emmanuel moses [frankrijk]

Transcription

emmanuel moses [frankrijk]
EMMANUEL MOSES [FRANKRIJK]
VIVANT
À l’heure o1u la terre cessera d’être
tu seras assis sous un platane à moitié dépouillé
dans une avenue animée et bruyante
rien autour de toi n’aura vraiment changé
tu resteras le père, le fils et l’amant
un rêve te tracassera comme un reste de nourriture coincé entre
deux dents
tu continueras d’observer les enfants, les cyclistes et les chiens
à te demander ce qu’est l’amour
si tu l’as trouvé, perdu ou constamment éludé
à essayer de déchiffrer des signes qui n’en sont peut-être pas
à examiner des souvenirs avec l’attention de l’entomologiste
penché sur son insecte
et qui ne voit plus que des surfaces réticulaires
oubliant la créature trouvée au milieu d’un parc noyé de
brume
tu songeras aux fruits de saison et à acheter de nouvelles chaussures
à une page lue quelques heures plus tôt dans ton bain
aux carreaux de l’immeuble voisin comme éclairés par un
incendie
que tu as longuement observés la veille avant de te coucher
à l’heure où la terre cessera d’être
tu feras des calculs tu passeras en revue des hypothèses
mille fois formulées
tu battras le rappel de toutes les solutions
tu te lèveras tu écarteras distraitement du pied deux ou trois
feuilles
tu t’éloigneras vers le néant
le dos tourné au néant
si vivant
EMMANUEL MOSES [FRANKRIJK]
VERS BUXTEHUDE
Il marchait
entre les peupliers et l’asphalte
passait devant des fermes des champs
des centrales électriques
les automobiles filaient
noires à l’intérieur
un soir de pluie il avait mis le pied sur quelque chose
de craquant et mou :
un hérisson écrasé
que la violence du choc avait rejeté
sur le bas-côté
la neige était tombée très tôt cette année-là
mais elle ne l’avait pas découragé
tout au plus ralenti ses pas
il chantait un psaume ou un cantique
et avait l’impression
qu’un colleret de fourrure
s’enroulait autour de ses épaules
les aubergistes
peu habitués à voir arriver des clients
à cette période
lui faisaient bon accueil
il dînait d’une tourte et d’un fruit
couchait dans des lit moelleux
le tout pour quelques pièces
puis il repartait à l’aube
à travers les villages endormis aux toits blancs
ayant oublié depuis longtemps
la musique pour laquelle
il avait pris la route
EMMANUEL MOSES [FRANKRIJK]
« Pisz na Berdyczow ! » Ça veut dire « Écris-moi à Berdichev »
Parce que tous les marchands de Pologne, de Lituanie et de Russie
Passaient par Berdichev, un des centres de commerce et de
banque principaux de la région
Mais quand l’activité économique se déplaça à Odessa, la ville
déclina rapidement
et « Pisz na Berdyczow ! » est devenu : « Écris a personne »
ou « Laisse-moi tranquille ! »
Il écrit « Pisz na Berdyczow » sur une feuille de papier et la fixe
à sa porte
Mais nul ne lit le polonais ici, les gens ne comprennent pas ce
qu’il a voulu dire
Alors on frappe, on sonne, on glisse des mots entre le battant et
le parquet
On chuchote ou on crie, on parle rudement ou avec distinction
Selon les circonstances
Il n’y a que faire des circonstances
« Pisz na Berdyczow ! »
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