Anciennes activités minières et métallurgiques en zone frontalière

Transcription

Anciennes activités minières et métallurgiques en zone frontalière
Anciennes activités minières
et métallurgiques en zone
frontalière.
Une prospection autour de la
vallée de Baïgorry
GILLES PARENT
D
urant trois années consécutives, de 2002 à 2004, une prospection a été
conduite dans une région frontalière pastorale dont le passé minier et
métallurgique surprend à plusieurs titres. En effet, parmi les activités que l’Histoire avait retenues, outre les forges hydrauliques à réduction directe qui
furent nombreuses dans toutes les Pyrénées, on dénombrait pas moins de
quatre hauts fourneaux établis entre la fin du XVIIe siècle et le début du XIXe.
Deux d’entre eux étaient d’ailleurs des hauts fourneaux doubles (Eugui et
Orbaiceta en Navarre) et constituaient le cœur de véritables usines appartenant à la Couronne d’Espagne et destinées à fabriquer de l’armement.
Du cuivre et parfois de l’argent associé ont été produits par quatre fonderies, aux XVIIIe et XIXe siècles. Si la plupart de ces fonderies eurent une vie
éphémère (10 ans) et avaient sombré dans l’oubli, celle de Baïgorry/Banca
connut une plus longue existence et acquit une telle renommée en France
sous l’Ancien Régime, que l’écho de son activité était parvenu jusqu’au XXe
siècle.
Les divers établissements métallurgiques, forges, usines et fonderies de
l’époque moderne, tiraient leurs ressources de filons identifiés et parfois considérablement exploités au moins dès l’Antiquité, comme l’ont démontré les
sondages et fouilles archéologiques menés depuis bientôt dix ans en vallée de
Baïgorry et vallée d’Ossès, à Banca et Saint-Martin d’Arrossa.
La prospection de ces dernières années a dévoilé l’existence d’un grand
nombre d’exploitations de minéralisations variées. Avec le fer et le cuivre déjà
[1]
269
GILLES PARENT
évoqués, l’inventaire met en évidence la recherche ancienne d’une diversité
de métaux assez remarquable: le plomb et vraisemblablement son argent associé furent exploités durant l’Antiquité; au cours d’une époque reculée et
encore inconnue, l’or fut extrait au sein de chantiers particulièrement organisés et développés; enfin, avec des résultats qui furent certes modestes, on
extrayait le cinabre pour son mercure il y a 150 ans.
LE CADRE PHYSIQUE
On distingue dans le périmètre prospecté, un axe de concentration de
travaux miniers, orienté du Nord-Ouest au Sud-Est. Cet axe, qui débute sur
le versant nord du Baztan, traverse la vallée de Baïgorry, puis le Valcarlos, et
vient enfin s’achever au sud-est en vallée d’Aezkoa.
Aperçu géologique
Le secteur des anciennes activités minières débute au Nord-Ouest, dans
ce qui constitue l’extrémité septentrionale de la vallée administrative navarraise du Baztan. Les deux cours d’eau drainant la zone s’écoulent vers le
nord, se rejoignent pour former le torrent appelé «Bastan»1 qui se jette dans
la grande Nive à Bidarray, en vallée d’Ossès. À partir du Nord-Ouest, les terrains affleurants appartiennent d’abord au carbonifère, puis en se dirigeant
vers le Sud-Est, des formations du Dévonien et du Permien viennent s’ennoyer sous les grès roses du Permo-trias qui arment deux alignements de crêtes vigoureuses.
L’escarpement le plus oriental de grès roses domine la vallée de Baïgorry,
dont les trois-quarts sud de la surface montrent des terrains ordoviciens et
dévoniens. Les quartzites de ces premières formations sont trahis par de
nombreux abrupts et l’encaissement des deux cours d’eau principaux, la Nive des Aldudes et le ruisseau d’Hayra. Si les altitudes sont peu élevées, les reliefs sont en revanche assez accentués: le village de Banca est dominé de plus
de 1000 m à l’Est comme à l’Ouest par les deux lignes de crêtes que la frontière emprunte. Au sud, la vallée administrative bute sur une ligne frontalière qui laisse à l’Espagne une partie de l’impluvium de la Nive des Aldudes, le
Pays Quint, singularité sur laquelle nous reviendrons.
En poursuivant le survol de notre secteur vers le Sud-Est, nous abordons
le Valcarlos, navarrais, mais dont le versant oriental, dans le cours inférieur
de la Nive d’Arnéguy, est bas-navarrais, donc en territoire français et plus précisément appartenant au «Pays de Cize». Bien que le Valcarlos semble plus
encaissé que la vallée de Baïgorry (surtout par rapport à la «cuvette» des Aldudes), la continuité géologique est cependant évidente. Quartzites et schistes de l’Ordovicien rivalisent avec les calcaires, grès et schistes du Dévonien.
À nouveau, cette dernière formation est façonnée de formes relativement
douces, quoiqu’un peu plus vigoureuses dans ses niveaux calcaires, tandis
qu’au sud, dans les quartzites ordoviciens, c’est une véritable gorge que la rivière a creusée.
1
270
Ne pas confondre avec le río Baztan qui est le principal cours d’eau venant former la Bidasoa.
[2]
ANCIENNES ACTIVITÉS MINIÈRES ET MÉTALLURGIQUES EN ZONE FRONTALIÈRE...
Les terrains primaires affleurent encore jusque dans l’extrême Nord-Ouest
de la vallée d’Aezkoa, avant de disparaître brutalement sous la couverture tertiaire, conséquence d’un grand chevauchement barrant d’Est en Ouest la haute vallée navarraise drainée par le cours supérieur du río Irati. En aval, dans sa
descente vers le sud, (nous sommes passés sur le bassin versant méditerranéen),
la rivière à entaillé le dôme anticlinal d’Oroz-Betelu et mis à nu le cœur de cette structure où émergent une dernière fois les séries paléozoïques.
Les minéralisations
Les formations géologiques recélant les minéralisations concernent essentiellement l’ère primaire, dont principalement le système Ordovicien, dans
une moindre mesure le Dévonien et pour une très faible part le Carbonifère,
ce dernier uniquement représenté dans le nord du Baztan. La puissante minéralisation sidéritique de Larla, mise en place dans un encaissant de grès
permo-triasiques, aux confins des vallées de Baïgorry et d’Ossès, constituerait
quant à elle une exception dans la zone prospectée2.
Dans l’état actuel de nos connaissances, la nature des gisements métalliques semble s’accorder, à de rares exceptions près, avec les périodes géologiques des terrains encaissants.
Les minéralisations des séries de la période Ordovicienne
Les formations de schistes et quartzites de la période Ordovicienne livrent systématiquement des minéralisations où sont associés fer, (hématite et
sidérite), cuivre (chalcopyrite) et parfois argent (cuivres gris). Si le fer domine souvent et s’il fut vraisemblablement l’objet des extractions les plus nombreuses, les exploitations pour cuivre et argent de Banca au XVIIIe siècle, en
vallée de Baïgorry, et de Changoa au XIXe siècle en vallée d’Aezkoa, prouvent
en revanche que certaines concentrations de sulfures dans l’Ordovicien ont
parfois justifié des exploitations à caractère industriel.
Les minéralisations des séries de la période du Dévonien
Les filons recensés dans les séries de la période contiennent des minéralisations différentes des précédentes : on trouve ainsi, pour les gisements qui
ont donné du fer, des grès bréchoïdes à ciment d’hématite (Mendilaz, vallée
d’Aezkoa), du fer oolithique (Beodrin, Pays Quint); les sulfures sont représentés par un gisement à association B.P.G.C. (blende, pyrite, galène, chalcopyrite) à Urepel en vallée de Baïgorry3 et par des chalcopyrites associées au
cinabre, minerai de mercure, dans la mine Santa Cecilia à Arive en vallée
d’Aezkoa. Enfin, en vallée du Baztan, des travaux assez importants ont été
sans aucun doute réalisés pour l’exploitation de l’or.
2 Signalons toutefois, à l’extrême sud de la zone prospectée, les minéralisations d’Arive (Santa Cecilia, cuivre et mercure) mises en place semble-t-il à la faveur d’une faille mettant en contact des calcaires dévoniens et des grés du permo-trias. De même, une partie des travaux pour fer d’Olaldea, à
Oroz-Betelu aurait été exécutée dans les grès permo-triasiques (ou à leur contact?), selon certaines
sources d’époque. En vallée d’Arce, la minéralisation cupro-argentifère d’Urrobi (hors du secteur de
nos recherches) s’est mise en place sans conteste dans les grés roses permo-triasiques.
3 Le cas de ce gisement complexe est cependant un peu particulier, puisque la minéralisation se
trouve dans une zone de contact chevauchant entre les terrains ordoviciens et dévoniens.
[3]
271
GILLES PARENT
LES DONNÉES ARCHÉOLOGIQUES
En 1991, une approche était réalisée dans le cadre d’une prospection inventaire, étendue en fait sur l’ensemble de la Basse-Navarre. Elle permit une
première évaluation du potentiel de la vallée, notamment par la reconnaissance d’ateliers de métallurgie, et la collecte en surface de mobilier antique
sur le site de Teilari à Urepel4.
A la même époque débutait le levé topographique des mines de Banca
(G. Parent), ainsi que des recherches en archives guidées par Pierre Machot.
On note, dans les années qui suivirent, la publication d’un ouvrage réalisant
une synthèse des premières explorations et des nombreuses sources manuscrites ou publiées depuis 250 ans sur ce site minier5.
En 1997 et 1998, débutèrent les premiers sondages archéologiques à Banca, dont les datations de travaux souterrains constituèrent les résultats les plus
significatifs6. (Datation par C14 de fragments de charbons de bois issus de
l’abattage de la roche par le feu). Ces travaux préliminaires débouchèrent sur
le lancement d’une campagne de recherches plus approfondies qui se déroula de 1999 à 2001 (B. Ancel). La confirmation et la précision de l’exploitation
des Filons des Trois Rois et de Sainte-Marie durant les quatre premiers siècles de notre ère, par l’enrichissement des précédentes datations C14, et par
des datations dendrochronologiques7, ne constituèrent pas les seules informations recueillies ni l’unique objectif. En effet, les fouilles entreprises mirent en évidence une dynamique de l’exploitation ainsi qu’une organisation
spatiale du réseau démontrant la présence «d’hommes de l’art» capables de
comprendre la géométrie du filon, de la prévoir, et d’effectuer des travaux
dont la rentabilité se trouvait très différée dans le temps8.
