Les tests de discrimination

Transcription

Les tests de discrimination
Colloque de la HALDE
Les tests de discrimination :
pratiques et perspectives
Le vendredi 11 décembre 2009
Centre de conférences Paris Victoire
75009 Paris
SOMMAIRE
page 1
Programme
de la journée
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page 2
Introduction
Biographies
et synthèses des
intervenants
page 12
Bibliographie
indicative
PROGRAMME
Les tests
de discrimination :
pratiques
et perspectives
Le vendredi 11 décembre 2009,
de 9 h 00 à 17 h 00
au Centre de conférences Paris Victoire
52, rue de la Victoire, 75009 Paris
09 h 00 - 09 h 30 Accueil
09 h 30 - 09 h 40 Ouverture par Jean-Yves Monfort, membre du collège de la HALDE,
Conseiller à la Cour de Cassation
09 h 40 - 11 h 30 Les contextes nationaux
Modératrice: Anne Gaspard,
Directrice, Equinet réseau européen des organismes de promotion de l’égalité
09 h 50 - 10 h 10 Isabelle Rorive, Professeure à la Faculté de droit de l’Université libre de Bruxelles
10 h 10 - 10 h 30 Marton Udvari, Conseiller juridique,
Bureau de défense juridique des minorités nationales et ethniques (NEKI), Hongrie
10 h 30 - 10 h 45 Guillaume Ayné, Directeur de SOS Racisme
10 h 45 - 11 h 00 Jean-François Amadieu, Sociologue, Directeur de l'Observateur des discriminations
11 h 00 - 11 h 20 Débat avec la salle
11 h 20 - 11 h30
Pause café
11 h 30 - 13 h 00 Les méthodologies des tests scientifiques et juridiques
Modérateur: Claude-Valentin Marie, Vice-Président de la HALDE
11 h 40 - 12 h 00 Devah Pager, Professeure associée de sociologie
et Professeur associée de l’Office des populations à l’Université de Princeton, États-Unis
12 h 00 - 12 h 20 Eric Cédiey, Chercheur-consultant à ISM-CORUM
12 h 20 - 12 h 40 Frédéric Burnier, Directeur adjoint du Travail détaché auprès de la HALDE,
Coordinateur des enquêtes
12 h 40 - 13 h 10 Débat avec la salle
13 h 10 - 13 h 25 Clôture de la session du matin par Louis Schweitzer, Président de la HALDE
13 h 25 - 14 h 45 Pause déjeuner
14 h 45 - 16 h 45 Contraintes judiciaires et perspectives de développement des tests en Europe
Modératrice: Brigitte Pesquié,
Chef du service pénal à la Direction juridique de la HALDE
15 h 00 - 15 h 20 Ingrid Aendenboom, Conseillère juridique,
Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme, Belgique
15 h 20 - 15 h 40 Margarita Ilieva, Avocate, Vice-Présidente, Bulgarian Helsinki Committee, Bulgarie
15 h 40 - 16 h 00 Agnès Martinel, Conseillère référendaire (deuxième chambre civile), Cour de Cassation
16 h 00 - 16 h 30 Débat avec la salle
16 h 30 - 16 h 45 Clôture par Marc Dubourdieu, Directeur général de la HALDE
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INTRODUCTION
L’objectif du colloque que la HALDE organise ce 11 décembre à Paris, «Les tests
de discrimination, pratiques et perspectives», est d’initier une double discussion avec
des partenaires français, européens et américains. Il offre l’occasion de partager
et de confronter les savoir-faire, expériences et méthodologies des tests scientifiques
et judiciaires et d’en discuter les différentes finalités dans des contextes nationaux
divers. Il s’agit de permettre des échanges entre experts et praticiens afin d’affiner
et d’améliorer les pratiques. D’autre part, ce colloque permet d’engager un débat
sur les conditions d’utilisation en France des tests de discrimination devant le juge civil
à l’instar de la pratique d’une grande majorité des pays membres de l’UE qui ont pu
développer ces outils.
La HALDE valorise les tests de discrimination sous toutes leurs formes. Elle utilise des tests effectués
par des particuliers ou des associations, dans le cadre de l’instruction de réclamations, et met en œuvre
à sa propre initiative des tests judiciaires dans les domaines de l’emploi et du logement.
Elle réalise également des tests dont l’objectif est de repérer des écarts entre les réponses apportées
à différents candidats à un logement ou un emploi (candidats de référence et candidats susceptibles d’être
discriminés) sur une période définie. C’est une photographie dont les résultats ne prétendent pas
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donner une image globale de la politique des entreprises en matière d’égalité des chances et de diversité.
Les tests réalisés en 2006 et en 2007 par la HALDE auprès des grandes entreprises ont également
servi à prendre conscience que personne n’est à l’abri du risque de discrimination dans la sélection des
candidatures. Les enseignements tirés de ces tests de discrimination sont complémentaires de
ceux tirés du travail engagé par la HALDE depuis près de cinq ans avec les grandes entreprises et les
intermédiaires de l’emploi pour identifier les bonnes pratiques et valoriser les entreprises qui les
mettent en œuvre.
Dans le secteur du logement, les tests ont révélé des écarts importants entre candidats selon leur
origine et les processus discriminatoires à l’œuvre.
Les tests de discrimination, ou testings, cherchent à évaluer le caractère discriminatoire ou non d’un
processus de sélection, comme un recrutement, l’accès à un logement, à un service ou l’entrée dans un
établissement de loisirs. Ils sont utilisés comme instrument de mesure dans le cadre d’études
sociologiques, ou comme élément de preuve dans des procédures judiciaires. Ils peuvent également
être mis en œuvre par des entreprises qui, par l’auto-testing, souhaitent vérifier la régularité de leurs
procédures d’embauche. Ils consistent à comparer, dans le cadre d’une procédure de sélection réelle,
les traitements réservés à deux personnes placées dans une situation comparable.
Selon leur objet, scientifique ou judiciaire, les tests de discrimination suivent des méthodologies
différentes mais doivent répondre aux mêmes exigences de rigueur.
Les tests de discrimination : pratiques et perspectives
L’approche «scientifique»
Construit dans le champ des sciences sociales, le testing scientifique est né en Grande-Bretagne et aux
États-Unis de commandes ministérielles ou de l’initiative de think tanks pesant sur la décision publique.
