Chapitre III : Les outils et modèles d`analyse stratégique

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Chapitre III : Les outils et modèles d`analyse stratégique
Management stratégique
Master1 (CF-MCV-STG)
Année : 2013-2014
Chapitre III : Les outils et modèles d’analyse stratégique
Le passage du diagnostic à la décision stratégique nécessite des outils conceptuels, des
théories, des modèles permettant de formaliser les situations, de comprendre le jeu des
facteurs déterminants afin de pouvoir définir un plan d’action pertinent.
La multiplication des modèles d’analyse stratégique au cours des années soixante et soixantedix résulte d’un double besoin :
besoin d’un cadre conceptuel et d’outils propres à rationaliser les choix stratégiques
(le mythe du stratège de génie est sérieusement contesté) ;
besoin de comparer selon des méthodes homogènes des domaines d’activités
différents et de gérer un portefeuille de telles activités.
Tous ces modèles s’inscrivent dans un continuum, qui va du plus universel au plus
instrumental, comme le montre la figure ci-après.
LCAG
ADL
Porter
Ansoff
Modèles sociologiques
McKinsey
BCG
Modèles microéconomiques
Exhaustivité
instrumentalité
Figure N° 5: le spectre des modèles d’analyse stratégique
L’approche universelle, dont le fleuron est le modèle LCAG, repose sur un système de liste
exhaustive des variables qui s’intègrent dans un raisonnement logique et itératif. Elle est le
fruit d’universitaires soucieux de ne rien oublier.
L’approche instrumentale, à l’inverse, privilégie quelques variables clés sur lesquelles elle
se concentre. Elle est le produit des cabinets de conseil et a pour but de faciliter les choix
stratégiques des entreprises diversifiées gérant un portefeuille de segment d’activité distincts.
I-
Le modèle de base : le modèle LCAG ou matrice SWOT
Initialement élaboré par Learned, Christensen, Andrews et Guth d’où son nom LCAG. Ce
modèle est encore appelé matrice SWOT, car il met en balance les forces (Strengths) les
faiblesses (Weaknesses) au sein de l’organisation et les opportunités (Opportunities) et les
menaces (Threats) détectables dans l’environnement.
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Il est basé sur deux concepts clés qui sont l’idée de «compétence distinctive », et le concept
de « stratégie de secteur d’activité».
A- Application du modèle
Le modèle LCAG offre un raisonnement logique en cinq phases :
1. Évaluation externe
• identification des menaces et des opportunités dans l’environnement ;
• identification des facteurs clés de succès.
2. Évaluation interne
• identification des forces et faiblesses de l’entreprise par rapport à la concurrence et par
rapport au temps ;
• identification des compétences distinctives par rapport à la concurrence.
3. Création et évaluation de toutes les possibilités d’action (stratégies).
4. Éclaircissement des valeurs de l’environnement (responsabilité sociale de l’entreprise) et
des valeurs managériales (dirigeants).
5. Choix des manœuvres stratégiques en fonction des ressources et mise en œuvre des
stratégies.
B- Les composantes de la matrice SWOT
Evaluation de l’environnement de
l’entreprise
Changements sociétaux : changement de s goût
du c lient, évolution démographique.
Changements politiques : nouvelles législation,
nouvelles priorités en matière d’application.
Changements économiques : taux d’intérêt,
taux de change, changement dans le s revenus
individuels
Changements concurrentiels : adoption de
nouvelle s technologies, nouveaux concurrents, variation
des prix, nouveaux produits
Changements en matière
d’approvisionnement : changement de s coûts, changement
de l’offre, changement du nombre de s fournisseurs
Changement du marché: nouvelle utilisation
du produit, nouveaux marché s, obsolescence de s
produits
Evaluation interne de l’entreprise
Marketing : qualité du produit, gamme s,
différenciation, part de marché, services
R&D: capacité de R&D sur les produits, sur les
processus,
Système de gestion de l’information :
rapidité et réactivité, qualité de l’information, capacité
d’expansion
Equipe de direction : compétences, esprit d’équipe,
expérience, coordination de l’effort Opérations :
Contrôle des matières premières, capacités de
production, gestion des stocks, contrôle qualité,
installation et équipements
Finance : puissance financière, puissance
opérationnelle, ratios de bilan, rapport avec les
actionnaires
Ressources humaines : système de gestion,
compétences du personnel, taux de rotation,
développement du personnel,
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C- Limites du modèle
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 La dynamique complexe entre les circonstances, les environnements, les menaces, les
changements divers, ne peut être illustrées par la matrice SWOT et le risque est donc
de se figer dans une analyse trop statique.
