résurrection de Lazare
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résurrection de Lazare
Lazare, viens dehors ! (Jn 11,43) « Jésus lui dit : « Je suis la Résurrection et la Vie : celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. CroisCrois-tu cela ? » Jn 11,2511,25-26 Service de la Parole Année 2010-2011 Diocèse de Lille Lazare, Marthe et Marie D6/1bis Pour animer la rencontre • Voilà un récit qui va « toucher » profondément puisqu’il met en scène une famille face à la mort d’un proche. Nous ne pouvons pas ne pas être concernés, puisqu’il s’agit aussi de notre propre mort. Il faudra donc être vigilant et faire attention aux réactions de chaque personne, ne rien prendre à la légère et trouver les mots justes d’un point de vue humain et d’un point de vue de croyant. • Il se peut que le sujet de la « communication avec l’au-delà » soit amené par quelqu’un. C’est un sujet délicat. On peut laisser s’exprimer quelqu’un qui en aurait fait l’expérience, accueillir ce qu’il dit comme une expérience personnelle autour de laquelle bien des gens cherchent. Mais assez vite conclure que c’est difficile et qu’il n’en est pas question dans le Nouveau Testament. • Qui est Lazare ? Le frère de Marthe et de Marie de Béthanie. Ce n’est pas celui de la parabole de Luc 16,19-31. Ne pas confondre un personnage réel et le personnage fictif de la parabole. Pour le déroulement de la rencontre : 1) Après avoir feuilleté la 1ère partie de l’évangile pour bien reprendre ses marques en lecture continue et souligner l’importance du texte Fiche D6/3 2) Le mieux est de relever, séquence par séquence, les personnages, ce qu’on en dit, ce qu’ils disent, ce qu’ils font. Cela prendra déjà bien du temps. Fiches D6/4 et D6/5 3) L’animateur aura relevé au passage quelles questions travaillent les participants. Il pourra donc ici orienter vers les autres fiches. Il y a trois niveaux au sujet de la résurrection des morts : - ce que l’on croyait à la fin de l’AT - Les réanimations qu’ a opérées Jésus comme signes du Dieu qui veut la vie. - Sa propre résurrection qui confirme ce qu’il dit de lui : Je suis la résurrection et la vie…. 4) Ne pas négliger de regarder l’image et de prier avant de se quitter Fiche D6/8 Lazare, Marthe et Marie, Jn 10,40-11,54 D6/2a Jésus s’en retourna au-delà du Jourdain, à l’endroit où Jean avait commencé à baptiser, et il y demeura. Beaucoup vinrent à lui et ils disaient: "Jean, certes, n’a opéré aucun signe, mais tout ce qu’il a dit de cet homme était vrai." Et là, ils furent nombreux à croire en lui. 16 Alors Thomas, celui que l’on appelle Didyme, dit aux autres disciples: "Allons, nous aussi, et nous mourrons avec lui." 17 Il y avait un homme malade; c’était Lazare de Béthanie, le village de Marie et de sa soeur Marthe. Il s’agit de cette même Marie qui avait oint le Seigneur d’une huile parfumée et lui avait essuyé les pieds avec ses cheveux; c’était son frère Lazare qui était malade. Les soeurs envoyèrent dire à Jésus: "Seigneur, celui que tu aimes est malade." Dès qu’il l’apprit, Jésus dit: "Cette maladie n’aboutira pas à la mort, elle servira à la gloire de Dieu: c’est par elle que le Fils de Dieu doit être glorifié." Or Jésus aimait Marthe et sa soeur et Lazare. Cependant, alors qu’il savait Lazare malade, il demeura deux jours encore à l’endroit où il se trouvait. 19 Après quoi seulement, il dit aux disciples: "Retournons en Judée." Les disciples lui dirent: "Rabbi, tout récemment encore les Juifs cherchaient à te lapider; et tu veux retourner là-bas?" Jésus répondit: "N’y a-t-il pas douze heures de jour? Si quelqu’un marche de jour, il ne trébuche pas parce qu’il voit la lumière de ce monde; mais si quelqu’un marche de nuit, il trébuche parce que la lumière n’est pas en lui." Après avoir prononcé ces paroles, il ajouta: "Notre ami Lazare s’est endormi, mais je vais aller le réveiller." Les disciples lui dirent donc: "Seigneur, s’il s’est endormi, il sera sauvé." En fait, Jésus avait voulu parler de la mort de Lazare, alors qu’ils se figuraient, eux, qu’il parlait de l’assoupissement du sommeil. Jésus leur dit alors ouvertement: "Lazare est mort, et je suis heureux pour vous de n’avoir pas été là, afin que vous croyiez. Mais allons à lui!" 28 A son arrivée, Jésus trouva Lazare au tombeau; il y était depuis quatre jours déjà. Comme