Bilan de la rencontre du 9 avril 2016 : partie 2
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Bilan de la rencontre du 9 avril 2016 : partie 2
Bilan des rencontres de l’Education Samedi 9 avril 2016 Auditorium Angèle et Roger Tribouilloy 1 2e partie 16h – 18h Forum Rue des Ecoles : Oser la mixité ? Rencontres de l'Education - 9 avril 2016 - Bondy 2 La mixité scolaire, un bon investissement pour la cohésion sociale et la citoyenneté ? • Quels sont les bénéfices de la mixité à l’école en termes de cohésion sociale ? Peut-on mesurer si le brassage des publics scolaires participe à une meilleure construction de la citoyenneté ? Quels sont les effets de la ségrégation scolaire sur le lien social, la confiance/défiance envers les institutions, ou le désir de s’engager ? • C’est à ces questions qu’ont souhaité répondre les intervenants et les personnes présentes dans la salle dans le cadre de ce Forum rue des écoles. • Ce Forum, accueilli à Bondy en partenariat avec Est Ensemble, est porté par le Conseil national d’évaluation des systèmes scolaires (le CNESCO), le réseau Canopé (centre de ressources pédagogiques pour les enseignants), la Ligue de l’enseignement et France Culture. Il vous est ici proposé une restitution non exhaustive des riches échanges sur ce sujet. Rencontres de l'Education - 9 avril 2016 - Bondy 3 Rencontres de l'Education - 9 avril 2016 - Bondy 4 Nathalie MONS, professeure de sociologie à l’université de Cergy-Pontoise, présidente du CNESCO « Les forums Rue des Ecoles sont conçus comme une agora pour discuter du fonctionnement des écoles autrement » • Ils permettent notamment de mettre en relations les chercheurs et les acteurs. Le chercheur peut travailler d’autant mieux s’il rencontre les acteurs, les parents, et s’il peut s’appuyer sur les ressources du terrain. • Sur ces thématiques, le chemin est long, et il faut avancer avec beaucoup d’humilité. Rencontres de l'Education - 9 avril 2016 - Bondy 5 Louise TOURRET, productrice de l’émission « Rue des écoles » sur France Culture « Avoir une école qui fonctionne, c’est aussi le premier pas vers une confiance dans les institutions de sa ville et de son pays » • On relève ainsi des effets incontestables de la mixité sociale sur la réussite éducative. • On peut aujourd’hui s’interroger : quelle est l’ampleur de la ségrégation sociale à l’école ? Une première enquête réalisée par le CNESCO, avec une étude statistique qui a permis d’établir une carte et d’identifier les établissements ghettos. • Un chiffre : 10 % des collèges sont composés aux trois quarts d’élèves en difficultés. • Cela a des conséquences très directes sur les apprentissages, mais aussi sur les attitudes civiques et politiques des élèves, qui sont également des citoyens. Rencontres de l'Education - 9 avril 2016 - Bondy 6 Louise TOURRET, productrice de l’émission « Rue des écoles » sur France Culture • Quelle serait l’école efficace pour produire de bons citoyens ? – Une école dans laquelle le climat scolaire serait bon, apaisé ; – Une école dans laquelle les élèves ont le sentiment d’être reconnu et écouté ; – Une école qui représente un lieu d’expression – Une école qui rend l’élève actif Rencontres de l'Education - 9 avril 2016 - Bondy 7 Nathalie SUTOUR, conseillère d’orientation et psychologue à la cité scolaire Jean Renoir à Bondy « Il est nécessaire d’ouvrir le champ des possibles et d’aider les élèves à se les approprier. Il faut donner aux élèves la chance d’avoir de l’ambition » • La mixité scolaire peut se décréter, mais elle doit surtout se vivre. • Le lycée Jean Renoir dispose de conventions d’éducation prioritaire, qui permettent aux élèves d’intégrer des filières d’excellence telles que Sciences Po Paris. Ces actions sont efficaces pour plusieurs raisons : – – – – – Cela a montré aux élèves que c’était possible, qu’ils pouvaient accéder à l’excellence et ne devaient pas se mettre de barrière ; Cela leur a donc donné de l’ambition, de la motivation ; Cela a créé une dynamique au sein de l’établissement et a permis de multiplier les