le role des investissements immateriels dans les restructurations de
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le role des investissements immateriels dans les restructurations de
MEDIT W 3 /94 LE ROLE DES INVESTISSEMENTS IMMATERIELS DANS LES RESTRUCTURATIONS DE L'INDUSTRIE AGRO-ALIMENTAIRE SAADET IYIDOGAN (*) et article s'interroge sur l'intégratio n entre croissance de l'investissement immatériel et tran sformation de l'industrie agro-alimentaire . L'investissement immatériel est l'insertio n de l'intelligence dans les produits et les p rocess industriels. Il représente les facteurs cognitifs et he uristiques du processus de p roduction , complémentaire de l'investissement matériel. Une première partie présente le nouvel environnement de l' entreprise q ui fa vo rise l'émergence de la dimensio n immatérielle de l' entre prise . Une deuxième partie étudie le rô le de l'investissement immatériel dan s le p rocessus de transfo rmation de l'industrie agroalimentaire . Le secteur de la transformation des légumes illustrera le fonctionnement de l'apprentissage et les ato uts de la maîtrise logistique permettant la flexibilité du système de p rod uction par l' ajustement «juste à temps» GAT) de l' offre et de la demande. Enfin, l'étude aborde les mouvements interentreprises afin de comprendre le fo nctio nnement des investissements immatériels sur les décisio ns de l' entreprise . L'investissement immatériel représente le nouveau paramètre de la compétitivité et marque l'évo lution de l'industrie agroalimentaire. C 1 Abstract lntangibile investments, i.e. the introduction of intelligence in the industrial products and processes, are a complementary factor to tangible investments . A number of different intangible investments are now playing an important role in developing the agricultural and food-industry. Among them, training, information, flexibility , research and development are the factors for competition the farm has to be based on to face an increasingly uncertain and complexe scenario. 1 Résumé Les investissements immatériels, représentés par l'introduction de l'intelligence dans les produits et les procesdus industriels, constituent un facteur complémentaire aux investissements matériels. Il existe de nombreux investissements immateriels qui revêtent un rôle important dans le développement de l 'industrie agro-alimentaire. Parmi ceux-ci l'apprentissage, l'information, laflexibilité, la recherche et le développement constituent des facteurs de concurrence fondamentaux sur lesquels l'entreprise doit s 'appuyer pour faire face à un scénario de plus en plus incertain et complexe. L'émergence de la dimension immaterielle de l'entreprise Le n o uvel e nviro nnement de l'entre prise Par le dévelo ppement des relatio ns internationales, les entreprises sont confrontées à une concurrence qui s'intensifie dans un espace plus élargi . Le no uvel en vironnement qui p èse sur les entreprises se carac térise par trois qualificatifs: complexité, incertitude et irréversibilité des choix. L'incertitude et la complexité se situent to ut d'abo rd au niveau des nou veaux processus de production qui fo nt appel à des technologies de plus en plus complexes et sophistiquées et exigent de la part des entreprises un haut ni veau d 'efficience en ressources (') Ch ercheur CI HEAM, I AM de Montpellier. internes p our s'adapter aux changements techno logiques . L'incertitude et la complexité proviennent également de la demande qui est de plus en plus variée et exigeante. De plus, l'instabilité des march és, l'imprévisibilité d es virages mac ro -écon omiques et l'incertitude de la commercialisatio n des n o uvea ux produits impose une grande vigilen ce d e la p art d es entre prises p o ur que les meille urs ch o ix soient faits en un temps o ptimum . La difficulté d 'apprécier le temps de réactio n est renfo rcée p ar les risques résultant de l'irréversibilité d es ch o ix. Dans ce no uvea u contexte, la qualité de l'info rmation est p rimo rdiale pour aider les entreprises à o rienter leurs décisions. Par co ntre une mauvaise info rmation ou une information inparfaite intervient comme facte ur négatif en augmentant les risques de l'entreprise . 33 MEDIT W 3/94 Les coûts de cette information s'intègrent dans les coûts de production, au détriment des coûts salariaux. On voit alors émerger au niveau des entreprises une nouvelle dimensio n , l'investissement immatériel. Investissements m&:tériels (équipements) logiciel Qu'est-ce que l'investissement immatériel? 