 L’analyse SWOT ne montre comment atteindre ou obtenir un avantage comparatif.
 Enfin, le risque existe de voir l’entreprise se focaliser sur un facteur interne ou externe
et de négliger d’autres facteurs susceptibles de permettre aujourd’hui mais surtout
demain un avantage concurrentiel.
II-
Le modèle de cycle de vie
Initialement développé en marketing au niveau du produit, ce modèle trouve sa véritable
dimension stratégique au niveau plus général du métier (d’une activité).
A- Le cycle de vie du produit
Tout comme un être vivant, un produit naît, se développe et meurt. Habituellement, on
distingue 5 phases du cycle de vie d’un produit.
La phase de conception : elle nécessite des investissements en R&D dans le cadre
d’une stratégie d’innovation.
La phase de lancement : elle nécessite beaucoup d’investissement publicitaire.
La phase de croissance : elle est caractérisée par la diffusion du produit et la conquête
de parts de marché, elle nécessite des investissements industriels pour augmenter
progressivement les capacités de production.
La phase de maturité : elle se caractérise par un ralentissement de la croissance quand
le marché potentiel est saturé. On cherche alors à maximiser la rentabilité, notamment
grâce à des investissements de productivité.
La phase de vieillissement ou de déclin : elle se manifeste par l’obsolescence du
produit, notamment du fait de l’apparition de substitution.
La durée du cycle dépend du secteur considéré : quelques mois seulement pour certains
articles de confection vestimentaires soumis au phénomène de mode, quelques années
pour un modèle automobile par exemple.
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La forme de la courbe du chiffre d’affaires est fonction du temps et de la durée de chaque
phase du cycle de vie.
L’existence de cette courbe du cycle de vie des produits a de nombreuses implications
stratégiques. Il faut mettre en œuvre une politique d’innovation et planifier le lancement
de nouveaux produits afin d’éviter de se retrouver avec une majorité de produits en déclin.
Maturité
Francs
Lancement
Croissance
Déclin
Courbe du chiffre d’affaires
Courbe du profit
Figure N° 6: Courbe de cycle de vie du produit.
Temps
B- Le cycle de vie du métier ou de l’activité.
Une activité est caractérisée par un ensemble de compétences. Le vieillissement d’un
produit n’entraîne pas nécessairement la mort de l’activité, puisque ces compétences
peuvent être réutilisées dans des nouveaux produits. Mais, l’évolution de l’environnement
contribue à banaliser ou rendre obsolètes certaines compétences, ce qui peut causer la
disparition de certaines activités. En revanche, les effets de substitution font émerger de
nouvelles activités reposant sur un autre mix de compétences.
Tout comme les produits, mais sur une période plus longue, s’inscrivant donc dans une
perspective historique, les activités naissent et meurent. Ce phénomène de maturation de
l’activité s’effectue en 4 phases :
La phase de démarrage ou d’émergence : caractérisée par un processus de
tâtonnements de nombreuses jeunes entreprises qui cherchent le meilleur mix. C’est
alors l’innovation qui constitue l’objectif stratégique prioritaire.
La phase de croissance : caractérisée par la necessité de conquérir une part de marché
significative avant que les structures concurrentielles ne se figent. Il faut alors pouvoir
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investir massivement, ce qui oblige beaucoup d’entreprises à choisir entre à cause du
manque de moyens financiers et le passage sous le contrôle d’une autre entreprise ou
d’un groupe disposant de plus de ressources.
La phase de maturité : elle correspond le plus souvent à une cristallisation
oligopolistique du marché (le marché est dominé par un nombre assez limité
d’entreprises). L’entrée dans le métier devient rapidement très difficile. Il faut sans
cesse réaliser des gains de productivité pour pouvoir soutenir la concurrence. La
qualité de la logistique et du contrôle de gestion devient des facteurs clés de succès
déterminants. Le niveau d’activité se stabilisant, la stratégie vise surtout à rentabiliser
les investissements réalisés.