filières et les possibilités ; Cela a permis de poser véritablement la question de l’orientation des élèves, en ne fermant aucune porte ; Cela a recréé de la confiance avec les élèves et leurs familles. La confiance est la base du travail pour l’orientation des jeunes, confiance de la part des équipes éducatives, des élèves, et de leurs parents. C’est aussi une base nécessaire pour pouvoir continuer à exercer ce métier avec motivation. Rencontres de l'Education - 9 avril 2016 - Bondy 8 Aïssa SAGO, directrice de l’association des femmes relais et médiateurs interculturels à Aulnay-sous-Bois « La question que nous devons nous poser est : pourquoi ces deux écoles ? Comment abouti-t’on à cette ségrégation et donc à ces différences ? » • • • Il y a quelques années, on parlait beaucoup de « démission » des familles. C’est face à ce constat que les femmes relais ont vu le jour à Aulnay-sous-Bois dans les années 2000, avec comme objectif d’accompagner les familles dans la scolarité des enfants, mais également bien au-delà, dans leur vie quotidienne. Cette vie quotidienne, ses soucis, l’impact de la culture d’origine, la barrière de la langue, sont autant de facteurs pouvant représenter des freins à la réussite des enfants. Les femmes relais proposent des actions à destination des familles, en introduisant l’école et ses problématiques à l’intérieur. On fait souvent la dichotomie entre deux écoles : celle de la réussite, et celle qui renferme tous les problèmes. De ce point de vue, la sectorisation scolaire et le rattachement de telles catégories d’élèves à tel établissement, a un impact important. Rencontres de l'Education - 9 avril 2016 - Bondy 9 Khadija ICHOU, responsable administrative du Bondy Blog « Les jeunes ont envie de participer à la vie politique et sociale, il faut croire en eux ! » • La mixité sociale se vit et se pratique au sein de l’équipe du Bondy Blog, qui est diverse. • On fait souvent l’amalgame : la mixité ne concernerait que la banlieue. Mais les jeunes de Paris, qui vivent entre eux, et qui sont amenés à venir en Seine St Denis, sont aussi parfois démunis. • En permettant des rencontres et des interactions entre les jeunes et les publics de tous milieux, le Bondy Blog joue le jeu de la mixité. • Il ne faut pas oublier de regarder les solutions, les initiatives positives autour de soi, sur nos territoires. Rencontres de l'Education - 9 avril 2016 - Bondy 10 Sylvine THOMASSIN, maire de Bondy « Il faut avoir une conviction forte pour avancer sur ces sujets. J’ai la conviction profonde que l’éducation et la culture sont de vrais vecteurs de mixité ». • L’éducation populaire fait partie de l’ADN de la ville de Bondy et joue un rôle primordial : les muséades, les musicades, les danséades et autres projets sont des vecteurs d’émancipation pour les familles. • La Maîtrise de Radio France, implantée au sein de l’école Olympe de Gouges, joue également un rôle important. A termes il est nécessaire de favoriser l’émergence de couleurs pédagogiques dans les écoles et les quartiers, afin de valoriser les équipes, les enfants, les familles, de redonner du sens et de lutter contre l’évitement scolaire. • La mise en place de la réforme des rythmes scolaires en 2013 et l’introduction des temps d’activités périscolaires auprès des enfants, gratuitement, a également eu un impact fort. • Les résultats du lycée Jean Renoir dans les enquêtes récentes nous montre à quel point il est possible de réussir et d’accompagner toujours plus loin les jeunes de nos territoires. Rencontres de l'Education - 9 avril 2016 - Bondy 11 Sylvine THOMASSIN, maire de Bondy « Il m’est insupportable de savoir que l’on met au monde des enfants tous égaux, et de les retrouver trois ans plus tard à l’entrée en maternelle avec des écarts de langage de 1 à 3, écarts qui suivront les enfants toute leur scolarité » • Travailler en faveur de la mixité sociale et scolaire n’est pas toujours aisé, de nombreux freins s’opposent aux bonnes volontés : – – – L’argent en premier lieu, surtout dans les villes comme la nôtre. Nous