Yvan BOYRIVENT Groupe 210 TD Droit civil - Séance 14
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Yvan BOYRIVENT Groupe 210 TD Droit civil - Séance 14
Yvan BOYRIVENT Groupe 210 TD Droit civil - Séance 14 L’exécution forcée en nature Proposition de commentaire de l’arrêt de la chambre mixte de la Cour de cassation du 26 mai 2006 Si, comme en dispose l’article 1142 du Code civil « Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d'inexécution de la part du débiteur », il n’en demeure pas moins vrai que cette restriction quant à la réparation de l’inexécution d’une obligation de faire ,en règle générale, est vivement critiquée en particulier par la doctrine et pour des domaines aussi majeurs que celui de la vente. A l’origine d’une abondante réflexion théorique, la jurisprudence, toute aussi abondante en la matière, a récemment évolué. Ainsi le montre le retentissant arrêt rendu par la chambre mixte (réunissant à l’occasion la première et troisième chambre civiles) de la Cour de cassation le 26 mai 2006. En l’espèce, un acte de donation-partage dressé le 18 décembre 1957 et contenant un pacte de préférence attribue à Mme Adèle A un bien immobilier situé à Haapiti. Une parcelle dépendant de ce bien est transmise, par acte de donation-partage le 7 août 1985, rappelant le pacte de préférence, à M. Ruini A. Ce dernier la vend le 3 décembre 1985 à la SCI Emeraude par acte de M. B, notaire de son état. Invoquant une violation du pacte de préférence stipulé dans l'acte du 18 décembre 1957, dont elle tenait ses droits en tant qu'attributaire, Mme X demande, en 1992, sa substitution dans les droits de l'acquéreur et, subsidiairement, le paiement de dommages-intérêts. La Cour d’appel de Papeete est amenée à connaître du litige. Elle se prononce, dans un arrêt du 13 février 2003, en défaveur des époux X puisqu’elle rejette leur demande tendant à obtenir une substitution dans les droits de la société Emeraude. Les époux X décident alors de se pouvoir en cassation en invoquant que l'obligation de faire ne se résout en dommages-intérêts que lorsque l'exécution en nature est impossible du fait l'impossibilité de contraindre le débiteur de l'obligation à l'exécuter matériellement. Ainsi, selon eux, en dehors d'une telle impossibilité, la réparation doit être en premier lieu une réparation en nature d’autant plus le juge avait le pouvoir de prendre une décision valant vente entre les parties au litige. La cour d'appel aurait donc violé l'article 1142 du Code civil. En outre, si l’on considère qu'un pacte de préférence oblige le vendeur d'un immeuble à en proposer d'abord la vente au bénéficiaire du pacte, s'analysant ainsi en l'octroi d'un droit de préemption, et donc en obligation de donner, la violation de cette dernière doit entraîner l'inefficacité de la vente conclue avec un tiers, et la substitution du bénéficiaire du pacte à l'acquéreur dans les termes de la vente. Cette substitution constituerait la seule exécution entière et adéquate du contrat d’autant plus qu’elle ne se heurte à aucune impossibilité. En refusant la substitution, la cour d'appel aurait violé les articles 1134, 1138 et 1147 du Code civil. Enfin, les époux X rappellent qu'en matière immobilière, les droits accordés sur un immeuble sont applicables aux tiers dès leur publication à la conservation des hypothèques. Or en subordonnant le prononcé de la vente à l'existence d'une faute commise par l'acquéreur, condition inutile dès lors que la cour d'appel a constaté que le pacte de préférence avait fait l'objet d'une publication régulière avant la vente contestée, la cour d'appel aurait violé les articles 28, 30 et 37 du décret du 4 janvier 1955. Il convient alors de se demander si le bénéficiaire d’un pacte de préférence peut bénéficier d’une exécution forcée en nature de l’obligation de faire qui pèse sur le promettant en cas de méconnaissance par ce dernier de ce pacte. En d’autres termes, il convient de savoir si le bénéficiaire d’un pacte de préférence, dans l’hypothèse où le promettant décide de vendre le bien « promis » en priorité au bénéficiaire à un tiers sans le lui avoir proposé au