La phase de déclin : phase pendant laquelle le taux de croissance devient négatif. Les
fusions et restructurations se multiplient. La stratégie consiste alors à se retirer pour
minimiser les pertes, et se convertir dans d’autres activités pendant qu’il est encore
temps.
C- L’utilité du modèle de cycle de vie
En pratique, trois séries d’arguments méritent d’être avancés pour justifier l’utilité du
modèle du cycle de vie par rapport à l’analyse stratégique.
Primo : l’adaptation des décisions : le cycle de vie permet aux responsables d’adapter
leurs décisions en fonction des différentes phases. Selon la phase du cycle de vie dans
laquelle se trouve l’activité, les actions stratégiques et opérationnelles seront différentes.
Secundo : l’action sur le cycle de vie : la connaissance du cycle de vie permet de
contrarier le déroulement normal du cycle de vie, car tout responsable souhaite une vie
éternelle pour les domaines d’activité dont il a la charge. Les actions vont donc viser à :
Raccourcir la phase de démarrage ou d’émergence (A) ;
Accélérer et prolonger le processus de croissance (B) ;
Allonger le plus possible la phase de maturité (D), ou relancer la production en lui
donnant une deuxième jeunesse (C) ;
Retarder et ralentir le déclin (E).
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B
Francs
Lancement
Maturité
C
Croissance
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D
Déclin
E
Cycle de vie normal
0
Temps
A
Figure N° 7 : Actions visant à contrarier le cycle de vie normal
Tertio : la synchronisation des lancements : le cycle de vie conduit enfin à coordonner le
développement des différentes activités et à passer de la gestion d’un domaine d’activité à
une gestion de portefeuille d’activité. Pendant la phase de croissance de l’activité 1, les
recherches et la mise au point de l’activité 2 seront effectuées. L’activité 2 sera en
croissance dans la phase de maturité de l’activité 1 et se trouvera en maturité lorsque
l’activité 1 entamera son déclin. On aura alors la situation suivante :
Activité 1
Activité 2
Activité 3
Francs
0
Temps
Figure N° 8 : coordination des cycles de vie des activités
III-
La courbe d’expérience
L’observation empirique de l’évolution décroissante des coûts des produits dans le
domaine industriel a donné naissance au concept de droite ou courbe d’expérience. Cette
relation a une grande importance sur les stratégies des entreprises.
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La force concurrentielle de l’entreprise est d’autant plus grande que ses coûts sont réduits.
L’entreprise cherche donc à savoir quand et pour quel volume de production, son
expérience en matière de production lui procurera une baisse des coûts.
En traçant sa courbe d’expérience, l’entreprise peut alors orienter ses choix stratégiques.
L’expérience cumulée de l’entreprise, acquise par le volume de sa production, conduit à
une diminution du coût unitaire de production. Pour que l’entreprise obtienne cet effet
d’expérience, elle doit essayer de maîtriser 3 variables :
L’apprentissage direct par lequel la répétition des tâches et des méthodes de travail
conduit à améliorer la productivité grâce à une meilleure coordination ;
Les économies d’échelles dues à une production de masse ;
Et enfin, l’innovation organisationnelle pouvant permettre une nette amélioration de la
qualité du produit et de la productivité.
Pour obtenir cet avantage de coût, et mieux se positionner que ses concurrents,
l’entreprise doit en outre mettre en place une stratégie de croissance de la production et
chercher à obtenir plus vite la réduction de coût par une augmentation de sa part de
marché.
C’est pourquoi ces stratégies de coût sont aussi appelées stratégies de volume.
Cette courbe d’expérience a généralement la forme suivante :
Coût
unitaire
0
Expérience (Volume cumulé de
production)
Figure N° 9 : La courbe d’expérience
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IV-
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Les modèles d’analyse du portefeuille d’activité
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L’analyse de portefeuille est une méthodologie permettant de faire un diagnostic de la
valeur globale de l’ensemble des activités de l’entreprise, d’évaluer le caractère équilibré
du portefeuille d’activités ainsi constitué, et de guider les choix d’allocation de ressources
entre les domaines d’activités actuels ou potentiels. En ce sens, l’analyse de portefeuille
constitue à la fois un outil de synthèse de la situation des activités de l’entreprise (ou
DAS) et un outil d’aide à la décision stratégique pour les entreprises qui gèrent un
portefeuille de segments d’activités distincts ou qui souhaitent diversifier leur activité.
