Hugo : « Elle était déchaussée, elle était décoiffée… » Intro : V

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Hugo : « Elle était déchaussée, elle était décoiffée… » Intro : V
Hugo : « Elle était déchaussée, elle était décoiffée… »
Intro : V. Hugo appartient au XIXème siècle et au romantisme. Le recueil poétique Les Contemplations
se divise en deux parties : « Autrefois » et « Aujourd'hui ». La mort de Léopoldine, fille de V. Hugo,
trace la frontière entre ces deux mondes. Dans la première partie, « Autrefois », les poèmes chantent la
joie de vivre. Ce poème de style très romantique décrit le bonheur de la rencontre amoureuse.
Ier axe : L'invitation lyrique à l'amour
Le thème du texte est la rencontre entre deux personnages : « elle » qui représente la féminité et « je »
qui est le poète. Le personnage féminin est mystérieux. Il est simplement désigné par le pronom
personnel. La jeune fille est à peine décrite : deux traits la caractérisent :
- la beauté : « comme une fée »
- l’aspect négligé ( « déchaussée », « décoiffée » et « pieds nus ». L’adjectif donne un caractère
sensuel à la scène.
Le personnage masculin est d'abord évoqué par le pronom personnel « moi ». Il s'agit du poète. Il est,
comme souvent dans les poèmes de V. Hugo, un passant, un promeneur.
L'échange des regards est ici réciproque : "je crus voir une fée", "elle me regarda", "elle me regarda
pour la seconde fois", "je vis venir". L'insistance sur le regard comme vecteur de la rencontre passe par
la répétition du verbe « regarder ».
La rencontre entraîne à l'invitation amoureuse : « Veux tu t'en venir dans les champs ? ». L’expression
a une connotation sensuelle. La périphrase : « le mois où l'on aime » accentue cette impression de
même que l'expression « les arbres profonds » et le tutoiement amoureux (vers 4, 7 et 8). Le verbe
« triompher » (vers 6) ne laisse aucun doute sur l'issue de la scène. Le jeu sur les pronoms met en
scène la réciprocité du sentiment amoureux qui passe par l'hymne à la nature.
IIè axe : Une nature complice
Il s'agit d'une scène printanière. Le champ lexical de la nature est omniprésent : « joncs », « arbre »,
« oiseau », « bois », « eau », « rivage ». Toute trace de civilisation a disparu, faisant de ce couple un
couple du paradis terrestre. En revanche on assiste à une personnification de la nature : « Comme l'au
caressait doucement le rivage ». Cette représentation permet de suggérer l'accord entre cette scène et la
nature.
On remarque un parfait accord entre cette jeune fille et la nature qui l'environne. La femme semble
sortir de l'eau. C'est une sorte de sirène. Tout est naturel en elle : « pieds nus », « cheveux décoiffés »,
« sauvage ». La nature semble s’incliner devant la beauté de cette jeune fille (« joncs penchants ») ou
appeler à l'amour : les oiseaux chantent de manière harmonieuse et l'eau caresse le rivage.
Cette rencontre est située hors du temps et de l'espace. Il s'agit du rêve d'une scène d'amour qui évoque
une époque sans règles.
Conclusion
Ce texte appartient au courant romantique par ses thèmes: expression des sentiments et des sensations,
accord avec la nature.
Baudelaire, « A une passante »
Sonnet écrit en 1861 par Baudelaire dans le recueil Les Fleurs du Mal, dans la séquence intitulée
« Tableaux parisiens ». Le titre « A une passante » ressemble à une dédicace à une inconnue. Thème
de la rencontre d’une passante au hasard d’une promenade dans Paris. Le poète la croise et leurs
regards vont se rencontrer quelques secondes.
Analyse linéaire :
1er quatrain :
Evocation du décor : anonymat d’une ville (v 1) : « La rue » (v.1)
Caractéristiques : tableau d’abord auditif : « assourdissante », « hurlait » (connotation animale). C’est
l’agitation agressive de Paris. Ambiance de cacophonie
Le poète : « La rue assourdissante autour de moi hurlait » : il est au centre de toute cette cacophonie !
→ allitération en [R] → aspect désagréable.
Puis glissement de l’auditif au visuel : v 2-3 : « Une femme passa » : importance du passé simple →
suggère la brièveté de la rencontre
Caractéristiques de ce portrait féminin :
-
Anonymat : « Une femme » (article indéfini)
Mouvement : « passa, soulevant, balançant »
Beauté : « Longue, majestueuse, main fastueuse » (sorte d’élégance aristocratique # bestialité
de la rue)
- Idée de mort, souffrance : « en grand deuil », « douleur majestueuse » (= oxymore)
Donc cette apparition de la femme est ambiguë, car elle juxtapose beauté et souffrance, beauté et mort.
