L`humour et le rire : des outils relationnels et
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L`humour et le rire : des outils relationnels et
L’humour et le rire : des outils relationnels et thérapeutiques en ergothérapie ? UE 6.5 S6 : Evaluation de la pratique professionnelle et recherche ROLLET Sybile Mai 2014 Selon le code de la propriété intellectuelle, toute reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur est illégale. L’humour et le rire : des outils relationnels et thérapeutiques en ergothérapie ? UE 6.5 S6 : Evaluation de la pratique professionnelle et recherche Sous la direction de Mme VILLARD Aline, directrice de mémoire ROLLET Sybile Mai 2014 Résumé : Aujourd’hui, les français rigolent, en moyenne, moins d’une minute par jour, alors que les médecins recommandent dix minutes pour être en bonne santé. Quel rôle joue donc le rire sur notre organisme ? Pourquoi rire ? L’ergothérapeute a-t-il un rôle à jouer dans cet accès à la santé ? La relation soignant-soigné est au cœur de nos prises en soin en ergothérapie. Afin de l’établir, nous utilisons tous de multiples modes de communication. Ce mémoire étudie l’utilisation de l’humour avec des patients adultes en situation de handicap. Occupe t-il une place dans cette relation ? Est-il utile dans nos prises en soin en ergothérapie ? C’est à travers des recherches, des témoignages de plusieurs ergothérapeutes, et d’un clown intervenant en soins palliatifs, que nous avons mis en avant la place de l’humour dans cette relation. Nous verrons que les ergothérapeutes utilisent souvent l’humour mais très peu le rire, deux notions utilisées de manières complètement différentes… Abstract : Today the French laugh, on average, less than one minute per day, while doctors recommend ten minutes to be healthy. So what role does laughing play on our bodies? Why laugh? Does the occupational therapist have a role to play in this access to wellbeing? The caregiver-patient relationship is at the heart of our actions in occupational therapy. To establish this relationship, we all use multiple modes of communication. This thesis investigates the use of humor with adult patients with disabilities. Does it have a place in this relationship? Is it useful in our actions in occupational therapy ? It is through research and testimony from several occupational therapists and a clown involved in palliative care that we put forward that humor has its place in this relationship. We will see that occupational therapists often use humor but little laughter, two concepts used in completely different ways ... Mots clés : ergothérapie – relation soignant-soigné – humour - rire Keywords : occupational therapy – caregiver-patient relationship – humor – laugh Remerciements Je tiens à remercier Madame Villard Aline, pour son écoute, ses conseils et sa disponibilité tout au long de la réalisation de ce mémoire, Je remercie l’ensemble des ergothérapeutes qui ont bien voulu partager leurs expériences et répondre à mes questions, Je remercie Mme M., clown sympathique-empathique qui m’a apporté, elle aussi, une aide précieuse, Mes camarades de promotion avec lesquels j’ai partagé trois ans de bonheur, Je remercie également mes parents, ma Loulou, Chloof, Mahou, mon Doudou, qui travaillent quotidiennement à ma bonne santé à travers nos fous rires, Toutes les personnes qui ont pris le temps de relire ce mémoire et de m’apporter leur aide, A tous ceux qui m’ont encouragée de près ou de loin et soutenue dans la réalisation de ce mémoire, merci. « L’humour et les blagues peuvent non seulement avoir un effet thérapeutique à court terme mais aussi sauver des civilisations tout entières. » Bernard Werber « Si vous voulez étudier un homme, ne faites pas attention à la façon dont il se tait, ou dont il parle, ou il pleure, ou même dont il est ému pas les nobles idées. Regardez-le plutôt quand il rit. » Dostoïevski Sommaire Introduction ..................................................................................................................... 1 1- Problématique .......................................................................................................... 2 2- Partie conceptuelle ....................................................................................................... 9 2.1 La relation soignant-soigné .............................................................................................. 9 2.2 L’ergothérapeute............................................................................................................ 11 2.2.1 La pratique en ergothérapie .................................................................................... 11 2.2.2 Le modèle humaniste .............................................................................................. 12 2.3 L’humour ........................................................................................................................ 15 2.3.1 Définitions ............................................................................................................... 15 2.3.2 Conditions d’utilisation ............................................................................................ 16 2.4 Le rire.............................................................................................................................. 17 2.4.1 Les mécanismes du rire ........................................................................................... 17 2.4.2 Les bienfaits du rire ................................................................................................. 18 2.4.3 Les limites : les rires pathologiques ......................................................................... 24 3- Recueil de données .................................................................................................... 26 3.1 Choix des outils .............................................................................................................. 26 3.2 Choix du public ............................................................................................................... 27 3.2.1 Les professionnels ergothérapeutes ........................................................................ 27 3.2.2 Le clown entretenu .................................................................................................. 28 3.3 Analyse des résultats ...................................................................................................... 29 3.3.1 Méthode d’exploitation des entretiens ................................................................... 29 3.3.2 Méthode d’exploitation des questionnaires ............................................................ 29 3.3.3 Renseignements sur les ergothérapeutes ayant rempli le questionnaire ............... 29 3.3.4 Analyse des questions ............................................................................................. 30 3.3.5 Analyse des entretiens............................................................................................. 38 4- Discussion ................................................................................................................... 45 4.1 Conclusion de l’enquête et vérifications des hypothèses.............................................. 45 4.2 Critique de la méthode................................................................................................... 48 4.3 Nouvelles pistes de réflexions ........................................................................................ 50 Conclusion ...................................................................................................................... 52 Ressources documentaires .............................................................................................. 53 Annexes.......................................................................................................................... 56 Introduction « Rire c’est la santé »… Pourtant, les français rient de moins en moins, voire pas du tout pour 7% d’entre eux. Les médecins recommandent de rire 10 minutes par jour, mais en connaissons-nous vraiment les raisons ? Et si le rire a des bienfaits sur la santé, est-il utilisé dans les prises en soins ? Si oui comment ? C’est lors d’un stage effectué dans le cadre de la formation en ergothérapie, que la notion d’humour dans les prises en soin m’a questionnée. L’ergothérapeute est un professionnel de santé qui a pour objectif d’aider les patients à être, au maximum, autonomes dans les actes de leur vie quotidienne. Pour cela, ce professionnel doit évaluer le soigné, ainsi que son environnement, puis établir des moyens d’interventions. Ces observations seront possibles après avoir établi une relation de soin avec le patient, un échange et une écoute efficients. Ce mémoire s’est donc porté sur cette relation soignantsoigné en ergothérapie, mais plus précisément à travers l’humour. De plus, comme indiqué précédemment, le rire, associé à ce mode de communication, a des bienfaits sur notre organisme que nous développerons. Ces deux concepts, très présents dans mon quotidien, m’ont questionnée sur leur place dans la pratique en ergothérapie. Dans un premier temps, l’émergence du sujet permettra d’aboutir à la problématique de ce mémoire d’initiation à la recherche. Deux hypothèses seront émises et guideront les axes de recherches tout au long de cette enquête. Dans un second temps, les termes et concepts importants seront définis dans la partie théorique : la relation soignant-soigné, l’ergothérapeute, le modèle humaniste, l’humour et le rire. Dans un troisième temps, la méthodologie justifiant les outils choisis sera suivie d’une analyse des différentes données recueillies à travers des entretiens et un questionnaire. Enfin, la dernière partie de ce mémoire sera consacrée à la discussion de cette étude qui, après comparaison entre les données théoriques et les analyses, permettra de vérifier les hypothèses et de répondre à la problématique. Une critique de la méthode et des nouvelles pistes de réflexion seront aussi développées dans cette partie. 1 1- Problématique L’humour est un mode de communication que j’utilise quotidiennement, et ce depuis toujours. En effet j’ai grandi dans une famille très portée sur le rire, qui aime prendre la vie du bon côté et dédramatiser les situations compliquées ou difficiles avec l’humour. Toutefois, il m’a également été inculqué la notion de susceptibilité, de moquerie, de moments inopportuns, qui peuvent mettre un frein ou des limites à l’utilisation de l’humour avec autrui. C’est pourquoi je n’avais jamais imaginé pouvoir l’utiliser avec les patients que je rencontrerai dans ma profession, non pas par peur qu’ils n’aient pas d’humour ou d’autodérision, mais par peur de les « blesser » à un moment difficile à vivre. Lors d’un stage de deuxième année, en rééducation fonctionnelle, j’ai eu la chance d’avoir un tuteur, Mr A., qui utilise naturellement et quotidiennement l’humour. En effet, que ce soit avec l’équipe médicale et paramédicale, ou avec les patients, Mr A. a le don de redonner le sourire, de motiver à travers des blagues, des taquineries, ou tout simplement des rires, tout en effectuant sérieusement son travail. Ainsi, mise à l’aise par l’équipe d’ergothérapeutes et par les patients qui semblaient, pour la plupart, ouverts à cette attitude et ambiance de rééducation, je suis, moi aussi, entrée dans cette dynamique. J’ai été très surprise de l’accueil des patients de ce mode de communication, la façon dont ils sont entrés dans le « jeu », et l’attitude de travail très positive qui s’en est suivie. En effet, certains d’entre eux exprimaient régulièrement l’envie de venir en séances d’ergothérapie, afin « d’égayer » des journées souvent trop longues, voire épuisantes, aussi bien moralement que physiquement, dans le centre de rééducation. J’ai remarqué que certains patients, et plus particulièrement un, assez angoissé par rapport à son handicap et son futur retour au domicile ne pensait plus, ou beaucoup moins, à ces facteurs de stress lorsque l’ambiance dans la salle d’ergothérapie était joviale. Cela fut d’autant plus étonnant que les activités de rééducation proposées n’étaient malheureusement pas toujours significatives pour les patients, ce qui aurait pu amener une démotivation de leur part. En effet le travail de rééducation que nous effectuons en tant qu’ergothérapeutes est basé autour de l’activité censée être le plus possible signifiante pour le patient afin qu’il puisse être motivé et acteur de sa prise en soin. 2 Or, les activités proposées dans ce centre étaient très analytiques et très souvent dénuées de sens pour les soignés qui demandaient régulièrement quels bénéfices elles avaient. Malgré nos explications sur l’intérêt principal de la rééducation dans la récupération de mouvements fonctionnels en vue de retrouver une indépendance, la plupart des patients « rechignaient » à réaliser ces activités. L’utilisation de l’humour, une ambiance de travail agréable, une cohésion des patients dans la salle d’ergothérapie leur permettaient de penser à d’autres choses et ainsi de « travailler » avec moins de contraintes et de difficultés. Il me paraît important de garder en tête les objectifs principaux de rééducation afin d’éviter que les patients viennent en séance uniquement dans le but de « rigoler », mais cela n’a pas toujours été évident. Comment savoir garder une limite dans l’utilisation de l’humour ? Comment faire en sorte que cela n’apparaisse pas comme un « jeu » ? Faut-il éviter dans toutes les situations que le patient vienne seulement pour passer un moment agréable ? Ce stage m’a permis aussi de me découvrir un peu plus en tant que future ergothérapeute. J’ai énormément apprécié de pouvoir travailler avec les collègues mais aussi les patients dans cette ambiance détendue. Les choses m’ont paru plus simples, j’ai eu le sentiment d’une meilleure communication entre nous et de pouvoir aborder plus facilement les sujets délicats du handicap avec les patients. Voir un patient motivé à venir en séance, avoir une relation soignant-soigné solide, de confiance, et donc une bonne communication, apportent une satisfaction et une gratification au quotidien en tant que soignant. Je me suis sentie plus confiante dans ma prise en soin en ergothérapie auprès des patients et plus à l’aise avec mes tuteurs de stage. J’ai pu constater de multiples bienfaits, mais je me suis tout de même questionnée plusieurs fois sur les barrières, la distance à garder, les limites à ne pas dépasser pour ne pas blesser le patient, mais aussi la durée et l’évolution des bienfaits qu’apporte l’humour. En effet, lors de ce stage de deuxième année j’ai rencontré un stagiaire kinésithérapeute qui a eu un problème avec un patient que je suivais. Ce patient rit et plaisante souvent, il a toujours le sourire, ce qui laisse beaucoup de possibilités dans l’utilisation de l’humour. Ce stagiaire kinésithérapeute s’est occupé de lui et a également créé une bonne attitude de travail avec ce patient à travers l’humour. 3 Cependant un jour il a fait une blague au patient en pensant qu’il en rirait comme les jours précédents, mais au contraire cela l’a mis dans une grande colère et il a refusé catégoriquement de revenir à ses séances de kinésithérapie tant qu’il ne retrouverait pas son ancienne soignante, et ce malgré les multiples tentatives d’excuses de la part du stagiaire. Cela m’a beaucoup marquée et j’ai vraiment réalisé à ce moment là l’importance du choix des mots, de l’attention dont il faut faire preuve lorsque l’on utilise l’humour avec des patients qui peuvent être parfois plus vulnérables. Une mauvaise utilisation de l’humour ou une maladresse peut-elle rompre la relation soignant-soigné ? Peut-elle alors interrompre le travail de rééducation mis en place ? La notion de confiance entre soignant-soigné est-elle mise en jeu lors de l’utilisation de l’humour ? Tous ces questionnements que j’ai pu avoir sur l’utilisation de l’humour en ergothérapie m’ont conduite vers une autre interrogation à savoir les bienfaits procurés par le rire sur l’organisme et l’esprit. En effet, j’ai toujours entendu dire que « rire c’est la santé », mais je ne me suis jamais réellement penchée sur ce sujet. Connaître les bienfaits et apports du rire sur le corps humain pourrait être très intéressant dans ma future pratique professionnelle en tant qu’ergothérapeute. Les exemples que j’ai pour le moment en tête sont les effets procurés sur le psychique de l’individu, qui pourraient être utilisés dans des centres accueillant des patients avec des troubles psychiatriques, ou encore dans l’aide aux patients pour l’acceptation du handicap. En effet, suite à un accident ou à l’apparition d’une pathologie, les patients ont des phases de « deuil » à surmonter durant lesquelles l’état moral et psychique sont perturbés et je me questionne sur l’aide que pourrait apporter l’utilisation du rire auprès de ces patients. Je suppose qu’il existe aussi des bienfaits physiologiques qui peuvent contribuer au meilleur fonctionnement interne du corps humain, aider à une meilleure rééducation, être un complément lors de la phase de récupération suite à l’apparition du handicap, mais aussi aider au bon maintien des fonctions vitales. L’humour est-il un moyen, un outil, ou un simple mode de communication lors des prises en soin en ergothérapie ? Peut-il permettre de créer un lien interprofessionnel ? Je vais axer mes recherches sur ce que peut apporter l’utilisation de l’humour dans la relation entre l’ergothérapeute et le patient, pour l’acceptation du handicap, pour le bien être psychique et physique. Je souhaite connaître ses limites et évaluer si c’est un moyen que l’on peut utiliser lors des prises en soin. Ce qui amène ma question de départ : 4 Quels sont les bienfaits et limites d’utilisation d’un mode de communication tel que l’humour lors des prises en soin ergothérapiques et pour la relation soignant-soigné ? D’après le dictionnaire Larousse la définition de l’humour est sous deux formes : « Une forme d’esprit qui souligne avec ironie et détachement les aspects plaisants, drôles et insolites de la réalité. » ou encore « Le caractère d’une situation, d’un événement qui, bien que comportant un inconvénient peut prêter à rire ». Ces définitions démontrent la difficulté de définir concrètement ce qu’est l’humour, où il naît, comment il est contrôlé, limité, régi par la complexité que forme à lui seul le corps humain. De plus la complexité des relations sociales et humaines met des limites supplémentaires à l’humour qui dépend de l’appréhension de chacun. D’un point de vue historique le terme « Humour » a été emprunté à l’anglais « Humor » au XVIIIème siècle, qui lui-même vient de l’ancien français « humeur ». Nos voisins anglo-saxons ont défini ce dernier terme plutôt comme une « disposition à la gaieté » tandis que nous le dirigions plus vers une « disposition à l’irritation ». L’humour sera plutôt associé au terme « esprit » jusqu’au XIXème siècle en France ; il ne prendra alors qu’à partir de cette période le sens que lui attribuent les anglais, à savoir « La faculté de présenter la réalité de manière à en montrer les aspects plaisants, insolites ou parfois absurdes, avec une attitude empreinte de détachement » (Dictionnaire historique de la langue française). Finalement, c’est un terme récent dans la langue française, il reste assez difficile à définir. Comme nous avons pu le voir dans la définition du dictionnaire ce trait d’esprit qu’est l’humour peut amener au rire. Il est défini de plusieurs façons : « Marquer la gaieté qu’on éprouve par un mouvement de la bouche et des muscles du visage, accompagnés d'expirations saccadées plus ou moins sonores » (Hachette), « S’amuser, se divertir » ou encore « Offrir un aspect souriant, qui semble une image de la bonne humeur » (Le Larousse). Dans un premier temps on observe que le rire met en jeu des fonctions motrices du visage et de la respiration pour exprimer une notion de bonne humeur. Dans un second temps la définition parle de divertissement. La notion de divertir est définie comme le « fait de détourner quelqu’un de quelque chose, faire que ses pensées se tournent ailleurs ». Dans la troisième définition le terme « humeur » est repris et plus particulièrement « bonne humeur ». 5 Cette dernière est définie par la « Disposition affective de base dont les variations entre une tonalité agréable (pôle du plaisir) et une tonalité désagréable (pôle de la douleur) seraient sous-tendues par une régulation neuro-humorale » ou encore « Disposition affective passagère d'une personne, liée souvent aux circonstances ». Si l’on se réfère strictement aux définitions, le rire provoquerait donc une disposition affective positive chez un individu. L’histoire montre que le rire a toujours été présent. Que ce soit au moment de la préhistoire où il représentait une émotion liée au soulagement lorsque cessait le danger, à l’antiquité où les médecins recommandaient de rire pour fortifier les poumons et l’organisme dans son ensemble. Au XIIIème siècle un chirurgien, Dr. de Mondeville, imposait à ses patients de rire après les opérations car le corps « se renforce » avec la joie et s’affaiblit avec la colère ou la tristesse. Ce principe a été repris par bon nombre de médecins aux XVI, XVIII, et XIXème siècles (cité dans Rubinstein, 1983). Au début du XXème siècle le docteur américain J.Walsh (cité dans Cosseron, 2009) écrit que « La santé d’un individu est proportionnelle à la quantité de son rire ». Cependant les recherches sur le rire en médecine ont été relancées par le livre de N.Cousins (cité dans Cosseron, 2009) où il expose comment il a été guéri de sa spondylarthrite ankylosante1 à l’aide du rire et des vitamines C. La base d’une bonne prise en soin en ergothérapie, notamment, est la relation de confiance entre le patient et le professionnel de santé. Pour cela il faut établir une bonne relation soignant-soigné qui joue un rôle important pour le soignant dans l’élaboration de ses diagnostics et pour induire une confiance dans le traitement ou les prises en soins proposés. La relation soignant-soigné est basée sur une bonne communication, permettant un échange entre les deux individus concernés, qu’elle soit verbale ou non. La communication est définie comme « l’ensemble des phénomènes concernant la possibilité, pour un sujet, de transmettre une information à un autre sujet, par le langage articulé ou par d’autres codes. » (Hachette) Un ergothérapeute a pour objectif principal l’autonomisation de la personne en situation de handicap dans sa vie quotidienne. Pour cela il doit s’intéresser au patient dans sa globalité ce qui inclut les besoins physiologiques de son corps et de son esprit. 