En Europe, elle a été développée par des chercheurs en sciences sociales avant d’être reprise par
des organismes internationaux comme le Bureau international du travail (étude publiée en 2007 sur
les discriminations sur le marché du travail en France), ou nationaux tels que l'Observatoire des
discriminations, le Centre d’analyse stratégique (étude publiée en 2007 sur les discriminations sur
le marché du travail en Ile-de-France).
Cette approche vise à obtenir, par la réalisation d’un nombre élevé de tests portant sur plusieurs offres
d’un même secteur géographique ou professionnel, des résultats statistiquement significatifs.
Cette technique est particulièrement utile pour révéler une discrimination directe, principalement quand
elle est dissimulée derrière des arguments qui servent de prétextes (le logement est déjà loué, l’emploi
a déjà été attribué, l’entrée de l’établissement est réservée aux membres, etc.).
En Europe, dans le domaine judiciaire, le test de situation est de plus en plus investi par des acteurs tels
que les associations et les organismes de lutte contre les discriminations et de promotion de l’égalité.
Le test de discrimination judiciaire
Il a pour objet de révéler un acte discriminatoire commis par un auteur déterminé. Il est un élément
de preuve. Il peut être complété par des investigations complémentaires, telles que des auditions
ou le recueil de documents. Les conditions de réalisation du test, les résultats obtenus doivent être
suffisamment probants pour emporter la conviction du juge et permettre, lors de l’instruction, de
caractériser le délit. En France, ce mode de preuve a, dans un premier temps, été reconnu comme
recevable par la Cour de Cassation (arrêt du 11 juin 2002), avant de faire l’objet d’une consécration
législative (la loi sur l’égalité des chances du 31 mars 2006 a introduit un article 225-3-1 relatif aux tests
de discrimination dans le code pénal).
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BIOGRAPHIES ET SYNTHÈSES DES INTERVENANTS
Jean-Yves Monfort
Biographie
Conseiller à la Cour de Cassation, Jean-Yves Monfort a été juge d'instruction au tribunal de Grasse (1976-1981),
premier substitut du procureur de la République à Marseille (1981-1987) et à Paris (1987-1990), puis vice-président au tribunal
de grande instance de Paris (1990-2001). Il a ensuite exercé ses fonctions à Versailles, comme président de la chambre
de l'instruction de la cour d'appel (2001-2005), puis en qualité de président du tribunal de grande instance (2005-2009).
Il est membre de la Commission nationale des droits de l'homme (CNCDH), et du collège de la haute autorité de lutte contre
les discriminations et pour l'égalité (HALDE).
Anne Gaspard
Biographie
Anne Gaspard est la directrice exécutive du secrétariat d'Equinet – Réseau européen des organismes de promotion de l’égalité,
depuis février 2008.
Depuis l’obtention de ses diplômes, en 1997 en Études européennes et sciences politiques dans les Universités de Londres et
Berlin, Anne a toujours été activement impliquée dans le domaine de l’égalité et de la non-discrimination, à un niveau européen.
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Depuis qu’elle a fini ses études, en 1997, elle a commencé sa carrière professionnelle au Parlement européen à l’occasion
de la campagne de l’Année européenne contre le racisme. Suite à une autre expérience au sein de la Commission européenne
contre le racisme et l’intolérance (CERI) au Conseil de l’Europe, Anne a été recrutée pour gérer le secrétariat de l’Observatoire
européen des phénomènes racistes et xénophobes (EUMC), basé à Londres, de 1998 à 2000. Plus récemment, avant d’avoir
rejoint Equinet, Anne a été responsable de la mise en place de divers projets européens de lutte contre la discrimination et pour
l’égalité, pour Focus Consultancy, un consultant européen spécialisé dans la gestion de la diversité. Elle a aussi été à la tête des
bureaux européens de ce même consultant, basés à Bruxelles, avant de prendre le poste de directrice exécutive du secrétariat
d’Equinet en février 2008. Originaire de France, Anne a aussi vécu de nombreuses années au Royaume-Uni, en Allemagne,
en Belgique. Elle parle français, anglais, allemand et hollandais.
Isabelle Rorive
Biographie
Isabelle Rorive est maître de conférences à la Faculté de droit de l’Université libre de Bruxelles (ULB) où elle enseigne le droit
comparé, le droit de la non-discrimination et la méthodologie juridique. Elle dispense également des enseignements ponctuels
dans d’autres universités (Université d’Oxford, Académie de droit européen de Florence) ou institutions (haute autorité de lutte
contre les discriminations et pour l’égalité, Paris).
Depuis septembre 2009, Isabelle Rorive poursuit ses travaux au sein du centre Perelman de philosophie du droit.
Ses domaines de recherche concernent, à titre principal, les développements théoriques et pratiques du droit de l’égalité et de
la non-discrimination, la circulation des concepts juridiques entre systèmes de common law et de droit civil et l’empreinte des
cultures juridiques sur le développement du droit et le raisonnement judiciaire. Actuellement, elle s’intéresse tout particulièrement
à la place du religieux dans l’espace public et, plus généralement, aux défis que pose la gestion du pluralisme culturel.
Docteure en droit (ULB, 2000), titulaire d’un Master of Research in Legal Studies (Université d’Oxford, St Hugh’s College, 1997),
licenciée en droit (ULB, 1994), Isabelle Rorive a été chercheuse au Fonds national de la recherche scientifique (Aspirante, 1995-1999)
et Visiting Research Fellow à l’Université d’Oxford (Programme in Comparative Media Law and Policy, Centre for Socio-Legal Studies,
Wolfson College, 2001-2002). Elle a été partenaire du projet Juristras du 6e programme cadre européen intitulé: «The Strasbourg
Court, Democracy and the Human Rights of Individuals and Communities: patterns of litigation, state implementation and domestic
reform» (2006-2009).