En exceptant le site minier de Larla, à cheval sur les vallées d’Ossès et de
Baïgorry, où Argitxu Beyrie et Eric Kammenthaler ont découvert une cinquantaine de ferriers, six ateliers de réduction sont recensés sur le reste du
secteur. Parmi ceux-ci, deux crassiers ont été sondés et datés9.
Si les résultats des diverses recherches nous apportent une meilleure connaissance des exploitations modernes et commencent à esquisser le cadre de
celles remontant à l’Antiquité, seuls les indices révélés par les études de paly4 DUPRÉ, Eric; PARANT, Daniel; SAINT-ARROMAN, Christian; TOBIE, Jean-Luc, «Note sur un site
minier et métallurgique antique de la commune d’Urepel», Archéologie des Pyrénées occidentales et des
Landes, t. 12, 1992/1993.
5 MACHOT, Pierre et al. (DESPLAT, GAPILLOU, HOURMAT, FEILLOU, PARENT, PUJOLLE), Mines et
établissements métallurgiques de Banca, J & D / Editions Izpegi, Biarritz, 1995.
6 PARENT, G., Site minier et métallurgique de Banca, sondages des 17, 18,19 et 31 mai 1997, (Contribution de A. Beyrie, Ch. Normand), rapport délivré au SRA, et PARENT, G., Site minier et métallurgique de Banca, mai et septembre 1998, (Contribution de B. Ancel, A. Beyrie, Ch. Normand), rapport délivré au SRA.
7 PERRAULT, C.; GIRARCLOS, O., «Étude dendrochronologique des bois de la mine de Banca», in
GALOP, D., Paléoenvironnement et dynamiques de l’Anthropisation de la montagne basque, projet collectif de recherche, SRA Aquitaine, rapport intermédiaire 2001, pp 42 à 45.
8 ANCEL, Bruno; DARDIGNAC, Cécile; PARENT, Gilles; BEYRIE, Argitxu, «La mine de cuivre antique des Trois Rois à Banca, vallée de Baïgorry (Pyrénées-Atlantiques)», Entretiens d’archéologie et d’histoire. Les ressources naturelles des Pyrénées: leur exploitation durant l’Antiquité, St Bertrand de Comminges, 2001, pp. 179-194.
9 BEYRIE, A.; KAMMENTHALER, E., «Le centre sidérurgique antique de Larla», in Bilan scientifique
2003, Ministère de la Culture, Direction du Patrimoine, sous-Direction de l’Archéologie, 2004, pp.
162-164.
272
[4]
ANCIENNES ACTIVITÉS MINIÈRES ET MÉTALLURGIQUES EN ZONE FRONTALIÈRE...
nologie et de géochimie nous rappellent pour l’instant l’existence d’une activité locale plus ancienne.
Ces études, réalisées dans une tourbière de la vallée des Aldudes, mettent
en évidence à travers l’impact local des activités minières et métallurgiques
sur l’environnement, des périodes d’exploitation dont la plus ancienne remonte à l’âge du Bronze Moyen10.
LES SOURCES ÉCRITES
Les sources médiévales
Malgré l’importance du fonds conservé aux archives de Navarre à Pampelune, les sources connues, relatives aux mines et à la métallurgie dans le
secteur qui nous intéresse, demeurent très peu nombreuses. Tout juste savons-nous qu’il existait plusieurs forges en Valcarlos au XIVe siècle, tirant bénéfice de mines situées à proximité immédiate. D’autres sources existent cependant, puisque certains auteurs nous apprennent, par exemple, que la
construction d’une forge est autorisée en 1432 par Blanche de Navarre à Orbaiceta en vallée d’Aezkoa11, ou encore que la plus ancienne référence de la
forge d’Eugui (Vallée d’Esteribar, Navarre) remonte à l’année 142012.
Les sources modernes
Elles sont bien plus abondantes, et concernent quasi uniquement les
et XIXe siècles. Il est possible de glaner cependant quelques rares informations pour les XVIe et XVIIe siècles aux diverses sources suivantes: aux archives de Navarre, procès de 1530 et 1665 au sujet de la forge d’Orbaiceta,
mention du XVIIe siècle, très évasive, au sujet d’un permis d’évaluation de filons dans le Baztan (Sección de Reyno), enfin mention de 1518 d’une fontaine aurifère dans cette même vallée13. Des éléments de l’histoire de la forge
d’Eugui, aux XVIe et XVIIe siècles, nous sont fournis par Iglesia Albizu et Pérez Santos14.
Pour la partie bas-navarraise, signalons quelques informations relatives à
l’exploitation du filon de Larla, présentées dans «la vallée d’Ossès en BasseNavarre»15.
Mais c’est surtout l’ouvrage du baron de Dietrich, publié en 1786, inventaire des ressources minérales et des forges des Pyrénées, relevé sur l’ordre du ministre des finances Necker, qui constitue un jalon incontournable de la documentation relative à la vallée de Baïgorry en lui consacrant une soixantaine de
pages. Cette abondance d’informations (les autres descriptions se résument en
XVIIIe
10 GALOP, D.; TUAL, M.; MONNA, F.; DOMINIK, J.; BEYRIE, A.; MAREMBERT, F., «Cinq millénaires de métallurgie en montagne basque, les apports d’une démarche intégrée alliant palynologie et géochimie isotopique du plomb», in Sud-Ouest Européen, Revue géographique des Pyrénées et du SudOuest, 11, Toulouse, 2001, pp. 3-15.
11 RABANAL YUS, Aurora, Las Reales Fábricas de Eugui y Orbaiceta, Gobierno de Navarra, 1987.
12 IGLESIA ALBIZU, Ana María de la; PÉREZ SANTOS, Carmen, Reales Fábricas de municiones de Eugui y Orbaiceta (1766-1794), memoria de licenciatura, Université de Deusto, 1977.
13 YANGUAS Y MIRANDA, José, Diccionario de antigüedades del reino de Navarra, Pamplona, 1840,
tome II, p. 325.
14 IGLESIA ALBIZU, Ana María de la; PÉREZ SANTOS, Carmen, op. cit.
15 ORPUSTAN, J.-B., Urzaiz, Saint Etienne de Baïgorry.
[5]
273
GILLES PARENT
moyenne à une page) résulte de la remise à Dietrich, lors de son séjour à Banca
en novembre 1784, d’un rapport de l’ingénieur La Chabeaussière, chargé depuis
quelques années de l’exploitation des mines de cuivre de la vallée et de la direction technique de la fonderie de cuivre. L’établissement existant alors depuis
1746, l’auteur s’est donc trouvé en mesure d’exposer l’état des connaissances des
minéralisations et des travaux, accumulées depuis 40 ans par l’entreprise.
L’essentiel des écrits produits depuis, à l’exception de ceux décrivant des
exploitations réalisées après la venue de Dietrich (travaux de Larla et du filon
Berg-Op-Zoom à Banca, au XIXe siècle) s’appuyait sur ses informations ou se
contentait de les reprendre.
En 1995 paraissait un ouvrage rédigé par un collectif d’auteurs et ciblé sur
l’histoire des établissements métallurgiques de Banca aux XVIIIe et XIXe siècle16. Ce travail se fondait sur l’exploitation systématique et la plus large possible des documents originaux, issus de divers fonds publics et privés, français
et suisses.
L’ingénieur civil des mines Georges Vié fait figure de précurseur incontournable. À travers l’étude des possibilités de remise en exploitation des gisements, il s’intéressa entre 1936 et 1967 à l’histoire des mines du Pays Basque et publia de nombreux articles dans des revues techniques ou historiques,
tant sur la partie française qu’espagnole. Un fonds «Vié» volumineux, dont
nous avons dressé un premier inventaire, est conservé aux archives mortes de
la Chambre de Commerce et d’Industrie de Bayonne.
Enfin, Claude Gapillou, auteur d’une thèse de géologie-métallogénie englobant la vallée de Baïgorry et soutenue à Paris en 1980, nous a communiqué un exemplaire de son travail17.
La documentation espagnole dont nous avons la connaissance semble au
premier abord moins abondante. Cependant, les travaux de recherche auxquels nous avons eu accès, ou leurs publications, nous ont permis de recueillir des informations utiles à la prospection (Iglesia Albizu et Pérez Santos,
1977), (Rabanal Yus, 1987), (Sánchez Delgado, 2001)18. Nous devons cependant souligner le remarquable travail en archives mené par Jonas Errazkin.
Celui-ci nous a en effet fourni nombre d’actes notariés issus de l’Archivo Provincial de Navarra, grâce auxquels nous avons pu reconstituer une partie de
l’histoire de la fonderie de cuivre d’Olazar, édifiée au XVIIIe siècle en vallée
d’Aezkoa et jusqu’alors totalement inconnue. Plus déterminante encore fut la
découverte, à l’Archivo General de Guipuzcoa, d’une liasse qui n’avait jamais
été exploitée, indispensable à la connaissance de l’histoire de la fonderie de
cuivre de Changoa, au milieu du XIXe siècle. Ces informations nous ont été
très utiles dans la rédaction d’un article d’une cinquantaine de pages sur l’exploitation des ressources métalliques de la région aux XVIIIe et XIXe siècles19.
16 MACHOT, Pierre et al., Mines et établissements métallurgiques de Banca, J & D / Editions Izpegi, Biarritz, 1995.
17 GAPILLOU, Claude, Vers une approche métallogénique d’une région presque oubliée. Les minéralisations à: Cu. Ag. Pb. Zn et les sidérites du paléozoïque et du Trias du Pays Basque français entre Aïnhoa
et Banca, thèse de doctorat, Paris 6, 1981.
