Le singe et le crocodile (autre histoire)
Transcription
Le singe et le crocodile (autre histoire)
Contetirédu«PharaonAilé»deJoanGRANT Lesingeetlecrocodile Ilyalongtemps,trèslongtemps,unefamilledesingevivaitausommetd’ungrandarbre aumilieud’uneforêt.Ilyavaitunemèresingeetunpèresinge,deuxfillettessingeset ungarçonnetsinge. Ledeuxfillettessingesétaienttrèssagesetécoutaienttoutcequeleurmèreleurdisait surlamanièredesebalanceravecleurqueue,etcommentrestersurlesbranches mincesincapablesdesupporterlepoidsdesanimauxdangereuxquipourraientleur fairedumal.Elleleurenseignaitquelsfruitsilfallaitmanger,quelleschosesles rendraientmalades,etcommentpeignerleurfourrureavecleursdoigtsdemanière qu’ellesoitlisseetpropre. Legarçonnetsingenevoulaitrienécouterparcequ’ilcroyaitêtrelesingeleplus intelligentdetoutelaforêt.Trophautainpourjoueravecsessœurs,ilavaitl’habitudede fairedespromenadestoutseulsurlessommetsdesarbres. Unjour,aumilieudelaforêt,ildécouvritunegrandeclairièreoùvivaientunequantité d’êtreshumains.Ilpensaqu’ildevaits’agird’unesortedesingestrèsroyauxdontil n’avaitencorejamaisentenduparler,etseditenluimême:«Voilàlescompagnonsqui meconviennent,jevaisessayerdeleurressemblerexactement.»Ilvitqu’ilsn’avaient pasdequeue,etmitalorssaproprequeuesursonbrascommes’ilportaitquelque chose;maiscommeilavaitl’habitudedes’enservirpourgrimper,iltombasouventdes arbresetsecognatrèsfâcheusement.Ilvitaussiquelesêtreshumainsn’avaientpasde fourruresurlecorps,etilessayad’épilerlasiennepourleurressemblerdavantage,mais ils‘écorchasidouloureusementetlesplaquesnuesluidonnaienttellementfroidqu’il s’arrêtadansbesogne. Unjour,ilvitundesêtreshumainsseulsdanslaforêt.Ilappelaendisant:«Jevoudrais fairepartiedevotretribudesinges». Cethumainétaitunhommefortsagequiconnaissaitlelangagedesanimaux.Il répondit:«Nousnesommespasdessinges,noussommesdeshommes». Lepetitsingedit:«Jeveuxêtreunhomme». L’hommesageluidit:«Ilviendrauntempsoùtouslesanimauxdelaforêtserontdes hommes.Nesoispasimpatient.Quandtonheureseravenue,tuquitteraslacompagnie dessingesettuconnaitraslasolitudedeshommes.Apprendstoutcequ’ilfaut apprendreentantquesinge.Enlefaisant,tuacquerrasplusvitelasagesse.Cessede portertaqueuesurtonbras!Situn’utilisespascequelesdieuxt’ontdonné,tu pleurerasunjourfautedel’avoir». Celaenragealesinge,carilcroyaitencorequeleshommesétaientunetributrès spécialedesingesquiseconsidéraientcommetrophautainspourjoueraveclui,juste commeilétaittrophautainpourjoueravecsessœurs.Ilproféradegrandes impertinencesàl’hommesageets’enfuitdanslaforêt. Unjouroùilmarchaitprèsdufleuve,-portanttoujourssaqueuesursonbras-,ilvitun hommequipêchaitsurunradeauetseditenluimême:«Jem’envaisfairelamême choseetalorsilscroirontenfinquej’appartiensàleurespècedesinge».Dansl’eau,il aperçutunesortedetroncd’arbreetsautadessus.Letronccommençaàsedéplacer dansl’eau,etlepetitsingesesentittrèsgrandettrèsimportant. Soudain,letroncd’arbreouvritdeuxyeuxtrèsméchantsetleregarda….Ilcompritque c’étaituncrocodile.Ileuttellementpeurqu’ilsautadansl’eauets’éloignaaussivitequ’il pouvait.Justeaumomentoùilatteignitlarive,lecrocodileluiattrapalaqueueetla coupaavecsesdents. Tandisqu’ilrentraitverslefoyerdesamère,touslesautressingesaveclesquelsil n’avaitpasvoulujouerparorgueillemontrèrentdudoigt,enrirent,etjacassèrentàson propos.Personnenes’affligeaitlemoinsdumondepourlui,saufsamèrequi,bien entendu,l’aimaitencoremalgrésonaffreuxaspect. Bientôtaprès,ilyeutuneviolentetempête.L’arbresurlequelilvivaitoscillasi violemmentquelepauvresingesansqueuepours’accrochertombasurlatêteeten mourut. Avantqu’unannéeeûtpassé,ilnaquitdenouveaudelamêmemère.Ilappritàse balanceravecsaqueueplusvitequ’aucundesenfantsqu’elleavaitconnus précédemment.Ilécoutatoutcequ’elledisait,etdevintlesingeleplusgentiletleplus amicaldetoutelaforêt. Maintenant,ilsavaitquelasagesseetlebonheurnepeuventêtretrouvésqu’en apprenantcequelasagessedesdieuxadispensépourêtreenseignéàchacun.