1 « Affection chronique caractérisée par la survenue d'une arthrite touchant principalement les articulations sacro-iliaques et celles du rachis. » (Larousse) 6 Or le docteur RUBINSTEIN H. (2003) écrit dans son livre que le rire est un besoin pour le corps, qu’il est « inscrit dans le développement de l’espèce, dans le développement de l’individu, il est aussi inscrit dans les rapports sociaux ». Il considère que si le corps a mis en place les mécanismes du rire, c’est obligatoirement une fonction utile pour le bon développement personnel et sociétal. S’il est si nécessaire, pourquoi l’ergothérapeute n’utiliserait pas le rire comme outil dans sa prise en soin ? Ou tout simplement pourquoi ne rééduquerait-il pas le rire chez le patient ? Quel impact pouvons-nous avoir sur ce besoin physiologique, psychologique mais aussi social ? Avons-nous un rôle dans cette rééducation ? Pour pouvoir préciser ma question de recherche et pour essayer de cibler ma problématique j’ai décidé de faire un entretien exploratoire. Pour cela je me suis tournée vers Dr.T., un professionnel de santé et plus particulièrement docteur en soins palliatifs, qui lors d’une intervention au sein de l’Institut de Formation en Ergothérapie a indiqué que, malgré le « public » dont elle s’occupe quotidiennement, elle utilise beaucoup l’humour. Le but de ma première question (annexe 2) était de connaître les raisons de l’utilisation de l’humour dans sa pratique professionnelle. Elle m’a indiqué qu’elle utilisait ce mode de communication comme outil d’explication des techniques médicales afin que les patients comprennent mieux, donc adhèrent plus facilement, les soins prodigués. L’humour lui permet aussi de dédramatiser certaines situations et d’avoir une relation de proximité avec les patients. Lors de cet entretien, elle a insisté sur le côté distrayant de l’humour lorsqu’elle l’utilise. En effet, elle a constaté que distraire le patient permettait non seulement qu’il ne pense plus à son trouble et à sa douleur, mais cela aidait aussi à enclencher une conversation sur la pathologie, les souffrances ou même la mort en passant par des biais plus simples et plus légers. A long terme, elle a remarqué que l’humour utilisé avec et par les patients améliorait en général le comportement, le moral de ces derniers qui sont enclins à être plus sereins face à leur avenir. Le Dr. T. m’a précisé que l’utilisation de l’humour, comme distraction, était sur le même schéma que le yoga, la relaxation, l’art thérapie ou encore l’hypnose qui permettent aux patients de s’évader, de se « séparer », tout du moins quelques heures, de leurs symptômes. Je ne parlerai pas de ces moyens de distractions dans ma question de recherche car je m’éloignerai de la pratique ergothérapique mais je trouve intéressant de prendre en compte les bienfaits qu’ils procurent et la façon dont ils sont mis en place. 7 Dans un second temps, je lui ai demandé si elle avait déjà eu des effets négatifs après l’utilisation de l’humour et elle m’a répondu que non puisqu’elle a toujours fait attention à s’adapter aux patients qu’elle a rencontrés. En général elle attend que le patient soit réceptif et prêt à utiliser ce mode de communication dans sa prise en soin. Il lui est arrivé d’utiliser, l’humour noir afin qu’il y ait une réaction, un changement de comportement du patient, ce qui a fonctionné. Enfin l’une des questions que je me posais était de savoir si je devais axer mon mémoire de recherche en ciblant un public particulier. Le médecin m’a confirmé que l’utilisation de l’humour avec les enfants ne se faisait pas par le même biais qu’avec l’adulte car ils sont dans le jeu qui n’apporte pas la même chose sur le plan psychologique. De plus elle trouve qu’il est plus difficile d’évaluer les bienfaits chez un public jeune. Je vais donc axer ma recherche sur un public adulte mais sans pathologie précise. Toutes ces réflexions, associées aux informations recueillies lors de cet entretien, m’ont permis de cibler plus précisément mon enquête et m’ont conduite à une question de recherche : En quoi l’utilisation d’un outil relationnel tel que l’humour peut être bénéfique dans les prises en soins de l’adulte en ergothérapie ? A partir de cette problématique, j’ai pu émettre deux hypothèses : L’humour peut permettre une relation de confiance, une relation soignant-soigné efficiente, ce qui favorise une bonne prise en soin ergothérapique. Le rire a des bienfaits sur le corps humain, tant au niveau psychique que physiologique, qui peuvent être associés et utilisés dans la prise en soin globale de l’ergothérapeute auprès des patients adultes en situation de handicap. Ces hypothèses vont axer mes recherches pour la réalisation de mon mémoire, et pourront être, après une démarche de recherche efficiente, affirmées ou réfutées. 8 2- Partie conceptuelle 2.1 La relation soignant-soigné « Le rire est le plus court chemin entre deux individus. » Charlie chaplin Il est très complexe de définir clairement une relation soignant-soigné. Le dictionnaire encyclopédique des soins infirmiers décrit cette relation comme « Un lien existant entre deux personnes de statut différent, la personne soignée et le professionnel de santé. Cette relation nécessite trois attitudes : Un engagement personnel de l’infirmière, le malade étant accepté sans jugement de valeur Une objectivité, pour éviter une déformation de ce qui est vu et entendu Un minimum de disponibilité Elle a pour but l’aide et le soutien de la personne soignée jusqu’à son retour vers l’autonomie. Elle permet d’identifier les demandes de la personne et d’analyser les interactions. » Tous les auteurs s’accordent à dire que la relation de soin s’instaure, à un moment donné, entre deux individus qui ont chacun leur propre histoire, leurs expériences, leurs ressentis ou encore leur caractère. Nathalie Dugravier-Guérin (2010) parle de cette relation comme une « asymétrie fondamentale ». Le soignant est associé à des connaissances spécifiques, un « pouvoir », qui jouent un rôle dans les prises en soin du patient plus vulnérable, et qui donnent ainsi une responsabilité très importante au professionnel de santé. Il doit sans cesse garder en tête de répondre aux besoins et à la souffrance des patients. Claude Curchod (2009) décrit dans son livre une relation qui se développe sous plusieurs formes (civilité, psychologique ou encore éducative) qui sont liées à ces différences culturelles et sociales entre chaque individu. Le soignant, comme le soigné, font partie de réseaux relationnels qui peuvent être parfois communs, mais aussi spécifiques, et qui entrent perpétuellement en compte dans leurs échanges. Pour permettre un bon échange, il faut alors que les deux parties se comprennent et pour cela, elles doivent établir une bonne communication entre le soignant et le patient. La communication, verbale ou non verbale, est le fait de créer une relation, un lien avec quelqu’un, et ce, à travers trois éléments distincts : un émetteur qui produit le message, un récepteur, et le message en lui-même. 9 Ce dernier passe une information d’une personne à l’autre, ce qui va permettre de créer cette relation, cette compréhension entre deux personnes aux univers et cultures différentes. Cette communication dépend elle aussi des facteurs environnementaux, sociaux et culturels des individus, et peut donc être altérée pour de multiples raisons, comme un support mal adapté, un vocabulaire inadéquat, ou encore une écoute distraite. Il faut donc que le soignant prête attention au type de communication qu’il utilise avec ses patients afin d’obtenir un échange adéquat, une relation de confiance. C. Curchod (2009) part du principe que la relation constitue la base essentielle du soin, du bon soin. La congruence, l’empathie et le respect sont trois éléments essentiels lors d’une communication, d’un échange, et lorsqu’ils sont tous présents, un dialogue efficace s’instaure entre les deux personnes. Le patient, une fois compris et écouté par le soignant, pourra alors exprimer ses besoins, ses envies, ses inquiétudes, ses angoisses ou encore ses réflexions. Les deux parties pourront alors réfléchir ensemble à des décisions, des solutions qui pourront être mises en place dans la prise en soin. Pour C. Curchod (2009) cette relation efficiente mettrait en place un « cercle vertueux », dans la relation soignant-soigné, qui repose sur trois formes de dialogue : Un dialogue social entre des individus qui sont dans une situation inégale mais qui utilise un langage ordinaire Un dialogue médical pour communiquer à propos du diagnostic, traitements ou symptômes Un dialogue souterrain qui comprend tout ce qui est sous-entendu, non-dit, concret. Lorsque dans un ou plusieurs de ces dialogues, s’introduit un grain de sable, une fêlure, la relation s’en trouve alors fragilisée. En effet, une mauvaise communication, une incompréhension peut transformer le cercle vertueux en un cercle vicieux. L’écoute et le partage entre le patient et le soignant se trouvent faussés, compliqués, et influent alors sur la confiance qui risque de s’amoindrir ou de disparaître. « Alors la relation de soin devient relation, tout simplement. La relation de soin n’est en effet qu’un cas particulier de la relation en général. » (Cité dans Curchod, 2009) 10 2.2 L’ergothérapeute 2.2.1 La pratique en ergothérapie Afin de définir au mieux notre pratique en ergothérapie je me suis appuyée sur le livre de Sylvie Meyer (2007), qui a fait de multiples recherches sur les différents concepts internationalement utilisés. S. Meyer (2007) définit donc l’ergothérapie comme une profession à la limite entre le social et la santé. En effet l’ergothérapeute a pour objectif d’aider un patient, une famille, une population, dans la réalisation des actes de leur vie quotidienne qui sont affectés suite à une pathologie, un traumatisme ou encore au vieillissement naturel qui impactent directement sur l’environnement culturel, social et physique. Afin de déterminer précisément l’altération des actes quotidiens, l’ergothérapeute doit établir une relation avec le patient et l’évaluer, lui et son environnement, afin de développer des objectifs et des moyens d’interventions. Ces derniers permettront au professionnel, en lien avec le patient, de modifier, réorganiser l’environnement de ce dernier et de sa famille, et ce à travers une « activité intentionnelle et volontaire de l’usager » (Meyer, 2007). La Fédération Mondiale des Ergothérapeutes (World Federation of Occupational Therapy, WFOT, 2005) répertorie plusieurs définitions de la profession, que présentent les associations nationales des ergothérapeutes dans le monde. L’auteur expose celles des pays francophones et celle de la WFOT. On peut remarquer que, hormis le terme « occupational therapy » qui n’est utilisé par les français pour la signification du terme « occupation », décrit comme péjoratif, toutes les définitions de notre pratique sont tournées vers l’importance de l’activité, concept central de notre profession. En effet, l’activité au sens large, est décrite comme un moyen que possède l’ergothérapeute pour comprendre et analyser l’environnement, les capacités et incapacités du patient, mais aussi favoriser, optimiser, aider à retrouver une indépendance dans sa vie quotidienne. Pour les pays anglophones, l’occupation représente toutes les activités réalisées quotidiennement par chacun et qui permettent de se développer, de communiquer, d’interférer dans son environnement, de donner un sens à sa vie. L’ergothérapeute doit évaluer, suite à une situation de handicap, les difficultés à réaliser les occupations quotidiennes et souvent routinières. C’est à travers l’activité et leur exécution que le professionnel et le patient, vont pouvoir avoir une action concrète. 11 L’auteur met en avant dans son livre, les valeurs professionnelles ainsi que les croyances qui sont considérées comme essentielles dans notre pratique. Elles ciblent alors, selon l’association canadienne des ergothérapeutes (cité dans Meyer, 2007), l’occupation, la personne, l’environnement, la santé et la pratique centrée sur le patient, ou client au Canada. Ces valeurs sont donc basées sur des notions humanistes. En effet, l’auteur met en avant, à travers ces valeurs que doivent posséder un ergothérapeute, la nécessité d’obtenir une confiance mutuelle entre le patient et le soignant et l’importance des relations humaines mises en jeux lors des prises en soins. Le professionnel a pour objectif principal, selon Kielhofner (cité dans Meyer, 2007), d’apporter une qualité de vie au patient, à travers la participation quotidienne de ce dernier dans ses activités quotidiennes. S’ajoutent à ces valeurs et croyances les convictions personnelles de chaque professionnel qui peuvent être en accord avec les premières, ou en désaccord, ce qui peut parfois engendrer des conflits internes ou entre thérapeutes. Il est donc difficile d’établir une démarche clinique précise pour chaque thérapeute et chaque patient. L’ergothérapeute va tout de même devoir se baser, en premier lieu, sur les concepts sur lesquels la pratique est fondée mais auxquels il va ajouter sa propre perception de ce qui est « bon » pour le patient et son environnement. Nous avons vu précédemment que l’ergothérapeute est centré sur la personne. Cette dernière est définie, d’après le modèle canadien du rendement occupationnel selon trois dimensions : affectives, cognitives et physiques. Le modèle de l’association américaine quant à lui parle « d’habilités observables » et de « facteurs du client ». Chapparo et Ranka (cités dans Meyer, 2007) dissocient les composantes biomécaniques, cognitives, sensori-motrices, intra et interpersonnelles. La vision de la personne en ergothérapie est donc très diverse et ne dépend pas seulement du modèle sélectionné par le professionnel selon la population et l’orientation du traitement suivi. Pour faire le lien avec le thème choisi pour ce mémoire de recherche, j’ai décidé de développer le modèle humaniste. 2.2.2 Le modèle humaniste « L’humour supprime les problèmes, il consolide les relations entre les êtres et apporte la joie. » Marlo Morgan Les modèles conceptuels ont été développés par Rosemary Hagedorn dans Foundations for Practice in Occupational Therapy (citée dans Morel-Bracq, 2009). 12 Depuis de nombreux écrits et recherches ont été effectués dans le monde, mais c’est Marie- Chantal Morel-Bracq (2009) qui les a adaptés à la pratique française de l’ergothérapie. Les modèles conceptuels sont d’après cette auteur, « une représentation mentale simplifiée d’un processus qui intègre la théorie, les idées philosophiques sous-jacentes, l’épistémologie et la pratique. » (Cité dans Morel-Bracq, 2009). Ces modèles sont donc dépendants des théories, concepts, courants de chaque pays et de leurs fondements. Comme nous l’avons explicité auparavant, l’ergothérapie est une profession qui fait le lien entre le milieu médical et le milieu social, ce qui pointe la complexité pour le thérapeute d’établir une bonne prise en soin globale. Les modèles apportent, lorsqu’ils sont compris et utilisés à bon escient, des outils d’évaluation mieux adaptés, des moyens adéquats et une réflexion argumentée qui donnent un cadre thérapeutique structuré. De plus, les modèles redéfinissent plus clairement et précisément les fondements en ergothérapie. Kortman (cité dans Morel-Bracq, 2009) en 1994, classe les modèles en trois catégories distinctes : Les modèles généraux adaptés à de nombreuses situations professionnelles et interprofessionnelles. On y trouve les modèles de rééducation-réadaptation, interactif, systémique, mais aussi humaniste. Certains ont été développés par des ergothérapeutes comme le Modèle de l’Occupation Humaine (MOHO) ou la MCRO (Modèle Canadien du Rendement Occupationnel) Les modèles appliqués adaptés à des pathologies ou situations précises comme le biomécanique, cognitif ou encore cognitivo-comportemental. Ceux développés par les ergothérapeutes sont le modèle ludique et de Mosey Les modèles de pratiques qui sont spécifiques à des techniques telles que la méthode Perfetti2. Lorsque l’ergothérapeute observe, évalue le patient dans son environnement, beaucoup de modèles peuvent entrer en jeu selon le contexte, la pathologie, l’entourage…mais dans le cadre de ce mémoire, j’ai décidé de développer plus particulièrement le modèle humaniste, qui traite d’un aspect particulier de la personne. 2 « Le principe du concept Perfetti consiste à utiliser les processus cognitifs (attention, mémoire, perception, langage, imagination, etc.) pour récupérer les fonctions motrices dans un contexte pathologique. Dans ce concept, le mouvement est considéré comme le moyen fondamental dont dispose notre organisme pour percevoir le monde qui nous environne. Il se manifeste sous la forme d’un comportement adapté à une situation. » HAS 13 Ce modèle a été développé aux Etats-Unis dans les années 50, à partir des différentes recherches et travaux effectués par Carl Rogers, psychologue humaniste. Ce dernier a travaillé sur l’amélioration de la qualité d’une relation entre thérapeute et patient, à travers l’empathie, la congruence et le non-jugement. Ces trois principes forment les fondements théoriques de l’Approche Centrée sur la Personne, qui se veut positive et bienveillante. Carl Rogers (1962) considère que chaque être humain a la capacité de savoir ce qui est bon pour lui, et que le thérapeute doit aider le soigné à définir ses propres objectifs et le déroulement de la prise en soin. Pour ce faire, le soignant devra être fidèle à ce qu’il est et à ce qu’il pense, être authentique, avoir une vision du patient toujours positive et sans jugement, et enfin il devra chercher à comprendre le fonctionnement et les valeurs de ce dernier. C’est sur les bases de cette théorie que le modèle humaniste est apparu. L’objectif principal de ce dernier est que la personne ait une autonomie maximale, notamment dans la décision, le choix des interventions et du déroulement de la prise en soin. Un échange efficient entre thérapeute et patient sera donc primordial afin que les objectifs soient réfléchis et parfaitement adaptés aux besoins et demandes du soigné. Ce dernier est pris en considération dans sa globalité, dans son environnement physique et social, et le soignant donnera une confiance totale aux jugements personnels qu’aura le patient sur lui-même et sur ses difficultés dues aux déficiences qu’il présente. Il n’y a donc ni pression, ni jugement qui est mis sur la personne, le thérapeute sera là pour la guider, l’aider en mettant en avant ses points forts, ainsi lui permettre de prendre confiance et de gagner en autonomie. MC. Morel-Bracq (2009) décrit les avantages que présente le modèle humaniste, notamment l’ubiquité de ce dernier dans la plupart des modèles développés et utilisés en ergothérapie. Il forme une base pour tous, assez solide, performante, qui permet d’obtenir une motivation positive de la part des patients. De plus l’auteur note que les résultats obtenus à travers ce modèle sont en général permanents. En revanche, quelques inconvénients sont aussi mis en avant. Puisque c’est le patient qui fait les choix d’objectifs et que le thérapeute à un rôle seulement de guidant, le processus peut être très lent, voire ne pas aboutir à une autonomie dans les choix de prise en soin. De plus ce modèle peut parfois s’éloigner de l’activité en elle-même, pilier central de l’ergothérapie, c’est pourquoi il faudrait l’utiliser en lien avec d’autres modèles conceptuels. 14 Enfin, certains individus peuvent se retrouver en difficulté face à un trop grand nombre de choix possibles pour leur vie. L’utilisation de l’humour entre, je pense, dans ce modèle puisqu’il va être une des clés, un des moyens, pour le soignant d’obtenir une relation efficiente et de connaître plus précisément certains aspects du patient. Aussi, le thérapeute a pour objectif, à travers ce modèle, de changer les points négatifs d’après le patient, en points positifs, ce qui est envisageable grâce à l’humour et au rire qui peut être provoqué. Enfin, l’ergothérapeute doit faire preuve d’empathie et s’adapter au patient, sur le plan physique mais aussi psychologique et là encore l’humour peut être un bon outil. 2.3 L’humour Comme précédemment vu dans la problématique, le terme « humour » est difficile à définir. Cependant, deux auteurs, H.Patenaude et L. Hamelin-Brabant (2006), ont analysé les différentes études faites sur l’utilisation de l’humour dans la communication entre infirmières et patients. A partir de ces dernières elles ont dégagé les caractéristiques et les conditions d’utilisation de cet outil. 