D’ailleurs les mots à la rime « majes-tueuse », fas-tueuse » le disent de façon implicite = beauté +
mort
2è quatrain :
Autre étrangeté de cette femme : juxtaposition des contraires (« Agile » # « sa jambe de statue » :
mouvement # immobilité) : en fait le poète voit dans cette femme un idéal esthétique (« statue »)
La réaction du poète :
D’abord, force brutale des mots « Moi, je buvais, crispé comme un extravagant » → il est comme
pétrifié
Puis contemplation suggérée par une métaphore filée : « je buvais […] dans son œil, ciel livide où
germe l’ouragan » (Le poète est fasciné par le regard de la passante)
Donc cette femme est double : elle symbolise à la fois la Beauté / la Mort : « la douceur qui fascine et
le plaisir qui tue », « sta-tue »,
1er tercet :
« Un éclair… puis la nuit ! » : antithèse suggérant l’illumination produite par le coup de foudre
(« éclair »), puis la nuit de la solitude.
« – Fugitive beauté » : le tiret suggère que la scène appartient maintenant au passé. Cette femme a
permis au poète d’apercevoir l’idéal de beauté qu’il recherche. Mais celle-ci n’est pas de ce monde.
Elle reste fugitive.
Cette femme porte en elle la vie (« m’a fait soudainement renaître ») et la mort (« plaisir qui tue » au
v.8)
Passage au tutoiement : « Ne te verrai-je plus » → intimité créée par le pronom
2è tercet :
« Ailleurs », « bien loin d’ici » / « trop tard ! jamais » : traduit l’éloignement dans l’espace et le temps.
« Car j’ignore où tu fuis / tu ne sais où je vais » : construction en chiasme suggérant le croisement de
deux destins qui s’éloignent l’un de l’autre.
« O toi que j’eusse aimé » :subjonctif plus-que-parfait → irréel du passé.
Conclusion :
Dans ce poème, Baudelaire évoque une rencontre entre deux êtres qui ne se réalisera jamais ici bas,
mais reste du domaine du rêve. Cette rencontre ne peut avoir lieu que dans un autre monde et un autre
temps.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Verlaine, « Colloque Sentimental »
« Colloque Sentimental » est le dernier des poèmes du recueil Les Fêtes Galantes. Verlaine évoque la
rencontre désespérée de deux êtres qui se sont aimés. C’est un poème de huit distiques de décasyllabes
en rimes suivies ; quatre de ces distiques constituent un dialogue qui donne une touche théâtrale à ce
poème.
Ier axe : Le cadre
Le décor encadre le passage : décor extérieur. Il est mentionné à deux reprises exactement dans les
mêmes termes aux vers 1 et 5. Il s’agit d’un cadre bien défini: « le vieux parc ». C’est un endroit
connu des deux personnages.
Ce parc est caractérisé par :
- l’abandon : « vieux, solitaire »
- le froid (« glacé ») qui introduit dès le premier vers l’idée de mort.
La scène se passe de « nuit » (dernier vers) → renforce la même idée.
D’emblée, ce cadre suggère une caricature de rendez-vous amoureux.
IIè axe : Une mise en scène théâtrale de la rencontre amoureuse
Des consignes de mise en scène presque théâtrales sont données avant le dialogue: didascalies
concernant :
- le décor :
- le ton: « et l’on entend à peine leurs paroles »
- les jeux de scène: « deux formes ont passé », « tels ils marchaient ».
On peut remarquer aussi le rythme extrêmement léger du poème : légèreté des décasyllabes → Les
spectres semblent à peine effleurer le sol
On trouve une information permettant de comprendre ce dont ils parlent « ont évoqué le passé »
Mais le principal aspect théâtral est l’utilisation du dialogue. Quatre distiques sur les huit sont
consacrés au dialogue. Les deux personnages du poème s’adressent l’un à l’autre au style direct →
procédé extrêmement rare en poésie.
Le dialogue est d’une nature conflictuelle caractéristique au théâtre: les deux personnages ne sont pas
d’accord.
Mais ce dialogue est chuchoté : (cf. vers 4) : « Et l’on entend à peine leurs paroles »
IIIè axe :Les personnages
Ils ne sont pas identifiés par un nom. Il est difficile de dire même qui est l’homme et qui est la femme.
