LIONEL ZINSOU « L`AFRIQUE EST L`AFRIQUE EST EN TRAIN DE

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LIONEL ZINSOU « L`AFRIQUE EST L`AFRIQUE EST EN TRAIN DE
Afrique Méditerranée
A M B LE MAGAZINE DES ÉCONOMIES ET DES ENTREPRISES ÉMERGENTES
CAMEROUN
LE RÉVEIL DE DOUALA
UN DOSSIER SPÉCIAL
DE 22 PAGES
ÉNERGIE ALGÉRIE,
LA FIN DU PÉTROLE ?
TUNISIE
UNE ÉCONOMIE
MINÉE PAR L’INFORMEL
PÊCHE LE SÉNÉGAL
VEUT SAUVER SES FONDS
DUBAÏ LA BATAILLE
DES COUSINS AL FUTTAIM
CITÉ
TRÈS CHÈRE LUANDA
INTERVIEWS
YÉRIM SOW
ALAMI LAZRAQ
JEAN-FRANCOIS LISÉE
PERRIAL JEAN NYODOG
FRÉDÉRIC MVONDO
BANQUES RISQUES
SYSTÉMIQUES SUR LA ZONE
CONJONCTURE
2014, ANNÉE FASTE
POUR LE SUD...
LIONEL ZINSOU
« L’AFRIQUE EST
EN TRAIN DE FAIRE
SA REVOLUTION »
France 6 €
6 – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 300 DA – Allemagne 6,90 – Allemagne 6,90 € – Autriche 6,90 – Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 – Belgique 6,90 € – Canada 9,95 $C
DOM 6,60 € –
DOM 6,60 – Espagne 6,90 Espagne 6,90 € – États-Unis 9,95 $ – Grèce 6,90 Grèce 6,90 € – Italie 6,90 – Italie 6,90 € – Luxembourg 6,90 6,90 € – Maroc 39 DH – Pays-Bas 6,90 – Pays-Bas 6,90 € – Portugal
cont. 6,90 € –
cont. 6,90 – Royaume-Uni 5,80 £ – Suisse 11 FS – TOM 1 500 F CFP – Tunisie 5 DT – Zone CFA 3 200 F CFA ISSN 2265-6855
LEADERS
HONNEUR
AUX FEMMES !
PORTRAIT
MARISSA MAYER,
À LA RESCOUSSE
DE YAHOO
N° 3 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013 - JANVIER 2014
M 04557 - 3 - F: 6,00 E - RD AI
’:HIKOPF=\U[UUZ:?a@k@a@n@a"
Afrique Méditerranée
A M B LE MAGAZINE DES ÉCONOMIES ET DES ENTREPRISES ÉMERGENTES
TUNISIE UNE ÉCONOMIE
MINÉE PAR L’INFORMEL
CAMEROUN
LE RÉVEIL DE DOUALA
UN DOSSIER SPÉCIAL DE 22 PAGES
BANQUES
RISQUES SYSTÉMIQUES
SUR LA ZONE
PÊCHE LE SÉNÉGAL
VEUT SAUVER SES FONDS
DUBAÏ LA BATAILLE
DES COUSINS AL FUTTAIM
CITÉ TRÈS CHÈRE LUANDA
ALGÉRIE
LA FIN DE L’ERE
PETROLIERE ?
RÉSERVES, GESTION DE LA MANNE,
SONATRACH : UNE ENQUÊTE EXCLUSIVE
SUR LES ENJEUX DU SECTEUR
France 6 6 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 300 DA – Allemagne 6,90 – Allemagne 6,90 € – Autriche 6,90 – Autriche 6,90 €
Belgique 6,90 € – Canada 9,95 $C DOM 6,60 € –
Belgique 6,90 DOM 6,60 – Espagne 6,90 €
Espagne 6,90 – États-Unis 9,95 $ – Grèce 6,90 Grèce 6,90 € - Italie
6,90 € – Luxembourg 6,90 6,90 6,90 € – Maroc 39 DH – Pays-Bas 6,90 – Pays-Bas 6,90 € – Portugal cont. 6,90 cont. 6,90 € –
– Royaume-Uni
5,80 £ – Suisse 11 FS – TOM 1 500 F CFP – Tunisie 5 DT – Zone CFA 3 200 F CFA ISSN 2265-6855
INTERVIEWS
ALAMI
LAZRAQ
LIONEL ZINSOU
YÉRIM SOW
JEAN-FRANCOIS LISÉE
PERRIAL JEAN NYODOG
CONJONCTURE
2014, ANNÉE FASTE
POUR LE SUD...
