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Montréal, un archipel coupé des eaux
Par Jean Décarie, urbaniste
(Présenté dans le cadre du Forum sur les eaux usées montréalaises et la récupération des usages
récréatifs en rive, organisé par le Conseil régional de l’environnement de Montréal, le 10 février
2005)
La question de la qualité de l’eau à l’ordre du jour, n’est pas la seule à en influencer la
fréquentation, comme on peut encore le voir à plusieurs endroits, au pont de l’écluse de CôteSainte-Catherine par exemple, d’où les jeunes prennent toujours plaisir à plonger dans les eaux de
la lagune de la Voie Maritime, probablement les plus polluées de l’archipel; comme on le verra
plus tard aussi, en revenant sur les nombreux obstacles naturels structurels ou infrastructurels qui
rendront toujours difficile l’amélioration de l’accessibilité aux rives et de l’utilisation récréative
des eaux; et comme depuis toujours enfin, puisque ce n’est pas d’hier que cette situation existe :
c’était le cas avant l’apparition dans les années ‘60 de la notion même d’environnement - dont je
me plais toujours à souligner que le mot n’apparaît pas au Larousse de ma mère, que le Petit
Robert actuel le fait remonter à 1964, à l’américain environment, alors que le bon vieux Littré le
donnait comme l’action d’environner - quelqu’un pour l’arrêter par exemple!
Dans les années ‘50 la population de Montréal est deux fois moindre qu’aujourd’hui et
l’urbanisation n’a pas encore atteint toutes les rives de l’île – ce n’est qu’en 1982 par exemple,
après l’incendie criminel du manoir Ogilvie, qu’un développement de basse densité la soudera
devant les rapides de Lachine – pourtant à l’origine de Montréal 340 ans plus tôt! Par contre,
l’ère industrielle, elle, était à son apogée, une industrie lourde, sans aucune conscience ni
contrainte au sujet de ses rejets, tout comme d’ailleurs les municipalités avec leurs égouts
combinés –tout à l’égout et tout au fleuve - et les gouvernements ruralistes. On n’avait aucune
représentation sociétale de l’environnement ni donc de la pollution. On se contentait de constater
et éviter le bouillon des émissaires en pensant que la dilution allait sans doute régler ça plus loin.
Le fleuve était cette chose de passage, venu d’ailleurs, que l’on regardait couler, qui n’appartenait
à personne, où l’on pouvait donc jeter n’importe quoi sans danger, ni vu ni connu. On avait bien
modifié la prise d’eau de l’aqueduc, pas à cause de la qualité de l’eau mais pour aller puiser celle
du Saint-Laurent au large, moins acide et chargée de sédiments que l’eau de l’Outaouais en rive,
et donc moins chère à traiter.
L’ére industrielle, c’était aussi avant la civilisation des loisirs. Le mode de production industriel
laissait peu de temps et d’argent pour la récréation, juste assez pour la reproduction de la force de
travail, essentiellement dans les parcs et terrains de jeux municipaux et les centres de loisirs
paroissiaux. L’urbanisation industrielle inventera aussi les sports modernes, d’élite, d’équipe, de
compétition et de spectacle. Pour le reste, la dimension prolétarienne du temps libre connotait le
rapport ludique à la nature. Jusqu’aux années ’50 en effet, ce lumpen urbain en croissance
exponentielle, était surtout issu des campagnes d’où il conservait une image productive et non
«loisive» de la nature, sans compter l’influence religieuse réfractaire à toute expression corporelle
y compris la culture physique, et le faible niveau d’éducation et de revenu qui affectait
l’apprentissage et la pratique des activités sportives ou même récréatives.
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Dans ce contexte socio-spatial, pour la classe ouvrière montréalaise, les quelques pique-niques du
dimanche en famille au bord de l’eau par beau temps l’été, tenaient lieu de fins de semaine à la
campagne sinon même de vacances tout court. On quittait la ville en tramway vers les plages
périphériques aussi nombreuses – on en comptait encore une cinquantaine vers 1960 –
qu’improvisées, souvent commerciales, quelques-unes municipales. Il y avait une plage à la
batture de la pointe sud de l’île Sainte-Hélène avant les piscines – et un club de natation privé à la
pointe nord, avec son grand tremplin sous le pont Jacques-Cartier -, mais aussi la Rocky Beach au
pied de la centrale de Lasalle, Johnson’s Beach à Khanawaké, d’autres à Laprairie, à Cartierville
près du parc Belmont sur la rivière des Prairies, la fameuse Plage Idéale aux Mille-Îles et
plusieurs autres sur les lacs, souvent des plages sans nom, pas aménagées ni surveillées, où les
gens venaient s’installer tout simplement, moins pour nager – peu apprenaient à nager à l’époque!
