AMF et Norbourg : d`autres dates confondantes

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AMF et Norbourg : d`autres dates confondantes
AMF et Norbourg : d’autres dates confondantes
Mardi, 07 Juillet 2009 11:21
En août 2005, l’Autorité des marchés financiers (AMF) n’avait rien trouvé d’autre qu’une vieille
affaire de défaut de capital chez Gestion de Patrimoine Tandem (le réseau de distribution de
Norbourg), quelques jours à peine avant la fameuse perquisition menée par la GRC qui allait
sonner la fin des activités frauduleuses de Vincent Lacroix. C’est ce que nous apprend un
examen minutieux des différentes décisions émises par le Bureau de décision et de révision en
valeurs mobilières (BDRVM) et par l’AMF.
Comme nous l’avons vu précédemment (voir AMF et Norbourg : des lettres troublantes, en
hyperlien à la fin de cet article), l’AMF nage en plein brouillard dans le dossier de Norbourg au
cours de l’été 2005. L’inspectrice de l’AMF, Sylvie Lacroix, met un terme – sans résultat – à une
longue inspection de 10 mois sur le gestionnaire. C’est ce que nous apprend la lettre qu’elle
signe le 2 août 2005 (cliquer ici). L’équipe d’enquêteurs et d’inspecteurs de l’AMF ne
soupçonne rien de ce qui deviendra le plus gros scandale financier du Québec et qui se trame à
quelques rues des bureaux montréalais de l’AMF. En fait, il y a bien deux inspecteurs, Jean Lorrain et Pierre Bettez, qui suspectent Lacroix. Mais
comme la confusion règne sur qui fait quoi à l’AMF, aucune enquête formelle n’est entreprise
malgré leurs doutes. De façon commode, bien plus tard, on a préféré jeter le blâme sur Claire
Lewis après qu’elle eut démissionné dans des circonstances troubles quelques semaines avant
le raid chez Norbourg.
En parallèle à l’inspection de Norbourg qui ne débouche sur rien, une autre équipe s’active
donc à scruter les livres de Gestion de Patrimoine Tandem. Le 24 avril 2005, l’AMF et
l’Association canadienne des courtiers en fonds mutuels (MFDA) avisent Vincent Lacroix et
Gestion de Patrimoine Tandem qu’ils procéderaient à une inspection portant sur la période
d’avril 2004 à mars 2005. Gestion de Patrimoine Tandem est ce réseau de distribution acquis
de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDP) par l’entremise de sa filiale Capital
Teraxis. Cette transaction avait également envoyé l’autre filiale de Teraxis, les Fonds
Évolutions (et ses épargnants) dans les filets de Vincent Lacroix, fin 2003.
Après quelques mois d’inspection sur Tandem, de nombreuses questions des autorités
demeurent lettre morte ou complètement incohérentes. En tout, 22 points sont reprochés à
Tandem dans la décision de l’AMF (cliquer ici) signée par le pdg de l’Autorité, Jean St-Gelais,
qui enjoint Tandem de se conformer à la Loi sur la distribution de produits et services financiers,
sous peine… de voir son inscription suspendue. C’est tout.
Comme Objectif Conseiller le rapportait en juin 2006 (cliquer ici), l’AMF souligne, dans le
préavis de sa décision, que des écarts de conduite très sérieux de la part de Gestion de
Patrimoine Tandem et de Services financiers Teraxis ont été découverts. On y lit au point 14
que le Bureau des services financiers (l’ancêtre de l’AMF) avait constaté en 2003 que le
gestionnaire des Fonds Évolutions, Teraxis, ne maintenait pas en tout temps les assises
financières requises par la loi. Autrement dit, le gestionnaire Teraxis n’avait pas les liquidités
suffisantes pour fonctionner. Rappelons qu’en 2003, Teraxis était une filiale qui appartenait à 90
% à la Caisse de dépôt et placement (CDP).
Pas de sanctions quand la Caisse de dépôt était propriétaire Toujours dans le document de décision émis par l’AMF, au point 16, on lit avec étonnement que
: « Au total, pour la seule année 2003, le capital net liquide de Teraxis a été insuffisant pendant
11 mois et aucun rapport n’a été remis à la date requise ». Questionné sur la chose Michel
Fragasso, l'ex-président de Capital Teraxis, avouait candidement « qu’ils étaient en train de
vendre la compagnie… ». Capital Teraxis a été vendue le 23 décembre 2003 à … Norbourg.