18 SÁNCHEZ DELGADO, Ana Carmen, «La Real Fábrica de Orbaiceta (Navarra). Arqueologia Industrial y Campos de Trabajo, 1986-1991», Trabajos de Arqueología Navarra, 16, Pamplona, 2002-2003.
19 Gilles PARENT et Jonas ERRAZKIN, «Les ressources des établissements métallurgiques d’Aezkoa
aux XVIIIe et XIXe siècles», in Revue d’histoire industrielle des Pyrénées occidentales, n° 1, 2006.
274
[6]
ANCIENNES ACTIVITÉS MINIÈRES ET MÉTALLURGIQUES EN ZONE FRONTALIÈRE...
En ce qui concerne les travaux universitaires, nous avons déjà cité le Memoria de licenciatura concernant l’histoire des forges d’Eugui et d’Orbaiceta
(Iglesia Albizu et Pérez Santos, 1977). Deux thèses de géologie et métallogénie avaient été soutenues, en 1963 et 1966, respectivement sur la zone du Valcarlos et nord-ouest Aezkoa, et sur la région d’Arive, dans la terminaison sud
de cette dernière vallée (Maillard, 1963; Chesterikoff, 1966)20.
Deux périodiques du XIXe siècle nous ont apporté des éléments particulièrement intéressants: la Revista minera y metalúrgica et la Revista Científica
des Ministerio de Fomento.
Au sujet de l’influence de la présence des mines de fer du Pays Quint et
du Valcarlos lors de la délimitation de la frontière de 1785, Jean Sermet et le
comte de Saint-Saud apportent les premiers éléments que consolident les résultats de la prospection21.
LES DIFFICULTÉS DE LA DATATION
La documentation relativement exceptionnelle, fruit des investigations
du XVIIIe siècle, ignore pourtant un certain nombre de sites reconnus lors de
nos recherches. S’il est possible d’attribuer à l’époque moderne des galeries
portant les traces caractéristiques des tirs à la poudre noire, l’absence de tels
indices conduit à une grande prudence d’interprétation de l’époque de creusement, voire à abandonner toute tentative de datation visuelle.
Contrairement à ce qui a été parfois admis, la forme des galeries ne constituerait pas un élément de datation suffisant, même si une certaine typologie liée par exemple à l’Antiquité a pu être mise en évidence. Pour cette dernière époque, le cas particulier des encoches de lampes à huile, ménagées
dans les parois, mérite cependant réflexion. Cette caractéristique, au moins
dans notre région, semble avoir été jusqu’à présent observée dans des travaux
datés de l’Antiquité par du mobilier ou des analyses C14. Malheureusement,
ces encoches ne sont pas toujours présentes dans les travaux antiques: elles
peuvent disparaître lors de l’effritement de parois schisteuses, et ont été rarement observées dans les chantiers d’abattage.
Des techniques de creusement dont résultent un modelé particulier et des
traces d’usages identifiables, comme l’utilisation du feu pour éclater la roche,
ou de la pointerolle pour façonner une galerie, n’apportent quant à elles aucune réponse: ces procédés sont très anciens et n’ont été définitivement abandonnés que très tardivement, postérieurement à l’adoption de l’explosif comme moyen principal d’excavation.
En conséquence, notre inventaire montre une quantité importante de sites comportant des travaux ou parties d’ouvrages souterrains dont l’époque
de réalisation demeure inconnue, soit une trentaine sur un ensemble de 51
20 CHESTERIKOFF, André, Étude géologique et métallogénique de la région de Burguete-Arive-Arrieta, thèse doctorat 3ème cycle, Faculté des Sciences de Paris, décembre 1963; et MAILLARD, Philippe,
Étude géologique et métallogénique de la région de Valcarlos (Navarre), thèse doctorat 3ème cycle, Faculté des Sciences de Paris, janvier 1966.
21 SERMET, Jean, «La frontière des Pyrénées», Les amis du livre pyrénéen, Pau, 1983, et Comte Aymard d’Arlot de Saint-Saud (1853-1951), dans «Questions de Frontière franco-espagnole», Bulletin de
géographie historique et descriptive, 1912, puis dans «Frontière des deux Navarres», Féret & fils, Bordeaux, 1941.
[7]
275
GILLES PARENT
sites. Sur cette trentaine de sites, quinze sont intégralement non datables et
ignorés des sources écrites.
LA RÉGION DU NORD BAZTAN
La région présentée est limitée à l’est par la route N 1218 passant au col
d’Otsondo et descendant sur Urdax et Dantcharinea; au sud par la ligne de
partage des eaux entre le bassin de la Nive et celui de la Bidasoa, ligne empruntée par la route NA 2655 accédant au «camp américain», au départ du
col d’Otsondo; à l’Est par la vallée de l’Urrizate.
Les travaux rencontrés sont particulièrement nombreux et témoignent
d’activités qui se sont déroulées à différentes époques, sur des minéralisations
diverses.
La question de l’or
De rares écrits
Au nord du col d’Itzulegi s’ouvre la fameuse petite vallée d’Aritzakun,
dont la tradition orale prétend qu’on y extrayait le métal précieux. Parmi le
nombre très faible de textes anciens répertoriés ou évoqués par quelques auteurs, nous retiendrons particulièrement celui inventorié au XIXe siècle par José Yanguas y Miranda22, au sujet d’une fontaine aurifère fermée en 1518 à
cause des conflits qu’elle occasionnait. Au milieu du XXe siècle, l’ingénieur des
mines Georges Vié23 évoquait un autre texte conservé aux archives de Simancas, malheureusement ni référencé ni daté par l’ingénieur, au sujet d’un
puits peu profond dont l’eau qui en sortait charriait de l’or. La description et
la localisation de cette fontaine désignent la source appelée encore aujourd’hui Urreputzu, c’est à dire «puits de l’or», débitant à une dizaine de mètres
de la rive droite du ruisseau d’Aritzakun.
En 1933, Foltzer, dans son ouvrage sur les hôtels des monnaies de Bayonne24, mentionnait un texte de 1556 relatant que des habitants du pays
basque allaient porter à la monnaie de Pampelune l’or qu’ils trouvaient dans
les ruisseaux.
Si nous sommes certains de la relation liant les deux premiers textes au
site d’Aritzakun, nous le sommes moins pour le dernier qui pourrait se référer au site du camp de César à Itxassou.
Enfin, le rapprochement qu’ont fait la plupart des auteurs, à la suite de
Georges Vié, entre un certain texte de Pline25 et le nord Baztan, doit être considéré avec davantage de prudence. Il semblerait que ce soit Joseph de Moret, au XVIIe siècle, qui ait le premier émis cette hypothèse bien hasardeuse.
L’interprétation du texte laisse en effet une grande place au doute sur la lo22 YANGUAS Y MIRANDA, José, Diccionario de antigüedades del reino de Navarra, Pamplona, 1840,
tome II, p. 326.
23 VIÉ, Georges, «L’or dans les Pyrénées Basques», in Écho des mines et de la métallurgie, 20 décembre 1936; «Notes sur quelques gisements métallifères des Pyrénées Basques», in Bulletin de la Société des Sciences Lettres et Arts de Bayonne, janvier-mars et avril-juin1942; «Les anciennes exploitations
d’or et d’argent en Navarre», in Le Génie Civil, t. 147 n°10, octobre 1970.
24 FOLTZER, «Les hôtels des monnaies de Bayonne», 1933.
25 Selon l’auteur «PLINE: lib. XXXIII, cap. 6 et traduction de cette citation par Littré (p.415)».
276
[8]
ANCIENNES ACTIVITÉS MINIÈRES ET MÉTALLURGIQUES EN ZONE FRONTALIÈRE...
calisation du site. Quant au métal évoqué dans le texte, il s’agirait plutôt d’argent...
Les indices du terrain
C’est encore Georges Vié qui, après avoir mentionné les dernières séances d’orpaillage d’avant la seconde Guerre Mondiale, nous fait part des premières observations scientifiques faites par H. Dallemagne. Elles nous confirment la présence d’or, jusqu’à 15 grammes à la tonne, dans un banc de
quartzites du Dévonien.
La cartographie que nous avons établie en 2004 met en évidence, parmi
une nébuleuse de travaux de faible ou moyenne importance, la plupart à ciel
ouvert, deux grands systèmes de fosses organisés chacun autour d’une fosse
principale et ouverts dans les terrains du Dévonien. Il s’agit des sites que nous
avons appelés Ontxilota, à l’Ouest et Otsamaieta à l’Est. Ces deux grandes
fosses ou secteurs de fouilles, larges par endroit de plusieurs dizaines de mètres et jusqu’à 800 mètres de longueur, comportent des buttes résiduelles et
débouchent en aval sur de grands secteurs de pierriers (les pierriers en cordons
d’Otsamaieta, hauts d’une dizaine de mètres pour 240 mètres de longueur,
sont particulièrement remarquables).
Mais c’est surtout la présence de deux bassins de retenue qui prouve que
nous avons affaire à des aurières. Ces bassins sont identiques à ceux que nous
avons pu observer lors du levé topographique de l’exploitation aurifère du
camp de César à Itxassou, quoique de taille un peu plus modeste. Le plus caractéristique est celui situé à l’Ouest des travaux d’Ontxilota: creusé sur 35
mètres de long et 7 à 8 mètres de large, pour environ un mètre de profondeur, il était alimenté par un canal qu’on peut encore discerner. Le bassin
d’Otsamaieta, qui se déversait dans une des branches de l’impressionnante
fosse principale, était alimenté par un canal dont la trace est là encore visible, non sans difficulté toutefois.
Un autre type d’aménagement est présent, à trois reprises, dans le système de fosses d’Ontxilota: il s’agit de murets de pierres sèches, venant à fleur
du terrain, perpendiculaires à l’axe de la fosse au fond de laquelle ils se trouvent, et déterminant des sortes de petites terrasses par des retours perpendiculaires. Un de ces aménagements comporte une sorte de gradin. Ignorant la
finalité de ces structures, nous ne pouvons les considérer avec certitude comme un indice d’exploitation de l’or, bien qu’elles ne semblent pas non plus
correspondre à un usage pastoral.
