Les enfants du Graal de Peter Berling

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Les enfants du Graal de Peter Berling
Les enfants du Graal de Peter Berling
Communication au colloque international
Le créateur et ses figures parentales.
CITIL , Université de Dijon. 26 et 27 Mars 2010.
L’auteur, L’œuvre étudiée. Le mythe du Graal : parentalités et filiations.
L’auteur.
Acteur et auteur de renom, Peter Berling est né en mars 1934 dans une famille d’émigrés russes à
Meseritz Obrawald en Pologne sur l’Obra, autrefois place fort essentielle des marches de la Grande
Pologne. Cette cité est connue pour avoir été le siège d’une bataille opposant l’empereur Henri II,
dit Le Saint, à Boleslas le Vaillant en 1005.
D’abord étudiant aux Beaux Arts de Munich, Petre Berling, après un séjour au Maghreb découvre le
cinéma en 1958 et devient producteur de films et acteur dans quelques 70 films (Le Nom de la
Rose, Cobra Verde, La Dernière Tentation du Christ, Aguirre, La colère de Dieu…). On le trouve,
de 1957 à 2002, producteur de Rainer Werner Fassbinder, de Jean-Jacques Annaud, de Sergio
Leone, de Martin Scorcese, de Werner Schroeter..
Sa stature colossale n’est pas seulement physique, doté d’une culture médiévale et orientaliste
immense, il est connu pour sa fameuse série romanesque Die Kinder des Gral, Les Enfants du
Graal ( 1981-1986 traduite en français de 1996 à 1998) suivie de Der Schwarze Kelch, Le Calice
Noir, dont la publication s’étend de 1997 à 1999), en tout 5 volumes totalisant quelques 4000
pages.
La première série Les enfants du Graal, comporte trois tomes : Les enfants du Graal, Le Sang des
Rois, La Couronne du Monde, et la seconde, Le Calice Noir, deux : Le secret des Templiers et Le
Sceau de Salomon.
Suivent, toujours dans des thématiques proches : La Cathare (Die Ketzerin, 2000), Zodiac (2002),
La Croisade des enfants (2006) (Das Kreuz der Kinder, 2003), La Princesse et le Kilim (2006) (Der
Kelim der Prinzessin, 2004).
L’ensemble de ses romans a connu un très grand succès et de nombreuses traductions.
Son roman Principal, Les Enfants du Graal , écrit « à la mémoire des enfants du sang royal », met
en scène deux héros Roç (Roger Raymond Bertrand ou Roger Trencavel du Haut Ségur et Yeza
(Isabelle Constance Ramona ou Esclarmonde du Mont Y Sion) que l’on va suivre depuis leurs
premiers jours l’année 1244 (le bûcher Montségur) jusqu’à leur maturité qui coïncide avec leur
arrivée à Jérusalem. Ils sont, écrit l’auteur « personnages fragiles, porteurs d’une espérance que des
puissances impitoyables manipulaient sur l’échiquier, ils étaient dans le « grand projet » un couple
de souverains encore enfants ».
Ce « Grand Projet » où les enfants royaux se trouvent jetés et qui va voir leur errance organisée, en
cette seconde moitié du 13ème siècle, tout au long du récit, du Languedoc à La Mongolie et de la
Sicile en Terre sainte via l’Egypte des Ayyubides, Chypre et les palais de Constantinople, tient
justement à leur parentalité : l’un et
l’autre sont nés entre 1329 et 1240 de parents inconnus mais qui est déclarée d’emblée comme
sacrée, puisque leur sang réel ou réal soit sang graal est présentée comme issue des lignées les plus
prestigieuses, (et c’est ce qui en fait des êtres d’exception) :
Roç est issu de la lignée des Trencavel de Toulouse, laquelle descendrait en droit ligne de Jésus
Christ et de Marie Madeleine,
« Quand Marie Madeleine foula la terre de ce pays, elle portait en elle le sang sacré… Des druides
dans le secret du mystère , des scribes au fait de l’ancienne foi judaïque, l’attendaient avec
impatience , ils l’accueillirent puis la firent accoucher et incarner la « Gesta dei per Francos », un
sang qui toujours circule , vigoureux et fort vivant » (p . 57<a>[1]</a>), et des Mérovingiens soit
fils côté père de Raymond Roger II Trencavel mort en 1209 à Carcassonne, fils du célèbre Roger II
Trencavel encore appelé Parsifal ou Perceval mort en 1194 et côté mère, d’Esclarmonde de Perella
fille du seigneur de Montségur qui périt avec sa mère dans le bûcher dressé par les inquisiteurs pour
les cathares du lieu, Yeza est fille de la même Esclarmonde de Perella mais son père serait Enzio
bâtard de l’empereur Hohenstaufen Frédéric II.
C'est-à-dire que les « enfants royaux » qui seraient donc demi frères et sœurs, ce qui ne les
empêchera pas tels Isis et Osiris de s’aimer, culminent les deux principales lignées des plus hautes
familles, le sang qui coulent dans leur veines étant des plus sacrés. Tout au long des cinq romans, le
texte insistera, de façon récurrente, sur les relations dynastiques à l’origine de cette épopée.
