Le courrier de Franche-Comté - pcf
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Le courrier de Franche-Comté - pcf
Le courrier de Franche-Comté — hiver 2014-2015 Une réforme territoriale à marche forcée Fin octobre, réouverture au Sénat du débat sur la réforme territoriale. Fin novembre, vote final de l’Assemblée Nationale sur le nombre de régions : après mult tractations, c’est le nombre 13 — porte bonheur ? — qui est sorti. Fin décembre, discussion autour du texte qui définit les compétences de chaque échelon : nouvelles régions, départements ou ce qu’il en reste, communes et intercommunalités. Trois mois plus tard, on vote pour élire les conseillers généraux. Le calendrier est si serré qu’il sent le coup de force et le coup fourré. Raison de plus pour mettre au cœur du débat public les enjeux colossaux de cette nouvelle contre-réforme qui s’inscrit dans un projet vaste de remodelage social et territorial de notre France, en lien avec les injonctions des puissances d’argent que sert chaque jour un peu plus le pouvoir de M. Valls et M. Hollande. Des intercommunalités à 20 000 habitants ou plus aux super-grandes régions, tout est fait pour qu’une technostructure lointaine remplace les élus locaux de proximité, montrés du doigt comme coûteux et dispendieux. Aucune information, aucun débat national public n’est organisé alors qu’il s’agit d’un véritable séisme : un séisme démocratique à l’abri des regards et du débat citoyen. Et même dans notre région où la Présidente a pris l’initiative d’une tel débat, la peur des avis contraires a conduit à un cadrage si serré des interventions citoyennes que l’on en est ressorti avec le sentiment qu’il s’agissait davantage d’une opération de communication-propagande que d’un débat ouvert. Ne nous laissons pas déposséder de notre droit à décider de nos institutions locales, d’autant que les parlementaires qui les ont votées n’ont pas porté cette réforme dans le programme sur lequel ils ont été élus. Pour autant, malgré la précipitation et la brutalité du gouvernement, la « messe n’est pas dite ». La réforme des départements est prévue sur plusieurs années. Partout, dans chaque localité, avec les citoyens et élus locaux, faisons la lumière sur ces projets, organisons la résistance et mettons en débat des propositions pour des avancées démocratiques dans le fonctionnement des collectivités locales. Ce numéro du courrier de Franche-Comté a l’ambition d’y apporter sa pierre en donnant à voir, dans le concret et le quotidien des habitants, les effets redoutables de la réforme envisagée. Evelyne Ternant, secrétaire du comité régional de Franche-Comté Le temps de déplacement entre Nevers et Besançon : 3h16, entre Sens et Belfort : 3h22 mn, entre Saint-Claude et Auxerre :3h10 Questions sur les enjeux de la réforme… et le prix d’interprétation pour les réponses justes Pour comprendre les enjeux de cette réforme, posons nous quelques innocentes questions : • Des institutions plus éloignées des citoyens permettent-elles d’appliquer plus facilement ou moins facilement les politiques d’austérité, qui réduisent la protection sociale et des services publics, rejetées par les peuples européens aujourd’hui ? PLUS MOINS • Les maîtres mots de la réforme, abondamment utilisés par ses propagandistes sont la « compétitivité » et « l’attractivité » des territoires. Outre que ces termes proviennent de la business-lang, remarquons leur contradiction : la compétitivité implique pour les multinationales des coûts bas (« coût salarial », fiscal, social…), et l’attractivité implique des services de qualité (santé, éducation, recherche, infrastructures de transport et de réseau, etc.). Comment concilier faibles impôts et cotisations d’une part, et services de qualité d’autres part ? La concentration de ces derniers sur quelques métropoles et villes importantes, au prix d’une désertification ailleurs permet-elle d’y parvenir ? OUI NON • Les multinationales , les puissances d’argent ont-elles intérêt à ce que les territoires rentrent en concurrence les uns avec les autres pour leur offrir ici des réductions d’impôts, là des aides, là encore des privatisations rentables de services que la faiblesse des fonds publics ne permet plus d’entretenir ? OUI NON ions x trois quest Réponse au suivante dans la page RÉPONSE AUX QUESTIONS DE LA PAGE 1 Si vous avez répondu « plus » à la question 1, « oui » à la question 2 et « oui » à la question 3, vous avez gagné le prix d’interprétation de la réforme ! Commentaires : l’enjeu n’est pas de rechercher « l’égalité territoriale » mais de rendre le territoire attractif… pour les capitaux, pas pour les habitants ! Le projet est cohérent : des dotations aux collectivités réduites pour les placer dans les mains du privé, des régions et des départements ruraux réduits à panser les plaies en redistribuant quelques miettes à la marge, et