Heurts et malheurs du tacot de CUY

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Heurts et malheurs du tacot de CUY
UN PEU D’HISTOIRE
Heurts et malheurs du tacot de CUY
Si la disparition de certaines VFIL (Voies ferrées d'intérêt local) peut
être considérée comme un défi au bon sens pour les services d'intérêt
public qu'elles pourraient rendre encore aujourd'hui, il semble que celui
du Nord Sénonais représente le même défi quant à sa création, et n'aurait jamais été construit sans les interventions d'une famille influente
possédant un domaine à proximité du tracé de la future ligne, l'ancienne
abbaye de Vauluisant, au nord de Villeneuvre l’Archevêque.
C'est en effet Monsieur Jean JAVAL (1871-1915), polytechnicien, résidant à Vauluisant, élu au Conseil Général de l'Yonne en 1901 et député
de Sens en 1909, qui devint le promoteur des VFIL du département et notamment du réseau nord sénonais.
Jean JAVAL, mobilisé en 1914 décédait malheureusement et subitement le 29 août 1915.
La ligne du nord sénonais fait partie d'un important programme départemental et c'est en juin 1906 que
l'on conclut à l'opportunité de créer entre sénonais et nogentais des relations ferroviaires directes.
ETAT DES LIGNES DU RESEAU SECONDAIRE DANS LE NORD DE L’YONNE
Section
Laroche-Migennes - L'isle-Angély
Sens - Nogent-sur-Seine et
Villeneuve-L’archevêque
Sens - St-Maurice-aux-RichesHommes
St-Maurice-aux-Riches-Hommes Nogent-sur-Seine
Longueur
75 km
Ecartement
1m
Ouverture
1887
Fermeture
1951
71 km
1m
32 km
1925
1938
25 km
1926
1938
14 km
1926
1938
1901
1949
1901
1902
1912
1914
1956
1938
1938
1938
St-Maurice-aux-Riches-Hommes Villeneuve-L’archevêque
Avallon - Autun
78 km
1,435 m
Sens - Egreville
Sens - Chéroy
42 km
30 km
1m
Chéroy - Egreville
Joigny - Toucy-Ville
Joigny - Auxerre
Aillant - Fleury
12 km
37 km
34 km
10 km
1m
1m
1m
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UN PEU D’HISTOIRE
Les terrains sont acquis par le Département en 1910, et les
travaux de terrassement débuteront probablement dans le
courant de l'année 1913 et fin 1914, la voie est posée sur une
première couche de ballast de Sens à Nogent, pour y desservir Saint-Clément, Granchette, Cuy, Evry, Gisy-Les-Nobles,
La Chapelle, Saint-Martin, Fleurigny, Thorigny, Courroy, La
Chaume, Saint-Maurice-Aux-Riches-Hommes, soit environ
6O km, et de Saint-Maurice-Aux-Riches-Hommes vers Villeneuvre l’Archevêque sur 5 km. Les bâtiments
sont en construction mais ne sont pas achevés.
Bien que la ligne n'ait été ni réceptionnée ni évidemment inaugurée, elle est utilisée dès le 2 août 1914
pour acheminer les mobilisés vers SENS, puis les travaux sont arrêtés, et restent en sommeil jusqu'en 1917.
Le parc traction livré avant 1914 était déjà bien étoffé, certaines statistiques mentionnent 15 locomotives,
comprenant certainement celles destinées à Sens-Egreville. Sur réquisition de l'armée, par dépêche ministérielle du 15 février 1917, la voie est entièrement déposée en mars et avril 1917 et tout son matériel est
expédié au dépôt de concentration de Gudmont, en Haute-Marne. En 1918, laissée à l'abandon, la plateforme est envahie par les broussailles et les taillis recommencent à pousser, et il faut donc tout refaire ; un
service commercial provisoire et réduit est mis en place le 21 septembre 1925. Le service voyageur se résume à un seul aller-retour par jour avec une automobile RENAULT.
En 1927, après réception de la deuxième automotrice, le service est
étendu à Saint-Maurice Aux Riches Hommes-Nogent sur Seine rive
gauche, et enfin sur l'ensemble après l'achèvement du pont de Nogent,
le 6 octobre 1928. Jusqu'au 1er décembre 1928, aucun service marchandises officiel n'était prévu, cependant dès 1926, des transports
eurent lieu à la demande, notamment de betteraves. On relève
également des trains spéciaux voyageurs pour la foire de SENS en
particulier le 30 avril 1926. Il n'y eut jamais plus de deux allers-retours par jour sur chaque relation.
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UN PEU D’HISTOIRE
LA FIN D’UN SYSTEME : Les résultats ne seront jamais positifs, et dès 1928, le déficit pour la seule exploitation provisoire atteint 161 718 F, en avril 1929, alors que le réseau est en service définitif et complet.
En 1934, on relève encore 1 aller-retour autorail tous les jours et deux le lundi. Mais le 10 mai 1938, le
conseil général de l'Yonne décide la fermeture du réseau dans sa totalité, et tout service ferroviaire cesse
sur Saint-Maurice-Aux-Riches-Hommes-Nogent, le 31 décembre. Le décret du 25 avril 1939 déclasse l'ensemble du réseau alors que les cars ont remplacé complètement les autorails depuis le 1er janvier. Le matériel garé à Saint-Maurice-Aux-Riches-Hommes sera liquidé et la ligne déposée en 1942-43 au profit de
l'organisation TODT (mur de l'Atlantique) et des Houillères du Nord et du Pas-de-Calais.
En juin 1940, le pont de Nogent sautait, rendant illustre toute velléité de réouverture, le petit réseau disparaissait dans l'indifférence générale, après avoir rendu les services que l'on pouvait attendre en fonction
des conditions économiques peu favorables à une exploitation rentable. A Cuy, les terrains ont été revendus à la commune le 24 avril 1952, 1 franc le mètre carré. De ce réseau, il reste la plupart des bâtiments
voyageurs, telle la petite gare de Cuy, et quelques tronçons de
plate-forme, faisant imaginer parfois, pendant quelques instants, une Pinguely ou une Corpet Louvet (voir photos page
précédente) et sa courte rame dans son panache de fumée.
Aujourd'hui, alors qu'il fallait à notre brave tacot 10 mn pour
aller de Cuy à Gisy-Les-Nobles, le TGV traverse la vallée dans
un sifflement.
Mais c'est une autre histoire…
Ancienne gare de CUY à l’entrée du village
RESEAU SECONDAIRE : Le terme "secondaire" parait aujourd'hui désuet, voire péjoratif.
En fait, les chemins de fer secondaires, dont le concept fut créé vers 1860, sont ceux qui ne
faisaient pas partie de l'Administration d'Etat, encore appelé "réseau principal" (voir
S.N.C.F. ).
Bien souvent exploités par une Société Anonyme à capitaux privés pour le compte d'une collectivité territoriale (département, ville... les régions ne pouvaient alors être organisatrice de
transport puisqu'elles n'existaient plus !), ils furent construits suivant des normes moins exigeantes que pour le réseau principal.
L'usage de voies ferrées d'écartement normale ou métrique, voire moins tel que la voie de
60, aux caractéristiques de courbes ou de rampes sévères, ou l'utilisation de matériel léger
(tramway) n'en faisait pas le lieu de prédilection de trains rapides. Mais c'est pour cela qu'on
l'aime ce "tortillard", puisque c'est sous ce nom qu'il passa à la postérité du commun des
mortel ! D'ailleurs ceux-ci seront bien oublieux ensuite des services qu'ils purent rendre dans
le développement de nos campagnes ou dans les périodes noires (guerres et après-guerre).
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