Le cuivre et le fer
La recherche du cuivre, sinon son exploitation, est certaine au cours de la
première moitié du XVIIIe siècle: une cédule royale du 6 juillet 1735 autorisait
Laurent Beugnière de la Tour, homme d’affaires suisse arrivé dans la vallée de
Baïgorry cinq ans auparavant pour y rechercher ce métal, à exploiter divers
filons reconnus dans la vallée du Baztan et d’autres vallées navarraises.
Selon la cédule, le premier site mentionné, «Aizategui» où Beugnière de
la Tour exploitait deux mines, appartenait précisément au territoire de la
commune de Maya, premier village au sud de notre secteur. C’est en vain que
l’on cherchera ce toponyme sur la carte au 1:25000 ou sur les planches ca[9]
277
GILLES PARENT
dastrales, à moins que Aizategui ne corresponde au toponyme actuel Antsestegi ou Anchastegui.
Des travaux souterrains ouverts à la poudre noire, reprenant en sous-œuvre des ouvrages beaucoup plus anciens, existent effectivement à 400 mètres
environ à l’Ouest-Sud-Ouest d’une éminence nommée Antsestegi sur la carte au 1:25000 Maya-Amaiur. Ces travaux recèlent en revanche très peu de traces de carbonate cuivreux, et sont plus évocateurs d’une exploitation pour fer,
bien que les oxydes de fer masquent fréquemment ceux d’autres minéralisations parfois présentes à des teneurs qui ont pu justifier leur exploitation. Un
rapport de Georges Vié semble anéantir l’hypothèse d’une exploitation pour
cuivre, puisqu’il prétend, sans citer malheureusement ses sources, que le filon d’«Anchastegui» avait été exploité au XIXe siècle pour les forges à la catalane d’Urdax. Pourtant, selon ce même auteur, le filon composé de sidérite et
de chalcopyrite, serait identique en tous points à celui de Perlaemborda à Aïnhoa où justement les mineurs allemands basés à Baïgorry avaient réalisé des
travaux pour cuivre entre 1730 et 1740.
D’autres observations tendent à confirmer le déroulement de recherches
de non ferreux au XVIIIe siècle dans un rayon d’un kilomètre environ autour
de ce toponyme: une galerie de recherche, au débouché de laquelle gît un
bloc de sidérite pur qu’on a dédaigné, est équipée d’une voie de roulage en
bois pour chien de mine. Or nous avons eu l’occasion d’étudier le même type d’aménagement dans plusieurs galeries des mines de cuivre de Banca, en
vallée de Baïgorry, creusées au XVIIIe siècle par les ouvriers spécialisés germaniques employés par Beugnière de la Tour et ses successeurs.
Si la quête de l’origine exacte de ces travaux de facture moderne comporte un intérêt incontestable, la datation des ouvrages plus anciens serait
plus captivante: par exemple, la partie supérieure des travaux modernes les
plus proches d’Antsestegi, où des encoches de lampes à huile ont été reconnues, signes d’une origine antique probable. Une autre mine, ornée de coulées de malachite, un carbonate de cuivre, constituée d’un large abrupt rocheux percé de plusieurs attaques de galeries creusées sans explosif, pourrait
aussi faire l’objet d’une datation.
LA VALLÉE DE BAÏGORRY
Occupant la partie centrale de la zone de prospection, la vallée de Baïgorry concentre une vingtaine de sites, soit près de la moitié de l’ensemble
recensé au cours de nos investigations. Son passé minier et métallurgique est
riche: deux forges à haut fourneaux et deux fonderies de cuivre ont enrichi
son histoire moderne. Beaucoup de filons, dont tiraient profit ces établissements métallurgiques, avaient déjà été «attaqués» antérieurement, ou fait
l’objet de recherches approfondies dès l’Antiquité. Si aucune source écrite
n’atteste une activité médiévale en vallée de Baïgorry, les indices du col de
Mehatze, dominant le Valcarlos, pourraient être attribués à cette époque.
Parce qu’il aurait été fastidieux pour le lecteur de lui présenter l’intégralité des indices miniers et métallurgiques recensés, nous nous sommes limité
à quelques sites remarquables par l’intensité de l’activité qui s’y est déroulée,
même si certains sites d’étendue plus modeste pourraient dans les années à
venir apporter de nouvelles informations.
278
[10]
ANCIENNES ACTIVITÉS MINIÈRES ET MÉTALLURGIQUES EN ZONE FRONTALIÈRE...
Site minier et métallurgique de Larla et d’Ustelegi
Le site minier et métallurgique d’Ustelegi représente la partie Sud, située
dans la commune de Saint-Étienne de Baïgorry, des affleurements d’un important filon de sidérite qui se prolonge sur la commune de Saint-Martin
d’Arrossa, sur la montagne Larla. Connu depuis longtemps pour avoir fourni un minerai d’excellente qualité à la forge d’Etxauz, vraisemblablement depuis sa création au milieu du XVIIe siècle jusqu’à la décennie précédant la Révolution, il fallut attendre les recherches de Pierre Machot pour redécouvrir
son rôle essentiel dans l’approvisionnement du haut fourneau de Banca durant la première moitié du XIXe siècle.
L’exploitation d’Ustelegi reprit à la fin du siècle sous forme de travaux
essentiellement de recherche, puis redémarra au début du XXe siècle pour
atteindre finalement son apogée avant la première Guerre Mondiale. Si la
dernière période d’activité, concentrée au sud, a laissé une empreinte encore
vivace, tant dans le paysage que dans la mémoire collective, la recherche
archéologique menée depuis 1999 par Argitxu Beyrie lève le voile sur une
période totalement inconnue jusqu’alors26. En effet, sur la cinquantaine de
ferriers, recensés au cours de ces campagnes sur le massif de Larla, des sondages et fouilles d’une dizaine d’entre eux ont permis de dater leur production de la fin de l’âge du fer jusqu’aux premiers siècles de notre ère. La répartition des ferriers, de part et d’autre de la minéralisation attaquée depuis
son affleurement, voire à grande proximité de celui-ci ou de filons satellites,
montre sans équivoque la relation unissant ces activités minières et métallurgiques. Des recherches archéologiques sont en cours afin de dater les ouvrages
miniers les plus anciens encore conservés27. D’ores et déjà, ces investigation ont
révélé une période d’activité durant le XVIe siècle.
Site minier et métallurgique de Banca
L’histoire du site de Banca est complexe. En 1745, un homme d’affaires
suisse, Laurent Beugnière de la Tour, relançait l’exploitation de vieilles mines
attribuées aux romains. L’entreprise fut particulièrement florissante pendant
une dizaine d’années, et les mines de cuivre dites de «Baïgorry» acquirent une
certaine réputation au niveau national. Ses héritiers, puis la compagnie d’actionnaires parisiens qui reprit le flambeau en 1776, n’eurent pas la même
chance: l’établissement périclita avant d’être incendié en 1793. La compagnie
tenta de faire renaître l’activité à travers la mise en service d’une forge à la catalane qui roula 3 ans, au tout début du XIXe siècle.
En 1825, un capitaliste parisien faisait élever une grande usine sidérurgique équipée d’un haut-fourneau. Cet établissement, qui tirait son minerai
des mines d’Ustelegi, eut une histoire mouvementée, et dut changer de main
à plusieurs reprises avant de s’éteindre définitivement au milieu du XIXe siècle. C’est peu de temps après que les mines de cuivre de Banca furent à nou26 BEYRIE, A.; GALOP, D.; MONNA, F.; MOUGIN, V., «La métallurgie du fer au Pays Basque durant
l’Antiquité. État des connaissances dans la vallée de Baigorri (Pyrénées-Atlantiques)», Aquitania, 19,
2003, pp. 49-66.
27 BEYRIE, A.; KAMMENTHALER, E., «Le centre sidérurgique antique de Larla», in Bilan scientifique 2003, Ministère de la Culture, Direction du Patrimoine, sous-Direction de l’Archéologie, 2004, pp.
162-164.
[11]
279
GILLES PARENT
veau mises en exploitation, jusqu’en 1894. On ne fondait plus le minerai sur
place, comme au XVIIIe siècle, mais on se contentait de le trier et l’enrichir
mécaniquement avant de l’envoyer au Pays de Galles, à Swansea28.
Des recherches archéologiques menées depuis 1997 ont confirmé le creusement d’une partie du réseau de galeries au cours des premiers siècles de notre ère. En outre, elles ont mis en évidence la remarquable organisation générale de ces travaux anciens, et montré ainsi que les commanditaires disposaient des moyens financiers pour faire réaliser des ouvrages à rentabilité différée, et d’hommes compétents pour les imaginer29.
Le site de Hayra ou Teilary
Il s’agit de l’un des sites miniers majeurs de la vallée, avec Banca et Larla/Ustelegi, tous les trois connus désormais pour leur activité durant l’Antiquité.
Le site de Hayra ou Teilary se trouve à proximité de la ligne de crête de
l’interfluve Nive des Aldudes/Ruisseau d’Hayra, en versant ouest, au nordouest du col de Teilary, entre les altitudes 760 et 890 m environ. Il a fait l’objet d’un certain nombre de mentions dès 1740, époque d’une première tentative de reprise infructueuse pour galène argentifère par l’exploitant de la
fonderie de cuivre de Banca, Beugnière de la Tour. D’anciens travaux importants y sont déjà signalés. En 1963, le Géologue Böhm explore et décrit
une partie du site. A la fin des années 1970, une dernière prospection minière est dirigée par la S.N.E.A.(P.). De nombreuses pistes (désormais inutiles)
sont tracées et du matériel céramique aurait été découvert lors de cette campagne. A la même époque, une thèse de géologie-métallogénie portant sur les
minéralisations polymétalliques situées à d’Aïnhoa en labourd, jusqu’à Urepel, est soutenue par Claude Gapillou30.
Les minéralisations répertoriées au terme de ces études vont du plomb,
zinc, argent, blende, cuivre, jusqu’à la magnésite, ou giobertite.