1·,T_rtvee ti ssernent L'investissement immatérie l est l'insersio n de l'intelligence dans les produits et les procédés industriels C). Il englobe toutes les dépenses qui ont un caractère économique d'investissement sans se traduire par l'acquisition de biens matériels. Autrement dit, il englobe les investissements qui ont une influence de longue durée sur la production et notamment sur la qualité . On assiste aujourd'hui à une évolution marquée par le passage d 'une logique basée sur le rationalisme parfait et mécaniste vers un rationalisme limité et procédural. Ce dernier porte un caractère cognitif et heuristique donc transformateur , accordant plus d 'attention à l'aspect qualitatif de l'entreprise. Les exemples d 'actifs immatériels proposés par l'OCDE sont les suivants: dépenses de Decherche-Développement; savoir-faire; modèles industriels et conception; brevets; licences; créations artistiques ; copyright; droits de percevoir des «royalties»; formation et autres investissements en ressources humaines; part de marchés ; certificats de production; listes de consommateurs; marques de fabriques et de services; logiciels et produits similaires. Par ailleurs , peuvent être distingués deux groupes d'investissements immatériels: les <<investisseme nts immatériels en technologie» (lIT) et les «investissements immatériels qualifiants» (lIQ). Les lIT développent la base des connaissances et des compétences de l'entreprise en misant sur la Recherche-Développement, l'acquisition de licences et brevets, la conception et l'ingénierie , ainsi que l'observation et l'exploration, pour créer de nouveaux produits . Les lIQ regroupent les investissements en ressources humaines , organisatio n et structure de l'information ainsi que l'investigation des marchés et les logiciels (cf. figure 1). L'investissement immatériel intervient à deux niveaux: - au niveau social et organisationnel, en c réant un contexte «socio-économique» favorable pour assurer la croissance, - au niveau de la créatio n de ressources productives. -R-D -Brévets et licences !-ConcePtion et ingénierie I-EXPloration et recherche (') A. Merlin, .Intelligence Industrielle. in Futurible, juin 1988, pp. 35-48 . (') A. Bienayme, ,Technologie et nature de la firme., in Revue d 'Economie Po litique, n06 , 1988. pp . 823-849. P. Casoar P. , . L'investisseme nt intellectue l., in Revue d'Eco nomie Industrielle , n ° 43, 1988. pp. 107-118.4. «) M. Porter, .Cho ix stratégiques et concurrence., Economica , 1989,4 26 p. n 34 1 immatériel EN TECHNOLOGIE" 1 " Investissement Immatériel QUMJIFIANT·· -Formation du personnel - St ructllre de l'information -Structure organisationnelle 1 1 Découverte et Organisation des marchés Figure 1 - 1nvestissements matériels et immatériels. Source: OCDE, «La technologie et economie», Paris, 1992. L'investissement immatériel devient le facteur clé de la compétitivité . Selon Bienayme, les pratiques qui se développent traduisent l' «immatérialité croissante de la firme» (2) . Avec l'investissement immatériel, les ressources de l'entreprise s'élargissent par l'accumulation de qualifications, d 'expériences et de savoir-faire technique. En effet, pour P. Caspar C), le changement radical que l'investissement immatériel entraîne, est que désormais, la ressource principale de l'entreprise devient la connaissance capitalisée . La dimension immatérielle de l'investissement est à la fois une fonction et un vecteur du développement technico-économique . Le rôle de l'investissement immatériel dand l'évolution et la competitivité de l'industrie agro-alimentaire Les deux concepts de «flexibilité» et d ' «apprentissage» ont une importance capitale dans l'industrie agro-alimentaire en raison de deux caractéristiques propres à cette industrie: - d 'une part, la nature périssable et saisonnière des produits impose la «flexibilité», afin d 'ajuster l'offre à la demande à l'aide du système «juste à temps» OAT), - d 'autre part, les innovations radicales faites dans les autres industries imposent une capacité d'adaptation qui dépend de l'efficacité de l' «apprentissage». Ces deux axes se basent sur la technologie et la connaissance de l'entreprise, d 'où le rôle déterminant de l'investissement immatériel. L'adaptation du froid mécanique et le processus d 'apprentissage Tout secteur part d 'une «structure initiale» et le processus d 'évolution le pousse vers sa «structure