– ou pour bronzer – en maillots longs! - que pour pique-niquer, patauger et surtout socialiser –
toujours le loisir préféré des travailleurs que leurs tâches isolent!
Les autres usages populaires de contact avec l’eau se limitaient à la pêche en rive – souvent un
appoint alimentaire - pour l’alose dans les rapides en particulier - toujours courue au barrage de
Rivière-des-Prairies -, aussi à l’anguille – à peu près disparue par surpêche commerciale -, au
mieux en chaloupe dans les anses calmes et sur les battures, pour la perchaude, le doré, le
brochet. Un peu de pêche sur la glace aussi - moins qu’aujourd’hui où on fait des concours de
mongolfières et de golf! -, mais plus de patinage, jusque dans le port fermé l’hiver – c’était avant
son ouverture à l’année par évacuation des glaces! - sans compter les courses sur les ponts de
glace partout! Plus de chasse aussi, à la sauvagine, ce qui a pu amener la création du Refuge
d’oiseaux migrateurs de l’île aux Hérons en 1937- prévu à l’origine jusqu’à l’île Sainte-Hélène!
Peut-être était-ce aussi pour contrer la présence des grands vapeurs à aube pleins d’Américains
venus d’Ontario qui sautaient les rapides en s’échouant jusqu’en 1940 - les sensations fortes
étaient réservées aux classes supérieures. Celles-ci vont également se doter de Motor boat clubs,
comme celui de Verdun, les autres devant ramer leurs Verchères près des rives avant l’invention
ou la généralisation du moteur hors-bord.
Un dernier usage récréatif de l’eau, en réalité le premier en importance et qui conditionne
positivement comme négativement tous les autres, mérite d’être noté : la villégiature. Celle-ci
commence dans la seconde moitié du XIXième siècle dans la foulée des chemins de fer, ce qui
créera partout des centres de villégiature recherchés. Ici, le premier train de banlieue, le Montreal
& Lachine, apparaît en 1848 et amorcera le développement du West Island. D’autres suivront,
surtout vers les lacs amont, Chateauguay/Maplegrove, Vaudreuil/Hudson, Laval-sur-leLac/Deux-Montagnes. Des fronts de villégiature plus modestes se développent aussi, sur pilotis
souvent, dans les zones inondables des rivières des Prairies puis Mille-Îles, aussi le long des
tributaires agricoles. Ces fronts précèderont l’urbanisation, mais suivant un modèle de
privatisation à basse densité qui va entraver encore aujourd’hui l’accès aux rives et aux plans
d’eau pour le plus grand nombre.
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En résumé, jusqu’aux années ‘50, les eaux du fleuve étaient moins fréquentées et plus polluées
que l’on pense, mais sans qu’il y ait eu une relation de cause à effet entre les deux. Les eaux
n’étaient pas plus fréquentées parce que moins polluées comme on pourrait vouloir le croire
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aujourd’hui, pas plus qu’elles n’étaient en réalité moins fréquentées parce que plus polluées. Elles
étaient moins fréquentées pour des raisons démographiques et urbanistiques et surtout moins
utilisées, en termes d’activités de contact physique avec l’eau, pour des raisons technologiques et
socio-économiques, ce qui souligne l’ignorance ou l’indifférence de l’époque face à cette
pollution - et le plaisir populaire corollaire qu’on pouvait avoir à y aller!
Depuis, la situation a bien changé, mais moins qu’il n’y paraît pour ce qui est de cette relation
entre qualité et usage de l’eau. Les années ‘60 vont en effet voir une profonde mutation urbaine.
Pendant que le Québec amorce sa révolution tranquille, Montréal passe presque d’un coup de
ville industrielle à postindustrielle. En quelques années les gratte-ciels du nouveau centre-ville
vont pousser, le métro se creuser, les autoroutes s’étendre et les ponts se jeter vers les nouvelles
banlieues de la classe moyenne émergeante et de la démocratisation automobile amorcée depuis
la guerre, débordant et encerclant l’archipel et colonisant les piémonts et les plateaux récréatifs.