Béthanie est distante de Jérusalem d’environ quinze stades, beaucoup de Juifs étaient venus chez Marthe et Marie pour les consoler au sujet de leur frère. Lorsque Marthe apprit que Jésus arrivait, elle alla au-devant de lui, tandis que Marie était assise dans la maison. Marthe dit à Jésus: "Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Mais maintenant encore, je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te le donnera." Jésus lui dit: "Ton frère ressuscitera." -"Je sais, répondit-elle, qu’il ressuscitera lors de la résurrection, au dernier jour." Jésus lui dit: "Je suis la résurrection et la vie: celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela?" -"Oui, Seigneur, répondit-elle, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde." Là-dessus, elle partit appeler sa soeur Marie et lui dit tout bas: "Le Maître est là et il t’appelle." A ces mots, Marie se leva immédiatement et alla vers lui. 40 41 42 11,1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 18 20 21 22 23 24 25 26 27 29 30 31 32 33 34 35 36 Jésus, en effet, n’était pas encore entré dans le village; il se trouvait toujours à l’endroit où Marthe l’avait rencontré. Les Juifs étaient avec Marie dans la maison et ils cherchaient à la consoler. Ils la virent se lever soudain pour sortir, ils la suivirent: ils se figuraient qu’elle se rendait au tombeau pour s’y lamenter. Lorsque Marie parvint à l’endroit où se trouvait Jésus, dès qu’elle le vit, elle tomba à ses pieds et lui dit: "Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort." Lorsqu’il les vit se lamenter, elle et les Juifs qui l’accompagnaient, Jésus frémit intérieurement et il se troubla. Il dit: "Où l’avez-vous déposé?" Ils répondirent: "Seigneur, viens voir." Alors Jésus pleura; et les Juifs disaient: "Voyez comme il l’aimait!" Lazare, Marthe et Marie, Jn 10,40-11,54 D6/2b 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 Mais quelques-uns d’entre eux dirent: "Celui qui a ouvert les yeux de l’aveugle n’a pas été capable d’empêcher Lazare de mourir." Alors, à nouveau, Jésus frémit intérieurement et il s’en fut au tombeau; c’était une grotte dont une pierre recouvrait l’entrée. Jésus dit alors: "Enlevez cette pierre." Marthe, la soeur du défunt, lui dit: "Seigneur, il doit déjà sentir… Il y a en effet quatre jours…" Mais Jésus lui répondit: "Ne t’ai-je pas dit que, si tu crois, tu verras la gloire de Dieu?" On ôta donc la pierre. Alors, Jésus leva les yeux et dit: "Père, je te rends grâce de ce que tu m’as exaucé. Certes, je savais bien que tu m’exauces toujours, mais j’ai parlé à cause de cette foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que tu m’as envoyé." Ayant ainsi parlé, il cria d’une voix forte: "Lazare, sors!" Et celui qui avait été mort sortit, les pieds et les mains attachés par des bandes, et le visage enveloppé d’un linge. Jésus dit aux gens: "Déliez-le et laissez-le aller!" Beaucoup de ces Juifs qui étaient venus auprès de Marie et qui avaient vu ce que Jésus avait fait, crurent en lui. Mais d’autres s’en allèrent trouver les Pharisiens et leur racontèrent ce que Jésus avait fait. Les grands prêtres et les Pharisiens réunirent alors un conseil et dirent: "Que faisons-nous? Cet homme opère beaucoup de signes. Si nous le laissons continuer ainsi, tous croiront en lui, les Romains interviendront et ils détruiront et notre saint Lieu et notre nation." L’un d’entre eux, Caïphe, qui était Grand Prêtre en cette année-là, dit: "Vous n’y comprenez rien et vous ne percevez même pas que c’est votre avantage qu’un seul homme meure pour le peuple et que la nation ne périsse pas tout entière." Ce n’est pas de lui-même qu’il prononça ces paroles, mais, comme il était Grand Prêtre en cette année-là, il fit cette prophétie qu’il fallait que Jésus meure pour la nation et non seulement pour elle, mais pour réunir dans l’unité les enfants de Dieu qui sont dispersés. 53 C’est ce jour-là donc qu’ils décidèrent de le faire périr. 