LEADERS
HONNEUR
AUX FEMMES !
PORTRAIT
MARISSA MAYER,
ÀLA RESCOUSSE
DE YAHOO
N° 3 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013 - JANVIER 2014
M 04557 - 3 - F: 6,00 E - RD M
’:HIKOPF=\U[UUZ:?a@k@a@n@a"
RENCONTRES & REPORTAGES
Yérim Sow
« Nous devons
nous arrimer à la
mondialisation »
FONDATEUR ET PRÉSIDENT DU GROUPE TEYLIOM
Fortuné, très discret, très ambitieux, il est l’une des figures de proue
du nouveau capitalisme africain. Télécoms, immobilier, banque, hôtellerie,
Yérim Sow a construit son propre groupe et investit dans l’avenir.
Entretien exclusif sur la stratégie de son entreprise.
propos recueillis par Zyad Limam
L
e fondateur de la société Teyliom, fils de l’entrepreneur Aliou Sow
(fondateur de la Compagnie sahélienne d’entreprise, CSE), est un
touche-à-tout surdoué. Après ses réussites dans les télécoms, la finance,
l’immobilier, il s’attaque aujourd’hui à l’hôtellerie, avec un objectif d’investissement de plus de 300 millions d’euros. Ce « quadra » efficace, qui
évite toute forme de médiatisation, se méfiant des images, incarne une
nouvelle génération d’entrepreneurs.
AMB : Vous êtes particulièrement discret, vous cultivez une
forme de mystère et vous vous exprimez rarement en public.
Est-ce par tempérament ou pour protéger vos entreprises ?
Dans notre époque marquée par la mondialisation et la globalisation, l’ouverture et la communication
sont une nécessité. Nous considérons tout de même qu’il faut rester prudent, donc qu’il ne faut communiquer que lorsque cela est nécessaire. Je reconnais que je suis plutôt réservé du fait de ma nature
et de mon éducation. Mais nous ne sommes pas absents au niveau de la communication : la politique
en la matière au sein du groupe Teyliom est dynamique et cible surtout nos clients, nos partenaires
ainsi que nos collaborateurs. Nos activités et nos états financiers sont largement commentés et publiés
à travers notre plaquette annuelle. Enfin, nous venons de finaliser la refonte de nos sites Internet. ■ ■ ■
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Afrique Méditerranée Business
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NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013 - JANVIER 2014
ILLUSTRATION : MARIE-CLAIRE BIARD POUR AMB
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013 - JANVIER 2014
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Afrique Méditerranée Business
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RENCONTRES & REPORTAGES
Yérim Sow
On a du mal à définir le périmètre
de votre holding, Teyliom, ainsi que votre
stratégie globale…
■■■
REPÈRES
2005
Vente de sa société
ivoirienne Loteny
Télécoms au géant
sud-africain MTN pour
un montant
de 76 millions d’euros.
2009
Inauguration officielle
en octobre de
l’hôtel de luxe
Radisson Blu Dakar,
géré par le groupe
Rezidor.
2011
Création en juillet
d’Inaugure Hospitality
Group, véhicule
d’investissement
pour le secteur
hôtelier en Afrique.
2013
Changement
de nom symbolique
pour la holding
Teylium (fondée
en 2001), qui
devient Teyliom.
Cette modification
s’accompagne
d’un changement
d’identité visuelle
et de signature
(« L’empreinte du
futur » est remplacé
par « Tomorrow is
now »).
C’est un groupe présent dans divers secteurs
d’activité en Afrique de l’Ouest et plus récemment
en Afrique centrale. Je l’ai créé et je le dirige avec
des cadres fermement convaincus des potentialités de croissance de notre continent. Notre
ambition est d’être un acteur majeur pour accompagner l’avenir économique des pays africains,
chaque fois que les circonstances et les autorités
publiques nous le permettent. Jusqu’en juillet
2005, notre principal placement était dans la téléphonie mobile, à travers la société Télécel Côte
d’Ivoire que nous détenions majoritairement.
Nous avons alors cédé notre participation au
groupe MTN. Cela nous a permis d’entreprendre
une diversification de nos activités, l’objectif étant
de répondre aux insuffisances dans notre sousrégion en matière d’infrastructures et de services.