Les tests de discrimination : pratiques et perspectives
Synthèse
C’est dans l’arène judiciaire que le test de situation est aujourd’hui investi de grands espoirs par les acteurs de la lutte contre
les discriminations. Même si ce procédé de preuve n’est pas utilisé partout au sein de l’Union européenne, une tendance
nette se dessine en faveur de son développement dans les pays qui connaissent des formes criantes de discriminations ethniques
à l’embauche ou pour l’accès aux biens et services. Les affaires les plus fréquentes concernent l’entrée de lieux de loisir,
notamment les discothèques. Ce sont généralement les ONG, plus rarement les organismes de promotion de l’égalité de
traitement, qui recourent à ce mécanisme pour extraire les législations anti-discriminatoires de leur rôle de «tigres de papier».
Le mouvement a commencé au Royaume-Uni pour gagner, ensuite, les Pays-Bas. Plus récemment, au Danemark, en France,
en Hongrie, en Finlande, en Lettonie, en Lituanie, en République tchèque, en Slovaquie et en Suède, les premières décisions de
condamnations fondées sur les résultats probants d’un test de situation furent prononcées. C’est ainsi que des discriminations
commises à l’encontre des Roms ont pu enfin être sanctionnées, sonnant le glas de véritables pratiques ségrégationnistes
dans certains pays. En Hongrie, par exemple, grâce à la ténacité des ONG et notamment du Bureau de la défense juridique pour
les minorités nationales et ethniques (Legal Defense Bureau for National and Ethnic Minorities – NEKI), la Cour suprême a accepté
les témoignages reposant sur un test de situation pour établir la discrimination visant des Roms à l’entrée d’une discothèque.
Dans la foulée, un décret gouvernemental de 2004 a reconnu expressément à l’Autorité hongroise en charge de l’égalité
de traitement la faculté de recourir à des tests de situation dans ses investigations et, le cas échéant, de se servir des résultats
en justice. En France également, le test de situation a été consacré dans les textes. En Belgique, le test de situation, autrefois
explicitement consacré dans une loi fédérale de 2003, est aujourd’hui maquillé dans une terminologie nébuleuse: les «tests
de comparabilité» et les «tests de récurrence», inscrits dans les nouvelles législations fédérales anti-discriminatoires de 2007,
témoignent d’un «compromis à la belge» sur la question.
Bien que le test de situation judiciaire reste largement méconnu en Espagne, en Allemagne, en Grèce, en Italie, au Luxembourg,
à Malte, en Pologne, au Portugal ou en Slovénie, il n’a cessé de se répandre ces dernières années et commence à être utilisé
en Autriche et à Chypre. S’il est délicat d’établir un modèle sur la base duquel le test de situation se développerait au sein
de l’Union européenne, il est certain que cette technique qui s’apparente à un «jeu de rôle» ou à «une mise en scène» suscite
parfois des réserves. Afin de cadenasser les objections tirées de l’exigence de loyauté de la preuve, une tendance forte consiste
à développer des directives adressées aux testeurs. L’expérience européenne qui tend nettement vers une reconnaissance
du test de situation judiciaire devrait permettre d’apaiser les craintes qui entourent encore son utilisation dans certains pays
et de mettre un terme aux crispations qu’il a générées par le passé.
Marton Udvari
Bureau de défense juridique des minorités ethniques et nationales (NEKI)
Biographie
Marton Udvari est expert juridique du Bureau de défense juridique des minorités ethniques et nationales (NEKI), une importante
ONG hongroise impliquée dans la lutte contre les discriminations sur le terrain juridique. En tant qu’expert juridique,
la responsabilité principale de Marton est de participer aux litiges en rapport avec des discriminations raciales et ethniques.
Il participe aussi à la conduite de projets de formations et de programmes de recherche sur des sujets variés liés à la
discrimination.
De plus, Marton Udvari est commissaire coordonnateur du groupe d’experts hongrois de l’Agence européenne des droits
fondamentaux (FRA). À ce titre, il rédige des études liées à différents problèmes de droits de l’homme et coordonne le travail
des groupes d’experts.
Marton Udvari est titulaire d’un Master de droit (LLM) en droits de l’homme, de l’Université d’Europe centrale et est aussi
un formateur qualifié.
Synthèse
La présentation du contexte hongrois en matière de testing introduit l’histoire du testing en Hongrie, décrit la méthode telle
qu’elle est utilisée dans les pratiques du NEKI et résume toutes les expériences et réalisations significatives. La présentation
conclut que le testing peut être un outil utile pour mettre en lumière et prouver une discrimination, que ce soit lors de procédures
judiciaires ou lors de recherches scientifiques.
L’analyse historique montre que la méthode a été appliquée pour la première fois en Hongrie par NEKI, dans les années 90,
en se basant sur la méthodologie et l’expérience des États-Unis. Elle a ensuite été utilisée par d’autres ONG ainsi que par
des institutions scientifiques. Après la mise en place de l’organisme hongrois de l’égalité, c’est devenu un outil officiellement
reconnu pour prouver une discrimination.
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BIOGRAPHIES ET SYNTHÈSES DES INTERVENANTS
La méthode est utilisée dans les procédures juridiques et comme élément de recherche scientifique dans les pratiques
de NEKI. Le testing peut être réalisé sur site aussi bien que par téléphone. Les formations proposées par le NEKI aux testeurs
et aux coordinateurs de testing sont aussi abordées.
Les résultats de testing sont généralement acceptés par les tribunaux hongrois et par l’Autorité pour l’égalité de traitement
comme preuves indirectes de discrimination et leur crédibilité est rarement remise en cause. De plus, les contestations
actuelles dans la mise en œuvre de la méthode sont présentées par le biais des questions suivantes: Lors des procédures
judiciaires, les testeurs doivent-ils se positionner en tant que témoins ou plaignants? ou Comment conserver un groupe de
testeurs efficace et professionnel?
Guillaume Ayné
Biographie
Guillaume Ayné, de mère canadienne et de père français, est né en 1983 à Paris. Il est actuellement directeur général
de SOS Racisme.
Après un parcours universitaire en droit l’ayant amené de l’Université McGill, à l’Université d’Amsterdam, en passant par
l’Université Panthéon-Assas et l’Institut d’études politique de Paris, il prépare actuellement sa thèse de doctorat en droit
international à Paris I Panthéon-Sorbonne sur la mise en œuvre effective des conventions internationales.