préalable, peut se voir substituer dans les droits de l’acquéreur tiers et donc conclure le contrat de vente à sa place dans les conditions proposées par le débiteur à ce tiers acquéreur. La Cour de cassation, dans un arrêt de sa chambre mixte du 26 mai 2006, rejette le pourvoi des époux X et les condamne aux dépends en considérant que « si le bénéficiaire d'un pacte de préférence est en droit d'exiger l'annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d'obtenir sa substitution à l'acquéreur, c'est à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu'il a contracté, de l'existence du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir ». En l’espèce, il n'était pas démontré que la société Emeraude savait que Mme X avait l'intention de se prévaloir de son droit de préférence. La cour d'appel a donc exactement déduit de ce seul motif que la réalisation de la vente ne pouvait être ordonnée au profit de la bénéficiaire du pacte. Après avoir indiqué que la Cour de cassation, ayant opéré un revirement de jurisprudence, a cédé aux attentes de la doctrine en admettant le principe d’une exécution forcée en nature d’une obligation de faire (I), nous indiquerons qu’en réalité, le principe ne peut rencontrer la moindre application la faute à des conditions trop restrictives, du moins pour l’instant (II). I - L’exécution forcée en nature de l’obligation de faire doctrinalement désirée et finalement théoriquement née Nombreux sont les auteurs ayant critiqué la position constance de la jurisprudence qui refusait qu’un débiteur défaillant d’une obligation de faire puisse être forcé de l’exécuter en nature (A) mais aussi nombreux sont ceux qui se sont réjouis devant le revirement de jurisprudence opéré par la Haute juridiction et l’émergence d’un nouveau principe tant attendu (B). A. La frilosité d’une jurisprudence limitée à une indemnisation par équivalence et aux annulations vigoureusement et unanimement critiquée Le pacte de préférence est traditionnellement présenté comme étant le contrat par lequel une personne s’engage envers une autre, qui accepte, à ne pas conclure avec des tiers un contrat déterminé avant de lui en avoir proposé la conclusion, aux mêmes conditions. L’article 1101 du Code civil dispose que « Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose. » La jurisprudence a rangé le pacte de préférence dans les obligations de faire. Plus précisément, le promettant est débiteur d’une obligation de faire envers le bénéficiaire du pacte de préférence. En effet, le promettant doit proposer en priorité, c’est à dire, avant toute personne, la vente de l’immeuble faisant l’objet du pacte de préférence. L’obligation de faire a ceci de particulier vis à vis des autres types d’obligations que l’exécution forcée en nature est très difficile voire impossible. L’article 1142 du Code civil dispose en ce sens que « Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d'inexécution de la part du débiteur. » De telles dispositions s’expliquent par le fait qu’il est périlleux de forcer quelqu’un de faire ce qu’il n’est pas enclin à effectuer car on s’approche ici de la personne même, du respect de la personne, de la liberté individuelle et de la dignité humaine. Néanmoins, les obligations de faire voit leur inexécution sanctionnée par le versement de dommages et intérêts de la part du débiteur défaillant. La Haute juridiction a eu, à de nombreuses reprises, l’occasion de préciser et de délimiter une grande partie des règles juridiques entourant la notion de « pacte de préférence ». Ainsi, dans un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 12 mai 1992 , les juges estiment que le pacte de préférence oblige le promettant à conduire avec le bénéficiaire des pourparlers sérieux avant de se retourner vers un tiers mais déjà dans un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 22 décembre 1959, les juges estiment que la prescription ne court qu’à partir du moment où le bénéficiaire peut mettre son droit en œuvre (sauf lorsque les circonstances révèlent une intention, même tacite des parties, de ne conférer à cette obligation qu’un caractère personnel (Civ. 1ère. 24 février 1987)). En d’autres termes, tant que le promettant n’a pas manifesté sa volonté de vendre l’immeuble qui fait l’objet du pacte de préférence, la priorité conférée par ledit pacte au bénéficiaire est maintenue. Ces quelques éléments de définition et ces premiers arrêts de jurisprudences indiquent que le pacte de préférence est à considérer comme étant un avant contrat. Le pacte de préférence offre ainsi une grande ressemblance avec la promesse de vente ou plus précisément avec la promesse unilatérale de contracter (convention par laquelle un individu, le promettant, s’engage envers un autre qui l’accepte, le bénéficiaire, à conclure un contrat dont les conditions sont dès à présent déterminées si celui ci le lui demande dans un certain délai) et la promesse synallagmatique de contracter (deux cocontractants s’engagent l’un envers l’autre de conclure plus tard tel ou tel contrat). L’une des différences fondamentales à noter toutefois consiste en le fait que, dans le cadre d’un contrat de préférence, le promettant ne s’engage qu’à proposer en priorité la vente au bénéficiaire. La conclusion d’un contrat n’intervient qu’en cas d’acceptation du bénéficiaire de la proposition du promettant. Toujours à propos de la promesse de vente, l’article 1589 du Code civil dispose que « La promesse de vente vaut vente, lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix » Les juges ont été amené à se prononcer sur la question de l’exécution forcée d’une promesse de vente. Dans un célèbre arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 15 décembre 1993, les juges estiment que dans une promesse de vente, l'obligation du promettant constitue une obligation de faire, tant que les bénéficiaires n'ont pas déclaré acquérir et la levée d'option, postérieure à la rétractation du promettant, exclut toute rencontre des volontés et rejettent toute réalisation forcée de la vente se limitant à une indemnisation pécuniaire par équivalence. La doctrine, unanime, s’est élevée contre cette décision désirant l’exécution forcée en nature de la promesse de vente non honorée, c’est à dire, la substitution du bénéficiaire lésé dans les droits du tiers acquéreur. Par la suite et empruntant le même esprit, dans un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 30 avril 1997, les juges estiment qu’aux termes de l'article 1142 du Code civil, toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages-intérêts en cas d'inexécution de la part du débiteur. Une cour d’appel viole donc ce texte si elle considère que le bénéficiaire d'un pacte de préférence était substitué à l'acquéreur au motif que les droits de ce dit bénéficiaire sont opposables au tiers acquéreur dans la mesure où celui-ci a commis une fraude. La jurisprudence, durant de nombreuses années, à refusé la substitution du bénéficiaire aux droits du tiers acquéreur au titre de l’exécution forcée en nature du pacte de préférence. Ainsi, depuis un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 22 avril 1976, les juges estiment que les juges du fond peuvent déclarer nulle la vente d'un bien consentie au mépris d'un pacte de préférence dès lors qu'ils relèvent l'existence d'un concert frauduleux entre les parties à la vente ayant consisté à faire acquérir par l'une le bien litigieux, en vue de le céder à l'autre après avoir annihilé les effets du pacte de préférence en indiquant au bénéficiaire du droit de préférence un prix tel que celui-ci ne pouvait l'accepter. La Haute juridiction rajoute, dans un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 26 octobre 1982, que la nullité d'une vente consentie en violation d'un pacte de préférence ne peut être prononcée que si l'acquéreur a contracté dans des conditions frauduleuses, cette fraude impliquant la connaissance non seulement de la clause de préférence mais encore de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir. Ainsi, les juges de cassation se bornent à prononcer la nullité du contrat établit en méconnaissance d’un pacte de préférence en cas de fraude de la part du tiers acquéreur caractérisée par sa connaissance du pacte de