À partir donc de 2006, nous avons investi
dans l’immobilier de bureaux et résidentiel dans
les segments haut de gamme, moyen standing et
modéré. Nous avons également investi dans la
banque et les services financiers à travers notre
holding Bridge Group West Africa présente en
Côte d’Ivoire et très bientôt au Sénégal. Nous
sommes aussi actifs dans l’hôtellerie. Ainsi, le
Radisson Blu de Dakar est le premier établissement du pôle hôtelier que nous sommes en train
de constituer. Nous avons également construit
le premier et jusqu’à présent l’unique mall sénégalais de dimension internationale, le Sea Plaza,
dans la capitale lui aussi, qui vient d’être élu
meilleur centre commercial en Afrique subsaharienne, hors Afrique du Sud.
On dit de vous que vous êtes un « homme
d’affaires », un « homme de coup », plus
qu’un entrepreneur. Êtes-vous d’accord
avec cette définition ?
Évidemment non ! Les investissements réalisés par notre groupe le sont à long terme. À l’exception de notre sortie du secteur des télécoms,
nous projetons toujours nos investissements
dans la durée et de préférence en étant actionnaire majoritaire ou de référence. Maintenant,
quel est le dirigeant d’entreprises ou l’opérateur
économique qui refuserait une opportunité intéressante qui se présente à lui ? Je pense que vous
répondrez aisément à cette question à ma place…
Vous êtes un « fils de » puisque votre père,
Aliou Sow, est un patron et un entrepreneur
important et reconnu. Est-ce un avantage,
une difficulté, ou les deux ?
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Afrique Méditerranée Business
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Ma filiation est bien sûr une chance. C’est
un grand avantage pour moi, et j’en remercie le
Tout-Puissant ainsi que mes parents. L’éducation
qu’ils ont donnée à leurs enfants, faite de rigueur,
de sacrifices, de solidarité sociale, dans le culte
du travail bien fait, a naturellement rejailli sur
mes activités. Ce que j’accomplis n’est d’ailleurs
que le prolongement de ce que mon père a bâti
au Sénégal et dans la sous-région. Je continue à
consulter régulièrement mes parents dans toutes
les grandes décisions à prendre, et leurs conseils
me sont d’une grande utilité.
Les portraits que l’on fait de vous sont
souvent assez durs. On vous dit
« impitoyable », « calculateur », « froid »,
« distant ». Vous reconnaissez-vous dans
ces descriptions ?
Encore une fois, je pense que ces qualificatifs
viennent de ceux qui ne me connaissent pas. J’ai
plutôt été éduqué dans le respect d’autrui et avec
un esprit de solidarité. Compte tenu de ma nature
réservée – certainement un héritage paternel –,
cela peut effectivement être parfois mal interprété. Ceux qui me connaissent savent que j’aime
passer du temps en famille et avec mes amis.
La plupart des structures de votre groupe
sont installées hors d’Afrique, en Suisse, à
l’île Maurice, en Espagne. Est-ce par besoin
de discrétion ? Par nécessité d’optimisation
fiscale et économique ?
Le groupe Teyliom, je le répète, investit en
Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Pour
tenir compte de notre organisation optimale en
unités commerciales, ou business units, il est
enregistré à l’île Maurice. Il détient de manière
majoritaire soit des holdings sous-régionales, soit
directement des sociétés locales.
Notre organisation est basée sur une totale
transparence. Pour vous en donner une illustration, de notre propre gré et donc sans aucune
obligation ou contrainte, nous avons opté dès
2005 pour l’établissement de comptes consolidés
du groupe conformes aux normes internationales
d’information financière (IFRS). Les spécialistes
de la question connaissant bien les fortes exigences de rigueur et de transparence totale liées à
ces standards comptables comprendront aisément
les valeurs que notre groupe cultive en matière
d’éthique de gestion. Et si je ne me trompe, dans
la région, nous sommes le seul groupe diversifié
à le faire. Nos partenaires le savent et reçoivent,
spontanément ou à la demande, nos états financiers certifiés par l’une des quatre grandes firmes
mondiales d’audit.
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013 - JANVIER 2014
Vous avez fait fortune en prenant à ses
débuts la vague de la téléphonie mobile.
Comment voyez-vous l’avenir de ce
secteur ? Est-il toujours porteur ?
ALAIN BIFFOT - DR
La téléphonie mobile en Afrique a encore
une marge de progression réelle. Même si certains pays ont dépassé un taux de pénétration de
80 %, la moyenne au niveau du continent tourne
autour de 50 %. L’Afrique reste d’ailleurs le continent au plus fort potentiel. Toutefois, la concentration va s’accélérer et les opérateurs auront à
faire face aux challenges du renouvellement des
licences 2G, de l’acquisition des licences 3G et 4G,
et de l’optimisation des coûts d’exploitation conséquents aux baisses de tarifs.