À 19 ans, il s’engage pour la première fois dans le monde associatif en créant l’association Horizons contrastés, qui pendant
quatre ans a participé à des programmes de solidarité internationale, spécialisés sur les questions éducatives, au Bénin.
Il a ensuite décidé de s’engager en France contre les discriminations, ce qui l’a amené à présider le comité Paris de SOS Racisme,
puis le comité régional d’Ile-de-France.
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Depuis avril 2008 il est directeur général de SOS Racisme.
Synthèse
Le testing est un outil anti-discrimination à la portée de tous. Porté à l’origine par SOS Racisme, le testing a aujourd’hui une
valeur de preuve devant les tribunaux (Cour de Cassation, 12 septembre 2000). Sa pratique a même été légalisée par la loi sur
l’égalité des chances de 2006.
L’admission du testing par la jurisprudence française: les opérations de testing menées par SOS Racisme à l’entrée des
discothèques pour dénoncer les pratiques discriminatoires ont été reconnues comme mode de preuve le 12 septembre 2000.
Par l’arrêt rendu le 11 juin 2002, la Cour de Cassation a confirmé la valeur du testing comme mode de preuve de la
discrimination raciale, même en l’absence de tout huissier, officier de police judiciaire et même de tout «témoin de moralité».
Grâce à la méthode du testing, SOS Racisme a fait condamner des employeurs, des propriétaires, des agences immobilières,
des HLM, des campings, des discothèques et des policiers. La méthode du testing est devenue la clé de voûte de notre combat
contre les discriminations: un procédé à la portée de tous. Les victimes de discriminations doivent faire usage de cette arme
afin de ne plus se retrouver démunies face au racisme. Le testing doit devenir un réflexe. Les témoins de discrimination doivent
en faire de même, c’est un combat qui concerne chacun d’entre nous.
Jean-François Amadieu
Biographie
Professeur à l’Université Paris I-Panthéon Sorbonne, Jean-François Amadieu est spécialiste de gestion des ressources
humaines et de relations sociales. Il a créé et dirige l’Observatoire des discriminations. Ses travaux portent sur l’ensemble des
formes de discrimination (âge, genre, origines, handicap, lieu d’habitation, apparence physique…) et sont menés en lien avec
les entreprises. Ses études ont aidé à sensibiliser le grand public et les entreprises aux réalités des discriminations.
Ses derniers ouvrages, Le poids des apparences et Les clés du destin, abordent les différents facteurs constitutifs de l’inégalité
des chances comme le lieu d’habitation, l’origine sociale et ethnique ou encore l’apparence physique. Il est fondateur
et vice-président du Réseau des entreprises pour l’égalité des chances dans l’éducation et membre expert du club Entreprise
et handicap.
Les tests de discrimination : pratiques et perspectives
Synthèse
Les tests de discrimination par envoi de candidatures ont tardé à être utilisés en France. Cette frilosité avait plusieurs
explications (rejet par les civilistes, rapport à l’empirisme des chercheurs, manque de soutien des pouvoirs publics…).
L’utilisation des tests a joué en France, comme on l’avait observé dans d’autres pays (Grande-Bretagne, Belgique), un rôle
d’impulsion de la lutte contre les discriminations en raison de l’efficacité de cette technique de mesure des discriminations (peu
contestable, compréhensible par un large public, proche de la réalité vécue par les individus). Leur consécration par la Cour
de Cassation puis le législateur ont facilité leur notoriété et leur diffusion. C’est le milieu associatif ou des chercheurs financés
par des entreprises privées qui ont essentiellement mené ces tests avant que les fonds publics n’interviennent. Les tests
de discrimination ont apporté la preuve que l’anonymat des candidatures ne pouvait que faire progresser le taux de succès des
candidats. Les tests de discrimination dans le domaine de l’emploi ont été les premiers outils mis en place dans les entreprises
soucieuses d’évaluer leurs pratiques et dans ces entreprises de grande taille cette technique est encore aujourd’hui la plus
utilisée. Peu à peu, des techniques de mesures statistiques à partir des patronymes ou des prénoms tendent à les compléter ou
à les remplacer dans les entreprises. Ces dernières sont moins lourdes à mettre en œuvre et articulées aux mesures des
discriminations salariales ou de déroulement de carrière qui sont en développement. L’anonymisation des candidatures rendant
quasi sans intérêt les tests de discrimination (sauf à utiliser des acteurs) et l’amélioration des systèmes d’information des
entreprises devraient accélérer cette évolution des outils de mesure des discriminations.
Claude-Valentin Marie
Biographie
Claude-Valentin Marie est un spécialiste de sociologie du travail, des migrations et des politiques publiques de lutte contre
les discriminations. Il travaille depuis plus de vingt ans sur les questions relatives aux migrations internationales. Il a débuté
sa carrière comme enseignant à l’Institut des sciences sociales de l’Université de Constantine en Algérie (1973-1977),
puis a été nommé responsable des études sur l’emploi des étrangers au ministère du Travail à Paris (1977-1987). Il a été, ensuite,
directeur des études, de la statistique et de la recherche à la mission interministérielle de lutte contre les trafics de main-d’œuvre
(1988–1997), puis à la délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal (1998-2000). En décembre 2000, il s’est vu
confier par Martine Aubry, ministre du Travail et de l’Emploi, la direction du Groupe d’études et de lutte contre les
discriminations (GELD).
Le 8 mars 2005, il a été nommé par décret de la présidence de la République, sur proposition du président du Sénat, membre
du Collège de cette haute autorité. Il a été élu par ses pairs vice-président de cette institution.
Par décret du Premier ministre du 15 janvier 2004, il a également été nommé membre du Comité pour la mémoire de l’esclavage,
institué par la loi du 21 mai 2001. Le 12 avril 2005, le comité a remis au Premier ministre son premier rapport annuel, présentant
une série de propositions très opérationnelles. Le Premier ministre a immédiatement indiqué sa volonté de soumettre ces
propositions pour décision à un comité interministériel.
Claude-Valentin Marie est, par ailleurs, régulièrement sollicité comme expert-consultant sur les questions relatives aux
migrations internationales par la Commission européenne, l’OCDE et le Conseil de l’Europe. À ce titre, il a rédigé de nombreux
rapports pour ces institutions internationales.