En 1991, une équipe menée par Eric Dupré, répertorie le site dans le cadre d’une prospection inventaire diachronique. Cette équipe découvre du
matériel céramique analysé par Jean-Luc Tobie et attribué au premier siècle,
ainsi que du matériel lithique31.
En 2002, nous dressons un plan général du site. Les travaux se répartissent le long d’un contact chevauchant entre les schistes ordoviciens et des formations calcaréo-dolomitiques du Dévonien. Outre la galène argentifère attestée par les sources écrites, on trouve des traces de cuivre dans les déblais
28 MACHOT et al., Mines et établissements métallurgiques de Banca, J & D Editions/Editions Izpegi, Biarritz, 1995; et MACHOT, Pierre, et PARENT, Gilles, «Mines et métallurgie en vallée de Baïgorry»,
in La vallée de Baïgorry, Éditions Izpegi, réédition de 2002.
29 ANCEL, Bruno; DARDIGNAC, Cécile; PARENT, Gilles; BEYRIE, Argitxu, «La mine de cuivre antique des Trois Rois à Banca, vallée de Baïgorry (Pyrénées-Atlantiques)», Entretiens d’archéologie et d’histoire. Les ressources naturelles des Pyrénées: leur exploitation durant l’Antiquité, St Bertrand de Comminges, 2001, pp.179-194.
30 GAPILLOU, Claude, Vers une approche métallogénique d’une région presque oubliée. Les minéralisations à: Cu. Ag. Pb. Zn et les sidérites du paléozoïque et du Trias du Pays Basque français entre Aïnhoa
et Banca, thèse de doctorat, Paris 6, 1981.
31 DUPRÉ, E.; PARANT, D.; SAINT-ARROMAN, C.; TOBIE, J. L., «Note sur un site minier et métallurgique Antique de la commune d’Urepel», Archéologie des Pyrénées Occidentales et des Landes, tome
12, 1992/1993.
280
[12]
ANCIENNES ACTIVITÉS MINIÈRES ET MÉTALLURGIQUES EN ZONE FRONTALIÈRE...
(malachite) ainsi que quelques scories qui restent à étudier. La plupart des
travaux visibles sont constitués de fosses, parfois de grande dimension. Les
seuls ouvrages souterrains pénétrables, toujours sur de faibles distances, sont
ceux creusés ou repris au XVIIIe siècle.
Mines du col de Mehatze
Le site minier de Mehatze se trouve à 1200 m d’altitude, au col du même
nom échancrant la ligne de crête frontalière séparant la vallée de Baïgorry et
Valcarlos. La frontière prend en écharpe la zone de travaux, où haldes, effondrements et entrées obstruées sont observables sur 250 m de longueur. La
minéralisation est polymétallique, aspect incontournable de cette région pyrénéenne. Nous ne connaissons aucune source d’archive liée à l’activité de ce
site. Le mystère qui l’entoure n’a pas été davantage dissipé par les prospecteurs modernes, dont les témoignages sont connus à partir du milieu du
XVIIIe siècle, et qui semblent totalement ignorer son existence. L’impossibilité de pénétrer au cœur des travaux souterrains dont le volume est suggéré par
celui des haldes, empêche de confirmer les premières observations faites dans
les rares entrées visitables, où aucune trace de tir à l’explosif n’a été relevée.
Toutefois, l’exploitation polyphasée est certaine: l’attaque directe, en descendant dans le filon sub-vertical, a constitué une première époque. Des galeries
en travers banc, trahies par le volume considérable des cônes de déblais perturbant la pente du pâturage, ont atteint au cours d’une seconde époque, la
base de travaux plus anciens, remblayés et effondrés. Ces galeries ont permis
aux mineurs d’évacuer par la base ces décombres, créant ainsi en surface de
véritables entonnoirs de soutirage.
Une seule scorie a été retrouvée dans les haldes. Cet unique indice montre à nouveau qu’une reprise de l’extraction minière a occulté des vestiges
d’une exploitation antérieure.
L’hypothèse à retenir serait celle d’une activité durant l’Antiquité, reprise
après l’édification des forges en Valcarlos à la fin du Moyen-Âge.
Alignement des travaux d’Ithurustegi, Buztanzelhay, Sahastegi
Il s’agit d’un alignement de travaux, orienté Nord-Sud, recoupant les sinuosités de la crête frontalière séparant les vallées de Baïgorry et du Baztan,
et qui s’élève vers le nord à partir du col d’Ispegi. Cet alignement a été reconnu sur une distance de 2.500 m.
En contrebas de la route internationale montant au col d’Ispegi, s’ouvre
une mine pour cuivre et argent référencée au XVIIIe siècle. Il s’agit d’un dépilage d’une dizaine de mètres de hauteur pour une trentaine de mètres de longueur. La particularité de ces travaux provient de la présence, dans leur partie supérieure, d’un vestige de galerie façonnée à la pointerolle et manifestement recoupée par les abattages à l’explosif du XVIIIe siècle. Dans la pente s’élevant vers le col d’Aintziaga, s’ouvrent des travaux modernes et d’autres impossibles à dater dans le cadre d’une simple prospection. Des développements souterrains sont soupçonnés. L’alignement, alternant toujours travaux
modernes et fosses, passe en territoire Navarrais au col d’Aintziaga, la frontière y suit en effet la ligne de crête sinueuse, puis se trouve à nouveau en Basse-Navarre à partir du col de Buztanzelhay.
[13]
281
GILLES PARENT
Plus loin vers le Nord, au col de Sahastegi, l’alignement de travaux réapparaît sur 500 m. Il s’agit essentiellement de vestiges formant des dépressions
allongées dans le sens du filon, sans certitude de prolongements souterrains,
et de rares ouvrages en roche. Aucune trace de métallurgie n’a été observée.
LE PAYS QUINT
Le pays Quint occupe l’extrême amont du bassin versant de la Nive des
Aldudes. Il constitue la «relique» d’un territoire longtemps partagé pour le
pâturage entre les vallées de Baïgorry, Baztan et Erro. Au début du XVIIIe siècle, il s’étendait encore plus ou moins officiellement sur la haute vallée de
Baïgorry, jusqu’au niveau de l’emplacement du village actuel de Banca, bien
que les cadets de Baïgorry eussent déjà avancé leur colonisation bien plus en
amont.
Comme le Baztan, le Pays Quint se singularise au sein de la zone prospectée. Un peu à l’écart au sud de l’axe Nord-Ouest/Sud-Est où les quartzites de l’Ordovicien recèlent toujours le même type de filons, le Pays Quint
abrite une autre forme de minéralisation: l’ingénieur des mines Isidore Goar
et le géologue Pierre Lamare32 la décrivaient comme une série de couches
puissantes de fer oolithique intercalées dans les niveaux dévoniens33 et affleurant en deux bandes parallèles à la frontière, dans la partie rectiligne de
son tracé qui joint l’Ichterbegui à la Peña de Alba au Nord-Ouest.
La diversité des indices miniers et métallurgiques rencontrés dans ce gisement résulte d’une activité répartie sur une très longue période, comme
souvent dans la zone prospectée: les trois ateliers de réduction qui y sont recensés représentent certainement les éléments les plus anciens susceptibles
d’une datation par le C14. Les fosses, nombreuses dans le secteur de Beodrin,
dans la partie nord-ouest de l’affleurement, constituent malheureusement les
vestiges d’un mode de travail qui a pu perdurer jusqu’à l’époque moderne et
demeurent des indicateurs peu fiables. Autre originalité du Pays Quint, parmi les travaux ouverts à la poudre noire, ce qui d’habitude dans la région est
révélateur de travaux exécutés entre le début du XVIIIe siècle et le deuxième
tiers du siècle suivant, on trouve des ouvrages dont la typologie des traces de
tirs évoque un mode de travail contemporain du XVIIe siècle.
Les sources écrites ne permettent pas de reconstituer correctement l’histoire moderne de l’exploitation des gisements du Pays Quint. Au XVIIIe siècle, la forge d’Eugui tirait du minerai de cette contrée, ce qui n’était sûrement
pas nouveau puisqu’on fabriquait de l’armement dans cet établissement de-
32 GOAR, I.; LAMARE, P., «Existence de minerai de fer oolithique dans le Dévonien des Pyrénées
Navarraises», tiré à part offert par Pierre Lamare à Georges Vié, issu d’une revue non identifiée, 1935
c., Fonds Vié CCI Bayonne. En 1882, l’ingénieur des mines espagnol Ignacio de Goenaga écrivait:
«...en el Quinto Real, casi en el mismo límite de Francia, se encuentran capas de hematitas parda de
suma importancia por su potencia de mas de 15 metros...». Ignacio de GOENAGA, Estado actual y porvenir de la industria minero-metalúrgica de Vizcaya, Guipúzcoa, Navarra y Santander según la visita de
inspección girada a las mismas, desde Junio a Agosto de 1882, Ed. Carlos Larriñaga, Bilbao, 1996, p. 95.
33 Selon la carte Géologique du BRGM «Saint-Jean-Pied-de-Port», la roche encaissante serait
constituée de schistes gréseux et de grés à niveaux ferrugineux. Les terrains sont décrits comme des
schistes gréseux noirs sur la carte géologique espagnole au 1:50000 «Valcarlos».
282
[14]
ANCIENNES ACTIVITÉS MINIÈRES ET MÉTALLURGIQUES EN ZONE FRONTALIÈRE...
puis le XVIe siècle34. En 1773, une inspection des travaux miniers35 réalisés
pour la forge, mentionnait quatre sites dont les trois premiers se situent en
Pays Quint: «Legarchulo», «Ystarbegui», «Beodrin»36, «Gazola», mines qui
appartenaient à la Couronne d’Espagne, la forge d’Eugui étant alors propriété de l’État depuis 1766.
