychotropes, seule la complexité d’une telle entreprise nous en prévient.
Les médicaments psychotropes (comprenant anxiolytiques, hypnotiques, antidépresseurs,
thymorégulateurs et neuroleptiques) sont la troisième catégorie de substance psychoactive la
plus répandue en France en 2010 après l’alcool et le tabac, leur prévalence vie (c’est à dire la
consommation au moins une fois au cours de la durée de vie de l’individu) parmi les
personnes entre 18 et 64 ans s’établissait à 35,1% en 2010 d’après l’Institut national de
prévention et d’éducation à la santé4 (Inpes), devant le cannabis (32,9%) et la cocaïne (3,8%).
Il aurait donc été intéressant d’inclure d’autres médicaments psychotropes comme les
antidépresseurs, qui malgré un mode d’action clairement distinct, ont gardé une certaine
proximité d’usage avec les anxiolytiques que nous discuterons ultérieurement. De même,
l’étude approfondie des hypnotiques aurait pu s’avérer enrichissante. Nous aurions également
pu discuter de la signification de la consommation de drogues psychoactives dans cette même
optique. Pourtant, la seule notion d’anxiolytique est déjà suffisamment problématique en se
définissant non pas par leur nature mais par leur objectif. En cela, une importante variété de
substances pourraient (et sont actuellement) prises en compte dans cette catégorie. Afin de
résoudre cette, première difficulté, nous proposons de nous concentrer sur le membre le plus
représentatif de cette catégorie : les benzodiazépines.
Commercialisées à partir des années 1960, les benzodiazépines représentent la majeure partie
de la consommation d’anxiolytiques dans les pays de l’OCDE depuis plus de 20 ans.
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4
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INSERM ; Médicaments psychotropes : consommations et pharmaco-dépendances, p°39
6!
Caractérisées par un cycle de diazépine (C5H6N2) fusionné avec un cycle de benzène (C6H6)
les benzodiazépines forment une classe de médicaments généralement utilisée pour ses
propriétés anxiolytiques et hypnotiques (plus rarement myorelaxantes ou anticonvulsivantes).
En France en 2010 si les benzodiazépines ne sont indiquées qu’à 50,2% pour le traitement de
l’anxiété, cette moitié représenterait 83,3% de la consommation en anxiolytique5.
Certains de ces produits ont connu d’important succès commerciaux, leur conférant une forme
de notoriété sociale, c’est par exemple le cas de l’Alprazolam (Xanax©), du Bromazépan (ex :
Lexomil©), du Lorazépam (ex : Temesta©) ou encore du Diazépam (Valium©).
Il apparaît nécessaire d’insister afin de clarifier la distinction qui est faite entre les
benzodiazépines : tous les benzodiazépines possèdent les mêmes propriétés. De manière
schématique, en se fixant sur certains récepteurs GABAA, ils induisent une plus grande
affinité des autres récepteurs pour le neurotransmetteur GABA inhibiteur du système nerveux
central. Les seules variations existantes se retrouvent dans le temps d’élimination par le
système hépatique, leur demi-vie donc, ainsi que l’existence de réaction à d’autres substances.
La différence entre la prescription se fonde sur la demi-vie du médicament, les substances à
demi-vie plus courtes serviront d’hypnotiques, tandis que les plus longues (relativement)
seront davantage prescrites comme tranquillisants. Cela nous permet aussi d’introduire en
parallèle une frontière qui peut-être extrêmement fine entre les anxiolytiques/tranquillisants,
et les sédatifs-hypnotiques, plus généralement désignés comme somnifères, qui s’ils ne sont
pas l’objet de cette étude précise, seront de fait nécessairement abordés. Il est d’ailleurs
intéressant de constater, qu’à l’origine, les benzodiazépines n’étaient pas classées dans la
famille des tranquillisants/anxiolytiques, mais bien dans celle des sédatifs-hypnotiques, en
tant que « tranquillisants mineurs ».
Indiquées dans le « traitement symptomatique des manifestations anxieuses sévères et/ou
invalidantes » dans le cadre d’un traitement « aussi bref que possible », les pratiques
entourant la prescription des benzodiazépines anxiolytiques ne constituent pas un ensemble
homogène, du fait notamment de la difficulté d’appréhension et la liberté d’interprétation du
concept d’anxiété sévère ou pathologique.
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5
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Afssaps, op. cit.
7!
Section 2 : Bien-être, développement, et leurs indicateurs
La question à laquelle nous nous proposons de répondre étant de savoir si la consommation de
ces anxiolytiques benzodiazépines possède une signification comme indicateur dans le
diagnostic de l’état de la société, il nous faut également nous intéresser à cette notion
d’indicateurs.
L’indicateur est un outil d’évaluation qui permet par le recours à des données représentatives
de mesurer une situation. L’indicateur est supposé permettre l’objectivité et la comparaison de
tendance dans le temps et l’espace.
Il est intéressant de constater que cette notion trouve son analogie dans le domaine médical à
travers le « symptôme ». Celui-ci désigne un phénomène caractéristique qui « traduit les états
morbides et qui est lié aux troubles fonctionnels ou lésionnels qui le déterminent » (définition
Larousse). Dans un sens plus général le symptôme se définit comme le signe révélateur
permettant de deviner un état de fait matériel ou d’esprit, ce que nous recherchons en fait dans
un indicateur de bien-être.
L’état que l’on cherche à décrire par l’usage de la consommation d’anxiolytique ne porte pas
toujours la même dénomination selon les sources qui tendront à invoquer la consommation
d’anxiolytique comme indicateur. Sans conduire d’étude statistique sur l’ensemble des
publications (occurrence élevée du recours à cette donnée) nous pouvons émettre l’hypothèse
que toutes recouvrent directement ou indirectement la notion de mal-être. On retrouve en effet
dans cette notion, l’idée initiale de morosité, de malaise, de déprime, présente dans les
documents cités.
La consommation d’anxiolytiques serait donc un indicateur de « mal-être », ou selon
l’approche actuellement utilisée à l’échelle internationale, un indicateur négatif de bien-être.
En effet, l’insatisfaction et les remises en cause de la significativité des indicateurs classiques
du « développement humain », ont conduit à l’émergence de nouveaux critères pour analyser
le niveau de bien-être des populations. Pour contextualiser quelques peu ces notions, le
développement humain s’est construit dans les années 1990 à partir de la déclaration de
l’Organisation des Nations Unies sur le droit au développement de 1986, dont l’article I est le
suivant: « Le! droit! au! développement! est! un! droit! inaliénable! de! l'homme! en! vertu!
duquel! toute! personne! humaine! et! tous! les! peuples! ont! le! droit! de! participer! et! de!
contribuer! à! un! développement! économique,! social,! culturel! et! politique! dans! lequel!
!
8!
tous!les!droits!de!l'homme!et!toutes!les!libertés!fondamentales!puissent!être!pleinement!
réalisés,!et!de!bénéficier!de!ce!développement.!»!!
Reprise! et! poursuivie! notamment! par! le! Programme! des! Nations! Unis! pour! le!
développement,! on! peut! retenir! cette! définition! de! Mahbud! UL! HAQ,! fondateur! du!
Rapport' Mondial' sur' le' Développement' Humain':! «!Le! principal! objectif! du!
développement! est! d’élargir! les! choix! qui! s’offrent! aux! gens.! En! principe,! ces! choix!
peuvent! être! infinis! et! peuvent! varier! dans! le! temps.! Les! gens! attachent! souvent! de! la!
valeur!aux!réussites!qui!ne!transparaissent!pas!du!tout,!ou!pas!immédiatement,!dans!les!
chiffres! relatifs! aux! revenus! ou! à! la! croissance! économique! :! un! meilleur! accès! aux!
connaissances,! une! meilleure! nutrition! et! de! meilleurs! services! de! santé,! des! moyens!
d’existence!plus!sûrs,!une!certaine!sécurité!contre!la!criminalité!et!la!violence!physique,!
du! temps! libre! bien! rempli,! des! libertés! politiques! et! culturelles! et! un! sentiment! de!
participation!aux!activités!de!la!communauté.!L’objectif!du!développement!est!de!créer!
un! environnement! favorisant! l’épanouissement! pour! que! les! gens! puissent! jouir! d’une!
vie!longue,!saine!et!créative.!»!6!
L’idée!est!donc!à!ce!stade!de!sortir!la!notion!de!développement!du!tout!économique,!et!
d’admettre! une! pluriWdimensionnalité! de! la! qualité! de! vie,! ce! que! le! PNUD! tentera!
d’établir!à!travers!la!réalisation!de!l’Indice!de!Développement!Humain!que!Mahbud!UL!
HAQ!coWcréera!avec!Amartya!SEN.!Cet!indicateur!particulièrement!connu,!pose!en!effet!
sur!un!pied!d’égalité!les!trois!indices!qui!le!composent,!l’indice!de!santé,!d’éducation!et!
de!revenus.!Bien!qu’il!soit!aujourd’hui!attaqué!pour!la!simplicité!des!facteurs!retenus!:!la!
santé! ne! comprenant! que! l’espérance! de! vie! à! la! naissance! (mesure! indirecte! des!
conditions! de! vie! et! d’accès! aux! besoins! et! soins! primaires),! le! niveau! d’éducation!
seulement!la!durée!moyenne!de!scolarisation!et!la!durée!attendue!de!scolarisation,!enfin!
le! niveau! de! vie! est! défini! par! le! revenu! national! brut! par! habitant! (négligeant! les!
questions! d’inégalités).! L’IDH! constitue! néanmoins! un! changement! de! perspective!
marquant.!!
Depuis,! une! multitude! d’indices! ont! émergé! cherchant! à! parfaire! ou! corriger! l’IDH,! le!
PNUD!pour!sa!part!a!notamment!émis!l’IDHI,!ajustant!l’IDH!aux!inégalités.!D’autres!ont!
cherché! à! aller! plus! loin! dans! la! remise! en! cause! du! paradigme! initial,! on! peut! citer! le!
bonheur!national!brut,!exemple!bouthanais!célèbre!(reconnu!par!l’ONU!qui!lui!a!accordé!
une! journée! officielle),! relativisant! le! PIB! par! la! prise! en! compte! de! valeur! morale,!
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
6
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PNUD, À propos du développement humain
9!
écologique! ou! encore! de! gouvernance! responsable.! Derrière! ces! expérimentations! se!
retrouve! l’idée! que! le! Produit! Intérieur! Brut! n’est! pas! entièrement! représentatif! de! la!
qualité!de!vie!des!habitants!d’un!pays.!Le!bienWêtre!serait!donc!l’étape!à!atteindre,!après!
ou!à!la!place!du!développement!économique.!!
A! cet! égard,! la! très! sérieuse! Organisation! de! Coopération! pour! le! Développement!
Economique! a! pris! la! mesure! de! son! temps! en! produisant,! depuis! le! 24! mai! 2011,! le!
«!Better! Life! Index!»7!un! indicateur! composite! construit! à! partir! de! 11! thèmes,! dont! la!
pondération!peut!être!adaptée!par!l’utilisateur!selon!ses!préférences.!Cette!progression!
de!l’idée!du!«!vivre!mieux!»!au!sein!de!l’OCDE,!pourtant!considérée!comme!néolibérale,!
montre!la!percée!de!ce!concept!sur!la!scène!internationale.!En!effet,!l’OCDE,!organisation!
internationale! créée! en! 1961! et! comptant! aujourd’hui! 34! pays! (essentiellement)!
développés,!est!comme!son!nom!l’indique!une!organisation!à!portée!économique.!Si!l’on!
peut! critiquer! la! manière! de! produire! cet! index,! ou! encore! l’agenda! poursuivi! par!
l’organisation! (le! développement! économique! profite! au! bienWêtre),! force! est! de!
constater!que!même!ce!«!club!des!pays!riches!»,!puisque!tel!est!son!surnom,!reconnaît!la!
portée!du!bienWêtre!auWdelà!du!simple!PIB.!
!
Ce!que!l’on!peut!retenir!à!ce!stade!est!l’existence!d’un!lien!entre!développement!et!bienW
être!qui!s’est!construit!historiquement!par!un!jeu!de!rejet!et!d’assimilation!de!concepts.!
Que! l’on! conçoive! le! bienWêtre! par! opposition! au! PIB,! ou! bien! comme! l’aboutissement!
d’une! société! développée! économiquement,! ou! encore! plus! fréquemment! que! l’on! se!
situe! dans! le! continuum! entre! ses! deux! extrêmes,! les! deux! notions! sont! amenées! à! se!
répondre! aussi! bien! dans! la! définition! des! politiques! publiques! sur! la! scène!
internationale,! que,! plus! humblement,! au! cours! de! ce! mémoire.! Il! est! toutefois!
intéressant! de! constater! à! ce! stade! que! le! bienWêtre! des! populations! au! niveau!
international! tend! à! être! traitée! par! une! observation! des! conditions! objectives! de! vie!
(qu’elles!soient!seulement!économiques!ou!non),!plutôt!que!par!la!perception!subjective.!
!
Une!fois!ces!notions!posées,!nous!disposons!des!outils!nécessaires!à!l’interrogation!sur!
l’existence! d’une! signification! en! terme! de! développement! ou! de! bienWêtre! de! la!
consommation! d’anxiolytiques,! mais! il! nous! manque! encore! la! compréhension! du!
phénomène!que!nous!cherchons!à!étudier.!