En 1244, à Montségur, au moment où les cathares et donc la mère des deux enfants vont être livrés
au bûcher de l’Inquisition, un véritable commando réuni à l’instigation d’un mystérieux arrière
ordre templier Le Prieuré de Sion et de sa Grande maîtresse, Marie de Saint-Clair, va favoriser leur
évasion organisée par Gavin Montbard de Béthune commandeur templier de Rennes le Château,
l’antique Redhae, il est accompagné d’un moine franciscain Guillaume de Rubrouck, d’un prince
musulman Constance de Sélinonte dit Faucon Rouge, alias Fassr ed Din Octay, de Sigbert Von
Oxfeld, commandeur de l’ordre des Chevaliers teutoniques, et de l’Assassin Créan de Bourivan, fils
de John Turnbull, converti à l’Islam.
Tous ont juré au Prieuré de défendre le Graal, trésor dans le trésor, essence véritable qui méritait
d’être protégée, par l’Ordre, l’autorité vraie, celle dont on parle à voix basse, mythe du Graal qui si
il est correctement interprété renvoie à l’Evangile de Jean et à Marie Madeleine vénéré comme une
sainte car dit la cathare Esclarmonde avant d’aller se livrer au bûcher en confiant les enfants à
Constance de Sélinonte: « notre testament est notre sang ».
La première étape des fugitifs les amène au château de Quéribus où le seigneur cathare du lieu
Xacbert de Barbera dit le Lion de combat se mettra à leur service tandis que les Francs appuyés sur
l’inquisition font mainmise sur le Languedoc d’où « les purs sont bannis ». Plus tard les enfants
royaux se revendiqueront d’ailleurs comme hérétiques.
On voit donc se mettre en place le camp ennemi des enfants du Graal, dont les persécutions
constitueront le fil de l’intrigue : le parti capétien et l’Ecclesia Catolica alors que s’interroge
l’auteur : « le (saint) Graal (la version allemande n’emploie pas l’adjectif) serait-il une chose qui,
dans les profondeurs secrètes de l’esprit se montrerait capable d’unir des chevaliers militants
d’ordres chrétiens aux adeptes de l’Amour Courtois ? Roç et Yeza étaient-ils des enfants de
l’Amour, et de quelle sorte d’Amour ? Aussi le graal, précieux trésor des hérétiques va demeurer
introuvable pour les Inquisiteurs et les Francs. En arrière plan la protection de l’Empereur romain
germanique, lui-même en conflit armé avec la papauté ne leur fera pas non plus défaut.
L’étape suivant, au prix de bien des péripéties, va conduire les enfants à Otrante où la comtesse
Laurence de Belgrave dite l’Abbesse et son fils Hamo l’Etrange leur fourniront un premier hâve de
paix , ils y passeront leurs plus belles années d’enfance…
Puis l’auteur nous entraîne dans une épopée incroyable où l’on verra les enfants royaux et leurs
amis échapper à bien des embuscades, les tentatives d’assassinat fomentés par la curie romaine ou
la cour de France, ils trouveront successivement refuge à la Cour de Byzance, puis au Caire chez les
Ayyubides sur fond de septième croisade ( 1248-1254), laquelle échoue piteusement devant
Damiette.
Sont décrits avec force détails combats navaux, intrigues de palais, harems et caravansérails,
banquets somptueux et machinations politiques, luttes d’influences entre les ordres chevaleresques,
et encore les républiques maritimes de l’époque, le systèmes d’alliance et d’influence... Une autre
étape les verra trouver refuge dans la secte Ismaélite des Assassins à Masyaf puis dans la Rose
d’Alamut, la mythique forteresse d’Alamut avant d’être acheminés jusqu’à Karakorum, à la cour de
la Horde d’Or du Grand Khan Mongke le descendant de Gengis Khan qui les prendra un temps
sous sa protection…Occasion pour Peter Berling de décrire avec minutie les relations géopolitiques
de l’époque, les forces en présence, puisant ses sources dans une érudition soignée.
Les deux tomes du Calice Noir les voient revenir en Occitanie, à Rennes le Château, où serait gardé
le trésor de Salomon apporté là par les Vandales après le sac de Jérusalem en 455 par Genséric.
Puis leur errance de reprendre vers Palerme où le fils de Frédéric II Manfred les recevra avant de
retrouver l’Egypte, à Alexandrie, sous la protection des Mamelouks.
Ils aboutissent finalement à Jérusalem. Là, sur la Montagne Sainte, leur sera révélé par le Rabbin
Jakov l’ultime secret du Graal, celui du sceau de Salomon qui clôt le cycle romanesque.
« La pierre noire dans laquelle Salomon, après un combat long et acharné, a banni les démons
vaincus se tient comme la pierre d’une porte ouverte devant le dernier lieu. Après lui se trouve la
Lumière. Elle garde le Graal et réjouit tous ceux qui ne peuvent encore voir la lumière car le Graal
est un objet qui abrite des miracles innombrables… c’est encore le libérateur lumineux…. Si vous
avez soif de lui, il prend forme, on ne peut le découvrir qu’ici et il n’apparaît qu’au pur, au dernier
de la lignée du roi David ».