À mon avis, seuls les très grands groupes
pourront suivre les contraintes du marché et
des régulateurs nationaux. Pour ce qui nous
concerne, nous n’investissons plus dans la téléphonie. Actuellement, notre seule activité dans
ce secteur est notre participation dans MTN Côte
d’Ivoire qui fait moins de 10 %.
Vous avez beaucoup investi dans
l’immobilier : le Sea Plaza, le Radisson Blu,
l’immeuble Trilenium, la Rivonia Tower…
Peut-on parler d’une activité d’avenir ?
Avez-vous de nouveaux projets ?
Nous estimons que toute la partie subsaharienne du continent, à l’exception de l’Afrique du
Sud, souffre d’un énorme déficit dans ce secteur.
D’une part, l’immobilier de bureaux est soit vieil-
lissant, soit insuffisant. D’autre part, l’immobilier
résidentiel, toutes catégories confondues, n’a pas
suivi le développement et la croissance des capitales africaines. Nous travaillons actuellement
sur trois projets majeurs, au Sénégal dans le logement économique et social, et en Côte d’Ivoire
dans le moyen et le haut standing. Le démarrage
des travaux est prévu au premier trimestre 2014.
Une des grandes
réalisations du
groupe : le Sea Plaza,
élu meilleur centre
commercial d’Afrique
subsaharienne.
Vous projetez de mobiliser 507 millions
de dollars d’investissement dans l’hôtellerie
africaine. Nombre d’experts estiment
d’ailleurs que c’est un secteur extrêmement
porteur. Mais n’y a-t-il pas trop de projets
dans ce domaine ?
Nous avons lancé en 2011 une étude sur ce
marché dans une quinzaine de pays en Afrique
de l’Ouest et en Afrique centrale. Elle a été mise
à jour en juillet 2013 étant donné que de ■ ■ ■
À mon avis,
seuls les très
grands groupes
télécoms pourront
suivre les contraintes
du marché et des
régulateurs nationaux.
La concentration
va s’accélérer.
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013 - JANVIER 2014
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Afrique Méditerranée Business
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RENCONTRES & REPORTAGES
Yérim Sow
nombreux projets étaient dans les cartons
en 2011. Les conclusions sont les mêmes que pour
le secteur de l’immobilier : d’abord, les hôtels sont
vieillissants et ne répondent plus à l’évolution
technologique ni aux règles environnementales.
Ensuite, il y a une capacité insuffisante dans la
plupart des grandes capitales africaines. Enfin,
la qualité de service n’est pas satisfaisante et le
personnel n’est pas assez formé.
Le plan d’investissement de Inaugure Hospitality est certes ambitieux mais il est bâti sur
une phase de dix ans. Vous noterez au passage
que cette vision mûrement réfléchie est aux antipodes de celle d’un « homme de coup »…
■■■
vestissement privé, surtout à la faveur du « moins
d’État, mieux d’État » appliqué par les autorités
monétaires et de tutelle. Mais il appartient également aux entrepreneurs africains d’améliorer
leur organisation et leur gouvernance et de se
rendre éligibles au financement bancaire. De leur
côté, il faut aussi que les banquiers prennent un
peu plus de risques dans leurs activités, notamment celle du soutien de l’investissement. Enfin,
nos États devraient parfaitement jouer leur rôle
de régulateur en assurant aux banques un environnement juridique protecteur.
Vous êtes proche du Sénégal et de la
Côte d’Ivoire. Êtes-vous un défenseur de
l’intégration régionale ?
Ces deux pays sont ceux de mes
origines. J’y ai passé une grande partie
de ma jeunesse. Ils concentrent 95 %
des investissements du groupe Teyliom
et représentent les deux marchés les
plus importants d’Afrique de l’Ouest.
Le Sénégal et la Côte d’Ivoire sont
les moteurs de l’intégration sousrégionale. Cela est très important
pour nos populations afin qu’elles
puissent vivre dans une zone stable et
circuler librement, mais aussi pour nos
économies en favorisant les échanges
de capitaux et de marchandises.
L’Afrique est-elle vraiment
le continent de demain, et quels
sont ses handicaps et atouts ?
Par le biais de Teyliom Finance, vous
êtes également présent dans le secteur
bancaire. Quel est votre regard sur
celui-ci ? Pensez-vous que les banques
appuient comme elles le devraient
les entrepreneurs africains ?