Rien n’interdit même de penser que ce soient deux hommes (Verlaine et Rimbaud ? Leurs relations
homosexuelles ont choqué plus d’un bourgeois au XIXè siècle). Cependant Verlaine n’a rencontré
Rimbaud qu’ensuite.
Points communs:
Leur physique: tous deux se manifestent comme une « forme » ou un « spectre » . Tous deux ont le
masque de la mort: « leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molle »s; → image assez horrible car il
y a encore la présence de chair qui évoque la décomposition.
Tous deux semblent venir de classes sociales aisées : langage un peu précieux: « extase ancienne »,
« vois-tu mon âme en rêve ».
les oppositions :
Opposition tutoiement # vouvoiement : le premier personnage tutoie l’autre, essayant de faire ressurgir
un amour passé. Le « vous » utilisé par le second spectre = volonté de garder ses distances.
L’initiative de la conversation revient exclusivement au premier personnage: il utilise des phrases plus
longues auxquelles l’autre répond généralement de façon brève.
Les propos du premier manifestent un enthousiasme, une émotion :
Alors que les propos du second sont marqués par le refus: réponse à une question par une autre
question (v.8); « Non » (bien détaché en fin de vers10); « C’est possible » ( vers 12) marquant un
doute; constat négatif du vers 14.
Le lexique utilisé marque également cette opposition: « l’extase, le bonheur indicible, le grand
espoir » du premier # termes négatifs du second : « l’espoir vaincu », « le ciel bleu » # « ciel noir ».
→ Ce dialogue est un modèle de non-communication entre deux êtres que maintenant tout oppose.
Donc le temps peut détruire les sentiments; le passé peut mourir, même si les personnes restent
ensemble. Car ces spectres semblent associés pour toujours: ils s’enfuient ensemble; et leur enfer, leur
damnation, c’est probablement cette incompréhension pour l’éternité qui est présentée ici comme un
des effets du temps.
Conclusion
Poème original par sa forme dialoguée. Présence destructrice du temps : il tue l’amour. On peut alors
comprendre l’ironie du titre dans l’emploi du mot « sentimental » pour caractériser ce « colloque » (=
oxymore). Peut-être aussi s’agit-il d’un dialogue de Verlaine avec lui-même.
Comparaison Hugo / Baudelaire
Hugo : « Elle était déchaussée, elle était décoiffée »
Lieu
La femme
Baudelaire : « Aune passante »
Cadre bucolique : campagne
Nature heureuse et complice :
« joncs penchants », « arbres profonds », « les oiseaux chantaient », « l’eau caressait doucement le rivage »
Cadre urbain : Paris (« Tableaux parisiens »)
Décor bruyant, cacophonie : « la rue assourdissante […] hurlait »
→ décor qui contraste avec l’apparition de la « passante »
Fille un peu sauvageonne, naturelle : « déchaussée » ,
Décoiffée, pieds nus » → sensualité
Aspect magique : sorte de divinité des eaux :
« je crus voir une fée »
« Elle essuya ses pieds à l’herbe de la rive »
Femme bien habillée, démarche harmonieuse : « longue, mince »
« majestueuse », « main fastueuse », « balançant le feston et l’ourlet »
Idéal de perfection esthétique : « statue »
Mais en même temps elle symbolise la mort, la douleur : « grand deuil »,
« douleur », « plaisir qui tue »
Les mots à la rime suggèrent cette dualité : majes-tueuse, fas-tueuse,
sta-tue (beauté + mort)
→ Elle est du côté de la vie : « riant au travers »
« la belle fille heureuse »
C’est un simple promeneur dans la campagne
Promeneur parisien (« Tableaux parisiens »)
Le poète
Les regards
Les voies de la
Séduction
Regards réciproques :
poète → jeune fille
Jeune fille → poète (répétition de « regarder » ou « voir »
Poète subjugué par les yeux de cette inconnue : « Crispé comme un
extravagant » → il est comme pétrifié par l’apparition de cette femme
Les yeux de la femme ouvrent sur un autre monde :
« son œil, ciel livide où germe l’ouragan » (métaphore filée)
Invitation à l’amour suggérée :
« la beauté quand nous en en triomphons », « sous les arbres
profonds », « le mois où l’on aime »
La rencontre n’aboutit pas. Elle reste du domaine du souhait :
« O toi que j’eusse aimé » → irréel du passé
Elle n’aura lieu que dans un autre espace et un autre temps
(<se-ducere = conduire à soi)

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