54 De son côté, Jésus s’abstint désormais d’aller et de venir ouvertement parmi les Juifs: il se retira dans la région proche du désert, dans une ville nommée Ephraïm, où il séjourna avec ses disciples. Guide de lecture Pour la lecture en continu ère En feuilletant la 1 partie de l’évangile de Jean (Jn 1,18-12,54), repérer la place occupée par le signe de la résurrection de Lazare. (revoir la fiche D1/2) Que peut-on en déduire ? Lire ce qui est juste avant (Jn 10,40-42) et juste après (Jn 11,54-57) . Comment cela oriente-t-il notre lecture du texte ? Pour approfondir Jn 11,1-53 1- Repérer les séquences (mettre des couleurs) à partir des changements de lieux et de temps. Rassembler tout ce qui concerne la dimension tragique de la mort 2- Dans chaque séquence, voir : • Les personnages (ce qu’on en dit) • Ce qu’ils disent • Ce à quoi ils servent dans le récit (leur rôle) 3- Relever tout ce qui concerne, Jésus, le personnage principal • Comment est-il nommé ? • Ce qu’il fait • Ce qu’il dit 4- Quelle est la position de Jésus par rapport à la mort ? Quelle place Lazare tient-il dans ce texte ? Sur quoi est centré le récit ? Comment la résurrection de Lazare est-elle un signe ? 5- En quoi sommes-nous concernés ? Le dernier des 7 signes… avant la passion Jean D6/3 La résurrection de Lazare est le dernier et le plus grand des « signes » accomplis par le Jésus johannique… Le quatrième évangéliste a voulu placer ce récit propre à l’évangile de Jean au point culminant du ministère public. Il occupe ainsi une place centrale dans cet évangile, non seulement parce qu’il vient au chapitre 11 mais surtout par son contenu : • C’est le dernier et le plus grand des sept « signes » • C’est l’ouverture à la passion Le point culminant du ministère public Jean a soigneusement organisé la succession des « signes» miraculeux de Jésus pour créer un crescendo régulier tant au plan du style littéraire que du message théologique. A- Au plan littéraire, Jean inscrit une évolution dans la forme et le contenu de ses récits de «signes» : • • • Il commence par des récits de miracles courts et relativement isolés, qui gardent une couleur synoptique (le changement de l'eau en vin à Cana [2, 1-11], la guérison du fils : l'officier royal [4, 46-54]. Il passe ensuite à des récits de miracle toujours assez courts, mais qui commencent à être intégrés dans des ensembles littéraires plus larges, dans la mesure où ils sont le point de départ de longs dialogues et monologues théologiques (la guérison de l'homme paralysé à la piscine de Bethzata [5, 1-9], la multiplication des pains avec la marche sur la mer [6, 1-15.16-21], la guérison de l'aveugle de naissance [9, 1-17] ; Il arrive enfin au récit de miracle de Lazare, où le dialogue théologique ne vient pas après le récit de miracle mais est tissé à l'intérieur même de celui-ci. Tout au long du récit de Lazare, Jésus prononce des minidiscours sur des thèmes typiquement johanniques : la gloire de Dieu, la lumière et les ténèbres, la résurrection et la vie, son union avec son Père. B- Au plan théologique, chacun des signes antérieurs était, dans une certaine mesure, porteur du message clairement proclamé par ce signe final : Jésus est le donneur de vie. […] Tous ces signes ont en commun un élément sousjacent : dans chacun d'eux, Jésus donne au plan physique une sorte de vie plus pleine, plus joyeuse ou plus sûre à des gens dont la vie était d'une manière ou d'une autre diminuée, écrasée ou menacée. Malheureusement, beaucoup de personnages de ces récits ne dépassent jamais le plan physique ; ils ne « voient» jamais le signe dans le sens le plus fort du mot voir (cf. Jn 6, 2.14.26). Pour Jean, la vérité profonde de chaque signe ne se limite pas à l'avantage physique accordé au niveau de surface. Jean emploie le mot « signe» précisément pour souligner le fait que le don d'une vie humaine plus pleine au plan physique n'est pas une fin en soi mais seulement un symbole qui renvoie, au-delà de lui-même, à la plénitude de vie divine que Jésus propose à la personne croyante : « Je suis venu pour qu'ils aient la vie et qu’ils l'aient en abondance» (Jn 10, 10). […] Cette parole trouve bien sa place dans l'ensemble de la structure johannique, après la guérison de l'aveugle de naissance . Face à la mort, le cadeau de la vie humaine n'est plus simplement symbolisé ou offert en partie, mais donné directement et à plein sur le plan physique. Ce don de la vie devient ainsi le symbole le plus grand et le plus frappant de la vie divine offerte par Jésus à la personne qui J.P. Meier, Un certain Jésus, Cerf p. 588-589 croit. Vers la Passion Cet épisode peut aussi être vu comme ouverture de la passion, la résurrection de Lazare