Cette analyse se matérialise par la construction de « matrices portefeuilles » permettant de
représenter graphiquement et de manière synthétique la position stratégique de chacun des
DAS de l’entreprise. Ces matrices, dont les plus connues ont été développées par les
principaux cabinets de conseil en stratégie américains (Boston Consulting Group, Arthur
D. Little, A.T. Kearney ou McKinsey par exemple), positionnent les activités
de
l’entreprise sur un schéma croisant deux dimensions : l’attractivité du segment d’activité
d’une part et la situation concurrentielle de la firme sur ce segment d’autre part.
L’approche par portefeuille d’activités conclut ainsi la démarche globale de diagnostic
stratégique : elle réalise une synthèse du diagnostic externe et du diagnostic interne en
combinant dans l’analyse une évaluation de l’attractivité des activités (analyse externe)
d’une part et de la situation de la firme (analyse interne) d’autre part.
Forte
DAS 2
(5 %)
DAS 1 (12 %)
DAS 3
(10 %)
Faible
Degré d’attractivité de l’activité (du DAS)
Décision
d’investissement
Faible
Forte
Situation concurrentielle de l’entreprise
Figure N° 10 : Principes d’analyse des « matrices portefeuilles
Espérance
de rentabilité
»
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A- La matrice BCG
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Popularisée au début des années 1980 par le cabinet BCG, cette matrice est probablement la
plus connue et la plus populaire en raison de sa vocation universelle et de sa simplicité de
construction. Cependant, sa simplicité apparente – essentiellement due à une mesure
monocritère des deux axes qui la composent – implique des conditions d’utilisation
particulières et la rend, au final, délicate à interpréter. C’est pourquoi après avoir présenté les
caractéristiques et le fonctionnement de cette matrice, nous reviendrons sur les limites liées à
son utilisation.
1- La structure de la matrice BCG
La matrice BCG s’articule autour de deux variables stratégiques permettant de mesurer les axes
du modèle (voir Figure 11).
Taux de croissance de l’activité
20 %
Activités
« dilemne »
?
Activités
«Vedettes »
*
10 %
Activités
« vache à lait »
$
0%
10
Activités
« poids mort »
x
1
0
Part de marché relative
Figure N° 11 : Matrice
portefeuille du BCG (1980)
Pour mesurer l’axe relatif au degré d’attractivité du DAS, cette matrice a recourt au taux de
croissance de l’activité concernée – c’est-à-dire à l’accroissement du marché en volume
ou en valeur d’une année sur l’autre. L’échelle retenue initialement par le BCG s’étend de 0 à
20 % – mais peut être adaptée selon les cas – et la valeur médiane (fixée à 10 % initialement
par le BCG) correspond à la croissance moyenne du PIB ou des activités du portefeuille
de l’entreprise.
Pour mesurer la situation concurrentielle de l’entreprise sur chaque DAS, la matrice BCG a
recourt à la part de marché relative de l’entreprise sur l’activité considérée. La part de marché
relative correspond au ratio des ventes de l’entreprise dans le segment sur les ventes de son
concurrent le mieux placé.
Autrement dit, la part de marché relative est supérieure à 1 si l’entreprise
est leader et inférieure à 1 dans le cas contraire.
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La valeur médiane est généralement fixée à 1, permettant de visualiser immédiatement les
activités sur lesquelles l’entreprise est leader en termes de parts de marché. Il y a un avantage
stratégique énorme à avoir une forte part de marché relative, et si possible la plus forte.
L’entreprise leader se trouve toujours dans une situation privilégiée, tenant à un effet de
notoriété et à un pouvoir de négociation ou de rétorsion beaucoup plus fort. En théorie, le
leader peut être attaqué par les plus petits, mais le plus souvent, ces derniers se contentent
prudemment de « suivre », au lieu par exemple de déclencher une guerre de prix suicidaire.
Dans cette perspective devenir leader ou se maintenir en position de leader est un enjeu
stratégique de premier plan.
Les modalités de construction de la matrice se présente comme suit :
En ordonnée : taux de croissance de chaque DAS (ou du segment d'activité). Échelle
croissante linéaire, de bas en haut, allant de 0 (voire moins) à 20 (voire plus). La valeur
médiane de l'ordonnée est, dans la présentation initiale du BCG, fixée à 10 %, en
référence à la croissance rapide de l'époque.