Bref, Montréal a sauté directement par dessus le fleuve pour aller se tremper dans les lacs et la
nature des Laurentides ou des Cantons, à la montagne appelée campagne, où on pouvait avoir une
résidence secondaire.
Cela au moment même où les grandes fonctions économiques primaires de l’eau, qui ont produit
la ville industrielle la coupant ce faisant de la ressource pour la satisfaction des besoins sociaux
qu’elle créait, ont à peu près toutes terminé leur développement, laissant enfin place à la
recherche de solutions pour améliorer l’accès et l’usage récréatifs des rives et plans d’eau.
L’ouverture de la Voie Maritime en 1959 plafonne l’activité portuaire à l’échelle régionale, alors
que Beauharnois III et Carillon complètent la mise en valeur du potentiel hydroélectrique de
l’archipel – sauf pour les 1500 mégawatts sacrés des rapides de Lachine! Pour l’adduction, il n’y
a pas de limite au développement, comme le montre la construction de l’usine Desbaillets en
1968, mais la capacité de dilution du fleuve atteint aussi ses limites et devra être relayée par les
usines d’épuration qui ne viendront que dans les années ‘80.
La récupération de la ressource pour la récréation aquatique s’inaugure symboliquement par
l’Exposition universelle de 1967, Terre des Hommes, remblayée au milieu du fleuve – c’était
avant l’invention des impacts! - qui sera chantée comme le début à la fois de la découverte du
monde et de la redécouverte du fleuve par les Montréalais. En fait, l’Expo ‘67 aura été le prétexte
déclencheur de toutes les infrastructures précédentes, métro et autoroutes, aussi bien que des
premiers parcs régionaux, devenus nationaux depuis, Oka et Côte-Sainte-Catherine, aménagés
d’abord comme campings pour les visiteurs de l’Expo. Dans les années ‘70, suite à l’opération
«Un fleuve, un parc», plusieurs autres espaces verts se réalisent, aux Îles de Boucherville, les îles
de la Paix, la pointe de l’île Perrot, enfin la création virtuelle en 1979 des parcs
«intermunicipaux» de la CUM, appelés régionaux puis «nature» depuis.
C’est aussi à la fin des années ‘70 que s’amorce simultanément deux projets intimement liés entre
eux et à la ressource hydrique : le programme d’épuration des eaux et le projet Archipel auquel il
devait être intégré. Or curieusement, après un départ prometteur du Projet d’aménagement
intégré et polyvalent des eaux de l’archipel de Montréal – c’était le titre officiel – ce sera la
déconnexion politique des deux en 1981, suivi de celle du volet hydroélectrique en 1983, qui
avèrera la non faisabilité du projet, pour ses impacts sur l’environnement politique de Québec
davantage que sur l’environnement hydrique de Montréal, que le projet se proposait au contraire
de mettre en valeur.
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Cet échec aura des répercussions profondes. D’abord par l’occultation depuis – jusqu’à
aujourd’hui peut-être!? - de la question du rapport entre qualité et usage, entre environnement et
aménagement, si l’on excepte les coups d’épée dans l’eau que furent le Parc National Archipel en
1985 ou le Montréal Bleu dix ans plus tard, en passant par les projets de Site du patrimoine
mondial de l’UNESCO en 1987 puis de Parc régional de la CUM en 1992, pour les rapides de
Lachine. Ensuite pourtant, et plus positivement, par une lente prise de conscience de la présence
et du potentiel de mise en valeur des espaces bleus, alimentée par l’exceptionnelle mise à jour de
la connaissance due au projet Archipel –55 millions de dollars d’études -, qui s’exprimera tant
par une série de mesures publiques ponctuelles, spatiales comme sociales, que par une
accélération et une densification de l’occupation résidentielle privée des rives.