formant une inclusion avec celle de Jésus. En effet, certains éléments du vocabulaire employé pour décrire le tombeau de Lazare et la façon dont il est enseveli, sont repris dans le passage de la découverte de la tombe vide : La tombe de Lazare est une grotte fermée par une pierre (Jn 11,38) comme celle de Jésus (Jn 20,1). Jésus demande d’enlever la pierre du sépulcre (Jn 11,39) Marie Madeleine trouve la pierre enlevée (Jn 20,1). À l’appel de Jésus, Lazare sort le visage entouré d’un suaire (Jn 11, 44) entrant dans le sépulcre vide, Pierre voit le suaire qui avait recouvert la tête de Jésus (Jn 20,5-6) De plus, tout de suite après ce récit, Jean mentionne une réunion de ''grands prêtres et pharisiens'' au cours de laquelle ceux-ci prennent la décision de tuer Jésus (Jn 11, 47-53). B. Escaffre, Dossiers de la Bible, n°96 p. 11 Les personnages D6/4 Un récit percutant par son ampleur, son intensité dramatique et le nombre des personnages. Parce qu’il y est question de la mort, ce récit porte en lui une dimension symbolique forte car chaque croyant et même chaque être humain peut s’y projeter comme dans un miroir. Lazare Marthe Lorsqu'on considère la figure de Lazare dans le récit actuel, on en retire l'impression d'un personnage qui n'existe que par rapport aux autres personnages du récit. En quittant le groupe, formé par les soeurs et les Juifs, et caractérisé par le deuil, Marthe se dissocie du deuil et se place du côté du Seigneur des vivants. Face à Jésus, Marthe se place d'entrée dans une position de croyante, faisant pleinement confiance à Jésus, aussi bien dans sa confession de la foi juive en la résurrection que dans la révélation de sa propre personne comme Vie et résurrection. « Si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort » (v. 21).« Mais je sais que quoi que tu demandes à Dieu, Dieu te le donnera » (v. 22)…. Marthe commence par reconnaître la capacité de Jésus d'intervenir en faveur de Lazare. Puis, en s'appuyant sur la réponse de Jésus (« ton frère ressuscitera »), elle marque son adhésion au credo du judaïsme sur la résurrection finale. Puis quand Jésus, après s'être effacé derrière la foi juive qu'il partage avec elle, se met lui-même au coeur de son message, elle bascule de l'univers de la connaissance dans celui de la foi : « Je crois que tu es le Christ, le fils de Dieu, celui qui vient dans le monde. » Ici Marthe dépasse la foi juive, et c'est en cela qu'elle est chrétienne… Le récit est explicite sur les diverses transformations qu'il subit. Il est malade, et c'est ce qui fait démarrer le récit. Le manque est posé d'entrée. Par un phénomène de suspense, ce manque est décrit comme une détresse de plus en plus extrême et irréversible. Lazare est malade (Jn 11, 1), puis mort (v. 14), enterré depuis quatre jours (v. 17), enfin déjà en état de décomposition (v. 39). C'est précisément quand il atteint son point culminant que le manque est comblé : Lazare est l'objet d'une restauration de la part de Jésus. Lazare est donc bien le ressort qui fait partir le récit. Et pourtant il n'apparaît jamais comme un actant responsable et autonome. Il n'a d'existence que comme l'objet d'une série de prises de paroles, d'actions ou d'interprétations et de transformations. Lazare est le révélateur qui dévoile la vérité de chacun face à la mort. Si Lazare est sans voix et sans visage (voilé), c'est parce qu'il donne voix et visage à Jésus qui affronte sa propre mort dans les larmes et le sang et en triomphe parce qu'il est le Fils de Dieu venu dans le monde. C'est aussi parce qu'il permet à tous les autres protagonistes de prendre la parole face à la mort. A. Marchadour Les Il est évident que le comportement de Marthe prend sens par opposition à celui de Marie, mais aussi des Juifs. Dans la distribution des rôles, Marthe joue le rôle de la croyante parfaite qui accueille en Jésus la Résurrection et la Vie. A. Marchadour p.106 et108 personnages dans l’évangile de Jean p.111 Les disciples, les Juifs, les pharisiens Marie Les deux soeurs rencontrent le même personnage au même endroit pour s'entretenir d'un sujet identique. Ce parallélisme permet d'opposer deux attitudes face à la mort en présence de Jésus. Marie, de bout en bout, est marquée par une série de notations funèbres... L'attitude prostrée de Marie aux pieds de Jésus (v. 32), son