En abscisse : la PDM relative détenue dans chaque DAS, mesurée par une échelle
logarithmique croissante, de droite à gauche, allant de 0 (entreprise non présente dans le
DAS) à 10 (part de marché 10 fois supérieure à celle du principal concurrent). La valeur
médiane de l'abscisse se situe à 1 (voire 1,5), séparant à gauche les activités pour
lesquelles l'entreprise est leader et à droite pour celles où elle ne l'est pas. Un chiffre de
0,5 révèle par conséquent que, dans le secteur considéré, l'entreprise détient une part de
marché égale à 50% de celle détenue par le leader; un chiffre égal à 4 traduit une position de
leadership confirmé, le concurrent venant en seconde position n'ayant que 25% de la PDM
relative du premier. Du fait de la définition de la PDM relative, il n'y au sein de chaque DAS
qu'une seule entreprise détenant une position supérieure à 1 (l'entreprise leader).
Les différents cercles indiquent la position des domaines d'activité de l'entreprise. Leur
surface est proportionnelle au CA réalisé par l'entreprise sur chaque DAS.
Le choix du taux de croissance comme indicateur de l’attractivité du segment repose sur
l’idée que les activités en croissance sont à la fois propices au développement d’une
position concurrentielle forte, à la création d’un
avantage concurrentiel durable,
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et favorables à la réalisation d’économies et de réductions de coûts importantes. Si le taux de
croissance de l’activité est fort, celle-ci est alors considérée comme prometteuse en termes
de rentabilité future (à condition d’investir pour se forger une position concurrentielle forte).
En outre, un taux de croissance élevé traduit des perspectives d’économies futures par le
biais des possibles économies d’échelle et d’expérience. À l’inverse, un taux de croissance
faible induit le plus souvent une situation de maturité dans laquelle les parts de marché et les
coûts sont figés, ne laissant que peu d’opportunités pour l’entreprise.
Par ailleurs, le choix de la part de marché relative comme indicateur de la position
concurrentielle de la firme renvoie, là encore, aux notions d’effets de taille, d’économies
d’échelle et d’économies d’expérience. En effet, dans cette perspective, une part de
marché relative élevée permet à l’entreprise de réduire ses coûts de manière plus
importante que ses concurrents, du fait de son volume de production supérieur. Cette
compétitivité en termes de maîtrise des coûts lui confère ainsi une rentabilité supérieure et
peut lui permettre d’accéder à une position concurrentielle dominante.
2- Flux financiers
L’objectif de la matrice BCG étant de guider les choix d’allocation ou de réallocation des
ressources entre les différents DAS, les deux variables sous-tendent également un
raisonnement financier. L’axe du taux de croissance de l’activité donne une indication sur
l’importance des besoins de liquidités des DAS (investissement) alors que l’axe de position
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concurrentielle fournit, quant à lui, une indication sur le volume de liquidités générées par
les DAS (rentabilité). En définitive, la matrice propose une analyse des flux de liquidités
nets (liquidités générées – liquidités absorbées) pour chacun des DAS et guide ainsi la
dynamique des subventions croisées entre les activités de l’entreprise.
3- Les préconisations stratégiques
En croisant ces deux axes, la matrice BCG présente quatre cas de figure possibles pour les
activités du portefeuille de l’entreprise.
Pour chacun de ces cas de figure, elle propose
quatre préconisations à mettre en œuvre.
Activités « dilemme » : caractérisés par un rythme de croissance élevé et par une faible
part de marché relative, les DAS positionnés dans le quadrant « dilemme » demandent
un investissement important pour assurer un développement de l’activité et suivre la
croissance du secteur. En revanche, du fait de la faible position concurrentielle et de la faible
rentabilité qui en est issue, ce type d’activité présente un flux net de liquidités négatif. Ces
DAS induisent ainsi une dégradation de la rentabilité globale du portefeuille de l’entreprise
à court terme. Celle-ci doit alors se poser la question de l’intérêt stratégique de cette
activité et du potentiel de la firme à devenir leader sur le DAS. À la suite de cette analyse,
l’entreprise décidera soit d’abandonner l’activité si elle considère qu’il lui est impossible de
devenir leader ou si l’activité ne présente pas suffisamment d’intérêt, soit, dans le cas
contraire, d’investir massivement sur l’activité en utilisant les liquidités générées par les
autres DAS du portefeuille.