Les mines de Beodrin et Legarchulo sont encore évoquées en 178437 lors
de l’évaluation des ressources nécessaires à la mise en marche de la forge
d’Orbaiceta devant suppléer celle d’Eugui. L’année suivante, la commission
internationale Caro-Ornano, chargée de tracer la limite entre les deux États,
laissait à l’Espagne l’ensemble des secteurs minéralisés du Quint et du Valcarlos, en vertu d’accords non explicites et qui firent l’objet de contestations38.
Les travaux de Beodrin nord et Beodrin sud
On trouve, dans le secteur Beodrin nord, des travaux étendus et parfois
diffus le long du premier affleurement oolithique décrit par Isidore Goar et
Pierre Lamare. Les fosses sont peu marquées et peu profondes, sauf dans l’affleurement Nord-Ouest où se trouve une excavation franche à bords vifs en
forme de doline. Les cavaliers, ou déblais, sont les éléments les plus visibles.
En aval, au Sud-Est, une galerie a été foncée à l’époque moderne, visiblement
pour sonder la minéralisation en profondeur, mais sans résultat.
Les indices répertoriés dans la zone de Beodrin sud résument vraisemblablement la très longue période au cours de laquelle différentes activités
minières et métallurgiques se sont succédées dans le Pays Quint: on trouve
en effet, pour les indices d’une activité antique possible, fait établi plus au
nord dans la vallée, les traces de deux, voire trois crassiers, ateliers de réduction directe du fer. Vestiges plus récents, trois fours de grillage du XVIIIe ou
34 «1690. Memorial de Baïgorry, Cilvetti, Iragui y Erro a la Diputación, noticiando que con motivo de la explotacion de las menas de Alduides con destino a la herreria y fabrica que construya José
de Aldaz en Eugi, se habia hecho un camino para los ferrones de dichas menas, casi hasta las casas del
pueblo francés de Alduides, lo que podria facilitar la invasion en caso de guerra. La Deputación remitio el memorial al Obispo (en cargos de Virrey), quien a su vez envio aun ingeniero militar, informando este que no existia peligro alguno. (Limites, carp. 47)». IDOATE, Florencio, Rincones de la historia de Navarra, p. 418.
35 IGLESIA ALBIZU, Ana María de la, et PÉREZ SANTOS, Carmen, «Reales Fábricas de municiones
de Eugui y Orbaiceta (1766-1794)», memoria de licenciatura, Université de Deusto, 1977, capítulo V,
«Consumo de materiales y producción», «Eugui, Mineral».
36 Les toponymes «Beodrin» et «Legarchulo» ont disparu de la cartographie actuelle. Une carte
«del término del lugar de Eugui», dressée en 1723 par Agustin José Braus, conservée à l’Archivo General de Simancas, permet de situer les mines de Legarchulo. L’endroit, particulièrement sauvage est aujourd’hui nommé Minatzeta. En revanche, la localisation des travaux d’Ysterbegi et de Beodrin pose
problème. Sur la carte de 1723, le sommet désigné par le nom de Beodrin est sans équivoque la montagne portant aujourd’hui celui d’Isterbegi ou Ichterbegui. Conséquence d’une interversion probable
des noms, le toponyme Ysterbegui est associé, sur la vieille carte, aux pentes s’élevant au-dessus de la
route internationale actuelle, et correspondrait aux deux séries de travaux situées au dessus de la route
internationale et où la planche cadastrale situe le toponyme Beodrin.
37 «Relación del Capitan de Artillería Santos de Antia sobre el estado de las construcciones, montes y minerales, del lugar de Orbaiceta, y apreciación de las obras necesarias para poner en funcionamiento un horno de fundición» (1784), AGM, GM, documents présentés in extenso par A. RABANAL
YUS, op. cit., pp. 154-155.
38 Gilles PARENT et Jonas ERRAZKIN, «Les ressources des établissements métallurgiques d’Aezkoa
aux XVIIIe et XIXe siècles», in Revue d’histoire industrielle des Pyrénées occidentales, n° 1, 2006.
[15]
283
GILLES PARENT
siècle (?), veillent sur les fosses et travaux souterrains à demi effondrés
qui les entourent.
XIXe
Travaux miniers de Legarchulo-Minatzeta
La description que nous présentons demeure très incomplète. Le site mériterait en effet un lever topographique à grande échelle et une étude plus
poussée, tant les excavations sont nombreuses et les indices d’activités hérités
d’époques différentes. Un affleurement de fer oolithique, visiblement réparti sur deux niveaux espacés d’environ 8 mètres, a été exploité en de multiples
points, sur un développement total de près de 600 mètres. Le tracé en «Z»,
même en «W» de l’affleurement, résulte de l’intersection des couches minéralisées plongeant vers le Nord, avec la surface topographique entaillée par la
Regata Cuarenta et un affluent rive droite. La zone travaillée remonte ainsi
de manière singulière sur la crête acérée formant l’interfluve de ces deux
cours d’eau.
Grosso modo, il est possible de distinguer trois types de travaux: un premier type est représenté par des travaux où aucun tir d’explosif n’est décelable et portant seulement les traces d’un façonnage à la pointerolle. Ces travaux ne sont pas datables par la simple observation.
Un second type montrant des tirs à l’explosif non brisant (poudre noire),
peu nombreux, mais parfois très longs, toujours de fort diamètre, se distinguant ainsi des ouvrages modernes du XVIIIe siècle visités dans la région39.
Une galerie résultant d’une tentative de reprise en sous-œuvre, équipée
d’une voie ferrée donc vraisemblablement contemporaine de la deuxième
moitié du XIXe siècle, représente enfin le troisième type de travaux.
Parmi les aménagements observés à l’extérieur, deux fours de grillage rappellent ceux identifiés à Ustelegui (Saint-Étienne de Baïgorry), et destinés à
griller au XVIIIe siècle le minerai pour la forge d’Etxauz.
Sur la pente nord-ouest de l’interfluve, près de la crête, de rares scories
émergent des haldes modernes, révélant ainsi une métallurgie liée à l’exploitation précoce du site.
VALCARLOS-ARNEGUY
L’origine de l’exploitation des filons d’hématite et sidérite du Valcarlos est
vraisemblablement très ancienne, comme dans l’ensemble du secteur étudié.
La présence de scories à Arburuandieta, résidus d’une métallurgie montagnarde et itinérante, témoigne d’une activité probablement antérieure au
Moyen-Âge, période où les forges s’établirent au fond de la vallée afin d’utiliser la force motrice de l’eau. Cette vallée montre en outre plusieurs singularités. Tout d’abord, elle recèle des vestiges mentionnés au XIVe siècle dans
des documents conservés aux archives de Navarre, fait unique en Ultra puer-
39 Le diamètre des trous est de 35 mm, leur longueur atteint parfois un mètre. Un essai de typologie a été tenté dans les Vosges. Dans les sites étudiés, il est ressorti que les tirs du XVIIe siècle étaient
de plus grande longueur et de plus fort diamètre que ceux du siècle suivant (travail à deux hommes).
PIERRE, Francis, «Datation des travaux miniers à la poudre. Essais de typologie», in Les techniques minières de l’Antiquité au XVIIIe siècle, Éditions du CTHS, Paris, 1992, pp. 519 à 527.
284
[16]
ANCIENNES ACTIVITÉS MINIÈRES ET MÉTALLURGIQUES EN ZONE FRONTALIÈRE...
tos. Du Valcarlos fut extrait ensuite l’essentiel des ressources en minerai de la
grande forge royale d’Orbaiceta. Enfin, sa partition au cours de l’abornement
de 1785 fut l’objet de litiges, conséquences des sinuosités de la nouvelle limite qui abandonnaient à l’Espagne la plupart des mines.
Les mines de Daublon, Gainekoleta et Urritchola
C’est sans doute à l’activité minière et métallurgique que le petit hameau
de Gainekoleta, «quartier» de Luzaide-Valcarlos, doit son existence et son implantation au fond d’une gorge. Les principales minéralisations se trouvent
en rive droite d’un affluent de la Nive d’Arnéguy, Gorritchoneko erreka ou
Orellaco Erreka. Avant de rejoindre la Nive, ce ruisseau longe sur sa rive gauche un escarpement rocheux isolé qui s’avance comme une proue de navire,
la Peña Erletea. Cette roche sépare en fait le torrent Gorritchoneko d’un méandre fossile de la Nive; ce méandre a amenuisé la largeur de l’escarpement
en un point précis qui se trouve sensiblement plus bas. Ce fait n’a pas échappé aux anciens métallurgistes: ils perforèrent la Peña Erletea en son point de
faiblesse afin de capter une partie des eaux de l’affluent et lui fournir ainsi du
potentiel de chute sur une roue hydraulique.
La maison qui se trouve aujourd’hui en contrebas du débouché du tunnel n’a plus rien d’une forge, les scories demeurent introuvables en surface et
la mémoire collective n’a conservé le souvenir de l’activité minière qu’à travers celle qui s’acheva en 1873 aux mines d’Arburuandieta, à une heure de
marche du village.
Le tunnel a été percé sans explosif, et les mines de Gainekoleta comportent toutes des secteurs travaillés sans recours à ce mode d’abattage, l’une d’elles n’en porte d’ailleurs aucun stigmate. Rien d’étonnant à cela compte tenu
des nombreuses mentions de forges et mines dans le Valcarlos dès le XIVe siè40
cle . Les reprises modernes s’expliquent enfin par l’existence au XVIIIe siècle
41
d’une forge en Valcarlos et d’une autre à Arnéguy, sans oublier que les filons de Gainekoleta avaient été recensés en 1784 par la Couronne d’Espagne
comme ressource potentielle pour le projet de la forge d’Orbaiceta42.
Un peu plus en aval et en rive gauche de la Nive, se trouvent d’autres travaux miniers nommés en 1797 «mine de Daublon» dans un rapport de l’in40 L’inventaire des registres de comptes des archives de Navarre ne mentionne pas moins de 24 références relatives aux forges dans le Valcarlos, sans qu’il soit possible encore de les localiser précisément.