2.3.1 Définitions Robinson (cité dans Patenaude & Hamelin-Brabant, 2006) fait clairement la distinction entre humour et rire. Le premier est une « expérience cognitive, une forme de communication » qui amène une réponse émotionnelle et un comportement physique, le rire. Astedt-Kurki & Liukkonen, quant à eux, décrivent l’humour comme une « joie de vivre manifestée dans les interactions humaines dans une forme d’amusement, de plaisanterie, de jovialité et de rire. ». Une troisième définition, donnée par Sumners, décrit l’humour comme un « jeu intellectuel » de nature spontanée qui donne un « message d’humanisme ». En effet, les auteurs s’accordent à dire que cet outil de communication est utilisé de manière spontanée dans les prises en soin. D’après l’étude de Robinson, dans plus de 80% des cas, l’utilisation de l’humour n’était pas planifiée par les soignantes. Cependant, il précise que la spontanéité de ce mode de communication n’empêche pas l’intention première d’amuser la personne. 15 2.3.2 Conditions d’utilisation Suite à cette analyse, les auteurs, Patenaude & Hamelin-Brabant, ont répertorié plusieurs catégories d’utilisation : Les conditions liées aux soignants Les auteurs mettent en avant les circonstances dans lesquelles les soignants peuvent utiliser l’humour. Elles considèrent qu’ils doivent faire preuve d’empathie pour pouvoir l’utiliser avec les patients. Celle-ci dépendra de « l’intuition, la sensibilité et du jugement » (cité dans Patenaude & Hamelin-Brabant, 2006) du soignant qui saura ainsi saisir le moment opportun pour utiliser l’humour dans les prises en soin. L’expérience du soignant impacte sur la détermination de ce moment approprié. Robinson écrit que l’utilisation de l’humour dépend, pour beaucoup, de la personnalité du soignant, de sa perception de l’imaginaire et de l’ambiguïté des situations rencontrées. Les conditions liées aux patients Astedt-Kurki (2001) explique (cité dans Patenaude & Hamelin-Brabant, 2006) que pour un patient utilisant déjà l’humour dans sa vie quotidienne et ayant tendance à le provoquer, ce mode de communication pourrait apporter des bénéfices. Il sera plus apte à le conserver durant des moments difficiles qui pourraient créer des bouleversements. Ce sont les croyances et besoins des patients qui vont guider l’utilisation de l’humour. D’après les différentes analyses, les soignés semblent plébisciter ce mode de communication qu’ils trouvent bénéfique pour eux et les soignants. En revanche, les auteurs précisent que certaines circonstances, et des situations inadéquates, peuvent entraver l’utilisation de l’humour. Dans certains cas ce mode de communication peut être inadapté, sauf si le patient l’initie. Les conditions liées à la situation Plusieurs chercheurs s’accordent à dire, après leurs études, que lorsqu’une situation est embarrassante, ou complexe, l’humour peut être intéressant pour diminuer cette gêne et soutenir le patient. De plus, lorsque le professionnel, se trouve gêné par une situation, ce mode de communication permettra de masquer son embarras. 16 Patenaude & Hamelin-Brabant (2006) sont arrivées à la conclusion que la structure et « l’ambiance » qui y règne peuvent déterminer la fréquence d’utilisation de l’humour entre soignants et patients, mais aussi entre professionnels, notamment lorsque le stress est important. Les conditions liées à la relation soignant-soigné : Le respect de l’autre, des valeurs, est primordial dans la relation soignant-soigné. Une fois que cette base est maintenue, une relation de confiance peut naître et laisser place à l’humour. (Greenberg 2003) (cité par Patenaude & Hamelin-Brabant, 2006) 2.4 Le rire « La nature est toujours économe et l’on ne connaît pour ainsi dire aucun organe ni fonction inutiles dans l’espèce humaine. L’existence même du rire prouve qu’il est nécessaire. » H. Rubinstein 2.4.1 Les mécanismes du rire Selon le Dr. Rubinstein, le rire serait une « réponse physique involontaire à une émotion plaisante ». Les manifestations physiques s’expriment selon trois axes différents : musculaire, respiratoire et neuro-hormonal. Le rire met en jeu le cortex cérébral, le « cerveau conscient, siège de la pensée, de la réflexion, de la raison » (Rubinstein, 2003). Le centre cortical du rire se situe dans l’hémisphère droit, et plus précisément au niveau du cortex préfrontal, lieu de gestion de la personnalité. Ce dernier est lié au système limbique, centre des émotions, qui fonctionne différemment selon les personnes, ce qui explique les perceptions inégales de la réalité. Ce système est, quant à lui, lié à l’hypothalamus qui lui aussi contrôle les émotions, mais également le rythme cardiaque, la respiration, la tension artérielle, et les sécrétions hormonales. L’émotion, soit le rire, serait donc reconnue par le cortex conscient, tandis que l’intensité de la réponse émotionnelle serait contrôlée par le système limbique. Ce dernier, quant à lui, va transmettre ce message, via les neurotransmetteurs3, au système neuro-végétatif qui contrôle de façon involontaire les fonctions de l’organisme. 3 L’acétylcholine (intervient dans les mouvements simples), la dopamine (les mouvements complexes et l’activité mentale), le GABA (inhibe les mouvements anormaux, joue un rôle dans le comportement et l’humeur), la sérotonine (déclenche le sommeil) et la noradrénaline (intervient dans le maintien de l’éveil et la régulation de l’humeur) 17 Ce dernier comprend deux sous systèmes qui s’équilibrent sans cesse « le système sympathique accélérateur et le système parasympathique freinateur. » Le premier régit les situations « d’urgence » et provoque les réactions physiques associées, telles que la transpiration ou la dilatation des pupilles. Le second, quant à lui, est antagoniste et va donc ralentir le rythme cardiaque, ou contracter les pupilles. En cas de stress, c’est le système sympathique qui dominera tandis que lors d’un moment de détente, c’est le second qui sera prépondérant. Au moment du rire, la première phase d’alerte sera régie par le système sympathique, puis lors d’une seconde phase, la dominante parasympathique permettra de ralentir le rythme cardiaque, de baisser la tension artérielle ou encore de régulariser la respiration et la digestion. Cette deuxième phase est la plus durable, puisque les bénéfices perdurent après l’acte de rire en lui-même. « C’est un phénomène humain complet qui joue un rôle fondamental au carrefour des manifestations musculaires, respiratoires, nerveuses et psychiques de l’individu. » (Rubinstein, 2003) 2.4.2 Les bienfaits du rire H.Rubinstein (2003) décrit deux rires différents mais complémentaires. 2.4.2.1 Le rire psychologique L’auteur décrit le rire comme un réflexe, aux mêmes caractéristiques que tous ceux du corps humain, mais dont le stimulus n’est pas seulement physique (chatouillement par exemple) mais aussi psychique et intellectuel. Seulement, ce réflexe est mis en jeu lorsque la personne est en « humeur de jeu », c'est-à-dire dans un état d’esprit ludique, associé à celui que l’on a lors de l’enfance, qui donne la capacité de rire de choses désagréables ou très sérieuses. A contrario, lorsqu’une personne n’est pas dans cette humeur il sera impossible d’utiliser l’humour. H. Rubinstein (2003) nous explique à travers son livre que le rire est ancré dans l’espèce humaine et qu’il est nécessaire à chacun. En effet des études neuropsychologiques démontrent que le rire permet une stimulation des centres du plaisir dans des situations agréables mais aussi, à l’inverse déplaisantes, pour conserver la sensation de joie. 18 Le besoin de rire est ancré en nous, particulièrement dans le système limbique du cerveau, centre des émotions, positives et négatives, mais également impliqué dans la formation de la mémoire et de la faculté d’apprentissage. En effet, dès la naissance l’enfant communique souvent en premier lieu, avec le monde qui l’entoure à travers le rire, et les adultes sont en perpétuelle recherche de cette émotion pour sa sociabilisation, pour son développement. Le rire est le meilleur et premier moyen de communiquer, il est donc bien inscrit dans les rapports sociaux. Cette recherche du plaisir est nécessaire à l’équilibre de l’organisme c’est pourquoi nos actes, nos comportements sont régulièrement dirigés vers cette stimulation, et permettent d’obtenir une connivence entre deux individus. Enfin, l’auteur précise que de nombreux psychanalystes pensent que la recherche du rire est aussi faite pour contrôler les pulsions agressives et sexuelles qui font partie intégrante des émotions chez l’espèce humaine et qui sont situées elles aussi dans le système limbique. 2.4.2.2 Le rire physique H. Rubinstein (2003) a décrit dans son livre tous les bienfaits que peut provoquer sur le corps humain le rire, selon les mécanismes qu’il met en jeu. Sur l’état général : L’auteur décrit de nombreux « dérèglements » de l’équilibre général, dûs à une société qui provoque et augmente de nombreux besoins difficiles à atteindre. Cela s’exprime par des insomnies, une inattention, des problèmes digestifs, une dépression, des troubles du métabolisme ou encore une fatigue musculaire. Ces dérèglements sont souvent les signes d’une asthénie, une fatigue physique extrême de l’organisme, pour laquelle la solution est, non pas de rester seul chez soi au repos, mais au contraire d’avoir des activités physiques, réadapter l’effort, lutter contre le stress. Le rire est, à son niveau, un bon moyen complémentaire pour pallier cette fatigue et ses conséquences. Sur l’appareil respiratoire Lorsqu’une personne rigole, les échanges respiratoires sont en moyenne trois fois plus importants, ce qui permet d’éliminer les toxines plus efficacement, nettoie les voies aériennes supérieures, augmente l’apport en oxygène au cerveau, et diminue le taux de graisse sanguine, donc le cholestérol dans les artères. 19 En effet, les alvéoles pulmonaires réduisent les lipides dans le sang par un système de combustion, et les échanges plus intenses augmentent l’efficacité de ce système. Aussi, pour les personnes qui font des crises d’asthme4, le rire permettrait de relâcher les muscles lisses des bronches par action du système parasympathique. De même pour les personnes souffrant d’emphysème5, le rire associé à une rééducation respiratoire augmenterait le volume d’air de réserve expiré et diminuerait alors l’insuffisance respiratoire. Enfin, les personnes anxieuses ont généralement une respiration plus courte, la rééducation par le rire dynamiserait le rythme respiratoire selon le Dr H. Rubinstein (2003). Sur l’appareil cardio-vasculaire Nous avons vu précédemment que le rire avait comme bienfait de diminuer le taux de cholestérol dans les artères. Deux Dr. en endocrinologie californiens, Lee Berk et Stanley Tan (cités dans Cosseron, 2009), ont réalisé une expérience qui démontre l’effet positif du rire sur le diabète. Ils ont demandé à un groupe de patients souffrant d’hypertension artérielle et d’hypercholestérolémie de visionner quotidiennement, et ce pendant un an, des vidéos humoristiques durant 30 minutes par jour, tandis qu’à un autre groupe de patients, souffrant des mêmes troubles, de continuer leurs traitements habituels. Passé le délai de l’expérience les chercheurs ont analysé le taux de cholestérol et de la protéine C-réactive, marqueur de la maladie cardiaque, entre les deux groupes de patients. Les résultats ont été significatifs puisque au sein du groupe du « rire » il y a eu une augmentation du « bon cholestérol » de 26% tandis que dans le groupe témoin seulement 3% en moyenne. De plus, 66% des protéines C-réactives ont été supprimées au sein du groupe « rire » contre 26% de l’autre côté. Les individus souffrant de diabète pourraient donc diminuer leur taux de cholestérol et leur risque de crise cardiaque en rigolant quotidiennement de bon cœur. 4 « Affection inflammatoire chronique des bronches, caractérisée par des crises de dyspnée (gêne respiratoire) paroxystique sifflante témoignant d'une contraction brutale des muscles commandant l'ouverture et la fermeture des bronches, auxquelles s'associent un œdème et une hypersécrétion des muqueuses des voies aériennes (fosses nasales, pharynx, larynx, trachée, bronches) » Larousse médical 5 « Affection diffuse des poumons caractérisée par une distension des alvéoles avec destruction de leur paroi. Les emphysèmes pulmonaires se traduisent par une gêne respiratoire parfois très invalidante. Ils risquent d'évoluer vers une insuffisance respiratoire chronique retentissant sur le fonctionnement du cœur » Larousse médical 20 Lorsque nous rions, le rythme cardiaque s’accélère dans un premier temps, puis diminue petit à petit pour venir se stabiliser à une fréquence basse. Le Dr Michael Miller (Cité dans Cosseron, 2009), affirme que la phase durant laquelle le rythme cardiaque augmente a les mêmes résultats qu’un jogging, en fortifiant le cœur et améliorant la circulation sanguine et l’oxygénation du myocarde, ce qui permet de diminuer le risque d’apparition d’un thrombus6. Lors de la phase de diminution du rythme cardiaque, à prédominance parasympathique, le calibre des vaisseaux sanguins augmentent, la pression artérielle diminue et le cœur est donc soumis à un moins grand stress. Le rire est donc un bon moyen complémentaire pour la prévention des accidents cardio-vasculaires. Sur la digestion Durant la première phase du rire, il va y avoir une augmentation de l’activité musculaire des abdominaux et du diaphragme qui vont permettre de brasser le tube digestif dans sa totalité. Ainsi l’estomac, l’intestin, le côlon, l’intestin grêle et le duodénum vont être massés ce qui va augmenter leur motricité digestive. Ce brassage digestif va permettre de lutter contre la constipation par contraction des fibres lisses intestinales. De plus, nous avons vu que le rire avait un effet sur le système parasympathique ce qui provoque une sécrétion de salive et des sucs digestifs plus importante, améliorant ainsi la digestion qui sera plus rapide. Le foie est lui aussi massé par les différents mouvements musculaires provoqués par le rire, ce qui permet une meilleure sécrétion de la bile et un meilleur travail hépatique. Les insuffisances hépatiques de l’individu pourraient ainsi être diminuées. De plus une augmentation du travail du foie permet également de diminuer le taux de cholestérol en l’éliminant par les voies biliaires. Comme pour le rythme cardiaque, même lorsque le rire s’arrête il y a un effet secondaire avec une relaxation du tube digestif et une sécrétion des sucs digestifs plus importante grâce à la stimulation des enzymes digestives par le système parasympathique. Sur la douleur Elle représente 60% des motifs de consultations médicales et est une aide primordiale pour le médecin afin qu’il pose un diagnostic. 6 « Caillot sanguin formé dans un vaisseau (artère, veine) et provoquant une thrombose » Larousse médical 21 Le Dr. Rubinstein (2003) précise que pour une douleur aiguë il faut administrer au patient un traitement adapté tandis que lorsqu’elle est chronique et n’est pas le signal d’une urgence vitale, on peut essayer d’utiliser le rire pour impacter sur quatre mécanismes : L’attention : lorsque la douleur est importante et constante elle en devient angoissante et il est difficile de fixer notre attention sur autre chose. Le rire permettrait alors de dévier nos pensées, de modifier la douleur ressentie et la diminuer un moment. La tension musculaire : suite à une blessure, les muscles aux alentours sont contractés et le rire, par son action sur le système parasympathique réduirait cette tension et diminuerait la douleur La production de catécholamines (adrénaline et noradrénaline) et de l’endorphine. Les premières sont anti-inflammatoires, et leur augmentation va permettre de diminuer plus rapidement l’inflammation et donc la douleur. L’endorphine, qui est la morphine naturellement présente dans le corps humain, va être, au même titre qu’avec le sport, augmenté par le rire, ce qui va diminuer puis interrompre la douleur. L’attitude vis-à-vis de cette douleur : nous avons tous une perception différente de cette dernière par notre culture, nos croyances ou encore notre personnalité ; le rire va ouvrir à de nouvelles « visions » de la douleur, et à une attitude plus optimiste. Sur la spasmophilie La spasmophilie est un « Syndrome lié à un état d'hyperexcitabilité neuromusculaire chronique. » (Larousse médical) Elle se manifeste principalement par des crises de tétanie avec des spasmes, une hyperventilation, une fatigue importante, des céphalées, de l’anxiété, des douleurs, des troubles digestifs et un état dépressif associé. D’après le Dr H. Rubinstein (2003), le rire combattrait mécaniquement et chimiquement ces symptômes, notamment par l’action des catécholamines dans un premier temps qui vont faire reculer le stress. Nous avons vu auparavant les bienfaits sur les différents systèmes de l’organisme, notamment respiratoire et musculaire, qui là encore agiront sur ce syndrome. Sur le stress Le stress est un « État réactionnel de l'organisme soumis à une agression brusque. » (Le Larousse). 22 Ces agressions, qui sont très diverses, vont déclencher au niveau de l’hypophyse une stimulation de sécrétion d’hormones surrénaliennes (cortisol) qui impactent sur l’équilibre de l’organisme et peuvent provoquer des modifications de ce dernier, comme une tachycardie, une hyperventilation et une vasoconstriction artérielle. Ces changements physiologiques peuvent être positifs dans une situation d’agression « mineure » car ils permettent une adaptation rapide, mais lorsque le stress est plus long, voire chronique, ces réactions deviennent pathologiques et peuvent entraîner des problèmes psychiques avec une fatigue voire une dépression. Lors d’un épisode de stress, c’est le système sympathique qui domine sur le parasympathique. Le rire rééquilibre ces deux systèmes ce qui le place comme un puissant anti stress, d’autant plus que dans la deuxième phase du rire, c’est le parasympathique qui est dominant, ce qui permet de réduire les effets du stress précédemment cités. Le rire peut donc réduire le risque d’accidents cardiaques graves. De plus, l’action qu’il a sur l’hypothalamus permet la sécrétion d’endorphines, les « hormones du bonheur », qui vont donc permettre un apaisement général de l’organisme. Enfin le rire permet d’avoir une attitude et une réflexion positives qui peuvent permettre de mettre de côté des pensées ou problèmes du quotidien stressants. Sur le sommeil La vie psychique est caractérisée par une phase d’éveil qui dépend de deux hormones, la noradrénaline et de la dopamine, suivie de la phase de sommeil associée à la sérotonine. Le rire stimule donc la phase d’éveil, réduit les tensions internes, et provoque une détente musculaire, ce qui laissera place plus rapidement à la phase de sommeil et réduira donc les insomnies. Sur la sexualité Les déroulements physiologiques du rire et du sexe sont très proches, avec la phase de désir, puis la phase copulatoire, celle orgastique et enfin la résolutoire. Lorsque, par exemple, l’orgasme n’est pas atteint, c’est le système parasympathique qui est en cause et c’est le sympathique qui reprend le dessus et provoque une angoisse. Le rire permettrait de reproduire ces phases successives et de rétablir un fonctionnement harmonieux et équilibré du système nerveux autonome. 23 Sur la longévité Le lien entre le rire et la longévité n’est fait que d’hypothèses, mais il a été prouvé que le stress accélérait le vieillissement de l’organisme et nous avons vu précédemment que le rire, lui, annihilait cette anxiété. Le rire améliorerait la qualité de vie et donc permettrait de vivre plus longtemps. Sur l’immunologie D’après le Dr. Rubinstein (2003), le rire serait bénéfique sur le système immunitaire par 3 mécanismes différents : Une augmentation de lymphocytes au niveau des alvéoles pulmonaires grâce à l’augmentation de la ventilation La diminution du stress qui renforce les défenses et diminue le vieillissement de l’organisme Une façon plus optimiste de voir les choses qui permet d’avoir une barrière psychologique face aux agressions extérieures. Des chercheurs américains, et notamment le Dr Lee S.Berk (Cité dans Cosseron, 2009), ont montré qu’à la suite d’une thérapie par le rire, le taux d’anticorps avait augmenté dans les muqueuses nasales et les voies respiratoires. Sur l’activité intellectuelle Le Dr. Lewis (Cité sur apprendre à rire, internet) avance que le rire aiderait le cerveau à mieux apprendre, à mieux travailler grâce aux catécholamines, précédemment citées, qui permettent de mettre l’esprit en éveil, de réduire l’anxiété face aux difficultés lors de l’apprentissage et d’améliorer les capacités mnésiques. 2.4.3 Les limites : les rires pathologiques Le Dr. H. Rubinstein (2003) explique qu’il faut dissocier tous les bienfaits et fonctionnement du rire cités auparavant des rires pathologiques. Ces derniers ne sont pas provoqués de la même manière que chez un individu sain et n’ont pas les mêmes effets. Ces rires peuvent être rencontrés dans différents cas : 24 Des pathologies dues à des lésions cérébrales comme la sclérose en plaque, ou certaines formes d’épilepsie (gélastiques). Les rires seront retentissants, étranges et faux mais sans lien avec la joie. Les patients atteints de schizophrénie en phase aiguë auront des rires fulminants, discordants et inadaptés. Les patients présentant des démences préséniles7 ne prennent rien au sérieux, du fait de leurs troubles cognitifs, et ont tendance à « régresser » vers les plaisanteries enfantines, plus sommaires. Les patients bipolaires, peuvent avoir des rires explosifs, durant leurs phases maniaques, qui traduisent en général leur agressivité. Ces rires ne sont plus associés à une notion de plaisir, d’après l’auteur, mais plutôt un « symptôme morbide ». Le rire n’est plus sous le contrôle conscient du patient. 