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7
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OCDE, Better life index
10!
Chapitre 2 : Historique de la consommation.
La France apparaît comme un pays leader en terme de consommation. Pour l’Agence
française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) la consommation de
benzodiazépines est de 134 millions de boîtes vendues en 2010, dont 64,9 millions
d’anxiolytiques, soit près de 20% de la population française qui a consommé au moins une
benzodiazépine ou apparenté cette même année.8
Une première question se pose alors : comment et pourquoi en sommes nous arrivés à cet état
de fait ? Bien qu’il soit tentant de retracer historiquement l’usage et les transitions entre les
différents psychotropes à travers les époques depuis l’alcool jusqu’aux substances de
synthèses en passant par l’opium, nous centrerons le propos dans la perspective récente en
étudiant le cas des benzodiazépines. Représentatif de la consommation actuelle
d’anxiolytiques ils se répandent sur le marché depuis les années 60, leur progression au cours
de la deuxième moitié de la décennie étant presque 5 fois supérieure à toute autres catégories
de psychotropes. Les années 1970 marquent ainsi leur âge d’or, on parle alors d’« ère des
benzodiazépines » et d’ « âge de l’anxiété ». Le chef de file apparu en 1963 est alors le
diazépam, ou Valium©, qui devient le médicament le plus prescrit aux Etats-Unis d’Amérique
(USA) avec 4,3% de toutes les prescriptions, initiant notamment la transition depuis les
barbituriques, qu’ils ont plus que remplacés. Culminant jusqu’au milieu des années 1970, la
deuxième moitié de la décennie marque à travers le monde le début d’un replis certain, bien
que contrasté entre les différentes nations.
Section 1 : Les origines de l’expansion
Nous pouvons tout d’abord nous pencher sur les raisons de ce succès. Les explications sont de
plusieurs ordres et s’alimentent mutuellement, nous les exposerons sans chercher tout d’abord
à les hiérarchiser.
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
8
!
Afssaps, op. cit.
11!
I.
Une efficacité sans concurrence
Une des causes est à trouver dans l’insatisfaction générée par les médicaments qu’ils
supplantèrent, les barbituriques9. L’acide barbiturique découvert par Adolf von Baeyer en
1964, fut décliné en une substance hypnotique au début du XXème siècle, avec le Barbital
(1903) et le Phénobarbital (1912). De nombreux autres composés seront expérimentés et mis
sur le marché, mais ne parviendront pas à dissimuler leur potentiel addictif et le risque, lié
notamment à l’accoutumance (développement d’une tolérance), de surdose (ou overdose).
Avec l’échec d’alternatives comme le meprobamate, un myorelaxant lancé dans les années
1950 qui s’était avéré très vite (dès 1964) posséder un potentiel addictif dangereux, il
n’existait pas de concurrent « sérieux » aux barbituriques dans le domaine des anxiolytiques.
Il est rétrospectivement assez ironique de constater que ce sont des raisons de risques liés à
l’accoutumance qui ont conduit à la fois aux campagnes visant à l’abandon des barbituriques
dans les années 1970 et à la relative mise à l’écart des produits parallèles, quand on sait
aujourd’hui le risque de dépendance des benzodiazépines.
De plus, et il peut sembler important de le mentionner, les benzodiazépines se sont révélés
particulièrement efficaces, avec des effets « secondaires » (non recherchés) généralement bien
acceptés (et non pas toujours) comme nous le verrons. Leur prescription est en outre
indispensable à de nombreuses personnes en situation de profonde souffrance morale.
II.
Société et publicité :
Cette seconde cause est plus complexe car elle repose sur une pluralité d’acteurs et des jeux
de représentations. Pour conserver l’aspect synthétique et l’intelligibilité du propos, nous nous
proposons de commencer par poser certains constats issus de la recherche, sur lesquels nous
reviendrons par la suite avec plus de précision :
-
Il existe une médicalisation de la société, dans laquelle le complexe médico-industriel
joue une fonction de contrôle social10.
-
Les anxiolytiques sont majoritairement prescrits par les médecins généralistes libéraux
(Les médecins libéraux représentent 88% des primo-prescriptions de benzodiazépines
en France en 2010, dont plus de 90% par des généralistes11)
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
9
M. LADER, History of benzodiazepine dependence.
D. COHEN et S. KARSETY, les représentations des effets secondaires des anxiolytiques
11
Afssaps, op.cit.
10
!
12!
-
La publicité a influencé les modes de prescription12.
-
La consommation est liée à la structure du système médical et aux pratiques qui
existent en son sein.
-
La consommation de long terme est liée à la poursuite de rôles sociaux, notamment de
genre.
Concrètement la recherche médicale et sociologique sur la consommation conclut à
l’existence d’un lien entre la société comme entité, le complexe médico-industriel, le corps
médical et les consommateurs. Schématiquement on pourrait le représenter ainsi :
-
Les individus recourant aux anxiolytiques sont le plus souvent en situation de
marginalité ou de fragilité, sociale. Il s’agit majoritairement de femmes (60% des
consommateurs de benzodiazépines en 201013) et la consommation augmente avec
l’âge14.
-
La consommation permet d’assurer les rôles sociaux, souvent de manière stéréotypé
selon le genre15 : les hommes pour endurer le travail, les femmes pour endurer le rôle
au foyer (pour les données datant de 1979, au regard de l’évolution des mœurs le foyer
n’est plus aujourd’hui considéré comme l’unique préoccupation, bien que celle-ci
persiste).
-
Le corps médical joue le rôle de contrôle social, quand il donne à la marginalité ou à la
vulnérabilité sociale une traduction médicale et une réponse médicamenteuse 16 .
Plusieurs facteurs sont considérés comme influant sur cette réaction notamment la
forme « moderne » de la pratique médicale et un temps d’entretien avec le patient qui
aurait réduit, ou encore la persistance de structure de pensée « genrée » chez les
médecins favorisant la prescription aux femmes perçues comme psychologiquement
ou physiologiquement moins fortes. La prise en compte de la marginalité, entendu
comme l’écart aussi bien économique que social vis-à-vis de la norme, est également
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
12
D. COHEN et S. KARSETY, op.cit.
Afssaps, op.cit.
14
D.C. SKEGG, Use of medecines in general practice
15
M. LADER, op.cit.
16
D. COHEN et S. KARSETY, op.cit
13
!
13!
un facteur clé du traitement. L’anxiété dans ce cas est le plus souvent intériorisée par
le patient comme une incapacité personnelle, une faiblesse, à affronter la vie
quotidienne. Le patient confronté à un message minimisant le rôle des déterminants
sociaux dans sa difficulté, de la part du médecin ou du médicament, sera d’autant
moins enclin à faire face (voire à remettre en causes les inégalités) et plus prompt à
accepter le contrôle social médicalisé. Enfin, doit-être pris en compte le rôle de la
promotion organisée par les laboratoires pharmaceutiques.
-
Ce dernier facteur a été longuement étudié, et apparaît comme le plus contesté.
Historiquement l’industrie pharmaceutique a pu profiter d’une absence de régulation17
à ses débuts, lui permettant notamment mais pas seulement d’exploiter la carte du
genre, sans références aux problèmes sociaux, comme la « résolution » des problèmes
par la modification du fonctionnement psychique18. Avec l’apparition de la législation
encadrant les médicaments depuis la fin des années 1970 et son renforcement dans les
années 1990, on assiste à l’impossibilité pour l’industrie d’accéder aussi facilement au
grand public. La cible se concentre alors sur les publications médicales et les
médecins, non qu’ils n’aient été négligés auparavant. Il en ressort qu’aujourd’hui
comme hier, le médecin est un contact clé pour l’industrie pharmaceutique. Ce lien
privilégié légitimerait ainsi la question de l’influence que va avoir cette relation sur le
choix de traitement et les pratiques de prescription. Or cette question est souvent
perçue comme une remise en cause, et généralement mal acceptée par les
professionnels de santé, voire clairement polémique.
-
Cependant si le déni du rôle de la publicité n’est pas le propre du domaine médical, la
controverse entre le référentiel de Laswell (théorie de la communication comme
seringue hypodermique) et celui de Lazarsfeld (théorie de l’effet limité de la
communication) continuant à sévir dans le domaine même de la communication, il
faut reconnaître que les faits n’apparaissent pas en la faveur du corps médical. Ainsi
malgré des exceptions, une large majorité d’études s’accordent à montrer le facteur
décisif que constitue la publicité dans le choix de la prescription. On peut citer
l’exemple du témazopal, une étude australienne19 ayant analysé la mise sur le marché
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
17
T. LEFEBVRE et al. Quand les psychotropes font leur pub
D. COHEN et S. KARSETY, op.cit
19
M.Y. PEAY, E. R. PEAY, The role of commercial sources in the adoption of a new drug.
18
!
14!
du médicament avait montré que 68% des médecins découvrirent le médicament par le
biais de représentants des laboratoires (ou visiteurs médicaux), et que 57%
considéraient la publicité comme facteur dans leur décision de prescription du
nouveau médicament. Un an après sa mise sur le marché « 71% de la population
médicale étudiée était familiarisé au témazopal, 48% l’avait prescrite, et que 27% le
préférait maintenant aux alternatives ». Cette étude qui se conclue sur l’importance
prépondérante de la force commerciale dans la transition vers un nouveau produit,
n’est pourtant pas la plus révélatrice. En effet, une étude américaine20 se penchant sur
la réaction des psychiatres aux biais sexuels dans la publicité, est parvenue à montrer
que si 55% de la population étudiée estimait ne pas être influencée, 74% de cette
même population souscrivait à l’idée selon laquelle les autres médecins étaient
influencés par les biais induits dans ces publicités.
Un médicament performant, une importante force de vente, et un rôle à assumer seraient donc
les principales causes de l’apogée commercial de ses produits ainsi que de leur prépondérance
dans les pratiques de prescription du corps médical.
!
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
20
C. MCREE, B.F. CORDER, T. HAIZLIP, Psychiatrists’ response to sexual bias in Pharmaceutical
Advertising. The American Journal of Psychiatry
!
15!
Section 2 : De l’essor à la condamnation.
Malgré cette réussite, les benzodiazépines sont remises en cause dès la fin des années 1970 et
à plus forte raison dans les années 1980, conduisant à une baisse de leur position dans les
prescriptions au niveau mondial (certaines nations échappèrent au moins temporairement à ce
phénomène, au rang desquelles la France). Intéressons nous à présent aux raisons de ce
revirement marquant le début d’une condamnation.
I.
Un produit dangereux
La première explication, là encore la plus immédiate est à chercher dans le médicament luimême et apparaît relativement tôt après leur mise sur le marché, voire avant21. Il est important
de comprendre que tout comme l’effet de la communication peut-être un débat récurant en
sciences sociales, l’effet addictif d’un médicament est sujet à controverse. Ainsi la découverte
du pouvoir addictif du produit fut l’objet d’une absence de consensus jusqu’à ce que
l’accumulation de preuves instaure le doute et mène à la diminution des prescriptions.
Pourtant dès 196122, et de nouveau en 196323 (année de la mise sur le marché du Valium©),
des études américaines (HOLLISTER et al.) démontrèrent ce potentiel nocif, d’abord avec la
chlordiazepoxide puis avec la diazépam elle-même. La chlordiazepoxide, première
benzodiazépine, découverte par hasard dans les années 1950, fut ainsi administrée en
importantes doses à des patients de psychiatrie. Après le remplacement brutal du traitement
par un placebo chez 11 patients, les auteurs constatèrent que 2 jours plus tard, 6 patients
souffraient de troubles dépressifs, et 5 avaient vu leurs psychoses s’aggraver. D’autres
symptômes apparurent notamment avec un pic entre le 4ème et le 8ème jour d’arrêt, allant de
l’insomnie à des épisodes de convulsions majeurs. Toutefois, selon les dires même de
l’auteur, ces études posaient le problème de la surdose induite dans les conditions de
l’expérience, qui ne se retrouvait empiriquement que dans certains cas d’automédication
excessive. Ainsi ces études n’eurent que très peu d’échos, le corps médical conservant une
opinion positive des benzodiazépines, allant jusqu’à réfuter la portée de ces allégations, les
conclusions de l’ouvrage de MARKS citées par LADER sont à ce titre édifiantes :
« Dependence on benzodiazepines occurs rarely under conditions of clinical use and then
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
21
M.LADER, op.cit.
L.E. HOLLISTER et al. Withdrawal reactions from chlordiazepoxide (« Librium »).
23
L.E HOLLISTER et al., Diazepam in newly admitted schizophrenics
22
!
16!
usually only after prolonged administration at above average dosage. Clinically it resembles
that described as “barbiturate” or “alcohol-barbiturate” type.
(…)
The dependence risk with benzodiazepines is very low and is estimated to be approximately
one case per 5 million patient months “at risk” for all recorded cases and probably less than
one case per 50 million months in therapeutic use. »
La réticence du corps médical à accepter ce constat pourrait s’expliquer par la concordance de
deux facteurs. En effet, d’une part le développement d’un syndrome de sevrage dans le cas de
surdosage était préférable à l’équivalent produit par les barbituriques : la mort (qu’il est
difficile d’atteindre avec les benzodiazépines sans interaction avec d’autres substances); et
d’autre part, les premières études sur l’apparition d’une dépendance chez les populations
respectant les dosages ne sont apparues que plus tardivement. De fait, ces syndromes de
sevrage en l’absence de dosage excessif, se trouve généralement chez les consommateurs de
long-terme. Cette frange des utilisateurs n’a été mise en évidence que plusieurs années après
la commercialisation des benzodiazépines. C’est notamment au tournant des années 1970 que
sont soulevées les premières traces du phénomène, COVI24 parlant de syndrome de sevrage
mineur, ces données iront ensuite croissantes jusqu’au début des années 1980, où seront mis
en évidence les risques d’une prise en charge sur le long terme aux benzodiazépines25, à
savoir une addiction (avec accoutumance) et un syndrome de sevrage non négligeable.