potentielle» ('). L'évolution de l'industrie agro-alimentaire est relativement e n retard par rapport aux autres branches industrielles. Ceci s'explique par la volonté, à une époque, de maintenir les prix des produits agro-alimentaires bas, pour ne pas augmenter les salaires. Mais depuis plus de vingt ans, l'agro-alimentaire est en mutation. La croissance de cette industrie est simultanément externe et interne . Elle est externe car elle s'effectue en aval par un élargissement de la distribution et en amont par une augmentation et une diversification de la production alimentaire . Elle est interne par la modification progressive des techniques et de l'appariel industriel. L'industrie agroalimentaire dépend de la production agricole, de la distribution et de la demande alimentaire, mais également de la technologie et de l'organisation de l'industrie. Dans les théories évolutionnistes, l'évolution est un processus de changement continu avec un rythme de progression «pas à pas». Chaque innovation représente un point de rupture qui permet le passage ver de nouvelles structures. Ainsi, les interac tions entreprise-environnement sont importantes dans le processus d'évolution. L'accent doit être mis sur la «spécificité» des ressources de l'entreprise et le caractère «cumulatif» de l'évolution. Dans un tel processus, les investissements immatériels sont d 'une importance particulière pour le perfectionnement et la mobilisation des compétences de l'entreprise. Le caractère interactif et cumulatif du changement technologique Les approches évolutionnistes privilégient les bouclages entre les phase avales (reliées MEDIT W 3/94 au marché), et les phases amont (reliées à la technologie) de l'innovation, ainsi que les interactions entre la science, la technologie et les activités reliées à l'innovation. Dans ce processus, la conception a un rôle central CS) . Le changement technologique est un processus qui se développe de façon endogène et se caractérise par des interactions et des effets de retour. Dans le secteur agro-alimentaire, le développement des produits est incrémentiel. Il fonctionne par adjonctions de petites améliorations et agréments année après année. Ce développement s'oppose au «saut technologique» constuit autour d 'un produit existant. Ainsi, le développement de nouveaux produits à partir de produits existants résulte de l'apprentissage, en particulier par interactions entre l'offre et la demande. Le concept du paradigme et de la trajectoire technologique «Paradigme» et «trajectoire technologique» sont deux notions spécifiques du développement et du changement technologique. Ce concept a été développé particulièrement par DOSI (6). Le processus de transformation cumulatif et interactif basé sur l'apprentissage est illustré à partir du cas de l'adaptation du froid mécanique dans le secteur agro-alimentaire. Le froid mécanique a permi l'élaboration de produits et de procédés nouveaux, l'amélioration de la distribution et des changements dans la structure des coûts. Les changements apportés par le froid mécanique représentent un paradigme technologique que Freeman C. et Perez C) définissent de la manière suivante: - la réduction draconienne des coûts, - l'amélioration radicale des caractéristiques techniques de nombreux produits et procédés de fabrication, - l'acceptation sociale et politique, - l'acceptabilité du point de vue de la protection, - les effets de propagation à travers tout le système économique. La chaîne du froid a tout d'abord été utilisée comme service intermédiaire. Dans un second temps son application à la fabrication des produits congelés ou surgelés devient une véritable innovation technique (8). Cet exemple illustre la nécessité d'information des entreprises. Un des facteur indispensables au maintien des produits surgelés est le respect strict des températures réglementaires. Or, l'enquête menée par la Direction Générale de la Concurrence et de la Répression des Fraudes montre que certains maillons de la chaîne ne sont pas toujours fiables. En effet, en hypermarchés 12 % des produits ne sont pas conformes, en supermarchés 14% et en superettes 18%. Cet exemple illustre le fait que plus une technologie se développe, plus la maîtrise de la filière devient complexe, d'où l'impor- tance de développer un support immatériel continu. Dans le cas de technologies ' sophistiquées comme la surgélation, l'acquisition de savoir exige de longues années , d'où la notion indispensable