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Activités « Vedettes » : caractérisés par un rythme de croissance élevé et par une forte
part de marché, les DAS positionnés dans le quadrant « Vedettes » demandent un
investissement important pour maintenir la position concurrentielle de l’entreprise et
suivre la croissance du secteur. Malgré ce fort besoin d’investissement, ces activités
génèrent un flux net de liquidités proche de zéro grâce à leur forte rentabilité. Les DAS
positionnés en « Vedettes » constituent l’avenir du portefeuille d’activités et de la rentabilité
de l’entreprise qui doit maintenir sa position concurrentielle jusqu’à leur arrivée à
maturité. Avec la diminution du taux de croissance et la maturité, ces activités se déplacent
alors, naturellement, dans le quadrant « vache à lait ». De ce fait, les DAS « Vedettes »
constituent un enjeu stratégique pour l’entreprise qui doit, le cas échéant, leur allouer les
ressources issues des autres activités pour les protéger de l’attaque des concurrents.
Activités « vache à lait » : caractérisés par une croissance faible et une part de marché
élevée, les DAS positionnés dans le quadrant « vache à lait » sont généralement des activités
à maturité sur lesquelles l’entreprise est leader et qui ne demandent que peu d’investissement.
En revanche, ces DAS dégagent un flux net de liquidités important, grâce à leur forte
rentabilité. Activités peu turbulentes et peu risquées, elles constituent la réserve financière
dans laquelle l’entreprise peut puiser pour financer les autres DAS du portefeuille. L’objectif
pour ces activités consiste à maximiser la rentabilité économique en limitant
l’investissement, tout en réinvestissant les liquidités générées de manière pertinente au sein
du portefeuille.
Activités « poids mort » : caractérisés par un rythme de croissance faible et par une part de
marché relative réduite, les DAS positionnés dans le quadrant « poids mort »
constituent des activités de peu d’intérêt, sans véritable potentiel d’évolution, générant
habituellement une rentabilité modérée ou négative et un flux de liquidités proche de zéro. La
préconisation associée aux activités « poids mort » est généralement l’abandon du DAS
ou le maintien sans investissement tant que l’activité est encore bénéficiaire.
4- Prescriptions générales
Indépendamment des préconisations propres à chaque quadrant de la matrice, le modèle
propose deux prescriptions générales en termes d’équilibre du portefeuille :
Éviter la concentration des activités dans un seul quadrant quel qu’il soit : une
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concentration des activités en « poids mort » traduit à la fois une absence de perspective à
long terme et un risque fort de dégradation de la rentabilité à court terme. Une concentration
des activités en « dilemme » induit le plus souvent une absence de rentabilité.
Certes, ce positionnement est attractif et prometteur, mais l’entreprise n’a pas les moyens de
financer son développement et même sa survie peut être menacée. Une concentration des
activités en « Vedettes » ouvre des perspectives futures intéressantes, mais du fait de ses
liquidités limitées, l’entreprise reste fragile face à l’attaque éventuelle d’un challenger. Enfin,
la concentration des activités en « vache à lait » assure certes une bonne rentabilité à court
terme, mais induit un risque de vieillissement du portefeuille à long terme en raison de
l’absence d’activités prometteuses à forte croissance.
Maintenir un portefeuille équilibré : dans un portefeuille équilibré, la majorité des
activités sont situées dans les quadrants « vache à lait » (qui permettent de fianancer
certaines activités dilemmes qui espèrent devenir des vedettes) et « Vedettes » (qui
assurent la croissance à moyen terme), et le centre de gravité du portefeuille (pondéré par la
taille de chaque activité) est localisé dans le quadrant « vache à lait ».
En vue d’atteindre cet objectif, l’entreprise devra donc procéder aux ajustements nécessaires
en termes d’allocation de ressources et de choix de développement (renforcement,
recentrage, diversification, etc.). Il sera nécessaire d’utiliser les fonds générés par les
activités « vache à lait » pour alimenter le développement et la défense éventuelle des
activités « Vedettes » (voire « dilemme ») ou financer le lancement de nouvelles activités
qui se positionneront soit en « Vedettes », soit en « dilemme ».
