Une Lettre écarlate
Transcription
Une Lettre écarlate
CGT Consulting Group ne déserte pas et écrit une lettre… ….que le Président lira peut-être. Une Lettre écarlate Le Directeur financier d’EDF a pris sa plume pour exprimer sa peine au patron de Constellation. Nous n’en attendions pas moins d’une Direction d’entreprise qui s’est adjoint les services de fins lettrés. L’art épistolaire fait partie de notre patrimoine national et son utilisation dans un contexte polémique est des plus pertinente. Les Américains ont beau posséder des dollars, l’esprit de chicane et la VI° flotte, nous leur répliquons par du papie r-lettre, notre esprit de finesse, et notre parc de centrales nucléaires, le plus grand du monde, non mais ! Mis à part cet élan de patriotisme, notre consultant, trouvant excellente l’idée de remettre à l’honneur la Lettre, d’une plus grande noblesse que l’e-mail, ne pouvait pas faire moins que nos brillants businessmen… et autre syndicaliste actionnaire américain. En effet, inquiet de la bonne tenue de leur fonds de pension, un syndicat affilié à l’AFL-CIO a aussi écrit au patron de Constellation. Touchante convergence entre un patron (français) et un syndicat américain comme on en voit peu en France. Quoique. Enfin, bref… Notre consultant a décidé d’écrire lui-aussi une Lettre au PDG d’EDF, une lettre, un peu plus rouge que celle du syndicat américain, comme de bien entendu. Monsieur le Président Directeur Général d’EDF, Nous avons été informés de votre voyage aux Etats-Unis destiné à faire avancer nos (ou vos ?) affaires dans ce grand pays. Vous auriez rendu visite au Gouverneur du Maryland pour évoquer avec lui les dangers pesant dans son Etat sur les quelque 4 000 emplois prévus dans le cadre de la construction d’une centrale nucléaire par EDF, très remontée contre les tracasseries de Constellation. Peut-être, dans ce même élan, pourriez-vous rendre visite aux élus de Bourgogne, inquiets pour les emplois dans leur région, potentiels victimes des querelles francofrançaises EDF-Areva ? Il est vrai qu’il est plus aisé de se rendre de Paris à Baltimore qu’à Dijon, plus excitant de vendre un projet aux Américains que de rassurer des salariés sur leur devenir en Bourgogne, plus valorisant de serrer la main d’un gouverneur américain que de répondre aux griefs d’obscurs élus locaux français. Alors, Monsieur le Président Directeur Général, finalement, nous en serons quittes pour moins de 200 millions d’euros. Vous aviez confié cette délicate question et le traitement global de cette affaire à la Banque Lazard dont est issu votre Directeur financier, mais il s’agit d’un hasard. Ou plutôt d’un heureux concours de circonstance car vous ne vous entourez et n’utilisez le service que des meilleurs, c’est bien connu. Au regard des cinquante milliards d’euros de good-will qu’ont coûté les acquisitions d’EDF, l’affaire américaine mérite à peine qu’on s’y arrête. Pour le lecteur non averti, nous tenons ce chiffre de source sûre : vous-même. Et un «good will » est tout simplement l’écart entre le prix payé et la valeur réelle. Cinquante milliards dispersés au Royaume-Uni (British Energy), en Italie (Montedison), aux Etats-Unis (Constellation, donc), en Amérique latine (Light, Edenor) et même en France (SIIF devenue EDF Energie renouvelable). EDF a jeté l’argent par les fenêtres du monde entier. Enfin, loin de nous l’idée d’entrer dans une polémique sur la valeur des choses. Il est établi qu’en matière de valeur, nous ne parlons pas le même langage. Dans « valeur », nous y mettons le travail et la mobilisation des savoir-faire des salariés. Et de ce point de vue, aucun « good will » n’existe quand une entreprise en acquiert une autre par une opération financière. Les salariés ne sont jamais commensurables avec un montant de capital, fut-il de cinquante ou cent milliards d’euros. Il n’en reste pas moins vrai que ni les salariés d’EDF, ni ceux des entreprises acquises ne verront la couleur de ces milliards. Ils sont victimes d’une spoliation. Là se situe précisément le scandale, plutôt que dans la dégradation des comptes d’EDF, sa valorisation boursière en berne ou enfin le gonflement démesuré de sa dette. Après ça, vous pourrez toujours demander aux salariés de mobiliser leur énergie et d’affronter la concurrence. De l’énergie, ils en mettent, et fort heureusement pour les consommateurs, pour pallier la désorganisation organisée du système énergétique, car ils conservent, sans doute par atavisme, l’esprit de Service public. La concurrence ? Ils ont compris depuis longtemps qu’il s’agit d’un prétexte pour leur confisquer les gains de productivité dont une partie est justement utilisée pour payer les services de la Banque Lazard et autre banque d’affaire, dévoreuses de commissions lors des opérations d’acquisition ou simplement pour de simples conseils. Finalement, les seuls dupes de vos discours demeurent votre garde rapprochée de cadres dirigeants. Nous espérons que vous avez perçu combien ces discours tournaient à vide comme ceux d’ailleurs de vos homologues des autres entreprises, pour ceux du moins qui se donnent encore la peine de s’adresser aux salariés. Votre classe sociale a imposé une réforme, encore une, du système de retraite. Elle pousse son avantage depuis des décennies, notamment sur la protection sociale et dans le fond, c’est de bonne guerre, puisque c’est de cela qu’il s’agit. Les milliards nécessaires à la pérennité de votre système, vous les prenez là où selon votre avis ils ne sont d’aucune utilité et transférez la facture. Ainsi, par exemple, la nouvelle réforme des retraites sera payée à 85% par les salariés et le reste par le contribuable, autant dire les mêmes. Bravo ! Voilà qui devrait remonter la notation de la France par les agences de rating, dont vous faites grand cas. Votre force, celle de votre classe sociale, consiste aujourd’hui à enfermer les mots, les gens et les choses dans le présent. Pas plus les cinquante milliards de « good will » que les déficits prévisionnels du régime de retraite n’ont de sens commun. Vous imposez pourtant une réponse à ces soi-disant problèmes actuels par une captation des gains de productivité et la paupérisation progressive des pensionnés. C’est une stratégie bien hasardeuse pour s’assurer que le futur ressemble au présent. Le présent des salariés ne ressemble pas au vôtre et tous vos efforts de communication, à caractère essentiellement financier, ne changeront rien à leur perception précise de l’instauration de l’injustice sociale enfin assumée comme moteur de votre système. Vous devriez redouter l’à-venir que vous préparez. Monsieur le Président Directeur Général, nous espérons que vous percevrez un jour l’absurdité de vos voyages transatlantiques. Pour notre part, nous n’y voyons rien d’utile à la construction de notre avenir et de l’Histoire que nous voulons édifier, en clair à notre volonté de bâtir un destin collectif dans lequel vous n’aurez aucune part. Monsieur le Président Directeur Général, veuillez croire à l’expression de nos salutations distinguées. SICTAM CGT Ufict des Services CX EDF et Organismes sociaux Paris, le 28 octobre 2010