de grandes métropoles compétitives dans la guerre économique internationale, grâce à l’immense régression sociale organisée sur les populations pour faire baisser les fameux « prélèvements sociaux et fiscaux » et augmenter les marges des grandes entreprises. Ceci va de pair avec la volonté de réduire comme peau de chagrin les espaces de démocratie. On va vers la disparation à terme du fait communal. Faut-il voir les 36 000 assemblées élues, où on délibère en lien étroit avec les populations, comme un coût, ou au contraire comme une richesse démocratique à revivifier ? L’enjeu véritable est qu’il s’agit au fond d’un nouveau projet politique contre les populations et contre la démocratie. Retour sur la réunion bien « cadenassée » du 25 septembre 2014 à Montmorot (Jura) organisée par la Présidente de région Notons d’abord le mécontentement d’une bonne partie du public qui a réagi aux conditions — sur le fond et la forme — d’organisation. 1. SUR LA FORME • Une tribune aux nombreux tribuns, avec des discours aux « éléments de langage » bien rôdés : « la taille de la région serait primordiale (nous sommes des nains) pour mutualiser dynamiser et moderniser les territoires, il faut fusionner car ce sera forcément plus efficace, on aura beaucoup plus de moyens budgétaires et humains, etc. » : en un mot, la fusion ou le chaos ! • Des vidéos en couleur et sur écran géant, où on ne donne la parole qu’à des gens sérieux, c’est-à-dire des partisans de la fusion. Un membre du « comité des sages » ironisera quand même en qualifiant ces vidéos de « bisounours » ! • Les questions ne sont autorisées que dans un cadre restreint, imposé à chaque fois par le thème de la vidéo. La « compétence générale » de poser les « questions qui fâchent » est ainsi économisée. Malheur à qui s’écarte du thème : il est impitoyablement coupé par le porteur du micro-baladeur, lequel a visiblement la consigne de limiter les temps de parole dans la salle… mais laisse la tribune étirer longuement ses réponses ! • Enfin, le mépris qui transparaît pour qui ne partage pas le seul point de vue « autorisé » : une participante siégeant à la tribune va même stigmatiser les anti-fusion, qualifiant leurs argumentations de « postures » ! 2. SUR LE FOND Malgré le cadenassage du débat, l’argumentation « profusion » va être mise à mal: • le Conseil régional (CR) n’a aucun mandat pour réaliser une fusion, qui ne figurait dans aucun programme électoral. Un referendum est la seule issue démocratique. • Quel devenir des services publics en cas de fusion : en matière de santé, d’Université à Besançon. On s’interroge concrètement sur l’ouverture de la gendarmerie de Clairvaux-les-Lacs plusieurs jours en semaine ?… Le doute sur l’intérêt de la fusion pour les populations comtoises et leurs besoins s’installe sérieusement. • Nelly Faton, secrétaire départementale PCF du Jura se demande comment les régions fusionnantes auront davantage de moyens avec un plan d’austé- rité impitoyable de 11 milliards sur les collectivités territoriales. Il nous faudrait croire que les parts du camembert (pardon ! du comté !), plus petit, seraient — après fusion — plus grosses et lourdes que le fromage tout entier ? • Hubert Cédot, ancien responsable départemental syndical, ravive les mémoires sur les réformes précédentes, menées avec la même précipitation, au nom de la même « mutualisation » : la RGPP par exemple, que les élus socialistes, alors dans l’opposition, combattaient : elles ont supprimé et éloigné des services publics, diminué leur qualité, provoqué des privatisations coûteuses pour les usagers et communes. Comment soutenir aujourd’hui une loi aux conséquences aussi calamiteuses ? • François Etienney, secrétaire adjoint de l’Association Départementale des Élus Communistes et Républicains, prend la défense des collectivités de proximité : petites communes et com.com., départements aux moyens modestes. Les nouvelles « grandes régions » et les métropoles sont de nouvelles feuilles du « 1000 feuilles ». La réforme territoriale camoufle la disparition de milliers de communes. 70% des investissements sont initiés par les collectivités territoriales : ce ne seront ni l’État, ni Bruxelles, ni les prédateurs du CAC 40 privilégiant sans retenue les profits boursiers pour leurs gros actionnaires qui relanceront les activités du BTP, par exemple, en grave difficulté dans notre région ! PAROLES DE MAIRES Par Bernard Fellmann, maire de Bellecombe (jura) Bellecombe, dans le Haut-Jura sud, est un « bout du monde » parmi d’autres dans notre région : 1250 m d’altitude, 86 habitants, une économie de montagne essentiellement agricole et touristique et un budget qui permet tout juste d’entretenir la voirie communale, d’assurer la viabilité hivernale et de contribuer au fonctionnement du regroupement scolaire. Pour l’équipe municipale malheureusement réduite à 