savons néanmoins qu’il est possible de dépasser cela. Nous bénéficions par exemple de l’aide du territoire Est Ensemble pour le développement de la musique à l’école, via la prise en charge de 5 musiciens intervenants sur la ville. La politique de la ville et l’aménagement urbain jouent un rôle important. Il n’est pas toujours aisé de trouver les bons leviers pour imposer la mixité et lui donner corps. La future ZAC du canal par exemple, s’intégrera à une ville, à un quartier, et notamment aux groupes scolaires du Nord de la ville, et il nous faudra convaincre les futurs acquéreurs de l’intérêt de s’installer ici et pas ailleurs. On relève par ailleurs souvent une rupture de classe sociologique entre les enseignants et les élèves : il faut aider les jeunes de nos quartiers à accéder à la profession d’enseignants, et inciter les enseignants à vivre là où ils enseignent, au plus proche des réalités de leurs élèves. Sur ce point, l’Education nationale doit jouer un rôle, et accompagner les enseignants, surtout lorsqu’ils ne choisissent pas d’enseigner en Seine St Denis. A Bondy malgré tout, nous pouvons relever le faible taux de mouvement des enseignants et la pérennité des équipes éducatives, fruits d’un travail de qualité sur notre ville et facteurs de réussite auprès de nos élèves. Rencontres de l'Education - 9 avril 2016 - Bondy 12 Etienne BUTZBACH, coordinateur du réseau CNESCO « La mixité est une alchimie complexe, qui nécessite plusieurs ingrédients » • Parmi ces ingrédients on notera notamment la nécessité d’avoir une approche globale, avec une dimension sur ce point assumée dans les projets éducatifs locaux. Cette approche globale s’entend en premier lieu sur les différents temps éducatifs, le travail sur la sectorisation et l’attractivité des établissements scolaires. Au-delà d’une certaine classe aisée qui recherche l’entre soi, la grande majorité des familles sont en attente de mixité. • Le deuxième ingrédient est l’engagement et la volonté : Il est nécessaire de se donner les moyens de la mixité. La mixité ne peut pas être seulement décrétée, elle doit aussi être accompagnée. L’exigence de mixité est une exigence républicaine, qui doit certes est inscrite dans les textes, mais cela ne suffit pas. Elle doit être concrétisée, être vécue, et les acteurs de terrains doivent être formés et accompagnés, en premier lieu les enseignants. Rencontres de l'Education - 9 avril 2016 - Bondy 13 Virginie BLANC, professeure des écoles à l’école élémentaire Olympe de Gouges à Bondy « Il est bien de rappeler l’importance des termes employés, qui sont impactant et renferment souvent des connotations implicites peu valorisantes. Par exemple, lorsqu’on parle de ‘‘Bondy Nord’’ ». • • La définition de la mixité est simple : faire vivre ensemble des différences, tout en les acceptants. C’est ce que s’emploient à faire les équipes éducatives au sein de l’école Olympe de Gouges. Quel est le rôle des enseignants et comment peut-on travailler cette mixité au sein de l’école ? Voici quelques pistes de travail, expérimentées sur plusieurs écoles de Bondy : – – – – Donner du sens au vivre ensemble. Cela passe par les projets de classes, les projets d’école, le fait de favoriser le débats et le travail collaboratif entre les élèves ; Apporter la culture et les connaissances aux enfants. Cela passe le suivi des programmes de l’éducation nationale, que les enseignants s’approprient et rendent concrets auprès des élèves ; Faire venir des partenaires extérieurs au sein de l’école. Sur Olympe de Gouges cela se traduit par le partenariat avec la Maîtrise de Radio France, qui permet d’introduire une culture d’excellence aux élèves. Mais cela passe aussi par l’ouverture de l’école aux parents, qui viennent et partage leurs expériences, la venue de bénévoles d’associations qui viennent partager leurs projets, ou encore les interventions d’acteurs porteurs de sens pour les élèves (ex : les anciens combattants…). Enfin il faut permettre aux élèves de sortir de leur école et de leur quartier. Cela se traduit