Protégé par le sceau de Salomon, il attend les enfants dans la montagne du Saint des Saints, il
participe à l’ultime connaissance. Car les enfants du Graal sont un don du ciel, aboutissement des
lignées les plus prestigieuses, dont celle de Jésus-Christ via Marie Madeleine, et celle des
Hohenstaufen, des familles royales régnantes, il leur appartient donc d’accomplir leur véritable
destin auquel toutes les situations vécues dans les romans les prépareront.
Le mythe du graal : parentés et filiations.
Dans une profusion de références littéraires et théologiques, d’allusions plus ou moins
perceptibles, ces romans nécessitant une lecture à plusieurs niveaux de sens, nous en distinguerons
trois :
• La Légende arthurienne revisitée parWolfram Von Eschenbach,
• L’hérésie cathare occitane,
• L’ésotérismegnostique.
La Légende arthurienne :
Rappel des constituants du mythe graalique.
Les romans de la Table Ronde : c'est au 9ème siècle que l'on commence à publier l'histoire du roi
Arthur et de ses chevaliers.
L'histoire des Bretons de Nennius (Historia regum Britanniae) met en scène un chef de guerre (dux
bellorum), Arthur, à la tête des tribus celtes de Grande Bretagne ou plus exactement de la
Domnonée, région qui correspond, aux Iles Britanniques, au territoire actuel de la Cornouaille, du
Devon et du Somerset. On lui connaît 12 batailles dont certaines en Irlande et sur le Continent
lorsqu'il résiste à la fois aux légions romaines et à la poussée nordique des Angles et des Saxons. Sa
plus célèbre bataille est celle du Mont Badon, la douzième, où tombent en un seul jour 960
guerriers. Elle aurait eu lieu vers 500 ou 516.
Au début du XIIème siècle trois vies de saints gallois sont publiées en latin, (celles des saints
Cadoc, Paterne et Carentoc) évoquant, dans divers épisodes, la figure d'Arthur ainsi que celles de
quelques uns de ses compagnons: Ké et Béduire.
En 1125, Guillaume de Malmesbury écrit une Gesta Regum Anglorum dans laquelle apparaît le
personnages de Gauvain.
En 1137, Geoffroy de Monmouth, évèque des Galles du Nord, publie l'Histoire des Rois de Grande
Bretagne et les prophéties de Merlin. Son oeuvre marque une rupture dans la Matière de Bretagne,
ses écrits étant complets, organisés, utilisant à la fois sources savantes et populaires.
En 1155, Guillaume Wace, écrit en Français "le Roman de Brut "où il décrit la Table Ronde, la vie à
la cour d'Arthur et les cérèmonies qui s'y déroulent.
De 1170 à 1190, Chrétien de Troyes, agissant sur commande de Marie de Champagne, fille
d'Aliénor d'Aquitaine, publie cinq romans arthuriens passant de l'histoire proprement dite à une
conception déjà artistique du roman d'amour (analyse). Il y fait montre d'un certain gôut pour
l'évocation du merveilleux.
Ce sont:
Erec et Enide,
Cligés ou la Fausse Morte,
Lancelot ou le Chevalier à la Charrette, (première apparition de Lancelot, chevalier gaulois)
Yvain ou le Chevalier au Lion,
Perceval ou le Conte du Graal, inachevé,
Guillaume d'Angleterre.
En 1212, Robert de Boron écrit une trilogie: Joseph d'Arimathie, Merlin, Perceval. C'est le premier
auteur connu à avoir tenté de composer un cycle complet concernant le Graal. On ne conserve que
le début de son Merlin.
Début 13ème paraît le Perlesvaus, oeuvre un peu déroutante où les barons d'Arthur font croisade
contre les païens tenants de l'ancienne loi. Perceval y est un véritable Christ-Chevalier.
Vers 1225-1228, c'est La Vulgate du Lancelot en Prose, ou corpus Lancelot-Graal, premier roman
en prose et en langue vulgaire de notre histoire et dans lequel Guillaume Assolant voyait "le père de
tous nos romans". Il s'agit d'une somme immense qui décrit les aventures des chevaliers de la Table
Ronde. Au centre du cycle: Lancelot, fils de Ban de Banoïc, province des Marches de Gaule, élevé
par la Dame du Lac. Il arrive à la cour d'Arthur, tombe amoureux de la reine Guenièvre, l'épouse
d'Arthur. C'est le premier et le meilleur chevalier du monde. Les 8000 pages de l'oeuvre, telles que
la restitue l'actuelle édition critique d'Alexandre Micha() ont contribué à répandre ses exploits dans
toute l'Europe comme en témoigne l'extraordinaire profusion de récits héroïques et légendaires
consacrés à ce personnage et à ses compagnons d'aventures.
Cette oeuvre en forme de tapisserie est composée en récits qui utilisent le processus du "flash back",
ntrecroisant les aventures des héros partis à la conquète du Graal. Elle comprend:
- l'Estoire del Saint Graal relatant la venue du Graal en Bretagne au temps de Joseph d'Arimathie,
- l'Estoire de Merlin,
- Le Lancelot en Prose,
- La Queste del Saint Graal,
- La Mort le Roi Artu.
Que savons-nous du Graal?