préférence mais aussi par sa connaissance de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir. La Cour de cassation maintient sa position dans un arrêt de la troisième chambre civile du 10 février 1999 puisque les juges estiment que « ne donne pas de base légale à sa décision au regard de l'article 1142 du Code civil la cour d'appel qui, pour accueillir une demande en annulation d'une vente consentie en violation d'un droit de préférence et paiement de dommages-intérêts retient que la collusion frauduleuse doit entraîner la nullité de la vente sans rechercher au besoin d'office si le tiers acquéreur avait eu connaissance de l'intention du co -titulaire du droit de préférence de faire usage de son droit.» L'exécution forcée d'une promesse de vente comme celle d'un pacte de préférence se limitent à l'annulation du contrat litigieux et à l'octroi de dommages-intérêts au bénéficiaire lésé de la part du promettant mais en aucun cas par la substitution du bénéficiaire au tiers-acquéreur. Cette solution a été retenu dans d'autres domaines dans lesquels le pacte de préférence peut intervenir. Ainsi, dans un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 27 mai 1986, les juges estiment que le refus des dirigeants sociaux de déférer à la décision leur prescrivant de céder leurs parts ou actions entraîne seulement " la caducité du plan ", sans permettre que soit poursuivie l'exécution forcée de la cession. De la même façon que développé précédemment, dans un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 7 mars 1989, les juges estiment que toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages-intérêts en cas d'inexécution de la part du débiteur . Dès lors, encourt la cassation l'arrêt qui, après avoir reconnu la validité du droit de préemption conféré à des actionnaires d'une société anonyme en cas de transfert de la propriété des actions en vertu d'un pacte de préférence passé avec d'autres actionnaires, a mis à néant les conventions par lesquelles ces derniers avaient accordé à un tiers des options d'achat irrévocables lui permettant d'acquérir le contrôle de la société et a ordonné la substitution des actionnaires bénéficiaires du droit de préemption à ce tiers dans la propriété des actions, sans retenir que l'acquisition des titres de la société faite par le tiers résultait d'une collusion frauduleuse entre cédants et cessionnaire . B. L’émergence d'une nouvelle modalité d'exécution forcée des obligations de faire : l'exécution forcée en nature « Si le bénéficiaire d'un pacte de préférence est en droit d'exiger l'annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d'obtenir sa substitution à l'acquéreur, c'est à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu'il a contracté, de l'existence du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir». Tel est l'attendu de principe de la Cour de cassation dans son arrêt rendu par sa chambre mixte du 26 mai 2006. De prime abord, un véritable revirement jurisprudentiel semble avoir été opéré par la Haute juridiction. Certaines obligations de faire peuvent faire l'objet d'une exécution forcée en nature. Plus précisément, les pactes de préférence peuvent faire l'objet d'une exécution forcée en nature en ce sens qu'un bénéficiaire lésé par un promettant défaillant qui ne l'aurait pas consulté pour lui proposer en priorité la vente et qui aurait conclu avec un tiers, peut se voir substituer dans les droits du tiersacquéreur. Ainsi, le bénéficiaire peut contracter avec le promettant dans les conditions déterminées à l'origine entre ce dernier et le tiers-acquéreur. La solution apportée par la Cour de cassation dépasse le seul cadre des ventes d'immeuble puisque l'attendu de principe ne comporte pas de référence permettant de le rattacher à ce domaine. On peut donc en déduire que ladite solution peut s'étendre au droit des sociétés et plus particulièrement à la situation, comme décrite précédemment par des arrêts de jurisprudence à ce sujet, de présence d'un pacte de préférence ou d'un droit de préemption dans le cadre de cessions de parts sociales ou d'actions voire dans d'autres avant-contrats