On connaît bien les premières : le Vieux-Port, le parc du canal de Lachine en 1978 jusqu’à son
ouverture à la plaisance en 2002 pour le Fédéral, qui prend le relais de Québec; l’aménagement
des Parcs Nature pour la CUM; le développement du parc des Îles pour Montréal et pour les
autres municipalités, la constitution en douce de parcs riverains linéaires importants comme celui
reliant Verdun à Lachine en passant par le parc des Rapides à LaSalle; la création du Pôle des
rapides et l’acquisition des îles des rapides par Conservation de la Nature; celle du parc
discontinu sur la rivière des Prairies; le parc Bellerive et sa Société, celles du Croissant de l’est et
du Parc éco-nature de la rivière des Mille-Îles, les ZIP du fleuve et autres initiatives bottom up
prenant le relais des échecs top down précédents. Pour la seconde, l’habitation en rive, il faut bien
sûr saluer voir enfin Montréal se retourner vers l’eau, les Montréalais revenir habiter au bord de
l’eau, dans toutes ces tours qui poussent à Verdun et l’île des Sœurs, Longueuil ou Brossard,
Dorval ou Repentigny, et partout le long de la rivière des Prairies.
Toutes les grandes villes en effet, ont ainsi densifié leurs rives, leurs fronts de mer, dont la valeur
de localisation marginale est essentiellement une valeur loisir réalisable par le développement
résidentiel - en alternance bien sûr avec les espaces libres toujours prioritaires. Plusieurs
s’opposent aux tours qui cacheraient la vue, sans réaliser que les monster house qui polluent le
paysage naturel et patrimonial de nos rives, en font autant avec leurs deux étages, mais au profit
d’une seule famille riche au lieu de centaines de ménages moyens. Plus, elles privatisent l’accès
aux rives alors que les grands ensembles se font par accords de développement où des accès et
passages en rive peuvent mais devraient être exigés. Une règle fondamentale de l’urbanisme 101
veut que la perte fiscale d’un espace libre doit être égalée par une hausse des valeurs foncières en
pourtour par une densification assurant sa rentabilité économique, sa réalisation et sa gestion,
comme sociale, par la présence et la desserte d’ une clientèle proportionnelle à sa taille.
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Le développement de ces initiatives publiques comme privées en rive depuis vingt ans, et même
l’amélioration de la qualité de l’eau, n’en ont pas pour autant augmenté beaucoup la fréquentation
comme telle, les usages de contact, à peine plus sinon moins que ce qu’on a vu au début du
siècle, moins de baignade et de pêche, plus de motorisation! Il y a bien sûr le facteur climatique –
une saison de trois mois, les quelques jours où la température dépasse 25 degrés et celle de l’eau
au moins 20! En fait, les activités hivernales sont peut-être plus stables, gelées, et plus
importantes à cet égard. Mais les deux font face à une même compétition des piscines et cascades
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d’eau, glissades et patinoires artificielles, de plus en plus intérieures, qui se sont développées
entre-temps et qui éloignent encore plus la population de son environnement naturel. La plage «à
Doré» et le bassin de Côte-Sainte-Catherine ont été gagnés sur le fleuve, mais le fleuve a perdu!
Mais c’est la présentation même de la ressource, sa quantité plus que la qualité, qui pose le plus
de limites à son utilisation récréative : la largeur du fleuve, la force des courants et des cirés, la
chute des quelques douze rapides qui structurent le système hydrographique de l’archipel, en
découpent et isolent les six plans d’eau et en régulent l’hydraulicité. Nous ne sommes pas ici
devant les eaux calmes d’un petit lac laurentien pour pédalos ou seadoos, mais devant le
spectacle anxiogène, la dangerosité intrinsèque de la confluence continentale de deux cours d’eau
majeurs mêlant et précipitant leurs 10,000 mètres cubes/seconde sur plus de trente mètres de
hauteur à travers le dédale d’un delta intérieur de 325 îles, un «archipel penché», un labyrinthe de
mille kilomètres de bayous!
À ces facteurs naturels s’ajoute aussi la présence des structures et infrastructures majeures mises
en place dès le départ pour exploiter ces caractéristiques exceptionnelles du site de Montréal. Le
port, les canaux, les barrages, les usines de filtration ou d’épuration, posent tous des contraintes
importantes à l’accès en rive et à l’usage même des plans d’eau. Certains pourront recevoir des
activités compatibles, comme la piste cyclable à la digue de la Voie Maritime – en attendant le
parc-plage de dix kilomètres prévu au projet Archipel, dans les meilleures eaux du fleuve! Il peut
y avoir déplacement aussi, comme celui de l’autoroute Bonaventure, inscrit au plan de la Société
du Havre, ouvrant la dernière fenêtre sur le fleuve, proposée pour parc linéaire et front de mer en
1988, mais fermée par un Technoparc sans rapport, même portuaire, à l’eau, seulement à
l’autoroute. La plupart sont cependant là pour rester sinon se développer encore un peu, le port et
la Voie Maritime s’il devait y avoir surcreusage pour baisses de niveaux, une dernière centrale au
sault Normand, aussi dans les plans de la Société du Havre.