Le Saint Graal est le vase dans lequel Jésus but pendant la Cène, qu'il utilisa pour dire la première
messe et où Joseph d'Arimathie recueillit le sang de ses plaies. Chrestien le mentionne ainsi dans le
Perceval de Chrétien, le plus ancien à mettre en scène le fameux cortège du Graal:
"li graaus...la u li sains sans glorieux del roi des rois fu recheus" (XIIème siècle).
Le graal y apparaît comme un objet usuel (écuelle, récipient) au milieu de deux autres objets: le
tailloir d'argent et la lance qui dégouline de sang. Il est en or et brille comme le soleil. Jean Markale
pense que Chrétien a dû s'appuyer sur un modèle gallois, en effet, les gallois avaient des écuelles
très larges et remarquables. Il est porté par une demoiselle. Illuminant de clarté tout sur son passage,
il est décrit comme "de l'or le plus pur. Des pierres précieuses y sont serties" (Le Conte du Graal).
C'est de sa vision que date pour Perceval le début de ses malheurs, car "le jour où il le vit passer, il
n'osa pas demander qui l'on servait de ce Graal".
Il apprendra le lendemain que cette non-autorisation à poser la question essentielle condamne la
Terre déserte à le rester et le Roi Pêcheur à sa méhaignerie.
A partir de Chrétien on voit insensiblement les récits du Graal passer d'une problématique celte à
une problèmatique chrétienne fortement influencée par les cisterciens (Robert de Boron) avec un
détour par le manichéisme (chez les continuateurs de Chrétien: Wauchier et Manessier).
Au début du XIIème siècle, deux textes adaptent ce thème: le Peredur d'un anonyme gallois
et le Parzival de Wolfram von Eschenbach (vers 1200).
Dans Peredur, le Graal est une tête d'homme baignant dans son sang; sur la lance, perle une goutte
de sang qui se change en torrent coulant sur le poing du jeune homme qui la porte... Cette version
serait très proche des sources populaires du Pays de Galles.
La Quête du Saint Graal devient vite la fin ultime de toute chevalerie. Il est encore décrit comme
coupe d'abondance dans le Roman en Prose lorsque, le jour de la Pentecôte, les Chevaliers de la
Table Ronde sont réunis, apparaît un vieillard en robe blanche tenant un jeune chevalier vêtu d'une
armure couleur de feu (Galaad), qui annonce au Roi et à ses compagnons la venue du Graal, lequel
se manifestant dans les airs, remplit la palais de parfums et charge les tables de mets succulents. Les
chevaliers de la Table Ronde jurent tous alors, aprés Gauvain, de se mettre en campagne, toute
affaire cessante, pour découvrir la vérité du vase trés précieux.
Au terme de la Quête, seuls trois chevaliers, les plus jeunes, Bohort, Perceval et Galaad
parviendront au château du Graal, ils assisteront à une messe dite par Josephé, le fils de Joseph
d'Arimathie au cours de laquelle Jésus-Christ leur apparaît et assisteront aux mystéres du Graal et
de la lance qui saigne. Mais un seul d'entre eux, Galaad, sera admis à contempler l'intérieur du Vase;
ayant considéré les choses spirituelles qui s'y trouvent, il sera ravi au ciel. "Depuis lors, il garde la
fraîcheur de la jeunesse. Cette pierre est ainsi nommée le Graal."(Parzival-l.IX.)
Comme on le voit, le thème du Graal est en lui-même déjà trés prolixe dans les romans arthuriens,
et il n'est pas inutile, compte tenu de la grande faveur qu'il a connu et connaît encore aujourd'hui, de
s'interroger sur l'origine du mot Graal lui-même.
Le mot GRAAL (pluriel gréaux) apparaît en 1010 dans le testament du comte Ermengaud d'Urgel
qui lègue à l'abbaye sainte Foy de Conques "gradales duas de argento". En 1150, le moine
Hélinand de Froidmond assimile gradalis(=graal) et scutella (écuelle. C'est un nom masculin qu'on
trouve répandu aux XIIème-XIVème siècles. A cette époque,il désigne communément une coupe,
un vase, de cratalem qui se rattache au grec Kratêra.
GRAAL implique donc d'abord l'idée de contenant, grazal (provencal), grial (espagnol) équivalent
au calix, d'où calice, et aussi marmite, chaudron (calderon). Le crater était un vase où l'on
mélangeait l'eau et le vin, c'était aussi un réceptacle à huile.
Grasal, grasale, gresel, Saint Graal signifierait aussi Sang Réel, d'où le culte du Précieux Sang
développé en Normandie à Fécamp, nous le verrons. Par assimilation synthématique, le culte du
Sacré Coeur en serait héritier... Relique extrèmement célèbre, le Saint Graal était montré aux fidèles
de Gênes sous le nom de "sacro latino", la cathédrale de Toléde le revendique également..
Graal évoque encore l'idée de bassin de fontaine, d'entrée souterraine, de grotte etc.... Il est matrice,
utèrus d'où naît le fils des philosophes: d'un point de vue psychologique, il est ainsi conception,
symbole évident de la féminité. Qui cherche le Graal cherche la Femme ou la Mére, d'où la parenté
du Graal avec le culte de la Vierge Mère.