Cette dynamique du
portefeuille d’activités devra être maintenue en permanence et viser une « séquence idéale
» (voir Figure 13).
Séquence
« idéale »
Taux de croissance de l’activité
20 %
?
*
?
*
10 %
Séquence
« catastrophe »
$
x
0%
10
1
0
Part de marché r
Figure N° 13 : Dynamique du portefeuille
du BCG (Abell et Hammond, 1979)
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5- Les limites de la matrice BCG
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o Elle néglige les effets de synergie entre les Unités d'Affaires (Business Units).
o Une part de marché élevée n'est pas le seul facteur de succès. Une part de marché élevée
ne mène pas nécessairement à la rentabilité.
o La croissance du marché n'est pas le seul indicateur de l'attractivité d'un marché.
o Des problèmes de collecte des données des parts de marché et de croissance du marché
peuvent fausser l’analyse.
o Il n'y a aucune définition claire de ce qui constitue un « marché ».
o Le modèle utilise seulement deux dimensions : part de marché et taux de croissance. Il
néglige les petits concurrents qui ont des parts de marché à croissance rapide.
B- Matrice McKinsey
La matrice développée par le cabinet de conseil McKinsey s’appuie sur les mêmes
principes que la matrice BCG : positionner les DAS de l’entreprise sur un cadre issu du
croisement de deux dimensions relatives, d’une part, à l’attractivité de l’activité et, d’autre
part, à la position concurrentielle de l’entreprise sur ces DAS. Chacune de ces deux
dimensions étant mesurée sur une échelle à trois positions : forte, moyenne, faible.
La différence avec la matrice BCG tient à la manière de mesurer ces deux puisque les
mesures retenues pour la matrice McKinsey sont multicritères et doivent être adaptées au
cas par cas, en fonction de l’entreprise considérée et du secteur d’activité concerné.
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Pour mesurer l’axe de position concurrentielle, le modèle retient le critère de la capacité
relative de l’entreprise à maîtriser les FCS du DAS par rapport à ses concurrents. En effet,
la maîtrise des FCS offre une bonne indication de l’avantage concurrentiel dont dispose
l’entreprise de même que du risque concurrentiel qu’elle doit supporter et de sa rentabilité.
L’analyste doit tout d’abord déterminer les FCS relatifs à l’activité, puis évaluer le degré
de maîtrise que possède l’entreprise de ces FCS, avant de les pondérer en fonction de leur
importance respective. Cette procédure permet ainsi, au final, de faire émerger un « score
» de position concurrentielle.
Pour mesurer l’axe d’attractivité de l’activité, la matrice McKinsey combine deux
évaluations : elle prend en compte la valeur intrinsèque de l’activité en se fondant
notamment sur des facteurs de marché (taille, croissance, etc.), des facteurs réglementaires
(poids des normes, fiscalité, etc.), des facteurs socio-économiques (risque écologique,
pressions syndicales, etc.) ou des facteurs industriels (pouvoir des fournisseurs, des
clients, etc.). Elle prend également en compte la valeur relative de l’activité, compte tenu
du profil global de l’entreprise, en considérant par exemple les possibilités de synergie
induites par cette activité (coût, image, expérience, etc.), du fait notamment de la maîtrise
par l’entreprise d’un FCS critique.
La combinaison de ces deux axes permet de former une matrice à neuf cases (ou zones)
correspondant à différentes préconisations stratégiques (voir Figure 14). Tout comme pour
la matrice BCG, les DAS de l’entreprise seront positionnés sur la matrice et représentés
par des disques d’une taille proportionnelle à leur importance relative dans le CA.