Au point précédent, le 15, on apprend aussi que Teraxis avait toujours de sérieux problèmes de
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capital net liquide à l’automne 2003. Le BSF transmet alors une lettre au gestionnaire le 2
octobre 2003 pour lui rappeler une énième fois ses responsabilités. Le conseil d’administration
de Teraxis est convoqué d’urgence le 8 octobre suivant où l’on expose les problèmes de
liquidités au représentant de la Caisse, André Fok Kam. La Caisse offre alors un financement
de 1,3 million, ce qui permettra vraisemblablement à Teraxis de terminer l’année et de pouvoir
enfin conclure sa vente à Vincent Lacroix. Le conseil se réunit de nouveau le 14 octobre pour
discuter de l’offre de la CDP et conclu les modalités de refinancement le 3 novembre 2003 en
présence de M. Fok Kam, comme le démontrent les procès-verbaux (cliquer ici) du conseil de
Teraxis obtenus par Conseiller.
Toutes ces tractations pour maintenir Teraxis et les fonds Évolutions à flots ont eu lieu alors
que la CDP était toujours actionnaire principal de l’entreprise. Pourtant, dans la décision de
l’AMF qu’il signe le 25 août 2005, Jean St-Gelais reprochait maintenant au nouvel acquéreur
Lacroix des manquements graves à la loi mais commis par l’administration précédente.
Pourquoi acceptait-on de passer l’éponge quand la Caisse était actionnaire principal et que les
mêmes fautes n’étaient plus tolérées en 2005 par l’AMF ?
Encore des dates confondantes pour l’AMF
Toujours dans la même décision de l’AMF signée par Jean St-Gelais le 25 août 2005 à l’endroit
de Tandem. On apprend également que l’AMF avait convoqué Vincent Lacroix et son
procureur, Me William J. Atkinson, à se présenter aux bureaux de l’AMF le 24 août 2005
(cliquer ici). Encore une fois, cela démontre que l’AMF était mystifiée par Lacroix, contrairement
à la GRC, sinon elle n’aurait pas convoqué Lacroix la veille de la perquisition qui a signifié
l’arrêt des activités et le gel de actifs de Norbourg. Il n’y a pas eu de rencontre le 24. En lieu et
place, Me Atkinson choisit plutôt de faire parvenir ses observations écrites le 21 juillet 2005 à
l’AMF.
Après étude, l’AMF juge insatisfaisantes les réponses de Tandem et de son conseiller juridique.
L’AMF rend ensuite sa décision reprochant à Gestion de Patrimoine Tandem ses problèmes de
liquidités. Le dossier traîne quelques semaines dans les bureaux de l’Autorité. Ce n’est que le
matin du 25 août 2005 que Jean St-Gelais le signe en catastrophe. Dans la tourmente du 25
août 2005, on s’est empressé de fermer ce dossier qui avait été ouvert le 2 juin précédent
(selon le libellé du document). Une façon bien peu habile de montrer qu’on était sur le coup. On
a ainsi rendu une décision plutôt futile en regard des véritables fraudes de Norbourg mises à
jour par la GRC, et non par l’Autorité comme elle l’a toujours prétendu. C’est pour cette raison,
et aucune autre, que cette décision est sortie en même temps que la descente chez Norbourg.
L’AMF ne savait rien au préalable des malversations, des fraudes et des transferts illégaux de
fonds effectués par l’équipe de Vincent Lacroix.
Voici ce que la directrice du contentieux qui avait remplacé Claire Lewis, Nathalie Drouin, disait
aux médias quelques jours après la découverte du trou de 80 millions dans les épargnes des 9
200 investisseurs qui poursuivent aujourd’hui l’AMF en recours collectif : « Nous aussi, nous
avons été leurrés (…). Quand on leur demandait de se justifier, on recevait des choses qui se
tenaient sur papier. Ils ont falsifié de nombreux documents. On n'y voyait que du feu. »
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