Adam de Saint Victor, dans un hymne à la Vierge, l'interpellait ainsi:
. Salve Mater Salvatoris,
. Vas electum, vas honoris
. vas caelestis gratiae
. ab aeterno vas provisum
. vas insigne, vas excisum
. Manu sapientiae.
Symbole féminin, le Graal serait donc le Yoni, calice féminoïde où s'enfonce le glaive mâle et d'où
ruisselle le sang, image présente dans le roman en prose, lors de la messe de Josephé. On voit
poindre ici le complémentaire du graal: la lance ou le glaive. Leur réunion est symbole de la totalité
cosmique.
Une autre interprétation fait ressortir la parenté entre Graal et Calx, la pierre blanche, chaux, ou
pierre brûlante, épurante, liée à la pureté, ou encore au calx, le talon. On rapproche là les verbes
latins caelere = orner et caedere = tomber et aussi immoler et caedes (chute) prend le sens de sang
versé. En français en dérive césure (= taille de pierre). Les pierres taillées cultuelles renvoient au
Grand Architecte de la Bible, fondateur du temple de Jérusalem et il faut se rappeler que les Tables
de la Loi étaient des pierres taillées.
René Guénon propose gradale: livre ou graduale (graduel). C'est le sens de la Parole perdue,
originelle à retrouver, d'où la Quête.
C'est aussi ce qui demeure caché dans le Grand livre de la Nature des Alchimistes, le Liber Mundi,
révèlation du Monde. Dans l'Apocalypse de Jean, il s'identifie à L'Arbre de Vie. On est ici proche
du symbolisme de la Croix et l'on retrouve dans certaines régions les instruments du supplice du
Christ associés au Graal et à la Lance de Longin jusque sur les calvaires de la piété populaire.
Plutarque rapporte la légende d'Osiris dont le cercueil, rejeté par la mer sur les rives de Byblos en
Phénicie, le pays d'origine du figuier. Là, un buisson le recouvre de telle sorte qu'il est entièrement
caché. C’est au champ du figuier en Normandie que Joseph d'Arimathie, ayant recueilli le sang du
Christ en croix dans la coupe de la dernière Cène, fut jeté en prison par les Juifs qui l'accusaient
d'avoir dissimulé le corps du Christ, et c'est Jésus lui-même qui lui apparut pour lui donner le Graal
et l'investir en tant que premier prêtre en lui apprenant que les trois tables commémorent le sacrifice
de la Cène.
Joseph d’Arimathie abordera qu’est édifiée l’abbaye de Fécamp. On y conserve encore de nos jours
une ampoule du Précieux Sang (Trinité).
Le Roman d'Alexandre évoque le château du Graal, la maison du Soleil où repose un vieil homme
endormi qu'Alexandre n'ose réveiller..
La convergence de ces significations, portées par les traditions populaires comme par les
compositions les plus savantes, font incontestablement du Graal un Mythe fondateur.
Wolfram von Eschenbach.
Wolfram von Eschenbach (né autour de 1170 1220) était un chevalie et un poète bavarois qui a
puisé le motif de son Parzifal, poème de près de 25000 vers composé entre les années 1200 et 1216
-lequel inspirera lui-même Wagner-, dans les romans de Chrétien de Troyes. Le poème est divisé
en seize livres.
Chez Wolfram von Eschenbach, le Graal est taillé d'une pierre précieuse (l'émeraude tombée du
front de Lucifer, lors de la chute des Anges =caelum) soit le ciel et aussi le burin, le ciseau du
graveur, Le caelator est le ciseleur et aussi l'architecte.
La Pierre-Table-Livre est là Table d’Émeraude des Alchimistes. En même temps, il est d'une
manière mystérieuse identifié à son contenu. Il est encore aqua permanens : le Mercure, véritable
vase caché ou encore le jardin philosophique où le soleil naît et se lève.
C’est cette piste qu’emprunte notre auteur lorsqu’il met en parallèle la pierre d’où est issue le calice
noir et la chute d’où seule peut triompher la rédemption apportée à l’humanité à Jérusalem d’où de
nombreuses allusions à l'apprentissage Oriental dans ses différentes branches.
Dans le récit de Wolfram Von Eschenbach, une noble dame est seule à pouvoir porter le Graal, elle a
nom Répanse de Schoye "et la nature du Graal est telle qu'il fallait que celle qui en prenait soin fut
pure et exempte de toute fausseté...un écuyer porte une lance qui saigne et de nombreuses femmes
le suivent portant des accessoires. C'est enfin la reine qui ferme le cortège tenant un coussin sur
lequel resplendit un graal d'émeraude verte. "Le Graal était la fleur de toute félicité, une corne
d'abondance de tous les délices du monde, si bien qu'on pouvait presque le comparer aux splendeurs
du Paradis." Parzival Livre V.
Dans ce roman, il est gardé à "Munsalvaesche par de vaillants chevaliers (Templeisen) qui ont leur
demeure auprès du Graal. Ces Templiers livrent combat afin d'expier leurs pêchés.... Leur
nourriture, ils la reçoivent d'une pierre qui, en son essence, est toute pureté, on l'appelle lapsit
exillis. Elle leur donne une telle force que leur corps...