que ceux de vente. La Cour de cassation ne vise aucun article et plus particulièrement l'article 1142 du Code civil. L'obligation qu'à le promettant de proposer en priorité la vente au bénéficiaire du pacte est toujours considérée comme étant une obligation de faire. La Haute juridiction admet enfin même si elle l'avait fait dans certains domaines auparavant que l'exécution forcée en nature des obligations de faire est possible, elle qui l'avait tant de fois et tant de temps refusée. Non seulement, la Cour de cassation permet toujours au bénéficiaire lésé de se voir octroyer des dommages-intérêts de la part du promettant défaillant ainsi que d'obtenir l'annulation du contrat conclut entre le promettant et le tiers-acquéreur alors que par définition; il est lui même un tiers à ce contrat et que l'article 1134 dans son alinéa 2 dispose que « Elles [les conventions] ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise » s'applique en posant le principe de la relativité des conventions selon lequel, entre autres, les tiers ne peuvent devenir créanciers ou débiteurs en raison d'un contrat auquel il ne sont pas parties, mais elle permet désormais au bénéficiaire de venir se substituer au tiers-acquéreur pour conclure le contrat avec le promettant. Ainsi, s'offre à tous les bénéficiaires lésés une possibilité supplémentaire dans l'éventail des modalités d'exécution forcée : l'exécution forcée en nature. La solution adoptée contrevient donc à l'article 1142 du Code civil. La substitution s'analyse en comme l'une des exécutions forcées en nature de l'obligation de faire contenue dans le pacte de préférence car si le promettant n'avait pas été défaillant, il aurait proposé la vente au bénéficiaire. En cas d'acceptation de ce dernier, le contrat de vente aurait été conclu. La substitution du bénéficiaire aux droits du tiers-acquéreur ne s'opère pas de plein droit encore faut il qu'il accepte les conditions convenues à l'origine entre le promettant et le tiers-acquéreur. De plus, cette substitution est d'autant moins de plein droit qu'il est nécessaire que le bénéficiaire en fasse la demande en justice. En effet, le bénéficiaire peut avoir renoncé à son droit, ne pas être satisfait des conditions prévues à l'origine entre le promettant et le tiers-acquéreur ou encore se contenter de l'octroi de dommages-intérêts. Ainsi, le bénéficiaire lésé peut demander soit simplement des dommages-intérêts, soit l'annulation et la substitution voire l' annulation sans la substitution si le bénéficiaire ne désire pas être substitué ni voir le tiers-acquéreur conclure la vente. Dans la mesure où la Cour de cassation considère que le bénéficiaire est «en droit» d'obtenir la substitution, si ce dernier remplit les conditions pour l'obtenir, le juge ne peut le lui la refuser. Pour expliquer la substitution, certains auteurs indiquent que le promettant a fait preuve d'une volonté mal orientée et qu'une fois que le tiers-acquéreur de mauvaise foi a été écarté, le promettant ayant manifesté sa volonté ou plutôt une volonté de vendre, le droit du bénéficiaire en vertu du pacte de préférence peut déployer son effet. Si le bénéficiaire accepte la proposition, le contrat de vente est formé. L'originalité de l'arrêt, outre sa portée, va même au delà. En effet, avant même d'envisager la substitution du bénéficiaire aux droits du tiers-acquéreur, il faut envisager l'annulation du contrat entre le promettant et ce dit tiers. Comment le bénéficiaire peut il se substituer aux droits du cocontractant si le contrat n'existe plus parce qu'annulé ? Le consentement étant la base même du droit des contrats, comment peut on envisager la formation d'un contrat entre un promettant qui n'a justement pas honoré sciemment sa promesse en méconnaissant le pacte de préférence et qui ne consent plus à contracter avec le bénéficiaire ? Ce n'est plus tant une exécution forcée mais bel et bien un contrat forcé dont on serait en présence ici. Les questions restent posées mais la réponse importe peu en réalité. Il semble, en effet, à la lecture de la seconde partie de l'attendu de principe, qu'en subordonnant la