Devah Pager
Biographie
Devah Pager est maître de conférences en sociologie à l’Université de Princeton. Ses recherches se concentrent sur les
institutions qui influent sur stratification raciale, y compris l’éducation, le marché du travail, et le système judiciaire.
Dans le cadre de ses recherches récentes, Devah a mis en place une série de champs d’expérimentation permettant l’étude
de la discrimination envers les minorités et les anciens délinquants dans l’accès aux emplois à bas salaires. Son livre,
intitulé Marked: Race, Crime and Finding Work in an Era of Mass Incarceration (Race, crime et trouver un travail à l’ère de
l’incarcération de masse) (Université de Chicago, 2007), examine les conséquences raciales et économiques d’une longue période
d’emprisonnement sur l’accession au marché du travail actuel des États-Unis. Dans un autre domaine, Devah a aussi étudié
les évolutions de la politique criminelle en France en fonction de la situation en terme d’immigration et de schémas ethniques.
Une publication récente liée à son projet, «L’idéal républicain? Les minorités ethniques et le système pénal dans la France
contemporaine», a été éditée l’an dernier dans Punishment and Society. Devah a obtenu plusieurs Masters dans les Universités
de Stanford et de Cape Town, et un Ph.D à l’Université de Wisconsin-Madison.
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BIOGRAPHIES ET SYNTHÈSES DES INTERVENANTS
Synthèse
Des décennies de progrès dans le domaine racial ont mené certains chercheurs et hommes politiques à douter du fait que
la discrimination demeure une cause importante des inégalités économiques. Pour étudier la discrimination ayant cours de nos
jours aux États-Unis, nous avons mis en place un champ d’expérimentation dans la tranche basse des salaires du marché du
travail de la ville de New York, en recrutant des candidats blancs, noirs et latino-américains regroupés suivant des caractéristiques
démographiques et des compétences relationnelles équivalentes. Ces candidats, pourvus de CV équivalents, furent envoyés
pour postuler par paire à des centaines d’emplois à faible rémunération. Nos résultats montrent que les candidats noirs avaient
– à qualification équivalente – deux fois moins de chance que des Blancs de recevoir une réponse ou une offre d’emploi.
En fait, les candidats noirs et latino-américains sans antécédents judiciaires ne s’en sortaient pas mieux que des candidats
blancs à peine sortis de prison. Des preuves qualitatives supplémentaires issues des expériences de nos candidats illustrent
les multiples manières par lesquelles les trajectoires de l’accès à un emploi peuvent être détournées par diverses formes
de préjugés raciaux. Ces résultats mettent en évidence les formes de discrimination subtiles mais systématiques qui continuent
d’influer sur les possibilités d’accès à l’emploi pour les travailleurs à bas salaires.
Eric Cédiey
Biographie
Eric Cédiey est diplômé de l’ENSAE (l’École des administrateurs de l’INSEE), ancien élève de l’École normale supérieure
de Cachan, titulaire d’une maîtrise de sociologie et d’un DEA d’économie de l’Université Paris X-Nanterre. Après avoir étudié
la construction des politiques d’affirmative action dans l’Afrique du Sud post-apartheid, puis enseigné à Sciences-Po Paris,
Eric Cédiey travaille depuis 2003 à ISM Corum, un bureau d’étude et institut de formation installé à Lyon, qui a développé une
forte spécialité sur les questions de discriminations.
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Dans ce cadre, Eric Cediey est surtout intervenu dans le domaine de l’emploi, mais ISM Corum intervient également dans
le logement, la santé, les services publics… Avec ses collègues, il a développé des enquêtes et des diagnostics qualitatifs, des
formations, des études statistiques, des testings (sollicités ou non), des prestations d’accompagnement et de conseil, avec
des entreprises de toutes tailles, des collectivités territoriales, les partenaires sociaux et les institutions publiques, notamment.
En matière de testings plus particulièrement, ISM Corum a d’abord réalisé en 2005-2006, pour le ministère de l’Emploi et le
Bureau international du travail, une vaste campagne de tests de discrimination à l’embauche sur six des principales
agglomérations françaises. Puis en 2007-2008 a été conduit, avec le groupe Casino, le premier testing sollicité dont les résultats
aient été rendus publics. Deux autres testings sollicités sont en cours d’achèvement fin 2009, avec le groupe Adecco et le groupe
LVMH. Un testing expérimental, non sollicité, sur les discriminations à l’embauche en raison de la religion supposée, vient
d’être mené avec David Laitin de l’Université de Stanford, et un autre testing non sollicité est en cours concernant l’accès aux
soins des bénéficiaires de la CMU sur le territoire d’une agglomération.
Synthèse: La spécificité des démarches de «testing sollicité» − exemples conduits par ISM Corum
• ISM Corum propose l’expression «testing sollicité», pour faire une distinction avec les testings scientifiques classiques
(non sollicités) lors desquels les organismes testés n’ont pas demandé à l’être.
• Nous sommes dans une démarche de «testing sollicité» lorsqu’une organisation demande elle-même à ce que ses pratiques
ou processus soient évalués par testing. Cette démarche pourrait en quelque sorte être comparée à celle d’un audit de contrôle
qualité, visant à vérifier que les processus testés respectent bien la norme d’égalité de traitement.
• Cette démarche peut également transformer le testing en outil de management. Si elle le souhaite, l’organisation peut choisir
d’annoncer à ses collaborateurs, par exemple, que des tests vont être réalisés dans l’année qui vient. Selon toute hypothèse,
ces collaborateurs vont alors être vigilants à ce que leurs pratiques ou les processus dont ils ont la charge soient exempts de
risques discriminatoires. Or, c’est exactement le but final recherché.
• Dans une perspective de responsabilisation, ISM Corum conseille que les différentes parties prenantes du problème
discriminatoire soient autant que possible associées à la commande du testing sollicité et à la réception de ses résultats.
• Dans la façon dont ISM Corum réalise ses testings sollicités, il s’agit à chaque fois de construire une méthode «sur-mesure»
avec l’organisation testée, de façon notamment à ce que les tests, bien que sollicités, restent inaperçus.