La présence des Templiers et de leur arrière ordre "Le Prieuré de Sion" est très présente chez
Berling puisque l’ordre, allié aux Teutoniques et aux Assassins est sauveteur et protecteur des
enfants en la personne du précepteur et commandeur Gavin de Montbard (on se souvient que Saint
Bernard le fondateur du temple était de Montbard). Quant au Mont Sauvage, nombre d’auteurs y
ont vu le Montségur cathare. Dans cette version, le Graal est un Graal-Pierre qui fait pendant au
Graal -tête de la version galloise. C'est la pierre de Fâl ou pierre de souveraineté des traditions
irlandaises. Elle pousse des cris lorsque le roi qui doit règner y pose le pied. On retrouve la
problématique du siège périlleux.
Markale notait qu'à chaque fois qu'il est question du Graal, la femme est présente qui facilite ou
retarde le passage, l'initiation. D’où Le thème de la quête connaît un très grand succès littèraire dès
le XIIème siècle avec les continuateurs de Chrétien en Angleterre et sur le Continent (Le Lancelot
en prose est écrit par un collectif anglo-normand vivant dans la mouvance des Plantagenêts qui
favorisent sa diffusion dans tout le bassin méditerranéen).
En Italie, ce seront les récits de la Tavola Ritonda encore vivants aujourd'hui dans le Theatro dei
Puppi. En Espagne, Cervantes et son don Quichotte, lequel, sous un aspect plaisant, n'en fait
pourtant pas moins passer un message des plus importants et nous transporte dans l'Univers de la
Quète de la femme (Dulcinée) tandis que le plat à barbe qui l'accompagne partout signe assurèment
une filiation graalique.
Ce mythe est également présent dans les traditions mystiques orientales que notre auteur utilisera à
profusion maniant ave habileté les correspondances avec le romande Wolfram… Il existe, en effet,
en Iran, un conte d'esprit manichéen, le Conte de la Perle, où il est question de l'initiation d'un jeune
homme sans père et pauvrement vêtu.
On retrouve ce thème dans le Parzival de Wolfram qui reprend également à son compte toute la
problématique manichéenne : opposition jour /nuit, lutte entre Dieu et l'Ennemi.
Les descriptions du château du Graal ressemblent également beaucoup à celles du Ruh I Chwâdeha
aux confins d'Iran et d'Afghanistan. Le nom du château du Graal (Munsalvasche) en est d'ailleurs la
traduction exacte.
Notre ami, Mike Barry, a également depuis déjà plusieurs années mis en évidence les parentés
spirituelles entre la mystique musulmane du Moyen-Age et les récits du Graal. Il a publié une
traduction de deux oeuvres du poëte afghan Ahmad Shah Bâbâ, dont nous donnons les derniers
vers:
" Sois lumière de la lumière éternelle.
Et quand je vis le cadre du miroir, bien face à face,
Ton visage y fut la Splendeur de l'Etre.
Majestueuse y parut l'Existence du Monde.
Ahmad ! tais ces choses qui doivent être tûes,
Au sein de la Guilde des Hommes de Coeur demeure,
Et respire le parfum du Graal du bon roi Djam".
Et Mike Barry de commenter: "Ahmad Shah clôt son poème par une allusion à un Graal, symbole
multi séculaire à la fois royal et mystique. selon l'antique mythologie persane, le roi Djmashêd,
souverain de l'Univers, possédait une coupe dans laquelle il pouvait contempler le reflet du Cosmos
tout entier. Les rois de l'Iran se faisaient représenter avec une telle coupe, insigne de leurs
prétentions universelles".
Motif largement diffusé, ajoute Barry, dans les décors sculptés de l'Espagne mauresque, de la Sicile
arabo-normande, de l’Égypte fatimide, de la Turquie et de l'Iran seldjoukide, tous univers visités par
nos deux héros au long de leur longue errance.
Le Graal, attribué par les Musulmans tantôt à l'antique roi iranien Djamshed et tantôt aussi à
Alexandre le Grand, a pénétré l'Europe au XIIème siècle. Mike Barry observe à ce sujet que, tout
autant que dans nos romans de chevalerie, il se voit chargé dans la poésie musulmane d'un lourd
symbolisme mystique, représentant "l'âme du roi mystique accompli dont la méditation reflète le
Monde, le vin tout symbolique contenu par la Coupe est l'effluve de la Grâce divine dont s'abreuve
le Maître du Graal."
L’hérésie cathare occitane
Jean Fourquet nous dit que Wolfram a connu un changement majeur dans sa vie entre la rédaction
des deux moitiés du Parzival.<a>[3]</a> La première étant proche du texte de Chrétien et la
seconde plus spécifique, mystique voire ésotérique.
Au Livre X, on apprend que c’est un vieil homme Trevizent qui rappoirte l’historie du Graal à
Wolfram, la tenant lui-même d’un nommé Kyot de provens et qui l’aurait découverte à Tolède écrite
dans ne langue barbare par Flégétanis, descendant de Salomon par les femmes.
Ce "changement" dans la vie de Wolfram est interprétée souvent la conséquence de son sympathie
pour le catharisme qui se verra bientôt exterminé. Wolfram est trobador - chevalier ministerialis.
Les troubadours sont en générale des credens et Parzival serait un livre "voilé" de la littérature
cathare brûlé dans sa totalité dont il reste quelques exceptions.