7 élus depuis la dernière loi électorale, le « mille feuilles » dénoncé par les tenants de la réforme territoriale pour imposer leurs projets n’est qu’un alibi. Chaque élu rural connait les compétences respectives des représentations départementale et régionale et ne rencontre en réalité aucun problème pour trouver l’interlocuteur en charge de tel ou tel domaine ; il sait surtout que l’attaque contre les départements et la fusion des régions vont l’éloigner encore davantage des lieux de décision. Intégrée dans une communauté de communes de plus de 25 000 habitants issue de la fusion de trois communautés, la commune s’est trouvée dessaisie de la plupart de ses compétences historiques ; déjà à cette échelle, elle a du mal à faire reconnaître sa spécificité et à faire prendre en compte ses problèmes et ses besoins ; elle lutte pour minimiser les effets destructeurs du système centre-périphérie que génèrent ces regroupements. C’est dire la menace que représente la fusion des régions qui marque en fait le retour au centralisme froid, qui éloignera pour longtemps les habitants des lieux de décision et des élus décideurs et qui fera de nos petites communes de la montagne jurassienne des périphéries définitivement délaissées. Par Roger Chauvin, maire de Darbonnay (jura) Toutes tendances confondues, la réforme territoriale inquiète la plupart des gens. Le découpage des territoires, la répartition des compétences Transport : le Haut-Jura transformé en désert ferroviaire ? Par Danièle Cru, membre du comité de défense de la ligne des Hirondelles Avec seulement la région Franche-Comté, nous constatons un abandon du Haut-Jura et la volonté des responsables de remplacer la ligne SNCF par les cars pour le prochain cadencement en décembre. Il n’y a toujours pas d’arrêt du TGV à Mouchard avec correspondance TER pour la ligne Andelot-La cluse. On voit bien en ce moment que tous les responsables de la région franche comté concentrent les efforts pour les transports SNCF vers le Nord Franche comté (réfection des voies Dijon Besançon, finition de ligne LGV…) Qu’en sera t-il avec une grande région qui irait de SaintClaude au Nord d’Auxerre, à la limite de la région Île de France ? Les « décideurs » sauront-ils seulement où se situe le jura?? Un avant goût du regroupement des services avec la grande région? La santé dans le Nord Franche-Comté Dans le discours officiel, regrouper et « mutualiser » les services dans la grande région serait avantageux pour les usagers. Ainsi a-t-on entendu dire que le service cardiologie du CHU de Dijon deviendrait le « centre d’excellence » pour la grande région. Inquiétant pour les victimes d’infarctus et d’AVC en Franche-Comté quand on fait le bilan du regroupement hospita- qui en résultera, feront que nous ne serons plus administrés par des gens de terrain, proches de nous, qui vivent, qui partagent nos soucis, mais par des agents territoriaux, qui, de loin, sans discernement, appliqueront des directives. Cette réforme éloignera, ainsi, les citoyens des lieux de décisions, et accentuera encore le malaise ambiant. Actuellement, sur le Jura, le Conseil Général gère et finance les transports scolaires. La tendance étant à l’austérité, la Région, peut-on savoir, en laissera peut-être le financement à la charge des parents, des collectivités locales dont les dotations sont déjà revues à la baisse. La réforme territoriale nous est présentée comme une réforme à la française, voulue par le gouvernement. Dans l’inconscient collectif, même si la chose n’est pas dite, elle apparaît davantage comme une réforme que nous suggère l’Europe, et qui nous incitera à rompre avec nos particularités, nos droits sociaux, pour nous soumettre à cette Europe libérale et financière que nous avons refusée en 2005. Doubs : collèges et transports scolaires transférés à la grande région ? Du souci pour parents et enfants! Dans l’objectif de dévitaliser les départements pour les faire progressivement disparaître, le gouvernement envisage de transférer la gestion des collèges et des routes au niveau de la grande région. Imagine-t-on une même structure gérer les collèges de Pontarlier et Sens ? Imagine-t-on le maintien du service de transports scolaires pour les collèges du Doubs, actuellement gratuit pour les familles, ne délaissant aucun village, aussi petit soit-il. Il représente un coût de 800 euros par an et par enfant, donc une économie équivalente pour les familles. Imagine-t-on qu’il puisse être maintenu en l’état par le futur conseil régional de Bourgogne–Franche-Comté ? Non, personne n’y croit au Conseil Général du Doubs. lier du Nord Franche-Comté : avec la fusion de ces hôpitaux de Belfort et de Montbéliard au profit de l’hôpital « dit » Médian de Sevenans, qui doit ouvrir au deuxième semestre 2016, ce sont 482 lits (sur 1254 au total) qui seront supprimés, 100 postes menacés, alors