7 « Affection du cerveau se caractérisant par une dégénérescence (une destruction) dont la cause n'est pas connue avec certitude, entraînant un affaiblissement survenant progressivement de toutes les activités intellectuelles que ce soit la mémoire, le jugement, la concentration, le raisonnement, le langage etc.. La caractéristique majeure de la démence présénile est son début se situant entre l'âge de 40 à 65 ans et son évolution relativement rapide » Vulgaris médical 25 3- Recueil de données « Amène de la confiance, de la joie, de la légèreté et ça change tout, ça change un monde » (clown NEZTOILE) 3.1 Choix des outils Afin d’enrichir, compléter la théorie, et valider ou non les hypothèses, j’ai utilisé deux types d’outils : le questionnaire et deux entretiens semi-directifs. Le premier entretien fut réalisé auprès d’un clown sympathique-empathique, fondatrice de l’association NEZTOILES. Le second, quant à lui, fut celui d’une ergothérapeute diplômée d’état. Le questionnaire (annexe1) permet d’obtenir des informations quantitatives à travers des questions fermées, mais aussi qualitatives suite aux réponses données aux questions ouvertes. Il est dit d’auto-administration car la personne qui y répond est seule face au questionnaire. Les questions fermées étaient binaires, multichotomiques8 sous forme d’échelle d’intensité comme l’échelle de Likert. Les questions ouvertes ont donné la possibilité aux professionnels de s’exprimer plus ouvertement sur le sujet et sur leur pratique. Cette méthode de recueil de données permet de mettre en lien les divers avis des professionnels, et avoir une vision plus globale de la pratique en ergothérapie. Ainsi, le nombre important de réponses et leur concision permet de faire, principalement, une analyse statistique. Le questionnaire est disponible en annexe 1. Les entretiens semi-directifs, quant à eux, apportent des informations qualitatives, qui aideront, elles aussi, à répondre à la problématique posée. Ces entretiens sont disponibles en annexe 3 et 4. A travers des questions ouvertes, l’interlocuteur peut exprimer librement et plus en profondeur ses expériences, observations et réflexions, en rapport avec le sujet abordé. Lors de ces entretiens il est nécessaire de trouver l’équilibre entre le fil de la pensée de l’interlocuteur, et l’objectif premier d’obtenir des données précises pour l’élaboration de ce mémoire. Par des questionnements et des encouragements à détailler davantage les réponses, les informations recueillies se veulent les plus précises possible. 8 Questions à choix multiples qui sont des échelles de mesure exprimant l’intensité d’une opinion. L’échelle de Likert est la plus répandue pour évaluer cette intensité. 26 Ces deux méthodes de recueil de données semblent appropriées dans l’élaboration de ce mémoire de recherche, car les réponses diverses et variées obtenues permettent une analyse plus approfondie. 3.2 Choix du public 3.2.1 Les professionnels ergothérapeutes Ayant répondu aux questionnaires Afin de répondre à la problématique et valider, ou non, les hypothèses, les questionnaires ont été envoyés à des ergothérapeutes travaillant avec un public adulte. La limitation du public visé par la problématique étant très faible et la quantité d’ergothérapeutes exerçant en France importante, les envois du questionnaire se sont révélés nombreux. En effet, je l’ai diffusé à travers un mail vers des structures de soin ou directement sur les adresses des professionnels en ergothérapie. Toutefois, je me suis aussi aidée des nouvelles technologies, et notamment des réseaux sociaux sur internet, qui permettent d’entrer en contact rapidement et plus facilement avec les professionnels, au niveau national. Le questionnaire (annexe1) a été réalisé sur internet via l’outil « Google Drive » qui offre la possibilité de le remplir directement sur le navigateur. De plus les réponses obtenues grâce à cet outil sont claires et rapides. Le lien internet, qui dirigeait vers le questionnaire, était accompagné d’un texte de présentation précisant le délai de quatre semaines pour y répondre. Toutes les réponses ont été obtenues dans ce temps imparti et sont au nombre de 139. Cette quantité importante d’avis personnels d’ergothérapeutes sur leur pratique a permis d’obtenir une analyse plus approfondie en lien avec celles des entretiens réalisés. Tableau 1 : Renseignements sur le nombre d’années de pratique en ergothérapie 30 Nombre d'ergothérapeutes 25 20 15 10 5 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 Nombre d'années après l'obtention du diplôme 27 Ayant été interrogé Le choix du professionnel interrogé s’est fait rapidement car c’est la seule ergothérapeute, tout du moins à ma connaissance, qui est formée à la Rigologie 9 et qui propose des séances du rire aux patients qu’elle suit. Grâce à cet entretien, les objectifs ergothérapiques utilisés pour ces types de prises en soin ont été mis en avant. Suite à un appel téléphonique expliquant ma démarche, elle a accepté immédiatement de faire cet entretien. Ce dernier s’est effectué par téléphone pour des raisons géographiques et pratiques, ce qui n’a pas permis une communication optimale puisque toutes les informations non verbales sont absentes, mais cela n’a pas entravé la pertinence des informations recueillies. L’ergothérapeute interrogée est diplômée et exerce dans un hôpital psychiatrique depuis 10 ans. (annexe 4) 3.2.2 Le clown entretenu La problématique s’articule, notamment, autour des bienfaits psychiques et physiques de l’humour et du rire sur les patients. Il m’a semblé important d’interroger une personne qui est extérieure « au soin » en tant que telle mais qui, néanmoins, travaille dans le milieu médical, avec des patients et qui a pour objectif, à priori, de distraire les patients de leurs souffrances ou difficultés du moment. Mon choix s’est porté sur un clown qui travaille avec des adultes en soins palliatifs. Cet entretien m’a semblé approprié pour répondre à la problématique posée, puisque cette professionnelle est en contact direct avec les patients et les soignants. Elle garde tout de même une distance et un avis extérieur, peut être plus objectif, sur les effets positifs ou non du rire. Cette clown est régulièrement sollicitée du fait de sa particularité à travailler auprès d’adultes, donc c’est naturellement qu’elle a accepté de répondre à mes questions, et ce par téléphone, là aussi pour des raisons géographiques. Elle a une formation de base en art thérapie et a monté l’association NEZTOILES, qui accompagne les adultes hospitalisés dans de multiples secteurs pour soulager leur souffrance psychique. Elle exerce en tant que clown dans les hôpitaux depuis 12 ans mais depuis seulement quelques mois dans un service de soins palliatifs. (annexe 3) 9 Etymologiquement, la rigologie signifie « l’étude de ce qui fait rire et de ses effets ». « La rigologie est un ensemble de techniques psychocorporelles d’éducation émotionnelle, destiné à stimuler la joie de vivre, l’optimisme, la créativité et d’une manière générale la bonne santé mental et physique. » 28 3.3 Analyse des résultats Les résultats obtenus à travers les différents recueils de données doivent être mis en perspectives et croisés avec la problématique et les hypothèses formulées précédemment. 3.3.1 Méthode d’exploitation des entretiens Après la retranscription des entretiens (annexes 3 et 4), j’ai fait le choix de réaliser une analyse descriptive, c'est-à-dire d’exposer la situation après avoir trié et comparé les différentes informations recueillies auprès des interlocuteurs. Pour cela j’ai organisé les données similaires de manière à les regrouper sous des thèmes communs pour les comparer. Cependant, les entretiens étant réalisés auprès de deux personnes de professions différentes certaines questions ont été adaptées. Pour ces dernières, l’analyse s’est donc faite en fonction des hypothèses émises précédemment. 3.3.2 Méthode d’exploitation des questionnaires Pour les analyser, j’ai procédé en deux étapes. En ce qui concerne les questions fermées, j’ai fait des statistiques simples pour cibler et globaliser les réponses données par les ergothérapeutes, puis je les ai triées en fonction de leurs années d’expérience et des structures dans lesquelles ils exercent. Pour les questions ouvertes, j’ai procédé de la même manière que pour celles posées lors des entretiens semi-directifs, en les organisant et en les comparant. 3.3.3 Renseignements sur les ergothérapeutes ayant rempli le questionnaire Cent trente neuf ergothérapeutes ont répondu au questionnaire ce qui amène une grande diversité dans le nombre d’années d’expérience, les lieux d’exercices mais aussi tout simplement les avis sur le sujet. Comme nous l’avons vu précédemment (tableau 1), le nombre d’années écoulées depuis l’obtention de leur Diplôme d’Etat varie de 1 à 33 ans, ce qui est assez vaste. Parmi ces 139 personnes, environ 18% d’entre elles sont dans l’année qui suit la fin de leurs études. On remarque aussi que 67% des ergothérapeutes sondés exercent depuis moins de 10 ans, 22% entre 10 et 20 ans et enfin 11% depuis plus de 20 ans. 29 En ce qui concerne le lieu d’exercice, là aussi on trouve une grande diversité. Néanmoins, beaucoup d’entre eux travaillent dans des domaines similaires, comme le démontre le graphique ci-dessous qui fait état de ces renseignements : Tableau 2 : Lieu d’exercice des ergothérapeutes interrogés structures d'hébergement 14% autres 5% Rééducation/ Réadaptation 53% Personnes âgées 20% Psychiatrie 8% La diversité qu’offre la profession d’ergothérapeute permet à de multiples professionnels d’exercer sur plusieurs structures différentes : Environ 14% des ergothérapeutes questionnés font partie de ces personnes. D’après le graphique ci-dessus, on constate qu’il y a principalement trois secteurs de travail : la rééducation/réadaptation fonctionnelle des adultes, la prise en soin des personnes âgées et les structures d’hébergement. La rééducation reste majoritaire avec 53% des ergothérapeutes interrogés qui y travaillent, suivi par les instituts gériatriques, que ce soit au domicile ou dans une structure médico-sociale, avec 20%, et les structures d’hébergement, type MAS (Maison d’Accueil Spécialisé) ou FAM (Foyer d’Accueil Médicalisé), avec 14%. Les ergothérapeutes travaillant en psychiatrie ne représentent que 8% des réponses obtenues, il sera donc intéressant de faire le lien avec l’entretien effectué auprès de la professionnelle qui exerce en psychiatrie. 3.3.4 Analyse des questions Je vais reprendre chaque question fermée posée aux ergothérapeutes afin de faire émerger les informations principales. Les graphiques représentant les pourcentages en fonction des années d’expériences et des structures sont en annexe n°5. Question n°1 : L'humour fait partie intégrante de votre vie quotidienne. Vous êtes : Pour cette question, les professionnels avaient une échelle de 1 à 5 qui allait de « pas du tout d’accord » à « complètement d’accord ». 30 On observe, à l’aide de ce graphique, que 44% des personnes interrogées sont complètement d’accord avec ça et 43% d’accord, soit 87% qui utilisent quotidiennement l’humour dans leur vie personnelle. Opposés à ces informations, 4% des ergothérapeutes ne sont pas d’accord avec cet item, et 9% sont moyennement d’accord. Parmi les personnes qui considèrent que l’humour fait partie intégrante de leur vie, on note que les professionnels qui ont moins de 10 ans d’expérience ont, à 44%, voté 4, les personnes qui ont entre 10 et 20 ans d’expérience 5, à 47%, et ceux de plus de 20 ans 5 à 47%. Cette question va permettre de faire le lien entre la personnalité de l’individu chez lui et son positionnement, opposé ou non, en tant que soignant. Question n°2 : Pour vous, l’utilisation de l’humour n’est pas professionnelle avec les patients. Vous êtes : A l’aide du graphisme ci-dessus, on constate que 57 ergothérapeutes, soit 41%, et 71, soit 51% ne sont respectivement « pas du tout d’accord » et « pas d’accord » avec le non professionnalisme dans l’utilisation de l’humour avec les patients. Cela représente en tout 92% qui ne sont pas en accord avec cela. Seulement 7 personnes, soit 5% sont d’accord avec le fait que ce ne soit pas professionnel. Nous avons pu constater à partir du tableau d’analyse (annexe 6) et les graphiques (annexe 5) que les ergothérapeutes qui ont moins de 10 ans d’expériences et entre 10 et 20 ans sont, respectivement, 49% et 60% à être « pas d’accord » avec cet item. Les personnes de plus de 20 ans d’expériences, quant à elle, ne sont « pas du tout d’accord » à 53%. 31 On constate donc, grâce à ces résultats que plus les ergothérapeutes ont d’expériences, de pratique, plus ils pensent que l’humour n’empêche pas le professionnalisme face au patient. Au niveau des structures dans lesquelles travaillent ces professionnels, on remarque qu’en rééducation fonctionnelle, les avis divergent entre « pas d’accord » et « pas du tout d’accord » tandis que dans les structures d’hébergements, ou gériatriques, les ergothérapeutes sont deux fois plus à répondre « pas d’accord ». De plus, même si les pourcentages en accord avec cet item sont nettement inférieurs à ceux exprimés auparavant, ils sont plus présents dans ces structures de soins. Question n°3 : Pour vous, l’utilisation de l’humour a des bienfaits sur la santé des patients. Vous êtes : Cette question permettra de faire le lien avec les entretiens afin de répondre à la deuxième hypothèse exposée. Parmi les 139 ergothérapeutes ayant répondu au questionnaire, 64 d’entre eux, soit 46%, sont « complètement d’accord » et 62 sont « d’accord », ce qui représente en tout 91% de réponses positives, et en lien avec la problématique posée. On constate donc que les professionnels pensent, pour la plupart, que l’humour, et donc le rire adjacent, peuvent avoir des bienfaits sur la santé des patients. On note toutefois que 7% ne savent pas si l’humour est bénéfique sur la santé et 3% des ergothérapeutes ne sont pas en accord avec cela. L’analyse approfondie des questionnaires remplis montre que les ergothérapeutes « jeunes diplômés » sont tous d’accord avec cet item, à 89%, malgré quelques personnes qui ne connaissent pas la réponse. En revanche, les individus qui ont le plus de pratique professionnelle ont exprimé un désaccord, faible certes par rapport aux réponses opposées, mais tout de même présent. On constate que les connaissances sur les bienfaits du rire sur la santé sont exponentielles à l’expérience des professionnelles, ce qui est logique, et que les constats positifs restent majoritaires mais tout de même nuancés. 32 En ce qui concerne les établissements de soins, on relève seulement un avis négatif plus important qu’ailleurs en psychiatrie avec 10% de « pas d’accord ». Question n°4 : Pour vous, l’utilisation de l’humour aide les patients dans l’acceptation du handicap. Vous êtes : Cette question ciblait donc un objectif dans l’utilisation de l’humour avec les patients. L’humour et le rire deviendraient, non plus un outil relationnel mais un outil thérapeutique. On peut constater à l’aide du graphisme ci- dessus, que les réponses données sont plus partagées que dans les questions précédentes. On observe tout de même que 48% d’entre eux sont « d’accord » et 60% en tout considère que cet outil aide le patient dans l’acceptation de son handicap. Seulement, contrairement aux autres questionnements, les professionnels sont 30% à avoir répondu « ne sais pas », ce qui représente environ un tiers d’entre eux. Aussi on remarque que 8% des personnes interrogées ont répondu n’être « pas d’accord » avec cet item, ce qui est un pourcentage, certes faible sur le papier, mais plus important que ceux évoqués auparavant. La question d’acceptation du handicap soulève donc plus de débat. Contrairement aux autres questions, ce sont les personnes qui ont le plus d’expériences qui ont le plus répondu « ne sais pas ». En revanche ce sont eux aussi qui ont exprimé à 26% être « complètement d’accord », soit le double, voire le triple, des autres praticiens interrogés. Au niveau des structures, les avis sont partagés de façon similaire. Question n°5 : Pour vous, l’utilisation de l’humour, permet d’obtenir une bonne relation soignant-soigné. Vous êtes : 33 Les ergothérapeutes évoquent, à 61%, qu’ils sont « d’accord » avec cet item. Cela se complète avec les personnes « complètement d’accord » qui représentent 31%, soit 92% qui confirment que l’utilisation d’un outil de communication tel que l’humour, permet d’obtenir une relation efficiente. Seulement 4% ne savent pas et 3% ne sont pas en accord, ce qui est très positif et permettra de répondre à la première hypothèse. Les données recueillies selon les années de pratique sont très proches, notamment pour les réponses positives qui sont majoritaires. On peut observer tout de même que 6% des ergothérapeutes travaillant depuis plus de 20 ans, ne sont « pas du tout d’accord » avec cet item. En ce qui concerne les structures où exercent les professionnels sondés, on ne note pas de différence distincte puisqu’ils sont tous majoritairement « d’accord ». On note néanmoins que les ergothérapeutes en structures d’hébergement répondent tous positivement ou sans avis. Question n°6 : Pour vous, l’utilisation de l’humour peut être faite dans les prises en soin des patients. Vous êtes : Une fois de plus, seulement 4% des informations recueillies sont opposées à la question posée. Ce graphique montre que 93% des personnes enquêtées, pensent que l’humour est un outil utilisable lors des séances en ergothérapie, dont 63% qui sont plus « d’accord » que « complètement d’accord ». C’est donc un avis net en faveur de son utilisation avec tout de même quelques réserves. Les trois catégories d’années d’expérience sont majoritairement « d’accord » avec l’utilisation dans les prises en soin de l’humour, mais on note que les personnes « jeunes diplômées » sont plus nombreuses à avoir donné cette réponse, et en conséquence moins que les autres pour « complètement d’accord ». Le graphisme (annexe 5) montre également que les réponses négatives ont été données par les ergothérapeutes qui ont plus de pratique professionnelle. Une fois de plus, les structures d’hébergement ne recueillent pas de réponses négatives à cet item. 34 Question n°7 : Pour vous, l’utilisation de l’humour est faite par toute l’équipe pluridisciplinaire au sein de la structure. Vous êtes : Cette interrogation permettait de savoir si la dynamique interdisciplinaire était homogène vis-à-vis du patient. Cela fera le lien avec l’analyse des entretiens. On constate que les avis donnés sont plus partagés sur ce sujet là. En effet, le nombre d’ergothérapeutes ayant répondu « d’accord », « ne sais pas » et « pas d’accord » est sensiblement le même, soit environ 28%. De plus, les réponses extrêmes « complètement d’accord » et « pas du tout d’accord » sont à peu près équivalentes même si la première est légèrement au dessus. Il est donc difficile d’étudier cette question et de conclure, si ce n’est que la diversité dans les structures, sur le plan interdisciplinaire, est importante. On note néanmoins que les structures psychiatriques sont plus, globalement, en accord avec cet item, tandis que les instituts gériatriques et d’hébergement sont plus en désaccord. Question n°8 : Pour vous l’utilisation de l’humour, est important en tant que soignant. Vous êtes : Ce graphisme nous montre que 50% des ergothérapeutes sont « complètement d’accord » avec cet item, et 92% en tout sont en accord. Seulement 6% d’entre eux ne considèrent pas avoir besoin d’utiliser l’humour en tant que professionnel. On observe globalement les mêmes données selon les années d’expériences, avec tout de même une petite nuance pour les « jeunes diplômés » qui ont seulement 1% de réponses négatives. Enfin, une fois de plus, les structures d’hébergement n’ont aucune réponse négative. 