Wolfram dit que Flegetanis l’astronome juif a vu le graal dans les étoiles, thème repris par René
Nelli [4] qui pense que Wolfram relie bon nombre de ses explications à des aspects astrologiques.
C’est aussi un nom de famille dans l’ampurdan dans le nord de la Catalogne. On sait aussi que
Wolfram fit le chemin de Compostelle (le chemin des étoiles suivant la voie lactée) et traversa de
ce fait les contrées de Provence et du Languedoc. On raconte en Espagne au Cebreiro où il a
séjourné un conte miraculeux de structure graalique avec présence du sang réel…
On le voit ces thématiques sont reprises dans le roman de Berling, les enfants du Graal se déclarant
à plusieurs reprises hérétiques, Yeza surtout, qui est fille de la martyre de Montségur,
Esclarmonde…
« Ils seront les souverains qui porteront en eux le royaume de Dieu, déclare Turnbull, leur
sauveteur. La catharsis de leurs parents sera la force motrice car cette forme purifiée du
christianisme unit en elle toutes les religions et parvient à les concilier … je vois les enfants à
Jérusalem, sur les lieux du Saint Sépulchre, là même où Mohammed est monté au ciel dans le
Temple de Salomon… »
Sur le versant maléfique, les nazis s'occupèrent du Graal pour se l'approprier. On sait que les
dignitaires du parti à la Croix Gammée encouragèrent un personnage énigmatique, Otto Rahn, à le
rechercher en pays cathare. L'on prête aussi à Hitler l'intention d'avoir voulu faire représenter le
Parzival de Wagner le jour de l'ultime victoire du nazisme. L'intérêt de l'Ordre Noir pour le Graal
provient d'une interprétation partielle et partiale alimentée par des fantasmes mortifères de la
description de la milice du Graal (les templiers), très élitaire dans le texte de Wolfram mais qui n'y
est pas moins orientée vers le bien et qui et dépositaire d'une tradition sacrée. Rien à voir, bien
entendu dans leur conduite avec les atrocités commises par les adeptes de la race soit disant pure.
Auraient-ils d'ailleurs vraiment lu le récit de Wolfram qu'ils y auraient appris la filiation dont se
réclame le poète: celle d'un Kyot le Provencal qui aurait trouvé à Tolède le manuscrit d'un clerc juif
du nom de Flegetanis descendant du roi Salomon. Dans cette affaire, un imaginaire morbide l'a très
vite emporté sur l'analyse littéraire la plus élémentaire. On connaît la suite...
Il n’empêche que l’évocation maintes fois réitérée du « sang réel » ou « sangréal » dans les romans
de Berling peuvent, pour des esprits un peu courts, être assimilés aux doctrines raciales du 3ème
Reich. Certes, il ne s’agit pas là de l’intention de l’auteur dont les visées sont incontestablement
autres.
« Ils sont les enfants du sang réal, les enfants du Graal, ils sont le sang réel, dit le représentant du
Prieuré de Sion, John Turnbull, Un jour le monde nous remerciera d’avoir sauvé ce sang, peu
importe le lieu où il se manifestera » (p 383 t 1).
La présence occitane est sans cesse rappelée dans le roman de Berling par des chansons empruntées
au répertoire des troubadours qu’il semble ainsi mettre au service des hérétiques…
Il faut toutefois dire que nous n’avons ici aucun lien avec la réalité historique et qu’il s’agit d’une
audace littéraire de l’auteur, en effet, après avoir examiné les liens entre le « trobar » et la
spiritualité cathare, Robert Lafont qui examine au fond les deux registres d’inspiration, conclut à ce
qu’il nomme « la marque par l’absence ». Les troubadours, qu’ils soient de circonstance honorant
une commande ou de grands seigneurs ne font jamais défense de l’hérésie et « même quand
l’hérésie les provoque à parler, elle ne semble pas les concerner» et de noter avec justesse que le
caractère anti mondain de la religion des Bons Hommes le tenait à l’écart d’une littérature
d’expression se situant à ses antipodes. Poésie anticléricale certes, volontiers frondeuse,
goliardique, mais non mystique au sens de la gnose dualiste albigeoise et plus vouée à lutter contre
l’Inquisition pour sauver une civilisation raffinée que par attachement hérétique… sauf à y voir un
codage spécifiquement ésotérique.
L’ésotérisme gnostique.
Les cinq romans de Berling, après d’autres auteurs, mettent en évidence nombre de filiations
ésotériques entre les rédacteurs des récits du Graal, les chevaleries monastiques et les sectes chiites
du Moyen-Orient, au XIIème siècle.
Dans l’évangile gnostique de Nicodème, Joseph d’Arimathie, disciple du Christ (celui-là même qui
embauma le corps de Jésus et offrit d’abriter la dépouille dans son tombeau), aurait recueilli, dans
une coupe d’émeraude, le graal, le sang divin tombé des blessures du Sauveur causées par le coup
de lance du centurion Longin, lors de la crucifixion. Quant à l’origine de cette pierre creusée en
forme de coupe, recueillie par Joseph d'Arimathie, il nous est rapporté par la légende née cette foisci à Jérusalem (Gnose Syrienne) que ce fut Saint Michel qui détacha la gemme magique lors d’un
coup de lance lorsque l’archange terrassa Lucifer.