Attrait de l’activité
Forte
Moyenne
Faible
Position concurrentielle
Forte
Moyenne
Maintenir
la position
à tout prix
Maintenir et
suivre le
développement
Rentabiliser
Investir
et améliorer
la position
Rentabiliser
prudemment
Se retirer
de manière
sélective
Investir
massivement
ou abandonner
Se retirer
de manière
sélective
Désinvestir
Faible
Figure N° 14 : Matrice
McKinsey (McKinsey, 1972)
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Les préconisations stratégiques attachées à chacune de ces neuf zones sont parfois
considérées comme trop réductrices ou trop simplistes. Les appliquer de manière
automatique ou mécanique pourrait conduire à des erreurs de jugement. C’est pourquoi il
est nécessaire de nuancer et de compléter cette approche par une vision d’ensemble et une
analyse globale de l’équilibre du portefeuille. Dans cette perspective, il est possible
d’identifier cinq grands principes (voir Figure 15) :
Attrait de l’activité
Centre
de gravité
Moyenne
Forte
Faible
Position concurrentielle
Forte
B
A
B
Moyenne
D
C
Faible
Figure N° 15 : Analyse globale

de l’équilibre du portefeuille McKinsey
chercher à placer le centre de gravité du portefeuille à gauche d’une diagonale sudouest/nord-est et le plus proche possible de la case située à l’extrême nord-ouest. Cette
situation correspond en effet au cas d’une entreprise disposant globalement d’un fort
potentiel sur des activités attractives, ce qui induit à la fois une bonne rentabilité à court
terme et un potentiel de développement favorable à long terme ;
 poursuivre le développement dans les zones favorables à la fois en termes de position
concurrentielle et d’attrait de l’activité (zone A) ;
 maintenir et rentabiliser les DAS placés dans les zones moyennes du fait de la position
concurrentielle ou du degré d’attractivité de l’activité (zone B) ;
 abandonner partiellement ou totalement les activités positionnées sur les zones présentant
une évaluation faible sur l’un des deux axes et une évaluation moyenne sur l’autre, voire
une évaluation faible sur les deux axes (zone C) ;
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 investir pour améliorer la performance de l’entreprise dans les zones très attractives pour
lesquelles l’entreprise ne dispose pas des compétences nécessaires si le DAS est jugé
stratégique, sinon abandonner l’activité (zone D).
C- Le modèle ADL
1- Structure et fonctionnement du modèle ADL
Le modèle ADL associe deux critères de nature qualitative (Voir Figure 16):
 Le degré de maturité de l’activité : reposant sur les quatre phases du cycle de vie
 La position concurrentielle de l’entreprise sur le domaine d’activité : établie à partir
du degré de maîtrise des domaines vis-à-vis des facteurs clé de succès du segment
analysé.
Dans une activité en démarrage ou en croissance, des investissements lourds sont nécessaires.
Seule une position forte ou dominante perm et de les autofinancer. Plus la position est
marginale, plus le déficit de liquidité et le risque sont importants.
Les activités mûres ou vieillissantes créent, en revanche, plus de besoins. Une position forte se
traduit par de faibles risques. A l’inverse, la rentabilité déclinant dans les positions faibles,
l’autofinancement diminue et le degré de risque augmente.
Figure N° 16 : La matrice ADL
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2- Les prescriptions stratégiques du modèle ADL
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Le croisement des deux critères fait apparaitre quatre zones auxquelles correspondent trois
options stratégiques : le développement naturel, le développement sélectif, la réorientation et
l’abandon. (Voir Figure 17).
- Le développement naturel : suppose l’engagement de toutes les ressources nécessaires pour
suivre le développement. Il correspond aux activités pour lesquelles l’entreprise a une bonne
position concurrentielle, m ais intègre également la totalité des segments d’avenir (en phase
de démarrage)
- Le développement sélectif : pour les activités à position concurrentielle moyenne voire
faible ; l’objectif est d’atteindre une meilleure position concurrentielle et donc une meilleure
rentabilité.
- La réorientation et l’abandon : pour les activités à position concurrentielle assez faible,
mais qui sont en phase de fin de maturité, une réorientation vers un nouveau dom aine est
préférable pour éviter la phase de déclin. L’abandon est préférable pour les activités de peu de
rendement et où la position concurrentielle de l’entreprise est faible.
Figure N° 17 : Les prescriptions stratégiques d’ADL
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3- Intérêt et limites du modèle :
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Le modèle ADL ne se limite pas comme le modèle BCG à la compétitivité par des coûts ; il
est également plus dynamique puisque, d’une part, la position concurrentielle s’apprécie en
fonction de atouts de l’entreprise et non de la seule part de marché détenue à un moment
donné et que, d’autre part, l’attrait du segment s’évalue à partir du cycle de vie, ce qui tient
compte de son évolution. En contre partie, plus qualitatif que le modèle BCG, il procure des
renseignements moins simples et moins tranchés.
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