35 Question n°9 : Vous utilisez l’humour avec vos patients : Malgré les réponses négatives obtenues précédemment, il est intéressant de voir qu’aucune des personnes interrogées n’est dans le refus total d’utiliser l’humour avec les patients. De plus seulement 1% répondent ne l’utiliser que rarement. Ces résultats montrent que les ergothérapeutes qui ne trouvaient pas d’intérêts significatifs à l’humour, l’utilisent avec les patients au minimum « occasionnellement », à 9%. Le graphique montre que 36% se servent de l’humour lors des prises en soin « quotidiennement », et 90% en tout, au moins « régulièrement », ce qui correspond aux données recueillies précédemment. Quelles que soient les années d’expériences, la réponse « quotidiennement » est dominante, mais elle est majoritaire chez les personnes qui pratiquent depuis plus de 20 ans. Ce sont ces ergothérapeutes qui utilisent le plus l’humour avec leurs patients, selon le graphique (annexe 5). Quant au niveau des structures, les professionnels utilisent tous quotidiennement l’humour, exceptés ceux qui sont en gériatrie qui ont répondu à 51% « régulièrement » et seulement 12% « quotidiennement ». Question n°10 : Avez-vous eu une formation pour l’utilisation de l’humour comme outil thérapeutique ? oui 1% non 99% Les informations qui ressortent de cette question sont nettes, seulement une personne a été formée, donc 99% de professionnels qui ne l’ont pas été. Lorsque j’ai demandé sous quelle forme a été effectuée cette formation, cette personne a répondu « Lors de la formation principale, j’ai participé à un stage de clown d’une semaine en équipe. » 36 Cette personne est diplômée depuis moins de 10 ans, et travaille auprès d’un public principalement adulte au sein d’un hôpital. Cette personne n’est « pas d’accord » avec le fait que l’utilisation de l’humour soit non professionnelle avec le patient. En revanche, elle a répondu ne pas connaître les bienfaits de l’humour sur la santé et l’efficacité de son aide dans l’acceptation du handicap. Pour les items concernant la relation soignant-soigné, l’utilisation dans les prises en soin, et l’importance pour lui en tant que soignant, cet ergothérapeute se positionne comme « d’accord ». Enfin, le soignant utilise ce mode de communication régulièrement avec les patients qu’il suit. Enfin lorsque j’ai posé une question ouverte sur les limites de l’utilisation de l’humour, cette personne a signalé « Je pense que l'on sent avec qui on peut faire de l'humour... Pas en tout début de prise en charge et je ne me permets pas toujours de faire de l'humour avec des personnes qui ont des troubles des fonctions cognitives, ils n'ont parfois pas le second degré. ». Question n°12 : Souhaiteriez-vous en avoir une ? non 46% oui 54% Les 138 ergothérapeutes n’ayant pas reçu de formation répondent à 54% « oui » pour être formés à l’utilisation de l’humour. Parmi ces 54%, seuls les jeunes diplômés l’ont exprimé majoritairement. Les ergothérapeutes qui ont plus de pratique ne souhaitent pas à 66% et 73% être formés à l’utilisation d’un tel outil de communication, ce qui paraît logique puisque les ergothérapeutes récemment diplômés sont plus en recherche d’expérience et de formations diverses afin d’étoffer leurs connaissances et compétences dans le domaine de l’ergothérapie en général. Enfin les réponses positives le sont au niveau de toutes les structures rencontrées. Conclusion de cette analyse : Globalement, l’outil de communication qu’est l’humour est plébiscité et utilisé par la plupart des ergothérapeutes interrogés. Ils y trouvent un intérêt au niveau relationnel mais aussi thérapeutique lors de leurs prises en soin. 37 On note tout de même un pourcentage, faible mais présent, qui est plutôt contre son utilisation en tant que professionnel. La comparaison des années d’exercice montrent que les ergothérapeutes qui pratiquent depuis plus de 20 ans sont généralement plus « complètement d’accord » que les autres, mais apportent aussi le plus de réponses négatives. Au niveau des structures, aucune information concrète n’en ressort si ce n’est que les structures d’hébergement, sur trois questions (où les réponses sont majoritairement positives), n’ont eu aucune réponse négative, et en gériatrie, les ergothérapeutes et l’équipe pluridisciplinaire utilisent moins l’humour avec les patients. 3.3.5 Analyse des entretiens « L’utilisation de la thérapeutique du rire ne connait pas de contre indication. » H Rubinstein Cette analyse mettra en avant les grandes idées qui ressortent de l’enquête et qui entrent en compte dans la réflexion autour des hypothèses et de la problématique. L’utilisation de l’humour L’ergothérapeute (annexe 4) exprime clairement que son objectif est de « travailler autour du rire et de l’utiliser de manière thérapeutique. » et non pas le travail de l’humour. C’est un outil qui peut être utilisé lors des séances car elles sont très ludiques, portées sur l’imagination, mais les techniques utilisées sont très précises et propres à la rigologie. En revanche, elle est d’accord avec les ergothérapeutes qui ont répondu au questionnaire sur le fait que l’humour peut être utilisé lors des prises en soin : « je pense qu’il faut absolument apporter de la bonne humeur, de la joie. En tout cas oui il faut absolument que quel que soit le public que l’on prend en charge, il faut garder le sourire, il faut être positif ». Le clown (annexe 3), quant à lui, est plus dans l’utilisation de l’humour avec les patients qu’elle rencontre même si elle précise « En fait il n’y a tellement pas de règle, […] parce qu’en fait toutes les personnes sont tellement différentes que ça m’emmène à chaque fois dans différents univers, et différentes approches relationnelles aussi ». Elle adapte son intervention, son échange, avec les patients selon leur disponibilité du moment mais son objectif principal est d’essayer de changer la vision des difficultés, de la souffrance, ou tout simplement de la vie. Pour accéder à cela elle utilise plusieurs biais mais elle décrit l’humour comme « une autre façon de voir la vie, c’est pour ça que c’est tellement puissant ! Ca peut faire rire de voir cette autre réalité, sourire, ou apaiser…c’est d’une profondeur l’humour ». 38 De plus lorsqu’elle forme les futurs soignants, elle essaye de leur apprendre à être audacieux avec les patients et elle dit « L’audace dans l’accompagnement bien sûr que c’est l’humour, mais ce n’est pas de l’humour au dépend de la personne, c’est un humour partagé ». L’utilisation du rire Les deux personnes entretenues sont à la recherche du rire lors de leurs interventions, selon les dires du clown « le rire, c’est le cadeau ». En effet, elles décrivent leurs séances comme des moments où elles donnent des clés aux patients afin qu’ils arrivent au « lâcher prise ». L’ergothérapeute indique que le patient doit être « capable de déconnecter son mental pour ne plus penser et pour arriver à lâcher prise », et la clown « quand c’est une souffrance morale, c’est vraiment une croyance, puisque il y a des choses à lâcher donc c’est comment je peux aider à lâcher cette croyance ! ». Une fois que le patient a « lâché prise », alors il pourra laisser place au rire. Les séances de rigologie qu’effectue l’ergothérapeute sont organisées de façon précise, et ce n’est vraiment qu’en fin de séance que le fou rire, la méditation du rire, est travaillé. La relation soignant-soigné : efficiente ou non ? Nous avons vu précédemment, grâce aux questionnaires, que les ergothérapeutes interrogés étaient majoritairement en accord pour dire que l’utilisation d’un outil relationnel tel que l’humour avait sa place et permettait d’avoir une bonne relation soignant-soigné. Lors de l’entretien, l’art thérapeute (annexe 3) reprend l’adage « le rire est la distance la plus courte entre deux personnes », et ajoute « il n’y a vraiment plus le soignantle soigné et d’un seul coup on est vraiment à égalité », ou encore « si on arrive à mettre ça dans la relation d’accompagnement, effectivement ça crée une proximité incroyable ». Cela permettrait, selon elle, de créer un échange, un partage plus intime qui facilite le travail qu’elle réalise, pour changer la vision de la vie et voire provoquer des rires. L’ergothérapeute (annexe 4) utilise elle aussi ces rires, et provoque donc cette proximité lors des séances de rigologie. Néanmoins, lors des séances en ergothérapie dites « normales », elle déclare que « la relation est parfaitement maintenue » car elle sait poser un cadre plus distant en dehors des séances de rire. 39 Au contraire, elle dit même que « les séances m’aident à créer une relation de confiance, plus approfondie, parce qu’ils te font confiance, parce que tu les connais. » Les bienfaits sur la santé Rappelons que le groupe d’ergothérapeutes ayant répondu aux questions est à environ 90% d’accord pour dire que l’humour, et en l’occurrence le rire, ont des bienfaits sur la santé. Lorsqu’il a été demandé au clown si les médecins avec lesquels elle travaille ont remarqué une différence psychique ou physique depuis son arrivée elle a répondu « Je pense qu’au niveau physique moins. Mais maintenant j'aimerais bien que dans cette équipe, vu que maintenant ils sont à fond avec moi, qu'on l’évalue ». On ne peut évaluer les bienfaits physiques réels qu’elle apporte. En revanche, elle a mis en avant le bien être, le moral, la perception du moment qui s’améliorent lorsqu’elle intervient. Elle décrit des situations où les patients sont fermés quand elle arrive, mais qui, après qu’ils ont passé un moment de partage ensemble, viennent à sourire, rire, lâcher prise. La professionnelle indique même que dans les secteurs de neurologie, il est important qu’il y ait des clowns qui interviennent car « ils ont vraiment besoin du moral là bas ». En ce qui concerne l’ergothérapeute, qui travaille donc en psychiatrie, elle a pu noter plusieurs bienfaits au niveau sociétal, physiologique et psychologique. Puisque les séances qu’elle propose se déroulent en groupe, il y a une amélioration des rapports sociaux, une meilleure intégration dans un groupe, et ça permet une affirmation de soi à travers les différentes activités proposées. Sur le plan physiologique, la professionnelle note que la rigologie aide à diminuer l’anxiété et gérer le stress et les émotions, permet de se redynamiser, et « joue un rôle antalgique par la sécrétion d’endorphines ». Elle parle « d’éducation émotionnelle » pour savoir « détecter ses émotions, les stocker de manière à éviter de se retrouver débordé d’émotions négatives. ». Enfin, elle indique aussi que la diversité des activités proposées et le dynamisme des séances « peut travailler l’attention, la concentration ». Pour finir, sur le plan psychologique, l’ergothérapeute précise qu’au début et à la fin de chaque séance, elle fait la « météo » du moment et « systématiquement une personne qui était dans le brouillard, maintenant elle est sous le soleil ». 40 En effet la professionnelle évoque que les séances permettent de se décentrer de ses propres souffrances, favorisent un mieux être, développent la bonne humeur et les émotions positives et permettent une meilleure estime de soi. Le ressenti des patients Lors de l’entretien effectué avec l’art thérapeute, il lui a été demandé si les patients ressentaient la différence, elle a répondu positivement en indiquant que beaucoup de patients ou de familles la remercient pour ce qu’elle a apporté. Elle a aussi précisé qu’une patiente lui avait dit « je vous en prie revenez, ça change tellement quand vous n’êtes pas là », car elle avait remarqué, qu’en son absence, les soignants étaient eux aussi beaucoup moins dans le sourire, le partage, ce qui s’en ressentait lors de leurs soins. L’ergothérapeute entretenue a voulu connaître l’avis des patients qu’elle suit en séance du rire, à travers des questionnaires distribués 9 mois après leur commencement. Elle a gentiment accepté de partager les questions et résultats de ces derniers. Les patients ont répondu de manière positive sur la durée des séances, la diversité des exercices proposés, la stimulation de la créativité, les contacts développés avec les autres participants, et le maintien du respect. De plus, ils ont tous été en accord lorsqu’elle leur a demandé si les séances développaient la bonne humeur, le rire, la redynamisation et le décentrage de leurs soucis. Aussi, Ils recommanderaient à d’autres patients de la structure d’y participer. En revanche, pour la gestion du stress, ils ont répondu plutôt négativement, ce que l’ergothérapeute explique par un manque de continuité lorsqu’ils retournent dans leur quotidien, ils ne « s’entraînent » pas suffisamment. C’est donc un bilan plutôt positif pour les patients et l’ergothérapeute interrogée précise même que beaucoup de patients lui disent « que c’est plus efficace que la relaxation, ils en sortent plus relaxés, plus détendus ». Les limites d’utilisation Plusieurs limites ont été évoquées lors des entretiens mais aussi dans les questionnaires, ce qui permettra de faire des liens. Le clown qui intervient en soins palliatifs évoque une limite face aux souffrances physiques des patients « la souffrance physique je pense qu’il faut vraiment s’incliner, faut être humble parce qu’on ne sait même pas soi même comment on réagirait ». 41 Elle explique aussi que tout le monde n’a pas les mêmes disponibilités face à la joie, et les personnes qui ne sont pas dans la joie et le rire depuis toujours, elle dit qu’elle n’arrivera pas à changer leur perception des choses. L’ergothérapeute, quant à elle, soulève le problème des troubles cognitifs qui peuvent entraver la dynamique de groupe des séances de rire. De plus, dans le cadre de la structure de soins dans laquelle elle travaille, elle n’intervient pas auprès des patients qui sont dans des phases aiguës, types psychotiques, car il est difficile de leur donner un cadre. Néanmoins, elle ne se ferme pas complètement à l’idée de le développer, avec plus d’expérience et de pratique, auprès de pathologies aiguës. Cet item me permet donc de faire le lien avec la question n°11 du questionnaire : Rencontrez-vous des limites dans l'utilisation de l'humour avec les patients ? Beaucoup de données ont été recueillies et regroupées. La réponse qui a été la plus citée concorde avec celle de l’ergothérapeute entretenue : les patients avec des troubles cognitifs. En effet, les professionnels ont parfois décrit plusieurs types de limites, mais ce sont les troubles cognitifs qui ont été les plus cités. Cette réponse était justifiée, généralement, pas le manque de compréhension, l’absence de second degré des patients présentant ces types de troubles. Le deuxième point important, le plus évident est la nécessité de s’adapter à chaque patient comme avec tous les moyens thérapeutiques utilisés. Cette information est liée à une autre mise en avant par plusieurs professionnels, qui est l’évaluation de la personne, que ce soit au niveau culturel, de sa personnalité ou encore de son processus de deuil face aux pathologies. Une autre donnée prépondérante est liée aux réponses de l’ergothérapeute entretenue, les maladies psychiatriques, et plus particulièrement les psychoses et le versant persécutif, peuvent entraver à la compréhension de l’humour. Parmi les nombreuses réponses, on constate tout de même que la plupart des professionnels ne considèrent pas avoir de limites dans l’utilisation de l’humour dans les prises en soin. L’un d’entre eux écrit « ça aide pour dédramatiser certaines situations ». Les autres limites répertoriées sont le maintien du cadre thérapeutique, la réceptivité du patient, le stade d’acceptation du handicap ou de la pathologie, les interprétations différentes de l’humour, lorsque la situation ne s’y prête pas ou encore la nécessité d’avoir déjà une relation de confiance. Un autre point cité plusieurs fois est la préoccupation de ne pas blesser le patient, de ne pas se moquer de lui, et ainsi ne pas rompre la relation de soin. 42 D’autres informations ont été données, par un nombre plus restreint d’ergothérapeutes, mais qui restent néanmoins intéressantes pour approfondir notre analyse. Certains ont explicité que le propre état du soignant à l’instant T est important « Cela dépend également de notre état personnel à ce moment là. Faire de l'humour sans y croire, généralement, ça ne prend pas avec les patients. ». D’autres encore l’utilisent pour observer les réactions des patients « J'ai déjà rencontré des personnes qui à première vue était hermétiques à l'humour. Mais souvent cela donnait une piste de travail ou des questionnements sur la raison de cette non-réaction. » Le soignant et l’interdisciplinarité La place du soignant et son propre bien-être sont des points qui sont ressortis régulièrement lors de l’entretien du clown. Elle considère que son travail n’est pas qu’auprès des patients « j’ai l’impression que ma fonction c’est de faire rire les soignants, c’est d’alléger au maximum leur réalité ». Elle estime que lorsque les soignants sont joyeux, donc souriants, c’est bénéfique pour les patients et leur relation soignant-soigné : « quelqu’un qui sourit ça transmet une confiance et puis bon c’est une ouverture ». Certains patients lui expriment même ce besoin « dites leur au médecin s'il vous plaît que leur sourire ça change tellement tout ». Cette réflexion est similaire à la question n°8 sur l’importance de l’utilisation de l’humour en tant que soignant, et où 92% des ergothérapeutes sondés répondent positivement, ils ont besoin de cet outil pour « alléger leur réalité » et ainsi être plus efficients. Une autre thématique du questionnaire a été abordée par la clown : l’interdisciplinarité. Les réponses étaient très mitigées pour les ergothérapeutes interrogés mais l’avis de la professionnelle en hôpital est claire « J’insiste vraiment là-dessus c’est un travail d’équipe ». Avoir le soutien de l’équipe, une bonne communication, permet au clown d’appuyer sa présence auprès des patients qui acceptent et sont en attente de sa présence dans le service de soins palliatifs. « Une équipe qui m’intègre complètement, là pour l’instant je n’ai pas été refusée une seule fois. ». Les objectifs en ergothérapie Mme D. étant la seule, ou en tout cas une des rares ergothérapeutes, à utiliser la rigologie, des séances de rire avec les patients, il était intéressant de connaître ses objectifs de prise en soin. 43 Puisqu’elle travaille en psychiatrie, ses objectifs sont adaptés au public rencontré. De plus, ils sont validés par l’hôpital puisque la formation a été financée par ce dernier. Ses objectifs sont : apprendre aux patients à gérer leur stress, le travail d’affirmation de soi, de revalorisation, et apprendre à être en groupe. Elle va « leur donner des outils pour être positifs, pour qu’ils puissent s’affirmer […] et prendre du plaisir». En ce qui concerne la mise en place de la rigologie dans d’autres types de structures, Mme D. reste plus perplexe car cette thérapie fonctionne dans un cadre très précis que les troubles cognitifs ou les incapacités motrices pourraient entraver. Néanmoins, au-delà de la rigologie, elle précise que stimuler, faire rire les patients permettent une motivation, un mieux être qui ne peuvent être que bénéfiques pour le patient. De plus, elle précise que ses séances permettent d’avoir « une vision des patients encore plus globale et complémentaire », ce qui est un des objectifs en ergothérapie. Suite à ces analyses, certaines informations vont être pertinentes et sujettes à une discussion. 44 4- Discussion « Le rire est un phénomène très particulier, dont la valeur thérapeutique et l’incroyable force curative sont malheureusement encore sous-estimées. » Dr Dyan Sutorius 4.1 Conclusion de l’enquête et vérifications des hypothèses A travers ces recherches, j’ai voulu montrer, dans un premier temps, l’intérêt d’utiliser un outil de communication tel que l’humour, dans les prises en soin. Le croisement entre les informations de la partie théorique et les données recueillies lors de l’enquête, m’ont permis de faire ressortir des points qui me semblent importants. Nous avons pu observer dans notre étude théorique que la relation soignant-soigné était basée sur la communication entre deux individus. C’est le message transmis qui va permettre aux deux parties de se comprendre et de créer cette liaison que forme la relation. En effet nous avons vu que chaque personne arrive avec son histoire, sa culture, ses croyances et différents facteurs environnementaux qui peuvent fragiliser cette communication. C’est donc le rôle du soignant de trouver le bon support, la bonne façon d’entrer en relation avec le patient. Il existe de nombreuses techniques de communication, qu’elles soient non verbales ou verbales, et lorsqu’elles sont bien utilisées et adaptées au patient, par le soignant, en l’occurrence l’ergothérapeute, alors la relation de confiance peut être établie. D’après les résultats obtenus aux questionnaires, les ergothérapeutes sont majoritairement pour l’utilisation de cet outil au niveau relationnel. En effet ils estiment que la relation soignant-soigné est efficiente, de confiance, lorsque cet outil est utilisé. Les limites citées par ces professionnels coïncident avec les définitions décrites précédemment. En effet, les troubles cognitifs ont été prédominants dans les données recueillies, puisque certains entravent la compréhension du patient du message transmis par le soignant. Ainsi, si ce message est sur un ton humoristique, le soigné ne comprendra pas forcément la subtilité de l’ergothérapeute. La communication s’en voit alors entachée, et la relation de soin fragilisée. C’est pourquoi les professionnels sont nombreux à avoir répondu faire attention à s’adapter à chaque patient, voire les « évaluer », tant au niveau de leur culture que de leur perception de l’humour. Cela leur permet de ne jamais rompre cette communication si importante dans leur relation soignant-soigné. 45 Cette adaptation constante explique les réponses majoritairement très positives des ergothérapeutes qui, pour la plupart, n’ont jamais eu de « rupture » de communication. Evaluer le patient et le laisser exprimer ses ressentis, ses besoins, sont des clés que l’ergothérapeute utilise dans sa profession et notamment avec le modèle humaniste. Le professionnel va chercher à aider le patient à être autonome dans ses choix, dans l’élaboration de ses objectifs de vie et donc de prise en soin. L’ergothérapeute, pour cela, va favoriser la motivation du patient en mettant en avant les points positifs sur lesquels ce dernier va pouvoir s’appuyer. L’humour peut donc être un biais utilisé afin de mettre le patient dans une attitude positive vis-à-vis de son handicap. Néanmoins on a vu que le modèle humaniste doit être complémentaire d’un autre modèle, car très peu centré sur une activité. L’humour ne remplace donc pas les séances proposées par l’ergothérapeute mais peut aider à les mettre en avant, et à favoriser la motivation du patient. L’ergothérapeute entretenue a soulevé un autre point important, (que les professionnels interrogés par les questionnaires ont appuyé), pour les patients atteints de psychose qui ne sont pas encore stabilisés, donc toujours en phase de délire, il est difficile de poser un cadre. De plus certains versants que peut présenter cette pathologie, comme le versant persécutif, peuvent même accentuer les difficultés de communication et enrayer la prise en soin. Je pense effectivement que l’humour peut être utilisé dans les structures psychiatriques mais seulement avec les patients qui sont stabilisés, pas dans des pathologies aigues. On observe d’ailleurs, grâce aux résultats des questionnaires, que ces structures utilisent volontiers ce mode de communication, notamment en équipe pluridisciplinaire. Le clown interrogé m’a indiqué qu’utiliser l’humour permettait de changer la vision que l’on a sur sa souffrance, sa douleur ou tout simplement sa vie. Ses dires sont appuyés par les résultats obtenus sur la question de l’acceptation du handicap. Un handicap bouleverse l’environnement, tant social que familial, et souvent des changements doivent être opérés à court, moyen et/ou long terme. Durant cette phase de changements, le patient doit réapprendre ou se réhabituer à certains actes de la vie quotidienne tout en acceptant l’arrivée de ce handicap. Nous avons vu dans la partie théorique que l’ergothérapeute est à mi chemin entre le social et la santé. En effet, dans notre pratique, nous nous centrons sur la globalité de la personne, donc l’aspect physique, cognitif mais aussi affectif, selon la MCRO (Modèle Canadien du Rendement Occupationnel). 