Il faudra pourtant attendre l’arrêt du 7 octobre 1991, pour que la France prenne la mesure du
phénomène en inscrivant les benzodiazépines dans la liste des substances vénéneuses à durée
de prescription réduite. Ainsi les hypnotiques sont officiellement limités à 4 semaines, 12
pour les anxiolytiques. Malgré cette limite de prescription, les durées de traitement tendent
largement à dépasser les 3 mois, le temps de traitement médian relevé par l’Afssaps se situant
à 7 mois pour une benzodiazépine anxiolytique. On peut noter que selon ces mêmes données
seulement 29,5% de ces traitements (non nécessairement continus) sont limités à 3 mois,
quand 29,4% dépassent les 48 mois. En intégrant les benzodiazépines hypnotiques aux
anxiolytiques, le temps de traitement de la moitié des patients dépasse les 2 ans.
Outre la dépendance, la tolérance et le syndrome de sevrage (ou «retrait »), les
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
24
25
!
M. LADER, op. cit.
V.W.M DRURY, Benzodiazepines – a challenge to rational prescribing
17!
benzodiazépines ont d’autres effets indésirables, notamment sur la mémoire, les fonctions
psychomotrices, ou encore des réactions paradoxales (effet contraire au but recherché).
La dernière controverse ayant touchée les benzodiazépines, porte sur les résultats d’une série
d’études depuis la fin des années 90 se penchant sur l’existence d’un lien entre les
benzodiazépines et la détérioration des fonctions cognitives, l’apparition de démences,
notamment la maladie d’Alzheimer. Actuellement très discutée, cette hypothèse n’est pas
encore accréditée par les autorités françaises en raison des conclusions discordantes des
différents travaux. S’il s’avérait qu’un tel lien existe, la situation serait extrêmement
préoccupante au regard de l’importante consommation française.
II.
Une consommation excessive problématique
Bien que la nocivité de ces substances soit aujourd’hui avérée, on constate la poursuite de la
prescription et de la consommation, phénomènes à l’origine d’une inquiétude persistante dans
le domaine de la santé publique26. En effet, outre les problèmes liés à ses propriétés, c’est
l’usage extensif du produit et les abus qui en sont fait, qui alarme aujourd’hui les autorités
sanitaires, et avec plus de 25 millions d’usagers entre 2006 et 2011 selon l’Afssaps, le
problème est pour elles de taille.
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
26
!
Afssaps, op.cit.
18!
Section 3 : Pratiques actuelles et persistance de la consommation.
Si la substance est potentiellement dangereuse, elle n’en reste pas moins consommée, et l’on
peut légitimement s’intéresser aux raisons qui conduisent à la poursuite de la prescription.
L’objectif est alors d’observer au niveau des représentations et pratiques individuelles, les
causes qui ont permis à l’efficacité de prendre le pas sur le risque.
Face à la souffrance, les anxiolytiques peuvent être aussi bien prescrits (offre) que recherchés
(demande), et de manière rationnelle, nous chercherons à comprendre en analysant
successivement le comportement des prescripteurs et des consommateurs, pourquoi les
anxiolytiques en sont venus à constituer une forme de statu quo persistant dans la prise en
charge française.
I.
L’offre
Envisageons tout d’abord le côté qui prescrit, en nous appuyant notamment sur les apports de
l’étude de COHEN et KARSENTY27. Il s’agit le plus souvent d’un médecin, généraliste
libéral comme nous l’avons vu, il est donc confronté directement à la souffrance mentale
et/ou physique de son patient, et doit y apporter une solution. Le médecin est conscient que la
prescription d’anxiolytique n’est qu’une prise en charge symptomatique, elle n’est pas à
proprement parler une thérapie, puisqu’elle ne s’attaque pas aux causes mais seulement aux
manifestations. La prescription entre en majorité dans un système où le patient vient consulter
pour obtenir un produit. Face à des difficultés passagères, ou situationnelles, produisant des
manifestations d’anxiété, voire l’explicitation de l’anxiété par le patient lui même, le médecin
prescrira un anxiolytique. Les auteurs relèvent que « L’anxiété, exclusive indication des
anxiolytiques, apparaît comme une catégorie clinique forte, stable, identifiable », et pointe
dans le rapport une vision crue des médecins français : tentative de réciter une leçon sur
l’usage des anxiolytiques incohérente avec leur décision de prescription, peur de perdre les
patients s’ils refusent de renouveler les prescriptions, absence de redirection vers la
psychiatrie, minimisation des effets secondaires rapportés par le patient, attitude cynique sur
l’effet thérapeutique réelle (paradoxalement concomitante avec une reconnaissance de
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
27
!
D. COHEN, S. KARSENTY, op.cit.
19!
l’efficacité du médicament) et une forme de désengagement (voire de déni) de la dépendance
induite.
On retrouve ici en arrière-plan la difficulté à poser des critères objectifs de définition de
l’anxiété comme pathologique, malgré les tentatives du DSM IV, qui permet à des généralistes
de faire entrer les symptômes dans le cadre de l’anxiété, afin de prescrire un tranquillisant
temporaire qu’elle que soit l’origine des maux, sans nécessairement passer par un bilan
psychologique.
Par ailleurs, l’absence de référence à la psychiatrie est d’autant plus frappante que l’étude
révèle que si dans le cas français, on observe unanimement une prescription pour anxiété, les
médecins québécois sont beaucoup plus réalistes : ils assument prescrire pour des crises
situationnelles (pas de rationalisation de l’ « anxiété »), et en l’absence d’alternative
thérapeutique (ils sont notamment conscient de la situation social de leurs interlocuteurs face
aux coût d’un suivi extérieur, type psychologue ou psychothérapie). Ils apparaissent plus
conscients de la limite symptomatologique du traitement par anxiolytique (« soulagement
temporaire ») qui devrait être accompagné d’une prise en charge psychothérapeutique.
L’un des enjeux de la politique de santé publique est donc de parvenir à faire évoluer ce qui
apparaît comme un schéma de prescription quasi-automatique, disposant d’une flexibilité
suffisante pour rationnaliser un maximum de manifestations comme symptômes d’anxiété.
D’autres facteurs peuvent également expliquer ce mode de fonctionnement. Ainsi la durée des
consultations est un facteur-clé, ce que l’on désignait comme forme de la « pratique
moderne », correspond à une durée d’entretien plus courte, où la prescription d’un traitement
temporaire remplacera l’entretien psychologique, traitement dont on évaluera le succès lors
d’une seconde consultation.
Une certaine dépendance au sentier (théorie de l’influence des décisions passés sur les
comportements actuels et les décisions futures) marque également cette pratique de
prescription, et tient à l’association qui est faite, malgré les messages des autorités publiques,
conférence de consensus et sociétés savantes, entre le traitement par antidépresseurs et l’usage
d’anxiolytique en début de cycle. Les antidépresseurs se caractérisant par un certain délai
!
20!
avant l’atteinte d’une amélioration de l’état du patient, une pratique courante consistait à
couvrir la première partie du traitement à l’aide d’anxiolytiques.
L’agence française du médicament28 relevait ainsi en 1998 que : « les deux tiers des patients
sous antidépresseur prennent simultanément un autre psychotrope ; les anxiolytiques occupent
la première place et sont co-prescrits dans la moitié des prescriptions d’antidépresseur, ce qui
est contraire à la RMO [Réglementation Médicale Opposable] en vigueur » et de compléter
« les médecins français se distinguent de leurs confrères allemands et britanniques par la
fréquences des
co-prescriptions ; cette étude confirme que les anxiolytiques sont les
psychotropes le plus souvent co-prescrits avec un antidépresseur en France. Cette pratique est
très peu observée au Royaume-Uni et en Allemagne ». Il est important de noter que la RMO
ne constitue toutefois pas une contrainte objective, mais plutôt un cadre de bonnes pratiques.
On peut noter, que les comportements changent néanmoins avec l’essor des antidépresseurs,
notamment les inhibiteurs sélectifs de recapture de la sérotonine (ISRS). La question sera
probablement de savoir s’il on ne va pas à nouveau vers un détournement de l’indication
thérapeutique de ces médicaments.
II.
La demande
Si le tableau peut apparaître extrêmement critique envers les pratiques du corps médical
français, il ne faudrait pourtant pas faire reposer l’intégralité de la responsabilité sur celui-ci.
La situation est un compromis auquel, malgré le relatif détachement dont ils parviennent à
faire preuve, les médecins se confrontent avec fatalisme devant des patients à la recherche
d’un produit pour « faire face » à la vie et continuer sans prise en charge véritablement
thérapeutique. Confrontés à la nature éminemment sociale d’une grande partie difficultés
présentées par les patients, et en l’absence de politique publique ou privée adaptée, ils
endossent consciemment ou non un rôle de régulation déconnecté de leur fonction première.
Pour cette analyse, il est toutefois plus difficile d’utiliser l’étude de COHEN et KARSENTY
pour décrire l’ensemble des comportements, leur échantillon de patients disposant d’une
durée moyenne de consommation d’anxiolytique ininterrompue de 89 mois, pour une médiane
de 60 (plus de deux fois la durée moyenne de l’échantillon québécois), soit une population
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
28
!
Agence du Médicament, Etude de la prescription et de la consommation des antidépresseurs en ambulatoire
21!
largement surexposée au regard des données de consommation française (médiane de 7 mois
de traitement pour les benzodiazépines selon l’Afssaps).
On peut distinguer une forte multiplicité de représentations et de comportements derrière cette
recherche de produit. Nous tenterons d’en évoquer quelques tendances lourdes sans
aucunement prétendre à l’exhaustivité.
En premier lieu, on observe un usage utilitariste des anxiolytiques au même titre que de
nombreux autres psychotropes, la littérature regorge ainsi de désignation des anxiolytiques
comme « bouée de sauvetage », pour « faire face », et maintenir une intégration déjà fragilisée
à la société. HAXAIRE a notamment mis en évidence comment une partie des
consommateurs évacuait toute liaison à la psychiatrie, « la maladie des nerfs » construite en
opposition à la folie, se livrant à une forme d’automédication à base de psychotropes
(combinant notamment modification des dosages, arrêt et reprise des traitements). Si son
étude peut sembler extrême par son aspect quasi-ethnologique, elle pose toutefois pleinement
la question de l’usage détournée (non pas pour traiter l’anxiété mais pour aider à vivre),
qu’acceptent tacitement les médecins en invoquant comme on l’a vu l’anxiété.
La prescription est ainsi largement sortie de l’indication originelle du médicament,
déconnectée de toute prise en charge thérapeutique, pour s’appliquer à la régulation de la vie
courante. Cet usage médiatisé a contribué à l’image des produits psychotropes depuis les
années 1970, ils sont l’instrument de l’efficacité dans une société dont les contraintes
apparaissent de plus en plus importantes. On pourrait notamment citer l’article de la
journaliste américaine Lisa MILLER29, publié en mars 2012 dans le New-York Magazine, qui
propose une lecture de cette transition sociale, à l’échelle des USA, résumant en particulier le
point de vue d’une autre tranche d’utilisateurs : les cadres. L’intérêt de son approche est pour
nous de mettre en avant certains des phénomènes qu’elle mentionne, pour illustrer comment
les éléments que nous avons cités, s’articulent du point de vue des utilisateurs.
-
Tout d’abord, on retrouve l’aspect majoritairement féminin de la consommation qui
transparait dans l’ensemble de l’article. Ainsi la majorité des exemples, et la totalité
des situations vécues, ont pour protagonistes des femmes.
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
29
L. MILLER, Listening to Xanax – How America learned to stop worrying about worrying and pop its pills
instead
!
22!
-
On peut souligner l’aspect romantique ou d’effet de mode de l’usage chez une partie
des consommateurs, une forme de nouveau « mal du siècle », décrit par l’auteur. Elle
montre notamment comment les benzodiazépines traversent la société, s’affichent
dans les films, musiques et personnalités publiques, contribuant à leur reconnaissance
et leur banalisation.
-
On observe ensuite la description de deux types de consommations distincts, en dehors
de l’indication du médicament : l’anxiété « fonctionnelle » et « situationnelle ». Nous
avions déjà évoquée l’anxiété situationnelle, définie non pas comme une anxiété
pathologique, mais la réponse à une situation grave (difficultés économiques,
professionnelles, personnelles intense, exemple : divorce, décès, risque de perte
d’emploi…) qui apparaît comme le plus souvent traitée par benzodiazépines. Par
opposition le concept d’ « anxiété fonctionnelle » que l’auteur utilise, renverrait plus à
l’idée précédemment développée d’une consommation pour maintenir le rôle social.
Cette dernière consommation semble concerner aussi bien les élites, que de jeunes
hommes sans emplois (Miller rappelle que ces derniers sont la cible la plus probable
d’abus selon l’administration américaine, la Substance Abuse and Mental Health
Services Administration ou SAMHSA).