dialogue avec lui, bref et amputé de la confession de foi qui prolonge et modifie la demande de sa soeur, son environnement de pleurs (les siens, ceux des Juifs et ceux de Jésus) : tout cela place la séquence dans un climat d'autant plus sombre qu'il vient juste après la séquence lumineuse entre Marthe et Jésus. … Elle souligne la dimension humaine de Jésus, alors que Marthe privilégiait son identité divine. L'ébranlement affectif de Jésus n'est en rien provoqué par la foi grandiose de Marthe. Ce sont les pleurs et la tristesse de Marie qui éveillent en Jésus le trouble et la détresse où il apparaît en vérité comme un homme. A. Marchadour p.109 Souvent témoins silencieux de la révélation de Jésus, les disciples (11,7-16) manifestent une foi encore hésitante. Ils montrent en actes ce que veut dire être disciple, se laisser enseigner par le maître et marcher à sa suite : « Allons, nous aussi, et nous mourrons avec lui » (11,16). Cette formule exprime la crainte qui, au second degré, habite les disciples, en même temps qu'elle définit le vrai chemin du disciple. La « suivance » de Jésus consiste à emprunter le chemin de la croix, pour avoir part à la gloire de la Résurrection. Pour certains Juifs, la mort de Lazare et l'intervention de Jésus débouchent sur la foi en Jésus ; pour d'autres, elle entraîne une intervention malveillante auprès du Sanhédrin (v. 45). Dans l'histoire de Jésus, la résurrection de Lazare marque, en effet, un moment clé, à la fois dans la révélation de son être divin et humain et dans la réception de cette révélation, positive chez les uns, négative chez les autres, au point d'être la cause directe de sa mise à mort : « Grands prêtres et pharisiens, dès ce jour-là donc, résolurent de le Guide de lecture du N. T. p.364 sv tuer » (11,53). Jésus D6/5 L'évangile en son entier raconte le dévoilement progressif de Jésus face aux hommes. L'histoire de Lazare arrive au terme de ce processus, septième et dernier signe du Révélateur cherchant à se faire reconnaître. On comprend que tout le récit soit centré sur Jésus. Il est successivement l'interlocuteur de tous les personnages : les disciples, Marthe et Marie et les juifs. Sa présence, son agir et sa parole obligent chacun de ces personnages à se situer face à lui, en présence de Lazare entré dans le silence de la mort. Une présence écrasante Une fragilité inattendue De la lecture continue du récit, le lecteur perçoit la présence écrasante de Jésus, qui par son savoir et son interprétation de l'événement dédramatise en grande partie l'intrigue pourtant pleine de suspense, interprète les événements à venir (v. 4), les prévoit avant même qu'ils ne surviennent (v. 11) et les finalise avant leur déroulement (v. 15). C'est Jésus qui décide aussi du moment opportun pour son départ vers Béthanie - départ jugé trop hâtif par ses disciples (11,8) et trop tardif par les deux soeurs (11,21.32) -, en même temps qu'il est aussi celui qui, au milieu des menaces des Juifs, des interrogations des disciples et des doutes des deux femmes, agit avec autorité et assurance. Il dispose donc du savoir, du vouloir et du pouvoir. Il sait que Lazare malade va mourir puis revenir à la vie (v. 12-13). Enfin il a le pouvoir - et il en donne la démonstration - de rendre la vie à celui qui était mort depuis quatre jours. Pourtant cette seigneurie de Jésus maîtrisant l'histoire disparaît aux versets 2838. Jésus qui jusque-là était apparu sans faille, y dévoile, en effet, une fragilité inattendue : il frémit dans son esprit (v. 33), se trouble (v. 33), verse des larmes (v. 35). Ainsi, à l'intérieur de la révélation éclatante de l'envoyé du Père, une brèche se donne à voir. Celui qui « se réjouissait de n'avoir pas été là » (v. 15) laisse apparaître sa douleur et ses pleurs. Lui qui parlait avec tranquillité se trouble devant la mort. Cette étrange coexistence de puissance et de faiblesse a intrigué plus d'un commentateur et certains, pour sauver la majesté inébranlable du Fils de Dieu, sont allés jusqu'à voir dans ces marques d'humanité un « faire-semblant ». Il n'en est rien. On pressent que ces deux faces, l'une lumineuse, et l'autre sombre, sont essentielles au récit. Elles expriment la vérité de l'Incarnation : « Nous avons vu la Gloire du fils dans le Verbe fait chair » (1,14). A partir de la foi juive, Jésus