46 L’ergothérapeute va donc intervenir dans l’environnement du patient, à travers des activités, afin d’améliorer l’autonomie de ce dernier, mais il va aussi accompagner le patient dans l’acceptation de son handicap. Sur cet aspect, l’humour va être un outil utilisable dans les prises en soin en ergothérapie, mais toujours en l’adaptant au patient. Ces réflexions me permettent de valider la première hypothèse. L’humour est un outil de communication qui a sa place dans les prises en soin en ergothérapie. La plupart des professionnels interrogés y trouvent un intérêt sur le plan relationnel mais aussi pour le patient en situation de handicap. Néanmoins, il y a une réserve à cette utilisation, pour les patients qui n’ont pas ou plus la faculté de comprendre les subtilités et subjectivités de l’humour. L’ergothérapeute doit s’adapter à l’état d’esprit et aux capacités de la personne prise en soin. De plus, ce moyen de communication est un complément, et pas un remplacement, des prises en soin en ergothérapie afin d’obtenir une vision globale du patient et une relation efficiente, deux objectifs majeurs de la pratique ergothérapique. Dans un second temps, j’ai voulu démontrer l’utilité du rire dans les prises en soin en ergothérapie. Dans la partie théorique, les bienfaits physiologiques et psychologiques décrits ont été nombreux. Il était donc intéressant d’observer si dans la pratique, ces bienfaits sont notables, et en conséquence, utilisables dans notre profession. En effet, nous avons vu précédemment que l’ergothérapeute doit prendre en compte le patient dans sa globalité afin d’avoir une prise en soin complète et efficiente. Les professionnels ayant répondu aux questionnaires sont en accord, globalement, pour dire que l’humour, et donc le rire engendré, a des bienfaits sur la santé. Comme je le note plus loin dans la critique de la méthode, je n’ai malheureusement pas demandé quels types de bénéfices ils avaient notés depuis le début de leur pratique. Je ne peux donc pas analyser plus précisément sur quel domaine le rire agit vraiment. En revanche, les entretiens permettent d’avoir une opinion plus précise sur ces bienfaits. Le clown m’a clairement expliqué qu’elle ne pense pas que les médecins aient réellement observé des améliorations physiques concrètes entre le début des soins et son arrivée dans le service. Elle note tout de même qu’il serait intéressant de commencer à l’évaluer en équipe. En revanche, elle décrit des bienfaits psychologiques apparents à la suite de ses interventions. 47 Il en est de même pour l’ergothérapeute qui effectue des séances de rire, qui note principalement des bénéfices pour les patients sur le plan psychologique, pas physique. Elle décrit tout de même une action antalgique qui soulage certains patients. En général, le moral des soignés est meilleur, ils sont revalorisés, redynamisés, le stress et l’anxiété diminuent, et la bonne humeur et la positivité augmentent. De plus le travail en groupe permet aux patients d’améliorer leurs rapports sociaux mais aussi de gérer leurs émotions afin de ne pas se laisser déborder. Toutes ces données me permettent de valider partiellement ma deuxième hypothèse. Partiellement, car la pratique n’a pu vérifier la théorie. Il apparait très compliqué d’évaluer les bienfaits physiques réels dans les prises en soin des patients. Scientifiquement, il est prouvé que le rire a une action sur le corps humain mais je n’ai pas su trouver concrètement des preuves de ces bienfaits. En revanche, mes différentes recherches, l’avis des ergothérapeutes, de la professionnelle qui propose des séances de rire et du clown qui intervient en soins palliatifs, se recoupent pour affirmer une amélioration au niveau psychologique. Le rire, et ses conséquences positives, permettent aux patients, en général, d’avoir une autre vision sur leur situation de handicap ou leur pathologie et d’obtenir un mieux être, un lâcher prise. Ces apports positifs ne peuvent qu’améliorer le bon déroulement des prises en soin, et je pense, entrent dans le domaine de l’ergothérapeute, le soignant, qui a pour compétences d’évaluer et d’accompagner le patient dans son environnement global. Le bien être du soigné, dans son environnement est un élément essentiel à prendre en compte en ergothérapie. D’autant plus que le rire est, comme nous l’avons vu dans la partie théorique, un réflexe du corps humain dont nous avons besoin. 4.2 Critique de la méthode Mon premier obstacle à la réalisation de ce mémoire a été le peu d’écrits sur l’humour et l’ergothérapie. Pour palier à ses difficultés je les ai complétés par des ouvrages, et articles issus d’autres métiers médicaux et paramédicaux. Mon enquête auprès de plusieurs ergothérapeutes a aussi permis de cibler un peu plus mes hypothèses. Les différents échanges que j’ai eus durant cette enquête m’ont permis de comprendre en quoi le questionnaire aurait pu être plus clair et plus explicite. Cela m’aurait permis d’être plus précise et plus avisée dans ma réflexion sur le sujet. 48 En effet, sur l’item de l’acceptation du handicap, j’aurais pu demander aux ergothérapeutes, à travers une question ouverte, de quelle manière ils utilisent l’humour pour cet objectif. De même, pour l’item sur les bienfaits, je n’ai pas pu utiliser leurs apports pour ma deuxième hypothèse, car je n’ai pas assez de précisions. De plus, la conception de mon thème de mémoire a évolué durant l’année écoulée, notamment après la réalisation des entretiens qui m’ont dirigée plus vers le rire en lui-même que l’humour qui le provoque. Mon questionnaire aurait été peut être plus précis et aurait peut être apporté davantage de réponses. Malgré le nombre important de réponses à mon questionnaire j’ai conscience que cette enquête ne permet pas de généraliser les données recueillies à la pratique ergothérapique. En ce qui concerne les entretiens, il m’a été plus difficile, que je ne le pensais, de les mener correctement. La préparation préalable n’a pas été assez rigoureuse, aussi par manque d’expérience, ce qui a entraîné des omissions de questions qui auraient pu être plus pertinentes. De plus, mon intérêt pour les pratiques des deux professionnelles interrogées a parfois dévié la conversation des objectifs du départ. Il eût été intéressant de me préparer de façon plus « assidue » à ses entretiens. Comme je l’ai expliqué précédemment, je n’ai pas tout de suite ciblé mon sujet de mémoire sur le rire. Je l’avais seulement associé à une réponse physique à l’humour, et ce travail de recherche, à travers les lectures et les entretiens, m’a permis de découvrir les différentes techniques qui permettent de le provoquer pour accéder à ses bienfaits. De plus j’ai fait le choix de ne pas interroger les patients, car j’ai préféré cibler en priorité les avis et expériences précieuses des professionnels, et le temps m’est apparu trop court pour tout effectuer. Cependant, avec le recul, je comprends qu’il aurait été très intéressant d’interroger des patients avec tout type de handicap, sur leur ressenti vis-à-vis de l’utilisation de l’humour lors de leurs séances en ergothérapie. J’aurais ainsi pu comparer les avis des professionnels et des patients pour compléter les connaissances sur ce sujet. Enfin, je pense que les connaissances, recherches et fonctionnements des autres pays dans l’utilisation de l’humour et du rire apporteraient une vision différente, ou complémentaire et cibleraient plus leur place en ergothérapie. 49 4.3 Nouvelles pistes de réflexions Chez les enfants Dans le cadre de ce mémoire, j’ai axé mes recherches sur les patients adultes en situation de handicap. En effet, les mécanismes du rire ne sont pas les mêmes chez l’enfant ou chez l’adulte. Il m’avait été judicieusement conseillé de ne pas faire cette enquête auprès de ce public, où l’utilisation de l’humour paraît plus facile du fait de « l’insouciance » des enfants. Néanmoins, je pense qu’il serait intéressant désormais de connaître ces mécanismes chez les enfants et qui laissent, à priori, plus facilement une place à l’humour et au rire. En effet, il est à priori plus aisé de les amuser, les distraire, et ce, avec moins de barrières dues aux normes sociétales. Les bénéfices sont-ils différents ? Peut-on aller encore plus loin dans l’utilisation de l’humour avec les enfants ? Le modèle utilisé par l’ergothérapeute serait-il alors le modèle ludique ? De plus j’ai rencontré lors d’un stage en libéral des parents et professionnels de scolarité, qui, à plusieurs reprises, ont mis en avant comme point positif l’utilisation de l’humour et la compréhension du second degré par l’enfant. Je me suis donc questionnée sur l’importance et la place qu’a l’humour dans les rapports sociaux que l’on tente d’inculquer aux enfants. Expérimentation en ergothérapie A travers ce mémoire, nous avons vu ce que peuvent apporter l’humour et le rire en ergothérapie. Il serait peut être intéressant, désormais, d’expérimenter ces différents apports, afin d’évaluer concrètement les bienfaits possibles. Ces expérimentations pourraient être faites à plusieurs niveaux. Dans un premier temps on pourrait évaluer la façon et l’intérêt de l’utiliser selon les structures de soin, afin d’adapter l’humour aux publics accueillis. Dans un second temps, nous pourrions observer et adapter l’utilisation du rire selon un type de pathologie précis. Ainsi, les séances seraient travaillées de manière à pouvoir accueillir des patients à mobilité réduite, par exemple, difficulté qu’avait décrit l’ergothérapeute entretenue. 50 La mise en place de ce type d’expérimentation autour de l’humour et du rire permettrait de comprendre les mécanismes mis en jeu dans la relation, les bienfaits physiologiques réels, mais aussi et surtout l’avis des patients. En effet, je pense qu’il serait important de connaître leurs ressentis, leurs besoins face au rire, afin de modifier et adapter nos prises en soin. Formations Dans le questionnaire envoyé aux ergothérapeutes, un item ciblait la formation sur l’utilisation de l’humour. En effet, le clown rencontré effectue des formations auprès des étudiants médicaux et paramédicaux, mais aussi auprès de soignants diplômés. Lors de ses conférences, ou séances avec ces (futurs) professionnels, elle essaye de leur transmettre des clés pour leur permettre d’être des soignants plus à l’écoute des patients. Elle considère que pour pouvoir gérer les émotions des soignés il faut déjà pouvoir gérer les siennes, et c’est à travers des formations qu’elle va tenter de leur donner ces clés, qui feront d’eux des professionnels plus efficients, car à l’écoute. Le conseil que Mme M. donne à ses « élèves » est d’avoir de l’audace avec les patients, et que cette audace c’est l’humour. Je me demande donc s’il ne serait pas intéressant que, nous aussi étudiants ergothérapeutes et diplômés d’état, soyons formés à cette gestion des émotions. Nous avons une formation très riche en ergothérapie, où plusieurs techniques, modèles, courants, nous sont inculqués. Est-il envisageable d’avoir une formation de ce type, dans notre cursus de professionnalisation, afin de renforcer encore nos compétences et donc nos prises en soin ? Dans les questionnaires proposés aux professionnels, ils sont plusieurs, et surtout les plus « jeunes diplômés » à souhaiter avoir une formation sur cet outil qu’ils utilisent déjà et pour la plupart quotidiennement. Ils sont donc en recherche d’évolution et d’apprentissage dans la mise en place de leurs relations de soin. Je me demande donc s’il serait intéressant de se former aussi à la rigologie afin de développer cette dernière en ergothérapie et ainsi compléter nos prises en soin. 51 Conclusion « Sourire c’est offrir sans rien dire. » Kinou La rédaction de ce mémoire n’a pas toujours été évidente du fait de la particularité du sujet. Les quelques hésitations et remarques constructives émises par mes camarades ou formateurs au début de la réflexion, m’ont permis de me remettre en question. L’humour en ergothérapie est-il vraiment si important ? Je me suis donc penchée plus précisément sur les ouvrages, j’ai ouvert des discussions avec des professionnels, j’ai repensé aux situations rencontrées durant mes stages, et j’ai écouté mes camarades de promotion qui ont partagé avec moi leurs expériences avec les patients sur ce thème. Oui, l’humour avait à priori une place dans la pratique en ergothérapie, c’est pourquoi j’ai effectué mes recherches sur ce sujet. Les nombreux ergothérapeutes interrogés ont exprimé leur intérêt pour cet outil, qu’ils utilisent, pour la plupart, quotidiennement dans leur relation de soin. Cette dernière est, selon les résultats obtenus, améliorée par l’humour et rarement entachée puisque les ergothérapeutes s’adaptent en permanence à leurs patients. Cette enquête a soulevé d’autres facettes auxquelles je n’avais pas pensé au tout début de ma réflexion : les bienfaits sur notre organisme. Les deux entretiens effectués auprès de professionnels et les lectures des différents ouvrages ont révélé des bénéfices qui m’étaient inconnus et qui s’avèrent être très positifs pour les patients en situation de handicap. Néanmoins, il est difficile de quantifier réellement les améliorations physiques apportées par le rire, il serait donc intéressant de les observer et de les évaluer par la suite. J’ai tout de même conscience que ces outils relationnels et thérapeutiques ne remplacent pas les traitements et nos prises en soin. Mais ils les complètent, en revanche, merveilleusement bien. Ce mémoire a vraiment été pour moi une expérience enrichissante. J’ai pu approfondir mes connaissances sur ce sujet qui me tenait à cœur et qui je pense tient un rôle dans la profession que j’ai choisi d’exercer. Le partage avec mes camarades, mais surtout les personnes interrogées, m’a beaucoup appris tant au niveau personnel que professionnel. Je mesure d’autant plus, désormais, l’importance de l’écoute d’autrui, de la remise en question perpétuelle dont on doit faire preuve en tant qu’ergothérapeute, afin d’adapter continuellement notre pratique aux besoins des patients. Je ferai tout pour être une soignante efficiente, mais ce qui est sûr c’est que je serai une ergothérapeute souriante. 52 Ressources documentaires Ouvrages AILLOUD, Claire, DUBOSCQ, Corinne & LEBEAU, Jean-Louis, 2007. Au risque de l’humour. Marseille : Solal. COSSERON, Corinne, 2009. Remettre du rire dans sa vie : Rigologie mode d’emploi. Paris : Robert Laffont. COSSERON, Corinne, KINOU-le-CLOWN & TAL SCHALLER, Christian, 2010. Le rire : une formidable thérapie. Paris : Lanore. CURCHOD, Claude, 2009. Relation soignant soigné : Prévenir et dépasser les conflits. Issy les Moulineaux : Masson. DUGRAVIER-GUERIN, Nathalie, 2010. 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BOURDEUX, Christian, 2004. Rire et humour, une affaire sérieuse ? Soins psychiatrie, 230, pp. 16-17. 53 CATEAU, Chantal, 2003. Quand rire et soins infirmiers s’articulent. Soins cadres, 47, pp. 69-70. DANNION, C., IPCAR, C., THIBAULT, S., 2004. Enseigner la fonction du rire. Soins psyhiatrie, (230), pp. 34. LEBER, Donna A., VANOLI, Elisabeth G.2001. Therapeutic use of humor : Occupational therapy clinicians’ perceptions and practices. American Journal of Occupational Therapy, 55, pp. 221-226. MORA-RIPOLL, Ramon, 2010. The therapeutic value of laughter in medicine. Alternative therapies, 16(6), pp. 56-64. PLANTET, Joël, ROUFF, Katia, 2001. Les usagers aiment l’humour chez les thérapeutes et les travailleurs sociaux. Lien social, numéro 571. RIOUFOL, Marie-Odile, 2008. Le rire gai-rit. Kinésithérapie la revue, (75), pp. 22-23. HAMELIN , 2006. L’humour dans la relation infirmière-patient : une revue de la littérature. Recherche en soins infirmiers, (85), pp. 36-45. 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Disponible sur internet : <http://www.vulgaris-medical.com/encyclopedie-medicale/systemenerveux-sympathique> (consulté le 12.04.14) 55 Annexes Annexe n°1 : Grille du questionnaire Annexe n°2 : Grille d’entretien Annexe n°3 : Retranscription de l’entretien avec le clown Annexe n°4 : retranscription de l’entretien avec l’ergothérapeute Annexe n°5 : Graphiques de l’analyse des questionnaires Annexe n°6 : Tableau d’analyse des résultats Annexe 1 : Questionnaire Annexe 2 : Grille d’entretien avec le Dr.T. et explication des objectifs de chaque question. Pourquoi utilisez-vous l’humour ? L’objectif de cette question est de découvrir des raisons d’utilisation de l’humour auxquelles je n’aurais pas pensé. Comment utilisez-vous l’humour ? Attendez vous que les patients le fassent en premier ou le provoquez-vous ? Dans la continuité de la première question, j’ai voulu connaitre des modes d’utilisation et leurs approches. L’utilisez-vous avec tous les patients ? Cette question permettait de connaitre le type de personnes que le Dr. T. cible pour utiliser l’humour. Avez-vous connu une situation où l’humour a provoqué des effets négatifs ? lesquels ? Le public avec lequel travaille le Dr. T. étant particulier, j’ai voulu savoir si des patients avaient déjà été « blessés » par certains propos humoristiques. Quelles sont vos limites dans l’utilisation de l’humour ? Cette question avait pour but de découvrir les limites que peut rencontrer cette professionnelle dans l’utilisation de l’humour avec les patients en soins palliatifs. Quels bienfaits avez-vous notés grâce à l’utilisation de l’humour ? Sans induire de réponses je voulais savoir si elle observait des améliorations psychologiques et physiques. Que vous apporte personnellement l’utilisation de l’humour ? L’objectif de cette question était de savoir si, en tant que soignante dans un service de soins palliatifs, elle ressentait le besoin de l’utiliser afin d’alléger le quotidien. Est-ce le même travail avec les enfants ? Si non quelle est la différence pour vous ? Cette question permettait de cibler ou non mon sujet sur un public particulier, les adultes ou les enfants. Annexe 3 : Entretien avec S.M. art thérapeute et fondatrice de l’association Neztoile. Entretien de 45 minutes. Moi : Alors j’aimerais savoir comment vous fonctionnez avec les patients, comment vous fonctionnez, vous les voyez une fois par semaine c’est ça ? Mme M : Oui c’est complètement ça Et du coup vous intervenez combien de temps auprès d’eux ? Euh en fait il n’y a pas de règle c’est en fonction des personnes, de ce qui se passe, de ce qui se vit en fait euh.. Alors en plus c’est sûr que je fais une conférence spectacle sur « Rire et soin est-ce bien sérieux ? » mais en même temps c’est un titre qui est un petit peu euh et puis en même temps au fur et à mesure de la séance on comprend que c’est important…euh En tout cas dans mon métier, c’est pas forcément amener le rire à tout prix c’est aussi amener la joie donc vraiment mon métier c’est amener de la joie. Donc ça peut paraître fou parce que bon après mon personnage peut soulever des rires, et puis bien sur je suis dans le décalage, bien sûr j’ai le sens de la répartie et tout ça qui est en jeu, mais après faut voir l’état des personnes. Bon là je suis en soins palliatifs, je ne me trouve pas à mourir de rire, façon de parler, mais par contre je reconnais que les personnes ont de la joie, ça c’est certain. Mais maintenant, il y en a qui rient et puis le rire c’est bah faut distinguer le rire, du sourire parce que le rire c’est quand même déjà assez fort hein quand même le rire, alors après voyez il peut y avoir beaucoup de sourires, mais bon il peut aussi y avoir des rires. Et vous les menez comment vos moments avec ces patients ? Comment vous créez cette joie avec ces patients ? Et bien oui, donc j’arrive en, effectivement en personnage, et c’est ce personnage qui va, qui va rencontrer l’autre donc du coup ça peut créer une surprise, une émotion, donc en général des sourires parce que j’arrive en personnage donc euh…Et puis après de ce regard je demande à l’autre comment il se sent… En fait ce qui m’intéresse c’est la profondeur de la relation et vraiment tout le bien être, où en est la personne, mais je vais amener d’une manière voilà un petit peu décalée, sinon je ne serais pas en étoile, mais euh… En fait il y a tellement pas de règle, c’est difficile pour moi de donner des règles parce qu’en fait toutes les personnes sont tellement différentes que ça m’emmène à chaque fois dans différents univers quoi, et différentes approches relationnelles aussi. D’accord mais du coup des