substitution du bénéficiaire aux droits du tiers-acquéreur, à la preuve d'une mauvaise foi de la part du dit tiers, que la Cour de cassation s'est arrêtée en chemin dans la reconnaissance du principe en jeu. S'il est affirmé en principe, son application semble impossible ou pour le moins on ne peut plus difficile. II - L’exécution forcée en nature de l’obligation de faire concrètement et actuellement morte née La réjouissance fut de courte durée devant les conditions apportées par la Haute juridiction à l’application du principe qu’elle venait de dégager et qui rend ce dernier quasi inopérant (A) du moins en l’état actuel du droit (B). A. Deux conditions quasiment insurmontables empêchant la viabilité du revirement jurisprudentiel opéré « Si le bénéficiaire d'un pacte de préférence est en droit d'exiger l'annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d'obtenir sa substitution à l'acquéreur, c'est à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu'il a contracté, de l'existence du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir ». Pendant de nombreuses années, la Cour de cassation a refusé d'admettre la substitution d'un bénéficiaire lésé aux droits d'un tiersacquéreur au titre de l'exécution forcée de l'obligation du promettant puisqu'à obligation de faire, exécution forcée en nature impossible. Seule l'octroi de dommages-intérêts et l'annulation du contrat litigieux était possible. L'annulation, plus précisément, était subordonnée à la preuve d'une fraude ou collusion frauduleuse démontrée impliquant la connaissance non seulement de la clause de préférence mais encore de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir. Ces conditions particulièrement difficiles à remplir, obstacles dans de nombreux cas à l'annulation, ont été étendu au cas de la substitution rendant cette dernière quasi impossible au grand désespoir de la doctrine qui avait tant espérée... Pour obtenir non seulement l'annulation mais aussi la substitution aux droits du tiers-acquéreur, le bénéficiaire doit prouver une fraude dans le cas de l'annulation et dans le cas de la substitution une mauvaise foi de la part du tiers. Les conditions sont les mêmes : le bénéficiaire doit prouver que le tiers avait connaissance du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir. La première condition ne semble pas tant soulever de difficultés. En effet, le fait que le bénéficiaire est titulaire d'un droit de préemption dans l'hypothèse où l'immeuble en question viendrait à être vendu par le promettant doit être renseigné au registre de la Conservation des hypothèques pour se prévaloir de toute action de la part de tiers. Cette inscription à ce registre légal est facultative et non obligatoire. Ainsi, dans un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 16 mars 1993, les juges estiment qu'un pacte de préférence qui s'analyse en une promesse unilatérale conditionnelle ne constitue pas une restriction au droit de disposer soumise à une publicité obligatoire en application du décret du 4 janvier 1955 sur la publicité foncière. Rien n'impose au bénéficiaire de le notifier d'où l'étonnement de certains auteurs d'autant plus qu'en cas d'acquisition immobilière, l'intervention d'un notaire, officier ministériel, devrait vider de sens cette condition. Si l'inscription au registre de conservation des hypothèques a été faite, le notaire doit en avoir pris connaissance à peine d'engager sa responsabilité délictuelle. Il n'est que dans les cas où l'inscription au registre n'a pas été effectué que cette condition semble pouvoir jouer. La seconde condition, celle de démontrer que le tiers-acquéreur connaissait l'intention du bénéficiaire de se prévaloir de son droit, fait, elle, couler beaucoup d'encre. Cette preuve semble impossible car psychologique et relevant de l'état d'esprit d'une personne. Non seulement, le bénéficiaire doit prouver qu'au moment de l'acte litigieux, il avait l'intention de faire valoir son droit ou qu'il n'y avait pas renoncé mais aussi que le tiers a connu cette intention. . Or, en l'espèce, lorsque le promettant défaillant a conclu avec le