franchit un seuil important. Ce qui était l'attribut exclusif de Dieu: faire vivre et faire mourir, Jésus se l'approprie. «Je suis la Résurrection et la Vie. » … Jésus révèle sa véritable identité et donc sa puissance contre les forces de la mort…Il revendique pour lui un privilège divin…; en réalité son pouvoir n'a pas sa source en lui-même et, dans sa prière … Jésus confirme qu'il rattache son pouvoir de faire vivre au Père qui l'a envoyé. … La révélation, telle que Jean la présente ici, est bien cette présence du révélateur porteur du projet de Dieu au cœur même de la souffrance, de la douleur et de la détresse de la mort. La sombre séquence entre Jésus et Marie …anticipe l'agonie et la détresse de Jésus devant la mort. Gloire et abaissement sont inséparables dans le destin du Christ…. La grandeur de l'action de Jésus ne sera reconnaissable que si la rigueur de la mort physique n'est pas banalisée. On peut suivre la révélation de Jésus à travers les titres qui lui sont donnés. Il est « Seigneur » sous la plume du narrateur (v. 2) ainsi que dans le discours des deux femmes (v. 3), de Marthe (v. 21), de Marie (v. 32), des témoins (v. 34). Il est « Rabbi », Maître, dans la bouche des disciples (v.8), et « Christ, Fils de Dieu » dans le dialogue avec Marthe (v.27). d’après A. Marchadour, Lazare, Cerf La résurrection de Lazare : un signe D6/6 Ce qui est raconté de Lazare et de ses sœurs anticipe sur l’inouï du mystère de la Résurrection. . Certes Lazare n’est que réanimé. Il devra à nouveau mourir. Mais le signe que Jésus a fait pour son ami nous révèle qui il est : la Résurrection et la Vie. Un signe Une métaphore de l’Incarnation En rappelant Lazare à la vie, Jésus donnait un signe…de cette vie qu’il avait pour mission de révéler et de communiquer. Mais le signe n’est pas la réalité. Il en est seulement l’image, l’apparence sensible qui porte le regard plus loin, plus haut. Il est une force d’éveil qui doit permettre au désir de grandir, de s’élancer. (…) La résurrection de Lazare, tout comme la multiplication des pains, n’est qu’un signe donné par Jésus pour dilater le désir de l’homme, pour ouvrir son cœur à la vie qui demeure. En soi cette résurrection n’est qu’un retour à une vie qui reste mortelle. Elle ne résout rien. La mort aura quand même le dernier mot. Mais en l’accomplissant, Jésus laissait voir en lui une force de vie capable de défier la mort. La vraie vie qu’il veut nous communiquer est une communion à la vie éternelle de Dieu, dans sa mort et sa résurrection. Cette communion n’est pas seulement le fait de l’âme. Elle fait vivre tout l’homme, corps et âme, en vie nouvelle dans une participation à l’homme parfait, au Christ ressuscité, et donc aussi à son corps de gloire. Bref, elle est déjà, par la foi, la vie du Ressuscité en nous. On peut relire ce chapitre en y voyant une métaphore de l'Incarnation. Par amour pour l'homme malade, Jésus, envoyé par son Père, à l'heure fixée par lui, s'aventure au risque de sa propre mort. Pour que Lazare vive, Jésus doit mourir. Mais l'accès de Lazare à Jésus passe par la médiation des deux soeurs. Cela n'est pas sans évoquer la fonction ministérielle de l'Église dans l'accueil des nouveaux baptisés et dans leur accompagnement vers Dieu, au moment de leur mort. Jésus apparaît en Gloire face à Marthe et Lazare, et en détresse face à Marie et aux Juifs. C'est en récit l'illustration du mystère de l'Incarnation : Jésus, vrai Dieu et vrai homme. Eloi Leclerc . Le Maître du désir. DDB 1998. p. 106 D’après Guide de lecture du Nouveau Testament p.365/366 Réanimation? Résurrection? Il y a plusieurs récits dits de « résurrection» dans la Bible : Le fils de la veuve de Sarepta 1 R 17,17 sq ; La fille de Jaïre Mc, 5, 35 sv et Lc, 8,40-56 ; Le fils de la veuve de Naïn (Lc 7, 11-17) ; Lazare: Jn10,40-11,54. Il s'agit du retour provisoire à la vie de personnes qui étaient mortes, et qui mourront à nouveau. C'est pourquoi certains préfèrent utiliser le terme de réanimation. Jésus Christ, revenu à la vie, n'est pas mort à nouveau, il est ressuscité. Sa Résurrection révèle son identité : « Je suis la Résurrection et la Vie» Jn, 10,25 Lire P. Debergé. Dossiers de la Bible 96. p.22-23 Ce qui est en cause, c'est notre conception de Jésus, de la vie, de la mort.... Un tel texte tranche dans le vif. À la fin du récit, les