Par ailleurs une série de remarques ou analyses peuvent être intéressante à relever :
-
L’auteur confesse avoir consommé des benzodiazépines pour la première fois après
qu’une amie lui en ait proposé. Elle décrit également comment les médicaments
s’échangent au sein de son cercle de connaissance, avec une amie mentionnée comme
la « bonne fée marraine » (personnage de conte présent notamment dans Cendrillon),
distribuant du Xanax© comme autant de bénédictions (rappelant au passage le prix
dérisoire des médicaments, à 2,56$ les 30 pilules de valium). Ce comportement, bien
que difficile à chiffrer, nous permet d’envisager l’existence d’une consommation de
classe, et d’une reproduction de ces pratiques. Le premier contact avec le médicament
serait directement ou indirectement lié à la présence du médicament dans certains
milieux sociaux.
!
23!
-
L’auteur mentionne l’angoisse généralisée à plusieurs reprises. Une angoisse qui peut
sembler paradoxale puisque Miller place l’essor des psychotropes (antidépresseurs et
anxiolytiques) dans une période de croissance économique, où les signaux « macro »
étaient bons, avant d’expliquer ensuite que c’est justement la crainte d’une situation
mauvaise (aussi bien circonstancielle au niveau individuel, qu’abstraite au niveau
global) qui conduisent à la consommation qui existe en 2012. La thèse de psychiatres
américains qu’elle expose serait que l’ « ère de l’angoisse » tient moins dans le
contenu des messages que dans leur omniprésence, et l’incapacité à gérer le flux
d’ « inputs » inhérent à la vie moderne.
-
Les
mérites
du
produit
apparaissent
comme
de
plusieurs
ordres.
©
Ils sont efficaces : l’effet du Xanax étant successivement comparé à « un bisou de
maman », « un cadeau de dieu » ou encore de l’ « alcool en pilule ». Ils sont
également plus pratiques que les antidépresseurs du fait de leur action rapide. Leurs
effets secondaires sont plus adaptés à la vie professionnelle : le Xanax© est décrit
comme un progrès technologique majeur par rapport au Valium© permettant d’éviter
le phénomène d’engourdissement, ou de « zombification » selon son expression, grâce
à la demi-vie plus courte du produit.
-
La description du rapport à l’angoisse est également marquante, l’auteur s’associant à
d’autres consommateurs pour exprimer le lien particulier qui unit l’individu à
l’anxiété. Son constat est qu’il existe un attachement fort à l’anxiété, plus qu’aux
pilules. On comprends mieux alors que l’effet recherché n’est pas de « guérir » d’une
pathologie, l’auteur écarte la psychothérapie et autres formes de thérapies
comportementales ou médicamenteuses (antidépresseurs notamment), mais de
maintenir l’anxiété sous contrôle. Dans sa conclusion apparaît le sentiment des
consommateurs qu’elle connaît : l’anxiété leur permet de continuer à jouer leur rôle, à
se dépasser professionnellement et personnellement, les « guérir » reviendrait à les
priver du moteur de leur réussite. Un lien quelque peu pervers dans ce qu’elle décrit
comme une histoire de « couple » uni donc l’individu à son anxiété. La complexité de
cette relation tient à la capacité de conserver l’effet productif de l’anxiété sans
médicament.
!
24!
-
Enfin, on pourra apprécier la dernière page de son article, se présentant comme un
guide pratique distinguant 4 archétypes d’anxieux : la femme stressée en situation de
travail, l’homme divorcé consommateur d’une autre substance (on retrouve la cible de
l’administration américaine) en difficulté financière, la jeune femme confrontée à une
vie professionnelle et personnelle intense (enfants et tâches domestiques), un
entrepreneur angoissé par une situation ponctuelle (avion par exemple). Pour chacun,
la journaliste associe une « prescription », respectivement Xanax©, Ativan© (ou
Temesta© dans la commercialisation française du Lorazépam), Klonopin© (ou
Ritrovil© dans la commercialisation française du Clonazépam) et Valium©.
Cet article nous permet d’observer le recoupement des informations qui se démarquent de la
littérature académique (notamment COHEN et KARSENTY) dans la logique formalisée
d’une tranche de consommateur. En outre, il nous permet d’évoquer un certain aspect encore
peu abordé ou de manière très indirecte par la recherche : le rapport à l’anxiété, l’influence
des milieux sociaux, le rôle de l’image « romantique ».
!
25!
Deuxième partie:
Les déterminants sociaux de la consommation
!
26!
Après avoir introduit ces quelques éléments de définition et de contexte sur les enjeux de la
consommation
d’anxiolytiques
(perceptions
et
comportements
individuels),
plus
particulièrement de benzodiazépines, attardons nous à présent sur les déterminants de cette
consommation, au sein d’une société (facteurs micro) et les facteurs de leur variation entre les
différentes nations (macro). Notre objectif demeurant de rechercher par ces déterminants ce
que la consommation doit au social, et ce dont elle peut éventuellement être le reflet.
Nous saisirons également cette occasion d’analyse interne et comparée pour revenir sur la
situation décriée de la France à travers des éléments de mise en perspective.
Chapitre 1 : Au-delà du médical, la consommation d’anxiolytiques comme
fait social
La première étape pour considérer les pratiques de consommation comme pertinente en terme
de diagnostic social, est de les faire sortir d’un comportement pathologique individuel. L’idée
étant de concevoir les pratiques de consommations non pas comme la seule résultante de
facteurs individuels mais à un niveau plus général comme fait social. La démarche se
rapprocherait en fait du travail d’Emile DURKHEIM30 sur le suicide :
« En effet, si, au lieu de n’y voir que des événements particuliers, isolés les uns des autres et
qui demandent à être examinés chacun à part, on considère l’ensemble des suicides commis
dans une société donnée pendant une unité de temps donnée, on constate que le total ainsi
obtenu n’est pas une simple somme d’unités indépendantes, un tout de collection, mais qu’il
constitue par lui-même un fait nouveau et sui generis, qui a son unité et son individualité, sa
nature propre par conséquent, et que cette nature est éminemment sociale. »
Si le suicide pourrait être envisagé comme sujet d’étude proche de la consommation
d’anxiolytiques traitée ici, puisqu’ils sont impliqués dans 26,2% (dont 12,6% de
benzodiazépines) des tentatives d’intoxication volontaire d’adolescents en 2008 (chiffre de la
SAMHSA), ce n’est pourtant pas la raison pour laquelle il nous faut envisager Durkheim,
mais bien pour sa capacité à extraire le suicide d’une fatalité sociale, qui ne pouvait être
traitée qu’à un niveau individuel, pour en étudier les caractéristiques, causes et
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
30
!
E. DURKHEIM, Le suicide: etude de sociologie
27!
implications sociales. En suivant son exemple, la première étape serait alors de s’interroger
sur l’importance et la constance du phénomène.
Section 1 : Importance quantitative du phénomène dans la société française
Pour mettre en évidence ces éléments, nous utiliserons tout d’abord les chiffres de vente
relevés par l’ANSM 31 (anciennement Afssaps), en nous basant sur la catégorie des
anxiolytiques et des anxiolytiques dérivés de benzodiazépines (respectivement N05B et
N05BA de la classification Anatomique, Thérapeutique et Chimique, ou ATC). L’unité de
mesure classique dans cette situation est la Dose Définie Journalière par jour pour 1000
habitants. La DDJ est la transposition de la Defined Daily Dose calculée par l’Organisation
Mondiale de la Santé, et correspond à la « dose d’entretien moyenne supposée par jour, pour
un médicament utilisé dans son indication principale chez l’adulte ». Cette unité qui permet la
comparaison en évacuant les questions de conditionnement, de dosage, ou encore de prix,
demeure problématique car susceptible de changement selon les évaluations de l’OMS sur la
valeur de cette DDD.
Consommation!(en!DDJ/1000hab/j)!
70!
64,4!
65!
62,5!
61,1! 61! 60,2! 61! 60,3!
57,3!56,5!
60! 62,3!
61,6!
55!
50!
59,1!
56,9!
55,7!
55,3!
54,2! 54!
52,7!52,5!
54! 53,7!
52,9!53,7!52,6!
N05BA!
49,5!
45!
40!
48,5!
47,1!
N05B!
45,6!44,9!
43,5!43,6!43,9!
35!
30!
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
31
!
Afssaps, Analyse des ventes de médicaments aux officines et aux hôpitaux en France
28!
On observe donc que la consommation d’anxiolytiques semble décroitre sur la période,
contrairement par exemple aux benzodiazépines prescrites comme hypnotiques dont la
consommation est stable depuis une dizaine d’année (à environ 33,1 DDJ/1000hab/j).
Il serait alors intéressant de croiser ces chiffres de consommation avec la prévalence de
traitement par anxiolytique, c’est-à-dire de contextualiser ces chiffres bruts par l’exposition
individuelle aux médicaments. Malheureusement, la source la plus pertinente pour cette
donnée, l’Assurance Maladie, à travers l’Echantillon Généraliste de Bénéficiaire, est soumise
à une autorisation d’accès. Sans possibilité d’effectuer des recherches dans cette base de
données, il nous faut nous appuyer sur les données extraites de l’EGP et disponibles dans le
rapport de l’Afssaps32 que l’on trouve sous la forme suivante :
On peut alors constater que si l’intensité de la consommation diminue, sa prévalence ne varie
que très peu sur la période récente. L’Afssaps analyse cette stabilité de la prévalence
concomitante à la baisse de la DDJ/1000hab/j comme une probable diminution de la
posologie ou du temps de traitement.
En l’absence de données sur un temps plus long, il nous est impossible de savoir si comme le
suicide cette consommation garde bien un aspect invariable. La encore il nous faut rappeler
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
32
!
Afssaps, op. cit.
29!
que la nature limitée ou lacunaire des données est un point-clé à prendre en compte dans
l’analyse, dès lors que l’on cherche à établir une signification aux niveaux de consommation.
En l’absence de données centralisées et facilement accessibles, l’analyse de long terme ne
peut se faire qu’en utilisant des sources éparses, recourant le plus souvent à des
méthodologies ou des objets d’études différents (l’ensemble des psychotropes, les
anxiolytiques ou la famille des benzodiazépines). Par exemple, on retrouve le chiffre de 18%
de consommation cumulée d’anxiolytiques et hypnotiques dans l’étude de l’European Study
of the Epidemiology of Mental Disorders sur la période 2001-200333, mais si cela peut nous
permettre d’émettre l’hypothèse d’une relative stabilité, nous ne pouvons à ce stade la
démontrer.
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
33
ESEMeD/MHEDEA, Psychotropic drug utilization in Europe : results from the European Study of the
Epidemiology of Mental Disorders (ESEMeD) project.
!
30!
Section 2 : Analyse sociodémographique du phénomène dans la société française.
L’analyse du profil et des pratiques des consommateurs, largement répandue dans la
littérature académique, s’accorde sur la situation de vulnérabilité, voire de marginalité, des
utilisateurs. Après l’avoir brièvement abordée dans les parties précédentes nous proposerons
ici un retour plus détaillé sur les caractéristiques sociodémographiques de la population
consommatrices d’anxiolytiques.
Le premier constat est la prédominance de la consommation féminine, outre que les femmes
représentent comme nous l’avons vu 59,3% des utilisateurs de benzodiazépines en 2010, leur
taux de prévalence est beaucoup plus élevé que celui des hommes. Ainsi, selon le rapport de
l’Afssaps, cette consommation pour les seuls anxiolytiques touche environ 1 femme sur 5
entre l’âge de 30 à 40 ans, 1 femme sur 3 entre 70 et 75 ans, contre respectivement 10% et
15% pour les hommes. Le constat de cette différence de consommation ne se limitant par
ailleurs pas aux anxiolytiques, la prévalence des médicaments psychotropes en général étant
presque deux fois plus élevée (22,9% contre 13,3% en moyenne, et 32,6% contre 14,1% dans
tranche 55-75ans) dans la population féminine. Pour illustrer cette influence, on pourra se
référer au tableau produit par l’Afssaps que nous reproduisons ici :
!
31!
Les causes de cette différence de consommation entre les sexes ne sont encore que
partiellement comprises, on pourra cependant proposer certaines hypothèses qui ont pu être
avancée (MORABIA et al.34):
-
L’existence d’une relation inverse entre la consommation d’alcool et la consommation
de médicaments psychotropes. La consommation de psychotropes masculine plus
faible serait liée à une consommation plus répandue et importante d’alcool par les
hommes. L’idée sous-jacente étant que l’individu portera son choix sur l’une des
substances au détriment (relatif) de l’autre.
-
L’existence d’un recours plus fréquent au système médical par les femmes, pour des
raisons socio-culturelles. Les femmes auraient culturellement tendance à rechercher
plus l’assistance médicale et à évoquer des troubles psychologiques.
-
L’existence d’une prévalence plus forte de la morbidité psychiatrique chez les
femmes, concernant notamment la dépression et les troubles anxieux. Cette hypothèse
demeure contestée, et pourrait être liée à l’hypothèse précédente.