Selon Jean Sermet, une forge aurait effectivement existé au XVe siècle à proximité du confluent de ce
torrent avec la Nive d’Arnéguy, au pied de la maison Reclusa située plus haut en rive gauche de la Nive. Jean SERMET, «La frontière des Pyrénées», Les amis du livre pyrénéen, Pau, 1983, p. 99. Plus loin, le
même auteur précise que cette forge aurait été installée au XIVe siècle, puis remplacée en 1441 par une
nouvelle «ferrería» correspondant à la Casa Olaverri actuelle, située en rive droite de la Nive, en amont
de Gainekoleta (op. cit., note 99, p. 129).
Conservée aux archives de Simancas, une carte assez schématique intitulée «Descripción de los
montes de Alduydes», datée de 1609, mentionne une «herreria» en rive droite de la Nive, en amont du
confluent avec «Gorricho Erreca», confirmant ainsi les propos de Jean Sermet. M.P. y D. IV-5, Estado, leg. 234.
41 Amaya LEGAZ, «Iraty et les Aldudes à travers les archives modernes», in Paléoenvironnement de
l’anthropisation de la montagne basque, projet collectif de recherche dirigé par Didier Galop, rapport
inédit 2002, pp. 59 et 70.
42 Gilles PARENT et Jonas ERRAZKIN, «L’exploitation des gisements métallifères d’Aezkoa et environs, aux XVIIIe et XIXe siècles», in Revue d’Histoire Industrielle des Pyrénées Occidentales, à paraître en
2005.
[17]
285
GILLES PARENT
génieur des mines français Muthuon43. La teneur de ce rapport est assez singulière: il y est en effet question d’interdire à un maître de forge de Valcarlos
d’exploiter une mine que la démarcation de 1785 avait pourtant placée en Espagne ! En vérité, ce secteur minier était considéré par le Pays de Cize comme lui appartenant depuis Henri IV44, d’où les vives protestations du parlement de Pau, prenant la défense des Bas-Navarrais, suite au traité de 1785.
Vers le milieu du XVIIIe siècle, le site était déjà plus ou moins abandonné, faute de bois pour faire rouler les forges d’Ondarolle ou d’Arnéguy, alors que les
ouvriers de celle de Valcarlos venaient «en fraude» y prendre du minerai45.
Ces mines sont constituées de fosses et de travaux souterrains la plupart impénétrables aujourd’hui.
Les mines d’Urritchola se trouvent à plus d’un kilomètre en amont du
quartier Gainekoleta, en rive droite du cours d’eau Gorritchoneko erreka. Il
s’agit de travaux en larges fosses, selon toute apparence superficiels. En se référant à un texte de 181146, l’auteur Jean Sermet écrivait que les minières d’Urritchola avaient alimenté le haut-fourneau de la forge d’Orbaiceta au début
du XIXe siècle. En effet, ce gisement correspond vraisemblablement à la «mina negra», minerai oxydé superficiel (hématite, gœthite), l’une des deux sortes de minéralisations reconnues en 1785 dans le Valcarlos lors des évaluations des ressources pour la forge Royale47.
La grande mine d’Arburuandieta
La mine d’Arburuandieta, connue aujourd’hui sous le nom d’Arbanta, située dans la gorge de la regata Arbanta, est accessible à partir du hameau de Gainekoleta au terme d’une heure de marche. Bien que quelques scories aient été
trouvées en contrebas de l’affleurement exploité, les premières mentions du filon d’Arburuandieta ne remontent pas au-delà de la fin du XVIIIe siècle. La couronne d’Espagne, lorsqu’elle acheta et reconstruisit la vieille forge d’Orbaiceta,
inventoria ces mines en tant que ressources. Une carte, dressée en 179048, destinée à étudier une amélioration de l’itinéraire entre les mines d’Arburuandieta et
la fábrica d’Orbaiceta, confirme l’exploitation de cette mine dès cette époque.
Devenue propriété de l’État Espagnol, elle fournissait encore vers 1860, 25.000
quintaux de minerai par an au haut fourneau double d’Orbaiceta49.
43 Rapport de l’ingénieur des mines Muthuon sur la mine de Daublon, commune d’Ondarolle
(Basses-Pyrénées), «Fait à Baygorry le 1er Brumaire an 6e». A.N. F14 7990.
44 SAINT-SAUD, Aymard d’Arlot de, «Questions de Frontière franco-espagnole», Bulletin de géographie historique et descriptive, 1912, p. 232.
45 Amaya LEGAZ, «Iraty et les Aldudes à travers les archives modernes», in Paléoenvironnement de
l’anthropisation de la montagne basque, projet collectif de recherche dirigé par Didier Galop, rapport
inédit 2002, pp. 59 et 70.
46 J. SERMET, «La frontière des Pyrénées», Les amis du livre pyrénéen, Pau, 1983, note 107, p. 131,
et note 46, p. 62. Il s’agirait d’un document manuscrit, rapport d’une enquête de 1811 sur la frontière
«entre l’Empire français et la monarchie espagnole», conservée sous le numéro 39 aux archives de la
«Chefferie du Génie à Bayonne», du moins à l’époque des investigations de Jean Sermet.
47 Ana María de la IGLESIA ALBIZU et Carmen PÉREZ SANTOS, op. cit., chapitre 5, «Consumo de
materiales de producción» «C) En la fábrica de Orbaiceta», «c) mineral».
48 «Plano Topografico que espresa el camino por donde en el dia conducen la mena desde los minerales de Arburuandieta asta [sic] la R[eal] Fundicion...». Archivo General de Simancas, M. P. y D.,
caj. 62, nº 72, José Martinez, ingénieur géographe.
49 Ignacio de GOENAGA, «Memoria del estado de la industria minera en el distrito de Vizcaya»,
Revista Cientifica del Ministerio de Fomento, n°1, 1862, p. 470.
286
[18]
ANCIENNES ACTIVITÉS MINIÈRES ET MÉTALLURGIQUES EN ZONE FRONTALIÈRE...
Le filon a été excavé sur 200 m de longueur, dont 110 m en souterrain.
La largeur importante de la «caisse filonienne», variant de 5 à 10 m, a nécessité la réservation dans la roche d’une paroi longitudinale afin de limiter la
portée de piliers résiduels assurant un soutènement tous les 10 mètres. Les
travaux souterrains débouchent parfois en surface par de larges ouvertures ou
porches, ce qui assure un éclairage naturel conférant au site son aspect impressionnant. Les travaux se développent sur 40 mètres de hauteur et sont accessibles par diverses galeries ouvertes en travers banc à différents niveaux.
Des travaux à ciel ouvert poursuivent l’affleurement du filon et rejoignent
des ouvrages antérieurs à l’époque moderne.
Deux niveaux de terrasses ont été aménagés sur le versant très raide, en
rive gauche. En face, sur l’autre rive, une autre terrasse d’où part le chemin
qui menait aux forges d’Orbaiceta, a permis la construction d’une bâtisse
pour loger les ouvriers et où se trouvait une forge pour la réparation des outils50.
LA VALLÉE D’AEZKOA
L’ancienne activité minière et métallurgique de la vallée d’Aezkoa est surtout connue à travers l’histoire de sa forge à haut fourneau double, édifié par
la Couronne d’Espagne à la fin du XVIIIe siècle. Nous avons vu cependant que
les ressources principales de cet établissement étaient situées en Valcarlos,
alors qu’un filon exploité à Oroz-Betelu, au Sud dans la vallée de l’Irati, complétait l’approvisionnement51. Les travaux miniers pour fer, recensés dans le
cadre de notre prospection en vallée d’Aezkoa, sont très peu nombreux et
d’importance modeste.
L’histoire de l’exploitation du cuivre en Aezkoa des XVIIIe et XIXe siècles
demeurait en revanche bien moins connue, et ses vestiges miniers attribués à
la production de fer pour la forge, tandis que les ruines et emplacements des
fonderies confondus avec ceux de la forge médiévale.
Travaux du Mendilaz
Au milieu des années 1960, le Géologue Maillard décrivait les grès bréchoïdes de la base du Dévonien qui affleurent sur le versant Sud-Est du Mendilaz, et dont il soulignait la particularité de présenter un ciment d’hématite52. Situé à 2.000 m à l’Est-Nord-Est de la grande forge d’Orbaiceta, non
seulement ce gisement ne pouvait échapper aux métallurgistes, mais il a certainement constitué l’un de l’élément déterminant la création de la première
forge du XVe siècle53.
50 Ana María de la IGLESIA ALBIZU et Carmen PÉREZ SANTOS, «Reales Fábricas de municiones de
Eugui y Orbaiceta (1766-1794)», memoria de licenciatura, Université de Deusto, 1977, chapitre III,
«construcciones con fines sociales».
51 Francisco MORALES, «Fábrica de Orbaiceta», memorial de Artillería, tome V, série 1ª, 1849, p.
446.
52 Philippe MAILLARD, «Étude géologique et métallogénique de la région de Valcarlos (Navarre)»,
thèse doctorat 3ème cycle, Faculté des Sciences Paris, janvier 1966, p. 87.
53 Aurora RABANAL YUS, Las Reales Fábricas de Eugui y Orbaiceta, Gobierno de Navarra, 1987, p.
64.
[19]
287
GILLES PARENT
À environ 200 mètres au nord-est du ravin de l’Etxalastoko erreka, à partir de l’altitude de 1.000 mètres et jusqu’à celle de 1.200 mètres environ en
remontant vers le sommet, on observe en effet la présence d’une quinzaine
de fosses, tranchées, cuvettes, associées à des déblais et haldes, témoignages
incontestables d’une activité extractive. Plus haut, s’ouvrent quelques cavités
que l’on doit distinguer des phénomènes naturels nombreux, liés à la présence proche, vers le nord-est, de l’affleurement des calcaires d’âge crétacé
formant le massif karstique d’Urkulu-Mendilaz.
Dans le bas du versant, les mineurs avaient commencé à sonder en profondeur la minéralisation, par une galerie de recherche d’une cinquantaine
de mètres. La voie ferrée qui l’équipe montre qu’il s’agit d’une évaluation tardive du gisement, selon toute vraisemblance lors de la dernière décennie d’activité de la forge qui s’acheva en 1873.