amis juifs de Marthe et Marie sont divisés : ceux qui croient, ceux qui refusent le signe. Cette division pourrait bien atteindre tout lecteur, tiraillé entre des attitudes. Ainsi, comment se situer vis-à-vis de Jésus : « Seigneur », « Maître », « Christ, Fils de Dieu » il a l’air de tout maïtriser... et pourtant il pleure ! Sa Parole rend la vie mais il ne fait rien sans prier son Père des cieux. Qui donc est cet homme? Qui donc est ce Dieu? Gérard Billon , DB n° 96 p. 28-29 Croire devant la mort… croire contre la mort D6/7 Pour les chrétiens, l'espérance s'enracine dans la foi que la mort n'est pas le dernier mot de tout, qu'elle est certes un gué redoutable, angoissant, mais qu'elle peut être franchie et qu'elle l'a été en Jésus-Christ. La résurrection a une portée historique. Si elle concerne bien le destin historique de Jésus mort en croix, elle a une portée universelle : elle signifie que, dans le présent même, le mur de la mort qui prend figure de l'indéchiffrable, peut être traversé. Peut-on vivre sans croire ? Un Dieu pour des vivants La réponse est non, cent fois non. Sans doute l’avez-vous déjà éprouvé : vivre et croire recouvrent à peu près la même réalité. Pas de vie sans une démarche de confiance. Vivre à la lumière de la foi… croire à l’épreuve de la vie, telle est la proposition centrale de l’évangile de Jean. Croire au sens de « faire confiance » à quelqu’un. Innombrables sont les circonstances de la vie où la confiance est sollicitée… pour que la vie puisse se poursuivre. A lire l’évangile, on prend la mesure du chemin sur lequel Jésus engage ceux qui veulent bien le suivre, à la découverte des ressources de leur cœur. Le Dieu d'Israël se présente comme le Dieu des vivants. La mort n'est pas le lieu de Dieu… Être mort, c'est être coupé de Dieu. Pour cette raison, les Israélites ont mis longtemps avant de spéculer sur une vie après la mort. Pour eux, l'au-delà, c'est la non-vie. Des hommes jeunes avaient pris le maquis pour lutter contre la volonté des Grecs d'imposer le culte de Zeus à Jérusalem; ils avaient été nombreux à périr au cours de cette guerre sainte racontée dans les livres des Maccabées. La question des survivants devenait prégnante : le Seigneur délaisseraitil ceux qui donnent leur vie pour lui ? Ainsi, peu à peu, est née l’idée d’une vie après la mort. Le mot le plus fréquent pour en parler a été "résurrection", mais on trouve également les mots "élévation" ou encore "exaltation". Biblia n°35 p.24 Jésus combat la mort Dieu et la mort La foi chrétienne repose sur cette conviction fondamentale : ce Jésus qui est mort sur une croix, Dieu l'a ressuscité, il est vivant ! La contestation de la mort est ainsi le point de départ de l’aventure chrétienne… Le Dieu des vivants de l’Ancienne alliance se donne à voir dans le combat de son fils contre la mort et la souffrance. Ces convictions de foi ne gomment cependant pas la question: pourquoi Dieu permet-il la mort violente, la mort injuste de l'innocent ? Deux épisodes évangéliques vont nous éclairer, regroupés par St Luc (chap. 13, v. 1-5). On y découvre : - que pour Jésus la mort n’a rien à voir avec un mal ou un péché - que Dieu ne punit pas les hommes selon leurs péchés. Si Dieu est celui que révèle Jésus dans les évangiles, il est le Dieu qui souffre avec, qui combat la souffrance, qui détruit la mort. Jamais la responsabilité d'aucune mort n'est attribuée à Dieu. Devant la mort qui nous angoisse les Écritures invitent à l'espérance. L'espérance s'enracine sur la confiance faite à la Parole de Dieu, transmise par les croyants de tous les âges. "Lève-toi et marche", c'est l'antithèse de l'homme couché à jamais dans la tombe. Elle devrait être la parole même des croyants à notre monde actuel. Parole qu'ils entendent d'abord pour eux-mêmes, mais qu'en écho, ils doivent pouvoir adresser à une société marquée par le doute… L'espérance constitue le fondement de la foi. Elle tient dans l'affirmation que quelque chose d'autre est possible, et même certain. d’après M. Autané, Les Dossiers de la Bible n°96 p. 24-26 Actualisation Prière D6/8 S'il est vrai que c'est la parole de Jésus qui fait vivre, on comprend que l'aventure de Lazare soit ouverte sur une lecture universelle. Croire en sa parole, c'est adhérer à un programme dans lequel le tombeau, au lieu d'être un terme, est