L’âge apparaît comme une variable importante de la consommation, les données issues des
enquêtes internationales, de l’EGB, des remboursements ou encore des études de cohortes,
s’accordent pour montrer l’augmentation de la prévalence de consommation avec l’âge de
l’individu, indifféremment du sexe. Selon le rapport de l’Afssaps, l’exposition aux
anxiolytiques croît avec l’âge jusqu’à atteindre un palier autour de 50-60 ans (pour des taux
légèrement inférieurs à 25% chez les femmes et 15% chez les hommes), seuil que l’on
retrouve avec des valeurs inférieures dans le baromètre de l’Inpes de 2010. L’existence d’un
pic d’exposition entre 70 et 75 ans mis en avant par l’Afssaps, bien qu’absent de ce même
baromètre, semble néanmoins cohérent au regard de la littérature concernant la consommation
chez les personnes âgées. On peut également ajouter que l’âge médian de consommation
relevé par l’Afssaps pour les benzodiazépines anxiolytiques se situe à 50 ans. L’âge entre
enfin dans les pratiques de consommations : chez les individus de plus de 50 ans 80% des
traitements par benzodiazépine anxiolytique et hypnotique dépassent les 3 mois.
Pour autant, les anxiolytiques concernent également les plus jeunes, si les données
majoritairement déclaratives divergent largement, on observe toutefois une prévalence
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
34
!
ESEMeD, op. cit
32!
annuelle de consommation d’anxiolytiques et hypnotiques sans prescription médicale de
l’ordre de 18% pour les filles de 16-17ans, contre 12% pour les garçons du même âge selon
l’European School Survey Project on Alcohol and Other Drugs (Espad) de 200735. Si l’on
ajoute la prévalence avec prescription, on obtient une prévalence annuelle de 26,3% pour les
filles et 18,8% pour les garçons. Ces donnés doivent néanmoins être traitées avec réserve, au
regard d’autres sources comme le baromètre Inpes (2005) affichant une prévalence annuelle
des psychotropes chez les adolescents de 17 ans de 8% chez les garçons et 22% chez les filles,
ou encore l’Enquête sur la Santé et les Consommations lors de l’Appel à la Défense
(Escapad)36 qui observe une prévalence vie des anxiolytiques de 18%, et de 15% pour les
hypnotiques, chez les 17-18 ans. Concrètement, s’il est difficile d’évaluer exactement la
consommation qui est faite par les jeunes des anxiolytiques, il apparaît qu’une importante
proportion (≈20%) d’entre eux y est déjà familiarisée.
Ainsi, l’exposition aux médicaments semble apparaître relativement tôt (dès l’adolescence) et
croître tout au long de la vie.
Si ces deux variables (âge et sexe) apparaissent indiscutables au regard de l’accumulation des
données empiriques, d’autres pistes peuvent néanmoins être envisagées, bien qu’elles n’aient
pas encore toutes atteint un même consensus.
La situation socioprofessionnelle est ainsi un facteur à prendre dans l’exposition aux
substances psychotropes à plusieurs titres. En premier lieu, et d’après le baromètre Inpes, les
ouvriers, employés et professions intermédiaires consomment plus que les cadres et
professions intellectuelles supérieures37, alors même que le score de santé mentale de ces
derniers est avec celui des employés le plus dégradé38, et qu’ils sont les plus nombreux à
déclarer un stress lié à la vie professionnelle. Les résultats ne sont pourtant pas unanimes en
faveur de cette interprétation par un statut socio-économique plus faible39, certaines études
parvenant à une consommation plus importante chez les femmes aux foyers et les individus au
statut élevé40. De même, des résultats contestés sont apparus lors de la recherche d’une
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
35
INSERM, op.cit
Ibid
37
Ibid
38
C. MENARD, C. LEON, Activité professionnelle et santé, quels liens ?
39
M.W NIELSEN et al. Patterns of psychotropic medicine use and related diseases across educational groups :
national cross-sectional survey
40
ESEMeD, op.cit
36
!
33!
relation négative avec le niveau d’éducation, mais ils semble néanmoins suffisamment
persistants pour être mentionnée.
On peut ensuite envisager la question de l’activité, il apparaît en effet que le chômage est un
facteur potentiellement aggravant de l’exposition aux psychotropes, particulièrement avec
l’allongement de la durée d’inactivité. Dans le baromètre 2005 de l’Inpes41 une prévalence de
consommation avait été observée à hauteur de 13,8% chez les actifs (9,6% pour les hommes,
18,5% pour les femmes) contre 17,4% pour les chômeurs (13,6% pour les hommes, 20,4%
pour les femmes). Il était alors frappant de constater la croissance de la prévalence avec la
durée du chômage, 13,8% à moins d’un an (identique aux actifs), 16,5% entre 1 et 2 ans,
22,2% après 2 ans. Pourtant d’après les dernières données du baromètre 2010 (non disponible
au moment de la rédaction) synthétisées dans le rapport de l’Inserm, cet écart s’est
considérablement réduit avec une prévalence de consommation de 17,4% chez les chômeurs
et de 16,7% pour les actifs, un écart jugé aujourd’hui « non significatif ». Ce rattrapage
montre surtout l’accroissement de la consommation chez les actifs, avec une plus grande
exposition chez ceux déclarant une dégradation de leurs conditions de travail depuis 2005. En
l’absence de données complètes, on ne peut à l’heure actuelle savoir si l’allongement de la
durée de chômage conduit toujours à une augmentation de la prévalence comme cela avait pu
être observé dans le baromètre 2005, cependant cette hypothèse probable nous conduit à
penser qu’il existe toujours une différence significative entre les situations de chômage et
d’activité bien qu’atténuée par la dégradation perçue des conditions de travail d’une partie de
la société. On notera par ailleurs qu’au niveau international, le chômage semble être encore
largement pertinent dans les études d’exposition.
Le secteur d’activité concourt par ailleurs à l’exposition aux anxiolytiques comme le montre
l’Inserm, avec certains secteurs (comptable, habillement, juridique et financier, informatique
et ingénierie) aux prévalences plus fortes quand d’autres comme les professions de
pharmacie, santé ou action social sont moins consommateurs.
Plus généralement, la catégorie socioprofessionnelle est également pris en compte en raison
de l’existence d’une relation entre le statut social et la morbidité : les problèmes de santés
sont plus fréquent dans les couches sociales les plus faibles42.
Enfin, il apparaît que la marginalisation en règle général est un facteur aggravant de la
prévalence, comme dans les comportements suicidaires observés par Durkheim. Par
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
41
42
!
C. MENARD, C. LEON, op.cit.
M.W. NIELSEN, op.cit.
34!
marginalisation on entend ici toute forme de rupture du lien social, de la solitude à
l’exclusion. Des études ont notamment été réalisées chez les usagers de drogue43 et en milieu
carcéral 44 (voire à l’intersection des deux catégories) concluants d’une part à une
consommation plus importante que dans la population générale, et d’autres part à des
mésusages des médicaments. Le placement en structure des personnes âgées et les situations
de handicap peuvent également être prises en compte à ce titre. D’autres études se sont
penchées sur l’influence que pouvait avoir le deuil, le divorce45, la retraite montrant le plus
souvent une relation substantielle, mais elles restent discutées.
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
43
INSERM, op. cit
Ibid
45
N. METSÄ-SIMOLA, P. MARTIKAINEN, Divorce and changes in the prevalence of psychotropic
44
medication use': a register-based longitudinal study among middle-aged Finns
!
35!
Chapitre 2 : Recherche de déterminants macro sociaux par la comparaison
internationale
Section 1 : Perspective sur la consommation internationale
Nous envisagerons à présent de mettre en perspective la consommation française, dont
l’ampleur est indéniable avec sa prévalence annuelle d’environ 20% dans la population
générale, par l’étude des situations d’autres nations, particulièrement les pays de l’OCDE. Le
choix du référentiel de l’OCDE nous permet à la fois de bénéficier d’une relative uniformité
avec des pays industrialisés disposant de systèmes de santé supposés développés, mais ils
nous permettent également de nous appuyer sur la recherche et le système statistique du pays.
En effet une première limite qu’il convient de poser dès lors que nous envisageons de discuter
de la situation actuelle de la consommation à l’échelle internationale : l’imperfection des
données. Bien que la plupart des anxiolytiques comme substances psychotropes soient
inscrites au tableau IV de la Convention de 1971 sur les substances psychotropes de l’ONU,
et soient donc suivies par l’Organe International de Contrôle des stupéfiants, un organe
indépendant, celui met en garde contre l’interprétation à donner aux chiffres : « Il faut être
prudent si l’on tire des conclusions sur les niveaux réels de la consommation de substances
psychotropes car les renseignements sur la fabrication et le commerce fournis par les
gouvernements peuvent être incomplets ou ne porter sur toutes les substances ». Malgré
l’aveu de cette organisation de ne parvenir à évaluer exactement la consommation de drogues,
ses données restent les plus fiables disponibles pour une évaluation globale, si l’on prend
garde à ne pas tirer de conclusions d’anomalies ponctuelles. Le choix de l’OCDE bien que
plus pratique, ne compense malheureusement pas entièrement ce manque de données.
Revenons néanmoins sur le classement de la France parmi les nations les plus
consommatrices d’anxiolytiques, un élément fréquemment mentionné par les médias, qui
nous permettra un premier positionnement de la France sur la scène internationale. Pour cela,
nous proposons de nous appuyer sur le tableau suivant, présentant les 15 premières nations en
terme de consommation calculée de l’OICS46, au cours des rapports de 2008, 2010 et 2012.
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
46
!
INCB, Substances psychotropes
36!
Année
2007
2009
!
Pays
Rang Monde
Rang OCDE
Suisse
1
Finlande
Consommation calculée (DDJ/1000hab/j)
Anxiolytiques
Benzodiazépines
1
316,81
316,78
2
2
192,42
192,09
Portugal
3
3
95,65
95,65
Irlande
4
4
88,81
88,81
Serbie
5
88,23
88,23
Espagne
6
86,17
86,17
Uruguay
7
85,49
85,40
Danemark
8
6
77,34
77,25
Belgique
9
7
74,05
73,81
Luxembourg
10
8
58,20
58,20
Argentine
11
56,77
56,77
Hongrie
12
55,59
51,97
Croatie
13
52,89
52,83
France
14
52,65
49,87
Macédoine
15
49,76
49,76
Uruguay
1
102,08
102,06
Belgique
2
101,3
101,19
Serbie
3
92,25
92,25
Portugal
4
91,11
91,11
Croatie
5
73,25
73,23
Espagne
6
71,51
71,51
Macédoine
7
66,37
66,37
Hongrie
8
4
60,61
58,65
Slovénie
9
5
60,50
59,91
France
10
6
59,57
57,02
Argentine
11
55,53
55,53
Monténégro
12
51,11
51,11
Italie
13
7
44,78
44,78
USA
14
8
43,42
43,35
Irlande
15
9
40,62
40,62
5
9
10
1
2
3
37!
Année
2011
Pays
Rang Monde
Rang OCDE
Slovénie
1
Finlande
Consommation calculée (DDJ/1000hab/j)
Anxiolytiques
Benzodiazépines
1
233,05
232,45
2
2
178,01
177,73
Hongrie
3
3
130,19
123,88
Suisse
4
4
127,33
127,30
Portugal
5
5
110,87
110,87
Croatie
6
90,66
90,61
Belgique
7
6
86,10
86,02
Espagne
8
7
74,02
74,02
Macédoine
9
73,07
73,07
Canada
10
66,13
66,10
Serbie
11
64,87
64,87
Uruguay
12
64,65
64,62
Monténégro
13
59,29
59,29
France
14
9
58,90
56,74
Luxembourg
15
10
54,99
54,95
8
Les données concernant la France semblent cohérentes bien que les valeurs soient supérieures
à celle de l’Afssaps, particulièrement concernant la part des benzodiazépines dans la
consommation totale d’anxiolytique (56,74 contre 43,6 DDD/1000hab/j). Par ailleurs, le
classement européen est sensiblement différent du rapport de l’Afssaps notamment sur la
consommation de l’Espagne : en effet sa valeur apparait inférieure à la valeur française pour
l’Afssaps en 2009, alors qu’elle est supérieur selon l’OICS sur l’ensemble des périodes
considérées y compris 2009.
On note également des résultats qui apparaissent comme anormalement élevés tel que la
Suisse en 2007 ou la Slovénie en 2011, posant la question de la cohérence des données
présentées par l’organisme de surveillance des Nations Unis.
Malgré les réserves qu’ils convient donc de conserver, on observe néanmoins que la France
ne constitue pas une situation unique, aussi bien pour l’importance de la consommation
d’anxiolytiques que la représentativité des benzodiazépines.
!
38!
On constate par ailleurs que 2/3 des 15 pays les plus consommateurs d’anxiolytiques sont
membres de l’OCDE. La consommation relevée par l’OICS pour l’ensemble des membres de
l’OCDE est disponible dans le tableau ci-dessous.
Consommation d'anxiolytiques dans les pays de l'OCDE en 2011
Consommation calculée d'anxiolytiques
(DDD/1000hab/j)
250!
200!
150!
100!
50!
0!
Afin de lisser les aberrations ponctuelles prévues par l’OICS on pourra également considérer
la consommation moyenne relevée entre 2007 et 2011 :
Consommation anxiolytiques moyenne dans les pays de l'OCDE entre
2007 et 2011
300!
250!
200!
150!
100!
50!
0!
!
39!
On constate néanmoins la persistance de données peu cohérentes pour la Finlande et la Suisse
(non observées sur 2009-2010), avec des consommations à plus de 150 DDJ/1000hab/j,
inconsistantes avec les données issues des études nationales (estimation pour les
benzodiazépines à 43,3 DDD/1000hab/j en Suisse47).