En Afrique subsaharienne, le besoin et la
demande sont forts tant au niveau de la bancarisation des populations qu’au niveau du soutien à apporter aux entrepreneurs africains et
plus généralement au tissu économique. Selon
moi les banques ont beaucoup évolué dans leur
approche, leur soutien et leur contribution à l’in-
Toute la zone subsaharienne
souffre d’un immense déficit
immobilier, que cela soit pour
le résidentiel ou pour les bureaux.
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Afrique Méditerranée Business
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Elle est certes considérée comme
le continent sur lequel la plus forte croissance
économique sera enregistrée dans les prochaines
années. Mais son image demeure altérée par le
niveau global de pauvreté et la récurrence des
conflits. De plus, elle est encore peu présente dans
le développement industriel et l’innovation technologique, tandis que ses entreprises manquent
de compétitivité dans un environnement où le
commerce intra-africain est encore très faible.
Et puis, le milieu institutionnel constitue parfois
un handicap. En termes de secteurs à développer,
l’agro-industrie constitue à mon avis le plus porteur de croissance et de développement dans les
années à venir, mais il faudra tout de même de
profondes réformes institutionnelles pour favoriser son essor.
Mais la mondialisation est-elle
réellement une chance ? Sommes-nous
capables de défendre nos intérêts ?
Nous n’avons pas le choix ! L’Afrique et les
Africains devront s’arrimer à la mondialisation.
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DR
La piscine du
Radisson Blu à Dakar,
établissement haut
de gamme situé
en bord de mer.
Celle-ci n’est pas une menace. C’est à
nous d’être à la fois ouverts et créatifs
afin d’attirer les investissements tout en
protégeant nos intérêts, et de valoriser
davantage nos ressources pour le bienêtre de nos populations.
Croyez-vous à la réalité d’un
marché panafricain ?
Concentrons-nous d’abord pour créer
de véritables marchés sous-régionaux,
ensuite les choses se feront petit à petit.
Quels devraient être les
domaines fondamentaux
d’intervention pour l’État africain
« post-indépendance » ?
Les indépendances datent des
années 1960, soit il y a plus de 50 ans.
On devrait donc ne plus avoir à se
référer aux urgences de cette période.
Pourtant, la plupart des priorités de l’époque sont
encore d’actualité puisqu’elles n’ont été résolues
que partiellement ou alors parce qu’elles ont été
prises en charge sur des bases fragiles. Ainsi,
pour moi, le plus grand défi de notre continent
reste l’emploi des jeunes. Pour cela, il n’y a pas de
secret. Il faut un cadre macroéconomique stable
et des finances publiques saines. Les prérequis
restent bien sûr l’éducation et la formation. Le
deuxième challenge est la réalisation d’infrastructures qui vont renforcer la croissance de
l’Afrique, accélérer l’intégration économique et
faciliter les échanges.
DR
Faut-il être un bon politique pour réussir
économiquement sur le continent ?
Absolument pas. Il faut éviter, dans nos
positions d’investisseurs privés, un trop grand
mélange avec la politique. Les exemples
d’hommes d’affaires réputés, en Europe aux
USA, et partout dans le monde, ayant réussi dans
leurs domaines d’activité mais qui se sont cassé
les dents en s’essayant à la politique doivent nous
servir de leçon. Il peut y avoir des exceptions. Il
faut discuter avec les politiques afin de nous enrichir mutuellement de nos expériences et de nos
ambitions. L’idéal est de les amener à favoriser
l’investissement privé, l’émergence et la consolidation d’activités entrepreneuriales en créant un
environnement propice.
D’ailleurs, les temporalités entre les milieux
d’affaires et les décideurs politiques ne sont pas
les mêmes. En règle générale, l’entreprise privée
est créée pour une durée de vie de quatre-vingtdix-neuf ans, ce qui est bien plus long que les
mandats électoraux…
Le futur Noom à
Kinshasa, sur les rives
du Congo, un projet
hôtelier porté par l’une
des nombreuses filiales
de Teyliom, Mangalis.
Pour vous, quelles sont les qualités
essentielles d’un entrepreneur ?
Je ne suis pas un donneur de leçons mais je
peux tout de même avancer quatre conditions
nécessaires à la réussite : être sérieux, se donner
à fond, être organisé et savoir s’entourer de collaborateurs d’excellente qualité. ❐
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Afrique Méditerranée Business
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