La gnose chrétienne, aux origines et courants très divers, est une religion ésotérique chrétienne
souvent référée aux Evangiles apocryphes ou secrets et combattue par l’officialité catholique dés les
origines. Elle est basée, nous apprend Marie Madeleine Davy [7], sur le dépouillement, le
renoncement total, car l’attachement à soi est au monde et engendre l’opacité.
Au-delà de tout système, elle implique le dépassement de tout savoir par accès aux mystères
lesquels incorporent dans leur compréhension le passé juif, voire le soufisme musulman. Située en
dehors du temps historique, la gnose permet de passer du monde visible à l’invisible, du sensible à
l’intelligible. Les gnoses hétérodoxes bannissent en outre les perspectives historiques et cosmiques,
la création étant le fait du démiurge, Dieu mauvais et inférieur, voire des anges après leur chute. De
ce fait le temps du monde est un perpétuel mensonge dont il convient de se sortir par le salut lequel
est dans sa fuite. Elle va jusqu’à contester l’humanité du Christ et son incarnation, son corps sa
passion, ses actes n’étant que symboles. Aussi la gnose se présente-t-elle sous la forme d’une voie,
d’un chemin et d’un cheminement. Etranger au monde, le gnostique s’évade du mal en cherchant sa
propre identité n’ayant pour seule ambition que d’étreindre le monde invisible en s’éveillant à luimême, car « quiconque accueille l’esprit entre en communication directe avec le divin »[8].
Se sauver, c’est prendre conscience de sa dispersion, en rassemblant ce qui est épars. « Aussi le
Parfait, ou Fils de Lumière, est fils de Roi. ».
Cette référence au caractère royal des enfants Roç et Yeza ainsi nommé chez Berling s’inscrit
totalement dans cette pensée comme l’idée maintes fois réaffirmée que c’est le chemin qui compte
plus que le but.
On assiste ainsi tout au long du récit à la mise en oeuvre au travers des épreuves traversées au
contact des trois ordres ésotériques qui les prennent en charge à une véritable quête de l’identité des
enfants du Graal dont la vocation n’est pas le royaume temporel que leur voudraient voir tenir les
puissants de ce monde, chacun tentant de les faire entrer dans son jeu ou au contraire s’évertuant à
les détruire.
Leur ultime chemin les conduira au temple de Salomon et comme les chevaliers au cœur pur du
roman arthurien, Galaad, Bohort et Perceval, ils feront l’unité autour d’eux des trois religions du
livre révélé, le moine le soufi et le rabbin en y ajoutant le chaman idolâtre rencontré dans les
steppes de l’Asie centrale.
Parfaits car cathares par leur mère, les enfants royaux Roç et Yeza sont encore Fils et fille de la
Lumière par leur liens avec les ordres ésotériques en quête de Lumière, soucieux de rassembler ce
qui est épars au centre du cercle sous l’injonction puissante d’un ordre qui rassemble les initiés et
qui les a préparés tout au long des années à ce grand projet, régner sur le royaume du Graal.
Car dit Roç Dieu nous parle du royaume de paix des rois du Graal que nous avons choisi (p 515)
La question du sang réel est aussi à référer à ces enseignements en effet les gnostiques attribuent
souvent leurs traditions à des personnages se situant en dehors du cercle des douze apôtres et l’on
voit Peter Berling faire état de façon indirecte amis constante à l’Evangile selon Marie. Epouse de
Jésus dans cette tradition, elle est la première à voir le Christ ressuscité et tient tête au premier chef
de l’Eglise l’apôtre Pierre, défiant son autorité comme le feront après elle les chrétiens gnostique
qui se réclameront d’un enseignement secret du Christ, à partir de récits qui commencent là ou les
autres finissent avec des récits où le Christ spirituel apparaît à ses disciples et s’offre à leur
enseigner les mystères du plan sacré de l’univers et de son destin.
De même Roç apprend, dans le roman les secrets de l’univers auprès des maîtres musulmans et
cabbalistes tandis que Yeza sera initiée à la compréhension des livres protégés dans la grande
bibliothèque d’Alamut. Il n’existe dit encore Roç qu’une seule révélation celle du sceau de Salomon
derrière laquelle se dissimule le mystère.
Après une descente au creux de la montagne sainte, Roç et Yeza seront invités à se tenir au dessus
des religions hostiles, ils découvriront après un long cheminement une pierre « sombrement
éclairée » au milieu d’un bassin « ayant l’apparence d’une vulve ouverte dans le giron de la GrandMère universelle. Après s’être abreuvés au calice ils ressortiront magnifiés ayant traversé le temps
et le Graal, la connaissance douloureuse d’un savoir qui englobe toute chose.
Le scénario initiatique est ici parfaitement établi et trouve son achèvement au royaume du Graal
royaume de paix, ainsi, « celui qui veut connaître le graal doit être prêt à brûler dans la Lumière des
lumières car il voit Dieu dans toute sa splendeur », au delà de ce monde qualifié par Yeza de
« monde du démiurge ». Et le grand secret de la création ne peut être exprimé en mots par des êtres
humains …Au commencement était le Verbe… ».

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