d'»apprentissage» (Iearning by doing). Selon Rosenberg, l'apprentissage par l'usage apparaît plus nettement décisif que la Recherche, dans l'adoption de la surgélation par les entreprises (9). Cet apprentissage se fait suivant trois voies: - «l'apprentissage par la fabrication», c 'està-dire, l'augmentation de l'efficacité des oppérations de production, - «l'apprentissage par l'utilisation», c 'est-àdire, l'augmentation de l'efficacité par l'utilisation de systèmes complexes, - «l'apprentissage par l'interaction», qui implique une interaction entre utilisateurs et producteurs. Dans l'approche évolutionniste, le changement est un processus d'apprentissage qui vise la création de quelque chose de nouveau et procède donc de l'action des agents qui changent le monde CO). Le développement de la technologie s'effectue par apprentissage, c'est-à-dire par l'expérience accumulée et le savoir-faire qui dérivent en grande partie des activités de routine. Selon Dosi, l'innovation est ussue de pratiques routinières, en complément d'acivités de recherches et d 'un apprentissage par utilisation. D'autres facteurs indispensables au développement de la technologie sont la culture et l'histoire de l'entreprise ainsi que ses ressources spécifiques. L'apprentissage renvoie à la notion de «ressources et investissements spécifiques» de l'entreprise. En se référant à Amendola et Gaffard, les ressources spécifiques sont «des qualifacations d'un certain type et des informations particulières. Les investissements spécifiques sont explicatifs de la barrière à la mobilité des ressources lorsque la notion d'investissement est un facteur de coùt irrecouvrable comme engagement irréversible» C'). Par ailleurs, Eymard et Duvernay précisent la place centrale de l'»investissement spécifique» en tant que «méthode de production» ( 2 ). D'après ces auteurs le rôle des matières premières et des ressources génériques devient moins important que les ressources spécifiques. Un autre aspect à souligner est que dans le secteur agro-alimentaire , l'innovation a eu pour conséquence d 'entraîner une politique de «diversification» des produits. Dans le secteur de la transformation des légumes , la séquence est la suivante: frais; conservessurgelés; 4ème et Sème gamme . Les nouvelles technologies, introduites dans le secteur progressivement, ont banalisé chaque séquence de produit, la nouvelle demande se créant chaque fois à l'intérieur de nouvelles séquences, de la conserve à la 4ème et Sème gamme. Les produits de 4ème et Sème gamme connaisent beaucoup de suc- cès depuis ces dernières années. En France le marché pour les produits de 4ème gamme se développe à partir de 1985. Il est dominé par quatre marques: Florette (Soleco); Salade minute (Peyronnet); Sème saison (Gie Sème saison) et Crudette (pomona). face à une demande en pleine expansion, de nombreuses entreprises se créent. En 1989, SS entreprises sont créées. Ainsi la production atteint 28 000 tonnes en 1988 contre tonnes en 1984 (' 3). La flexibilité du système de production par la maîtrise logistique La flexibilité La prise en compte de l'incertitude et de la complexité conduit également à privilégier la notion de flexibilité . En effet, le processus de production doit s'adapter en permanence aux évolutions de la demande et ceci au moindre coût. Autrement dit, il doit concilier les impératifs de disponibilité et de taux d'utilisation maximum des équipements. Pour Cohendet et Lierena, la flexibilité est dynamique , c'est à dire séquencielle et elle ne peut se révéler qu'avec le temps. C'est une capacité à réagir de façon continue dans le temps. Elle permet de répondre à des variations qui ne sont pas régies par des lois immuables. L'entrepreneur doit avoir un maximum de réponses possibles aux modifications et réagir dans les meilleurs délais par rapport à la vitesse d 'évolution des paramètres de l'environnement. Gaffard distingue la flexibilité de réponse et la flexibilité d'initiative ( 4 ). La flexibilité d'initiative se mesure à la capacité de l'environnement à concevoir et à faire exister des solutions, c'est à dire à assurer une mobilité d'activité de la firme. La flexibilité d'initiative permet à une firme d'être créatrice de technologies et d 'être (') 5. La conception concerne les desseins relatifs à la définition des procédures, aux spécifications techniques et aux caractéristiques opérationnelles nécessaires au développement de nouveaux produits ou