une péripétie…. Ainsi de Lazare à Jésus et de Jésus aux croyants, c'est le même enjeu qui est au cœur de la plongée du Fils de Dieu dans l'aventure humaine, de sa sortie de l'au-delà pour accomplir le dessein de Dieu : provoquer la foi en lui comme l'envoyé de Dieu c'est-à-dire celui qui porte aux hommes le don de la vie et pour cela prend le risque de mourir… Désormais, nous savons, grâce au Fils, que la pierre du tombeau est impuissante devant sa parole, que la vie est dans l'obéissance et dans l'écoute. Oui à la mort - Oui à la vie Je ne me rappelle plus le jour où pour la première fois j'ai senti que tout n'était pas irrémédiablement perdu. Est-ce un sourire d'enfant qui m'a réveillée ou un signe de tristesse démasqué là où je ne voulais pas en voir ? Un sens de la responsabilité? Avais-je enfin épuisé le désespoir? Peut-être me suis-je simplement prise au jeu de la vie. La vérité a tant de facettes qu'il m'est impossible de préciser comment j'ai repris pied. Un jour, je me suis aperçue que j'avais cessé de n'être qu'une façade. J'existais, je respirais. Je voulais à nouveau agir sur les événements. Lentement, je me ressaisissais et je voyais ce qui restait de moi. C'est alors que j'ai commencé à ne plus subir la solitude, mais à me laisser apprivoiser par elle... Jamais je n'avais regardé la mort avec autant de désinvolture qu'au temps du bonheur. Vivre ou mourir m'était alors presque indifférent. A présent, la mort me préoccupait. J'y pensais en traversant la rue, en conduisant une voiture. Un rhume risquait de se transformer en congestion, un léger amaigrissement signifiait peut-être une maladie grave. Je sortais de mon engourdissement pour entrer dans ce monde à vif que j'avais redouté et où tout, je ne savais pour combien de temps, me blessait. Je me souviens de l'émotion qui m'avait saisie, Porte de la Villette, à la vue d'un camion chargé de chevaux qui allaient vers l'abattoir. Ces condamnés, même ceux-là, me ramenaient à toi. Un soir, dans l'autobus, j'étais restée hypnotisée par une petite tête de mort en ivoire qui se balançait au bout d'une chaîne d'or ; la fille qui la portait était jolie, très jeune, les yeux faits et les lèvres pâles, mon regard arrachait sa chair pour découvrir son ossature et je voyais deux têtes de mort auxquelles se substitua celle qui me hantait (...). Tu fus mon plus beau lien avec la vie. Tu es devenu ma connaissance de la mort. Quand elle viendra, je n'aurai pas l'impression de te rejoindre, mais celle de suivre une route familière, déjà connue de toi. Anne Philippe. Le temps d'un soupir. Julliard, pp. 96-99) Iconographie Suivant une longue tradition byzantine et médiévale, Duccio a condensé en une seule scène différentes étapes du récit évangélique. Une grotte dans la montagne sert de tombeau. Deux arbres au-dessus évoquent la vie possible dans ce décor rocailleux. D’un groupe de personnages se détachent - Jésus, vraiment homme et vraiment Dieu (habits bleus et rouges) , la main droite tendue vers Lazare qui vient de sortir du tombeau. - et un disciple qui imite le geste de Jésus Tandis que Marthe est debout, Marie, aux pieds de Jésus l’implore. Détail réaliste : un personnage se pince le nez avec son manteau. Duccio a choisi de focaliser l’attention sur Jésus attirant Lazare vers la vie. « Je suis la résurrection et la vie… Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra» Prière Nous croyons en toi, Jésus de Nazareth, vrai homme vrai Dieu. Quand la terre n'en finissait pas de tourner sur sa douleur, quand l'espérance s'enlisait dans la peur du lendemain, tu as pris corps au ventre de Marie, et tu as vécu en authentique fils de l'humain : héritier de cette humanité que Dieu avait rêvée tout autre... Tu en es mort crucifié, avec deux malfaiteurs Tu as connu l'abîme de l'angoisse et du désespoir, Tu as crié l'abandon et le silence de Dieu Le troisième jour, Celui qui veille t'a levé d'entre les morts Il t'a recueilli dans Sa lumière, accueilli en Fils de la maison Nous croyons en toi, Jésus de Nazareth, tu n'as pas souffert pour rien : tout ce que tu as dit nous brûle encore le cœur ; quand nous pleurons nos violences et nos lâchetés, tu nous invites à prendre place à tes pieds pour y trouver notre part d'éternité, celle qui ne nous sera jamais ôtée Lytta Basset, Traces vives, Labor et Fides, p. 73