par des visites diverses : Assemblée Nationale, Sénat, Opéra, lieux de mémoires, classes de découvertes etc. Rencontres de l'Education - 9 avril 2016 - Bondy 14 Echanges (non exhaustifs!) avec la salle • Gérard COSME, maire du Pré Saint Gervais et président du territoire Est Ensemble « A Bondy nous avons su aller plus loin sur ces sujets, et le territoire d’Est Ensemble s’appuie sur cette expérience ». Est Ensemble est un des 12 territoires de la Métropole du Grand Paris et nous voulons apporter à celle-ci la diversité et la richesse de nos territoires. Le temps de l’aménagement de nos territoires est souvent trop long et représente un frein important face à ces enjeux cruciaux. C’est pourquoi aujourd’hui de plus en plus nous travaillons à la mixité fonctionnelle des territoires : la construction de nouveaux logements s’accompagne des services publics et des activités économiques et sociales nécessaires à son bon fonctionnement, par opposition aux cités dortoirs conçues il y a plusieurs décennies et qui ont montré leurs limites. • Mme ROCHA, parent d’élèves sur le quartier Mainguy-Guehenno « J’aime Bondy, je veux que mes enfants aiment Bondy, et j’essaye de les décomplexer : je les emmène faire des activités à Paris, dans le 8e notamment, pour qu’ils côtoient d’autres enfants, d’autres milieux sociaux ». Les outils existent, il faut se les approprier et offrir la possibilité à tous les habitants, et surtout les enfants et les jeunes. • Claire SOTTO, responsable de l’association de prévention spécialisée Ville et Avenir « On ne peut pas rêver de quelque chose que l’on ne connait pas ». Il faut ouvrir le champ des possibles pour nos jeunes, réussir à faire ensemble et ne pas se contenter de juxtaposer les initiatives et les classes sociales. Rencontres de l'Education - 9 avril 2016 - Bondy 15 Echanges (non exhaustifs!) avec la salle • Pauline REYBIER chargée de projets éducatifs à la ville de Bondy « Nous avons vu à travers les différentes interventions à quel point il était nécessaire de rendre la mixité sociale désirable. De ce point de vue, quel est le rôle des médias, et quelle est votre vision en tant que journalistes de l’impact du traitement journalistique de ces sujets ? » Réponse de Louise TOURRET, productrice de l’émission « Rue des écoles » sur France Culture Les représentations véhiculées dans les médias sont souvent très restreintes, à base de généralités réchauffées, et il est très difficile d’en sortir. On reste bien souvent sur des représentations racistes des milieux populaires. L’agressivité généralisée et la toute puissance des réseaux sociaux ne facilitent pas les choses. En tant que journalistes on peut malgré tout faire bouger les lignes : En faisant connaître les enquêtes et études sur le sujet; En favorisant la mixité parmi les intervenants sollicités (sur un plateau, pour une interview etc.); En sortant des représentations classiques dont on nous abreuve au quotidien pour prendre de la hauteur et valoriser les innombrables initiatives positives qui existent. Réponse de Khadija ICHOU, responsable administrative du Bondy Blog En 2005, suite aux révoltes urbaines, le premier journaliste à être arrivé à Bondy était… Suisse ! Serge Michel avait à l’époque cherché à comprendre la situation en s’adressant à ses homologues français, mais il a rapidement compris qu’il n’obtiendrait pas d’informations car les journalistes français ne se déplaçaient pas dans les banlieues, encore moins en cette période. Il est donc venu pour un reportage, et est finalement resté 4 mois. Le Bondy Blog a vu le jour après ces révoltes, il a été conçu comme temporaire et existe finalement depuis plus de 10 ans. Rencontres de l'Education - 9 avril 2016 - Bondy 16 Contact et informations Pauline Reybier Chargée de projets éducatifs Information et concertation Pôle Education [email protected] 01 48 50 41 13 Dessins et facilitation visuelle © : Hélène Pouille / http://sketchnotes.strikingly.com/ Photos © : Maurice Partouche – ville de Bondy Rencontres de l'Education - 9 avril 2016 - Bondy 17