Les tests de discrimination : pratiques et perspectives
Frédéric Burnier
Biographie
Inspecteur du travail. Coordinateur des enquêtes à la direction juridique de la haute autorité de lutte contre les discriminations
et pour l’égalité.
Synthèse
Depuis le vote de la loi sur l’égalité des chances en 2006, le test de discrimination peut servir de preuve devant le juge pénal.
Les controverses sur la loyauté de ce mode de preuve ne sont plus de mise. Toutefois, le test ne sera qu’un renseignement ne
permettant pas de convaincre s’il ne répond à un certain nombre d’exigences. La comparaison doit se faire entre des candidats
objectivement semblables (mêmes expériences professionnelles, tenue similaire, etc.) et se présenter dans les mêmes
circonstances et le même contexte. Il faut pouvoir démontrer que la cause de la rupture d’égalité est un motif discriminatoire.
Surtout, la différence de traitement entre le candidat de référence et celui qui est susceptible d’être discriminé doit être constatée
par des tiers neutres, faisant un constat objectif et rigoureux de ce qu’ils ont personnellement constaté.
Louis Schweitzer
Biographie
Inspecteur des finances, chargé de mission à la direction du Budget, directeur de cabinet de Laurent Fabius au Budget,
à l’Industrie et à Matignon de 1981 à 1986, président-directeur général de Renault de 1992 à 2005 et président du conseil
d’administration de 2005 à 2009, président du conseil d’Astra Zeneca depuis 2005, Louis Schweitzer préside la haute autorité
de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) depuis mars 2005. Il préside également le conseil de surveillance
du journal Le Monde depuis février 2008.
Brigitte Pesquié
Biographie
Chargée d’enseignement à l’Institut d’études judiciaires de Paris 1 (Panthéon-Sorbonne).
Chef du service pénal à la direction juridique de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.
Ingrid Aendenboom
Biographie
Ingrid Aendenboom est juriste et travaille au Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme depuis 1993.
Elle y a été active dans plusieurs matières: racisme, discrimination, lutte contre la pauvreté et traite des êtres humains.
Actuellement, elle est conseillère de la direction, s’occupe du secrétariat du conseil d’administration et collabore à la cellule
Avis et recommandations. Elle publie des articles en matière de discrimination, pauvreté et traite des êtres humains et est
collaboratrice de comités de rédaction de codes annotés. Elle participe régulièrement, en tant qu’intervenant, aux formations
de l’Académie de droit européen à Trèves en matière de discrimination.
Synthèse
Le test de discrimination: contesté certes, mais contestable?
Réactions…
Du monde politique…
Alors que le principe du test de situation avait été voté (loi anti-discrimination du 25 février 2003) une réaction véhémente a
secoué le monde politique lorsqu’il a été question de le concrétiser. Cette réaction a eu des conséquences lors de la rédaction
de la nouvelle loi du 10 mai 2007 (adaptation de la précédente, suite aux remarques de l’Europe et de la Cour Constitutionnelle).
Cette réaction a également provoqué une certaine paralysie en ce qui concerne la concrétisation des tests au niveau politique
et de plus, a alerté d’autres acteurs concernés.
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BIOGRAPHIES ET SYNTHÈSES DES INTERVENANTS
Du monde judiciaire…
Un refus net quant à l’application du principe a pu être constaté lors de rencontres avec des magistrats travaillant au pénal.
Une réticence peu banale se fait sentir lors d’introduction de procédures au civil (tant au niveau de l’acceptation qu’au niveau
de la validité ou de la prise en compte comme élément de preuve).
Du monde de l’entreprise et de l’immobilier…
Une méfiance auprès de certains employeurs et une incompréhension de la part de certains propriétaires. Une évolution
cependant quant à l’attitude des agents immobiliers.
Du monde associatif…
Un enthousiasme démesuré comme si cet outil dorénavant permettrait de faire halte à toute discrimination. Des tentatives
peu construites et donc un risque de décrédibiliser l’outil. Mise en cause du législateur pour non-exécution du texte légal
prévoyant l’outil.
Situation législative ancienne et actuelle.
Rapide comparaison du texte ancien et du nouveau quant au contenu et l’exécution.
Que se passe-t-il en pratique?
Attitude du Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme par rapport à l’outil (réaliser des tests soi-même et
conséquence pour l’intervention dans la procédure ou fournir un scénario de base pour ceux qui désirent faire usage de l’outil).
Exemples de démarches appelées, à tort ou à raison, «tests».
Réaction des magistrats dans deux dossiers en cours (un au pénal et un au civil) tout à fait semblables (deux discriminations
accès salle de sport).
Comment envisager le futur et quelles actions mener sans mettre en péril l’outil.
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Margarita Ilieva
Biographie
Margarita Ilieva est une avocate spécialisée dans les droits de l’homme, exerçant à Sofia. Elle est spécialisée dans les litiges
en rapport avec la discrimination. Margarita est la principale co-auteur de la législation bulgare anti-discrimination,
et la militante la plus en pointe pour son adoption réussie par le Parlement en 2003. Elle est membre du réseau Legal Network
of EU Experts in the Non-Discrimination Field.
Margarita a publié une série de livres analysant de manière critique les jurisprudences bulgares en matière de lutte contre
la discrimination. Elle est une importante défenseure des droits de l'homme en Bulgarie, spécialement concernant l'égalité,
avec à son actif un grand nombre de procès gagnés. Elle est membre du Comité Helsinki bulgare dont elle dirige le programme
juridique.
Synthèse
La législation bulgare ne prévoit aucune disposition concernant le testing. Lors des procédures générales civiles, les juges
et les organismes quasi-judiciaires œuvrant pour l’égalité sont libres d’évaluer chaque preuve selon leur «intime conviction».
La méthode du testing n’est pas sujette à controverse. Les activistes des ONG et les juristes ont utilisé le testing comme un
moyen de fournir des faits et des preuves, aussi bien que des statistiques de l’emploi pour initier des litiges stratégiques dans la
défense des droits des Roms. Ils ont testé l’accès des Roms à l’emploi salarié, ainsi qu’aux services «horeca», incluant les
piscines publiques. Dans un cas, le testing, réalisé en présence de caméras de télévision, a été utilisé pour attester du fait que
les Roms se voient refuser l’égalité de l’accès aux tribunaux. Dans certains cas, y compris un cas en rapport avec les droits des
homosexuels, les avocats militants ont utilisé le testing pour discréditer les arguments de la défense, au cours du déroulement
même de l’affaire en cours: c’est-à-dire pendant le règlement d’un contentieux aussi bien qu’avant de débuter ce règlement.