que la population de l’Aire urbaine Belfort—Héricourt—Montbéliard compte 300 000 habitants ! Les temps de déplacement depuis les villages les plus isolés seront de 40 à 45 mn en période fluide, alors que les bouchons sont réguliers aux heures de pointe, soit bien au-delà des 30 mn considérées par l’ARS comme le maximum pour les urgences vitales. Derrière la gestion comptable de la santé, il y a des vies en danger. L’avenir de la Franche-Comté en question… Besançon, une moitié de capitale ? On nous l’assure, du maire de Besançon Jean-Louis Fousseret à la Présidente de région Maie-Guite Dufay, Besançon ne perdra rien à la fusion, surtout pas son statut de capitale régionale. Ils seront personnellement « vigilants », il y aura nous promet tent-ils , un partage équitable entre deux villes capitales. La preuve, c’est qu’on appellera l’ensemble « pôle métropolitain ». L’une sera spécialisée dans les relations avec Paris, l’autre dans les relations avec les terri- toires, l’une sera la capitale politique, l’autre la capitale administrative, etc, etc. Qu’on nous permette de sourire s’il s’agit d’une naïveté non feinte ou de froncer le sourcil s’il s’agit d’une à fausse candeur ! - 1. Cette fiction d’une double capitale, un temps envisagée en haut lieu pour calmer les inquiétudes dans les régions où il y a concurrence entre des villes pour le leadership est en train d’être abandonnée, pour manque de crédibilité. - 2. La logique de la réforme est précisément de concentrer un certain nombre de services haut de gamme dans des métropoles identifiables, pour répondre aux exigences des « investisseurs ». Le statut de capitale régionale aura forcément un pouvoir d’attraction d’activités supérieur à celui des autres villes, et il n’y en aura qu’une seule. - 3. Dijon a naturellement vocation à l’emporter, d’abord par sa taille, déjà plus importante, ensuite par sa position, plus centrale dans la grande région, enfin et surtout par sa situation de nœud ferroviaire important, proche de Paris et bien relié à Lyon, quand Besançon souffre toujours d’un certain enclavement. Besançon a affronté une grave crise lors de la désindustrialisation horlogère des années 80. Elle n’a pas récupéré l’activité industrielle perdue, mais du moins a-t-elle surmonté le choc du point de vue de l’emploi grâce à l’afflux des activités tertiaires associées à son rôle de capitale régionale. Avec la grande région Bourgogne /FrancheComté, son avenir le plus probable est celui du déclin en une ville de sous-préfecture. Université : quel avenir ? Un rapprochement entre les Universités de Franche-Comté et de Bourgogne a déjà eu lieu, sous la forme d’une Communauté d’Établissements Universitaires (COMUE) qui maintient formellement l’existence juridique des deux entités, mais avec une structure de gestion commune, première étape avant la fusion complète. Les étudiants ainsi que nombre d’enseignants franc-comtois ne cachent pas leurs inquiétudes sur les conséquences d’un tel rapprochement dans le contexte de manque crucial de moyens. • Comment vont se répartir les formations « mutualisées » entre les différents sites ? • Besançon sera le siège de la future communauté universitaire (au prix d’un aménagement de locaux coûteux….), ce qui est avancé comme preuve d’une opération « gagnant-gagnant ». Mais l’important pour une université est- il le siège ou la carte des formations ? Combien de mastères resterat-il ? Et si certains mastères partent à Dijon, certains étudiants informés ne quitteront-ils pas la Franche-Comté dès les premiers cycles, accentuant ainsi la baisse des effectifs continue depuis plusieurs années ? • l’Université de Franche-Comté est celle qui a le pourcentage le plus important d’étudiants boursiers, autrement dit d’origine sociale modeste. Pourront-ils suivre le déplacement de certaines formations à Dijon, avec les coûts supplémentaires en déplacement et logement que cela représente ? Qui peut penser sérieusement que l’éloignement géographique des formations est sans conséquence sur la sélection sociale ? • Petite question « malicieuse » posée lors des réunions publiques : Dijon est plus endettée que Besançon : comment partage-t-on les dettes ? Qui a regretté au sujet de la réforme territoriale « le caractère hâtif …(qui) n’a pas fait l’objet d’une consultation suffisante en amont »… le calendrier très (trop) serré ? Qui a déploré « que la carte soit examinée avant la question des compétences » ? Qui a constaté « l’absence d’évaluation des économies susceptibles d’être réalisées, alors que c’est un élément de justification de cette nouvelle organisation territoriale » ? Ce ne sont pas des habituels de la contestation ! C’est le Conseil économique social environnemental de la région de Franche-Comté. www.pcf.fr conception graphique & mise en page : Elsa Maillot Un avis sur la réforme qui manque d’enthousiasme