L’analyse de la prévalence est plus complexe en l’absence d’une source unique, la recherche
étant effectuée le plus fréquemment dans le référent national, certaines tentatives peuvent
néanmoins être mentionnées. Ainsi le rapport de la Presidential Task Force (nommée en
1992) de la World Psychiatric Association publié par l’OMS en 1996, avance un taux de
consommation régulière de benzodiazépines de 10%, reprenant ainsi les données d’une étude
de 1981 sur 10 pays européens et les Etats-Unis (BALTER et al., a cross-national comparison
of anxiety/sedative drug use) qui complétait cette information par une prévalence annuelle
d’anxiolytiques/sédatifs observée variant entre 17,6 (Belgique) et 7,4% (Pays-Bas).
L’European Study of the Epidemiology of Mental Disorders, est également une étude
précieuse sur l’exposition aux anxiolytiques (et psychotropes en général) dans la population
générale de 6 pays européens (France, Allemagne, Italie, Belgique, Pays-Bas, Espagne) au
début des années 2000. Bien que datée d’une dizaine d’années, cette étude nous permet de
dessiner une première esquisse de comparaison internationale. Tout d’abord, on retrouve
l’importance de la consommation d’anxiolytiques (prévalence annuelle de 9,8%) au sein de la
consommation de psychotropes (prévalence annuelle de 12,3%), la prédominance féminine
(16% contre 8,2%), l’accroissement de la consommation avec l’âge (de 6,6% pour la tranche
18-24ans, jusqu’à 18,8% pour les personnes de plus de 65ans). En terme d’exposition, il
apparaît que la prévalence française se démarque par sa valeur particulièrement élevée.
Pays
Belgique
France
Allemagne
Italie
Pays-Bas
Espagne
Prévalence annuelle
(psychotropes) en %
13,2
19,2
5,9
13,7
7,4
15,5
Constatant cet écart de prévalence entre les différentes nations, le rapport dresse la conclusion
suivante : « Intercountry differences in the use of psychotropic drugs may be attributed to a
variety of factors, including differences in prevalence rates of mental disorders, in the
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
47
S. PETITJEAN et al., Benzodiazepine prescribing to the Swiss adult population : results from a national
survey of community pharmacies
!
40!
utilization rate of health and mental health services and finally in the administrative and
legal rules affecting the prescription, retail and use of psychotropic drugs. Additional
analyses will be needed in order to fully understand the reasons for the substantial
intercountry differences in the use of psychotropic drugs in the general population. »
Il est intéressant de constater que les facteurs sociaux-démographiques ne sont pas
explicitement désignés pour expliquer les différences entre pays, mais plutôt le système de
santé, confirmant l’hypothèse de variables macro sociales. L’idée d’une prévalence variable
des troubles mentaux selon les populations est également intéressante, mais nécessiterait une
analyse particulière approfondie dont nous discuterons dans le troisième chapitre.
Considérer la place du système de santé fait écho à la thèse du contrôle social que nous avions
évoquée (prise en charge par la société de la détresse mentale), et nous permet de nous
interroger sur l’existence de lien entre le niveau de développement et l’extension de la
réponse médicamenteuse.
!
41!
Section 2 : Développement des sociétés et anxiolytiques
Dans cette optique, et afin de poursuivre la recherche de facteurs explicatifs, il nous semble
intéressant de croiser les données épidémiologiques aux indicateurs communs du
développement économique et humain.
Nous pouvons en effet émettre deux hypothèses de travail à ce stade :
Soit la consommation est révélatrice d’un mal-être social et devrait être corrélée négativement
aux indicateurs de développement humain, dès lors que l’on suppose que le développement
économique et humain tend effectivement à l’amélioration des conditions sociales.
Soit la consommation est l’aboutissement d’une prise en charge des problèmes sociaux par la
société et devrait être corrélée positivement à ces mêmes indicateurs. Cette dernière
hypothèse reposant toutefois sur le postulat que le développement des sociétés tend à
l’extension de l’offre de soins, particulièrement sous la forme médicamenteuse.
Deux obstacles doivent néanmoins être considérés:
-
Il pourrait être avancé qu’un niveau de développement plus élevé conduirait à un
accroissement de la prise en charge non-médicamenteuse, comme la psychothérapie,
bien que ces démarches soient le plus souvent accompagnées de traitement entrant
dans la prévalence des psychotropes (notamment type ISRS).
-
De la même manière on peut envisager que le développement du système de santé ne
garantisse pas nécessairement l’équité d’accès aux soins. Dans ce cas, cependant on
retrouverait une corrélation faible ou négative signe que le système de santé dispose
d’une influence inférieure aux inégalités et donc à la structuration sociale.
L’usage d’indicateurs généralistes et le principe de la corrélation en lui-même ne nous
permettent pas d’envisager l’étude de liens de causalité. Il serait donc vain d’utiliser cette
analyse pour comprendre si l’extension de l’offre médicamenteuse est la réponse à un
problème social préexistant ou la conséquence d’un développement anxiogènes de sociétés.
In fine, notre entreprise revient à chercher la confirmation d’une influence du niveau de
développement sur la consommation d’anxiolytiques, soit par l’intermédiaire de
l’amélioration des conditions de vie des populations, soit par l’augmentation du recours à la
!
42!
médication.
Pour ne pas entrer plus avant dans la controverse agitant la notion de développement vue en
première partie, nous chercherons à proposer des indicateurs empruntant aux différents
courants, afin de prétendre à une certaine objectivité :
-
Le Produit Intérieur Brut (PIB) et le PIB/tête, qui bien que remis en cause sont des
indicateurs incontournable du développement économique : ils sont historiquement les
mesures de la richesse des nations et des populations. Les valeurs correspondent aux
données les plus récentes de la Banque Mondiale.
-
L’Indice de Développement Humain (IDH) et l’IDH ajusté aux inégalités (IDHI), que
nous avons rencontré en première partie. Les valeurs sont issues des rapports du
PNUD.
-
Le coefficient de Gini, est un outil statistique qui appliqué aux revenus permet
d’observer la dispersion de distribution au sein d’une population. Le coefficient varie
entre 0, représentant l’égalité parfaite, et 1 l’inégalité absolue.
-
Le % du PIB affecté aux dépenses de santé est un indicateur utilisé par le PNUD dont
nous nous servirons ici pour observer l’impact de la polarisation d’une société sur la
santé en terme de consommation.
- L’indice du Bien-être est l’indicateurs composite le plus récemment créé par
l’OCDE, il est composé d’une série d’indicateurs portant sur 11 thèmes : logement,
revenu, emploi, liens sociaux, éducation, environnement, engagement civique, santé,
satisfaction, sécurité, équilibre travail-vie, chacun étant évalué entre 0 et 10.
!
43!
France
Finlande
Etats-Unis
Estonie
Espagne
Danemark
Corée
Chili
Canada
Belgique
Autriche
Australie
Allemagne
Pays
27,17
58,9
178,01
35,31
13,83
74,02
14,52
13,15
28,17
66,13
86,10
16,42
48,55
19,14
Consommation
anxiolytiques
calculée 2011
DDJ/1000hab/j
27,61
58,74
168,11
38,86
13,58
76,09
30,95
11,78
22,01
39,52
89,07
19,44
25,2
28,24
Consommation
anxiolytiques
calculée
moyenne 07-11
en
DDJ/1000hab/j
249,1
2612,9
250
15684,8
21,9
1349,4
314,2
1129,6
268,3
1821,4
483,7
399,6
1520,6
3399,6
PIB en109$
25,9
39,2
43,9
46,6
14,1
30,0
56,5
20,5
12,7
46,2
43,0
44,9
51,6
40,2
PIB/hab
en103$
0,337
0,303
0,260
0,380
0,319
0,338
0,252
0,311
0,501
0,320
0,262
0,267
0,334
0,286
GINI
0,860 (29)
0,893 (20)
0,892 (21)
0,937 (3)
0,846 (33)
0,885 (23)
0,901 (15)
0,909 (12)
0,819 (40)
0,911 (11)
0,897 (17)
0,895 (18)
0,938 (2)
0,920 (5)
IDH 2012
(rang
mondial)
0,760
0,812
0,839
0,821
0,770
0,796
0,845
0,758
0,664
0,832
0,825
0,837
0,864
0,856
IDHI 2012
(rang
mondial)
6,1
9,3
6,7
9,5
4,7
6,9
9,7
4,1
3,8
8
8
8,5
5,9
9
Dépenses
en santé en
% du PIB
4,87
6,75
7,44
7,67
4,79
6,33
7,66
5,41
4,27
7,92
7,21
7,35
7,95
7,1
Indice de Bienêtre, sur 10
44!
Grèce
!
Rep.Tchèque
Portugal
Pologne
Pays-Bas
NouvelleZélande
Norvège
Mexique
Luxembourg
Japon
Italie
Israël
Islande
Irlande
Hongrie
Pays
8,46
37,6
110,87
9.28
20,71
5,77
16,24
9,86
54,99
21,84
39,52
19,35
28,69
28,55
130,19
Consommation
anxiolytiques
calculée 2011
DDJ/1000hab/j
10,17
31,57
100,24
10,18
17,48
6,25
21,32
5,19
48,2
23,11
42,43
19,93
25,32
64,74
86,27
Consommation
anxiolytiques
calculée
moyenne 07-11
en
DDJ/1000hab/j
2435,2
195,7
212,5
498,8
772,2
139,7
499,7
1177,3
57,1
5959,7
2013,3
242,9
13,7
210,3
125,5
PIB en109$
36,2
18,9
21,4
12,3
46,6
32,0
86,2
8,8
103,6
43,1
33,8
28,5
39,5
46,0
12,9
PIB/hab
en103$
0,341
0,256
0,344
0,305
0,288
0,317
0,249
0,270
0,311
0,336
0,319
0,376
0,244
0,331
0,272
GINI
0,875 (26)
0,873 (28)
0,816 (43)
0,821 (39)
0,921 (4)
0,919 (6)
0,955 (1)
0,775 (61)
0,875 (26)
0,912 (10)
0,881 (25)
0,900 (16)
0,906 (13)
0,916 (7)
0,831 (37)
IDH 2012
(rang
mondial)
0,802
0,826
0,729
0,740
0,857
Nd
0,894
0,593
0,813
Nd
0,776
0,790
0,848
0,850
0,769
IDHI 2012
(rang
mondial)
8,1
6,6
7,5
5,4
9,4
8,4
8
3,1
6,6
7,8
7,4
4,6
7,6
6,4
5,1
Dépenses
en santé en
% du PIB
7,56
5,9
5,15
5,54
7,59
7,55
7,88
3,42
7,36
6,24
5,9
5,65
7,56
7,33
4,91
Indice de Bienêtre, sur 10
45!
Royaume-Uni
!
Suisse
Suède
Slovénie
Slovaquie
Pays
2,88
127,33
13,28
233,05
20,72
Consommation
anxiolytiques
calculée 2011
DDJ/1000hab/j
2,77
273,74
15,08
92,75
21,31
Consommation
anxiolytiques
calculée
moyenne 07-11
en
DDJ/1000hab/j
789,3
632,2
527,7
45,5
91,6
PIB en109$
10,1
70,6
49,4
22,9
16,0
PIB/hab
en103$
0,411
0,298
0,269
0,246
0,261
GINI
0,722 (90)
0,913 (9)
0,916 (8)
0,892 (21)
0,840 (35)
IDH 2012
(rang
mondial)
0,560
0,849
0,859
0,840
0,788
IDHI 2012
(rang
mondial)
5,1
6,8
7,8
6,9
5,8
Dépenses
en santé en
% du PIB
2,72
7,85
7,95
6,38
5,43
Indice de Bienêtre, sur 10
46!
Turquie
!
Le premier constat immédiat à la lecture des données est que la corrélation n’est pas flagrante.
Observons néanmoins la relation entre la consommation calculée d’anxiolytiques pour 2011
et chacun des indicateurs de développement indépendamment à la recherche d’une influence
plus concluante.
Consommation)(DDJ/1000hab/j))
Consommation)d'anxiolytiques)des)pays)de)
l'OCDE)selon)leur)Produit)Intérieur)Brut)
250!
Linéaire!(Pays)!
200!
R²!=!0,01351!
150!
100!
50!
USA!
Japon!
0!
0!
500! 1000! 1500! 2000! 2500! 3000! 3500! 4000! 4500! 5000!
Consommation)(DDJ/1000hab/j))
PIB)(109$))
Consommation)d'anxiolytiques)des)pays)de)
l'OCDE)selon)leur)PIB/tête)
250!
200!
Linéaire!(Pays)!
R²!=!0,00174!
150!
100!
50!
0!
0!
20!
40!
60!
80!
100!
120!
PIB/Tête)(103$))
!
47!
Consommation)(DDJ/1000hab/j))
Consommation)d'anxiolytique)des)pays)de)
l'OCDE)selon)la)distribution)des)revenus))
250!
200!
Linéaire!(Pays)!
150!
R²!=!0,06149!
100!
50!
0!
0,2!
0,25!
0,3!
0,35!
0,4!
0,45!
0,5!
0,55!
Consommation)(DDJ/1000hab/j))
CoefJicient)de)Gini,)distribution)des)revenus)
Consommation)d'anxiolytiques)des)pays)de)
l'OCDE)selon)l'IDHI)
250!