procédés. OCDE, op. cit. (6) G. Dosi, ,Technical change and industrial transformation. The theory and application to the semiconductor industry> , Mac-Millan, London, 1984, pp. 338. c) c. Freeman et C. Perez, -The diffusion of technical innovation and changes of techno-economic paradigm. , Venezia, 1986. (8) M. Hyet F. Nicolas, .La diffusion de la surgélation dans les systèmes productifs alimentaires>, INRA, 1991 , 27 p . (9) N . Rosenberg, ,Inside the Black Box: technologie and Economics>. Cambridge University Press, Cambrige 1982. eO) J.L. Gafard , Economie Industrielle de l'Innovation, 1990 (") M. Amendola et J.L. Gaffard op. cit. (12) F. Eymar-Duvernay , -Convention de qualité et formes de coordination» , in Revue Economique , n° 2, 1989. pp . 329-359. (") Precepta , .L'industrie de la transformation des légumes-, série de Stratégie et Concurrence, Paris 1989. pp. 224. (") La flexibilité de réponse est la capacité d'adaptation à des changements au niveau de l'offre et de la demande. Une telle capacité est avant tOut une capacité technologique .. ?... dans des machines et des équipements particuliers. La flexibilité est, alors, un ... ? ..... technique de production. J.L. Gafard op. cif. 3S MEDIT W 3/94 ainsi capable d 'imaginer et d'exécuter de nouvelles options productives. Ainsi, la flexibilité représente aujourd'hui l'atout majeur des entreprises. La logistique L'utilisation d 'un système logistique a pour objectif d 'éviter les lenteurs de transmission de l'information et d'améliorer l'internalisation. La logistique , dans l'industrie agroalimentaire, permet la flexibilité du système grace à une maîtrise des flux d 'information. Elle permet de réaliser des gains de productivité et de dégager un avantage différenciel en assurant à moindre coût, continuité (éviter les ruptures) etjZuidité d'écoulement des marchandises (éviter tout engorgement). La logistique se définit comme «la technologie de la maîtrise de la circulation physique des jZux de marchandises que l'entreprise expédie et reçoit et dont elle cherche à synchroniser les rythmes au sein d 'une chaîne dont les opérations tendent à être déclenchées juste à temps, ni trop tôt, ni trop tard» (' S). D'autre part, l'entreprise doit se doter d 'une flexibilité de gestion , de pilotage de la circulation des produits , sans remettre en cause la cohérence de l'appareil productif. Cela impose un système d'information et l'amélioration des outils industriels tels la flexibilité, la productivité et la fiabilité. Aujourd 'hui, les outils de gestion des flux permettent d 'atténuer de manière sensible les incertitudes. La maîtrise logistique permet d 'assurer des gains de productivité L'étude de A.T. Kearney, conduite auprès de 500 entreprises européennes, a mis en évidence que de 1980 à 1986, les entreprises ont réduit leurs coûts de production et augmenté leurs frais logistiques qui sont passés de Il % à 21 % de la valeur ajoutée . Ceci correspond à un renversement de tendance qui se traduit par le développement de la fonction logistique et par une croissance plus rapide des volumes à mettre en circulation que des volumes produits. Selon cette étude, les frais logistiques sont plus élevés dans le secteur agro-alimentaire avec 31 % de la valeur ajoutée. Des gains de productivité importants peuvent donc être obtenus en développant la structure d 'organisation logistique, particulièrement au niveau de la distribution. Cependant, la qualité d'un service est difficile à mesurer en terme de coût. Mais il est par contre aisé de mesurer ce que couterait la non qualité d 'un service. Ainsi, aux frais directs correspondants aux différents mail(' 5)]. Collin , , la maîtrise des coûts et des niveaux de ser- vice logistique: vers le développement d'une fonction spécifique ou vers la répartition des compétences logistiques dans les secteurs du management de l'entreprise,; in Futur et Gestion de l'entreprise, VIII. Journées Nationales des Instituts d 'Administration des Entreprises. Poitiers, 1987 . pp . 325-343. 