tiers-acquéreur, il n'a pas informé au préalable le bénéficiaire. Comment pouvait il avoir l'intention de se prévaloir d'un droit alors qu'il ignorait tout de la situation du promettant ? Comment le tiers pouvait il connaître cette intention, qui elle même, n'existe pas parce qu'elle ne peut pas exister. Enfin, rappelons le, selon un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation du 22 décembre 1959, tant que le promettant n'a pas fait connaître sa décision de vendre, le bénéficiaire du pacte de préférence est dans l'impossibilité absolue d'exercer ses droits et, en conséquence, la prescription ne court pas contre lui. Comment le bénéficiaire pouvait il avoir l'intention de se prévaloir d'un droit qu'il croyait, du fait du promettant défaillant, ne pas pouvoir exercer ? Pour connaître l'intention du bénéficiaire, le promettant devrait mettre en demeure le bénéficiaire d'exercer son droit s'il est intéressée. Or, en l'espèce, le promettant est défaillant donc il ne le fera pas. Le bénéficiaire devrait alors signifier son intention par des actes conservatoires alors que rien ne l'y oblige. En toute vraisemblance, la Cour de cassation semble s'être arrêtée au stade du principe en rendant impossible ou presque, l'application du revirement jurisprudentiel qu'elle a opéré. Peut être a t-elle fait preuve de précipitation ou d'anticipation ? Peut être qu'une réelle substitution du bénéficiaire aux droits d'un tiers-acquéreur reste possible ? Peut être est ce pour demain ? B. Vers une résurrection possible, pleine et entière de l’exécution forcée en nature des obligations de faire Dans un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 14 février 2007, la Cour de cassation reprend son désormais célèbre attendu de principe. Tout d'abord, les juges considèrent que le pacte de préférence était opposable au tiers acquéreur d'un immeuble. De plus, le bénéficiaire d'un pacte de préférence est en droit d'exiger l'annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d'obtenir sa substitution à l'acquéreur, à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu'il a contracté, de l'existence du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir. La cour d'appel, qui a souverainement retenu que le tiers acquéreur avait eu connaissance du pacte ainsi que de la volonté du bénéficiaire substitué d'acquérir l'immeuble, a légalement justifié sa décision annulant la vente. La Cour de cassation si elle reprend le même attendu de principe et prononce l'annulation du contrat litigieux, elle ne prononce pas pour autant la substitution alors que les conditions exigées étaient remplies sans doute parce qu'elle n'a pas été demandé par le bénéficiaire lésé. Voilà un exemple qui indique que la substitution n'est pas de plein droit et doit faire l'objet d'une demande de la part du bénéficiaire. Si le revirement de jurisprudence opéré par la Cour de cassation dans son arrêt du 26 mai 2006 n’apparaît pas surprenant au regard de la levée de boucliers de la doctrine au lendemain de l’arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 15 décembre 1993 mais également à bien d’autres reprises, il l’est d’autant que la solution adoptée par les juges semble tout droit inspirée par les dispositions de l’avant projet de réforme du droit des obligations qui n’a finalement pas vu le jour. En effet, l’article 1154 de ce projet, remplaçant l’actuel article 1142 et en contravention avec ce dernier disposait « l'exécution de faire s'exécute si possible en nature. Son exécution peut être ordonnée sous astreinte ou un autre moyen de contrainte, sauf si la prestation attendue a un caractère éminemment personnel». Le principe envisagé était donc l'exécution forcée en nature des obligations de faire. Sans le nommer expressément, la Cour de cassation aurait fait application de ce principe par anticipation. La limite du respect de la liberté individuelle est néanmoins toujours affirmée mais cette fois ci expressément pour nuancer ce principe. Dans le même esprit, l’article 1369 de ce même projet disposait que : « Lorsque le juge ordonne une mesure de réparation en nature, celle-ci doit être