200!
150!
100!
Linéaire!(Pays)!
50!
R²!=!0,04317!
0!
0,5!
0,55!
0,6!
0,65!
0,7!
0,75!
0,8!
0,85!
0,9!
0,95!
IDHI)
!
48!
Consommation)(DDJ/1000hab/j))
Consommation)d'anxiolytiques)des)pays)de)
l'OCDE)selon)les)dépenses)de)santé)
250!
Linéaire!(Pays)!
200!
R²!=!0,00041!
150!
100!
50!
0!
2!
3!
4!
5!
6!
7!
8!
9!
10!
Dépenses)de)santé)en)%)du)PIB)
Consommation)(DDJ/1000hab/j))
Consommation)d'anxiolytiques)des)pays)de)
l'OCDE)selon)leur)Indice)de)BienQêtre)
250!
Linéaire!(Pays)!
200!
150!
R²!=!0,01284!
100!
50!
0!
2!
3!
4!
5!
6!
7!
8!
9!
Indice)de)BienQêtre)
Si les valeurs extrêmes (liées notamment à des anomalies statistiques comme la Slovénie dans
le rapport OICS 2012) donnent un aspect presque exponentiel à certaines répartitions au
premier regard (PIB, Gini, IDHI), voire gaussien (Santé), on observe néanmoins que
l’essentiel des points est le plus souvent concentré en un nuage dense dont la valeur est
relativement déconnectée de la variable observée. Ainsi la seule élimination des valeurs
« aberrantes » de la consommation slovène et finlandaise (<150 DDJ/1000hab/j) permet de
faire disparaître le motif.
!
49!
On constate que la régression linéaire (tracé sur les courbes) ne semble pas faire sens
(coefficient de détermination r 2 quasi nul), pas plus que les coefficients de corrélation dont on
trouvera la synthèse ci-dessous. On remarquera que l’élimination des valeurs aberrantes ne
conduit pas à un renforcement de la corrélation.
Consommation
en fonction de:
PIB
PIB/Tête
Coef. Gini
(revenus)
IDHI
Dépenses
de santé
Bien-être
Coefficient de
corrélation
(conso 2011)
-0,12
0,04
-0,25
0,21
0,02
0,11
Coefficient de
corrélation
(conso 2011)
Sans Slovénie et
Finlande
-0,05
0,14
-0,07
0,14
0,05
0,09
Le calcul de ses coefficients sur la base de la consommation calculée moyenne entre 2007 et
2011 nous donne un résultat aussi peu significatif :
Consommation
en fonction de:
PIB
PIB/Tête
Coef. Gini
(revenus)
IDHI
Dépenses
de santé
Bien-être
Coefficient de
corrélation
(conso 20072011)
-0,08
0,26
-0,17
0,25
0,07
0,24
Coefficient de
corrélation
(conso 20072011) Sans
Suisse et
Finlande
-0,03
0,05
-0,14
0,21
0,18
0,09
La valeur particulièrement faible de ces coefficients ne permet pas de tirer de conclusion sur
l’importance relative de tel ou tel indicateur et par conséquent d’observer la réalisation d’une
des hypothèses initiales.
Une conséquence s’impose en l’absence de corrélation forte : le lien entre la consommation
d’anxiolytiques et le niveau de développement n’est pas aussi immédiat qu’il ne le semble.
!
50!
Troisième partie:
Quel sens donner à cette consommation ?
!
51!
Chapitre 1 : Signification de la consommation en l’état actuel
Section 1 : La consommation comme choix social
Si l’on n’observe pas de lien évident entre le développement des sociétés et l’extension de la
réponse médicamenteuse, c’est probablement que, comme l’ESEMD l’indiquait, l’origine de
cette dernière est à chercher ailleurs. La consommation d’anxiolytiques est un phénomène
social plurifactoriel dont une grande partie des causes se trouve dans les représentations et
pratiques aussi bien sociales, médicales que politiques qui entoure le médicament. Le choix
du recours à la médication est déconnecté des indicateurs généralistes dans les pays
développés car il ne repose plus sur la capacité objective à mettre en place un système de
contrôle par médication, mais sur la volonté des sociétés à le faire.
Pour illustrer le propos, nous pouvons notamment citer des initiatives de régulation et/ou
prévention entreprises par les autorités dans certains des pays étudiés et leur impact directs sur
la consommation.
Le déremboursement des benzodiazépines comme il peut exister en Allemagne, Belgique,
Italie, Danemark48, est une première mesure rependue, qui possède cependant un impact
limité, lié au coût relativement faible de ces
anxiolytiques (la Belgique reste le 6ème
consommateur de l’échantillon d’après l’OICS). On observe toutefois la force symbolique du
refus d’une prise en charge par l’Etat de la médication, particulièrement discriminant pour les
populations les moins fortunées et donc les plus exposées.
Plus contraignant que le refus de remboursement, le contrôle de la prescription peut
également être organisé. L’introduction d’une réglementation sur les benzodiazépines depuis
1989 dans l’Etat de New-York49, à travers les ordonnances tripliquées constitue à cet égard un
pionnier des « Prescriptions Monitoring Programs » qui furent mis en place aux Etats-Unis
pour limiter les mésusages et abus. C’est en effet le premier PMP incluant les
benzodiazépines dans les substances contrôlées.
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
48
INSERM, op. cit.
!
!
52!
Ce système de contrôle se fonde sur l’ordonnance tripliquées : pour chaque prescription trois
feuillets sont requis, un exemplaire est conservé par le médecin prescripteur, un second
exemplaire est conservé par le pharmacien et le dernier est envoyé au Département de la
Santé de l’Etat. Augmentant la traçabilité, et réduisant la facilité d’accès (par extension de
prescription et donc les usages inappropriés), ainsi que théoriquement la redistribution dans
les marchés parallèles, cette mesure a permis de réduire considérablement la consommation
d’anxiolytiques dans l’Etat de New-York.
Cette intervention est pourtant à nuancer en plusieurs endroits, comme le montre les
nombreuses études qui se sont penchées sur les effets d’une telle mesure. L’article dirigé par
J.FISHER paru en 2011 dans the Journal of Clinical Pharmacy and Therapeutics50, nous
permet à cet égard une synthèse de l’impact de cette mesure, avec la comparaison qu’il
effectue entre 32 études de langues anglaises réalisées sur la question de l’impact, sur 76
réalisées pour ce seul PMP, depuis les années 80 jusqu’à 2009. Parmi les conclusions de ces
travaux ont retrouve bien la diminution (rapide) de la consommation des benzodiazépines, lié
notamment à la réduction du nomadisme médical, et de redistribution sur les marchés
parallèles, mais également le transfert de prescriptions vers d’autres psychotropes
(carbamates, antihistaminiques H1 , sédatifs), des conséquences accrues de la mesure sur les
populations les plus vulnérables ou marginalisées, ainsi qu’un impact plus marqué sur l’usage
médical justifié.
L’étude de M.WEINTRAUB et al. de 1991 portant sur la consommation avant et après
l’introduction des triplicatas51 est particulièrement frappante sur le transfert qui s’est effectué.
Ainsi, parallèlement à diminution de consommation d’anxiolytiques, de 30 à 60% selon les
organismes, entre 1988 et 1989, il observe l’essor de certains sédatifs-hypnotiques, comme le
méprobamate (déjà mentionné) qui a connu une augmentation de +125% de ses prescriptions
(-9% sur la même période à l’échelle nationale), l’hydrate de chloral (+136% contre -0,4%),
le méthyprylon (+84% contre -15%), et d’autres encore. Il constate que les remboursements
Medicaid (programme d’assurance maladie cofinancée par l’Etat central et le gouvernement
fédéral pour les individus à faibles ressources) pour benzodiazépines ont diminués de 52%
entre 1988 et 1989, tandis que les remboursements de sédatifs augmentaient de 115%, pour un
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
50
J. FISHER et al., The intended and unintended consequences of benzodiazepine monitoring programmes : a
review of the literature
51
M. WEINTRAUB et al. Conséquences of the 1989 New York triplicate benzodiazepine prescription
regulations,
!
53!
total de remboursement de psychotropes sensiblement identique (46,7 millions de dollars en
1988 contre 45,6 en 1989).
Or ce phénomène de transfert nous interroge à la fois sur l’intérêt de l’action sur la
prescription, sans un accompagnement par les politiques publiques des pratiques du corps
médical et une sensibilisation de la population générale (puisque les prescriptions se
retournent vers d’autres substances aussi nocives, si ce n’est plus, comme les barbituriques),
mais également sur la pertinence des anxiolytiques pour décrire un état de fait social plus que
n’importe quel autre psychotropes. La fongibilité des consommations que l’on avait déjà
entrevue avec l’alcool, se retrouve ici avec la plupart des médicaments psychotropes (incluant
les antihistaminiques et les antipsychotiques), et non uniquement les sédatifs-hypnotiques
dont ils sont les plus proches.
Il devient alors complexe envisager une représentativité particulière des anxiolytiques dans
l’observation de l’état mental des sociétés, puisque cela suppose de lui accorder une
importance supérieure à toutes les autres substances psychotropes, importance qui n’apparaît
pas dans les comportements individuels à l’égard de la fongibilité décrite.
Cette « difficulté » étant d’autant plus critique que le nombre d’initiatives visant au contrôle
des prescriptions est en pleine expansion. Le support électronique de prescription introduit en
Suède et dans certains Etats américains est une généralisation de cette régulation, nécessitant
moins de travail administratif (risque du triplicata), dont les résultats sont encore méconnus,
mais qui s’ils connaissent le même succès devrait conduire à la « normalisation » de la
consommation d’anxiolytiques, laissant en suspens la question du transfert.
!
54!
Section 2 : Une signification générale limitée
On peut alors légitimement s’interroger sur la réalité à laquelle font référence les journalistes
quand ils évoquent la consommation d’anxiolytiques. Cela revient à se demander ce que l’on
peut véritablement déduire du chiffre de la consommation d’anxiolytiques en terme de
diagnostic social?
Au regard des éléments que nous venons de mettre en évidence, il semblerait que la réponse
soit quelque peu décevante. La multiplicité des causes et des facteurs impliqués dans
l’ampleur du phénomène ne permet pas une lecture univoque de cette donnée.
Concrètement, il semblerait qu’on ne puisse y voir le résultat d’une seule variable, comme
l’importance de la population âgée, l’importance des situations marginales ou de
vulnérabilités, pas plus que d’un état de bien-être objectif.
I.
Discussion des facteurs culturels
Il convient toutefois d’admettre que nous n’avons pas exploré spécifiquement la piste d’un
état de bien-être totalement subjectif lié à la perception de la vie en société, tel que la
satisfaction à l’égard de la vie ou le rapport au stress (items que l’on retrouve toutefois dans
l’indice de bien-être de l’OCDE), fermant ainsi l’analyse à une explication purement
culturaliste des pratiques. L’ampleur d’une telle observation et la fragilité des indicateurs
subjectifs (homogénéité des questionnaires) rendent trop complexe une telle entreprise dans le
cadre de ce mémoire puisqu’elle nécessiterait entre autre le recours à une collecte de données
simultanées en plusieurs endroits. Il est en effet difficile, voire impossible de comparer les
études internationales entreprises sur le sujet, du fait des variations méthodologiques (ce qui
n’est pas sans poser problème). Pour autant, la lecture culturaliste du bien-être, et en ce qui
nous concerne sa dimension de santé, c’est-à-dire la perception culturelle du mal-être et de la
maladie, ne peut-être entièrement négligée. De fait, la question de la prédisposition culturelle,
qui peut-être liée notamment à la conception de la maladie (et son acceptation sociale), ou à la
tendance à recourir à un médecin, recoupe en partie l’hypothèse de variations de morbidités
psychiatriques entre les nations avancée par l’ESEMeD. Cette influence du culturel et du
subjectif (notamment représentations et pratiques intériorisées) sur la morbidité
est
!
55!
effectivement un point récurent de la recherche, malgré la difficulté à en saisir toutes les
causes.
Dans l’enquête de 1995, Mental Illness in General Health Care publié par l’OMS, suite à
l’observation d’importantes disparités de prévalence des troubles mentaux (anxiété,
dépression et dépendance alcoolique) entre les centres d’études, allant de 52% à Santiago du
Chili jusqu’à 7,3% à Shanghai (moyenne de 24%), on retrouve l’hypothèse d’un impact
culturel, avec ces deux explications : la définition de la maladie, et le comportement du
malade. Pour ces auteurs, l’influence du culturel tient surtout à la construction du symptôme,
à sa présentation au médecin et au rapport entre l’individu et le système de santé. Or si les
auteurs reconnaissent l’influence de ses facteurs marginalement, ils les défaussent pour une
variation plurifactorielle de la prévalence dans la population.
Ainsi, ils concluent pour la définition de la maladie : « However, while such explanations
might account for low rates in, say, Nagasaki and Shanghai, it is difficult to see how they
could possibly account for the enormous range of observed rates among centres presumably
sharing concepts of illness in the present survey ». Le point-clé étant la perception commune
de la maladie « supposé », et donc le retour à la difficulté d’une définition objective d’une
perception.