fois vous en venez à parler de la pathologie, et en plus en soins palliatifs, de la mort… Alors la pathologie et bien pas vraiment mais de la mort oui. Mais si je parle de la mort c’est en métaphore, c’est que je veux savoir où en est la personne par rapport à sa croyance de son état, parce qu’il y en a beaucoup quand même qui sont dans le déni. Donc je peux pas aller violenter ça, et donc j’interroge, je demande souvent où il en est sur le chemin, ou je prends souvent la métaphore du voyage, parce que je dis « je suis consultante en voyage » et je dis « alors toi tu es en voyage là ! » bah il me dit « pas vraiment » et je dis « bah quand même c’est un grand voyage là ! ». Puis après ils peuvent aussi répondre sur où ils en sont, où ils croient en être par rapport à ce voyage. Il y en a qui disent qu’ils en sont à la fin du voyage, et il y en a même s’ils sont à la fin du voyage, ils n’osent pas se le dire, ils n’osent pas se le reconnaitre. Ils disent « oh je ne sais pas vraiment ». Donc je ne vais pas dire le contraire, je dis « ah oui d’accord » enfin je ne le contredis pas bien sûr. Et vous avez un lien avec les soignants à ce moment là, est ce qu’il y a un partage sur ce qui est fait, de ce que vous avez… Alors là j’ai vraiment beaucoup de chance, depuis début janvier je retravaille en soins palliatifs, parce que j’avais déjà travaillé en soins palliatifs, mais j’ai aussi essayé d’ouvrir en cancérologie, donc j’ai travaillé pas mal de temps en cancérologie, euh deux ans. Et là il se trouve qu’il y a une unité qui voulait absolument que je travaille en soins palliatifs dans leur service. Et alors ce que ça fait c’est qu’il y a une équipe qui est complètement avec moi et c’est, ça fait 12 ans que je travaille, mais là c’est la première fois que c’est aussi étroit comme lien, et alors, et ça s’en ressent à l’accompagnement des patients. C'est-à-dire que, avant que j’arrive, ils vont dire à tous les patients quand même, qu’il y a une étoile qui va venir les voir dans leur chambre, c’est un peu barré quand même ! Les gens sont étonnés quand même « qu’est ce que c’est qu’une étoile ?». Oui parce que vous n‘utilisez pas le terme clown ? Non je n’utilise jamais ce terme là, par expérience. Ca fait peut être deux ans que je dis que je m’appelle une étoile et que j’ai enlevé le mot clown, parce que moi je travaille chez des adultes et que parfois il y a un à priori qui est très fort sur le clown et on pense qu’on va infantiliser alors qu’en fait pas du tout. Pourtant j’ai quand même le bout du nez rouge mais les patients ne vont pas voir forcément le clown ils vont voir le personnage. On m’appelle plus souvent la fée que le clown alors que j’ai un nez rouge. Je n’ai pas vraiment un costume de fée je trouve et en plus j’ai des grosses chaussures vertes, alors si je suis une fée je suis une fée contemporaine (rires). Mais vous avez une baguette magique, vous apportez la joie, c’est ça votre côté fée peut être. C’est ça, ce côté, ce côté, humm voilà, changer un état. Moi c’est ça qui m’intéresse quand même changer l’état d’une personne, alors par l’humour ça peut être un biais, mais ce n’est pas tout le temps possible parce que les gens ne rient pas forcément et puis il y en a ça va se passer vraiment dans l’humour. Les patients, vous les suivez jusqu’au bout ? Bah là oui, complètement, comme avant je travaillais en cancéro je travaillais une fois par semaine donc je les revoyais pas mais bon la cancéro c’est particulier parce qu’ils viennent faire leur chimio, après ils viennent deux semaines plus tard… puis les soins palliatif hum ce qui est fantastique c’est quand ils restent quelques semaines parce que des fois ça arrive et ça c’est super, c’est un vrai suivi. Puis sinon oui c’est jusqu’au bout mais des fois c’est qu’une fois… Ca vous est déjà arrivé ça qu’un patient refuse et vous… ? Alors ça arrive et puis j’ai remarqué que les patients qui pouvaient pas euh les patients qui étaient comme ça, c’étaient des patients qui souffrent trop, ou physiquement ou psychiquement on va dire et puis et qui humm… Qui ne sont pas encore prêts ? C’est plus possible quoi, ils croient que c’est plus possible, c’est une croyance hein ! Enfin c’est une croyance, sauf quand vraiment on souffre trop physiquement là faut s’’incliner quand même, la souffrance physique je pense qu’il faut vraiment s’incliner, faut être humble parce qu’on ne sait même pas soi même comment on réagirait. Les patients quand ils souffrent trop c’est une chose…Maintenant quand c’est une souffrance morale, c’est vraiment une croyance, puisque il y a des choses à lâcher donc c’est comment je peux aider à lâcher cette croyance. En fait j’écris régulièrement des histoires, j’écris des histoires pour ma mémoire, et parce que je transmets cette pratique à d’autres étoiles, et puis que je forme les soignants. Je vais souvent aux colloques de soins palliatifs, je raconte ce que je fais pour, en fait euh voilà interroger sur l’accompagnement dans la joie ! Mais alors ce qui est sympa c’est que les histoires ne se ressemblent pas. Donc finalement il y a pas mal de rires des fois, par exemple euh une patiente quand elle me raconte, c’était la fin de séance, au début elle est plombée bien sûr elle ne va pas rire, elle va sourire quand même, elle montre son ouverture, puis à la fin elle me raconte qu’elle a des problèmes de mémorisation des noms et que son médecin elle ne savait plus comment il s’appelait alors qu’en fait il avait un nom espagnol. Elle me dit « c’est terrible je ne savais plus son nom » alors elle l’appelait Speedy Gonzales. C’était drôle. Donc voilà finalement on rit de sa gaucherie et puis à plusieurs reprises elle a rit dans la séance, le rire c’est le cadeau, c’est… Ce n’est pas à toutes les séances ? Non, il faut voir la disponibilité des patients. Et puis et alors par contre après je vais voir une autre personne de 90 ans voilà qui est en fin de parcours, elle, elle sourit beaucoup à présent parce qu’elle me connait déjà de la semaine dernière et puis finalement je ne sais pas pourquoi on en est venu à parler de la valse, et puis finalement j’ai dansé la valse pour elle dans sa chambre, elle était très contente. Donc vous voyez là c’est là c’est, c’est le côté vie, mais c’est elle qui est incroyable, voilà puis c’est vrai que après il y a ses petits enfants qui sont venus donc là j’ai fait l’animation aussi pour eux donc elle était super contente quoi. Dans ces cas là vous ne regarder pas l’heure, pour pouvez rester autant que vous le voulez avec les patients ? Ah c’est super, moi j’ai tout le temps parce que je reste toute l’après midi, sachant qu’il y a des personnes qui sont très fatiguées que je ne peux pas voir et moi je n’ai pas la notion du temps, je ne la prends pas en compte même si je devais rester une heure avec un patient je reste cette heure avec. Ca c’est ma priorité et puis tout le monde est d’accord avec ça. Donc l’hôpital est aussi dans la même optique ? Oui et là du coup je sens que les soignants sont avec moi. Alors d’abord ils sont, comment dire, très enthousiastes et puis du coup je sens bien que j’amène un vent de fantaisie, je suis déjà habillée en étoile donc c’est sûr qu’ils ont envie de rire un petit peu, et puis dans les couloirs, on se croise et puis je me dis j’ai aussi une fonction pour eux, pour les alléger des fois je leur raconte des trucs drôles qui les fait rire. Vous participez aux transmissions avec les soignants ? Oui ça c’est important je suis aux transmissions Vous utilisez ce mode là avec les soignants et vous ressentez qu’il y a un… ? J’ai l’impression que vraiment le mode propre de l’humour que j’utilise beaucoup plus avec les soignants j’ai l’impression que suis là pour les faire rire, j’ai l’impression que ma fonction c’est de faire rire les soignants, c’est d’alléger au maximum leur réalité. Et faire en sorte de répondre à leurs attentes parce que s’ils sont pour un clown dans leur service c’est que quand même bien sûr ils pensent que je peux alléger la vie des patients, mais que quand même quelque part il y a une demande pour eux et je le sens bien. Donc là régulièrement je leur fais des blagues, je ris, mais c’est beaucoup plus facile de faire rire une soignant qu’un patient d’ailleurs ! Il y a peut être moins de limites aussi ? Mais c’est ça ils sont disponibles mais c’est sûr que pour avoir réfléchi à la place de l’humour et du rire chez les patients, j’avais analysé qu’il y avait 3 cas de patients : le patient, qui rit avant que je le fasse rire parce qu’il a une disponibilité au rire, il suffit juste qu’il me voie pour que ça y est, il commence à se marrer. Faut voir des fois ils ont une énergie juste parce qu’ils me voient en personnage, mais alors ils rient vraiment c’est trop fort ça ! Donc il y a ce type de patients et en même temps il y a le patient qui est plus intériorisé, et là je me connecte sur lui et je me dis, non ce patient là, il a le potentiel pour rire mais il ne le fait pas vraiment. Mais c’est une écoute de l’autre, puis savoir trouver les bons mots pour le faire sourire et rire. Et il y a le troisième type de patients qui n’a pas du tout envie de rire et celui là ne rira jamais. Il faut toujours se rappeler quand même que les patients qui rient, bien sûr on est là pour les faire rire, mais c’est parce que avant tout ce sont des gens drôles dans la vie, on ne peut pas faire des miracles, quelqu’un qui ne rit pas on ne va pas le faire marrer. Je pensais que ça aurait pu être des patients qui ne rient pas parce que ce sont des étapes de leur vie qui sont compliquées, difficiles, qu’ils sont dans le déni et que peut être par votre biais il y avait quelque chose qui pouvait se développer, revenir… Bah oui complètement et ça peut arriver, mais ça voudrait dire que c’est le type de patients où je sens qu’il peut quand même rire avec ce qui se passe, ça heureusement ça peut se passer et j’ai des gens qui sont très fermés ,des gens en colère. C’est très drôle quelqu’un en colère, parce qu’en même temps on peut mettre de l’humour là dedans, dans le respect bien sûr, le plus important c’est de respecter la colère, mais commencer à imiter ou à faire des trucs drôles dans la chambre et puis le patient il lâche quelque chose puis il commence à rire. Des retournements de situation peuvent se faire par l’humour ça c’est certain. Comment vous êtes vous formée ? Et comment vous formez ? Je n’ai pas eu de formation, j’ai créé tout ce mouvement donc en fait je n’ai pas été formée à ça, on va dire que c’est une nature que j’ai. (Rires) Et d’expérience un peu malheureuse où moi-même j’étais de l’autre coté, j’ai pu être patiente. Et puis bon toutes mes réflexions sur les livres… La force, la joie et l’humour c’est le plus de certains, il y en a qui l’ont il y en a qui ne l’ont pas et c’est en fait ce que je remarque dans l’accompagnement, il n’y a pas d’égalité. Et l’inégalité elle n’est pas forcément au niveau de l’argent, au niveau social, en tout cas elle n’est pas que là l’inégalité, elle est par rapport à la joie. Alors on l’a du départ comme ressource, cette humour, cette joie, cette force c’est une force hein ! Mais du coup je me disais que par vos formations avec les infirmiers, vous arrivez à développer ça chez eux. Mais alors ça c’est clair moi je donne des formations en fait pour les futurs soignants, pour les étudiants notamment dans les IFSI, mais sinon pour les soignants de terrain et ça c’est extraordinaire ! Mais oh ils rient, mais ils rient ! Mais aussi qu’est ce qu’ils pleurent ! Donc bien sûr, ce que je leur impulse c’est l’audace et l’humour, bien sûr, en fait partie. L’audace dans l’accompagnement bien sûr que c’est l’humour, mais ce n’est pas de l’humour au dépend de la personne, c’est un humour partagé. D’ailleurs il y a toute une réflexion par rapport à ça, le fait qu’on enlève les barrières sociales quand on rit, il y a vraiment plus le soignant-le soigné et d’un seul coup on est vraiment à égalité. C’est une réflexion vraiment intéressante donc du coup ça fait tomber les barrières, il y a une proximité d’où cette phrase : « le rire est la distance la plus courte entre deux personnes ». Ca veut vraiment dire que si on arrive à mettre ça dans la relation d’accompagnement effectivement ça crée une proximité incroyable…Alors c’est sûr que je donne des clés comme plutôt une grande écoute de l’autre en fait parce que ça ne sera pas vraiment des clés d’humour. Bah l’humour on va le voir parce que quand je fais des stages, les stagiaires deviennent clowns, alors c’est sûr qu’ils rient, après on voit pourquoi on rit. Pourquoi d’un seul coup, et en fait on rit de l’intime, on rit de choses vraiment étonnantes. Donc en fait ils vont s’en rendre compte et puis après du coup, oui bah peut être qu’ils rient d’avantage avec les patients enfin j’espère en tout cas, c’est l’idée d’amener plus de légèreté. A l’hôpital où vous êtes, est ce qu’il y a un changement vis-à-vis des soignants ? Est ce que les patients l’ont remarqué avec ce que vous avez apporté, votre joie? Alors en USP ça ne fait pas longtemps que j’y suis et ça serait intéressant de savoir. Je pense que l’on s’en rend compte en cancéro, là où j’ai travaillé pendant deux ans. Parce que j’avais une patiente dont je vous ai parlé, elle m’a dit des fois « je t’en pris reviens, ça change tellement quand vous n’êtes pas là » donc elle voit vraiment la différence en tant que patiente, elle trouve que ça avait allégé les soignants, qu’ils riaient d’avantage, plein de légèreté. Il y avait un ton qui est donné et je vois bien que ce n‘est pas indécent. Dans les salles d’attentes, c’est horrible, parce que les patients attendent ou la salle de chimio ou leur médecin donc il y a une tension rare. Et forcément oui mon personnage arrive et je ne veux pas du tout être indécente, je veux vraiment faire en sorte que les gens se parlent, mais du coup je leur dis que je suis leur respirateur, je les fais respirer. Mais rien que des termes comme ça, ça va les faire sourire, et puis après ils commencent à comprendre pourquoi je suis là, parce que je suis assistante du moral de troupe ! Donc voilà, ce sont des mots assez drôles mais toujours très justes, c’est à dire que je suis vraiment assistante du moral de troupe, ils ont vraiment besoin du moral là bas et en même temps ça peut les faire marrer. Puis après il y a tellement de choses qui peuvent arriver. Je me souviens de cette salle d’attente par exemple il n’y a pas longtemps, et ça c’est une infirmière qui m’avait soufflé ça. J’ai donné une formation à la maison médicale Jeanne Garnier à Paris, et c’était 10 séances de 3h à des soignants de terrain. Il y en a une elle a adoré et du coup elle va faire son mémoire de DU de soins palliatifs sur la créativité et l’humour. Elle avait inventé, la « bullothérapie » : il y a un patient qui n’allait pas bien, qui avait des problèmes pour respirer, il appelle en alerte en disant « ça ne va pas du tout donnez moi un médoc, donnez moi ce qu’il faut » ! Là l’infirmière a formulé que c’était psychologique, que c’était une peur et lui a dit « écoutez il y a deux médicaments : un c’est le classique et un autre c’est une pratique alternative mais ça devrait vous plaire » ; « bah donnez-moi la deuxième alors » ! Elle arrive avec des bulles et elle m’a dit « je lui en fais plein » ! Et elle a dit « Respirez c’est de l’oxygène ». Et le patient à fait ça et il n’a pas eu besoin d’oxygène, il s’est calmé, c’est incroyable ! Moi j’aurais jamais osé faire ça, c’est la parole de la soignante qui dit que ça va marcher, donc cette croyance et cette fantaisie, enfin bref donc moi j’arrive dans la salle d’attente et je me suis nourrie de cette expérience. Donc un jour j'avais dans mon sac un gros truc de bulles, et c'était très lourd dans la salle d'attente. Un patient n’allait vraiment pas bien, il n'avait pas du tout envie de rire : "c'est pas drôle on n'est pas là pour rigoler". Donc je suis arrivée avec dans la salle d'attente et j'ai dit « d'accord non ce n’est pas drôle ». Donc j'étais vraiment embarrassée parce que j'ai dit que ce n'est pas drôle alors que j'ai une tête de clown ! Enfin bref, il y avait une personne de 90 ans à peu près et qui me regarde et elle me trouve magnifique ! Elle me dit « que est-ce que vous avez dans votre sac c'est une tétine ? » Comme elle me pose la question je dis : « non ce n’est pas une tétine c'est de la bullothérapie ». Et du coup elle ne calcule même pas que c'est moi qui invente ce mot, pour elle c'est évident. Elle dit que c’est super et elle s'est mise à faire des bulles. C'était complètement surréaliste, et puis elle souriait et elle m'a dit « Vous savez pourquoi c'est bien de faire des bulles ? » - « bah non » - « C'est parce qu'on ne pense à rien pendant ce temps la ». Puis du coup il y avait une personne qui a voulu aussi faire des bulles et donc du coup la salle d'attente est devenue un endroit où on fait des bulles ! Bon ce n’est pas pour ça que les gens qui ne voulaient pas rire ont ri, mais en tout cas cette ressource de rire et de fantaisie et bien c'est elle qui l'a fait. Moi je suis à disposition, j'ai tout ce qu'il faut pour qu'on passe un moment sympathique, pourquoi pas qu'on rit qu'on sourit, qu’on fasse des bulles… vous voyez à quel point ça appartient au patient ? Et vous vous jouez avec ce qu'il vous apporte? Exactement et je pense que c'est fondamentalement ça l'accompagnement. On ne peut pas aller plus loin que là où est la personne, par contre on réveille. Si on travaille nous-mêmes notre joie, on va la réveiller, c'est à dire pas la donner mais la réveiller. Elle est un peu endormie et s'est un peu effacée mais elle n'attend que ça la joie, l'humour, la fantaisie. C'est une rencontre, on fait tout les deux la moitié du chemin et ça c'est très important ! C'est-à-dire que le jour où vous allez fait rire le patient, vous ferez tous les deux la moitié du chemin. Ils attendent beaucoup en fait et ce sont les patients qui sont incroyables. Alors par contre ce qui est fantastique c'est que nous on a notre réserve et que l’on puisse fournir ça, et que quelqu'un qui a envie de rire, qu'on puisse le faire rire. Donc il faut développer son originalité, mais l'originalité du regard sur la vie. D'ailleurs les plus grands comiques sont ceux qui posent des questions au public, parce qu'on n'y avait pas pensé à quand on va rigoler, donc il faut savoir poser les bonnes questions. C'est tout un art, c'est tout un travail, et en même temps des fois je dévoile la question qui fait rire et puis tant mieux quand j'arrive à les faire sourire, à les apaiser, enfin les apaiser, leur donner de la joie. J'adore. En général les clowns interviennent auprès des enfants pourquoi avez-vous choisi de le faire auprès des adultes? Car c'est un destin et un choix. C'est un destin parce qu’au début lorsque j'étais art thérapeute j'avais réussi à entrer en neurologie donc j'amenais mon clown en neurologie adulte, et j'ai trouvé que c'était d’une pertinence ! Alors en neurologie c'est l'endroit où il faut mettre des clowns. C'est dur la neurologie, beaucoup plus difficile que les soins palliatifs, parce qu'en neurologie c'est des maladies longues, dégénératives, avec beaucoup d'incertitudes. Et puis je pense que les soignants ne sont pas très heureux d'être là, il faudrait qu'ils tournent, il faudrait qu'ils changent de service de temps en temps, parce que souvent ils ne sont pas très heureux, ils restent longtemps je trouve. Enfin c’est personnel comme idée, et en fait donc ça a été une opportunité. Et ce qui m'intéresse pour moi, c'est vraiment l'enfant intérieur chez l'adulte. D'ailleurs les adultes des fois ils me disent « mais vous devez aller chez les enfants ou..? ». Et là moi je dis bien que je viens chercher l'enfant intérieur et là ils sourient et...oui parce que l'enfant intérieur c'est quoi, c'est notre partie qui sait s’émerveiller et qui est contente, c'est l'autre partie de la joie. Ca veut dire qu'il y a des gens qui l'ont perdue cette joie là, bien sûr ils ne supportent pas, les gens qui l’ont perdue ils sont bien tristes dans la vie et en fait je vais aller la réveiller chez ces gens-là, mais s’ils l'ont perdue je ne peux pas... J'en ai déjà croisé des gens qui ont la vie excessivement difficile et qui ne sont pas du tout nourris d'amour, alors là je suis mais une extraterrestre pour eux. Il faut avoir un peu nourri un espace intérieur, il faut avoir eu cette chance de l'avoir nourri un petit peu quand même. Non mais après j'ai des rires, du sourire, j'ai plein de reconnaissance. Donc c'est plutôt positif vos interventions ? Il y a rarement des patients qui ne réagissent pas ? Maintenant que je travaille dans une équipe qui m'intègre complètement, là pour l'instant je n'ai pas été refusée une seule fois. Là je me dis que c'est la force de l'équipe parce qu’en général les gens ne refusent pas. On va dire qu'il y a 75 % des gens qui m'acceptent selon les états intérieurs et là j'ai eu 100 %. Même les médecins travaillent avec vous ? Alors c'est incroyable de travailler dans ces conditions là. J'ai toujours travaillé de manière solitaire et puis au bout de deux ans de travail je suis allé frapper à une chambre et je vois des médecins dans le couloir, 4 infirmiers, et ils me regardent. Et là je suis allée dans le bureau et j'ai dit "vous vous voulez une transmission" "mais oui, on veut savoir ce qui se passe » Alors je leur ai raconté de chambre en chambre et puis là bien sûr ils riaient, ils souriaient. Même des fois quand je suis en difficulté avec un patient, ils savent très bien pourquoi ça ne marche pas. Ca peut aussi les toucher quand ils voient finalement qu’il y a eu un oui, quand ils voient le travail que je fais, ça met une super ambiance. Est-ce