Les tribunaux civils, tout autant que les organismes de défense de l’égalité ont admis inconditionnellement les preuves dérivant
de la pratique du testing, y compris les enregistrements vidéos et les témoignages de témoins. Les tribunaux civils, dont la
Cour de Cassation suprême, ont expressément rejeté les allégations de la défense, qui arguait que les testeurs militants ne
pouvaient pas avoir la crédibilité d’un témoin à cause de leur engagement professionnel dans la défense des droits, ou à cause
de leur ténacité dans les exercices de testing. Les juges ont expressément mentionné, se basant sur l’évaluation générale
des documents de l’affaire, que tant qu'il n’y a pas d’autres éléments permettant de rejeter les allégations et les témoignages
des testeurs, ceux-ci devaient être acceptés. Dans une affaire traitant de l’accès d’un Rom à un emploi, la cour a affirmé que le
testing accompli par les témoins militants était justifié par leur implication dans le domaine des droits. Les juges ont expressément
affirmé que les militants plaignants des affiliations aux groupes de droit Rom ont souffert plus intensément de dommages non
financiers parce que leur sensibilité à la discrimination était exacerbée du fait de leur travail sur la question des droits de l’homme.
Les tests de discrimination : pratiques et perspectives
La défense n’a pas utilisé l’argument selon lequel, puisque la démarche des testeurs plaignants n’est pas d’obtenir le poste en
question, mais de réaliser une simulation, ils ne sont pas dans les conditions réelles et n’ont donc pas de légitimité. Ni les juges,
ni les organismes de défense de l’égalité n’ont exprimé d’appréhensions dans le fait que le testing était potentiellement
mensonger ou provocateur. Ils n’ont pas stipulé d’exigences méthodologiques ou d’autres garanties contre une éventuelle
partialité. Tout bien considéré, ils ont considéré le testing comme une manière parfaitement naturelle pour vérifier une plainte
de discrimination. L’organisme de défense de l’égalité n’a pas seulement accepté inconditionnellement le testing comme une
source valide de faits et de preuves, mais il a aussi réalisé son propre testing pour verifier les plaintes. Il a explicitement mentionné
que les résultats du testing prouvant l’invalidité des arguments de la défense constituent à première vue une discrimination
mandatant un décalage de la charge de la preuve.
Agnès Martinel
Biographie
Titulaire d’une maîtrise en droit privé et d’un diplôme de l’IEP Toulouse, Agnès Martinel est devenue magistrate en 1990.
Juge d’instance à Béthune jusqu’en 1992, puis au Raincy, dans la Seine-Saint-Denis, pendant six ans, elle a été nommée
au tribunal de grande instance de Paris en 1998.
Affectée au tribunal du 17e arrondissement de Paris en qualité de juge chargée de l’Administration, elle a travaillé notamment
sur les questions du contentieux locatif en assurant la coordination du groupe de travail des juges d’instance créé pour
organiser la mise en œuvre de la loi sur la prévention des exclusions dans les juridictions parisiennes.
Nommée en 2002 aux fonctions de conseiller référendaire à la Cour de Cassation, elle a été affectée au sein de la chambre
sociale où elle a traité notamment des questions de précarité, de discrimination et de harcèlement. En 2008, dans le cadre
d’une action initiée conjointement par l’École nationale de la magistrature et la Cour de Cassation, elle a participé à la session
internationale de formation des juges, des avocats et des juristes aux normes internationales du travail, organisée par l’OIT
à son centre de formation de Turin.
Elle exerce aujourd’hui ses fonctions de conseiller référendaire au sein de la deuxième chambre de la Cour de Cassation.
Synthèse: Test de discrimination et contentieux civil
La loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances a consacré la possibilité d’utiliser le test de discrimination dans un procès
pénal. La voie avait été ouverte par la chambre criminelle de la Cour de Cassation, qui, dans un arrêt du 11 juin 2002, avait
admis la preuve par testing en considérant que ce procédé répondait au principe de loyauté de la preuve.
Cette admissibilité de la preuve par test de discrimination est-elle transposable dans le cadre du procès civil? Tel sera l’objet
de notre propos, étant précisé que la notion de «procès civil» doit être ici entendue au sens large et qu’elle recouvre également
tout le contentieux en matière sociale, qui, en dépit de quelques aménagements spécifiques, est soumis aux dispositions
du code de procédure civile.
À ce jour, à notre connaissance, la question n’a été tranchée par aucune des chambres civiles de la Cour de Cassation.
Les juridictions du fond donnent peu d’exemples de réflexion dans ce domaine. Tout est donc à inventer.
Marc Dubourdieu
Biographie
Marc Dubourdieu est depuis 2005 directeur général de la HALDE. Il est diplômé de l’Institut des sciences politiques et de l’Institut
d’études des relations internationales et des pays en voie de développement de Toulouse. Son parcours dans l’administration
le mène notamment à l’Institut des hautes études de la sécurité intérieure (IHESI) dont il est l’un des fondateurs et secrétaire
général adjoint de 1989 à 1993.
De 1993 à 1997, il est successivement conseiller technique au cabinet de Roger Romani (ministre délégué aux Relations avec
le Sénat, chargé des rapatriés), sous-préfet, directeur de cabinet du préfet de la Sarthe puis conseiller auprès du ministre
chargé des Relations avec le Parlement. De 1997 à 2002, il est directeur général puis inspecteur général de la Ville de Paris.
En 2002, il devient conseiller auprès de Michèle Alliot-Marie (ministre de la Défense). Il exerce ensuite pendant trois ans la
fonction de président de la Mission interministérielle aux rapatriés (MIR) avant d’entrer à la HALDE.
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B I B L I O G R A P H I E I N D I CAT I V E T E S T S D E D I S C R I M I N AT I O N
I.1.