Ceci m’amène en terminant à proposer un retour à une forme de planification concertante pour
l’ensemble du réseau hydrographique, du système hydraulique, de la ressource hydrique de
l’archipel, pour diminuer ces contraintes naturelles et artificielles et mettre en valeur tous les
potentiels de l’eau. L’accès en rive s’est grandement amélioré bien qu’il reste beaucoup à faire au
chapitre du développement résidentiel, de son optimisation comme de son contrôle. Mais l’accès
à l’eau comme telle, aux plans d’eau, pour les activités de contact les plus basiques et toujours les
plus en demande selon tous les sondages, la baignade, la petite plaisance, la pêche sportive, reste
difficile et déficient.
Pour améliorer la situation, des interventions sur la ressource comme telle, sur l’environnement,
seront nécessaires qui ne manqueront pas de susciter des inquiétudes sinon des oppositions de
principe. Et pourtant, cet environnement, encore une fois, est déjà un produit de l’aménagement
comme on l’a vu, mais d’un aménagement partiel, sectoriel, au seul profit des fonctions
économiques qui l’on laissé impacté, isolé, inutilisable. Veut-on préserver un tel environnement
impacté ou pourrait-on plutôt vouloir l’améliorer, l’aménager mais cette fois en tenant compte
non seulement des besoins récréatifs en attente, mais de l’ensemble des potentiels de la ressource,
de l’équilibre systémique, écologique, de la ressource hydrique. L’environnement est toujours, en
particulier en milieu urbain, le produit de l’aménagement. C’est donc au processus
d’aménagement comme tel qu’il faut s’attaquer, par la planification concertée, démocratique et
donc scientifique, de cet aménagement. Aux causes plutôt qu’aux effets.
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Un bon exemple sera justement celui du bassin nautique que la Société du Havre propose
d’étudier, qui pourrait être créé par un barrage-usine au courant Sainte-Marie, prolongeant le
niveau du bassin de La Prairie depuis le pont Champlain jusqu’au pont de la Concorde. Cet
ouvrage secondaire avait été envisagé puis écarté par le projet Archipel au profit de l’intervention
majeure aux rapides de Lachine dont l’intégrité avait finalement prévalu. Ici aussi, elle devra être
respectée, comme tous les éléments environnementaux en cause, davantage comme le principe
qui, comme celui de la planification concertante, était à la base du projet Archipel, à savoir le
partage des avantages entre tous les usages de l’eau – ce qui signifie ici le retour de la rente de
cette centrale vers l’aménagement du bassin pour le nautisme, la baignade – on va nous parler
tantôt du projet de plage à Verdun, également étudié à l’époque - la pêche aussi, sans oublier pour
cela justement, l’aménagement de la faune elle-même.
La mise en valeur des eaux de l’archipel devraient optimalement faire l’objet d’une planification,
d’un plan d’ensemble à l’échelle régionale du système lui-même, par la CMM ou une agence de
bassin, en concertation avec les municipalités, les arrondissements et les milieux. Pareille
instance devrait de la même façon, assumer l’aménagement et la gestion des bassins comme tels,
des plans d’eau et de la ressource. Dans cette perspective, un retour aux objectifs, principes et
éléments du projet Archipel - et à la connaissance accumulée qui dort quelque part! - devrait être
envisagé pour assurer un contrôle préalable et nécessaire minimum de l’hydraulicité du système,
une régulation hydraulique précédée et paramétrée par une régulation sociale. Je pense qu’après
vingt ans d’attente et de maturation, d’urbanisation et d’urbanité, la société montréalaise est
maintenant mûre pour s’approprier ses eaux, cesser de regarder couler le fleuve – et d’y jeter
déchets et dépits -, considérer enfin les plans d’eau comme de véritables bassins urbains, intégrés
à la trame, comme des «parcs urbains régionaux», gérés par les riverains réunis en sociétés de
bassins, suivant des conventions collectives sur le partage de la ressource commune, de
l’enveloppe environnementale, de la ceinture bleue de Montréal.