que les médecins voient les bienfaits psychologiques ? Au niveau physique ? Est-ce qu’ils voient des répercussions par exemple sur les soins qu'ils sont en train d'apporter aux patients ? Je pense qu’au niveau physique moins. Mais maintenant j'aimerais bien que dans cette équipe, vu que maintenant ils sont à fond avec moi, qu'on l’évalue. J'insiste vraiment là-dessus c'est un travail d'équipe, quand il y a les soignants derrière c'est génial quoi, quand une infirmière vous annonce que ça va vous faire du bien c’est génial l’effet que ça a sur eux. C'est ce que je dis dans ma conférence, humour amour il y a très peu de lettre de différence (rires) et c'est vrai que c'est un acte d'amour et je le sens comme ça, c'est-à-dire qu'une personne qui peut sourire déjà c'est l'ouverture et alors là après on peut y aller dans l'accompagnement, c'est extraordinaire. Donc vous au départ pour entrer dans la relation avec le patient c'est vraiment le sourire, c'est ce qui va vous aider à déterminer comment vous allez entretenir cette relation avec le patient ? Ah oui c'est le sourire le sourire est fondamental et c'est ce que je dis d'ailleurs aux soignants. C'est le message que parfois les patients me disent « dites leur au médecin s'il vous plaît que leur sourire ça change tellement tout ». Bien sûr avec une tête d'enterrement…quelqu’un qui sourit ça transmet une confiance et puis bon c'est une ouverture. Parce que l'humour qu'est-ce que c'est ? C'est simplement une autre façon de voir la vie c'est pour ça que c'est tellement puissant ! Ca peut faire rire de voir cette autre réalité, ou sourire ou apaiser…c’est d'une profondeur l'humour… il y a les mimiques, tout ça, je peux aussi pas mal faire rire avec ma présence, ma tête bizarre, mais sinon dans les propos c'est vraiment voir la vie autrement. Je suis allée voir une patiente, elle était touchée par mon sourire, et le sourire en résonance c'est important, elle se met à sourire. Quand les gens ont une tumeur cérébrale, là où ils sont complètement désinhibés, c'est très particulier parce que là ils peuvent dire, ils disent des paroles mais insoupçonnables on n'y aurait jamais pensé. Il y avait une femme comme ça je suis allée la voir, et elle était à moitié débraillée, elle avait je ne sais pas peut-être 80 ans. Elle déballait tout et sa meilleure amie qui était là, qui était gênée et moi je n'ai pas à être gênée parce que moi j'ai à faire à quelqu'un qui est complètement désinhibé. En n’étant pas du tout déstabilisée et ça a aidé complètement la visite. Donc il y a souvent un lien que vous faites avec la famille ? Oui je fais un lien avec la famille, avec les visiteurs, complètement. Ca je pense que c'est drôlement important. Notamment par rapport à cette patiente qui était complètement désinhibée, moi je peux dire c'est pas grave tout ce qu’elle dit ou fait, parce que je ne la connais pas ! C'est complètement apaisant pour une personne qui dit ça d'avoir un soignant à côté qui pense que vraiment ça peut alléger, et puis du coup pour l'autre ça allège aussi. Alors je me souviens que cette patiente, du coup la fois suivante, j’étais dans mon local pour me changer et là une infirmière qui me dit « Annabelle tu peux venir là, il y a la dame qui est avec moi qui t'attends » « la dame ? » « oui tu sais l'amie de la chambre 50, tu sais tu étais avec la dernière fois. Elle a besoin de toi pour voir son amie parce qu'avec toi elle me dit que c'est tellement léger ». Amener de la légèreté, et mettre de l'énergie parce que c'est pas grave, parce que qu'est-ce qui est grave ? Il y a des fois des choses qui sont très graves dans la vie, elles sont personnelles, en tout cas moi ce n'est pas mon rôle de dire que c'est grave. Pour moi ce n’est pas grave donc je dois arriver avec cette énergie-là. Et donc du coup je ressors elle me dit « je suis drôlement content de vous voir » et on va la voir et du coup ça a été super léger, elles riaient quoi, la patiente, elle m'a vue et s'est mise à rire. Encore une fois tout dépend du regard, c'est-à-dire qu'en ce moment il se passe des choses à la fois terribles et à la fois des choses magnifiques, tout dépend de là où va s'arrêter, là où on va attacher le regard. C'est toujours pareil par rapport à sa propre maladie, par rapport à sa propre mort, sa propre vie. C'est où est ce qu'on va attacher le plus d'importance et c’est là qu’on intervient pour dire « mais tu n'as pas regardé là, c'est pas mal de regarder aussi de ce côté-là ». Mais je pense que et c'est toujours ce que je dis aux soignants, on n'est pas obligé d’être des étoiles pour faire rire, pour apaiser. Mettez toute l'énergie comme moi ce que je fais dans mon métier, mettez-la dans votre métier ! Le plus important c'est de mettre toute cette conscience dans son métier, on peut être un super dirigeant même d'une banque si on met cette énergie là c'est extraordinaire. C'est pas le métier qui est extraordinaire c'est la manière dont les gens sont extraordinaires. Donc amène de la confiance, de la joie, de la légèreté et ça change tout, ça change un monde ! C'est la vraie vie, c'est la vraie révolution, c'est de l'intérieur c'est pas chez les autres c'est chez nous quoi ! C'est motivant, c'est important, parce que ça allège tellement la vie, il faut l'alléger la vie c'est vrai que c'est ma devise : « si on ne peut pas la changer, on peut peut-être l'alléger » et c'est ma croyance, ma croyance personnelle. Je tâcherai de m’en souvenir dans ma pratique. Merci pour le temps que vous m’avez accordé et pour vos réponses enrichissantes. Annexes 4 : Entretien avec Mme D., ergothérapeute. Réalisé le 08.05.14. Durée : 30 minutes. Moi : Bonjour, vous êtes ergothérapeute en psychiatrie et vous avez été formée à la Rigologie. Pouvez-vous me redire ce qu’est la Rigologie ? Mme D : Alors en fait déjà pour la rigologie il n’y a que l’école internationale du rire qui le fait. Moi j’ai été formée par eux donc. En fait c’est une méthode qui propose une utilisation thérapeutique du groupe, elle est proposée à des professionnels de la santé et elle regroupe différentes disciplines issues du monde : des techniques corporelles et psychologiques qui viennent d’Inde ; il y a la sophrologie ludique qui vient de Colombie ; il y a l’éducation émotionnelle ; psychologie positive des USA ; des exercices d’évacuation des émotions négatives, du stress ; des jeux qui sont issus de l’entraînement au théâtre ; du travail de clown ; des exercices ludiques, d’ancrage, de respiration. Voilà c’est le vocabulaire spécifique à la rigologie, plein de petites pratiques choppées à droite à gauche qui permettent de travailler autour du rire et de l’utiliser de manière thérapeutique. Ce sont des techniques très ludiques, on parle de sophrologie ludique car se sont des respirations abdominales mais faites de façon ludique, dans le sens où les exercices vont être très joyeux, on va utiliser l’imagination pour, voilà, pour respirer, apprendre un petit peu tout un tas de choses. On n’a pas d’accessoire, ce sont des exercices qui favorisent le rire et le lâcher prise, ce sont des séances très structurées qui répondent à des objectifs très précis. Depuis quand faites vous les séances de rire avec vos patients ? J’ai été formée en septembre 2012, c’est assez récent. Et je l’ai proposé à des patients en début 2013. A quelle fréquence proposer vous ces séances ? Au niveau du cadre, je fais des séances sur prescription médicale, des groupes de 5 à 15 patients, une fois par semaine 1 heure, dans une salle fermée avec des tapis. Avec quel type de patients travaillez-vous ? Et comment se déroulent vos séances ? Je fais avec des personnes qui souffrent de dépression, avec des pathologies névrotiques, avec les troubles addictifs, mais je ne fais pas avec les psychotiques. Je ne fais pas tout ce qui est aigu évidemment parce qu’il faut quand même des gens qui soient un peu canalisables, parce que sinon on ne travaille plus la même chose. Alors les séances se déroulent de telle manière : il y a à peu près 20 minutes où je travaille autour de l’appropriation de l’espace, la prise de conscience de l’autre, des exercices d’ancrage, d’enracinement. Ce sont des techniques particulières. Il faut être bien ancré dans le sol pour évacuer le stress. Puis il y a 15-20 minutes de respiration abdominale. Puis après je fais 20 min de yoga du rire, c’est du rire forcé, j’en fais un petit peu, je fais des exercices d’applaudissement pour gagner en énergie. Je travaille le rire là, avec des jeux, aussi encore de respiration car c’est assez dynamique. Et après je fais 10 min de méditation du rire, alors là c’est du fou rire collectif allongé, c’est-à-dire c’est un moment où il faut être capable de déconnecter son mental pour ne plus penser et pour arriver à lâcher prise. Après avoir stimulé le rire on se couche, on éteint un peu les lumières, on ferme les yeux et on laisse échapper ses rires si on en a. En fait la méditation du rire c’est ce qu’on souhaite obtenir, c’est la cerise sur le gâteau, et c’est à ce moment là qui il y a des rires évacués. C’est le lâcher prise par excellence. Les rires des autres nous font rire et on fait un fou rire collectif et ça marche. Après ce n’est pas une obligation on n’est pas obligé de rire, mais en général ils rient tout au long de la séance car c’est très ludique. Il faut avoir une ligne d’animation avec du peps et de l’énergie, parce que je fais des jeux qui favorisent des rires spontanés, des rires forcés, mais le fou rire arrive à la fin. Ca ne dure pas plus de 10 min parce qu’après on décompense je pense. On revient après à une phase de relaxation, on fait un retour des ressentis du moment, en début et fin de séance. Et systématiquement une personne qui était dans le brouillard maintenant elle est sous le soleil. Quels sont vos objectifs en ergothérapie ? Mon approche ergo ca va être de leur apprendre à gérer vraiment leur stress, leur donner des outils pour être positif, pour qu’ils puissent s’affirmer. On fait un travail d’affirmation de soi, parce qu’il y a des exercices où il faut s’exposer, courir, où il faut s’impliquer. Il y a des jeux de cohésion mais aussi des jeux de compétition donc euh je ne les lâche pas dans des jeux de conscience, pendant une heure je ne les lâche pas. Oui il y a pas mal d’objectifs. Travailler vraiment autour de la revalorisation, voilà, de mettre des choses positives, ils arrivent autant à jouer que tout le monde, et on arrive à prendre du plaisir, à être en groupe même si on est malade, voilà il y a l’effet de groupe qui veut ça aussi. A votre avis la rigologie peut-elle être mise en place dans d’autres structures que celles en psychiatrie et convenir aux objectifs en ergothérapie ? Le problème c’est que là ça va être des exercices plus…il ne faut pas trop de troubles cognitifs…par exemple il faut adapter les jeux quoi parce que moi toute la dimension physique je n’ai pas à la prendre en compte en psy. Je me dis que en rééducation fonctionnelle bah si on veut faire les jeux faut qu’ils soient un peu mobiles, faut pas qu’il y ait trop de troubles cognitifs car la consigne doit être comprise assez rapidement parce que sinon ça plombe la dynamique de groupe. Au niveau de la concentration ce n’est pas trop gênant parce que les exercices varient régulièrement, donc justement ça peut travailler l’attention, la concentration. C’est sûr qu’ils en ont les dépressifs aussi mais euh mais moins qu’en neurologie et surtout une personne immobilisée à ce moment là on fait d’autres exercices mais euh….donc dans le cadre de rééducation fonctionnelle je ne sais pas trop à quoi ça peut leur servir si ce n’est remettre du rire dans leur vie mais en général ils ne sont pas trop là pour ça. Oui, mais je me disais en complément pour le stress, le moral, la motivation. Comme le Dr. Rubinstein en parle comme un reflexe, comme c’est ancré en nous et que les ergothérapeutes considèrent la personne dans sa globalité, je pensais que l’on peut y trouver des objectifs ergothérapique en complément des prises en soin. Tout à fait oui dans ce cas là oui ! Vous pouvez toujours faire en début de séance un peu de stimulation, amener un peu de rire, faire quelques exercices avant la séance de rééducation oui ! Mais à ce moment là je ne sais pas si on peut appeler ça de la rigologie. On peut apporter quelques notions de rire, quelques exercices de rire euh parce que la rigologie c’est bien structuré avec la méditation. Après moi je pense, je suis assez d’accord, je pense qu’il faut absolument apporter de la bonne humeur, de la joie. En tout cas oui il faut absolument que quel que soit le public que l’on prend en charge, il faut garder le sourire, il faut être positif, l’hôpital c’est déjà assez triste, donc euh je pense que ça aide à la motivation c’est sûr. Et puis animer un groupe c’est quand même propre aux ergothérapeutes, donc ça rentre dans nos objectifs. Quels bénéfices avez-vous constaté depuis la mise en place de ces séances ? Ce sont des points que j’ai repris avec les patients pour voir si effectivement entre la théorie et la pratique il y avait un lien. La rigologie ça développe la bonne humeur, les émotions positives ; ça lutte contre les états dépressifs et l’anxiété ; ça permet de se redynamiser ; de retrouver de l’énergie et de l’élan vital ; ça permet de se décentrer des souffrances ; ça favorise un mieux être ; ça joue un rôle antalgique par la sécrétion d’endorphines ; ça permet une meilleure gestion du stress et des émotions ; ça favorise une meilleure estime de soi par la valorisation ; ça améliore les rapports sociaux ; ça favorise l’intégration entre les membres du groupe ; ça stimule la créativité et enfin le fait de rire en groupe. L’idée c’est de rire ensemble, pas de l’autre, mais avec l’autre. Il ya beaucoup de bienveillance, de respect, et grâce à ça, ça permet de travailler autour du lâcher prise. Ca contribue à l’éducation émotionnelle, parce qu’il y a un peu de théorie autour de ça, de savoir détecter ses émotions, les stocker de manière à éviter de se retrouver débordé d’émotions négatives. Est-ce que les bénéfices se prolongent dans la journée, la semaine, au quotidien ? En général ça se prolonge quand même oui. Quand je le fais le matin, ça se prolonge sur la journée, euh c’est comme quand ils sortent d’une séance de sport ou de relaxation. Il y en a beaucoup qui me disent, pour ceux qui font de la relaxation en parallèle, que c’est plus efficace que la relaxation, ils en sortent plus relaxés, plus détendus, donc je me dis que ça dure plus longtemps. Mais après voilà quand ils retournent dans leur service ou au domicile bah voilà quoi, ça revient ! Mais en tout cas de pratiquer régulièrement ça aide à apprendre à être positif, je leur demande toutes les semaines toutes les petites choses qui leur semblent positives qui leur sont arrivées dans la semaine. Il faut chercher, même si pour eux il n’y a rien, on trouve toujours, il y a ce côté valorisant. Arrivez-vous à maintenir une relation soignant –soigné efficiente avec les patients que vous suivez en ergothérapie ? Bah complètement. De toute façon, quelle que soit la médiation qu’on va avoir avec eux ça va nous donner une vision d’eux encore plus globale et encore plus complémentaire. Oui les patients que je suis, oui la relation elle est parfaitement maintenue elle n’est pas du tout biaisée. Parce qu’il y a un cadre, une fois qu’il y a un cadre tu fais ce que tu veux ! Même ça m’aide pour certains qui ne sont pas trop accessibles en ergo parce qu’ils sont complètement fermés. Les séances m’aident à avoir une relation de confiance. Il n’y a pas de soucis. Après ça dépend comment on se positionne. Pendant la séance on s’appelle par nos prénoms, il y a de la convivialité etc. Et en sortant de la séance on se rappelle par nos noms il n’y a pas de problème. Mais le fait de les faire participer à ces séances ça permet de créer une relation de confiance, plus approfondie, parce qu’ils te font confiance, parce que tu les connais, parce que tu peux dire « bah voyez là vous pouvez faire ça je sais que vous y arrivez ça parce que je le vois en rigologie ». Ça me donne du support supplémentaire donc c’est mieux. De toute façon avec les patients, plus tu fais des choses différentes avec eux et mieux c’est. C’est plus complémentaire parce que tu travailles la prise en charge de manière globale, parce que tu as une relation avec eux à chaque fois un peu différente et tu as une bonne relation avec le patient. Avez-vous eu des barrières mises par votre employeur ou d’autres professionnels de santé pour la mise en place de ces séances ? Non, non. Non pas du tout, ils m’avaient payé la formation pour que je le mette en pratique, c’était l’idée. D’accord. Merci pour l’aide que vous m’avez apportée. Annexe 5 : Graphiques représentant, pour chaque question, les réponses des ergothérapeutes selon leurs années d’expériences puis le type de structure dans lequel ils exercent. Pour tous les graphiques les légendes ont été simplifiées pour une question d’esthétisme afin de mieux visualiser les courbes. Désormais, R représente la « rééducation/réadaptation », G les « structures gériatriques », H les « structures d’hébergement » et P les « structures psychiatriques ». Pour les informations en ordonnées, PTDT représente le choix « pas du tout d’accord », PD « pas d’accord », NSP « ne sais pas », D « d’accord » et CD « complètement d’accord ». Question n°1 : 5 4 >20 ans 3 10-20 ans 2 <10 ans 1 0 10 20 30 40 50 Question n°2 : PDTD >20 PD <10-20> D <10 CD 0 10 20 30 40 50 60 70 PDTD P PD NSP H D G CD R 0 10 20 30 40 50 60 70 Question n°3 : PDTD PD >20 NSP 10-20 ans D <10 CD 0 10 20 30 40 50 60 PDTD P PD NSP H D G CD R 0 10 20 30 40 50 60 70 Question n°4 : PDTD PD NSP >20 10-20 ans D CD 0 10 20 30 40 50 60 PDTD P PD NSP H D G CD R 0 10 20 30 40 50 60 70 Question n°5 : PDTD >20 PD 10-20 ans <10 NSP D CD 0 10 20 30 40 50 60 70 PDTD P PD H NSP D G CD R 0 10 20 30 40 50 60 70 80 Question n°6 : PDTD PD >20 NSP 10-20 ans D <10 CD 0 20 40 60 80 PDTD PD P H G R NSP D CD 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 Question n°7 : PDTD PD >20 NSP 10-20 ans D <10 CD 0 10 20 30 40 50 PDTD P PS NSP H D G CD R 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 Question n°8 : PDTD >20 PD NSP 10-20 ans <10 D CD 0 10 20 30 40 50 60 PDTD P PD NSP H D G CD 0 Question n°9 : 10 20 30 40 50 60 70 R Quotidiennement Régulièrement Souvent Occasionnellement Rarement Pas du tout >20 10-20 ans <10 0 10 20 30 40 50 60 Quotidiennement P Régulièrement Souvent H Occasionellement G Rarement R Pas du tout 0 10 20 30 40 50 60 Question n°10 : Non >20 10-20 ans Oui <10 0 20 40 60 80 100 120 P Non H Oui G 0 20 40 60 80 100 120 R Question n°12 : Non >20 10-20 ans Oui <10 0 10 20 30 40 50 60 70 80 P Non H Oui G 0 10 20 30 40 50 60 70 80 R 0 1 2 4 / 3% 4 0 0 3 13 / 9% 7 4 2 4 60 / 43% 42 13 5 5Complètement d’accord Complètement d’accord 61 / 44% 40 14 7 1 / 1% 1 0 0 0 0 0 1 D’accord 6 / 4% 6 0 0 2 4 0 0 Pas d’accord 71 / 51% 46 18 7 34 20 12 5 Pas du tout d’accord 57 / 40% 38 11 8 35 9 7 3 Complètement d’accord 64 / 45% 46 12 6 36 16 7 3 D’accord 62 / 45% 40 15 7 30 12 12 6 Ne sais pas 10 / 7% 8 2 0 5 4 1 0 Pas d’accord 1 / 1% 0 1 0 0 0 0 1 Pas du tout d’accord 2 / 2% 0 1 1 1 1 0 0 Complètement d’accord 17 / 12% 12 1 4 10 2 5 0 D’accord 68 / 48% 49 16 3 33 20 9 4 Ne sais pas 42 / 30% 27 9 6 22 9 5 4 Pas d’accord 11 / 8% 6 4 1 6 2 1 2 Pas du tout d’accord 1 / 1% 0 0 1 1 0 0 0 11% 21% 68% Psychiatrie 8% 0 >20 ans 1 / 1% 10-20 ans 1- Pas du tout d’accord 0-10 ans Structures d’hébergement 14% Types de structure Prises en soin gériatrique 20% Nombre d’années d’expérience Rééducation/r éadaptation 53% 4Pour vous l’humour, aide dans l’acceptation du handicap. 3- Pour vous, l’utilisation de l’humour a des bienfaits sur la santé des patients. 2- Pour vous, l’utilisation de l’humour n’est pas professionnelle avec les patients 1- L'humour fait partie intégrante de votre vie quotidienne. Questions posées : Nombre de réponses / pourcentages Annexe 6 : Tableau d’analyse des questionnaires. 5- Pour vous, l’utilisation de l’humour permet d’obtenir une bonne relation soignant-soigné. l’humour est importante, pour vous, en tant que soignant. est faite par tout l’équipe pluridisciplinaire au sein de la structure. 6- Pour vous, l’utilisation de l’humour peut être faite dans les prises en soin. 7-Pour vous, l’utilisation de l’humour 8- Pour vous, l’utilisation de Complètement d’accord 44 / 31% 30 8 6 22 12 5 4 D’accord 85 / 61% 58 19 8 46 18 14 4 Ne sais pas 6 / 4% 5 1 0 2 2 1 1 Pas d’accord 2 / 2% 1 1 0 1 0 0 1 Pas du tout d’accord 2 / 2% 0 1 1 1 1 0 0 Complètement d’accord D’accord 43 / 30% 25 12 6 29 6 3 5 88 / 63% 66 14 8 41 23 16 4 Ne sais pas 4 / 3% 2 2 0 1 2 1 0 Pas d’accord 1 / 1% 1 0 0 0 1 0 0 Pas du tout d’accord 3 / 3% 0 2 1 1 1 0 1 Complètement d’accord 15 / 11% 10 1 4 7 2 2 2 D’accord 39 / 28% 30 6 3 21 7 6 4 Ne sais pas 37 / 26% 20 13 4 23 6 4 2 Pas d’accord 39 / 28% 29 7 3 19 12 7 2 Pas du tout d’accord 9 / 7% 5 3 1 2 6 1 0 Complètement d’accord 70 / 50% 51 11 8 39 10 13 4 D’accord 58 / 42% 39 14 5 28 19 7 4 Ne sais pas 4 / 3% 3 1 0 2 2 0 0 Pas d’accord 4 / 3% 1 2 1 2 1 0 1 Pas du tout d’accord 3 / 2% 0 2 1 1 1 0 1 9- Vous utilisez l’humour avec vos patients : 10- Avez-vous eu une formation pour l’utilisation de l’humour comme outil thérapeutique ? 12Souhaiteriezvous en avoir une ? Pas du tout 0 / 0% 0 0 0 0 0 0 0 Rarement 2 / 1% 1 1 0 0 1 1 0 Occasionnellem ent 12 / 9% 8 3 1 5 5 0 2 Régulièrement 45 / 32% 33 8 4 20 17 6 1 Souvent 30 / 22% 19 9 2 14 6 5 3 Quotidienneme nt 50 / 36% 33 9 8 31 4 8 4 oui 1 / 1% 1 0 0 1 0 0 0 non 138 / 99% 93 30 15 71 33 20 10 oui 75 / 54% 60 10 4 38 18 10 7 non 63 / 46% 33 20 11 34 15 10 3