Ce secteur serait à revoir afin de rechercher une probable activité métallurgique plus ancienne que celle de la forge médiévale.
Le cuivre : mines Alemanes/Morucoa, Changoa
C’est en 1770 que les frères Francisco et Andrès Garay y Garcia, d’Orbaiceta, découvraient «una mina de cobre [...] llamada Murucaco-erreka».
Durant une dizaine d’années, elle alimenta la petite fonderie de cuivre d’Olazar. En 1782, la compagnie parisienne des mines de Baïgorry tentait en vain
d’acheter la mine et la fonderie, mais son projet fut contrarié par l’acquisition des bois de cette partie de la vallée d’Aezkoa par la Couronne d’Espagne.
Après 60 ans de silence, l’activité redémarrait en 1846, principalement autour d’un filon traversant le Río Changoa, 300 mètres en amont de la mine
de Murukako Erreka ou Alemanes. Une nouvelle fonderie fut construite 300
mètres encore plus en amont, en rive gauche. La compagnie la Esperanza,
formée pour l’exploitation de Changoa54, tenta de traiter les cuivres gris argentifères par la méthode d’amalgamation, mais sans succès. Les mates d’alliage cupro-argentifère furent alors seules produites dans la fonderie de
Changoa, puis envoyées à Swansea, au Pays de Galles, pour la séparation du
cuivre et de l’argent. L’exploitation régulière ne dura que 7 années, de 1846 à
1852. En 1858, la situation était telle que l’établissement fut mis aux enchères, mais il ne fut racheté qu’en 1862. L’activité minière et de tri mécanique
dura encore jusqu’en 1875, année du décès du propriétaire, Pedro Aguirre
originaire de Valcarlos. Trois années plus tard, la mine était vendue à une société établie à Lorient, en Bretagne, la «Société Commerciale de Lorient». Les
derniers échos d’une activité à Changoa proviennent de la Revista Minera y
Metalúrgica, année 1890. Il semblerait que la mine fut encore exploitée jusqu’au début du XXe siècle.
Au milieu du XIXe siècle, la présence du filon de Changoa avait encouragé des recherches aux alentours: quelques autres travaux furent exécutés, sans
commune mesure cependant avec la mine de Changoa qui s’enfonçait à 70
54 L’histoire de la fonderie de Changoa est développée par Gilles PARENT et Jonas ERRAZKIN, «Les
ressources des établissements métallurgiques d’Aezkoa aux XVIIIe et XIXe siècles», in Revue d’histoire industrielle des Pyrénées occidentales, n° 1, 2006.
288
[20]
ANCIENNES ACTIVITÉS MINIÈRES ET MÉTALLURGIQUES EN ZONE FRONTALIÈRE...
mètres de profondeur sous le torrent. Enfin, en 1970, une tentative de reprise échoua.
Aujourd’hui, les puits et galeries sont encore bien visibles et mal protégés. Certains orifices, en bordure de piste, peuvent présenter des dangers
dans une région où les randonneurs sont nombreux. La mina de los Alemanes
comporte une voie de roulage constituée de deux longrines de bois formant
coffrage afin de ménager une plate-forme légèrement surélevée et placée ainsi hors de l’atteinte du ruisselet qui parcourt la galerie. Il s’agit probablement
d’une simple voie de brouettage, mais l’hypothèse de l’utilisation d’un chariot n’est pas à écarter. Ces vestiges sont menacés par les visites de randonneurs ou excursionnistes.
Les murs de la fonderie du XVIIIe siècle d’Olazar ont disparu depuis bien
longtemps, le site ayant probablement très tôt servi d’approvisionnement en
pierres à bâtir. Les ruines de la fonderie de Changoa sont en très mauvais état:
les moyens financiers des entrepreneurs privés, inférieurs à ceux mis en œuvre par l’État espagnol pour la grande forge, n’ont pas encouragé l’emploi de
pierres de taille et l’usage de liant lors du montage de nombreux murs aujourd’hui écroulés.
Cuivre et mercure à Arive, filon Santa Cecilia
Le filon Santa Cecilia a été exploité au milieu du XIXe siècle55. La minéralisation, située au contact des terrains du Dévonien et des grès triasiques56,
contenait des sulfures de cuivre et du cinabre (minerai de mercure). En 1851,
un puits de 42 mètres et 3 niveaux de galeries étagés à une quinzaine de mètres d’intervalle étaient ouverts directement sur l’affleurement du filon. Les
teneurs observées par l’Ingénieur de la province Manuel Abeleira et par l’École des Mines de Madrid, allaient de 6,5% à 18% de mercure, tandis que le
cuivre atteignait le taux de 40%.
C’est vraisemblablement à la fin du siècle que des travaux furent à nouveau exécutés, certains dirigés par l’ingénieur des mines d’origine écossaise
Philippe Stuart-Menteath.
Enfin, deux tentatives infructueuses eurent lieu en 1956 et 1966-67 par
des sociétés espagnoles. L’essentiel des ouvrages se trouve en rive gauche de
l’Irati, dans la commune d’Arive. Cependant, le filon a aussi été travaillé dans
son prolongement ouest, en rive droite, dans la commune de Garralda.
Les ouvertures des galeries étagées sur le filon, dans le versant descendant
vers l’Irati, sont toutes effondrées, ce qui rend le réseau inaccessible de nos
jours. Deux autres galeries, plus récentes et visiblement reprises au XXe siècle,
ont été ouvertes en travers banc, c’est à dire perpendiculairement au filon afin
d’éviter les vieux travaux éboulés. Ces nouvelles galeries butent sur des effondrements au contact du filon. Le vieux puits est encore béant, mais se termine en entonnoir sur un effondrement.
55
Voir G. PARENT et A. ERRAZKIN, op. cit.
C’est du moins ce qu’écrivait Georges Vié en 1968. Selon une observation de l’ingénieur Manuel Abeleira, publiée en 1851, la roche encaissante était constituée de grés bigarrés. En revanche, la carte géologique «Mapa Geológico de España» au 1:50000 «Garralda», place cette faille intégralement dans
les terrains dévoniens.
56
[21]
289
GILLES PARENT
Les résultats de la prospection-inventaire, que nous venons de présenter
de manière non exhaustive, confirment l’importance de l’activité minière
moderne de la région et localisent l’essentiel de ses ressources minérales. Si la
connaissance de la dernière phase d’exploitation s’en trouve approfondie, l’étendue de l’exploitation antique reste à déterminer autour des principaux pôles reconnus par l’archéologie au cours de la dernière décennie. La cartographie et la description de l’ensemble des travaux, en corrélation avec les informations recueillies dans les sites antiques, permet de situer les indices qui
ne peuvent être attribués à l’époque moderne et aidera à établir les lignes directrices d’une campagne de datations.
L’étendue des investigations modernes, la systématisation éventuelle des
tentatives antiques dans une moyenne montagne facilement pénétrable, ne
doivent pas décourager les recherches visant à identifier des ouvrages creusés
à l’Âge du fer ou plus tôt encore, sous le prétexte de leur probable destruction par les reprises ultérieures.
Les principaux sites sont loin d’avoir livré tous leurs secrets, tandis que
certains ouvrages mineurs exécutés dans des endroits retirés ont pu échapper
à la sagacité des prospecteurs, ou encore ne pas susciter d’intérêt pour cause
d’épuisement ou de non rentabilité dans un contexte économique nouveau.
290
[22]
ANCIENNES ACTIVITÉS MINIÈRES ET MÉTALLURGIQUES EN ZONE FRONTALIÈRE...
[23]
291
GILLES PARENT
RÉSUMÉ
La vallée de Baïgorry occupe le centre d’une région riche d’un passé minier et
métallurgique méconnu. Des filons de fer, cuivre, argent et or se répartissent
selon un axe de concentration orienté du Nord-ouest au Sud-Est. Il débute
dans la partie nord de la vallée de Baztan, en Navarre, traverse la vallée de
Baïgorry et le Valcarlos, et se termine en vallée d’Aezkoa. Ces minéralisations
ont favorisé l’existence d’une activité métallurgique référencée dans les archives à partir du XIVe siècle, et qui déboucha sur la création, aux cours des XVIIIe
et XIXe siècles, de 4 fonderies de cuivre et de 4 usines à haut fourneau. Cette
activité héritait cependant d’un passé plus ancien, comme en témoignent de
nombreux vestiges d’exploitations minières dont certains remontent à
l’Antiquité. L’article présente une synthèse de la prospection menée dans cette
région durant 3 années.
RESUMEN
El valle de Baigorri se ubica en el centro de una región que ofrece un pasado
minero y metalúrgico desconocido. Vetas de hierro, cobre, plata y oro se
reparten según un eje de concentración orientado de noroeste a sureste.
Empieza en el norte del valle de Baztán, en Navarra, y cruza los valles de
Baigorri y de Valcarlos antes de terminar en el valle de Aezkoa. Estas mineralizaciones favorecieron la existencia de una actividad metalúrgica que se
puede consultar en los archivos a partir del siglo XIV y que llegó a la creación
de cuatro fundiciones de cobre y cuatro fábricas con alto horno en el transcurso de los siglos XVIII y XIX, herencia de un pasado más antiguo, como lo
revelan numerosos vestigios de explotaciones mineras, entre las cuales unas se
remontan a la Antigüedad. El artículo presenta una síntesis de la prospección
llevada en esta región durante tres años.
ABSTRACT
The Valley of Baigorri is located in the centre of a region with an unknown
mining and metallurgical past. Veins of iron, copper, silver and gold are distributed over a northeast-southeast axis of concentration. It begins in the
north of the Valley of Baztán in Navarra and crosses the Valleys of Baigorri
and Valcarlos before ending in the Valley of Aezkoa. These deposits favoured
the existence of metallurgical activity, which appears in archives as of the XIV
century, and led to the creation of four copper foundries and four factories
with blast furnaces over the XVIII and XIX centuries, heirs of a past which dates
further back, as revealed by numerous vestiges of mines, some of which can
be traced as far as Antiquity. The article provides a synthesis of the prospecting performed in this region over three years.
292
[24]