De la même manière, pour le comportement du malade : «However, this would not on its own
account for the observed differences, and it seems likely that there are true differences in
prevalence in the base populations in addition to effects of illness behaviour. » On
retrouve donc l’idée d’un effet limité du facteur culturel, malgré l’observation d’une variation
de la morbidité entre les nations. Le rapport continue ensuite sur la description de l’effet des
facteurs sociodémographiques que nous avons vu précédemment, nous laissons sur la
conclusion qu’une fois l’influence de la culture réduite à une partie seulement de l’équation
de la morbidité, la consommation d’anxiolytiques ne peut-être le seul reflet de conceptions et
pratiques culturelles. D’autres études ont pu cherché à explorer davantage cette variation de
prévalence inexpliquée par l’étude de l’OMS avec plus de succès à l’aide de facteurs
culturels, à l’instar de MAERCKER52. Toutefois si les variations entre société traditionnelle et
société post-moderne ont pu être significativement observées, ou encore entre le rural et
l’urbain, celles-ci ne permettent pas à l’heure actuelle d’expliquer seules les différences de
consommation. Ainsi réduit, il rejoint les autres facteurs explicatifs, sans que l’on ne lui
connaisse à l’heure actuelle une pondération plus importante.
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52
A. MAERCKER, Association of Cross-Cultural Differences in Psychiatric Morbidity With cultural Values : A
secondary data analysis
!
56!
La consommation d’anxiolytique n’est donc pas non plus la traduction littérale d’une
prédisposition culturelle de la société à l’anxiété.
II.
Difficultés à la recherche de sens dans la consommation d’anxiolytiques
Notre hypothèse à ce stade est qu’au regard de l’évolution historique de la consommation, et
particulièrement à travers le prisme des triplicatas new-yorkais, le sens à donner aujourd’hui
aux variations de consommation des différents pays tiendrait de la progression de la
sensibilité des sociétés (regard des patients, pratiques médicales, régulations) à la nocivité
potentielle des anxiolytiques. La réduction observée de manière globale correspondrait ainsi à
un retour lent vers l’adéquation entre un produit largement abusé (les benzodiazépines) et son
indication initiale.
Nous ne souhaitons pourtant pas laisser entendre que cette évolution constituerait nécessaire
un « progrès » objectif en terme d’évolution de la société, en parlant de « sensibilité à la
nocivité du produit ». En effet, si la surconsommation dénoncée par les autorités françaises
constitue bien un problème de santé publique, la préoccupation est à partager entre toutes les
substances psychoactives et l’usage qui peut en être fait. Considérant, les phénomènes de
transferts, et la prévalence des autres substances psychoactives, la simple réduction de la
consommation d’anxiolytiques déconnectée de la consommation générale de psychoactifs
constitue-t-elle un mieux ? La seule mesure de la consommation d’anxiolytiques constitue-telle un indicateur positif de la réduction de l’exposition des populations aux substances
psychoactives ?
Cette question nous amène nécessairement à traiter de la médicalisation de la société, et du
choix de société qu’elle suppose sous plusieurs angles.
Tout d’abord on peut se demander si la recherche d’une réduction du niveau de
consommation d’anxiolytiques est un bien en elle-même. Si l’on postule comme certaines
études que nous avons citées l’on fait, que la consommation de psychotropes est quasiinhérente à la nature humaine, voire qu’elle est causée par l’aspect anxiogène de la vie en
société elle-même, la régulation de cet angoisse ne devrait-elle pas incomber à la société? Les
facteurs sociodémographiques entrant dans la prévalence, montrent une population
!
57!
consommatrice essentiellement marginalisée (pauvreté, inégalités) et exposée à de fortes
pressions, dans cette optique peut-on envisager qu’il soit du devoir ou de l’intérêt de la société
de prendre en charge les maux qu’elle génère ? Le coût social et économique d’une prise en
charge par médicament n’est-il pas préférable à un report vers d’autres substances
psychotropes ou à l’absence de recourt?
Avec en parallèle un questionnement aussi bien sur la possibilité de réduire le niveau global
de consommation de psychotropes, que sur l’intérêt et les conséquences de cette réduction,
dès lors que les psychotropes demeurent des « bouées de sauvetages » pour une partie de la
population.
Dans l’hypothèse d’une recherche de la réduction du niveau de consommation de
psychotropes, quelle approche de régulation considérer ? Notamment si comme nous l’avons
vu la seule régulation de la prescription conduit à la diversification, allant parfois dans le
« mauvais sens » (retour à des produits plus nocifs) ? Tout en sachant que la mise en place de
programmes de préventions à destination des professionnels de santé, et de la population
générale, envisagée doit encore faire ses preuves.
Comme on peut le voir, la réduction des anxiolytiques ne va pas de soit car elle ne suppose
pas que de sensibiliser aux dangers potentiels, mais doit également être en mesure de proposer
des alternatives au risque de voir la consommation se disperser sans résoudre le problème
initial. Problème initial qui, en outre, ne relève pas nécessairement que de la médecine mais
également du social au sens large (incluant tous les aspects de la vie en société).
!
58!
Chapitre 2 : Quel potentiel pour la consommation d’anxiolytiques comme
indicateur ?
Considérant la difficulté à extraire une signification claire et distincte de la consommation
d’anxiolytiques, peut-on néanmoins envisager d’utiliser cette donnée pour parvenir à un
indicateur utile au diagnostic social ?
Après analyse du phénomène, on pourrait en effet être tenté de chercher à corriger les biais
évident de la consommation d’anxiolytiques afin de lui donner un sens.
Une première hypothèse serait l’intégration au sein d’un indicateur composite de toutes les
substances psychotropes. En effet, la plus grande difficulté soulevée par l’analyse de la
consommation d’anxiolytiques est comme nous venons de le voir l’impact de la régulation sur
la consommation et la fongibilité de la consommation de psychotropes. Pour la contrer, on
pourrait envisager de faire entrer dans l’analyse l’ensemble des substances psychoactives
légales et illégales consommées au sein d’une société. Cela permettrait d’éviter les effets
« cosmétiques » puisque l’interdiction ou la régulation d’une substance, sans stratégie suivie,
conduirait au moins partiellement à un transfert. Si l’on considère que la bonne santé d’une
société passe par un recours le plus limité possible à des substances psychoactives, alors cet
indicateur serait en mesure de dresser un bilan plus proche de la réalité.
La question de la pondération des différentes substances serait néanmoins complexe, car
posant le problème de l’équivalence ou non des substances. Dans le cas le plus probable où
l’on chercherait à distinguer les substances, sur la base de leur utilité médicale (certaines
substances restant peu détournées car spécialisées pour le traitement de pathologies
spécifiques), de leur coût social ou encore de leur toxicité, l’atteinte d’un système unifié
pourrait-être difficile.
Malgré cet inconvénient majeur, cet indicateur pourrait permettre l’observation d’un niveau
de drogue « objectif » dans la société, indépendamment des variations de prévalence des
pathologies mentales. Il reste cependant à définir l’utilité d’un tel indicateur en dehors de la
santé publique.
Une deuxième hypothèse serait de produire à partir de la consommation d’anxiolytiques un
indice complexe intégrant la consommation de médicaments présentant les mêmes
!
59!
caractéristiques d’abus ou de détournement (notamment hypnotiques et stimulants),
accompagné ou non d’informations sur le système de santé (remboursement, régulation,
programme de prévention). En effet, les anxiolytiques ne sont pas les seuls médicaments
posant problème, la France est également, comme l’essentiel des pays de l’OCDE, une
importante consommatrice d’hypnotiques (4ème en 2009, 14ème en 2011 selon l’OICS). Les
stimulants peu développés en France, ont une ampleur considérable de l’autre côté de
l’Atlantique, et pose les mêmes problèmes d’abus, l’exemple le plus célèbre étant sans doute
la Ritaline© (Méthylphénidate), initialement indiqué pour les troubles du déficit de l’attention
avec ou sans hyperactivité (TDAH) mais largement détourné comme produit dopant
(amélioration de la concentration) notamment par les étudiants, les cadres ou encore les
sportifs. En France la Ritaline© est soumise à des règles de prescriptions strictes liés à son
classement comme stupéfiant (ordonnance sécurisée).
L’agglomération de ces différents niveaux de consommations permettrait déjà partiellement
d’éliminer le biais de régulation sur l’étude générale du recours aux médicaments
psychotropes, donc d’observer l’état de médication de la société (entendu au sens du recourt
au médicament en dehors de la dimension thérapeutique). On peut noter toutefois que cela ne
nous apprendrait pas nécessairement davantage sur l’état de bien-être de la société.
Ces deux hypothèses nécessiteraient pour être réalisées de considérables progrès dans les
statistiques de consommation, qui comme nous avons pu le voir sont encore instables, mettant
en cause leur cohérence.
Une fois sortie de ces hypothèses, il nous faut admettre que la signification de la
consommation d’anxiolytiques dans les pays de l’OCDE a une portée limitée, a fortiori en ce
qui concerne le niveau de développement et de bien-être.
Il aurait été intéressant bien que complexe (nombre plus limité d’études) d’étendre
l’échantillon de pays observés au pays en développement, car comme le rappelle
l’OMS : « The notion that mental disorders are problems of industrialized and relatively
richer parts of the world is simply wrong. » Toutefois, on peut supposer que la problématique
reste identique, d’une part le niveau de développement n’est pas en lui même porteur d’une
réponse au choix en matière de médication de la société, bien que la pauvreté soit un facteur
critique du besoin et la capacité d’accès aux soins, d’autre part la relation au bien-être est
!
60!
complexe et l’interdiction des médicaments ne rend pas la population plus satisfaite, pas plus
que son autorisation.!
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61!
Bibliographie :
Ouvrage/Monographie :
AFSSAPS, Etat des lieux de la consommation des benzodiazépines en France.
d’expertise, AFFSAPS, Saint-Denis, 2012. (ANSM)
Rapport
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en ambulatoire. Observatoire national des prescriptions et consommation des médicaments,
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Cent trente ans de promotions des alcools, tabacs, médicaments. Nouveau Monde, 2009
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http://donnees.banquemondiale.org/)
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PNUD, À propos du développement humain, site internet du PNUD (url :
http://hdr.undp.org/fr/devhumain/)
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Table des matières
Première partie : ...................................................................................................................... 4
Contextualisation des pratiques de consommations ............................................................. 4
Chapitre 1 : Premiers éléments de définition. ................................................................................. 5
Section!1!:!Anxiété!et!psychotropes!.................................................................................................................!5!
Section!2!:!BienIêtre,!développement,!et!leurs!indicateurs!...................................................................!8!
Chapitre 2 : Historique de la consommation. ............................................................................... 11
Section!1!:!Les!origines!de!l’expansion!.........................................................................................................!11!
I. Une efficacité sans concurrence ........................................................................................................ 12
II. Société et publicité : ......................................................................................................................... 12
Section!2!:!De!l’essor!à!la!condamnation.!.....................................................................................................!16!
I. Un produit dangereux ........................................................................................................................ 16
II. Une consommation excessive problématique .................................................................................. 18
Section!3!:!Pratiques!actuelles!et!persistance!de!la!consommation.!................................................!19!
I. L’offre ............................................................................................................................................... 19
II. La demande ...................................................................................................................................... 21
Deuxième partie: .................................................................................................................... 26
Les déterminants sociaux de la consommation ................................................................... 26
Chapitre 1 : Au-delà du médical, la consommation d’anxiolytiques comme fait social............ 27
Section!1!:!Importance!quantitative!du!phénomène!dans!la!société!française!...........................!28!
Section!2!:!Analyse!sociodémographique!du!phénomène!dans!la!société!française.!................!31!
Chapitre 2 : Recherche de déterminants macro sociaux par la comparaison internationale .. 36
Section!1!:!Perspective!sur!la!consommation!internationale!..............................................................!36!
Section!2!:!Développement!des!sociétés!et!anxiolytiques!....................................................................!42!
Troisième partie: .................................................................................................................... 51
Quel sens donner à cette consommation ? ........................................................................... 51
Chapitre 1 : Signification de la consommation en l’état actuel ................................................... 52
Section!1!:!La!consommation!comme!choix!social!...................................................................................!52!
Section!2!:!Une!signification!générale!limitée!............................................................................................!55!
I. Discussion des facteurs culturels ....................................................................................................... 55
II. Difficultés à la recherche de sens dans la consommation d’anxiolytiques ...................................... 57
Chapitre 2 : Quel potentiel pour la consommation d’anxiolytiques comme indicateur ? ........ 59
!
65!
Résumé
)
)
L’objet de ce travail de mémoire est d’interroger le sens commun d’une consommation de
psychotropes perçue comme l’indicateur d’un état objectif de la société, à travers l’exemple
des anxiolytiques dans les pays de l’OCDE.
S’appuyant sur une observation de la construction historique du phénomène de consommation
et de ses déterminants sociaux, l’étude recherche l’existence d’une telle relation par l’analyse
comparée des variations de consommation internationale et des conditions de vie, mesurées à
travers les indicateurs de développement et de bien-être.
Devant l’aspect peu concluant du lien entre les deux variables, et ainsi contraint de
reconnaître l’utilité limitée d’un usage dans le diagnostic social de la consommation
d’anxiolytiques, le mémoire discute alors la signification qu’elle pourrait néanmoins recouvrir
comme indicateur de la sensibilité sociale à la nocivité du produit, introduisant ainsi la place
centrale des politiques publiques de santé dans les facteurs déterminants des pratiques de
consommation.
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Mots clés : Anxiolytiques, Indicateur, Développement, Bien-être, Consommation, OCDE.
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