I- Sur la méthode
I.1.1. A- Articles
Lutte contre la discrimination: la voie pénale
FORTIS, Elisabeth; AMEGADJIE, Frédéric; LESSERE CAPDEVILLE, Jérôme; SAGARDOYTHO, Thierry, AJ Pénal,
n° 7-8/2008, 08/2008, p. 303-315
Vraies et fausses solutions aux discriminations
AMADIEU, Jean-François, Formation emploi, n° 101, 2008, 15 p.
La discrimination saisie sur le vif: le testing
CALVES, Gwénaële; BENDICK, Marc; VAN DER PLANCKE, Véronique; PESQUIE, Brigitte; BURNIER, Frédéric; CEDIEY,
Eric; DESPRES, Caroline; L’HORTY, Yannick, Horizons Statégiques, n° 5, 07/2007, p. 6-91
http://www.strategie.gouv.fr/revue/IMG/pdf/article_Revue5.pdf
Discrimination in a Low Wage Labor Market: A Field Experiment
PAGER, Devah; WESTERN, Bruce; BONIKOWSKI, Bart American Sociological Review 74(5). 2009
Les approches méthodologiques de la discrimination à l’embauche sur le marché du travail
PIGUET, Etienne, Migrations Société, n° 105-106, 08/2006, 175-187
Le testing, mode de preuve des discriminations raciales
RINGEL, Françoise, Petites affiches, n° 4, 06/01/2003, p.15
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Le test de situation en Europe: mythes et réalités
RORIVE, Isabelle, Revue du droit européen relatif à la non-discrimination, n° 3, 04/2006, p. 33-39
Réflexions sur les difficultés de preuve en matière de discriminations
RORIVE, Isabelle; PERROUTY P.A., Revue du droit des étrangers, 2005, n° 133, pp. 161-175 (15 p.)
Quels dispositifs pour prouver la discrimination?
RORIVE, Isabelle; VAN DER PLANCKE V., De nieuwe federale antidiscriminatiewetten - Les nouvelles lois luttant contre
la discrimination, Ch. Bayart, S. Sottiaux et S. Van Drooghenbroeck (éds.), La Charte, Die Keure, Bruxelles, Brugge, 2008,
pp. 415-461 (47 p.)
I.1.2. B- Études
Proving discrimination cases: the role of situation testing
RORIVE, Isabelle; Migration Policy Group, 01/2009, 93 p.
http://www.migpolgroup.com/multiattachments/4307/DocumentName/153.ProvingDiscriminationCases_theroleofSituationTesting_EN_03.09.pdf
Le testing, une méthode expérimentale de mesure des discriminations à l’embauche
Centre d’Analyse Stratégique, Note de veille, n° 48, 05/03/2007, 5 p.
http://www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/03NoteVeille48.pdf
Perspectives en mutation: le renversement de la charge de la preuve dans les procès pour discrimination raciale
HOUTZAGER, Dick; ENAR, 06/2006, 32 p.
http://www.enar-eu.org/fr/publication/reports/Burden_of_Proof_FR.pdf
Testing discrimination in natural experiments:
a manual for international comparative research on discrimination on the grounds of «race» and ethnic origin
BOVENKERK, Frank; Bureau International du Travail, 1992, 49 p.
Les tests de discrimination : pratiques et perspectives
I.2.
II- Des exemples de testing
I.2.1. A- Articles
Les facteurs de discrimination à l’embauche pour les serveurs en Ile-de-France: résultats d’un testing
DUGUET, Emmanuel; LEANDRI, Noam; L’HORTY, Yannick; PETIT, Pascale, Premières Informations Synthèses,
n° 40.1, 09/2009, 5 p.
http://www.travail-solidarite.gouv.fr/IMG/pdf/2009-09-40-1.pdf
Les testings
Pote à pote, n° 124, 09/2009, p. 3-16
Discrimination dans l’accès à l’emploi des jeunes d’origine immigrée en Suisse: utiliser des curriculum vitae
fictifs permet de mesurer la discrimination, qui se révèle d’une ampleur insoupçonnée
FIBBI, Rosita, Immigration et marché du travail, n° 94, 06/2006, p.45-58
I.2.2. B- Études
Action contre le refus de soins (dossier de presse)
FNATH; CISS; UNAF, 20/05/2009, 18 p.
http://www.leciss.org/fileadmin/Medias/Documents/090525_DP_CiSS-ActionRefusSoins_BdPlanches.pdf
Résultats du testing sollicité par le groupe Casino: un diagnostic partagé sur les discriminations liées à l’origine
ISM-CORUM, 06/2008, 58 p.
Suède: discrimination à l’embauche: le rôle des mécanismes inconscients
ROOTH, Dan-Olof; IZA, 04/2007, 35 p.
http://ftp.iza.org/dp2764.pdf
Les discriminations à raison de «l’origine» dans les embauches en France: une enquête nationale par tests
de discrimination selon la méthode du Bureau international du travail
ISM-CORUM; CEDIEY, Eric FORONI, Fabrice; ARNAUD, Christian, 15/03/2007, 113 p.
Discriminations à l’embauche: un testing sur les jeunes des banlieues d’Ile-de-France
DUGUET, Emmanuel; LEANDRI, Noam; L’HORTY, Yannick; PETIT, Pascale; Centre d’Analyse Stratégique, 03/2007, 30 p.
http://www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/2007-03-05discriminationsembauche-testing.pdf
Baromètre Adia - Observatoire des discriminations
AMADIEU, Jean-François; Observatoire des discriminations (Université Paris I), 11/2006, 25 p.
http://cergors.univ-paris1.fr/docsatelecharger/Barometre2006resultats.pdf
La discrimination dans l’accès au logement locatif privé
ASDO, 05/2006, 28 p.
Analyse des attitudes de médecins et de dentistes à l’égard des patients bénéficiant de la Couverture Maladie
Universelle complémentaire: une étude par testing dans 6 villes du Val-de-Marne
DIES; DESPRES, Caroline; NAIDITCH, Michel, 05/2006, 88 p.
L’obèse: l’incroyable discriminé
Observatoire des discriminations (Université Paris I); AMADIEU, Jean-François, 09/2005, 6 p.
http://cergors.univ-paris1.fr/docsatelecharger/l_ob%E8se,l_incroyablediscrimin%E9.pdf