spécifiquement apte à supprimer, réduire ou compenser le dommage. » L’article 1106 alinéa 2 et 3, relatif à la promesse de vente, disposait lui que : « « La rétractation du promettant pendant le temps laissé au bénéficiaire pour exprimer son consentement ne peut empêcher la formation du contrat promis ; Le contrat conclu avec un tiers est inopposable au bénéficiaire de la promesse, sous réserve des effets attachés aux règles assurant la protection des tiers de bonne foi ». L'article s'oppose donc à la solution de la Cour de cassation, vivement critiquée, adoptée en 1993. Le mécanisme de substitution, même s'il n'est pas désigné comme tel, semble permettre de dire que les promesses de vente pouvaient faire l'objet d'une exécution forcée en nature. L'exigence de prouver la mauvaise foi du tiers-acquéreur reste de mise mais paraît moins contraignante que les conditions posées par la Haute juridiction dans l'arrêt commenté. L’article 1106-1 relatif, lui, au pacte de préférence, dans son dernier alinéa disposait « « le contrat conclu avec un tiers est inopposable au bénéficiaire de la préférence, sous réserve des règles assurant la protection des tiers de bonne foi » On devine, derrière ces dispositions, le mécanisme de la substitution. La protection du tiers-acquéreur de bonne foi est toujours indiquée. La Cour de cassation aurait ainsi fait usage de cet article qui n'était qu'un projet à l'époque et désormais plus qu'un souvenir. Rien n'empêche de penser que dans le cadre d'un éventuel projet de réforme du droit des obligations, les mêmes mécanismes ne soient repris permettant d'éclaircir la solution posée par l'arrêt du 26 mai 2006. De plus, dans le cadre des principes européens des contrats et plus particulièrement, avec l'article 9: 102, il est prévu, sous quelques exceptions il est vrai, que « (1) Le créancier d'une obligation autre que de somme d'argent a droit d'exiger l'exécution en nature, y compris la correction d'une exécution défectueuse. (2) Toutefois, l'exécution en nature ne peut être obtenue lorsque(a) l'exécution serait impossible ou illicite ; (b) elle comporterait pour le débiteur des efforts ou dépenses déraisonnables ; (c) elle consiste à fournir des services ou réaliser un ouvrage présentant un caractère personnel ou dépend de relations personnelles ; (d) ou le créancier peut raisonnablement obtenir l'exécution par un autre moyen. (3) Le créancier est déchu du droit à l'exécution en nature s'il manque à la demander dans un délai raisonnable à partir du moment où il a eu, ou aurait dû avoir, connaissance de l'inexécution. » Dans le cadre des principes Unidroit et plus particulièrement de l'article 7 - 2 - 2 alinéa 1, là encore, sous réserve de nombreuses exceptions, il est prévu, « qu'à défaut par le débiteur de s’acquitter d’une obligation autre que de somme d’argent, le créancier peut en exiger l’exécution, sauf lorsque: a) l’exécution est impossible en droit ou en fait; b) l’exécution ou, s’il y a lieu, les voies d’exécution exigent des efforts ou des dépenses déraisonnables; c) le créancier peut raisonnablement en obtenir l’exécution d’une autre façon; d) l’exécution présente un caractère strictement personnel; ou e) le créancier n’exige pas l’exécution dans un délai raisonnable à partir du moment où il a eu, ou aurait dû avoir, connaissance de l’inexécution. Tant en droit interne qu'en droit de l'Union européen, la consécration, sous certaines réserves, du principe selon lequel l'exécution forcée en nature des obligations de faire et qui avait guidé la solution de la Cour de cassation dans l'arrêt du 26 mai 2006 ne semble pas impossible dans un avenir plus ou moins proche. Certains auteurs, sur le fondement de l'article 1134, alinéa 3, du code civil, envisagent plutôt que la solution adoptée par la Cour de cassation, une obligation de renégocier prioritairement avec le bénéficiaire qui pourrait ainsi s'aligner sur le prix proposé par le tiers plutôt donc que la substitution pure et simple. La question de savoir s'il est possible pour des parties, par une stipulation expresse, d'écarter la substitution forcée reste également entière.