36 Ions d 'une chaîne logistique peuvent s'ajouter des coûts induits de non qualité dus à la rupture d'un maillon. En outre , lorsqu 'une entreprise recherche la productivité au niveau des conditions de production, elle est amenée à déléguer certaines opérations et à envisager des accords de co-traitance plutôt que de sous-traitance , de même qu'une gestion de production flexible pour les PME-PMI, afin de ne pas subir le marché mais de l'anticiper. En conclusion, la maîtrise des flux d'information est donc essentielle et les entreprises doivent saisir l'importance des investissements immatériels afin de perfectionner l'information. L'investissement immatériel marque la transformation de l'industrie agroalimentaire C'est maintenant à travers les accords interentreprises qu'est analysé l'investissement immatériel comme facteur motivant les décisions de l'entreprise. En effet, l'étude des accords interentreprises de la période 1985-1990 indique une croissance de l'immatérialité dans l'entreprise et montre son rôle dans la transformation du secteur. Quelques exemples illustrent cette tendance. Les accords inter-entreprise sont classés en trois catégories: - les accords de prise de participation, qui occupent une place considérable, - les accords de pertenariat, - la création de filiales communes. Les accords de prise de participation Ils ont principalement pour but de réaliser une diversification vers de nouveaux produits. En effet, une entreprise, en augmentant sa participation dans d'autres entreprises profite de leurs équipements et assure ainsi la complémentarité de ces activités. En 1982 , l'apparition de plate-formes de distribution équipées en froid négatif pour servir toutes les chaînes du commerce alimentaire renforce le mouvement. Les groupes industriels, non encore présents dans la surgélation, tentent d'y pénétrer, soit en rachetant les PME déjà installées , soit en créant de nouveaux ateliers. Les accords de partenariat Ils ont pour pricipaux objectifs: la diminution des coûts d'optimisation des investissements; le partage du risque économique; le partage équitable des gains de productivité; la possibilité de faviriser le réglement des litiges et de faire face aux événemants non prévus à la signature du contrat. Ces regroupements permettent en effet des investissements moins couteux, surtout dans le domaine incorporel. Il s'agit de participation minoritaire et de la mise en commun de compétences complémentaires. dans le secteur des légumes on constate un regain d'intérêt pour le partenariat. Des GIE, regoupant plusieurs sociétés transformatrices se créent, comme la «Sème saison" avec Crudifiais S.A., La Vrilene, Regalec, Salagastronomie et Frepac S.A. qui commercialisent leurs productions respectives sous un packaging identique et sous la même marque (<<Sème saison»). Ce GIE est source d 'innovations et dynamise le marché. Création de filiales communes Par exemple : - En 1987, Bonduel et le groupe Philipon créent une filiale commune «Conserveurs associes» qui est une structure d'accueil pour les fournisseurs de conserves de légumes avec mise en commun d 'outils industriels. - En 1988, trois coopératives spécialisées dans les champignons de Paris, Champi Union, Euroconserves et Sica du Val de Cher se regroupent sous le nom de Champi)andou. - En 1989, Maisadour, l'Ucaab (Union des Coopératives Agricoles Armagnac-Bigorre) et Valfray-Breton créent une société commune: Sica Le Valdour. Bien d 'autres exemples de création de sociétés communes existent. Tous ces accords d'entreprises ont pour but de diversifier les produits en assurant la complémentarité des activités. Ils permettent à chaque entreprise d 'élargir ses parts de marché , de profiter du savoir-faire et de l'innovation des autres entreprises qui sont des PME pour la plupart. Ces accords concernent surtout les produits de surgélation, de 4ème, Sème gamme et les plats cuisinés car ces produits ont un avantage concurrentiel. Conclusion L'innovation dans l'industrie agroalimentaire est incrémentielle et s'effectue grace à l'apprentissage. C'est l'adaptation du froid mécanique qui a largement contribué à la transformation de ce secteur. L'apprentissage est au coeur de l'évolution. Il dépend essentiellement des ressources internes de l'entreprise. Ainsi, une place importante doit être accordée à la Recherche-Développement, à la qualification des ressources humaines et à l'information. La flexibilité également est un atout majeur de la compétitivité. Le système «juste à temps» développé par les japonais permet, grace à une maîtrise logistique , l'ajustement entre l'offre et la demande dans les meilleurs délais . Ainsi, les entreprises, confrontées à une concurrence plus forte dans un environnement plus incertain et plus complexe, ·som obligées de privilégier l'investissement immatériel. Leur capacité à mobiliser cet investissement déterminera leur compétitivité et leur sur• vie.